19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/10


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Les effets des conclusions de la COP 21 en matière de politique européenne des transports»

(avis d’initiative)

(2016/C 303/02)

Rapporteur:

Raymond HENCKS

Le 21 janvier 2016, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

Les effets des conclusions de la COP 21 en matière de politique européenne des transports

(avis d’initiative)

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l’information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 mai 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 26 mai 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 188 voix pour, 2 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE se félicite de l’adoption de l’accord de Paris par la 21e session de la Conférence des parties (COP 21) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ainsi que de la contribution prévue déterminée au niveau national (CPDN) de l’Union européenne (UE) et de ses États membres, prenant l’engagement d’une réduction des émissions domestiques des gaz à effet de serre (EGES) d’au moins 40 % vers 2030 et de 80 à 95 % à l’horizon 2050 par rapport au niveau d’émissions de 1990.

1.2

Il approuve également le fait que cet objectif devra être atteint collectivement et par une responsabilité partagée entre l’UE et les États membres, et que de nouvelles CPDN seront communiquées tous les 5 ans.

1.3

En ce qui concerne les transports, l’objectif d’une réduction de 60 % des EGES par rapport au niveau d’émissions de 1990 reste très ambitieux et nécessite de gros efforts. Même si la décision concernant la répartition des efforts pour la période en vigueur jusqu’à 2020 (décision 406/2009/CE), de même que la future décision pour la période 2020-2030, laissera la main entièrement libre aux États membres dans le choix des secteurs économiques qui devront réduire leurs EGES, la Commission suggère néanmoins, si des efforts supplémentaires étaient nécessaires, d’utiliser des quotas internationaux et d’éviter des engagements supplémentaires pour les secteurs qui ne relèvent pas du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE-UE) [COM(2015) 81], et estime, en ce qui concerne les transports, que «l’on peut obtenir des réductions plus fortes dans d’autres secteurs de l’économie» [COM(2011) 144]. L’objectif d’une réduction de 60 % des EGES concernant les transports peut donc toujours être considéré comme d’actualité et conforme à l’objectif général de l’UE dans le cadre de la COP 21, à condition que les actions et initiatives afférentes soient mises en œuvre d’urgence, avec la détermination requise et dans les meilleurs délais.

1.4

Néanmoins, cela ne dispensera pas l’Union et les États membres de réévaluer les différentes actions et initiatives engagées ou prévues dans le livre blanc sur les transports [COM(2011) 144 final] et dans la feuille de route sur un cadre stratégique pour une union de l’énergie stable [COM(2015) 80 final], par rapport à leur efficacité, leur faisabilité et, plus particulièrement, par rapport à l’objectif de décarbonisation du transport, et de les réformer et/ou d’en ajouter de nouvelles dans le cadre de la révision du livre blanc «Transport» annoncée pour 2016, sans pour autant nuire à la compétitivité de l’UE. Certaines d’entre elles seront de nature législative, mais la plupart devront se fonder sur des contributions volontaires nationales en vue d’un changement de comportement ou d’habitude, indispensables au succès.

1.5

Le CESE attire également l’attention sur l’importance de l’action prévue par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) afin d’établir un système d’échange de quotas d’émission (SEQE) mondial pour l’aviation et par l’Organisation maritime internationale (OMI) afin de surveiller les émissions du transport maritime et appelle à viser des résultats ambitieux dans le cadre des négociations en cours avec ces organisations.

1.6

Il souligne qu’il convient d’appliquer le principe du pollueur-payeur avec flexibilité, en particulier dans le cas des zones reculées rurales, montagneuses et insulaires, afin d’éviter des effets inversement proportionnels aux coûts et afin de préserver son utilité comme moyen d’infléchir les choix concernant l’organisation des opérations de transport tout en supprimant toute concurrence déloyale entre les divers modes de transport. Le CESE préconise d’envisager d’instaurer une organisation globale du transport rural dans les régions, et ce pour se conformer à l’accord conclu dans le cadre de la COP 21 et répondre aux besoins des populations vulnérables.

