8.10.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 332/36


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vivre demain. L’impression 3D, un outil pour renforcer l’économie européenne»

(avis d’initiative)

(2015/C 332/05)

Rapporteur:

M. Dumitru FORNEA

Corapporteur:

Mme Hilde VAN LAERE

Le 10 juillet 2014, le Comité économique et social européen (CESE) a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Vivre demain. L’impression 3D, un outil pour renforcer l’économie européenne».

La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 mai 2015.

Lors de sa 508e session plénière des 27 et 28 mai 2015 (séance du 28 mai 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis à l’unanimité.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Parmi les technologies génériques, qui vont façonner les nouvelles manières de concevoir l’activité industrielle, ainsi que les produits et les usines du futur, la fabrication additive est l’une de celles qui occupent une position clé. La combinaison de la révolution numérique et de ce mode de fabrication révolutionnaire permettra à l’Europe de relocaliser chez elle la production des régions du monde à bas salaires, pour stimuler l’innovation et créer une croissance durable sur son territoire.

1.2.

Le CESE a la conviction que l’UE est capable de consolider sa position actuelle d’acteur majeur de la fabrication additive sur la scène mondiale, sous réserve, toutefois, que les mesures suivantes soient prises à l’échelon européen et national.

1.3.

Il y a lieu d’accorder la priorité aux investissements dans les infrastructures des technologies de l’information et de la communication (TIC), de façon à ce que tous les citoyens et toutes les entreprises aient accès à des réseaux internet à haut débit, répondant aux plus hautes normes de qualité et de sécurité qui sont disponibles.

1.4.

Il convient que la capacité de l’Europe à stocker et à transmettre de grandes quantités de données numériques soit renforcée et actualisée et que leur protection soit garantie conformément aux intérêts légitimes des citoyens et des entreprises de l’UE.

1.5.

Tant les institutions de l’Union européenne que les gouvernements nationaux devraient préparer les citoyens aux défis que présentent la société numérique et les technologies révolutionnaires connexes telles que la fabrication additive, en investissant dans des programmes qui, ressortissant à la culture, à l’enseignement et à la formation, soient à la hauteur des dynamiques et des exigences des nouveaux profils professionnels associés à cette nouvelle génération de systèmes de production.

1.6.

Afin que la fabrication additive atteigne son plein potentiel, il y a lieu d’encourager la recherche et la créativité dans les entreprises et les établissements scientifiques ou d’enseignement concernés, notamment par des incitations financières et fiscales.

1.7.

Il est nécessaire d’entreprendre des recherches complémentaires pour étendre la gamme des matériaux et le nombre des applications qui sont utilisables par cette technologie, ainsi que pour en améliorer la fiabilité, la vitesse d’exécution, la productivité et le niveau de maturation. Il est souhaitable que les développements qui mèneront le processus de production à sa pleine maturité soient réalisés en Europe, afin que celle-ci garde sa position concurrentielle sur les marchés mondiaux et maintienne sur son territoire les avantages économiques apportés et les emplois de qualité correspondants.

1.8.

Les partenariats européens pour l’innovation doivent coordonner les efforts menés pour développer de nouveaux matériaux utilisables dans la fabrication additive. Disposer d’une gamme élargie de matériaux et d’un nombre accru de fournisseurs favorisera des prix plus concurrentiels, ouvrira de nouveaux secteurs industriels et augmentera les volumes de matériaux destinés à la fabrication additive ainsi que la compétitivité des marchés de fournitures.

1.9.

L’UE doit faciliter les investissements dans les nouveaux équipements de fabrication additive et encourager le développement de cette technologie dans le cadre de systèmes de production ouverts, souples et faciles à intégrer avec d’autres technologies de production et de finition, afin d’étendre le nombre d’applications disponibles et d’accroître les chiffres d’affaires.

1.10.

Le cadre réglementaire, tant au niveau européen que national, n’a pas été capable de suivre le rythme soutenu des évolutions de la fabrication additive; aussi est-il nécessaire de mettre en place une réglementation spécifique qui traitera au premier chef des questions de normes et de certification, de propriété intellectuelle, de protection des consommateurs, de santé et de sécurité au travail et d’environnement.

1.11.

Il conviendra que le dispositif réglementaire encadrant la fabrication additive soit fondé sur des recherches interdisciplinaires et scientifiques qui seront menées sur les incidences de cette technologie, avec la participation de toutes les parties intéressées.

2.   Observations générales

2.1.

