2.2.2017 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 34/38 |
Avis du Comité économique et social européen sur «La démolition navale et la société du recyclage»
(avis d’initiative)
(2017/C 034/06)
Rapporteur: |
M. Martin SIECKER |
Corapporteur: |
M. Richard ADAMS |
Décision de l’assemblée plénière |
21 janvier 2016 |
Base juridique |
Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
|
|
Compétence |
CCMI |
Adoption en section spécialisée |
28 septembre 2016 |
Adoption en session plénière |
19 octobre 2016 |
Session plénière no |
520 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
202/2/3 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Les propriétaires de navires de l’Union européenne contrôlent quelque 40 % de la flotte marchande mondiale. Ils détiennent également environ un tiers du tonnage des navires en fin de vie échoués sur des chantiers non conformes aux normes en Asie du Sud. L’Union européenne est le marché qui envoie le plus de navires en fin de vie à la démolition dans des conditions dangereuses et polluantes. Abritant la plus grande communauté de propriétaires de navires au monde, elle détient également une responsabilité particulière pour ce qui est de la réglementation en matière de recyclage des navires. |
1.2. |
Le Comité économique et social européen (CESE) fait valoir qu’il est impératif, au vu de considérations sociales et morales, d’éliminer les abus liés au démantèlement irresponsable des navires en mettant en place un système qui apporterait une valeur ajoutée suffisante aux navires en fin de vie pour compenser les surcoûts engendrés par le recyclage responsable. Si un tel dispositif n’empêchera probablement pas le maintien d’une majorité des activités de recyclage dans les pays à faible coût de main d’œuvre, il permettrait d’assurer une amélioration des conditions de travail tout en réduisant l’empreinte environnementale. En outre, les chantiers de démantèlement européens gagneraient en compétitivité. |
1.3. |
Bien que les actions de l’Organisation maritime internationale (OMI) n’aient eu que peu d’effets jusqu’à présent, il convient de continuer à faire le maximum pour parvenir à un instrument universel juridiquement contraignant par l’intermédiaire de cette organisation. L’Union européenne peut jouer dans ce processus un rôle d’influence et de dynamisation. La recherche d’une solution efficace à la démolition irresponsable des navires est à l’ordre du jour de l’Union européenne depuis des années. Pour l’heure, elle a conduit à l’adoption du règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires, qui sera pleinement applicable d’ici au 31 décembre 2018. Ce règlement comporte cependant une faille fondamentale: les propriétaires de navires peuvent facilement le contourner en «dépavillonnant» leur navire et en l’immatriculant dans un pays tiers. |
1.4. |
Ce règlement est lacunaire en ce qu’il ne prévoit pas d’instrument économique qui permettrait à la Commission européenne d’influencer favorablement l’évolution de la situation. Un récent rapport extrêmement détaillé a défini un plan d’action pour la mise en place d’un tel instrument, qui repose sur l’instauration d’un «régime de licences de recyclage des navires». D’ici à la fin de l’année, la Commission présentera une proposition fondée sur cette approche, qui incitera les propriétaires de navires dont les bâtiments arrivent en fin de vie utile à procéder à leur démantèlement dans des installations agréées par l’Union européenne, selon des modalités socialement et écologiquement acceptables. |
1.5. |
L’un des atouts de ce dispositif financier est la synergie qu’il affiche avec le cadre réglementaire actuel. Les mécanismes de contrôle seraient compatibles avec ceux du règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires. L’administration et la mise en place d’une telle licence pourraient être gérées par les institutions européennes actuelles. Le CESE invite toutefois instamment la Commission à évaluer également le risque que les partenaires commerciaux de l’Union européenne ne perçoivent la proposition comme une interférence anticoncurrentielle dans la conduite du transport maritime international. |
1.6. |
Le seul moyen d’éliminer les pratiques condamnables actuelles est de reconnaître la responsabilité des propriétaires de navires en appliquant le principe du «pollueur-payeur» et d’intégrer le coût d’un recyclage responsable dans les frais d’exploitation des navires. Les utilisateurs et les transporteurs de marchandises en vrac, de fret et de passagers ont tous un rôle à jouer. Ils doivent d’abord reconnaître l’existence d’un grave problème, puis soutenir un mécanisme financier progressif et applicable tel que la licence de recyclage des navires, susceptible d’être étendue à l’échelle mondiale sous les auspices de l’OMI et au moyen d’une campagne d’information dépassant les frontières de l’Union européenne. |