1.7

De toute façon, l’application du principe du pollueur-payeur ne suffira pas pour assurer la transition vers une société à faible utilisation de carbone. Des mesures supplémentaires, telles que l’accroissement de l’efficacité énergétique, de l’électromobilité, du covoiturage et de la comodalité, le développement des sources d’énergie alternatives et l’élaboration de normes de qualité environnementale et, avant tout, la promotion des transports publics, sont d’autant plus importantes.

1.8

En ce qui concerne les bioénergies, il convient de déployer des efforts continus pour atteindre des taux plus élevés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et éviter les changements dans l’affectation des sols. En conséquence, il faudra continuer à promouvoir davantage l’exploitation énergétique des résidus, des sous-produits et des déchets pour la production de carburants. Il existe encore un certain potentiel pour les biocarburants dans le fret routier, l’aviation et le transport maritime. Ils ne constituent toutefois pas une option qui serait suffisante en soi et ne dispensent pas de développer et de promouvoir des solutions visant à remplacer le moteur à combustion par la mobilité électrique et/ou les technologies de l’hydrogène ou d’autres sources d’énergie alternatives et durables.

Finalement, il ne s’agira pas de freiner la mobilité en tant que telle mais de réduire les déplacements motorisés individuels dès lors qu’une alternative valable existe et de favoriser les transports collectifs dans l’intérêt général de l’environnement, afin d’éviter que les villes n’étouffent à cause de la circulation.

1.9

Le désinvestissement dans les activités polluantes ne devra pas être l’affaire des seuls gouvernements et ne pourra se faire sans la sensibilisation et la mobilisation de l’ensemble de la chaîne de transport (constructeurs, transporteurs, utilisateurs) au moyen de mesures législatives ou incitatives, voire dissuasives. Le renforcement des capacités, l’assistance technique et la facilitation de l’accès au financement aux niveaux local et national sont essentiels à la transition vers un système de transport à faible carbone. Tout en intégrant tous les modes de transport, les programmes d’investissement de l’Union européenne accorderont alors la priorité aux projets les plus efficaces d’un point de vue climatique, en utilisant pour ce faire des critères d’évaluation cohérents avec les conclusions de la COP 21.

1.10

La forte mobilisation dont ont fait preuve des organisations de la société civile et des acteurs économiques et sociaux dans le cadre de la COP 21 devra être poursuivie pour amplifier un mouvement civique pour la justice climatique et le désinvestissement dans les activités polluantes.

1.11

Par conséquent, le CESE recommande le recours au dialogue participatif avec la société civile, tel que défini dans son avis exploratoire du 11 juillet 2012 intitulé «Livre blanc des transports: l’acquisition du soutien de la société civile» (CESE 1598/2012).

2.   Décisions clés de la COP 21 — L’accord de Paris

2.1

La convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (à laquelle se réfèrent les accords de la COP 21 de 2015) se limitait à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre [le principal gaz à effet de serre dans le secteur des transports est le dioxyde de carbone (CO2), qui est émis lors de la phase de production pour l’électricité et lors des phases de production et de fonctionnement pour les carburants] dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. L’accord de Paris du 12 décembre 2015, en revanche, engage, pour la première fois, l’ensemble des 195 parties signataires de la convention-cadre précitée à accélérer la réduction des EGES, en vue de l’objectif ultime à long terme consistant à contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 oC (à l’horizon 2100) par rapport aux niveaux préindustriels et à poursuivre l’action menée pour la limiter à 1,5 oC, par opposition à l’actuelle trajectoire de 3 oC de réchauffement climatique à la fin du XXIe siècle.

2.2

Après ratification dudit accord, il incombera aux parties signataires d’engager et de communiquer les contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN) selon des programmes portant chaque fois sur 5 ans, en vue de la réalisation de l’objectif ultime.

2.3

L’entrée en vigueur de l’accord de Paris est prévue à partir de 2020, à condition qu’il ait été ratifié par au moins 55 États représentant au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre planétaires, sans préjudice de la possibilité, fortement recommandée, de l’appliquer avant qu’il ne soit entré en vigueur.

