14.7.2015 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 230/24 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Achever l’Union économique et monétaire — le rôle de la politique fiscale»
(avis d’initiative)
(2015/C 230/04)
Rapporteur: |
Carlos TRIAS PINTÓ |
Corapporteur: |
Petru Sorin DANDEA |
Le 27 février 2014, le Comité économique et social européen (le «Comité», ou le «CESE») a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:
«Achever l’Union économique et monétaire — le rôle de la politique fiscale».
La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 18 novembre 2014.
Lors de sa 503e session plénière des 10 et 11 décembre 2014 (séance du 10 décembre 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 164 voix pour, 53 voix contre et 11 abstentions.
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le fait que l’Europe affiche une reprise plus lente que dans le reste du monde est symptomatique d’un niveau de dysfonctionnement auquel doit chercher à remédier une union économique et monétaire renforcée. Le présent avis est favorable au processus d’approfondissement de l’union économique et monétaire, en particulier dans la zone euro, du point de vue du rôle de la fiscalité. Il a été et il restera difficile d’accomplir des avancées en matière de coordination de la fiscalité directe, car cette politique continue à relever de la compétence des États membres et est enracinée dans le système que chacun d’entre eux a élaboré au fil des siècles pour financer les dépenses publiques qu’il perçoit comme nécessaires. Toute modification de la fiscalité doit aboutir à un régime fiscal plus compétitif et durable au niveau mondial. |
1.2. |
Pour permettre le bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire, la nouvelle législature doit jeter les bases d’une union budgétaire et la faire progresser jusqu’à ce qu’elle soit à même de surmonter la grande diversité des règles nationales, qui entrave l’intégration effective et la réalisation d’un marché unique. Elle doit également s’engager sur la voie de l’établissement d’un budget commun quelque peu renforcé pour la zone euro. |
1.3. |
Il faut aussi créer concrètement, à moyen terme, aux côtés du pilier monétaire de la BCE, un «pilier budgétaire commun» garantissant la stabilisation macroéconomique au sein de l’UEM, en particulier en cas de «chocs asymétriques». |
1.4. |
Afin de remédier aux défaillances et aux lacunes de la politique fiscale, il convient de prendre des mesures plus ambitieuses dans la zone euro pour tenter de diminuer et d’homogénéiser les impôts, d’élargir les assiettes fiscales, d’harmoniser plus avant les taux d’imposition ainsi que de renforcer les instruments de coopération et d’échange d’informations afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. |
1.5. |
La nouvelle législature doit coopérer étroitement avec l’OCDE et le G20 pour trouver rapidement une solution au problème mondial de l’érosion de la base d’imposition et du transfert de bénéfices. L’OCDE a réalisé des avancées notables en introduisant un modèle mondial de fiscalité des entreprises, qui vise à prélever l’impôt là où se situe la substance économique. Il devrait constituer la base de la fiscalité des entreprises dans l’Union européenne. |
1.6. |
Pour progresser vers une union budgétaire plus approfondie, il est essentiel de poursuivre la surveillance budgétaire, conformément aux deux règlements du «two-pack» et de créer à court terme un fonds de ressources propres dans la zone euro afin de corriger les déséquilibres macroéconomiques (1). |
1.7. |
Le Comité approuve sans réserve la poursuite du processus du semestre européen, qui devrait être révisé pour plus d’efficacité. Les recommandations par pays pourraient constituer un outil utile pour trouver un terrain d’entente. |
1.8. |
Il s’avère indispensable d’accroître le budget commun trop limité, qui atteint à peine 1 % du PIB de l’Union européenne, en particulier dans la zone euro. Les lignes directrices politiques du président de la Commission, M. Juncker, «Un nouvel élan pour l’Europe», recommandent un budget davantage axé sur la création d’emplois, la croissance et la compétitivité. Le CESE soutient cette approche et souligne la nécessité de saisir l’occasion de la révision du cadre financier pluriannuel à la fin de l’année 2016 pour jeter les bases d’un budget renforcé en vue d’assurer le bon fonctionnement de l’union monétaire. |
1.9. |
