14.4.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 133/9


Avis du Comité économique et social européen sur la «Lutte contre la pauvreté»

(avis exploratoire)

(2016/C 133/03)

Rapporteur:

M. Seamus BOLAND

Corapporteur:

Mme Marjolijn BULK

Dans un courrier daté du 16 décembre 2015 et conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le ministère néerlandais des affaires sociales et de l’emploi a demandé, au nom de la présidence néerlandaise du Conseil, que le Comité économique et social européen (CESE) élabore un avis exploratoire sur le thème:

«Lutte contre la pauvreté»

(avis exploratoire).

La section «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du CESE en la matière, a adopté son avis le 28 janvier 2016.

Lors de sa 514e session plénière des 17 et 18 février 2016 (séance du 18 février 2016), le CESE a adopté le présent avis par 197 voix pour, 4 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

Le CESE

1.1.

soutient l’intention de la présidence néerlandaise du Conseil de lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale en adoptant des approches intégrées et en coopération avec les acteurs publics et privés concernés. Toutefois, il estime aussi que les États membres devraient pouvoir s’appuyer sur un cadre européen commun qui favorise de telles approches et facilite l’échange et la diffusion des bonnes pratiques en matière de lutte contre la pauvreté et l’accroissement des inégalités, qui non seulement constituent en elles-mêmes une préoccupation majeure, puisque révélatrices d’un manque de justice sociale, mais nuisent également à la croissance et aux performances économiques ainsi qu’à la cohésion sociale;

1.2.

soutient la présidence néerlandaise du Conseil dans ses efforts pour promouvoir l’évaluation par les pairs des bonnes pratiques à multiniveaux en matière de lutte contre la pauvreté, mais insiste sur le fait que les municipalités et les autres acteurs mettant en œuvre de telles pratiques devraient être soutenus par des stratégies nationales de qualité;

1.3.

invite instamment le Conseil européen à réaffirmer les engagements pris dans le cadre de la stratégie Europe 2020, à savoir réduire d’au moins 20 millions le nombre de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté d’ici 2020;

1.4.

recommande au Conseil, ce faisant, de prendre en considération les objectifs de développement durable — tels que mentionnés dans le programme des Nations unies pour le développement durable à l’horizon 2030 — et de veiller à ce que ce programme soit lié à la stratégie Europe 2020;

1.5.

est convaincu que les structures de gouvernance au niveau du Conseil devraient être plus équilibrées et appelle à un renforcement de la coopération entre le Conseil «EPSCO» et le Conseil «Ecofin»;

1.6.

estime que, dans le cadre du semestre européen, les objectifs en matière sociale et d’emploi doivent être mis sur un pied d’égalité avec les considérations macroéconomiques;

1.7.

recommande que le semestre européen tienne pleinement compte de l’objectif de réduction de la pauvreté repris dans la stratégie Europe 2020, et que l’on prenne cette question systématiquement en compte à chaque étape du processus — examen annuel de la croissance, programmes nationaux de réforme (PNR) et enfin recommandations par pays (RPP) — 1) en adoptant des mesures spécifiques de réduction de la pauvreté; 2) en définissant des indicateurs comparables de l’état de pauvreté et d’efficacité de la politique; et 3) en procédant à des analyses obligatoires de l’impact social de tous les programmes de réforme proposés dans les PNR et les RPP;

1.8.

demande, précisément du point de vue de la lutte contre la pauvreté, d’abandonner l’orientation générale actuelle des politiques économiques au sein de l’Union européenne, qui reste largement axée sur l’austérité;

1.9.

invite instamment les États membres à mettre en place leurs propres stratégies nationales intégrées de lutte contre la pauvreté et, dans cette optique, à consulter la recommandation de la Commission relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail (1), qui, grâce à l’interaction entre ses trois volets [1) soutien adéquat aux revenus; 2) marchés du travail inclusifs; et 3) accès à des services de qualité], est largement considérée comme la stratégie la plus complète et la plus efficace pour éradiquer la pauvreté et l’exclusion sociale;

