Bruxelles, le 16.12.2015

COM(2015) 648 final

2015/0295(COD)

Proposition de

RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

modifiant le règlement (UE) nº 575/2013 en ce qui concerne les dérogations applicables aux négociants en matières premières

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)


EXPOSÉ DES MOTIFS

1.CONTEXTE DE LA PROPOSITION

Motivation et objectifs de la proposition

L'expression «négociant en matières premières» couvre un large éventail d'acteurs des marchés de l'énergie et des matières premières: pour certains, comparables aux entreprises d'investissement en termes de fonctions et de risques, la négociation de contrats dérivés sur matières premières constitue la seule activité; pour d'autres, elle n'est qu'une activité annexe de la production de matières premières. Les exigences fixées par le règlement (UE) nº 575/2013 («règlement sur les exigences de fonds propres» ou, selon son abréviation anglaise, «CRR») et par la directive 2013/36/CE («directive sur les exigences de fonds propres» ou «CRD») s'appliquent aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement. Inspiré du régime prudentiel applicable aux établissements de crédit, le régime des entreprises d'investissement a été adapté en fonction des services d'investissement fournis par celles-ci.

L'article 493, paragraphe 1, et l'article 498, paragraphe 1, du CRR dispensent les négociants en matières premières («entreprises d'investissement dont l'activité principale consiste exclusivement à fournir des services d'investissement ou à exercer des activités d'investissement portant sur les instruments financiers visés à l'annexe I, section C, points 5, 6, 7, 9 et 10, de la directive 2004/39/CE, et auxquels ne s'appliquait pas, au 31 décembre 2006, la directive 93/22/CEE du Conseil du 10 mai 1993») des exigences en matière, respectivement, de grands risques et de fonds propres.

Ces deux dérogations expirent le 31 décembre 2017. Une clause de caducité a été initialement introduite dans le CRR afin de laisser aux régulateurs le temps de définir un régime prudentiel adapté au profil de risque des négociants en matières premières 1 . C'est dans cette perspective que l'article 493, paragraphe 2, et l'article 498, paragraphe 2, du CRR chargent la Commission d'élaborer des rapports pour la fin de l'année 2015 au plus tard. Sur la base de ces rapports, la Commission pourra décider de soumettre des propositions de modification du CRR. Elle est également tenue de présenter, dans le même délai, un rapport sur un régime approprié de surveillance prudentielle des entreprises d'investissement en général, qui peut lui aussi être suivi d'une proposition de la Commission.

Ces deux rapports étant liés entre eux, la Commission a décidé d'entreprendre un seul réexamen (ci-après le «réexamen relatif aux entreprises d'investissement») et d'élaborer un seul rapport sur les sujets mentionnés plus haut. Elle a en effet estimé qu'il était nécessaire de procéder ainsi pour garantir la mise au point d'un cadre prudentiel cohérent pour toutes les catégories d'entreprises d'investissement. Le réexamen relatif aux entreprises d'investissement a déjà commencé: la Commission a demandé à l'Autorité bancaire européenne (ABE) et à l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) de lui fournir un avis technique en la matière. Cet avis est attendu pour la fin du mois de septembre 2015. La Commission s'en aidera pour élaborer son rapport. Si elle décidait de modifier le cadre prudentiel actuellement applicable aux entreprises d'investissement, la Commission détaillerait dans son rapport les prochaines étapes du réexamen relatif aux entreprises d'investissement et y exposerait à grands traits les modifications envisagées.

Complexe, le réexamen relatif aux entreprises d'investissement ne sera pas achevé avant la fin de l'année. Il est donc peu probable qu'une législation issue de ce processus puisse être élaborée, adoptée et mise en œuvre avant l'expiration des dérogations en vigueur (c'est-à-dire avant la fin de l'année 2017), ce qui ne serait pas sans conséquences pour les négociants en matières premières: si aucun cadre prudentiel spécifique résultant éventuellement de ce réexamen ne s'applique d'ici là, ils seront soumis à toutes les exigences du CRR et de la CRD à compter du 1er janvier 2018.

Ce scénario pose deux problèmes: premièrement, les négociants en matières premières seraient soumis à toutes les exigences du CRR et de la CRD sans qu'il ait été décidé délibérément (et en connaissance de cause) que ce traitement est bien le plus approprié pour eux; deuxièmement, à supposer que le réexamen relatif aux entreprises d'investissement aboutisse à la mise en place d'un cadre prudentiel spécialement adapté à la situation des négociants en matières premières, ces derniers seraient privés d'un cadre réglementaire stable. Ils passeraient en effet, dans un délai très court (un ou deux ans), d'une situation où ils sont dispensés des exigences en matière de grands risques et de fonds propres à une situation provisoire, dans laquelle ils seraient soumis à l'ensemble des exigences du CRR et de la CRD, avant de devoir finalement se soumettre au «cadre sur mesure» évoqué. Cette éventualité n'est pas souhaitable.