2.4

L’UE et ses États membres sont convenus, le 6 mars 2015, en conformité avec les conclusions du Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014, d’un objectif contraignant d’une réduction des EGES d’au moins 40 % vers 2030 et de 80 à 95 % à l’horizon 2050.

2.5

D’après les conclusions précitées, l’objectif devra être atteint collectivement par l’UE et les États membres, notamment par des réductions de 43 % à opérer d’ici à 2030 dans les secteurs relevant du SEQE et de 30 % dans les secteurs qui n’en relèvent pas (le tout par rapport à 2005), et par une participation conciliant équité et solidarité.

3.   La situation actuelle du secteur des transports de l’UE

3.1

Dans son livre blanc sur les transports de 2011 [COM(2011) 144 final], la Commission européenne avait déjà lancé un pressant appel concernant la nécessité de réduire sensiblement les EGES, afin que le changement climatique reste inférieur à 2 oC, tout en signalant qu’il est impératif de parvenir à une réduction des EGES dans les transports d’au moins 60 % par rapport au niveau d’émissions de 1990 et en notant par ailleurs qu’«on peut obtenir des réductions plus fortes dans d’autres secteurs de l’économie».

3.2

Le transport est responsable d’environ un quart des EGES de l’UE: 12,7 % des émissions globales «transport» sont générées par l’aviation, 13,5 % par le transport maritime, 0,7 % par le rail, 1,8 % par la navigation fluviale et 71,3 % par le transport routier (2008). L’impact environnemental d’un mode de transport ne dépend toutefois pas uniquement des émissions directes mais est également tributaire des émissions indirectes, qui sont surtout dues à la production de l’énergie nécessitée pour les déplacements.

3.3

Au niveau mondial, les transports représentent le secteur d’activité qui enregistre la plus forte croissance des émissions de CO2. Au sein de l’UE, le secteur du transport est, en volume, le deuxième émetteur de gaz à effet de serre. En outre, les émissions provenant de l’aviation et du transport maritime enregistrent la croissance la plus rapide, alors que ces secteurs n’ont pas été pris en considération dans l’accord de Paris.

3.4

Le livre blanc sur les transports de 2011 constate que le système de transport de l’UE n’est pas encore durable et, pour y remédier, prévoit:

de rompre la dépendance des transports à l’égard du pétrole sans sacrifier leur efficacité ni compromettre la mobilité;

d’utiliser l’énergie de manière plus limitée et d’améliorer les performances énergétiques des véhicules pour tous les modes de transport.

3.5

Dans le livre blanc sur les transports ainsi que dans la feuille de route sur un cadre stratégique pour une union de l’énergie stable, la Commission propose plusieurs mesures afin de développer un secteur des transports décarbonisé.

3.6

Les mesures suggérées comprennent des normes d’émissions de CO2 plus strictes pour les voitures et les camionnettes après 2020, des mesures pour améliorer l’efficacité des carburants et réduire les émissions des véhicules lourds, et une gestion améliorée du trafic. Il y a lieu d’encourager des systèmes de péage routier basés sur le principe du pollueur-payeur/usager-payeur, de même qu’un déploiement de carburants alternatifs, y compris l’électromobilité, en tenant particulièrement compte du besoin de déployer des infrastructures adéquates.

4.   Suites à réserver à l’accord de Paris

4.1

Après ratification dudit accord (jusqu’au 21 avril 2017), il incombera aux parties signataires d’engager et de communiquer des contributions déterminées au niveau national selon des programmes portant chaque fois sur 5 ans, en vue de la réalisation de l’objectif ultime.

4.2

L’Union européenne, peut, conformément à l’article 4, paragraphe 16, de l’accord de Paris, agir conjointement avec ses États membres, dans le cadre d’une responsabilité partagée, et devra notifier au secrétariat de l’accord de Paris le niveau d’émissions attribué à chaque État membre.