1.10.

souligne le niveau élevé de la pauvreté infantile dans les États membres et la nécessité immédiate de mettre en œuvre la recommandation de la Commission «Investir dans l’enfance pour briser le cercle vicieux de l’inégalité» (2), qui fait partie du paquet d’investissement social 2013 et utilise une structure très proche de celle de la recommandation relative à l’inclusion active, qui comporte trois volets similaires: 1) accès aux ressources adéquates; 2) accès à des services de qualité et abordables; et 3) droit des enfants à participer;

1.11.

exprime sa plus vive préoccupation face à l’accroissement du nombre de travailleurs pauvres. Cette situation impose un examen critique des récentes mesures de réforme prises pour stimuler l’emploi par la libéralisation des relations de travail;

1.12.

encourage vivement la Commission à engager un processus distinct en vue d’améliorer les statistiques nationales et européennes sur la pauvreté et les inégalités, ce qui devrait conduire à un ensemble plus élaboré d’indicateurs communs fournissant des données pertinentes dans le cadre des actions nationales et de l’Union européenne, y compris les mesures liées aux ODD et au semestre européen;

1.13.

réitère sa proposition visant à introduire un revenu minimal au niveau de l’Union européenne;

1.14.

demande à la Commission de faire pression en faveur de mesures de prévention et de lutte contre le surendettement au niveau de l’Union européenne et, en particulier, contre la prorogation de crédits irresponsables et l’usure;

1.15.

demande à la Commission de proposer, sans délai, de nouvelles lignes directrices pour la consultation des parties prenantes dans le domaine social, afin de leur permettre d’apporter leur contribution au semestre européen de manière structurée, à tous les stades de la procédure, à savoir: conception, mise en œuvre et évaluation;

1.16.

invite instamment les États membres à faire un meilleur usage des fonds de l’Union européenne disponibles pour encourager l’inclusion sociale et demande à la Commission de consulter d’urgence les États membres et les parties prenantes afin de déterminer si la décision d’affecter 20 % du Fonds social européen (FSE) à la promotion de l’inclusion sociale et à la lutte contre la pauvreté est effectivement mise en œuvre;

1.17.

encourage vivement la Commission à intégrer au futur «pilier européen de droits sociaux» des principes en faveur de normes et de systèmes plus efficaces et fiables, et de faire de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale une des composantes majeures de ce pilier.

2.   Introduction

2.1.

La présidence néerlandaise du Conseil souligne la nécessité d’inverser la tendance à la hausse de la pauvreté dans l’ensemble de l’Union européenne. Pour y aboutir, elle souhaite encourager le partage des bonnes pratiques, en particulier en ce qui concerne les approches intégrées et la coopération entre les acteurs (publics et privés) concernés.

2.2.

Bien que le CESE ait adopté une approche descendante dans son avis intitulé «Lutte contre la pauvreté», parce qu’il est convaincu que la lutte contre la pauvreté relève de la responsabilité des décideurs (institutions de l’Union européenne et gouvernements des États membres), il salue l’intention de la présidence d’organiser des évaluations par les pairs afin d’examiner les approches ascendantes, à savoir des approches de type «partenariat» utilisées par les États membres pour lutter contre la pauvreté, associant plusieurs parties prenantes, dont notamment le secteur public, les partenaires sociaux, les organisations présentes sur le terrain et les associations sans but lucratif, ou encore l’économie sociale.

2.3.

Par conséquent, le CESE convient sans réserve que la lutte contre la pauvreté requiert une approche multilatérale et que toutes les parties prenantes devraient contribuer à atteindre une réduction maximale de la pauvreté. Les bonnes pratiques mentionnées dans le présent avis sont fournies par plusieurs acteurs à l’échelon européen (3).

