52015DC0035

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL sur les progrès réalisés par la Roumanie, établi au titre du mécanisme de coopération et de vérification /* COM/2015/035 final */


1.            INTRODUCTION

Le mécanisme de coopération et de vérification (MCV) a été institué lors de l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne en 2007[1]. Il avait été convenu qu'il serait nécessaire de poursuivre les efforts dans des domaines fondamentaux, afin de combler les lacunes en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption. Depuis, les rapports établis au titre de ce mécanisme dessinent la carte des progrès effectués par la Roumanie et cherchent, au moyen de recommandations spécifiques, à orienter les efforts déployés par les autorités roumaines.

Le MCV a joué un rôle important dans la consolidation de l'État de droit en Roumanie, qui représente un aspect essentiel de l'intégration européenne. Le suivi effectué par la Commission et la collaboration nouée avec les autorités roumaines en vue d'encourager les réformes ont produit des effets concrets sur le rythme et l'ampleur des réformes. Les conclusions de la Commission et la méthodologie sous-tendant le MCV ont constamment recueilli l'adhésion pleine et entière du Conseil[2] et ont bénéficié de la coopération et des contributions de nombreux États membres.

Le présent rapport résume les mesures prises au cours de l'année écoulée et formule des recommandations au sujet des prochaines initiatives à mener. Il est le fruit d'un processus d'analyse approfondi entrepris par la Commission sur la base des contributions fournies par les autorités roumaines, la société civile et d'autres parties prenantes. La Commission a été en mesure de s'appuyer sur le soutien spécifique d'experts issus de la magistrature d'autres États membres afin de présenter le point de vue des praticiens du droit. La qualité des informations fournies par les autorités roumaines s'est considérablement améliorée au fil du temps, ce qui constitue en soi un reflet intéressant des progrès accomplis dans la gestion du processus de réforme.

Le rapport MCV 2014 a relevé des progrès dans nombre de domaines et souligné que le bilan des grandes institutions de lutte contre la corruption constituait une avancée importante sur la voie de la viabilité. Dans le même temps, il a noté que les attaques politiques contre les fondamentaux de la réforme montraient qu'il n'existait pas de consensus en faveur de la réalisation des objectifs du MCV. Le présent rapport prend en compte ces deux tendances en vue d'évaluer dans quelle mesure le processus de réforme est réellement engagé.

L'importance du MCV a été corroborée par un sondage d'opinion réalisé auprès des Roumains eux-mêmes. Un sondage Eurobaromètre effectué à l'automne 2014 a fait apparaître un consensus solide au sein de la société roumaine sur le fait que la réforme judiciaire et la lutte contre la corruption représentaient des questions importantes pour la Roumanie. Les résultats ont également révélé une forte augmentation du nombre de personnes ayant constaté une amélioration ces dernières années et attestent d'une certaine confiance dans le fait que cette évolution va se poursuivre. Un soutien clair s'est dégagé afin que l'UE joue un rôle dans la recherche de solutions aux problèmes constatés et continue d'intervenir jusqu'à ce que le pays ait atteint un niveau comparable à celui d'autres États membres[3].

La cohérence des résultats est une des meilleures manières de démontrer le caractère durable des progrès accomplis sur la voie de la réalisation des objectifs du MCV, qui constitue une des conditions permettant de montrer qu'un mécanisme comme le MCV ne serait plus nécessaire. La Commission a accordé cette année une attention particulière à cet aspect dans ses opérations de suivi. La mise en place d'institutions solides et viables joue un rôle important lorsqu'il s'agit de cibler les fonds de l'UE à l'appui des objectifs du MCV, notamment en hiérarchisant efficacement les priorités de la politique de cohésion dans le cadre de l'objectif thématique de renforcement de la capacité institutionnelle et de l'efficience des pouvoirs publics. Par une appropriation plus cohérente et une hiérarchisation plus efficace des priorités, la Roumanie peut collaborer avec ses partenaires de l'UE[4] pour maintenir la dynamique des réformes au cours de l'année à venir.

2.            ÉTAT D'AVANCEMENT DU PROCESSUS DE RÉFORME EN ROUMANIE

2.1.        Indépendance judiciaire

Nominations

Le risque d'ingérence politique lors de la nomination à des postes élevés constitue une des principales craintes concernant l'indépendance de la justice. Les rapports MCV ont souligné l'importance de procédures de sélection transparentes et fondées sur le mérite[5]. En 2014, aucune nomination de juges ou de procureurs n'a été requise au plus haut niveau. Un test important se profile à présent, à savoir la nomination d'un nouveau procureur principal au sein de la Direction des enquêtes sur la criminalité organisée et le terrorisme (DIICOT) après la démission du précédent, en novembre dernier[6]. La procédure comporte une forte dimension politique compte tenu du rôle accordé au ministre de la justice[7]. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) travaille actuellement sur une modification de la loi pour changer cet aspect et aligner la nomination des procureurs sur les procédures en vigueur pour les juges, conformément à ce que préconise la commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l'Europe (Commission de Venise)[8]: s'il devait être donné suite à cette proposition, la prochaine étape consisterait, pour le gouvernement, à la transmettre au Parlement. L'année 2015 fournit à la Roumanie une occasion importante de s'engager pleinement à garantir des nominations transparentes et fondées sur le mérite, alors qu'un certain nombre de procédures de nomination importantes à des postes élevés au sein de la magistrature sont prévues pour 2016[9].

Respect des juges et du processus judiciaire

Les précédents rapports MCV avaient noté le nombre important d'attaques visant des juges et des procureurs dans les médias motivées par des considérations politiques[10]. Sans atteindre le niveau des années précédentes (2012 en particulier), cette question est restée problématique en 2014 et a souvent été liée à des affaires de corruption concernant des personnalités publiques influentes. Parmi les exemples signalés par le CSM figuraient notamment des affaires dans lesquelles les médias avaient fait circuler des contre-vérités manifestes ou accusé des magistrats (ou leur famille) de corruption. Dans d'autres cas, la Cour constitutionnelle a fait l'objet de critiques sévères de la part de personnalités publiques[11].