Pour éviter qu'une telle situation ne se produise, il conviendrait de proroger les dérogations déjà prévues par le CRR, en tenant compte du délai nécessaire pour mener à terme le réexamen relatif aux entreprises d'investissement et pour élaborer, adopter et mettre en œuvre la législation qui pourrait résulter de ce processus.

Cohérence avec les dispositions en vigueur dans le domaine d'action

La présente proposition est parfaitement cohérente avec les dispositions en vigueur du CRR (en ce qu'elle prorogerait des dérogations prévues par celui-ci), ainsi qu'avec l'objectif général du réexamen relatif aux entreprises d'investissement (définir le cadre prudentiel le plus approprié pour celles-ci) visé ici (maintenir le traitement actuel des négociants en matières premières jusqu'à la fin du réexamen et la mise en œuvre de toute éventuelle mesure législative).

Cohérence avec les autres politiques de l'Union

La présente proposition est liée aux mesures d'exécution de la directive 2014/65/UE («MiFID 2»), qui détermineront quels négociants en matières premières seront classés dans la catégorie des entreprises d'investissement 2 . Elle est également liée aux politiques menées dans le domaine des marchés de l'énergie, compte tenu du fait que les négociants en matières premières sont actifs sur ces marchés (ils peuvent même faire partie de grands groupes énergétiques) 3 .

2.BASE JURIDIQUE, SUBSIDIARITÉ ET PROPORTIONNALITÉ

Base juridique

Puisque la proposition modifie le CRR, la même base juridique a été choisie.

Subsidiarité (en cas de compétence non exclusive)

Les dérogations actuelles sont inscrites dans le droit de l'Union et notamment dans le CRR. Leur prorogation ne peut être décidée qu'au niveau de l'Union car le CRR ne donne aucune possibilité en la matière aux États membres.

Proportionnalité

La présente proposition est proportionnée, en ce qu'elle ne modifie que très peu la législation en vigueur pour résoudre le problème décrit à la section 1.

Choix de l'instrument

L'instrument choisi est le règlement car la prorogation des dérogations suppose de modifier le CRR.

3.RÉSULTATS DES ÉVALUATIONS EX POST, DES CONSULTATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES ET DES ANALYSES D’IMPACT

Évaluations ex post/bilans de qualité de la législation existante

Comme il est indiqué plus haut, le cadre prudentiel défini par le CRR et la CRD pour les entreprises d'investissement (parmi lesquelles les négociants en matières premières) fait actuellement l'objet d'un réexamen, dont les résultats détermineront quel traitement prudentiel est le plus approprié pour les négociants en matières premières. L'objectif de la présente proposition consiste à proroger le traitement des négociants en matières premières jusqu'à l'achèvement du réexamen relatif aux entreprises d'investissement et la mise en œuvre des modifications du cadre prudentiel actuel qui pourraient en découler.

Consultations des parties intéressées

Aucune consultation particulière des parties prenantes n'a été réalisée.

Obtention et utilisation d'expertise

La Commission a élaboré la présente proposition sans recourir aux services d'experts externes.

Analyse d'impact

La proposition n'aura aucun impact économique, environnemental ou social significatif. Aucune analyse d'impact n'est dès lors prévue. En revanche, d'importantes conséquences sont à craindre si, du fait que les dérogations n'ont pas été prorogées, les négociants en matières premières se retrouvent soumis à l'ensemble des exigences prévues par le CRR et la CRD (sans qu'aucune analyse n'ait été réalisée pour savoir si ce traitement est le plus approprié pour eux).

Réglementation affûtée et simplification

La présente proposition ne modifie en rien la charge réglementaire qui pèse actuellement sur les négociants en matières premières. Au contraire, partant de l'hypothèse que le réexamen relatif aux entreprises d'investissement aboutira à l'élaboration d'un nouveau cadre prudentiel pour les négociants en matières premières, la présente proposition cherche à éviter que ceux-ci ne soient soumis à l'ensemble des exigences du CRR et de la CRD (et aux charges réglementaires qui en découleront) pour être ensuite soumis, peu de temps après, au nouveau cadre.

Autrement dit, la présente proposition vise à prévenir un alourdissement temporaire de la charge réglementaire des négociants en matières premières.

Droits fondamentaux

La proposition n’a pas de conséquences pour la protection des droits fondamentaux.

4.INCIDENCE BUDGÉTAIRE

La présente proposition n’a aucune incidence budgétaire.

5.AUTRES ÉLÉMENTS

Plans de mise en œuvre et modalités de suivi, d’évaluation et d’information

La présente proposition vise à proroger la période durant laquelle les négociants en matières premières sont dispensés de certaines des exigences prévues par le CRR. Aucun plan de mise en œuvre particulier n'est nécessaire dès lors que cette prorogation est directement applicable et garantit la continuité d'une pratique existante. Pour les mêmes raisons, il est inutile de mettre en place un cadre en matière de suivi, d'évaluation et d'établissement de rapports. Il conviendra en revanche de mettre en place un tel cadre si l'examen relatif aux entreprises d'investissement aboutit à une modification du cadre prudentiel applicable aux négociants en matières premières.