3.   Observations générales — La nécessité de lutter contre la pauvreté

3.1.

Bien que depuis 2008 une succession de crises économiques et financières graves ait contribué à accroître l’instabilité et la pauvreté dans l’Union européenne, des mécanismes de protection sociale ont, dans la plupart des États membres, permis d’atténuer les effets de ces crises. Toutefois, la crise financière de 2011 a inversé cette tendance et des mesures d’austérité budgétaire ont commencé à freiner les dépenses à caractère social, ce qui a aggravé la situation. Aujourd’hui, même la Commission européenne reconnaît que l’objectif de réduction de la pauvreté est loin d’être atteint. Pour le CESE, il est dès lors essentiel, de ce point de vue précisément, de modifier de toute urgence l’orientation générale des politiques économiques au sein de l’Union européenne, qui reste exclusivement axée sur l’austérité.

3.2.

Sans protection sociale, près de la moitié des européens vivraient dans la pauvreté. Or, les trois fonctions les plus importantes des politiques sociales — la stabilisation automatique, la protection sociale et les investissements sociaux — ont été affaiblies par les récentes restrictions budgétaires destinées à lutter contre la crise. Cette situation doit changer.

3.3.

Le CESE reconnaît également le lien inextricable entre la pauvreté et les problèmes de santé, d’où la nécessité d’inscrire la lutte contre la pauvreté au rang des priorités. Il a été invariablement démontré que les régions abritant une proportion plus importante de populations vivant dans la pauvreté présentent également une situation dégradée sur le plan de la santé par rapport aux zones plus prospères (4). Ainsi, il a été établi que, dans certaines régions du Royaume-Uni, les hommes issus de territoires moins bien pourvus meurent approximativement onze ans plus tôt — sept ans pour les femmes — que leurs homologues plus aisés (5).

3.4.

Le CESE est convaincu qu’il y a lieu de resserrer les liens entre la stratégie Europe 2020 et le semestre européen. L’objectif de réduction de la pauvreté doit rester la composante essentielle de cette stratégie et les États membres devraient être bien plus ambitieux. La somme des 28 engagements individuels à réduire la pauvreté ne correspond pas à l’ambition partagée de l’Union européenne de réduire d’au moins 20 millions, d’ici 2020, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté dans l’Union européenne.

3.5.

La réduction de la pauvreté relève principalement de la compétence des États membres. Ceux-ci pourraient améliorer leur situation en échangeant entre eux leurs bonnes pratiques, y compris des approches intégrées et une coopération entre les parties prenantes (publiques et privées) concernées, en vue de lutter contre la pauvreté. Le Conseil devrait inviter les États membres à concevoir les stratégies intégrées nécessaires à la réduction de la pauvreté.

3.6.

Le nombre de travailleurs pauvres en particulier est en augmentation. La Commission devrait évaluer l’incidence des récentes mesures de réforme prises pour stimuler l’emploi en libéralisant les relations de travail sur l’accroissement du nombre de travailleurs pauvres.

3.7.

Les évaluations de l’impact social devraient jouer un rôle majeur tout au long du processus législatif, afin de mieux tenir compte du caractère multidimensionnel de la pauvreté et de l’exclusion sociale (qui va au-delà de la pauvreté matérielle pour englober d’autres formes de handicaps sociaux et économiques, telles que l’absence d’accès équitable à l’éducation, à l’emploi, au logement, aux soins de santé et à la participation sociale).

3.8.

La pauvreté est également une source de préoccupation au niveau mondial. Les objectifs de développement durable des Nations unies (6), adoptés en 2015 (et plus particulièrement l’objectif no 1: éliminer la pauvreté sous toutes ses formes, partout dans le monde), devraient être pris en compte par les institutions de l’Union européenne et les États membres, et être intégrés à leurs stratégies. Le programme de développement durable à l’horizon 2030 (7) devrait être lié à la stratégie Europe 2020.