1.7. |
Le CESE soutient la Commission dans sa démarche. Outre qu’il s’inscrit parfaitement dans la politique de l’Union européenne en faveur d’une société du recyclage, un tel projet peut constituer une avancée décisive dans la réforme de l’industrie dangereuse et polluante du démantèlement des navires en Asie du Sud, tout en empêchant sa délocalisation dans une autre région du monde. Le CESE reconnaît le potentiel de la convention internationale de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires (ci-après la «convention de Hong Kong»), pour autant qu’elle intègre les principes du règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires, et insiste également sur la nécessité de mettre en place un instrument financier. Il encourage l’Union européenne à fournir une assistance technique aux chantiers navals du monde entier pour les aider à respecter ces dispositions. |
2. État des lieux
2.1. |
L’économie mondiale ne peut pas se passer du transport maritime. Chaque année, environ 1 000 grands navires océaniques (pétroliers, porte-conteneurs, cargos et navires à passagers) sont vendus en vue d’être démantelés. Plus de 70 % de ces navires en fin de vie échouent sur des plages en Inde, au Bangladesh ou au Pakistan pour être soumis à de dangereuses opérations de démolition. Les autres sont démantelés principalement en Chine et en Turquie, où des infrastructures et des procédures appropriées débouchent sur des pratiques moins polluantes et plus sûres, pour peu que les procédures adéquates soient appliquées (1). |
2.2. |
La plupart des navires retirés du service sont démantelés dans des conditions inacceptables selon la méthode de l’«échouage». Cette méthode consiste à échouer littéralement les navires sur des plages, où ils sont ensuite démantelés par des travailleurs largement non qualifiés (dont des enfants, comme cela a été observé au Bangladesh), qui ne disposent pas des équipements adaptés et ne sont pas ou guère protégés contre les substances dangereuses libérées en grandes quantités lors du recyclage (2). |
2.3. |
L’industrie du recyclage des navires a migré vers l’Asie de l’Est (la Chine et Taïwan) dans les années 70, après la mise en place en Europe de normes plus strictes en matière d’environnement et de santé au travail. Puis, dans les années 80, le durcissement des règles dans cette zone géographique a, à son tour, entraîné le déplacement de ces activités vers l’Asie du Sud. Ces trente dernières années, 470 décès ont été enregistrés en Inde. En 2014, 25 décès et 50 accidents graves ont été signalés sur les chantiers d’Asie du Sud. L’an dernier, 16 travailleurs ont perdu la vie sur les chantiers du Bangladesh et 12 autres y ont péri depuis le début de cette année. Un nombre bien plus élevé de travailleurs sont gravement blessés ou tombent malades après avoir inhalé des émanations toxiques et meurent dans la souffrance des suites de cancers provoqués par une exposition à des substances dangereuses telles que l’amiante. L’environnement naturel autour de ces zones d’échouage est sévèrement dégradé (3). |
3. La cause du problème — Une fuite des responsabilités
3.1. |
L’absence d’une gouvernance internationale efficace qui permettrait de trouver une solution mondiale est au cœur du problème du recyclage des navires. L’OMI, une agence des Nations unies, est à l’origine de la convention de Hong Kong, qui n’a pas encore été ratifiée et dont l’application reste incertaine. Comme dans beaucoup d’autres domaines, l’Union européenne peut, en promouvant de bonnes pratiques et des solutions concrètes, proposer un cadre réglementaire et juridique vecteur d’évolutions positives à l’échelle mondiale et porteur de solutions efficaces aux problèmes extraterritoriaux spécifiques de l’industrie maritime. |
3.2. |
Le droit international exige que chaque navire marchand soit enregistré dans un pays. Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), près de 73 % de la flotte maritime mondiale est enregistrée dans un pays ou bat pavillon d’un pays autre que celui dans lequel le propriétaire effectif des navires est enregistré. Les raisons poussant les propriétaires de navires à battre pavillon étranger incluent l’évasion fiscale, la possibilité de se soustraire à la réglementation nationale en matière de travail et d’environnement et la possibilité de recruter des équipages provenant de pays où la main-d’œuvre est meilleur marché. Un grand nombre de ces registres ouverts sont également désignés sous les termes de «pavillons de complaisance» ou «pavillons de non-respect». Il s’agit de pavillons de pays connus pour leur application toute relative du droit international. Environ 40 % de l’ensemble des navires en fin de vie échoués en Asie du Sud ont été importés sous des pavillons de complaisance ou des pavillons de non-respect, tels que ceux de Saint-Christophe-et-Niévès, des Comores et des Tuvalu. Ces pavillons «de fin de vie» ne sont guère utilisés pendant la période d’exploitation d’un navire et permettent de bénéficier de taux d’escompte spéciaux pour le voyage final, ainsi que d’obtenir rapidement et aisément une immatriculation à court terme, sans aucune condition de nationalité. |