4.3

Selon l’article 4, paragraphe 9, de l’accord de Paris et de la décision 1/CP.21, les contributions établies selon un calendrier jusqu’à 2030 sont à communiquer ou à actualiser d’ici à 2020, un exercice à refaire tous les 5 ans dans le cadre d’une stratégie de développement à faible EGES à l’horizon 2050. Les contributions successives devront représenter une progression par rapport à la contribution antérieure (article 4, paragraphe 3).

4.4

Si l’Union européenne s’est d’ores et déjà fixé des objectifs et contributions à l’horizon 2030 et 2050, il reste que les niveaux des émissions globales (tous secteurs économiques confondus) estimés par la COP 21 sur la base des contributions nationales en 2030 (55 gigatonnes) sont insuffisants par rapport à l’objectif de maintenir la hausse de température en dessous de 2 oC, de sorte que des efforts supplémentaires sont indispensables pour diminuer les émissions à 40 gigatonnes.

4.5

Même si la décision concernant la répartition des efforts pour la période en vigueur jusqu’à 2020 (décision no 406/2009/CE) et la future décision pour la période 2020-2030 laisseront la main entièrement libre aux États membres dans le choix des secteurs économiques qui devront réduire leurs EGES, la Commission suggère dans sa communication intitulée «Protocole de Paris — Programme de lutte contre le changement climatique planétaire après 2020» [COM(2015) 81 final], si des efforts supplémentaires étaient nécessaires, d’utiliser des quotas internationaux et d’éviter des engagements supplémentaires pour les secteurs qui ne relèvent pas du SEQE. Le CESE a soutenu cette position de l’UE (avis NAT 665/2015). En outre, la Commission a retenu dans le livre blanc sur les transports qu’«on peut obtenir des réductions plus fortes dans d’autres secteurs de l’économie».

4.6

À la lumière de ce qui précède, et compte tenu du fait que la réduction de l’ordre de 60 % des EGES dans les transports avait déjà été décidée dans l’optique du maintien du changement climatique en dessous de 2 oC, bien avant la Conférence de Paris, le CESE estime que cet objectif d’une réduction de 60 % reste d’actualité et conforme aux décisions de la COP 21.

4.7

Il reste à noter que l’engagement de l’UE d’agir, au sein de l’OACI afin de soutenir le développement d’un SEQE planétaire pour l’aviation et au sein de l’OMI concernant l’obligation du transport maritime de rendre compte des EGES, ne fait pas partie de la CPDN. L’UE devrait inciter à obtenir des résultats ambitieux dans le cadre des négociations en cours avec l’OACI et l’OMI.

5.   La stratégie: ce qui doit être fait concrètement

5.1

Le CESE constate donc une grande cohérence entre la CPDN de l’UE et les objectifs définis dans diverses communications de la Commission relatives aux mesures de politique climatique en ce qui concerne les transports. Il reste toutefois urgent et impératif que les 40 actions et 131 initiatives du livre blanc sur les transports soient mises en œuvre avec la détermination requise et dans les meilleurs délais.

5.2

Néanmoins, il convient de réévaluer les mesures du livre blanc sur les transports traitant de la réduction des EGES à la lumière de la CPDN de l’UE et des objectifs définis dans le paquet sur l’union de l’énergie lors de la révision dudit livre blanc en 2016, annoncée par la Commission (1).

5.3

Il s’agira d’évaluer les différentes initiatives engagées au titre du livre blanc sur les transports et du paquet sur l’union de l’énergie, par rapport à leur efficacité, à leur faisabilité et, plus particulièrement, par rapport à l’objectif de décarbonisation du transport, ainsi que de les réformer et/ou d’en ajouter de nouvelles. Certaines d’entre elles seront de nature législative, mais la plupart devront se fonder sur des contributions volontaires nationales en vue d’un changement de comportement ou d’habitude, indispensable au succès.