Un des rôles du CSM est de garantir l'indépendance de l'appareil judiciaire. Depuis 2012, le CSM a mis en place une procédure faisant intervenir l'inspection judiciaire afin de défendre l'indépendance de la justice ainsi que l’honorabilité professionnelle, l'indépendance et l'impartialité des magistrats. Le nombre de demandes adressées au CSM pour déclencher cette procédure a augmenté en 2014 par rapport à 2013, ce qui pourrait être attribué à une crédibilité accrue du système plutôt qu'à une augmentation des problèmes. Malgré cette hausse, l'inspection judiciaire est parvenue à réduire le temps nécessaire aux enquêtes, ce qui a permis au CSM de réagir plus rapidement aux attaques, parfois même en un jour ou deux, et de réfuter les accusations avec plus d'efficacité.

Tout en reconnaissant les avantages de la procédure établie par le CSM, les ONG et les représentants des organisations de magistrats ont fait observer qu'il était difficile de garantir une couverture des déclarations du CSM équivalente à celle de l'accusation d'origine. Le Conseil national de l’audiovisuel a été invité à jouer un rôle plus actif en sanctionnant les médias pour violation de la déontologie. De façon plus volontariste, des mesures ont été prises par les autorités judiciaires afin d'améliorer les informations accessibles aux médias sur l'évolution du système judiciaire[12].

Il n'en reste pas moins qu'aucune grande ligne ne semble avoir été arrêtée pour fixer la limite au-delà de laquelle les actions politiques interfèrent avec le pouvoir judiciaire et les décisions de justice, et encore moins aucune sanction en cas de franchissement de cette limite. Le rapport MCV 2014 recommandait, entre autres, de «veiller à ce que le code de conduite des parlementaires contienne des dispositions claires relatives au respect, par les parlementaires et le processus parlementaire, de l'indépendance du pouvoir judiciaire»[13]. De telles dispositions ne figurent pas dans le code (voir la recommandation répétée ci-après).

La Cour constitutionnelle et le respect des décisions de justice

La Cour constitutionnelle a joué un rôle déterminant en soutenant l'équilibre des pouvoirs et le respect des droits fondamentaux en Roumanie, ainsi qu'en résolvant des questions non réglées par la voie juridictionnelle. Après l'entrée en vigueur du nouveau code pénal et du nouveau code de procédure pénale, les arrêts de la Cour constitutionnelle ont permis de surmonter des écueils de taille. Un autre exemple important concernait la loi sur les incompatibilités, qui a résolu un problème à l'origine d'incohérences dans les décisions judiciaires[14].

Certains arrêts de la Cour constitutionnelle ont représenté un défi important pour le système judiciaire et imposé l'adaptation des méthodes de travail. D'autres ont nécessité un amendement urgent de la loi. La réaction des autorités judiciaires et du ministère de la justice a permis de tenir les délais prescrits. Il existe cependant des exemples patents de cas où le Parlement n'a pas immédiatement donné suite aux arrêts de la Cour constitutionnelle concernant la législation ou les droits et les obligations des parlementaires[15].

Pour ce qui est du respect des décisions de justice en général, l'appareil judiciaire semble de plus en plus enclin à prendre des mesures visant à garantir qu'il est correctement donné suite à ces décisions. D'importants problèmes demeurent toutefois[16] et des entreprises et des ONG ont fait état du non-respect de certaines décisions par les pouvoirs publics, dont on pourrait pourtant attendre qu'ils montrent l'exemple.

Constitution

Les discussions concernant une révision de la Constitution ont progressé début 2014, avec la présentation de projets de modification en février 2014. Nombre d'entre eux ont été jugés anticonstitutionnels par la Cour constitutionnelle et plusieurs problèmes graves ont été épinglés par la Commission de Venise[17]. Si les travaux devaient reprendre, il conviendrait de saisir l'occasion pour jeter un nouveau regard sur la manière dont la Constitution pourrait servir à cimenter l'indépendance judiciaire.

Le processus de révision de la Constitution présente un intérêt pour le MCV, étant donné que certaines modifications concernent la justice et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature. Marqué par des coups d'arrêt et des reprises, ce processus a été critiqué jusqu'ici pour son manque de transparence, tant pour les délais impartis que pour les consultations engagées. La participation de la Commission de Venise a toutefois contribué à mettre le processus sur les rails et la pleine participation de grandes institutions comme le CSM devrait contribuer à garantir que chaque modification proposée tiendra pleinement compte de l'indépendance du système judiciaire.

Les précédents rapports MCV ont abordé le recours aux ordonnances d’urgence par le gouvernement dans le cadre du système législatif au sein duquel les lois sur la réforme judiciaire et la lutte contre la corruption doivent être adoptées[18]. Deux difficultés ont été repérées, notamment dans les discussions avec la Cour constitutionnelle. La première est le recours fréquent aux ordonnances gouvernementales d’urgence, ce qui a pour effet de limiter les possibilités de consultation et de nuire à la clarté législative, et, partant, à l'unification de la jurisprudence et de la pratique[19]. L'autre a trait à la possibilité de contester ces ordonnances. Le recours aux ordonnances gouvernementales d’urgence peut être remis en question par le médiateur. Les précédents rapports MCV soulignaient l'importance de cette fonction pour l'équilibre des pouvoirs et la qualité du processus législatif. Élu en avril dernier avec l'appui d'un seul parti[20], le médiateur actuel a indiqué qu'il considérait qu'il n'appartenait pas au médiateur de s'occuper de questions concernant l'équilibre des pouvoirs entre autorités de l'État, mais que son rôle devait principalement consister à régler des questions de droit individuelles. S'il est compréhensible que le médiateur dispose d'une certaine marge d'appréciation quant à l'opportunité d'user de son droit de saisir la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité des ordonnances d'urgence, cette auto-limitation crée effectivement un vide qui, en l'état actuel du cadre institutionnel de la Roumanie, ne peut être comblé par d'autres acteurs[21].