La Commission devrait donner suite à sa communication de mars 2013 «Vers une union économique et monétaire véritable et approfondie» (2) et créer un instrument de convergence et de compétitivité destiné aux accords contractuels pour que les États membres entreprennent les réformes dans l’intérêt national et européen afin de corriger les déséquilibres, ces réformes ne pouvant être entreprises sans aide financière. Ce fonds devrait évoluer en ressource budgétaire propre à même de fournir une aide financière temporaire pour remédier aux chocs régionaux (3). |
1.10. |
Le budget de la zone euro devrait contribuer à un meilleur fonctionnement de l’union monétaire, apporter une aide fiscale pour achever la mise en place d’une vraie union bancaire et compenser les chocs asymétriques. Ces fonctions ont fait défaut lorsque la crise économique s’est déclarée, ce qui a accentué de manière dramatique les inégalités qui ont dû faire l’objet de mesures fiscales. |
1.11. |
Conscient de la complexité de la question, le CESE propose une série de mesures à adopter progressivement, conformément aux objectifs fixés dans les traités européens (4). À court terme (de 6 à 18 mois):
À moyen terme (de 18 mois à 5 ans):
|
2. L’Union économique et monétaire et son cadre budgétaire et fiscal
2.1. Le cadre
2.1.1. |
Les 28 États membres de l’Union européenne ont enclenché une dynamique d’intégration avec des engagements et des obligations renforcés au sein de la zone euro, maintenant consolidée par une union bancaire en évolution et le traité intergouvernemental sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire. |
2.1.2. |
La politique fiscale recouvre actuellement plus de 600 types d’impôts différents. Ces derniers produisent l’essentiel des recettes, qui représentent au total (impôts et cotisations sociales) 39,4 % du PIB des États membres (13) (40,4 % pour la zone euro). Il faut coordonner davantage les politiques fiscales des États membres de la zone euro pour compléter la politique monétaire commune de la BCE. |
2.1.3. |
Faire progresser l’union budgétaire permettrait, dans le cas de la zone euro, de dépendre de ses propres ressources, de s’engager dans un soutien effectif des réformes structurelles importantes au sein des économies en difficulté et d’activer des politiques de solidarité et de redistribution, qui sont indispensables pour absorber les chocs asymétriques. |
2.1.4. |
Comparée à d’autres économies avancées, l’Union européenne présente, notamment dans la zone euro, des taux de croissance (du PIB) et d’emploi inférieurs. La plupart des théories de l’intégration économique suggèrent des modèles incluant tant l’intégration monétaire que budgétaire. Toutefois, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) impose de prendre les décisions en matière de fiscalité à l’unanimité, ce qui rend extrêmement difficile l’adoption d’actes législatifs. |
2.1.5. |
L’absence d’efficacité de la zone euro sur le plan macroéconomique peut s’expliquer en partie par l’inadéquation entre la politique budgétaire, qui est fortement décentralisée et relève de la compétence des États membres, et la politique monétaire, qui connaît une centralisation croissante au sein des pays de la zone euro sous l’égide de la BCE. |
2.1.6. |
Les pouvoirs limités de la BCE lui interdisent de financer les déficits budgétaires par la création de monnaie. C’est peut-être une bonne chose pour la stabilité des prix et la valeur de la monnaie, mais pas pour la croissance, l’emploi et d’autres objectifs. Peu de progrès ont été accomplis au sein de l’Union européenne sur la voie d’une union budgétaire depuis l’instauration de l’union monétaire, ce qui complique la mobilité du travail et du capital, ainsi que les réponses à la crise et aux chocs asymétriques. |
2.2. Tendances et problèmes en matière de recettes et de dépenses
2.2.1. |
La coordination de la politique fiscale minimaliste appliquée jusqu’à présent suffit à peine à éviter une distorsion de la concurrence entre États membres et à atténuer le nivellement par le bas dû à la concurrence, qui concerne principalement les taux effectifs et nominaux des impôts sur le revenu des sociétés et celui des personnes physiques, ce qui serait positif si cela résultait d’une action concertée entre les États membres. Il s’agit là malheureusement d’un jeu à somme négative pour l’heure dont les gagnants sont les revenus du capital et les travailleurs hautement mobiles, tandis que la grande majorité des autres acteurs sont perdants. |