3.9.

Le CESE a été dûment informé du prochain lancement du «pilier européen de droits sociaux» de la Commission, celle-ci affirmant que le concept de la «convergence vers le haut» des États membres en matière sociale jouera un rôle important dans ce pilier. Le CESE encourage la Commission à inclure des principes en faveur de normes et de systèmes sociaux plus efficaces et plus fiables dans ledit pilier (8) (plus précisément, des normes sociales élevées en faveur d’un soutien adéquat au revenu, tout au long de la vie; des marchés du travail favorisant l’insertion, et un accès non discriminatoire à des services de qualité élevée, à un prix abordable pour tous), et donc à faire de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale l’une des principales composantes de ce même pilier.

4.   Observations particulières — Instruments à étudier

4.1.

La Commission européenne a joué un rôle très actif en proposant des recommandations détaillées, qui ont été jugées très utiles pour la lutte contre la pauvreté. Cela s’est tout particulièrement vérifié avec la recommandation sur l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail et la recommandation intitulée «Investir dans l’enfance pour briser le cercle vicieux de l’inégalité». Dès lors que le Conseil tient à privilégier une «approche intégrée», il y a lieu de commencer par rappeler aux États membres la nécessité de suivre de près ces recommandations.

4.2.

Le paquet «Investissements sociaux» (9) de 2013 est une autre initiative positive de la Commission. Le CESE a déjà exhorté la Commission à poursuivre une stratégie d’investissement social ambitieuse et de grande ampleur et à promouvoir cette stratégie à toutes les étapes du semestre européen (10). Les investissements sociaux renvoient, entre autres, à des politiques qui préparent les individus et les familles à répondre aux nouveaux risques sociaux inhérents à une société de la connaissance compétitive, en investissant dans le capital humain dès la petite enfance, plutôt que de se contenter de «réparer» les dommages après les périodes de crise économique ou politique (11). Toutefois, en dépit de leur bien-fondé, les investissements sociaux ne constituent toujours pas une approche suivie par tous les États membres. Si le Conseil souhaite recueillir les meilleures pratiques dans le domaine de la lutte contre la pauvreté, il doit en tout état de cause se pencher sur les résultats obtenus jusqu’à présent dans le domaine des investissements sociaux et soutenir ce type d’initiative (12).

4.3.

Les régimes de revenu minimal existant dans certains États membres ne suffisent pas pour combattre la pauvreté (13). Bien que des réformes des systèmes de revenu minimal aient eu lieu depuis 2010 dans certains pays (dont l’Allemagne, l’Espagne, l’Autriche et le Portugal) ou que des réformes aient été annoncées ou fassent l’objet de projets pilotes (notamment en Grèce et en Italie), elles ne suffisent pas. Le CESE a appelé de ses vœux l’élaboration de mesures européennes en faveur d’un revenu minimal adéquat en Europe (14) ainsi qu’en faveur d’investissements dans des systèmes de protection sociale universels, globaux et adéquats, de même que de nature à prévenir les risques de pauvreté tout au long du cycle de vie (15). Le Conseil devrait soutenir l’ensemble de ces mesures.

4.4.

Par ailleurs, l’octroi incontrôlé et irresponsable de crédits à la consommation et l’évaluation grossière de la capacité financière des ménages ont été à l’origine de la spirale du surendettement ces derniers temps de crise et de politiques d’austérité, de sorte que près de 70 % des personnes endettées se trouvent déjà en dessous du seuil de survie en Europe, bien que certaines d’entre elles occupent un emploi — mais perçoivent des salaires qui ne couvrent pas leurs dettes. Cette situation exige d’adopter des mesures de rigueur et de limitation pour l’octroi de crédits à la consommation, s’agissant notamment des intermédiaires et des entités non financières qui ne respectent pas la réglementation et incitent à contracter des emprunts à des taux usuraires.

5.   Observations particulières — Mesures relatives à la gouvernance

5.1.