2.2. Réforme judiciaire[22]

Nouveaux codes

Les précédents rapports MCV soulignaient l'importance des nouveaux codes juridiques pour la modernisation du système judiciaire roumain[23]. La mise en œuvre, en février 2014, du nouveau code pénal et du nouveau code de procédure pénale a constitué une vaste entreprise et permis de tester la capacité d'adaptation du système judiciaire. L'introduction de ce changement a été un succès, grâce à la collaboration efficace des grandes institutions: le ministère de la justice, la Haute cour de cassation et de justice (HCCJ), le CSM, le ministère public et l'Institut national de la magistrature (INM). La magistrature roumaine a démontré sa capacité à s'adapter aux nouveaux codes sans interrompre son travail. Il semble que certaines mesures innovantes, comme la possibilité de plaider coupable, aient déjà été utilisées avec succès.

Plusieurs questions complexes liées à la transition sont apparues. Dans un certain nombre de cas, comme l'application du principe de la loi la plus favorable, des solutions ont été trouvées. Pour certaines questions, le gouvernement a adopté des modifications au moyen d'ordonnances d'urgence. Pour d'autres, des propositions législatives ont été faites, mais les procédures parlementaires sont toujours en cours. D'autres adaptations seront également nécessaires consécutivement à des arrêts de la Cour constitutionnelle. Ainsi, la Cour a jugé en décembre que certaines dispositions des codes relatives au contrôle juridictionnel et aux chambres préliminaires étaient anticonstitutionnelles[24]. Pour ce qui est du contrôle juridictionnel, le ministère de la justice a agi de manière à garantir la continuité dans le délai convenu. En ce qui concerne les chambres préliminaires, la HCCJ et le CSM ont immédiatement commencé à rechercher des solutions pratiques visant à autoriser la présence d'avocats de la défense.

Un défi pratique supplémentaire découlera de l'entrée en vigueur différée de certaines dispositions des codes civils en 2016. Il est toutefois manifeste que les codes civils ont atteint certains de leurs objectifs, notamment celui de réduire la durée des procès (environ un an et six mois en moyenne). Une évaluation similaire des effets des codes pénaux est prévue pour février 2015.

Stratégie de développement du système judiciaire (2015-2020)

La stratégie de développement du système judiciaire pour les années 2015-2020 présentée par le ministère de la justice a été approuvée par le gouvernement le 23 décembre 2014. Ce document s'inspire largement des recommandations du MCV, ainsi que d'études réalisées avec la Banque mondiale, en particulier celle consacrée à l'analyse du fonctionnement du système judiciaire roumain (Functional Analysis of the Romanian judiciary)[25] [26]. S'appuyant sur une série de principes fondamentaux fondés sur l'État de droit, la stratégie définit des objectifs pour la poursuite des réformes sur la période 2015-2020, afin de rendre la justice à la fois plus efficace et plus responsable et d'en améliorer la qualité. La stratégie et son plan d'action devraient également servir de base à la définition des priorités des financements de l'UE dans le domaine de la justice. Le processus d'approbation du document a traîné en longueur, alors qu'un premier projet était déjà prêt en septembre 2013. La consultation a eu lieu à l'automne et la stratégie et son plan d'action devraient être parachevés d'ici avril 2015.

L'expérience semble indiquer qu'une telle stratégie suscite une large adhésion et une forte participation des principales parties prenantes. Il semble toutefois que le CSM ait essentiellement travaillé sur divers projets en parallèle.

Budget et ressources humaines

Malgré les pressions qui pèsent sur les finances publiques, le ministre de la justice a dégagé des financements supplémentaires considérables pour faciliter la réforme. En 2014, le budget a augmenté de 4 % et le projet de budget pour 2015 prévoit une nouvelle augmentation. Cela a permis de financer de nouveaux postes dans les tribunaux et les bureaux du procureur, notamment 200 nouveaux postes auxiliaires.

L'École nationale des greffes, l'Institut national de la magistrature et le CSM ont organisé des formations et les concours pour ces nouveaux postes, qui ont rapidement été pourvus. Parmi les futurs besoins recensés figurent l'emploi d'un plus grand nombre de greffiers, la modernisation de l'équipement informatique et la rénovation des tribunaux, ainsi qu'un soutien aux grandes institutions que sont notamment l'inspection judiciaire et l'École nationale des greffes. Les financements de l'UE devraient jouer un rôle majeur dans le soutien aux projets spécifiques liés à la réforme.

Efficacité du système judiciaire

La charge de travail est un problème récurrent au sein du système judiciaire. Elle a des conséquences sur la qualité des décisions judiciaires et sur la convivialité du système judiciaire. Le ministère de la justice et le CSM ont élaboré un certain nombre de propositions législatives destinées à résoudre le problème posé par la charge de travail. Une loi (rapidement adoptée par le Parlement en octobre 2014) a apporté une solution au problème de la duplication des procédures concernant l'application de décisions de justice. On estime qu'elle aurait soulagé les tribunaux civils d'environ 300 000 affaires. Il s'est avéré plus difficile de trouver un consensus sur la fermeture des petites juridictions et une loi visant à donner davantage de liberté aux intéressés pour la répartition des rôles entre les juges et les greffiers semble aujourd'hui au point mort. Pour aller de l'avant, des solutions originales ont été proposées, comme des tribunaux itinérants ou l'abandon du parallélisme entre tribunaux et bureaux du procureur.

En mai, le CSM a créé un groupe de travail chargé de définir comment mesurer, analyser et améliorer les résultats de l'ensemble des juridictions. Cette mesure semble judicieuse en ce sens qu'elle fournit les outils nécessaires à la gestion des résultats du système judiciaire, dans le contexte notamment de la stratégie judiciaire globale. Il pourrait notamment être utile d'examiner dans ce cadre dans quelle mesure le système judiciaire a fait en sorte que les décisions soient appliquées.

Le CSM continue de sanctionner les fautes professionnelles et les fautes disciplinaires des magistrats. L'inspection judiciaire s'est désormais érigée en principale instance d'enquête pour les fautes disciplinaires. Le nombre de procédures disciplinaires a augmenté en 2014 par rapport à 2013 et la prise de décision a été plus rapide.