5.4

La transition vers un transport à faible carbone pose les défis suivants:

réaliser une articulation juste entre les impératifs économiques et sociaux,

tenir compte de l’intérêt général et des impératifs environnementaux,

ne pas freiner la mobilité en tant que telle, réduire substantiellement la circulation et les transports individuels par des mesures d’aménagement du territoire et de politique économique dans les centres urbains et périurbains, et promouvoir les transports collectifs,

influencer les comportements, y compris les habitudes de déplacement, tout comme une logistique efficace de transport de marchandises, également en milieu urbain, et favorisant des solutions coopératives en vue de l’utilisation optimale des ressources,

promouvoir la comodalité.

En matière de transport, des activités adéquates destinées à diminuer les émissions aux niveaux national et infranational permettraient d’engager les villes dans une voie qui; pour 2050, les réduirait de 50 % par rapport à un scénario de statu quo. Les démarches isolées qui existent déjà devraient être intégrées dans des politiques de planification stratégique de la mobilité qui permettent une meilleure coordination entre les politiques urbaines et celles du transport. Le renforcement des capacités, l’assistance technique et la facilitation de l’accès au financement aux niveaux local et national sont des éléments essentiels pour réaliser ces objectifs.

5.5

Le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, les Fonds structurels et de cohésion, le Fonds européen pour les investissements stratégiques, ainsi que tout autre programme de l’UE soutenant les investissements dans les transports, dans le cadre du financement de projets, accorderont la priorité aux projets les plus efficaces d’un point de vue climatique, tout en intégrant, dans le même temps, les différents modes, afin de réaliser un réseau européen de transport. Les critères d’évaluation des demandes de financement incluront des références explicites aux principes correspondant aux conclusions de la COP 21.

5.6

La répartition des efforts entre les États membres et entre les secteurs SEQE et hors SEQE, y compris les transports, sera un élément clé pour la mise en œuvre de la CPDN de l’UE et devra également être en conformité avec les objectifs stratégiques de celle-ci. Cette répartition doit prendre en considération les conclusions du Conseil européen d’octobre 2014, afin d’arriver à un résultat équilibré, compte tenu de l’efficacité par rapport aux coûts et à la compétitivité. Ces paramètres devraient prévaloir lors de la décision concernant les efforts pour la période 2020-2030 qui sera prise en 2016 [COM(2015) 80, annexe 1], tout en tenant compte du maintien de la compétitivité de l’UE.

5.7

La révision précitée du livre blanc devra, en outre, prévoir des moyens spécifiques pour animer un large débat avec la société civile, étant entendu qu’une acceptation sociale de mesures, parfois peu populaires, est indispensable, alors que toutes les actions resteront inefficaces si tous ceux à qui elles s’adressent ne s’identifient pas avec la démarche. La forte mobilisation dont ont fait preuve des organisations de la société civile et des acteurs économiques et sociaux dans le cadre de la COP 21 devra dès lors être poursuivie pour amplifier un mouvement civique pour la justice climatique et le désinvestissement dans les activités polluantes.

5.8

Il y a lieu de promouvoir et d’étendre les initiatives telles que l’initiative mondiale pour les économies de carburant (GFEI), réunissant des pays qui s’engagent à élaborer des politiques et des réglementations sur l’efficacité énergétique des véhicules, ou la déclaration de Paris sur l’électromobilité et les changements climatiques et l’appel à l’action connexe, s’appuyant sur les engagements de centaines de partenaires à déployer des efforts décisifs en faveur de l’électrification durable des transports, l’initiative MobiliseYourCity, qui vise à aider des villes et des pays en développement ou émergents à concevoir et mettre en œuvre des plans de mobilité urbaine durable et des politiques de transports urbains à l’échelle nationale, ou encore le plan d’action mondial pour un fret respectueux de l’environnement.

5.9

Comme l’a déjà signalé le CESE (2), la gouvernance participative requiert une bonne structure organisationnelle et procédurale pour être efficace et atteindre les objectifs poursuivis. L’engagement des parties prenantes en faveur d’un développement durable à long terme est plus efficace s’il est organisé comme un processus continu et propice à une démarche d’ensemble plutôt que sous la forme d’un engagement isolé ou ponctuel.

