Bruxelles, le 14.4.2016

COM(2016) 204 final

EMPTY

RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN

Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen conformément à l'article 18, paragraphe 2, de la directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux

{SWD(2016) 121 final}
{SWD(2016) 122 final}


1.    Introduction

Le présent deuxième rapport de mise en œuvre 1 consacré à la directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux (ci-après la «directive sur la responsabilité environnementale», la «directive» ou la «DRE») 2 décrit l’expérience acquise dans l’application de la directive entre 2007 et 2013 et doit être lu en combinaison avec un document de travail des services de la Commission 3 . Le rapport est fondé sur l’article 18, paragraphe 2, de la DRE. Il contient des conclusions et des recommandations sur les moyens d’améliorer la mise en œuvre sur le terrain, inspirées de l’évaluation REFIT réalisée ces deux dernières années. L’évaluation, étayée par deux études menées en 2012 et trois études datant de 2013 4 , a consisté à analyser le fonctionnement de la directive et à examiner si celle-ci est «adaptée aux besoins» 5 .

La DRE a pour objet les dommages environnementaux significatifs. Elle met en œuvre le principe du «pollueur-payeur», énoncé à l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en vertu duquel le coût des dommages environnementaux significatifs causés par une activité industrielle ne doit pas être supporté par le contribuable. Les exploitants exerçant les activités professionnelles dangereuses énumérées à l’annexe III de la DRE (voir point 2 ci-dessous) sont strictement responsables des dommages qu’ils causent à l’environnement, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire de prouver l’existence d’une faute (action délibérée ou négligence). Les exploitants exerçant des activités professionnelles non dangereuses sont responsables par faute.

Les principaux objectifs de la directive sont de prévenir les dommages environnementaux en cas de menace imminente et de réparer les dommages déjà survenus. En vertu du principe du pollueur-payeur, l’exploitant responsable doit prendre les mesures de prévention ou de réparation nécessaires et supporter la totalité des coûts. Les dommages sont considérés comme réparés lorsqu’un retour de l’environnement à l’état antérieur aux dommages est obtenu. La DRE couvre les dommages causés à la biodiversité (espèces et habitats naturels protégés), aux eaux et aux sols. Les dommages traditionnels (dommages matériels, pertes humaines et dommages corporels ou pertes économiques) ne relèvent pas de la directive.

2.    Transposition et mise en œuvre

Plusieurs États membres n’ont pas respecté le délai de transposition de la directive en droit national (30 avril 2007) et cette dernière n’est intégralement transposée par l’ensemble des 27 États membres 6 que depuis le milieu de l’année 2010. Le premier rapport de la Commission a souligné ces retards et d’autres insuffisances. De plus, la Commission a analysé en détail la situation complexe engendrée par la création d’un instrument-cadre de l’Union relativement flexible dans le domaine de la responsabilité environnementale, venant compléter la législation nationale déjà en vigueur dans la plupart des États membres. En résumé, ce nouvel instrument a permis d’améliorer dans une certaine mesure la cohérence sur le plan juridique par rapport à la situation antérieure à sa transposition (par exemple, il n’existait aucun système de responsabilité environnementale dans certains États membres). Pour autant, la situation actuelle reste caractérisée par une disparité sur les plans juridique et pratique et des mesures supplémentaires seraient nécessaires pour établir des conditions égales au niveau européen 7 .

La Commission a pris des mesures en ce qui concerne les retards de transposition et les problèmes de non-conformité (sept États membres doivent encore résoudre certaines questions de conformité). Ces mesures ont quelque peu amélioré la cohérence des systèmes juridiques des États membres. Toutefois, la disparité subsiste en raison de la nature de la DRE, qui constitue un cadre offrant une marge de manœuvre non négligeable aux États membres.

En ce qui concerne la mise en œuvre, entre avril 2007 et avril 2013, les États membres ont signalé environ 1 245 cas confirmés de dommages environnementaux qui ont déclenché l’application de la DRE. Toutefois, le nombre de cas varie considérablement d’un État membre à l’autre. Deux États membres enregistrent plus de 86 % de tous les dommages déclarés (Hongrie: 563 cas, Pologne: 506 cas) et la plupart des cas restants ont été signalés par six États membres [Allemagne (60), Grèce (40), Italie (17) 8 , Lettonie, Espagne et Royaume-Uni]. Onze États membres n’ont signalé aucun cas de dommages relevant de la DRE depuis 2007, peut-être parce qu’ils agissent exclusivement dans le cadre de leur système national.