Plusieurs sondages d'opinion ont révélé que la population roumaine faisait de plus en plus confiance au système judiciaire de son pays, en particulier aux institutions chargées de lutter contre la corruption à haut niveau[27]. Il s'agit là d'un signe important de reconnaissance des progrès accomplis, mais qui s'accompagne d'attentes accrues. Juristes, hommes d'affaires et ONG continuent de faire état de difficultés dans leurs rapports avec les tribunaux.

Cohérence de la jurisprudence

Un autre élément essentiel de la réforme judiciaire est la cohérence de la jurisprudence. La HCCJ a davantage eu recours au renvoi préjudiciel et à la procédure d'appel dans l'intérêt du droit en vue d'unifier la jurisprudence. Elle a également adopté des mesures visant à améliorer la diffusion des décisions judiciaires. Des mesures pratiques similaires ont aussi été prises au niveau du ministère public et, plus largement, des hautes instances judiciaires. Des inspections thématiques menées par l'inspection judiciaire contribuent également à rendre les pratiques cohérentes.

Malgré ces efforts, un certain nombre d'obstacles à la cohérence demeurent. L'obligation qu'ont les magistrats de rendre des comptes s'ils décident de s'écarter de la pratique établie ou de la jurisprudence ne semble pas claire: le CSM a dû préciser que l'indépendance du système judiciaire ne saurait servir d'excuse à des pratiques non unitaires. L'administration publique est également tenue d'accepter les décisions prises sur des questions récurrentes. Cela limiterait le nombre d'affaires judiciaires et renforcerait la sécurité juridique en évitant que des décisions divergentes soient prises pour des affaires identiques.

Des progrès ont été constatés en ce qui concerne la publication des décisions judiciaires. Le ministère de la justice a finalisé un projet (financé au moyen de fonds de l'UE) de portail consolidant la législation en vigueur[28]. La HCCJ possède un impressionnant site web. Le CSM a également signé un partenariat pour organiser la publication de la jurisprudence à compter d'août 2015.

2.3. Intégrité

L'Agence nationale pour l'intégrité et le Conseil national pour l'intégrité

L'Agence nationale pour l'intégrité (ANI) a continué de traiter un grand nombre d'affaires en 2014[29]. Un pourcentage élevé (70 %) des décisions de l'ANI concernant des incompatibilités et des conflits d'intérêts sont contestées devant les tribunaux, mais 90 % d'entre elles environ sont confirmées par ces derniers. Les interprétations du droit par l'ANI ont été confirmées à la fois par la Cour constitutionnelle et par la HCCJ. Il peut donc être considéré qu'elle travaille sur une base juridique solide. En 2014, la HCCJ a aussi contribué à trouver des solutions pour accélérer le traitement des affaires d'incompatibilités, malgré une lourde charge de travail. Cela a permis d'asseoir la sécurité juridique et d'améliorer l'effet dissuasif des lois sur l'intégrité.

Toutefois, alors que la frontière entre indépendance judiciaire et incohérence judiciaire est ténue, plusieurs exemples ont été rapportés cette année de décisions contradictoires émanant de juridictions différentes (même au niveau de la Cour d'appel) et à l'origine d'interprétations différentes, y compris des interprétations s'écartant de celles données par la HCCJ elle-même[30].

Il semble que le suivi des décisions de l'ANI s'améliore. Il reste toutefois certaines affaires pour lesquelles l'ANI s'est vu contrainte, en l'absence de mise en œuvre, de transmettre le dossier au ministère public (le fait de ne pas appliquer une décision finale est un délit pénal) ou d'infliger des amendes[31]. Il semble nécessaire de sensibiliser quelque peu le grand public aux règles d'incompatibilité si l'on veut prévenir les conflits d'intérêts. La preuve en est qu'un grand nombre d'élus sont jugés incompatibles[32]. Alors que la jurisprudence fait prendre peu à peu conscience de la nécessité d'appliquer les décisions d'incompatibilité, d'autres mesures pourraient être prises pour garantir une bonne connaissance des règles.

En matière de personnel et de budget, la situation de l'ANI est restée stable en 2014. L'ANI a fait en sorte de disposer des ressources nécessaires pour entreprendre un nouveau projet important en 2015. Le système informatique «Prevent» permettant un contrôle ex-ante des conflits d'intérêts dans les marchés publics, qui sera pleinement finalisé au milieu de l'année 2015, devrait être source d'importants avantages, en évitant en premier lieu tout conflit d'intérêts. Ce système concernera les achats avec des fonds de l'UE comme avec des fonds nationaux. La législation d'application nécessaire devrait être adoptée au printemps 2015, à l'issue d'une consultation.

Le Conseil national pour l'intégrité (CNI) a continué de jouer son rôle d'organe de supervision, notamment en intervenant publiquement et devant le Parlement au besoin[33]. Le mandat du CNI actuel a expiré en novembre 2014. Le processus initial de nomination d'un nouveau CNI a donné lieu à un certain nombre de controverses, à commencer par la nomination (dans un premier temps) de candidats faisant eux-mêmes l'objet de procédures de l'ANI, ce qui a semé le doute quant à la détermination réelle des autorités à soutenir les institutions chargées de défendre l'intégrité et qui a laissé penser que l'objectif de l'intégrité n'était pas parfaitement compris.

Le cadre pour l'intégrité: le Parlement

La stabilité du cadre juridique de l'intégrité demeure problématique. Des propositions ont été élaborées, au Parlement, en vue de modifier certains aspects du cadre juridique. Bien qu'aucune de ces propositions n'ait été adoptée, rien ne montre que les conséquences pour les incompatibilités ou les risques de corruption aient été préalablement évaluées et l'ANI n'a pas été consultée[34]. Les règles relatives aux incompatibilités concernant des autorités locales élues, comme les maires, constituent une question particulière, compte tenu du rôle-clé joué par ces dernières en matière de marchés publics. S'il est à noter que le vote du Parlement de décembre 2013 ne s'est pas répété,[35] le sentiment d'absence de consensus au Parlement en faveur d'une législation stricte en matière d'intégrité reste fort.