Du fait de la crise de l’euro, des modifications importantes ont été apportées à la gouvernance économique européenne. Priorité a été donnée à la stabilité macroéconomique et aux «réformes favorisant la croissance». L’attention accordée à la gouvernance sociale reste insuffisante à ce jour. Les politiques économiques devraient en effet tenir compte de l’impact qu’elles auront sur la qualité de l’emploi et sur la cohésion sociale. En outre, étant donné que l’Union économique et monétaire gagnerait à disposer d’une dimension sociale, les structures de gouvernance au niveau du Conseil devraient être plus équilibrées, et la coopération entre le Conseil «Ecofin» et le Conseil «EPSCO» devrait être renforcée.

5.2.

Le comité de l’emploi et le comité de la protection sociale devraient continuer à jouer un rôle actif dans l’évaluation des réformes nationales dans le cadre du semestre européen, mais devraient progressivement commencer à consulter les acteurs européens concernés au niveau de l’Union européenne.

5.3.

L’indicateur composite de la «pauvreté», utilisé pour définir la pauvreté dans le cadre de la stratégie Europe 2020, repose sur trois indicateurs distincts: 1) les personnes exposées au risque de pauvreté; 2) les personnes en situation de privation matérielle sévère; et 3) les personnes vivant dans des ménages à très faible intensité de travail. Dans le cadre de cette stratégie, les États membres sont invités à fixer leurs propres objectifs nationaux en matière de contribution à l’objectif global, sur la base de ces trois indicateurs et en fonction de leurs propres priorités et situation. Toutefois, le CESE estime que le fait que les États membres aient eu la liberté de choisir entre les trois indicateurs mentionnés, ce qui a contribué aux différences entre les approches nationales, pourrait rendre de nouvelles recommandations nécessaires.

5.4.

L’évaluation par l’EAPN des PNR 2015 montre que 88 % de ces programmes ne considéraient pas la pauvreté comme une priorité majeure et qu’aucune des RPP pour 2015 ne mentionnait la réduction de la pauvreté (16). L’EAPN a dès lors proposé que le semestre européen se concentre davantage sur les questions sociales, en commençant par les examens annuels de la croissance et en terminant par les recommandations par pays sur la réduction de la pauvreté pour tous les pays (17). Le CESE marque son accord sur cette proposition et recommande que les parties prenantes nationales soient associées à l’élaboration, à la mise en œuvre et à la communication des programmes nationaux de réforme. D’une manière plus générale, afin de permettre aux États membres d’apprendre les uns des autres, les résultats des consultations avec les parties intéressées au niveau européen et au niveau national devraient être rendus publics dans le cadre du semestre européen.

5.5.

La Commission devrait engager un processus distinct en vue d’améliorer les statistiques nationales et européennes sur la pauvreté et les inégalités, de manière à affiner le suivi de ce problème social multidimensionnel. Cet exercice devrait donner lieu à un ensemble plus élaboré d’indicateurs communs fournissant des données pertinentes dans le cadre des actions nationales et de l’Union européenne, y compris les mesures liées aux ODD et au semestre européen.

5.6.

Les analyses de l’impact social jouent un rôle dans la détection des risques liés à la pauvreté que peuvent comporter les mesures envisagées dans certains domaines de réforme pertinents tels que l’assainissement budgétaire, la gestion de la dette publique, la fiscalité, le marché du travail, la régulation des marchés financiers, la fourniture de services publics et les investissements publics. Il conviendrait plus particulièrement de réaliser en temps utile des analyses de l’impact social dans le cadre du semestre européen, en étroite concertation avec les partenaires sociaux, la société civile et les experts concernés dans les États membres et au niveau de l’Union européenne.

5.7.