Documents explicatifs (pour les directives)

Sans objet.

Explication détaillée des différentes dispositions de la proposition

Les dispositions de la présente proposition ne concernent que la prorogation des dérogations aux exigences du CRR en matière de grands risques et de fonds propres dont bénéficient les négociants en matières premières. L'exposé des motifs explique déjà en détail, dans ses parties précédentes, les raisons qui motivent la présente proposition et ses dispositions.

2015/0295 (COD)

Proposition de

RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

modifiant le règlement (UE) nº 575/2013 en ce qui concerne les dérogations applicables aux négociants en matières premières

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 114,

vu la proposition de la Commission européenne,

après transmission du projet d'acte législatif aux parlements nationaux,

vu l’avis du Comité économique et social européen 4 ,

vu l'avis de la Banque centrale européenne 5 ,

statuant conformément à la procédure législative ordinaire,

considérant ce qui suit:

(1)Le règlement (UE) nº 575/2013 du Parlement européen et du Conseil 6 dispense des exigences en matière de grands risques et de fonds propres les entreprises d'investissement dont l'activité principale consiste exclusivement à fournir des services d'investissement ou à exercer des activités d'investissement portant sur les instruments financiers visés à l'annexe I, section C, points 5, 6, 7, 9 et 10, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil 7 , et auxquels ne s'appliquait pas, au 31 décembre 2006, la directive 93/22/CEE 8 du Conseil du 10 mai 1993» (ci-après les «négociants en matières premières»). Ces dérogations s’appliquent jusqu’au 31 décembre 2017.

(2)Le règlement (UE) nº 575/2013 exige également de la Commission qu'elle élabore, pour le 31 décembre 2015 au plus tard, un rapport sur le régime approprié de surveillance prudentielle des négociants en matières premières, ainsi qu'un rapport sur un régime approprié de surveillance prudentielle des entreprises d'investissement en général. Le cas échéant, ces rapports seront suivis de propositions législatives.

(3)L'examen du traitement prudentiel des entreprises d'investissement («examen relatif aux entreprises d'investissement»), parmi lesquelles les négociants en matières premières, est toujours en cours. La fin de cet examen, et l'adoption de la nouvelle législation qui pourrait être nécessaire à la suite de celui-ci, n'interviendront qu'après le 31 décembre 2017.

(4)Sous le régime actuel, les négociants en matières premières seront soumis, après le 31 décembre 2017, aux exigences en matière de grands risques et de fonds propres. Cette situation pourrait les contraindre à augmenter considérablement leur montant de fonds propres obligatoires pour poursuivre leurs activités et pourrait, par conséquent, accroître les coûts liés à l'exercice de ces activités.

(5)La décision d'appliquer aux négociants en matières premières des exigences en matière de grands risques et de fonds propres ne doit pas être motivée par l'expiration des dérogations. Au contraire, cette décision devrait être prise en pleine connaissance de cause, s'appuyer sur les conclusions du réexamen relatif aux entreprises d'investissement et être clairement exprimée dans la législation.

(6)Il convient par conséquent de proroger le délai d'application des dérogations et de modifier en conséquence le règlement (UE) nº 575/2013,

ONT ADOPTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

Article premier

Le règlement (UE) nº 575/2013 est modifié comme suit:

(1) À l’article 493, paragraphe 1, la deuxième phrase est remplacée par le texte suivant:

«Cette dérogation est applicable jusqu'au 31 décembre 2020 ou jusqu'à la date d'entrée en vigueur de toute modification intervenue en application du paragraphe 2 du présent article, si cette dernière date est antérieure.»;

(2) À l’article 498, paragraphe 1, le deuxième alinéa est remplacé par le texte suivant:

«Cette dérogation est applicable jusqu'au 31 décembre 2020 ou jusqu'à la date d'entrée en vigueur de toute modification intervenue en application des paragraphes 2 et 3, si cette dernière date est antérieure.».

Article 2

Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

Fait à Bruxelles, le

Par le Parlement européen    Par le Conseil

Le président    Le président

(1) En fait, le CRR a étendu les dérogations déjà prévues par la directive 2006/48/CE, faute de temps pour pouvoir élaborer un cadre prudentiel qui soit adapté à la situation des négociants en matières premières.
(2) Il existe une relation de cause à effet entre les deux: si un négociant en matières premières est classé dans la catégorie des entreprises d'investissement en vertu de la MiFID 2, il sera alors soumis aux exigences du CRR et de la CRD.
(3) Proroger la dérogation, c'est prévenir tout risque de perturbation de ces marchés et laisser un temps suffisant pour trouver un cadre prudentiel approprié pour les négociants en matières premières.
(4) JO C , , p. .
(5) JO C , , p. .
(6) Règlement (UE) nº 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) nº 648/2012 (JO L 176 du 27.6.2013, p. 1).
(7) Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO L 145 du 30.4.2004, p. 1).
(8) Directive 93/22/CEE du Conseil du 10 mai 1993 concernant les services d’investissement dans le domaine des valeurs mobilières (JO L 141 du 11.6.1993, p. 27).