Un plan précédent visant à codifier l'ensemble des règles sur l'intégrité (qui aurait contribué à améliorer leur cohérence et leur clarté) a été suspendu au prétexte de craintes que le processus législatif puisse affaiblir les règles existantes. Il s'agit là d'une occasion manquée de débarrasser ces règles de tout risque d'ambiguïté. Il importera également d'inscrire durablement dans la législation les arrêts de la Cour constitutionnelle de 2014 confirmant la constitutionnalité des dispositions sur les incompatibilités[36].

Le suivi des décisions de l'ANI (une fois confirmées par le juge) par le Parlement demeure incohérent, alors que les réformes laissaient espérer une plus grande automaticité. Dans une affaire emblématique, une solution n'a pu être trouvée qu'après la démission d'un sénateur. Dans une autre affaire, il a fallu plusieurs mois à la Chambre avant de prendre une décision, en dépit du respect automatique d'une décision judiciaire définitive désormais prévu par les règles[37]. Une nouvelle affaire d'incompatibilité concernant un député est en attente de décision au Parlement.

2.4 La lutte contre la corruption

Lutte contre la corruption à haut niveau

Les rapports MCV récents[38] ont permis de constater que le bilan s'était étoffé en matière de lutte efficace contre les affaires de corruption à haut niveau, une tendance qui s'est confirmée en 2014. Cela vaut aussi bien au stade des poursuites par la DNA[39] qu'au stade des procès par la HCCJ[40]. Cela confirme également le fait qu'un important problème demeure[41] [42].

En 2014, l'activité de la DNA a couvert un large éventail d'affaires à haut niveau, dans toutes les composantes de la fonction publique et concerné des personnalités publiques dans un grand nombre de partis politiques. Parmi les personnes inculpées ou continuant de faire l'objet d'une enquête ont figuré notamment des ministres, des parlementaires, des maires, des juges et des personnes occupant des postes élevés au sein du ministère public, en fonction ou non. 

Parmi les affaires de la HCCJ, des condamnations en dernière instance ont été prononcées pour un ancien Premier ministre, d'anciens ministres, des membres du Parlement, des maires et des magistrats. D'autres affaires importantes, concernant des dirigeants d'entreprises influents, ont été tranchées au niveau de la Cour d'appel. Il n'en reste pas moins que, dans les affaires de corruption, la majorité des peines sont assorties d'un sursis (bien que cela soit moins marqué au niveau de la HCCJ).

Pendant l'essentiel de l'année 2014, la DNA n'est pas parvenue à persuader le Parlement d'accéder à ses demandes de levée de l'immunité parlementaire, afin de permettre l'ouverture d'une enquête et l'application de mesures de détention préventive. Il semble que cette tendance se soit inversée fin 2014, lorsque le Parlement a levé l'immunité de plusieurs parlementaires faisant l'objet d'une enquête de la DNA dans le cadre d'une affaire de corruption de grande envergure. La réponse du Parlement aux demandes de la DNA semble arbitraire et dénuée de critères objectifs. En revanche, toutes les demandes de levée d'immunité concernant des ministres adressées au président roumain ont été acceptées[43]. Aucune règle claire n'a toutefois été édictée en vue de suivre la recommandation du MCV d’assurer une application rapide des règles constitutionnelles relatives à la suspension des ministres inculpés et pour suspendre les parlementaires à l’encontre desquels ont été prononcées des condamnations pour manquement à l’intégrité ou pour des faits de corruption[44]. Le fait que des ministres encourant des poursuites pénales, de même que des parlementaires condamnés en dernier ressort pour délits de corruption, restent en exercice, soulève des questions plus larges quant à l'attitude de la classe politique roumaine à l'égard de la corruption.

Le rejet, en novembre 2014, de la loi d'amnistie par le Parlement a donné un signal positif, car il a montré l'opposition à une loi qui aurait eu pour effet de blanchir des individus ayant été condamnés pour des délits de corruption. Néanmoins, le fait qu'une semaine à peine après ce vote, l'idée d'un nouveau projet de loi sur une amnistie collective ait déjà refait surface au sein du Parlement laisse penser que le débat n'est pas clos.

La hausse d'activité concerne aussi les affaires de corruption au sein de la magistrature, une forme de corruption reconnue comme particulièrement corrosive[45]. Selon la DNA, ce nombre élevé d'affaires n'est pas révélateur d'un accroissement de la corruption dans la magistrature (même si l'échelle de ce phénomène est préoccupante), mais plutôt d'une augmentation du nombre de signaux émis par le public[46]. Compte tenu de la complexité de ce genre d'affaires, une nouvelle unité spéciale de la DNA a été créée dans ce but.

Lutte contre la corruption à tous les niveaux

Ces dernières années, les rapports MCV ont eu du mal à dresser un bilan de la lutte contre la corruption dans la société en général. Quelques signes de progrès sont toutefois apparus en 2014. Le ministère public a pris un certain nombre de mesures concrètes pour améliorer les résultats des poursuites engagées dans ce domaine[47]. La direction générale anticorruption (DGA), en sa double qualité de service d'appui au ministère public (DNA et bureau du procureur général) et d'instance interne de lutte contre la corruption au sein du ministère de l'intérieur, a continué de jouer un rôle important, bien que des projets visant à étendre sa compétence à d'autres ministères semblent être dans l'impasse. Le nombre de décisions de justice concernant des affaires de corruption a diminué en 2014 et le recours au sursis reste élevé (80 % des condamnations).

La stratégie nationale de lutte contre la corruption 2012-2015[48] est devenue un cadre important pour l'administration publique. Le deuxième cycle d'évaluation, basé sur un examen par les pairs, s'est déroulé en 2014 au niveau des administrations publiques locales. Le concept repose sur les pratiques du Groupe d'États contre la corruption (GRECO) et de l'OCDE. Les institutions associées à la stratégie nationale de lutte contre la corruption s'engagent à observer une série de 13 mesures préventives juridiquement contraignantes et se soumettent à un examen par les pairs. Ces travaux sont également soutenus par des projets concrets de prévention menés par des ONG avec l'appui de fonds de l'UE (au sein notamment du ministère de la santé et du ministère du développement régional). Si ces travaux restent morcelés et peinent à prendre racine dans des administrations devant se débrouiller avec des ressources limitées, un certain nombre de succès tangibles sont toutefois à saluer. 