Le semestre européen devrait tenir pleinement compte de l’objectif de réduction de la pauvreté repris dans la stratégie Europe 2020, et il conviendrait de prendre cette question systématiquement en considération à chaque étape du processus: 1) en adoptant des mesures spécifiques de réduction de la pauvreté; 2) en définissant des indicateurs comparables concernant l’état de pauvreté et l’efficacité de la politique; et 3) en procédant à des analyses obligatoires de l’impact social de tous les programmes de réforme proposés dans les programmes nationaux de réforme et les recommandations par pays.

5.8.

Les États membres devraient concevoir et mettre en œuvre des stratégies nationales globales et intégrées de lutte contre la pauvreté, l’exclusion sociale et la discrimination. Ces stratégies devraient englober les éléments suivants: une aide au revenu adéquate; des marchés du travail favorisant l’insertion; des emplois de qualité; l’égalité d’accès à des services de qualité, à un prix abordable; une meilleure utilisation des Fonds structurels de l’Union européenne; l’intégration économique et sociale des migrants; la lutte contre la discrimination; et le travail en partenariat avec les acteurs sociaux et ceux de la société civile.

5.9.

Il convient en outre de lutter contre le surendettement par l’adoption de politiques responsables d’octroi de crédits (régulation stricte des intermédiaires et de l’attribution des cartes de crédit, interdiction de la publicité agressive, interdiction de l’usure, interdiction des saisies de logements et des autres biens essentiels), le renforcement de la médiation dans la résolution des conflits, l’aide aux personnes surendettées (seconde chance, «New Start policy»), ainsi que par l’information, l’éducation et la prévention en matière de surendettement.

5.10.

Les États membres doivent utiliser les Fonds structurels de l’Union européenne pour favoriser l’inclusion sociale de tous. En particulier, la Commission devrait vérifier d’urgence avec les États membres et les parties concernées si la décision du Conseil d’affecter 20 % du FSE à la promotion de l’inclusion sociale et à la lutte contre la pauvreté (18) est effectivement mise en œuvre.

6.   Observations particulières — Mesures relatives à la participation des acteurs concernés

6.1.

L’une des initiatives phares de la stratégie Europe 2020, la plate-forme sociale européenne contre la pauvreté et l’exclusion sociale (EPAP), a été créée sous la forme d’un large éventail de politiques afin de contribuer à atteindre l’objectif européen de réduction de la pauvreté (19). Elle aurait dû avoir fourni la base d’un engagement commun des gouvernements nationaux, des institutions européennes et des principales parties intéressées en faveur de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, mais, jusqu’à présent, elle a en réalité uniquement été une plate-forme de discussion et n’a pas produit de résultats tangibles en ce qui concerne la réalisation de l’objectif de réduction de la pauvreté. Le Conseil et la Commission doivent réfléchir à la façon de lui conférer les moyens d’être une plate-forme à même de favoriser les bonnes pratiques en matière de lutte contre la pauvreté et de faire en sorte qu’elle soit directement liée aux principaux processus de l’Union européenne, tels que, par exemple, le semestre européen et la stratégie Europe 2020.

6.2.

Le CESE rappelle le considérant 16 des anciennes lignes directrices intégrées pour la croissance et l’emploi, qui prévoit expressément que «il y a lieu, au besoin, de mettre en œuvre, de suivre et d’évaluer la stratégie Europe 2020 en partenariat avec l’ensemble des autorités nationales, régionales et locales, et en y associant étroitement les parlements, ainsi que les partenaires sociaux et les représentants de la société civile» (20). Cet extrait permet de souligner que des améliorations doivent être apportées à la manière dont les acteurs européens et nationaux sont consultés lors de la conception, de la mise en œuvre et de l’évaluation du semestre européen.

6.3.

Le manque de participation véritable des institutions de l’Union et des parties prenantes (publiques et privées), telles que les partenaires sociaux, les organisations non gouvernementales et autres, à l’élaboration et à la mise en œuvre du semestre européen a été souligné dans l’analyse de l’EAPN. Afin d’associer efficacement la société civile à toutes les étapes du processus du semestre européen, la Commission doit proposer, sans délai, de nouvelles lignes directrices sur la participation, et suivre les progrès réalisés dans les rapports par pays et d’autres documents de suivi.