3.3. |
Seul un petit nombre de propriétaires ont volontairement pris des mesures pour veiller à ce que leurs navires obsolètes soient recyclés de manière non polluante et sûre. Moins de 8 % des navires vendus en vue d’être démolis battent encore pavillon de l’Union européenne. Ces derniers sont essentiellement démantelés de manière sûre et durable. La plupart des navires qui arrivent en fin de service sont vendus à des acheteurs au comptant (cash buyers), qui les acheminent vers leur destination finale en Asie du Sud. La plupart des propriétaires de navires ne traitent pas directement avec les installations de recyclage. Très opportunément, ils délèguent les activités d’élimination à ces acheteurs au comptant spécialisés dans les navires en fin de vie, qui jouent le rôle d’intermédiaire entre les propriétaires de navires et les chantiers de démantèlement. Les services qu’ils proposent comprennent le déplacement et la dotation en personnel d’un navire lors de son dernier voyage, l’obtention des documents nécessaires et le contact avec les autorités sur le lieu de démolition. Ces pratiques sont utilisées par les propriétaires de navires tant privés que publics. |
3.4. |
Ce secteur d’activité est rentable pour:
|
3.5. |
Si des propriétaires de navires ont entrepris depuis 2009 des actions coordonnées sur une base volontaire, telles que l’élaboration de lignes directrices pour l’établissement d’inventaires des matériaux dangereux et l’adoption d’autres mesures concernant la fin de vie, le Bangladesh, où les conditions sont réputées les plus mauvaises, était en 2015 la destination privilégiée des navires en fin de vie (4). |
4. Traiter le problème — Tentatives de responsabilisation
4.1. |
L’OMI a adopté en 2009 la convention de Hong Kong. Cet instrument, qui vise spécifiquement le transport maritime, fixe un cadre réglementaire qui doit permettre d’établir les conditions de concurrence équitables et durables nécessaires aux activités de recyclage des navires dans le monde. Dans les faits, cet objectif ne résiste pas à l’examen. Cette convention constitue certes une modeste avancée, mais les dispositions régissant la manière dont elle sera mise en œuvre et appliquée sont faibles et ouvertes à de multiples interprétations; elle ne prévoit pas de système indépendant de certification ou de contrôle et n’interdit pas, dans les faits, l’échouage des navires. |
4.2. |
La convention de Hong Kong n’entrera en vigueur que vingt-quatre mois après sa ratification par quinze États, représentant 40 % du tonnage mondial et dont la capacité annuelle de recyclage des navires représente au moins 3 % du tonnage combiné des signataires. À ce jour, seuls cinq pays l’ont ratifiée, le Panama étant le seul grand État de pavillon à l’avoir fait. Aucun d’entre eux ne respecte cependant l’exigence relative à la capacité de recyclage des navires qui permettrait l’entrée en vigueur de la convention, laquelle n’est donc pas attendue de sitôt. |
4.3. |
Autre initiative de l’OMI, le Fonds international d’affectation spéciale pour le recyclage des navires n’a pas reçu de soutien sur la scène internationale. Si l’OMI a mené à bien des réformes positives dans plusieurs domaines du secteur maritime, elle ne peut se prévaloir d’une action efficace en matière de démantèlement des navires. L’industrie du recyclage des navires a eu tendance à localiser ou à relocaliser ses activités dans des pays où la main-d’œuvre est bon marché et où les normes en matière d’environnement, de santé et de sécurité sont à la fois faibles et inappliquées. Le seul moyen de supprimer le rôle «facilitant» de ces pays est de constituer, pour chaque navire, un important fonds financier, géré par une entité indépendante, qui pourra être récupéré pour autant que le navire soit recyclé de manière responsable. Le transport maritime est une industrie mondiale. Le démantèlement des navires, lui, est un scandale régional (70 % des bâtiments étant démantelés sur trois plages d’Asie du Sud) qui mérite une solution efficace. |
4.4. |