L'évaluation des risques et les contrôles internes sont des domaines d'action prioritaires. Des affaires récentes ont révélé des cas importants de corruption qui auraient pu être détectés plus tôt par un examen attentif des dossiers, mais qui n'ont dû leur signalement qu'à l'action d'un citoyen[49]. Alors que les dépenses publiques sont sous pression, il serait souhaitable de cibler les domaines de la fiscalité et des dépenses portant sur des montants élevés. Des leçons devraient également être tirées quant aux personnes devant faire une déclaration de patrimoine et quant au moyen de contrôler ces dernières. 

En ce qui concerne le recouvrement des avoirs, et notamment la réparation des préjudices causés, les autorités roumaines ont reconnu la nécessité d'améliorer le système. Bien que l'un des problèmes existant en l'espèce soit la nécessité de renforcer la collecte de données, le taux de recouvrement auquel est parvenue l'Agence nationale de l'administration fiscale (ANAF) dans l'exécution des décisions de justice est estimé à 5 à 15 % seulement des avoirs ayant fait l'objet d'une décision judiciaire. Cela rend les sanctions moins dissuasives et a pour effet de perpétuer la perte subie par la victime (souvent l'État dans les affaires de corruption), tout en fournissant des exemples supplémentaires d'incapacité à mettre en œuvre les décisions de justice. La décision du ministère de la justice de créer une nouvelle agence chargée de gérer les avoirs saisis fournit l'occasion d'améliorer la situation.

Les procédures de marchés publics, en particulier à l'échelon local, restent exposées aux risques de corruption et de conflit d'intérêts, un fait largement attesté par les autorités roumaines chargées de veiller à l'intégrité et de faire appliquer la loi. Cela a eu des conséquences pour l'absorption des fonds de l'UE. Il n'en est cependant pas moins vrai que de nombreux autres paramètres interviennent en la matière, tels que la capacité administrative des acheteurs publics, le manque de stabilité et la fragmentation du cadre juridique, ainsi que la qualité de la concurrence dans le domaine des marchés publics. Un dialogue structuré renouvelé entre la Commission et la Roumanie dans le contexte de la mise en œuvre des nouvelles directives sur les marchés publics et du mécanisme de conditionnalité ex ante pour les Fonds structurels et d’investissement européens devrait permettre de déceler les lacunes, y compris les domaines présentant un risque en matière de corruption et de conflit d'intérêts. Le contrôle ex-ante des marchés publics prévu par l'Agence nationale pour l'intégrité semble être un pas dans la bonne direction, mais demanderait à être assorti d'autres actions afin de minimiser les possibilités d'émergence de conflits d'intérêts, de favoritisme, de fraude et de corruption dans les marchés publics.

3. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Le rapport 2014 établi par la Commission au titre du mécanisme de coopération et de vérification avait pu mettre en lumière un certain nombre de domaines dans lesquels des progrès avaient été réalisés, dont quelques-uns ont fait preuve d’une résilience annonciatrice de viabilité. Cette tendance s'est confirmée au cours de l'année écoulée. Les mesures prises par les principales institutions judiciaires et par celles qui sont chargées des questions d'intégrité en vue de lutter contre la corruption à haut niveau ont permis de maintenir une formidable dynamique et se sont traduites par un renforcement de la confiance des Roumains en leur système judiciaire en général, et dans le ministère public spécialisé dans la lutte contre la corruption en particulier. Cette tendance a été soutenue par un professionnalisme accru du système judiciaire dans son ensemble, et notamment par la volonté de défendre l'indépendance du système judiciaire de manière plus cohérente et en suivant une approche plus volontariste en faveur de la cohérence de la jurisprudence. L'occasion se présente aujourd'hui de mettre ces progrès à l'épreuve en une période hautement sensible, caractérisée notamment par des nominations à des postes élevés au sein de la magistrature.

Dans le même temps, le sentiment qui persiste est que les progrès demandent à être consolidés et sécurisés davantage. Si la mise en œuvre des codes a permis de voir le gouvernement et le pouvoir judiciaire œuvrer de concert de manière productive et pragmatique une année durant, nombre de questions législatives demeurent en suspens. Il reste, dans certaines décisions de justice, un degré surprenant d'incohérence qui ne cessera de susciter des inquiétudes. Il semble que les décisions au Parlement portant sur la question de savoir s'il y a lieu d'autoriser le ministère public à traiter les parlementaires comme des citoyens ordinaires ne s'appuient toujours sur aucun critère objectif ni ne s'inscrivent dans aucun calendrier précis. Autre problème encore plus répandu: le Parlement s'est également montré plusieurs fois réticent à appliquer des décisions de justice définitives ou des décisions de la Cour constitutionnelle. Et même s'il apparaît clairement que le gouvernement est de plus en plus conscient de la nécessité de lutter contre la corruption généralisée, l'ampleur du problème est telle qu'elle nécessitera une approche plus systématique.

La Commission se félicite de la coopération constructive qu'elle a entretenue avec les autorités roumaines tout au long de l'année écoulée. Le consensus en faveur de la réforme et la confiance dans le fait que les progrès s'installent durablement gagnent du terrain et il importe désormais que cette tendance se maintienne. La Commission espère poursuivre sa collaboration étroite avec la Roumanie afin de garantir la réalisation des objectifs du MCV.

La Commission invite la Roumanie à prendre des mesures dans les domaines suivants:

1. Indépendance judiciaire

· Veiller à ce que la nomination du nouveau procureur principal au sein de la Direction des enquêtes sur la criminalité organisée et le terrorisme (DIICOT) se fasse conformément à une procédure transparente et fondée sur le mérite;

· procéder à un examen global des processus de nomination à des postes élevés au sein de la magistrature, de manière à disposer de procédures claires et exhaustives d'ici décembre 2015, en s'inspirant des procédures appliquées pour nommer le président de la Haute cour de cassation et de justice (HCCJ);

· veiller à ce que le code de conduite des parlementaires contienne des dispositions claires relatives au respect, par les parlementaires et le processus parlementaire, de l'indépendance du pouvoir judiciaire;

· lors des discussions sur la Constitution, veiller à ce que l'indépendance de la justice et son rôle dans le système d'équilibre des pouvoirs soient maintenus au cœur des débats.