La production manufacturière apporte une contribution importante à l’économie, notamment en matière d’innovation, de productivité et d’emplois de haute qualité. L’industrie européenne a cependant perdu du terrain au cours des deux dernières décennies, et ce déclin a entraîné une baisse de l’emploi industriel et de la valeur ajoutée  (1). Après des décennies de contraction progressive du secteur manufacturier, due à l’externalisation vers une main-d’œuvre peu coûteuse, l’attention revient à présent sur la production dans les pays à salaires élevés et sur le rôle essentiel que jouent les capacités de production européennes pour favoriser l’émergence d’innovations et donner les moyens d’accroître rapidement le volume de fabrication de nouveaux produits en s’appuyant sur des technologies avancées. L’innovation, l’automatisation et la sophistication des procédés industriels sont le fondement des stratégies industrielles couronnées de succès, et elles s’avèrent essentielles dès lors qu’il s’agit de conserver une position de tête (2). Le recours à des technologies de fabrication avancées en Europe pourrait permettre le rapatriement de la production depuis les régions du monde à bas salaires pour stimuler l’innovation et créer une croissance durable dans nos contrées. C’est le seul moyen pour l’Europe de prendre une place de leader dans la nouvelle révolution industrielle.

2.2.

La fabrication additive désigne le processus d’assemblage de matériaux, généralement couche par couche, en vue de fabriquer des objets à partir des données de modèles 3D, par opposition aux méthodes de fabrication soustractives. La «fabrication additive» est le terme officiel normalisé de l’industrie (norme ASTM F 2792), tandis que les termes «impression en 3D», «impression 3D» ou «impression tridimensionnelle» sont communément utilisés comme synonymes.

2.3.

La fabrication additive est un terme générique, couvrant un ensemble de technologies et de procédés s’appliquant à différents matériaux (métaux, polymères, céramiques, etc.). Ces technologies ont atteint un niveau de maturité qui permet un nombre croissant d’applications commerciales à valeur ajoutée. Dans le monde entier, la fabrication additive passe pour être, parmi les technologies génériques, l’une de celles qui vont façonner les nouvelles manières de concevoir l’activité industrielle ainsi que les produits et les usines du futur. L’on trouve déjà aujourd’hui des «FabLabs», c’est-à-dire des laboratoires offrant des services d’impression et produits 3D.

2.4.

La fabrication additive est un secteur en croissance rapide. Cette montée en puissance s’est accélérée ces quatre dernières années, au cours desquelles un nombre croissant d’entreprises et d’organisations se sont engagées dans la fabrication additive de produits et de services. Le taux de croissance annuel composé (TCAC) des recettes générées par tous les produits et services au cours des vingt-cinq dernières années a atteint le chiffre impressionnant de 27 %. Ce même taux au cours des trois dernières années (2011-2013) a été de 32,2 %, soit un marché d’une valeur qui a atteint 2,43 milliards d’EUR en 2013 (3). Wohlers Associates prévoit qu’il franchira la barre des 5,5 milliards d’EUR en 2016 et des 10 milliards d’EUR en 2018. Toutefois, dans la mesure où la fabrication additive constitue une technologie émergente, les experts de cette industrie estiment que sa pénétration actuelle sur le marché ne couvre qu’une fraction des applications potentielles qui ont été repérées. En 2011, des experts ont estimé le taux de pénétration sur le marché à moins de 8 %, ce qui signifierait que son montant total se monterait à quelque 17 milliards d’EUR) (4). Si la fabrication additive parvient à prendre à son compte seulement 2 % de l’ensemble de l’activité manufacturière, le potentiel est dix fois plus grand (environ 170 milliards d’EUR) (5).

2.5.

Le champ d’application est passé du prototypage, au début des années 90, à la production de pièces fonctionnelles. La croissance qui est attendue sera alimentée principalement par la fabrication rapide, d’un coût avantageux et à grande échelle de séries de produits finis, complexes et fonctionnels en divers matériaux (plastique, métal ou céramique), plutôt que par la conception de produits et le prototypage. La fabrication additive est parvenue au stade de la maturité pour le prototypage, mais se situe encore à celui de l’innovation en ce qui concerne la production de produits finis fonctionnels. Des produits novateurs issus de la fabrication additive apparaissent progressivement, mais ils ne sont pas viables, car l’on manque encore de machines robustes et de systèmes capables de produire des volumes importants par cette voie.

2.6.