Le nombre de cas relevant de la DRE par an et par État membre varie considérablement, allant de 95 à moins de 1. L’existence d’un nombre élevé de cas dans un État membre ne signifie pas obligatoirement que ce dernier applique la DRE de manière plus stricte que nécessaire. L’évaluation et les travaux concernant le contrôle de la conformité démontrent que cette disparité peut s’expliquer par des différences entre les cadres et traditions juridiques (en particulier par l’abrogation ou non de la législation préexistante), par d’éventuelles différences dans l’état de l’environnement et par des différences d’interprétation des termes et concepts-clés, qui sont présentées plus en détail ci-dessous. Un recours plus fréquent à la directive s’explique souvent par les raisons suivantes:

il existe des registres de cas relevant de la DRE;

il est plus aisé pour les parties intéressées de présenter des observations et de s’adresser aux autorités compétentes;

les autorités compétentes sont obligées de mettre en œuvre, à titre subsidiaire, des mesures de prévention et de réparation lorsque les exploitants n’appliquent pas ces mesures; et

la population et les parties prenantes, notamment les exploitants, sont davantage sensibilisées aux dispositions de la DRE.

En revanche, le champ d’application de la DRE n’a pas été recensé parmi les principales raisons expliquant les différences de mise en œuvre (voir point 4).

 

Environ 50 % des cas signalés de dommages environnementaux concernent des dommages affectant les sols. Les dommages causés aux eaux représentent 30 % et les dommages causés à la biodiversité environ 20 %.

Figure 1: catégories de dommages environnementaux, sur la base de 1 450 cas 9

Les activités professionnelles dangereuses (liées à la responsabilité stricte) qui causent des dommages à l’environnement sont principalement:

les activités de gestion des déchets;

le traitement des substances dangereuses, les préparations, les produits phytopharmaceutiques et les produits biocides;

les activités relevant de la directive sur les émissions industrielles 10 et

le transport de marchandises dangereuses ou polluantes par voie routière, ferroviaire, fluviale, maritime ou aérienne.

D’autres activités professionnelles (liées à la responsabilité par faute) ont également causé des dommages environnementaux, mais il s’agit exclusivement, conformément à la DRE, de dommages causés à la biodiversité.

 Figure 2: nombre de cas signalés relevant de la DRE, selon le type d’activité dommageable

Selon les informations communiquées, les demandes d’action émanant de populations touchées par des dommages causés à l’environnement ou d’ONG environnementales ont été relativement peu nombreuses 11 . Un recours judiciaire a été engagé dans environ 60 cas, dont 44 en Pologne.

La durée moyenne de la réparation, du début à l’achèvement des mesures, a été de 12 mois. Toutefois, dans certains cas, plus de six années ont été nécessaires.

3. Évaluation et adéquation de la réglementation 12

3.1. Pertinence

Les objectifs de la directive, à savoir la prévention et la réparation des dommages environnementaux, restent pertinents et correspondent à des besoins actuels puisque des dommages et accidents touchant l’environnement risquent toujours de survenir. L’évaluation montre que la directive a modestement contribué à améliorer le niveau de protection de l’environnement dans l’Union. Toutefois, la DRE n’a pas encore réalisé tout son potentiel. De plus, dans la mesure où elle est plus grande dans certains États membres que dans d’autres, sa pertinence doit être évaluée au regard des divers cadres et traditions juridiques qui existent déjà au niveau national.

3.2. Efficacité

L’efficacité de la directive est très variable car sa mise en œuvre est très différente d’un État membre à l’autre. Ce constat s’explique en partie par le fait que la DRE constitue un cadre qui prévoit de nombreuses exceptions, options et éléments de flexibilité. En particulier, les différences d’interprétation et d’application du «seuil de signification» pour les dommages environnementaux ont été reconnues comme la principale raison expliquant l’application inégale de la directive. Les autorités compétentes, les opérateurs économiques et les assureurs ont à de nombreuses reprises demandé plus de clarté et plus d’indications sur cet aspect. L’efficacité de la directive est le mieux illustrée par le montant des dommages environnementaux réparés (ce montant est de l’ordre de 6 millions d’EUR sans tenir compte de cinq sinistres majeurs, et de 180 millions d’EUR si ces cinq cas majeurs sont inclus). L’effet incitatif, se traduisant par des mesures de précaution renforcées et de meilleures garanties financières, et les dommages évités grâce à une action immédiate en cas de dommage imminent sont encore très peu connus, faute de données disponibles.