2. Réforme judiciaire

· Procéder au plus tôt aux aménagements nécessaires des codes pénaux, en concertation avec le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), la Haute cour de cassation et de justice (HCCJ) et le ministère public. L'objectif devrait être de garantir un cadre stable ne nécessitant pas une succession d'amendements;

· élaborer un plan d'action opérationnel visant à mettre en œuvre la stratégie de réforme judiciaire, assorti d'un calendrier précis, approuvé à la fois par le ministère de la justice et par le CSM et à l'élaboration duquel l'ensemble des principales parties prenantes ont eu la possibilité de participer; fournir aux responsables des juridictions de meilleurs outils d'information sur le fonctionnement du système judiciaire (comme des outils statistiques, des systèmes de gestion des affaires, des enquêtes de satisfaction menées auprès des usagers et des enquêtes menées auprès du personnel) afin que les décisions soient prises en meilleure connaissance de cause et d'aider à démontrer les progrès accomplis;

· rechercher des solutions pragmatiques afin de maintenir l'accès aux tribunaux sans conserver la carte judiciaire actuelle des petites juridictions;

· améliorer le suivi des décisions de justice à tous les niveaux afin de veiller à ce que les jugements et les sanctions financières soient correctement mis en œuvre.

3. Intégrité

· Réfléchir à nouveau à la manière de garantir que les décisions de justice exigeant la suspension des fonctions de membre du Parlement soient automatiquement appliquées par le Parlement;

· mettre en œuvre le contrôle préalable par l'ANI des conflits d'intérêts dans les marchés publics; veiller à renforcer les contacts entre le ministère public et l'ANI afin que les infractions potentielles liées aux affaires de l'ANI fassent l'objet de poursuites;

· réfléchir aux moyens d'améliorer l'acceptation par le grand public et la mise en œuvre effective des règles relatives aux incompatibilités et à la prévention des incompatibilités.

4. Lutte contre la corruption

· Améliorer la collecte de statistiques sur le recouvrement effectif des avoirs et veiller à ce que la nouvelle agence puisse améliorer la gestion des actifs gelés et collaborer avec l'ANAF pour améliorer les taux de recouvrement. D'autres parties de l'administration publique devraient être clairement tenues responsables au cas où il ne serait pas donné suite à ces points;

· intensifier les actions tant préventives que répressives pour lutter contre les conflits d'intérêts, le favoritisme, la fraude et la corruption dans les marchés publics, tout en accordant une attention particulière aux domaines clés, tels que le système judiciaire;

· recourir à la stratégie nationale de lutte contre la corruption pour mieux recenser les domaines les plus sujets à la corruption et élaborer des mesures éducatives et préventives, avec le soutien des ONG et en tirant parti des possibilités offertes par les fonds de l'UE;

· continuer à améliorer la lutte contre la corruption à l'échelle locale, tant par l'adoption de mesures de prévention que par l'application de sanctions dissuasives.

[1]               Conclusions du Conseil des ministres du 17 octobre 2006 (13339/06); décision de la Commission du 13 décembre 2006 établissant un mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d'atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption [C(2006) 6569 final].

[2]               http://ec.europa.eu/cvm/key_documents_en.htm

[3]               Eurobaromètre Flash n° 406.

[4]               Certains États membres apportent une assistance technique à la Roumanie dans les domaines concernés par le MCV.

[5]               COM(2014) 37 final; COM(2013) 47 final; COM(2012) 410 final

[6]               La procureure principale de la DIICOT démissionnaire est accusée de corruption pour des faits commis avant sa nomination en 2013. En janvier 2013, la Commission s'est déclarée préoccupée par la procédure en cours et a recommandé à la Roumanie de veiller à ce que les nouveaux responsables à la tête du ministère public soient choisis, à l’issue d’une procédure ouverte et transparente, parmi un nombre suffisant de candidats de haut vol répondant aux critères d’expertise professionnelle et d’intégrité [COM(2013) 47 final, p. 7].

[7]               Cette situation a été source de controverses concernant des nominations à des postes élevés au sein du ministère public en 2012-2013.

[8]               Les normes européennes de la Commission de Venise relatives à l'indépendance du système judiciaire insistent sur la nécessité d'éviter d'accorder un rôle trop important aux personnes occupant des postes politiques lors des nominations au sein du ministère public.  

[9]               Procureur général et procureur principal au sein de la Direction nationale anticorruption (DNA) en mai 2016; président de la Haute cour de cassation et de justice (HCCJ) en septembre 2016, et élection du Conseil supérieur de la magistrature en 2016. Le président et le vice-président de l'Agence nationale pour l'intégrité (ANI) seront également nommés en avril 2016.

[10]             COM(2013) 47 final, p. 4; COM(2014) 37 final p. 3.

[11]             Par exemple, après l'arrêt relatif aux lois sur la conservation des données.

[12]             Rapport technique, section 1.1.2.       

[13]             Voir notamment le COM(2014) 37 final, p. 13.

[14]             Rapport technique, section 1.1.1.

[15]             Ainsi, en ce qui concerne les décisions d'incompatibilité, certaines institutions, dont le Parlement, rechignent encore à appliquer des décisions définitives à l'encontre de leurs membres. Voir ci-dessous, dans la section Intégrité et dans le rapport technique.

[16]             Voir ci-dessous en ce qui concerne la confiscation.

[17]             Le fait que les autorités roumaines aient associé la Commission de Venise et la Commission européenne au processus de réforme constitutionnelle est une heureuse initiative. La Commission de Venise a également critiqué les changements apportés au système judiciaire, et notamment le fait de dessaisir la Haute cour de cassation et de justice (HCCJ) de ses responsabilités en matière d'enquêtes et de poursuites concernant des parlementaires. Elle a également appelé à examiner plus attentivement le statut de procureur.

[18]             La Commission de Venise a aussi attiré l'attention sur ce point.

[19]             Plus généralement, la «stratégie de renforcement de l'administration publique» adoptée par le gouvernement en octobre 2014 devrait aider à améliorer la qualité de la législation.  