Les procédés novateurs de fabrication additive vont exercer un effet de rupture sur la manière dont les objets sont conçus et réalisés. Cette technologie est en mesure tant d’accroître la création de valeur des produits actuels dans les chaînes d’approvisionnement existantes que de transformer de manière radicale lesdits produits et chaînes d’approvisionnement, ainsi que les modèles d’activité (6). Il faut que l’Europe soit en première ligne au moment où la fabrication additive prendra son envol. Dans le contexte des écosystèmes européens de fabrication additive, on s’attend à une croissance alimentée par l’extension des activités existantes, lorsque les acteurs actuels passent du prototypage à la fabrication, ainsi que par l’ouverture de nouveaux secteurs d’activité tout au long de la chaîne de valeur.

2.7.

Dans le monde entier, la fabrication additive passe pour être l’une des technologies génériques qui jouent un rôle clé pour l’innovation en matière de produits et de chaîne d’approvisionnement. Elle est en passe de se banaliser et bénéficie de financements importants de la part des gouvernements, qui visent à en accroître le niveau de maturité (en l’occurrence, aux États-Unis, en Chine et à Singapour). Historiquement parlant, l’UE est en bonne position, mais si aucune mesure n’est prise, elle perdra cet avantage et se fera distancer dans la course aux nouveaux marchés.

3.   Observations particulières

3.1.   L’effet de rupture de la fabrication additive

3.1.1.

Au niveau des entreprises, la fabrication additive induira de nouvelles manières de fabriquer et modèlera l’usine du futur:

La fabrication additive permet de réaliser de multiples produits finis différents en utilisant les mêmes équipements, matériaux et procédés. Elle facilite des modes de production qui sont peu praticables, voire impossibles si l’on recourt aux méthodes traditionnelles de fabrication.

L’un des atouts majeurs de la fabrication additive sera sa capacité à s’articuler, dans l’usine, avec d’autres procédés de fabrication à forte valeur.

La fabrication additive représente une technologie clé pour la fabrication numérique dans des chaînes d’approvisionnement dynamiques et décentralisées. La diffusion à l’échelle de la planète de fichiers contenant les données de conception numérique (ou solutions d’ingénierie) et les spécifications constitue le fondement de la personnalisation et de la production locales et se substitue à l’expédition de produits depuis des usines centralisées. La fabrication numérique ouvre la voie à une base de production décentralisée et diversifiée, en rapprochant la production du consommateur, y compris, pour certaines pièces, par la production à petite échelle à domicile ou dans des ateliers d’impression. Les chaînes d’approvisionnement pourraient combiner plusieurs usines de fabrication de produits complexes à forte intensité de capital avec une fabrication personnalisée de certains composants qui s’effectuerait de manière décentralisée et à petite échelle, dans des ateliers de conception proches du client ou du point de consommation.

3.1.2.

Au niveau des produits, la fabrication additive deviendra la pierre angulaire de l’innovation en matière de produits:

La liberté accrue dont bénéficie le travail d’ingénierie permet l’arrivée de nouvelles générations de produits: la liberté de conception quasi illimitée peut amener toutes sortes d’avantages dans différents secteurs, comme notamment l’automobile, l’industrie aérospatiale, la médecine, les machines et les équipements, les équipements de sport et les modes de vie, grâce à la miniaturisation, à l’intégration des fonctions, à la légèreté, aux propriétés et dimensions adaptées sur mesure et personnalisées, etc.

Du fait des délais ultracourts des débouchés et possibilités s’ouvriront de manière inédite pour réaliser des prototypes fonctionnels ou des produits adaptés ou personnalisés dans le cadre des relations des entreprises entre elles ou avec les consommateurs, et ce dans tous les secteurs de l’industrie.

Le développement d’applications ouvre de formidables perspectives économiques pour l’Europe. L’essor de la technologie et du marché des applications avancées permet un bond en avant en créant un écosystème et en numérisant toutes les étapes. Elle débouche sur un concept économique centralisé. L’accroissement du volume des marchés, en Europe ou à l’extérieur de ses frontières nécessite une décentralisation segmentée de blocs au sein de la chaîne de valeur. Le franchisage des produits, des concepts et des filières de production permettra à l’Europe de capter de la valeur grâce à la diffusion mondiale des applications.

3.1.3.