En ce qui concerne le champ d’application du concept de «dommage environnemental», l’évaluation a confirmé qu’il est suffisant pour couvrir les dommages causés aux ressources naturelles les plus importantes. Il apparaît que le champ d’application de la responsabilité stricte pour les activités dangereuses (annexe III) est également adapté à la situation actuelle, à l’exception éventuelle du transport par conduites hors site de substances dangereuses. Toutefois, les parties prenantes ont fait part de problèmes concernant la responsabilité de tiers dans ce domaine.

3.3. Efficience

L’évaluation de l’efficience a porté sur les principales catégories de coûts: coûts de réparation, coûts administratifs et coûts de garantie financière.

Les coûts de réparation liés à la restauration des ressources naturelles endommagées doivent être supportés par la personne responsable, conformément au principe du pollueur-payeur. Selon les données disponibles, le coût des mesures de réparation s’élève en moyenne à 42 000 EUR 13 . La Grèce a fait état d’une valeur moyenne de 60 000 EUR. Les coûts de réparation individuels vont toutefois de quelques milliers d’EUR à plus de 50 millions d’EUR en cas de pertes à grande échelle dues à des accidents majeurs (comme à Kolontár, en Hongrie, ou à Moerdijk, aux Pays-Bas).

Les coûts administratifs des autorités publiques sont les coûts permanents qui ne peuvent être recouvrés auprès des exploitants responsables. Seuls trois États membres ont fourni des données précises sur les coûts administratifs, qui se situent dans une fourchette allant de 55 000 EUR (dans la Région flamande de Belgique) à 2 millions d’EUR (dans certaines communautés autonomes d’Espagne). Aucune donnée n’a été fournie en ce qui concerne les coûts administratifs des entreprises. Vu le peu d’informations communiquées sur les coûts administratifs des autorités et du secteur privé, il est impossible de tirer des conclusions valables en la matière. Il est à noter toutefois qu’aucune des parties prenantes ne s’est plainte de la charge administrative.

Les coûts des dommages environnementaux pour les exploitants responsables peuvent être réduits par l’utilisation d’instruments de garantie financière (assurances et autres instruments tels que garanties bancaires, obligations ou fonds). La plupart des marchés fournissent une couverture suffisante pour tous les risques relevant de la DRE, mais la demande est faible en raison du nombre insuffisant de cas dans bon nombre d’États membres, du manque de clarté quant à certains concepts de la DRE 14 et du développement moins rapide de certains marchés des assurances émergents 15 . Un rapport récent semble indiquer une progression des souscriptions d’assurances de responsabilité environnementale par les entreprises européennes (augmentation annuelle moyenne de 13,6 % depuis 2006, en particulier dans les secteurs à haut risque) 16 . En dépit des progrès réalisés en matière de garantie financière, des problèmes persistent en ce qui concerne l’application de la directive aux accidents de grande ampleur et à l’insolvabilité d’opérateurs économiques responsables.

Il est impossible de réaliser une évaluation globale probante de l’efficience de la directive sur la base des informations disponibles. Des travaux supplémentaires seront nécessaires, dont la collecte de données supplémentaires, pour combler les lacunes de la présente évaluation.

3.4. Cohérence

L’évaluation a montré que la directive est généralement cohérente avec les autres volets de la législation environnementale de l’Union et avec les conventions internationales concernées énumérées dans ses annexes IV et V. La directive s’intègre de manière satisfaisante dans l’acquis de l’Union, venant compléter d’autres instruments législatifs dans le domaine de l’environnement 17 , notamment la directive sur l’évaluation des incidences sur l’environnement 18 , la directive sur les émissions industrielles 19 et la législation relative aux déchets. Le point 4, qui fournit également des indications sur la nécessité de certains travaux complémentaires, et le document de travail des services de la Commission joint en annexe donnent une appréciation plus détaillée de certaines questions spécifiques.