5.10

Le CESE a décidé la création d’un forum de la société civile européenne en faveur du développement durable, qui devrait fournir un cadre structuré et indépendant pour la participation de la société civile à la mise en œuvre, au suivi et au réexamen des questions horizontales relevant du programme de développement durable à l’horizon 2030 et en particulier de son objectif 13 (Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions). Pour les questions relatives au secteur du transport, il conviendra d’utiliser le dialogue participatif géré par le CESE et prévu pour la mise en œuvre du livre blanc de 2011 sur la politique des transports.

5.11

Le CESE travaille par ailleurs sur un avis (NAT/684) sur le thème «Construire une coalition entre la société civile et les collectivités infranationales pour concrétiser les engagements de l’accord de Paris». Au lieu d’ajouter encore une plate-forme d’engagements à celles qui existent déjà, l’accord de Paris devrait mettre en place un cadre général grâce auquel les actions des entités non étatiques et celles des gouvernements harmoniseront sur le long terme. La société civile joue un rôle absolument essentiel dans la mise en œuvre des engagements.

5.12

Le désinvestissement dans les activités polluantes ne devra pas être l’affaire des seuls gouvernements et ne pourra se faire sans la sensibilisation et la mobilisation de l’ensemble de la chaîne de transport (constructeurs, transporteurs, utilisateurs) au moyen de mesures législatives ou incitatives, voire dissuasives.

5.13

La stratégie d’engagements volontaires retenue par la COP 21 se limite pour chaque pays à indiquer des engagements non contraignants, alors que l’introduction d’une norme d’émissions contraignante serait certainement la solution la plus efficace pour obtenir le résultat escompté par l’accord de Paris. Néanmoins, la répartition au sein de l’UE des efforts pour la période 2020-2030 dont il est question au paragraphe 5.5 ci-dessus renforcera les engagements pris.

6.   Système du pollueur-payeur

6.1

Selon le traité de Lisbonne (voir article 191, paragraphe 2, TFUE), la politique de l’UE en matière d’environnement est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, et sur le principe du pollueur-payeur.

6.2

Il s’agit de faire payer le prix des dommages environnementaux dont sont responsables les pollueurs. Or dans les États membres, le prix du carbone s’inscrit de manière très différente dans les politiques climatiques, avec une prédominance des taxes qui, toutefois, touchent en premier lieu le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes et les emplois.

6.3

Selon le livre blanc sur les transports, les tarifs et les taxes doivent être restructurés afin de mieux tenir compte des principes du pollueur-payeur et de l’utilisateur-payeur.

6.4

L’approche telle que la conçoit la Commission se base sur un système de pollueur-payeur et sur les possibilités qu’offre la tarification routière en tant que moyen de financer la construction et l’entretien des infrastructures. Ce système est appelé à promouvoir des modes de transport durables, grâce à l’internalisation des coûts externes, et à assurer le financement.

6.5

Or, il existe dans l’Union un patchwork de systèmes différents et sans cohérence, constitué de péages électroniques, vignettes, taxes liées aux embouteillages, redevances au kilomètre calculées par satellite (GNSS). En outre, les règles de l’Union de taxation du transport routier pour véhicules lourds (Eurovignette) ne s’appliquent plus que dans 4 États membres, alors que d’autres États membres ne perçoivent même pas du tout de péage routier. Cette situation pose de sérieuses questions pour le développement du marché unique et pour les citoyens, avec des effets négatifs sur la croissance économique et l’accroissement des inégalités sociales dans de nombreux États membres. En plus, le fait de ne pas prélever des taxes d’utilisation du réseau routier peut avoir une incidence (sans parler des coûts des effets négatifs sur l’environnement) sur les conditions de concurrence vis-à-vis du transport par rail, dans la mesure où un service ferroviaire est disponible.