6.4.

De même, il est nécessaire de nouer le dialogue avec les personnes en situation de pauvreté afin de faire entendre leur voix et de lutter contre le désintérêt à grande échelle à l’égard de l’Union européenne, en particulier chez les jeunes. Les réunions organisées sur une base annuelle par l’EAPN, afin de rassembler des personnes disposant d’une expérience de première main en matière de pauvreté, constituent un exemple de bonne pratique. Le CESE appelle la Commission à faire en sorte que ces réunions continuent à être soutenues financièrement et soient intégrées dans le processus de consultation sur les progrès accomplis sur la voie de la réalisation de l’objectif de réduction de la pauvreté dans le cadre du semestre européen. En outre, ces réunions devraient également avoir lieu au niveau national.

7.   Observations particulières — La responsabilité des bonnes pratiques à multiniveaux en matière de lutte contre la pauvreté

7.1.

Le CESE approuve l’intention de la présidence néerlandaise d’organiser des évaluations par les pairs des bonnes pratiques à multiniveaux en matière de lutte contre la pauvreté, mais insiste sur le fait que les municipalités ne peuvent être les seules entités tenues de fournir de tels exemples. Le CESE estime que les initiatives locales et régionales ne peuvent remplacer les responsabilités et les garanties au niveau central. Les gouvernements et les parties prenantes publiques et privées doivent coopérer de manière systématique et structurée si elles veulent atteindre l’objectif de la réduction de la pauvreté.

7.2.

Le CESE attire l’attention sur le fait qu’aux Pays-Bas, par exemple, de nombreuses compétences en matière sociale ont été transférées aux communes. La concentration de tâches multiples au niveau municipal peut être rentable financièrement et permettre des solutions sur mesure, qui répondent aux besoins des bénéficiaires, mais, comme il est indiqué dans les recommandations par pays des Pays-Bas, il existe un risque de réduction du financement, ce qui doit être évité. La décentralisation des initiatives n’est pas compatible avec la réduction des budgets des communes.

7.3.

Par conséquent, le CESE estime que, bien qu’il existe certainement des bonnes pratiques aux niveaux régional et local, celles-ci ne peuvent et ne doivent pas être les seules. Des stratégies nationales doivent intervenir en soutien de ces mesures.

7.4.

Le CESE estime également que, lors du choix des bonnes pratiques à promouvoir, l’accent doit être mis sur les approches reposant sur des faits concrets [1) l’initiative fonctionne-t-elle dans la pratique? 2) peut-elle être exportée?] et qu’il y a lieu de favoriser les liens entre les acteurs concernés. Un cadre approprié de partage des meilleures pratiques doit également être créé.

7.5.

Parmi ces pratiques se détache la nécessité d’élaborer des politiques sociales efficaces de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, de réorganiser les services sociaux, de revoir les pratiques des acteurs du travail social pour les adapter aux besoins des personnes en situation de pauvreté, d’inciter les acteurs sociaux à mettre à profit leur expérience professionnelle lors de l’élaboration des politiques sociales et, enfin, d’accorder des droits aux personnes qui facilitent l’intégration et la promotion sociale des personnes qui vivent en situation de pauvreté.

Bruxelles, le 18 février 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO L 307 du 18.11.2008, p. 11.

(2)  JO L 59 du 2.3.2013, p. 5.

(3)  Finlande: EAPN (2011), Active Inclusion. Making it happen, p. 49.

Allemagne/Finlande: Eurofound (2012), Active inclusion of young people with disabilities or health problems, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg. p. 62 et 63.

Croatie: http://www.humananova.org/en/news/0/60/the-impact-of-social-cooperative-humana-nova-in-2013th-year/.