3.5. Valeur ajoutée de l’Union

L’évaluation a une fois encore démontré que l’Union apporte une certaine valeur ajoutée lorsqu’il s’agit de fixer un niveau minimal de protection de l’environnement, notamment dans les situations transfrontières (pollution transfrontalière des eaux, par exemple). La directive vise également à assurer des conditions plus égales sur le marché intérieur, mais n’a pas encore atteint cet objectif fondamental de l’harmonisation au niveau de l’Union. S’il est vrai que la directive a permis d’accroître le recours à des mesures de précaution, par exemple en augmentant l’offre d’assurance environnementale disponible sur le marché (voir point 3.3), dans la pratique, les lacunes recensées plus haut empêchent une plus grande valeur ajoutée de l’Union.

4.    Points spécifiques à examiner

Conformément à l’article 18, paragraphe 3, de la DRE, le présent rapport comprend un examen de quatre domaines d’application spécifiques de la directive.

4.1. Exclusion du champ d’application de la DRE pour certaines conventions internationales (annexes IV et V)

Certaines conventions de l’Organisation maritime internationale (OMI) et conventions connexes 20 sont exclues du champ d’application de la DRE. Ces conventions s’appliquent à l’échelle mondiale aux propriétaires de navires dont les navires sont immatriculés dans un État partie aux conventions et prévoient une responsabilité stricte des propriétaires de navires, une garantie financière obligatoire 21 et, pour certains types de dommages particuliers, des fonds d’indemnisation spéciaux qui règlent les créances excédant la responsabilité des propriétaires de navires. En particulier, dans le cas de la pollution causée par les pétroliers, un système à trois niveaux a été mis en place pour l’indemnisation des victimes de la pollution par les hydrocarbures. Ces conventions internationales interdisent aux parties d’introduire des demandes d’indemnisation supplémentaires.

La DRE et ces conventions internationales appliquent des normes différentes en matière de réparation, ainsi que l’a montré l’étude d’efficacité de la DRE menée pour la Commission 22 . Cette différente peut revêtir de l’importance dans certains cas. Les Fonds internationaux d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL) et l’«International Group of P&I Clubs» (groupe international des clubs de protection et d’indemnisation) ont également fourni des rapports sur le coût des mesures de prévention et des dommages causés à l’environnement à la suite de toutes les pollutions accidentelles provoquées par des pétroliers depuis 2002, qui n’ont pas relevé d’éléments permettant de conclure à une indemnisation insuffisante des dommages environnementaux.

Sur la base de ces informations, la Commission envisagera d’examiner plus avant la possibilité de traiter le problème de l’application de normes de réparation différentes par des moyens non législatifs, notamment en œuvrant à une compréhension commune des concepts, par exemple par leur interprétation dans le «manuel des demandes d’indemnisation» (Claims Manual) des FIPOL et/ou au sein d’instances composées des parties aux conventions.

La Commission n’a pas connaissance de nouveaux éléments qui remettraient en question l’exclusion des dommages nucléaires.

4.2. Application aux organismes génétiquement modifiés (OGM)

Dans l’Union, aucun dommage environnemental n’a été causé par des OGM 23 au cours de la période de référence. L’acquis s’inscrit parfaitement dans la ligne des exigences du protocole additionnel de Nagoya-Kuala Lumpur sur la responsabilité et la réparation relatif au protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques d’octobre 2010. Aucune action supplémentaire au niveau de l’Union n’était donc nécessaire pour conclure ledit protocole.

4.3. Application en ce qui concerne les espèces et habitats naturels protégés

L’étude sur les dommages causés à la biodiversité 24 a examiné la possibilité de créer des conditions plus égales en étendant le champ d’application de la DRE de manière à ce qu’il couvre l’ensemble des «espèces et habitats naturels protégés» dans les États membres. En effet, la moitié des États membres appliquent ce champ d’application élargi 25 , tandis que les autres se limitent au cadre défini par la directive «Habitats». Toutefois, l’élargissement du champ d’application de la DRE à des espèces et habitats naturels protégés au niveau strictement national entraînerait des difficultés d’ordre juridique (liées à la compétence nationale) et pourrait ne pas aboutir à une harmonisation accrue dans la mesure où les champs d’application nationaux peuvent aussi être très différents.