La fabrication additive débouchera au niveau de l’entreprise sur des modèles économiques porteurs de rupture:

La production numérique provoque l’apparition de modèles d’entreprise porteurs d’une rupture, qui sont fondés sur le numérique et se caractérisent par une évolution rapide et des niveaux élevés d’adaptation sur mesure. L’internet permet d’acheminer jusqu’au fabricant d’objets physiques un contenu produit par l’utilisateur. Le réexamen de la manière dont les entreprises produisent et font cheminer leurs produits le long de la chaîne de valeur conduira à l’adoption de nouveaux modèles de production et d’entreprise, en l’occurrence, le «juste à temps» dans le cadre d’une fabrication sur demande proche du consommateur, la réparation de composants, la fabrication en ligne, les entrepôts numériques pour les pièces détachées ressortissant à la «longue traîne» (7) ou la personnalisation de masse. La chaîne de valeur actuelle peut ainsi être remplacée par une autre, plus simple et plus courte.

Les fournisseurs traditionnels de services de fabrication additive évoluent dans un environnement de fabrication et de prestations spécialisées à la demande, pour servir des clients équipementiers (8). Les chaînes d’approvisionnement sont assistées par des outils d’ingénierie et des procédés de fabrication numérique en ligne qui démocratisent la conception de telle manière que tout un chacun peut s’y essayer, avec tous les avantages mais aussi les problèmes découlant d’un tel modèle d’entreprise.

La fabrication additive permet une production de série à des conditions avantageuses, réalisée par des fournisseurs de prestations en la matière ou par des entreprises manufacturières, voire à domicile, sur la base d’un modèle en trois dimensions, dans des «usines de bureau». De nouveaux types de prestataires de services apparaissent: des magasins d’impression 3D ont ouvert leurs portes dans les villes européennes; le contenu tridimensionnel et les services à la demande font le lien entre les créateurs de contenu en trois dimensions, les consommateurs qui commandent des pièces à des bibliothèques et les producteurs de fabrication additive.

3.2.   Impact technologique de la fabrication additive

3.2.1.   Nécessité de développer une nouvelle génération de systèmes de production

Les feuilles de route en faveur de la fabrication additive au niveau international (9)  (10)  (11)  (12)  (13) soulignent que si l’on souhaite promouvoir sa valeur ajoutée, telle qu’elle est mise en avant, et assurer sa diffusion, il est capital qu’elle réalise d’importantes avancées. La technologie actuelle dans ce domaine a été développée pour la confection de prototypes; les machines ne sont pas encore prêtes pour la production de grands volumes. Les entreprises de fabrication additive butent sur des obstacles technologiques qui les empêchent de passer à la production en série. Les machines continuent à présenter une architecture dont la conception date de la phase du prototypage et les innovations n’ont été introduites qu’en trop faible quantité (à l’intérieur, les machines d’aujourd’hui et celles d’il y a dix ou quinze ans présentent un aspect pratiquement identique). Pour que cette industrie passe à la vitesse supérieure, des innovations de rupture sont nécessaires en ce qui concerne les équipements (14).

Pour accélérer ce développement, il est nécessaire que les entreprises et les chercheurs du secteur aient accès à des plates-formes ouvertes (tant pour le matériel que les logiciels), afin de surmonter les restrictions qui proviennent de ce que les machines actuellement commercialisées se présentent comme de véritables «boîtes noires».

En augmentant les capacités de la fabrication additive (rapport coût-efficacité, robustesse et fiabilité), il serait possible d’en accroître le potentiel, de manière à passer à une production à grande échelle concernant un large éventail d’applications. Grâce au déplacement des limites technologiques et à l’intégration avec d’autres procédés de fabrication, dans des processus de production hybrides, des voies s’ouvriront pour des applications qui constitueront de réelles percées (15). Leur diffusion dans l’industrie manufacturière exige une intégration de la fabrication additive dans l’environnement et les systèmes de contrôle des usines.

Parallèlement à ces recherches stratégiques, il est nécessaire d’inventer de nouveaux concepts de systèmes de production qui s’inscrivent en rupture avec les méthodes antérieures, en repensant fondamentalement le mode de fabrication des produits au départ des technologies actuelles de production additive, ainsi que la manière dont ces systèmes sont intégrés dans l’environnement de l’usine. Cet impératif signifie que la production de la fabrication additive de demain ne sera plus basée sur des machines qui réalisent des lots et sont alignées dans des hangars de production. Les exigences posées par les applications nécessiteront en effet de concevoir des systèmes de production additive en continu, basés sur l’enchaînement de différentes étapes de fabrication. Ces systèmes sont déjà appelés «machines de fabrication additive 2.0». Ce sont eux qui stimuleront le développement futur des outils de fabrication additive.