Au sein de l’Union, les navires retirés du service sont considérés comme des déchets dangereux et relèvent de la convention de Bâle régissant tout type de transport des déchets dangereux, transposée au niveau de l’Union européenne par le règlement sur les transferts de déchets. Ces dispositions auraient théoriquement dû empêcher l’élimination irresponsable des navires battant pavillon de l’un des États membres de l’Union. Les dispositions de ladite convention et du règlement sur les transferts de déchets sont en outre systématiquement contournées par les propriétaires de navires, qui vendent leurs bâtiments en fin de vie à des acheteurs au comptant dès qu’ils quittent les eaux territoriales européennes pour leur dernier trajet. Cependant, après l’entrée en vigueur sur le territoire de l’Union européenne du règlement relatif au recyclage des navires, les navires retirés du service qui battent pavillon d’un État membre de l’Union européenne sortiront, à compter de 2019, du champ d’application du règlement de l’Union européenne sur les transferts de déchets et de la convention de Bâle, qui régit tout type de transport des déchets dangereux. |
4.5. |
Après analyse, l’Union européenne et ses États membres ont conclu que les conventions de Hong Kong et de Bâle semblent assurer un niveau équivalent de contrôle et d’application des règles pour les navires considérés comme des déchets. Des ONG du monde entier, le rapporteur spécial des Nations unies sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des déchets toxiques ainsi que le Parlement européen et le CESE ont reproché à la convention de Hong Kong de ne pas proposer de solutions appropriées. |
4.6. |
La recherche d’une solution efficace est à l’ordre du jour de l’Union européenne depuis des années. La Commission a publié en 2007 un livre vert (5) sur ce sujet, suivi en 2008 par une communication (6), puis par une proposition de règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires (7) en 2012. Le règlement est entré en vigueur le 30 décembre 2013, mais sa pleine application n’est prévue que pour le 31 décembre 2018. Le règlement prévoit une entrée en vigueur précoce de certaines exigences de la convention de Hong Kong. Il établit en outre une liste européenne des installations de recyclage agréées, où les navires battant pavillon de l’Union européenne devront être démantelés. Ces installations doivent faire l’objet d’une procédure d’agrément et d’audit indépendante. Le règlement va par ailleurs au-delà de la convention de Hong Kong en fixant des normes plus strictes pour les installations de recyclage, ainsi qu’en abordant la question de la gestion des déchets en aval et celle des droits du travail. |
4.7. |
Le règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires n’est toutefois qu’un pâle reflet du livre vert et de la communication publiés précédemment sur le même sujet. Ces deux documents présentaient une analyse rigoureuse des problèmes liés au recyclage des navires en Asie du Sud et signalaient la nécessité de prendre des mesures fermes afin de remédier à la situation intolérable que connaissent les pays de cette région. Néanmoins, les mesures prévues par ledit règlement ne permettent pas de résoudre ces problèmes. Celui-ci fixe certes des normes élevées pour les installations de recyclage des navires, normes auxquelles la méthode de l’échouage ne répond manifestement pas, mais les propriétaires de navires n’ont aucun mal à les contourner en procédant à un transfert de propriété ou en dépavillonnant leur navire et en l’immatriculant dans un pays tiers. Le CESE avait déploré le manque cruel de volonté politique de mettre le secteur maritime devant ses responsabilités. Il attendait de la Commission une proposition plus pertinente, créative, audacieuse et riche en initiatives, et aussi ambitieuse que les documents publiés auparavant (8). |
5. Une approche plus efficace
5.1. |
Ce règlement est lacunaire en ce qu’il ne prévoit pas d’instrument économique qui permettrait à la Commission d’influencer favorablement l’évolution de la situation. La faille fondamentale qui permet aux propriétaires de navires de se soustraire si facilement au règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires en dépavillonnant leurs navires et en les immatriculant dans un pays tiers a été reconnue par la Commission dans sa proposition initiale de 2012, qui comprenait une clause sur la «responsabilité de l’avant-dernier propriétaire». Si cette clause a été rejetée lors des négociations tripartites, le Parlement européen a veillé à ce qu’un article invitant la Commission à réfléchir à la possibilité d’autres mécanismes financiers soit inclus dans le règlement. |
5.2. |
La Commission a publié en juillet dernier une nouvelle étude, réalisée par Ecorys, DNV-GL et l’université Erasmus de Rotterdam, sur une «licence de recyclage des navires» visant à encourager les propriétaires à assumer enfin leurs responsabilités en ce qui concerne le démantèlement non polluant et sûr des navires. |
5.3. |