Les conclusions de l’étude sont les suivantes:

les définitions du «dommage significatif» et de l’«état de conservation favorable» figurant dans les deux directives méritaient une plus grande attention compte tenu de la signification et/ou de l’utilisation potentiellement différentes de la notion de seuil à partir duquel un dommage est significatif dans la DRE et à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «Habitats»;

une application plus cohérente et une meilleure clarification de la notion de seuil pour les «dommages significatifs» sont nécessaires. Cet aspect a également été souligné par plusieurs autorités compétentes et par le secteur de l’assurance;

la référence géographique établie dans la DRE pour l’«état de conservation favorable» (territoire de l’Union, territoire national ou aire de répartition naturelle) s’est révélée problématique. Il convient dès lors de préciser qu’une approche axée sur les sites est nécessaire pour garantir une mise en œuvre correcte et effective;

il arrive fréquemment qu’aucune mesure visant à empêcher que les dommages causés à la biodiversité ne deviennent significatifs ne soit prise parce qu’il est supposé, à tort, que les mesures de prévention sont réservées aux cas où l’on sait que les dommages seront significatifs.

La Commission étudie actuellement une option axée sur une initiative visant à éviter les pertes nettes 26 , qui pourrait également répondre à ces questions. L’étude est en cours de finalisation et servira à la Commission lorsqu’il lui faudra déterminer si les aspects susmentionnés doivent être traités et, si oui, de quelle manière.

4.4. Inclusion éventuelle d’autres instruments aux annexes III, IV et V 27

La Commission a examiné les instruments qui pourraient être inclus. Toutefois, l’évaluation n’a pas démontré la nécessité d’étendre les annexes III (voir point 3.2 ci-dessus), IV ou V 28 .

5.    Conclusions

La mise en œuvre de la DRE a modestement amélioré la prévention et la réparation des dommages environnementaux par rapport à la situation antérieure à la transposition. La directive a notamment renforcé le principe du pollueur-payeur (et ainsi permis d’éviter des coûts importants pour les finances publiques), en permettant la mise en œuvre, dans l’ensemble de l’Union, du principe de la responsabilité stricte à l’égard des dommages causés à l’environnement et en relevant les normes de réparation pour la restauration des ressources naturelles endommagées, notamment en ce qui concerne les dommages causés à la biodiversité. Toutefois, les disparités entre les réglementations des États membres pourraient susciter certaines préoccupations, même si peu d’inquiétudes de ce type ont été communiquées à la Commission, et l’évaluation a permis de recenser les principales lacunes.

En ce qui concerne l’évaluation, l’une des difficultés majeures est le manque de données concernant les incidents relevant de la DRE et les incidents comparables traités en vertu de la législation nationale. Parmi les autres difficultés figurent le manque de sensibilisation et d’information des parties prenantes quant aux dispositions de la DRE, l’insuffisance des ressources et de l’expertise nécessaires pour mettre en œuvre la directive, les incertitudes et ambiguïtés relatives aux concepts et définitions-clés (seuil «significatif», par exemple), une sous-utilisation de la réparation complémentaire et de la réparation compensatoire ainsi qu’une pénurie de données sur les dommages environnementaux, les cas de réparation et les coûts. Si certains de ces aspects de la directive et son contexte permettent d’expliquer les fortes disparités dans le nombre de cas signalés et leur contenu, les différences d’utilisation du «seuil de signification» ainsi que les cadres nationaux préexistants constituent la principale raison de ces divergences importantes. Les autres facteurs contribuant à la variabilité des effets de la directive comprennent l’utilisation disparate des registres DRE, un niveau de participation du public variable, une application variable de l’obligation subsidiaire pour les autorités compétentes de prendre des mesures en l’absence d’exploitants responsables, ou en raison de l’inaction de ces derniers, et des différences dans le niveau de sensibilisation des parties prenantes.

Pour ce qui est des aspects positifs, la mise en œuvre de la directive continue de s’améliorer. L’industrie et d’autres parties prenantes contribuant à l’évaluation sont largement satisfaites du cadre juridique actuel. De concert avec les experts des États membres, elles ont plaidé avec force pour la continuité, la prévisibilité et la stabilité législative en matière de responsabilité environnementale. La directive encourage également l’action préventive et l’approche de précaution et permet ainsi d’éviter des coûts de réparation élevés, qui dépassent souvent les coûts des mesures de prévention. Il est toutefois difficile de quantifier les bénéfices retirés de la prévention, notamment en raison de l’absence d’informations complètes sur le nombre total d’actions de prévention et autres mesures de précaution prises au titre de la DRE.