3.2.2.   Nécessité de disposer de nouveaux processus de certification des technologies de fabrication additive

La mise en œuvre technique des technologies de production addictive dans l’industrie requiert qu’elles soient certifiées. Cette certification favorisera le passage de cette technologie à la phase industrielle. Aujourd’hui, il s’avère donc nécessaire de développer des procédures qui permettent de les certifier, telles que l’élaboration de techniques d’inspection et de contrôle de la qualité en cours de production qui visent à garantir que les normes sont bien respectées. Au strict minimum, il est indispensable que ces processus soient capables de détecter si le produit ne satisfait pas aux normes, et il est véritablement impératif de développer une méthodologie pour prévenir les cas de non-conformité et corriger les défauts.

3.2.3.   Nécessité de développer de nouveaux matériaux et d’en assurer l’accessibilité

Les acteurs qui contrôlent les chaînes de distribution se ménagent une position dominante. Des fabricants de machine, par exemple, inscrivent dans leurs contrats d’entretien et de garantie une clause obligeant à utiliser certaines matières premières coûteuses, dont ils sont souvent les seuls distributeurs, ou appliquent un modèle commercial calqué sur celui des combinaisons de rasoirs et de lames de rasoirs, où l’utilisateur est contraint d’utiliser un type précis de consommables. Le contrôle exercé sur les canaux de distribution, conjugué à des volumes qui, pour l’instant, sont encore limités (16), fait qu’il est moins intéressant pour les fournisseurs de matériel d’investir de grosses sommes dans la mise au point de nouveaux matériaux.

Le nombre de sources d’approvisionnement en matériaux étant restreint, il en résulte que les prix des matières premières sont d’une cherté excessive et que les utilisateurs finals doivent supporter davantage de risques liés à la garantie d’approvisionnement. Ce mécanisme de marché bride le potentiel de la technologie de la fabrication additive.

Aujourd’hui, la croissance à deux chiffres que connaît le secteur ouvre des perspectives économiques et attire davantage de fournisseurs de matériaux. Il convient de soutenir et d’encourager les développements concernant ces matériaux, de même qu’il importe d’en étendre la gamme et d’en améliorer les propriétés. L’augmentation du nombre de fournisseurs encouragera une tarification plus concurrentielle; il deviendra alors plus intéressant de s’affranchir des garanties concernant les machines, les volumes augmenteront et les marchés des matériaux seront davantage régis par la concurrence.

L’extension de la palette de matériaux permettra d’ouvrir de nouveaux secteurs industriels à la fabrication additive et aura pour effet d’augmenter la demande, quantitativement parlant, de matériaux qui lui sont destinés.

3.2.4.

Principaux obstacles techniques — Les principaux facteurs qui empêchent une percée à grande échelle de la production additive dans des secteurs tels que l’aéronautique, l’automobile, les dispositifs médicaux ou les biens de consommation sont liés pour l’essentiel à la question de l’augmentation de sa productivité et peuvent être résumés comme suit:

le processus n’est pas suffisamment fiable et sa vitesse de production est inappropriée, d’où des coûts de production trop élevés,

la prochaine génération des technologies de fabrication additive devront absolument pouvoir s’intégrer dans l’environnement de l’entreprise et dans des systèmes de production hybrides,

les matériaux et les produits présentent des propriétés qui sont insatisfaisantes ou manquent de compatibilité, la gamme des matières utilisées dans la fabrication additive est trop étroite et l’on met trop de temps à en développer de nouvelles,

on ne dispose pas de technologies pour développer de manière multidisciplinaire de nouvelles applications qui marquent une véritable rupture.

3.2.5.

Des recherches stratégiques sont nécessaires:

pour transformer la fabrication additive en une technologie de production en série, grâce à des machines de nouvelle génération,

pour intégrer la fabrication additive, afin d’en faire un véritable outil de production dans l’environnement et les systèmes industriels,

pour élargir la gamme des matériaux utilisables dans la fabrication additive,

pour développer de nouvelles applications (et leurs outils de développement).

3.2.6.

Risque de fuite de la technologie hors d’Europe:

La technologie et le marché de la fabrication additive étant à présent parvenus à un certain degré de maturité, on assiste aux premières concentrations dans le secteur. De grandes entreprises basées aux États-Unis investissent et achètent de petites et moyennes entreprises (PME), souvent établies dans l’UE, qui détiennent des connaissances, des droits de propriété intellectuelle et des brevets dans le domaine des technologies de fabrication additive. L’exploitation des connaissances acquises s’effectue souvent en dehors de l’Europe, en raison de la diversité des marchés de l’UE et de la difficulté d’y accéder. Il est de l’intérêt des PME européennes de se laisser racheter par de grandes entreprises hors UE, car de nouveaux et vastes marchés s’ouvrent alors pour leurs applications. Ces facteurs comportent tous deux le danger que les développements de la fabrication additive, qui étaient logés au sein de l’Europe, migrent vers d’autres régions.