Belgique, Autriche, Slovénie et Norvège: http://www.easpd.eu/en/content/investt et http://investt.eu/.

Suède: http://www.eurodiaconia.org/files/Events/CROSSROADS_20111209_2__AM_2.pdf.

Royaume-Uni: EAPN (2011), Active Inclusion. Making it happen, p. 30.

Écosse: http://links.alliance-scotland.org.uk/.

Lettonie: EU Alliance for investing in children, Implementation Handbook — Putting the investing in children recommendation into practice, mars 2015, p. 69 à 74.

Espagne: EU Alliance for investing in children, Implementation Handbook — Putting the investing in children recommendation into practice, mars 2015, p. 87 à 92.

Allemagne: Social Inclusion and Dignity in Old Age — Promoting participatory approaches to use reference budgets, p. 46 à 50.

Bulgarie, Roumanie: http://amalipe.com/index.php?nav=projects&id=57&lang=2.

Espagne: EAPN (2011), Active Inclusion. Making it happen, p. 21.

(4)  Davidson, R., Mitchell, R., Hunt., K., «Location, location, location: The role of experience of disadvantage in lay perceptions of area inequalities in health» (L’emplacement, l’emplacement, l’emplacement: le rôle joué par l’expérience d’une situation défavorisée dans la représentation profane des inégalités territoriales en matière de santé), Health & Place, 2008, 14(2): 167-81.

(5)  http://www.audit-scotland.gov.uk/docs/health/2012/nr_121213_health_inequalities.pdf.

(6)  http://sustainabledevelopment.un.org/index.php?menu=1300.

(7)  http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/70/1&Lang=F.

(8)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 40.

(9)  COM(2013) 83 final et documents annexés.

(10)  JO C 226 du 16.7.2014, p. 21.

(11)  Hemerijck (2014) et également Social Justice Ireland, «Europe. A union for the powerless as well as the powerful».

(12)  Voir «Social Investment in Europe — A study of national policies», EC, 2015.

(13)  Bouget et autres (2015) et aussi Social Justice Ireland, «Europe. A union for the powerless as well as the powerful».

(14)  Voir JO C 170 du 5.6.2014, p. 23.

(15)  Voir note 10.

(16)  En dépit du fait que la Bulgarie ait été confrontée à des niveaux extrêmement élevés de pauvreté en 2015, aucune recommandation par pays pour 2015 n’a souligné cette situation.

(17)  Voir EAPN (2015), «Can the Semester deliver on poverty and participation? EAPN Assessment of the National Reform Programmes 2015» (Le semestre européen permet-il d’aborder les questions de la pauvreté et de la participation? Évaluation par l’EAPN des programmes nationaux de réforme pour 2015).

(18)  Voir http://ec.europa.eu/esf/main.jsp?catId=62&langId=fr.

(19)  Voir http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=961&langId=fr et JO C 248 du 25.8.2011, p. 130.

(20)  Voir http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-14338-2010-INIT/en/pdf.


ANNEXE

L’amendement suivant proposé, qui a été rejeté, a reçu au moins le quart des suffrages exprimés:

Amendement 15 (déposé par M. Lech PILAWSKI)

Paragraphe 1.15

Modifier comme suit:

«encourage vivement la Commission à intégrer au futur “pilier européen de droits sociaux” des principes en faveur de normes et de systèmes plus efficaces et fiables, et de faire de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale une des composantes majeures de ce pilier. La Commission européenne devrait, avant de proposer des solutions au titre de ce pilier, tenir compte des différents niveaux de développement socio-économique des États membres et prêter attention aux conséquences que la hausse des normes sociales, en particulier, pourrait avoir sur le taux d’emploi ainsi que sur le risque de pauvreté et d’exclusion sociale dans ces États.»

L’amendement est mis au vote et est rejeté par 59 voix pour, 131 voix contre et 13 abstentions.