6.6

Toutefois, dans un système européen de taxation routière, il importe de prévoir une certaine flexibilité afin de pouvoir tenir compte de la situation des régions périphériques et des zones reculées rurales, montagneuses et insulaires qui sont à faible densité de population et sans alternatives valables au transport routier, de sorte qu’une internalisation des coûts externes serait sans effet sur les comportements ou sur l’organisation des transports et aurait pour seul effet de nuire à leur compétitivité. Le bien-être économique et social des régions rurales dépend d’un système de transport qui présente un bon rapport coût/efficacité tout en étant respectueux de l’environnement. Différentes formes de taxes sur le carbone ont été introduites par certains gouvernements en tant que moyen de réduire les émissions du secteur des transports mais elles n’ont pas réussi à limiter les émissions dues aux transports et ont grevé de manière significative le budget des familles, en particulier dans les zones rurales, isolées et montagneuses.

6.7

Selon la commissaire des transports, la Commission prévoit de proposer, vers la fin de 2016, un système européen pour les camions et les voitures particulières avec une réglementation uniforme pour la perception de péages dans tous les États membres de l’UE, basé exclusivement sur le nombre de kilomètres parcourus.

6.8

Le CESE se félicite de l’intention de la Commission d’harmoniser au niveau européen un système de taxation routier basé sur le principe du pollueur-payeur, mais estime que le volet «internalisation» de la tarification ne suffira certainement pas pour aboutir à une politique des transports durable, respectueuse des engagements pris dans le cadre de la COP 21, qui demande des mesures supplémentaires telles que l’accroissement de l’efficacité énergétique, de l’électromobilité, du covoiturage et de la comodalité, le développement des sources d’énergie alternatives, l’élaboration de normes de qualité environnementale et, avant tout, la promotion des transports publics.

6.9

Une autre des mesures pourrait être un prix carbone basé sur des critères économiques et sociaux. Un prix trop bas du pétrole, comme c’est le cas aujourd’hui, n’envoie certainement pas un signal à tous les acteurs du transport pour modifier leur comportement et prendre des mesures afin de réduire leur consommation d’énergie. Toutefois, des normes et standards plus stricts concernant le carburant, l’efficacité énergétique, la gestion informatisée de la circulation et le développement de carburants alternatifs peuvent ouvrir des passerelles vers une réduction des émissions, sans pour autant affecter la compétitivité de façon négative.

7.   Innovation, recherche et développement, carburants alternatifs

7.1

Le CESE insiste sur l’absolue nécessité d’une politique industrielle active et d’une recherche et d’un développement (R & D) coordonnés pour favoriser le passage à une économie à faible intensité de carbone. Déconnecter la hausse inévitable du transport de la baisse des émissions polluantes requiert des efforts de R & D soutenus.

7.2

La feuille de route sur les transports laisse entendre qu’il sera nécessaire de poursuivre le développement des biocarburants, en particulier pour ce qui est de l’aviation et des poids lourds, tout en relevant que des problèmes en matière de sécurité alimentaire et d’environnement sont liés au développement des biocarburants, et elle souligne qu’il importe de mettre au point des biocarburants plus durables de deuxième et troisième générations.

7.3

En ce qui concerne les bioénergies, il convient de déployer des efforts continus pour atteindre des taux plus élevés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et éviter les changements dans l’affectation des sols. En conséquence, il faudra continuer à promouvoir davantage l’exploitation énergétique des résidus, des sous-produits et des déchets pour la production de carburants. Il existe encore un certain potentiel pour les biocarburants dans le fret routier, l’aviation et le transport maritime. Ils ne constituent toutefois pas une option qui serait suffisante en soi et ne dispensent pas de développer et de promouvoir des solutions visant à remplacer le moteur à combustion par la mobilité électrique et/ou les technologies de l’hydrogène ou d’autres sources d’énergie alternatives et durables.

7.4

La transition vers la mobilité électrique devra s’accompagner de la transition vers la voiture à usage partagé. Il faudra toutefois rester conscient que, même avec une transition complète vers des moteurs à carburants durables, le risque que les villes étouffent dans le trafic reste d’actualité aussi longtemps que les transports collectifs et des systèmes de distribution efficaces ne deviennent pas la règle générale.

Bruxelles, le 26 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 291 du 4.9.2015, p. 14.

(2)  JO C 299 du 4.10.2012, p. 170.