Pour les entreprises de fabrication additive qui sont implantées dans l’UE, il n’est pas aisé de grandir à l’intérieur de ses frontières. Dans la mesure où elle se compose d’un grand nombre de marchés de faible taille et d’une forte hétérogénéité, elles doivent supporter des frais d’investissement coûteux avant d’atteindre un volume de marché viable. En outre, leur basculement vers de nouveaux marchés est souvent freiné par l’absence de certains maillons dans la chaîne de valeur. En conséquence, ces entreprises de fabrication additive basées dans l’UE sont enclines à chercher de grands marchés en dehors de son territoire, où elles pourront mettre leurs connaissances en pratique à un stade précoce.

3.3.

L’incidence de la fabrication additive sur les problématiques juridiques (17):

À l’heure actuelle, les médias, dont la presse, le grand public ou les hommes politiques, voient généralement la fabrication additive comme une technique d’impression 3D bas de gamme, destinée à des applications d’impression intelligente à domicile, plutôt que comme une technologie de production du futur. S’il n’est pas douteux que ces deux conceptions connaîtront à l’avenir une transposition dans les faits, leur évolution, les obstacles qu’elles rencontrent et les priorités de recherche afférentes divergent fondamentalement. Des questions telles que la normalisation, les droits de propriété intellectuelle ou la responsabilité doivent être envisagées de façon totalement différente selon la technologie et les applications considérées.

Normes et certification. Il est généralement admis que l’absence de normes a limité l’implantation de la fabrication additive dans des secteurs industriels clés comme l’industrie aérospatiale, la médecine et la dentisterie. Leur existence favorisera au contraire l’adoption de ces technologies et ouvrira de vastes possibilités de recherche et de développement. Les marchés professionnels sont souvent difficiles et exigent des certifications, de sorte que les nouvelles technologies éprouvent beaucoup de difficultés à y prendre pied. Les obstacles à une adoption généralisée de la fabrication additive sont d’ordre tout à la fois technique et juridique. Pour le développement futur de ces technologies, il est dès lors essentiel que l’industrie soit davantage associée au comité ASTM F 42 et aux groupes de travail ISO et BSI.

Propriété intellectuelle. Les experts font part de certaines inquiétudes quant aux problèmes de propriété intellectuelle que cette technologie soulèvera inévitablement à mesure qu’elle sera de plus en plus largement adoptée (18).

La fabrication additive peut avoir des incidences considérables sur la propriété intellectuelle, car les objets décrits dans un fichier numérique pourraient s’avérer nettement plus faciles à copier, à diffuser ou à pirater. Le scénario auquel on assiste actuellement dans l’industrie de la musique et du cinéma pourrait se reproduire tout à fait à l’identique, avec le développement de nouveaux modèles non commerciaux et une antinomie de plus en plus forte entre les entraves à l’innovation et l’incitation à la piraterie (19).

La protection de la propriété intellectuelle des développeurs constitue un énorme problème, qui est très similaire à celui de la protection des droits dans les domaines de la musique et de l’industrie cinématographique. Il conviendrait que l’industrie additive recherche des solutions en matière de protection de la propriété intellectuelle qui soient élaborées par le secteur lui-même. Une technologie de protection de la propriété largement partagée permettra même de surmonter les inquiétudes exprimées quant à l’éventualité que la technologie de la fabrication additive ne tombe sous le contrôle d’un tout petit nombre d’entreprises, profitant de la protection assurée en la matière, de sorte que la concurrence et la découverte de nouvelles applications s’en trouveraient bridées. Cette situation freine l’innovation et maintient les coûts de ce procédé de fabrication à un niveau élevé.

Responsabilité. La fabrication additive a de nombreuses conséquences en matière de responsabilité, notamment en ce qui concerne les créateurs amateurs ou non identifiables, ainsi que les fabricants ou distributeurs de pièces. En cas de défaillance d’un composant, qui est responsable? Cette question est une source de préoccupation grandissante pour l’industrie de la fabrication additive en particulier lorsque la flexibilité, l’individualisation et l’autoconception sont susceptibles de l’amener en terrain inconnu. Il convient d’examiner de manière plus avant la question des nouveaux modèles économiques régissant la fourniture de pièces réalisées à l’aide de la fabrication additive et celles des risques commerciaux qui y sont liés.