Une telle licence de recyclage s’accompagnerait de la création d’un fonds dédié spécifique à chaque navire, déposé dans un compte d’une grande institution financière qui gérerait le capital accumulé afin de financer un recyclage sûr et durable. Le montant de la licence serait déterminé en tenant compte du tonnage, du type de transport, de la fréquence des escales dans l’Union européenne, de la conception (sur la base du principe «du berceau au berceau») et de la présence de matériaux toxiques à bord. Le capital serait constitué par les propriétaires de navires, qui, à chaque escale d’un de leurs bâtiments dans un port de l’Union européenne, verseraient la cotisation appropriée au fonds spécifique qui lui est associé. |
5.4. |
En fin de vie, si le navire a été recyclé dans un chantier agréé par l’Union européenne, cette somme pourra être restituée, ce qui permettra de compenser le surcoût d’un démantèlement responsable. La Commission présentera d’ici à la fin de l’année une position formelle sur cette étude. |
5.5. |
L’un des atouts principaux de ce système est la synergie qu’il affiche avec le cadre réglementaire actuel. Les mécanismes de contrôle qui accompagnent ce dispositif financier seraient notamment parfaitement compatibles avec les procédures de vérification actuelles prévues par le règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires, telles que les inspections des installations avant et après leur inclusion sur la liste européenne. Les licences pourraient également être incluses sur la liste des certificats à vérifier régulièrement dans le cadre du contrôle par l’État du port au titre des obligations préexistantes. De même, l’actuelle Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM) paraît tout à fait adaptée pour conduire les inspections et émettre les licences, alors que des institutions financières européennes telles que la Banque européenne d’investissement (BEI) ou le Fonds européen d’investissement (FEI) pourraient parfaitement gérer les flux financiers issus d’une telle licence de recyclage. Le CESE invite instamment la Commission à évaluer également le risque que les partenaires commerciaux de l’Union européenne ne perçoivent la proposition comme une interférence anticoncurrentielle dans la conduite du transport maritime international. |
5.6. |
Un tel fonds irait dans le sens de la proposition du CESE en faveur du développement d’une industrie viable du recyclage des navires en Europe. Il existe au sein de l’Union européenne des capacités suffisantes qui ne sont plus exploitées pour la construction et la réparation de navires, mais qui conviennent au recyclage de navires retirés du service. Cette démarche s’inscrit parfaitement dans l’objectif que poursuit l’Union européenne de devenir, à terme, une société durable basée sur le recyclage, avec une économie circulaire où les déchets sont transformés en matières premières grâce à un système de recyclage élaboré et bien conçu. Étant donné les prix des matières premières, qui sont tour à tour instables et en hausse constante, le chômage élevé dans plusieurs États membres de l’Union européenne et le fait qu’un certain nombre de plates-formes pétrolières dans les eaux territoriales européennes arrivent en fin de vie économique, cette piste pourrait se révéler très rentable pour l’Europe dans son ensemble. De plus, une filière spécialisée dans le recyclage des navires en fin de vie représenterait une occasion pour le développement des territoires maritimes, ainsi que pour la formation des jeunes et des chômeurs aux métiers émergents. |
5.7. |
Le 12 avril 2016, la Commission a publié une note technique explicative concernant les installations de recyclage de navires sollicitant une certification au titre du règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires. Les installations souhaitant figurer sur la liste agréée par l’Union européenne doivent garantir des conditions de travail saines et sûres, contrôler la pollution — notamment en gérant correctement les déchets en aval — et veiller au respect du droit international du travail. Les installations situées au sein et en dehors de l’Union européenne peuvent présenter une demande. Outre les installations de l’Union européenne, les meilleurs chantiers de Chine et de Turquie se trouveront très probablement sur cette liste, qui sera publiée d’ici la fin de cette année. Des sites de recyclage qui ont recours à la méthode de l’échouage ont déjà demandé à figurer sur la liste de l’Union européenne. Le CESE convient avec le Parlement et la Commission que les sites qui pratiquent la méthode de l’échouage actuelle ne devraient pas être admis sur cette liste. |
5.8. |