[20]             Le rapport MCV de juillet 2012 précisait ce qui suit: «Les autorités roumaines doivent assurer l’indépendance du médiateur et désigner un médiateur jouissant du soutien de tous les partis, capable d’exercer efficacement et en toute indépendance ses fonctions légales.» [COM(2012) 410, p. 18].

[21]             Il est ainsi communément admis que l'ordonnance gouvernementale d’urgence d'août 2014 sur la «migration des partis politiques» a soulevé des problèmes de nature constitutionnelle. La Cour constitutionnelle n'a pas été saisie par le médiateur. La loi en question a ensuite été déclarée anticonstitutionnelle après saisine par des parlementaires à un stade ultérieur de la procédure, alors qu'elle était déjà entrée en vigueur.

[22]             L'importance de la réforme judiciaire en Roumanie a également été reconnue dans le cadre du Semestre européen, par les recommandations par pays adoptées par le Conseil en juillet 2014 pour la Roumanie, qui appelaient le pays à améliorer la qualité et l'efficacité de son système judiciaire (2014/C 247/21).

[23]             COM(2014) 37 final.

[24]             Rapport technique, section 1.1.1.

[25]             rhttp://www.just.ro/LinkClick.aspx?fileticket=h7Nit3q0%2FGk%3D&tabid=2880

[26]             Le projet soumis à consultation publique est basé sur: l'évaluation du fonctionnement du système judiciaire; les rapports MCV et les recommandations de la Commission européenne; l'optimisation des tribunaux; les contributions des services spécialisés du ministère de la justice, du Conseil supérieur de la magistrature, du ministère public, de la Haute cour de cassation et de justice, du bureau commercial national, ainsi que de l'administration pénitentiaire nationale.

[27]             Rapport technique, section 1.4.8. 

[28]             La base de données donne librement accès à la législation roumaine depuis 1989 dans un format convivial.

[29]             Rapport technique, section 2.1.3. Au total, 638 affaires ont été notifiées à l'ANI et 541 ont commencé à être traitées d'office. En 2014, l'ANI a finalisé 514 rapports. Par rapport à 2013, une augmentation du nombre d'affaires de conflits d'intérêts et d'enrichissement injustifié a été observée, de même qu'une diminution du nombre d'affaires d'incompatibilités.

[30]             Un des candidats aux élections européennes de mai 2014 avait fait l'objet d'une décision d'incompatibilité. Son éligibilité avait été contestée par l'ANI, mais la Cour d'appel a jugé qu'il pouvait se présenter aux élections (bien que la HCCJ ait déjà statué sur le problème du «mandat identique», dont il était ici question). La Cour d'appel n'a pas renvoyé l'affaire devant la HCCJ, de sorte que cette dernière ne disposait d'aucun moyen pour restaurer sa propre interprétation de cette question.

[31]             Ainsi, l'ANI a dû infliger une amende aux membres d'un conseil municipal jusqu'à ce qu'ils finissent par appliquer une décision de l'ANI sur le conflit d'intérêts concernant un de leurs pairs et le démettent de ses fonctions. L'ANI a même dû envisager de prendre des mesures similaires à l'encontre d'une commission parlementaire.

[32]             Voir rapport technique, section 2.1. Au total, 249 cas d'incompatibilité ont été constatés par l'ANI en 2014, dont 70 % concernent des élus.

[33]             Ainsi, pour garantir l'indépendance de l'ANI vis-à-vis du Sénat: http://www.integritate.eu/Comunicate.aspx?Action=1&Year=2014&Month=5&NewsId=1578&currentPage=3&M=NewsV2&PID=20

[34]             On retiendra par exemple la manière dont la proposition législative modifiant la loi n° 51/2006 sur les services communautaires ou les intérêts publics a été présentée.

[35]             En particulier, les modifications du code pénal adoptées par le Parlement en décembre 2013 et déclarées anticonstitutionnelles par la Cour constitutionnelle en janvier 2014 auraient dilué l'efficacité du cadre de l'intégrité.

[36]             En ce qui concerne notamment la question du «mandat public identique», voir le rapport technique, section 1.1.1.

[37]             Cette décision a été rendue six mois environ après l'arrêt de la Cour constitutionnelle, mais deux ans environ après celui de la HCCJ.

[38]             COM(2014) 37 final, p. 9.

[39]             Rapport technique, section 3.2.3. En 2014, la DNA a enregistré 4 987 nouvelles affaires, ce qui constitue une très forte progression par rapport à 2013. Au total, 246 affaires, concernant 1 167 prévenus, ont été renvoyées en jugement, 47 de ces prévenus ayant été inculpés en choisissant de plaider coupable.

[40]             Rapport technique, section 3.1. Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2014, la chambre pénale a réglé, en première instance, 12 affaires de corruption à haut niveau, tandis que les chambres composées de cinq juges réglaient, en dernière instance, 13 affaires de corruption à haut niveau.

[41]             Ce constat a aussi été corroboré par des études de perception, telles que l'enquête Eurobaromètre Flash n° 406, indiquant que sur dix personnes interrogées en Roumanie, neuf (91 %) ont déclaré que la corruption était un problème important (stable depuis 2012).

[42]             Cela ressort également des recommandations par pays adressées par le Conseil à la Roumanie en 2014 (2014/C 247/21) et du rapport anticorruption [COM(2014) 38 final].

[43]             Ministres ou ex-ministres qui ne sont pas concomitamment membres du Parlement.

[44]             COM(2013) 47 final, p. 7.

[45]             En 2014, 23 juges (dont quatre de la HCCJ), six procureurs principaux et six procureurs ont été accusés de corruption.

[46]             Ce qui reflète une tendance plus globale de confiance accrue du public dans la DNA et, plus généralement, dans le système judiciaire.

[47]             Rapport technique, section 4.1.

[48]             http://www.just.ro/LinkClick.aspx?fileticket=T3mlRnW1IsY%3D&tabid=2102

[49]             On citera l'exemple d'une affaire de corruption liée à des allocations pour handicapés dans laquelle le volume des allocations dans la localité concernée était sans commune mesure avec le nombre d'habitants de cette localité.