Qualifications et certifications en matière de fabrication additive  (20). Chaque élément de la technologie de la fabrication additive (matériaux, équipements et procédés) doit faire l’objet d’une qualification et d’une certification, qui garantissent qu’il soit possible de réaliser de manière reproductible des pièces de qualité supérieure. L’absence de normalisation rend difficile la fabrication d’une pièce de haute qualité dès le premier essai. L’élaboration de normes de qualification et de certification pour la fabrication additive est compliquée par la multiplicité des combinaisons de machines, matériaux et procédés ainsi que par l’absence d’une base de données centrale en matière de fabrication additive ou d’une autorité compétente pour les méthodologies afférentes. Pour que la fabrication additive poursuive son développement, il sera nécessaire d’établir des normes qui facilitent une certification plus rapide et améliorent le rapport coût-efficacité pour tous les matériaux, procédés et produits.

3.4.   L’impact de la fabrication additive sur l’emploi, la formation et l’enseignement

Le déploiement des technologies de fabrication additive aura une incidence directe sur les modèles de production traditionnels et, plus particulièrement, sur l’organisation interne des ateliers. Dans tous les lieux où il existera une demande, la fabrication additive facilitera l’installation de mini-usines au plus près des clients. La diffusion de cette activité dans l’industrie étant par trop récente, il n’est pas encore possible d’évaluer le nombre d’emplois qui seront ainsi créés.

En l’absence d’étude et étant donné la très forte probabilité que les futurs professionnels de la fabrication additive remplaceront des emplois existant actuellement, l’impact véritable de cette évolution sur les chiffres de l’emploi est très difficile à cerner.

Les emplois dans les technologies de la fabrication additive nécessiteront de nouvelles compétences: elles requerront, par exemple, des opérateurs de machines capables d’utiliser les logiciels adaptés à ce processus de fabrication, des ingénieurs capables de concevoir des pièces avec de nouveaux systèmes (optimisation de la topologie, reconfiguration), etc.

Quand les technologies de la fabrication additive se répandront, il sera nécessaire que des établissements d’enseignement et de formation maintiennent et développent l’employabilité des travailleurs. À l’heure actuelle, en Europe, les programmes scolaires, ainsi que les dispositifs de formation postscolaires, ignorent complètement la fabrication additive. La plupart des cycles de formation existants se contentent de décrire les technologies et leurs performances potentielles et ne sont pas conçus pour aider les étudiants à acquérir de véritables compétences en la matière. Il convient que les collectivités locales intègrent la fabrication additive dans leurs plans de formation, au moins pour ce qui est de la formation professionnelle. L’attrait de l’impression 3D, qui englobe la totalité du processus d’innovation (idée, conception, informatique, robotique et production physique du produit final) sur un bref laps de temps, pourrait être utilisé comme une méthode de formation efficace dans le système éducatif, pour attirer l’attention des enfants sur la technologie et la fabrication.

Il est souhaitable que toute offre de formation soit élaborée sur la base d’une coopération entre l’industrie, les autorités locales, les établissements d’enseignement et les organisations de travailleurs, et qu’elle soit basée sur les besoins réels des sociétés opérant dans ce secteur.

3.5.   Santé et sécurité au travail

Les études qui examinent la fabrication additive sous l’angle de la santé et de la sécurité au travail sont fort rares. Elles seraient pourtant indispensables étant donné:

les risques chimiques associés aux résines volatiles qui sont utilisées dans la fabrication additive de pièces polymères ainsi qu’aux additifs volatils, métalliques ou non métalliques employés dans les poudres métalliques,

les risques chimio-physiologiques découlant de l’utilisation de poudres, notamment lorsqu’elles contiennent des nanoparticules,

le risque d’explosion découlant de l’utilisation de poudres,

les risques spécifiques associés à l’utilisation de sources de lasers, de faisceaux d’électrons, etc.

Maintenant que se déploient les applications industrielles de la fabrication additive, il s’impose de réaliser d’urgence des études spécifiques d’évaluation des risques pour les travailleurs, en vue de mettre en place des systèmes et des normes de protection. Il convient en outre d’élaborer des formations à la sécurité pour les travailleurs opérant sur des machines de fabrication additive, lesquelles pourraient s’inscrire dans le cadre d’un programme scolaire existant, qui serait ainsi complété, ou d’un autre, tout à fait nouveau, à mettre en place.