Pour poursuivre son objectif d’élimination responsable des navires, il semble logique que l’Union européenne veille à ce que le coût d’un tel démantèlement soit intégré dans leurs coûts d’exploitation. Dans une économie de marché, rien n’est gratuit et tout a un coût. Quand les navires sont démantelés de manière responsable, la transaction est pécuniaire. En revanche, lorsqu’ils le sont de manière irresponsable, c’est au prix de la destruction de l’environnement local et de la perte de vies humaines. Puisque l’Union européenne ne souhaite pas accepter ces valeurs comme moyen de paiement légal, elle ne devrait pas non plus autoriser qu’elles fassent office de devise légitime dans ses flux de paiements avec des pays tiers en développement. |
5.9. |
Le secteur est actuellement en proie à des problèmes de surcapacité et à une baisse des marges. Il est donc raisonnable de s’attendre à ce que la grande majorité des propriétaires de navires s’opposent à toute mesure impliquant une augmentation de leurs charges. Or, l’impact financier pour les propriétaires de navires sera modéré. On estime que les mesures nécessaires pour modifier le comportement de 42 % des propriétaires entraîneront une augmentation des frais d’exploitation de 0,5 % pour les navires de plus petite taille et d’environ 2 % pour les catégories de navires aux dimensions les plus grandes. L’augmentation des frais de licence et/ou la diminution de la durée d’accumulation du capital porteraient le pourcentage de navires vendus en vue d’un recyclage durable à un niveau plus élevé encore, pouvant atteindre 68 %. Le rapport estime qu’à long terme, jusqu’à 97 % des navires en activité dans les ports européens seront en mesure d’accumuler les fonds nécessaires pour couvrir les frais supplémentaires induits par un recyclage responsable (9). |
5.10. |
Reste cependant à démontrer que les revenus issus de la licence de recyclage permettront de couvrir les coûts liés à un recyclage responsable et que le système de prélèvement sera appliqué de manière équitable à tous les transporteurs faisant escale dans les ports européens. Toutefois, une mesure régionale (c’est-à-dire à l’échelle du continent européen) telle que la licence de recyclage de l’Union européenne ne peut être mise en œuvre efficacement au niveau mondial sans la coopération des propriétaires de navires et de l’OMI. Un dispositif financier de l’Union européenne applicable à tous les navires faisant escale dans un port du territoire de l’Union pourrait poser les jalons d’une telle solution à l’échelle mondiale, qui pourrait être élargie par l’intermédiaire de l’OMI. Les gouvernements des États membres où résident de nombreux propriétaires de flotte doivent déployer des efforts considérables pour faire avancer la législation pertinente et l’aligner sur les politiques de lutte contre la fraude et les orientations de l’Organisation mondiale du commerce. |
5.11. |
Une opinion publique informée peut également générer et appuyer une volonté politique. Le fait de mettre au jour les conditions scandaleuses qui existent dans la plupart des installations de recyclage en Asie du Sud a une certaine incidence, mais, à l’heure actuelle, les citoyens préoccupés par cette situation n’ont aucun moyen d’influencer directement l’industrie des transports maritimes en achetant ou en boycottant les services concernés. Il convient de changer cet état de fait en encourageant les grandes entreprises utilisatrices de services de fret maritime à exiger que leurs marchandises soient transportées par des navires soumis à des politiques de fin de vie responsables et irrévocables. |
5.12. |
Comme dans beaucoup d’autres domaines, l’Union européenne a un rôle à jouer et peut, en promouvant de bonnes pratiques et des solutions concrètes, proposer un cadre réglementaire favorable, vecteur d’évolutions positives à l’échelle mondiale et porteur de solutions efficaces aux problèmes extraterritoriaux spécifiques de l’industrie maritime. |
Bruxelles, le 19 octobre 2016.
Le président du Comité économique et social européen
Georges DASSIS
(1) Liste de tous les navires démantelés dans le monde en 2015.
(2) Le démantèlement de navires au Bangladesh et en Inde. Vidéo de National Geographic, Where Ships Go to Die, Workers Risk Everything (Là où les navires vont s’échouer, les travailleurs risquent tout), 2014.
(3) Plate-forme des organisations non gouvernementales (ONG) sur la démolition navale.
(4) Shipping Industry Guidelines on Transitional Measures for Ship owners Selling Ships for Recycling (Orientations à l’intention de l’industrie du transport maritime en préparation de l’entrée en vigueur du règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires), 2e édition, janvier 2016 (en anglais).
(5) COM(2007) 269.
(6) COM(2008) 767.
(7) Règlement (UE) no 1257/2013 du Parlement européen et du Conseil (JO L 330 du 10.12.2013, p. 1).
(8) JO C 299 du 4.10.2012, p. 158.
(9) Tableau 4.2, p. 83.