Toute évaluation future devra évaluer la DRE en même temps que la législation nationale préexistante afin de déterminer dans quelle mesure des conditions égales ont été créées. Ces conditions pourraient être égalisées davantage encore grâce à la clarification de certains termes-clés (notamment le «dommage significatif»). Pour cela, la Commission a défini des mesures d’appui au niveau de l’Union qui, combinées à une série de recommandations aux États membres, apporteraient une réponse proportionnée pour contribuer à rendre la directive plus «adaptée aux besoins» que la présente évaluation ne l’a constaté.

6.    Recommandations et prochaines étapes

Au cours des prochaines années, la priorité première de la Commission sera de favoriser l’harmonisation des solutions et pratiques nationales dans le cadre prévu par la directive et de déterminer comment le système peut être appliqué de manière efficace et cohérente dans un cadre plus large de responsabilité juridique. Des efforts doivent également être consentis pour améliorer la base de données factuelles sur les incidences réelles de la DRE, tant en ce qui concerne l’environnement que les parties prenantes concernées. À cet effet, il faudra améliorer la collecte de données concernant les cas relevant de la DRE dans les États membres qui n’ont pas encore mis en place de registres. Des solutions nationales harmonisées (sur des questions telles que les modèles de réparation, l’analyse de risque, le calcul des assurances, etc.) pourraient également produire des résultats utiles, étant donné que les bases de données disponibles peuvent être utilisées pour améliorer la garantie financière (offrir des produits mieux ciblés), renforcer les systèmes de gestion des risques des entreprises et améliorer les connaissances de tous les praticiens et toutes les parties prenantes, y compris les autorités chargées de la réduction des dommages.

Plus d’informations sont nécessaires pour déterminer les raisons et les effets précis de la disparité des solutions adoptées dans les États membres. Plus important encore, des mesures pourraient être prises pour renforcer la capacité administrative et développer les instruments de soutien dans le domaine de la mise en œuvre. En outre, l’élaboration d’un suivi réglementaire effectif tel que défini dans les lignes directrices pour une meilleure réglementation [SWD(2015)110] devrait permettre à l’avenir une évaluation plus solide et plus concluante de la directive 29 . Il sera donc nécessaire de voir, avec l’ensemble des parties prenantes concernées et des États membres, comment il est possible d’améliorer cette base de données factuelles.

Les services de la Commission proposeront donc un programme de travail glissant pluriannuel aux experts des États membres et aux parties prenantes afin d’améliorer la base de données factuelles et d’aider à l’harmonisation des solutions nationales. De plus, la Commission continuera de fournir un appui administratif, notamment sous la forme:

a) d’orientations ou de documents interprétatifs concernant des questions-clés («signification»);

b) de programmes de formation; et

c) de services d’assistance (helpdesks) à l’intention des praticiens (autorités compétentes, exploitants, régleurs de sinistres, organismes de garantie financière, particuliers touchés, ONG, etc.), chargés de fournir des informations, une assistance et un appui pour l’évaluation des risques et des dommages.

Pour compléter ces efforts, la Commission recommande que tous les États membres s’engagent à:

étayer leurs efforts de mise en œuvre par des initiatives proactives (documents d’orientation, formations, outils électroniques pour l’analyse de risque, détermination de l’état initial, modèles de garantie financière, etc.), comme l’ont déjà fait certains États membres;

échanger expériences et bonnes pratiques administratives et se soutenir mutuellement dans leurs efforts de renforcement des capacités;

revoir leur interprétation des dispositions essentielles de la directive, en particulier en ce qui concerne le caractère «significatif»;

rassembler des données sur les incidents relevant de la DRE et publier des registres DRE s’ils ne l’ont pas encore fait;

collecter systématiquement les données nécessaires pour attester que l’application de la directive dans leur pays est efficace, efficiente et conforme à la situation générale dans l’Union.