Bruxelles, le 28 mai 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Industry 4.0 The new industrial revolution: How Europe will succeed («Industrie 4.0 La nouvelle révolution industrielle: comment l’Europe va réussir»), RolandBerger Strategy Consultants 2014.

(2)  Production in the Innovation Economy (étude PIE, «La production dans l’économie de l’innovation»), MIT, 2013.

(3)  Wohlers Associates, «3D Printing and Additive Manufacturing: State of the Industry, Annual Worldwide Progress Report» («Impression 3D et production additive: état des lieux de l’industrie. Rapport annuel de progression à l’échelle mondiale»), 2014.

(4)  Groupe d’intérêt spécifique sur la production additive auprès du conseil de stratégie technologique du Royaume-Uni (2012), «Shaping our national competency in Additive Manufacturing, A technology innovation needs analysis» («Tracer les contours de notre compétence nationale dans la production additive, une innovation technologique appelant une analyse»).

(5)  Wohlers Associates, «3D Printing and Additive Manufacturing: State of the Industry, Annual Worldwide Progress Report» («Impression 3D et production additive: état des lieux de l’industrie. Rapport annuel de progression à l’échelle mondiale»), 2014.

(6)  «3D Opportunity Additive manufacturing paths to performance, innovation, and growth» («L’atout de la 3D, les pistes ouvertes par la production additive pour la performance, l’innovation et la croissance»), Deloitte Review, 2014.

(7)  Il s’agit des pièces de rechange dont la disponibilité est limitée et, par conséquent, le prix élevé.

(8)  Fabricants d’équipement d’origine.

(9)  Plate-forme européenne de la production additive, lancée par Manufuture (2013) «Additive Manufacturing: Strategic Research Agenda (consultation document)» («La production additive: programme de recherche stratégique», document de consultation).

(10)  DMRC (Centre de recherche sur la fabrication directe, Paderborn, Allemagne) (2012) «Thinking ahead the Future of Additive Manufacturing — Analysis of Promising Industries» («Penser prospectivement l’avenir de la fabrication additive — Analyse de filières industrielles prometteuses»).

(11)  Innovatie Zuid (2013), «Hightech Systemen en materialen: Roadmap 3D-Printen» («Systèmes et matériaux de haute technologie: feuille de route de l’impression tridimensionnelle»).

(12)  EFFRA (2013), «Factories of the Future 2020: Factories of the Future Public-Private Partnership roadmap» («Les usines du futur à l’horizon 2020: feuille de route pour le partenariat public-privé des usines du futur»).

(13)  Flanders MAKE, «Additive Manufacturing for Serial Production: Research Roadmap» («La production additive pour la fabrication en série: feuille de route pour la recherche»), 2014.

(14)  Flanders MAKE, «Additive Manufacturing for Serial Production: Research Roadmap» («La production additive pour la fabrication en série: feuille de route pour la recherche»).

(15)  Conseil pour la recherche en ingénierie et sciences physiques (EPSRC), Centre pour la fabrication novatrice en matière de production additive, http://www.3dp-research.com/Home

(16)  Wohlers Associates, 3D Printing and Additive Manufacturing: State of the Industry, Annual Worldwide Progress Report («Impression 3D et production additive: état des lieux de l’industrie, Rapport annuel de progression à l’échelle mondiale»), 2014.

(17)  Plate-forme européenne de la production additive, lancée par Manufuture (2013) «Additive Manufacturing: Strategic Research Agenda (consultation document)» («La production additive: programme de recherche stratégique», document de consultation).

(18)  «Is intellectual property law ready for 3D printers? The distributed nature of Additive Manufacturing is likely to present a host of practical challenges for IP owners» («Le droit de la propriété intellectuelle est-il prêt pour les imprimantes 3D? La nature décentralisée de la fabrication additive posera vraisemblablement quantité de défis concrets pour les détenteurs de droits de propriété intellectuelle»), The National Law Journal, 4 février 2013.

(19)  Scapolo, F., Churchill, P., Castillo, H. C. G., et Viaud, V., «Projet d’étude prospective sur le thème “Comment les normes favoriseront-elles l’innovation et la compétitivité dans l’Union européenne en 2025?”», s.l., Commission européenne, décembre 2012.

(20)  «Measurement Science Roadmap for metal-based Additive Manufacturing» («Feuille de route métrologique pour la production additive à base métallique»), National Institute of Standards and Technology, mai 2013.