Tous ces éléments serviront à préparer la prochaine évaluation de la directive. La Commission estime que ces mesures constituent une approche proportionnée pour améliorer les incidences positives escomptées de la DRE et permettra également de produire des informations pouvant être utilisées aux fins de la prochaine évaluation, pour ensuite mieux démontrer l’ampleur de la valeur ajoutée de l’Union, ainsi que l’efficience et l’efficacité de la directive.

(1)

 Le premier rapport de mise en œuvre a été présenté le 12 octobre 2010 [COM(2010) 581].

(2)

JO L 143 du 30.4.2004, p. 56 (directive modifiée par la directive 2006/21/CE, la directive 2009/31/CE et la directive 2013/30/UE).

(3)

SWD (2016)121.

(4)

Toutes les études sont disponibles à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/environment/archives/liability/eld/studies.htm.

(5)

Voir COM(2013) 685, COM(2014) 368, SWD(2014) 192 final/2 et COM(2015) 215, SWD(2015) 110.

(6)

Devenue membre de l'Union le 1er juillet 2013, la Croatie, qui a notifié la transposition de la directive au moment de son adhésion à l’Union, n’était pas tenue de présenter de rapport national sur l’application de la DRE pour le 30 avril 2013.

(7)

Plus de précisions sont données sur cette analyse et les études sur lesquelles elle se fonde dans l'étude de mise en œuvre de la DRE, partie A de l'annexe – Analyse juridique de la législation nationale de transposition (2013), ainsi que dans l’étude juridique (2014).

(8)

Toutefois, l’Italie représente un potentiel supplémentaire de 1 000 cas, dont beaucoup sont susceptibles de relever ultérieurement de la DRE.

(9)

Certains cas relèvent de plus d’une catégorie de dommages.

(10)

2010/75/UE (JO L 334 du 17.12.2010, p. 17).

(11)

132, dont 93 rien que pour l'Italie.

(12)

La Commission a décidé de procéder à une évaluation dans le cadre de son programme REFIT en 2013, soit bien avant l'adoption des directives d’évaluation, en mai 2015.

(13)

Chiffre calculé sur la base de 137 cas représentant un peu plus de 10 % de tous les cas relevant de la DRE signalés par les États membres et sans tenir compte en particulier des trois plus grands sinistres enregistrés à Kolontár (Hongrie), à Moerdijk (Pays-Bas) et dans le cas grec d'Assopos (ces cas ayant été considérés comme atypiques).

(14)

Notamment le «seuil de signification».

(15)

Par exemple, dans les républiques baltes et les petits États membres insulaires.

(16)

Stuart Collins, EIL market grows post ELD, in: Commercial Risk Europe, 27 novembre 2015.

(17)

Le point 4.3 décrit brièvement la manière dont la DRE s'articule avec la directive «Habitats».

(18)

2011/92/UE (JO L 26 du 28.1.2012, p. 1).

(19)

Voir note de bas de page 10.

(20)

Il s'agit de la convention sur la responsabilité civile (CLC), de la convention internationale de 1992 portant création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, de la convention sur les hydrocarbures de soute, de la convention sur le transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses (convention HNS) et de la convention sur les marchandises dangereuses.

(21)

Intégrée dans le droit de l’Union par la directive 2009/20/CE relative à l’assurance des propriétaires de navires pour les créances maritimes (JO L 131 du 28.5.2009, p. 128).

(22)

 Voir note de bas de page 5.

(23)

Annexe III, points 10 et 11, de la DRE.

(24)

 Voir note de bas de page 5.

(25)

Belgique, Chypre, République tchèque, Estonie, Grèce, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pologne, Portugal, Slovénie, Espagne, Suède et Royaume-Uni (Angleterre, Pays de Galles et Irlande du Nord).

(26)

http://ec.europa.eu/environment/nature/biodiversity/nnl/index_en.htm

(27)

 «Le rapport [...] comprend un examen: d) des instruments susceptibles d'être incorporés aux annexes III, IV et V» [article 18, paragraphe 3, point d), de la DRE].

(28)

Soit ces instruments internationaux n'entreront probablement jamais en vigueur, soit ils sont complémentaires de la DRE (pour plus de précisions, voir le point 6.4 du document de travail).

(29)

Qui, conformément à la communication de la Commission intitulée «Améliorer la réglementation pour obtenir de meilleurs résultats — Un enjeu prioritaire pour l’UE» [COM(2015) 215], devrait être menée tous les 5 à 7 ans.