2.2.2. |
L’intégration budgétaire requiert un dispositif de transferts et une autorité budgétaire mais le budget de l’Union européenne est limité à 1 % du PIB. Les transferts nets représentent une part négligeable de ces ressources, en dépit des objectifs de cohésion et de développement durable de la stratégie Europe 2020 et du Projet Europe 2030. |
2.2.3. |
La feuille de route vers une vraie et pleine union économique et monétaire, élaborée à la fin de l’année 2012 (14), propose de progresser à moyen terme vers une union économique, monétaire et budgétaire, entre autres au moyen d’initiatives plus concrètes, tandis qu’il est prévu à court terme de renforcer la gouvernance budgétaire et économique («six-pack», pacte fiscal et «two-pack»), le semestre européen et ses recommandations et enfin, le traité intergouvernemental sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’UEM signé par 25 États, en dehors du TFUE. C’est un système à sens unique, rigide et compliqué qui n’offre pas la flexibilité suffisante pour traiter la situation économique immédiate en cas de crise et mettre au point un dosage des politiques de la zone euro. |
2.2.4. |
Il est à noter en effet que jusqu’à présent, seules des mesures relatives au volet dépenses de l’union budgétaire ont été prises tandis que son volet recettes a été complètement négligé. |
2.2.5. |
Outre l’absence d’autorité budgétaire de contrôle, la «troïka» s’est comportée comme un acteur politique, en imposant des politiques d’austérité aux États qui ont eu besoin d’assistance, s’attirant ainsi les critiques du Parlement européen (15) et du CESE en raison de leur manque d’efficacité et de transparence. |
2.2.6. |
Le CESE approuve les orientations politiques du président de la Commission, M. Juncker, exposées dans son programme «Un nouvel élan pour l’Europe» appelant notamment l’Union européenne à remplacer la «troïka» par une structure plus démocratique et davantage tenue de rendre des comptes, s’appuyant sur les institutions européennes, et assortie d’un contrôle démocratique renforcé tant au niveau de l’Union européenne qu’à l’échelle nationale. |
2.2.7. |
Entretemps, les politiques de dévaluation fiscale menées dans certains des États les plus vulnérables de la zone euro ont eu pour résultat d’endommager le modèle social européen (16) plutôt que d’accroître la compétitivité, car la réduction des charges sur le facteur de production qu’est le travail n’a pour ainsi dire pas contribué à améliorer la croissance, l’emploi et la situation concernant la dette, entraînant, à terme, une perte inutile de recettes fiscales. Néanmoins, dans certains États membres, la correction des déséquilibres commence à montrer des effets bénéfiques. |
3. Observations
3.1. L’importance de la fiscalité des services financiers et numériques
3.1.1. |
Les deux domaines qui illustrent toute la difficulté de progresser en matière d’intégration dans le domaine de la fiscalité sont les transactions financières et les transactions de l’économie numérique; la Commission doit sans délai réagir au développement rapide que connaît ce dernier phénomène en accord avec les enquêtes réalisées par la direction générale de la concurrence dans le domaine de la concurrence et les recommandations du groupe d’experts sur la fiscalité et l’économie numérique (17) ainsi que les premières propositions (18) de l’OCDE pour une approche internationale coordonnée en vue de lutter contre l’évasion fiscale des entreprises multinationales, dans le cadre du plan d’action BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices de l’OCDE/G20 (conçu pour créer un ensemble unique de règles internationales en matière de fiscalité afin de mettre un terme à l’érosion de la base d’imposition et au transfert artificiel de bénéfices vers certaines juridictions en vue d’échapper à l’impôt). |
3.1.2. |
Étant donné que la mise en œuvre de la taxe sur les transactions financières d’application dans toute l’Union européenne n’a pas progressé au-delà de la coopération renforcée instaurée par la directive de février 2013 y afférente, qui ne rassemble que onze États de la zone euro (19), il est urgent d’étendre son application tout au moins à la zone euro (en palliant à l’absence de progrès ces derniers mois). |
3.1.3. |
Le CESE accueille favorablement la proposition de modification de la directive en matière de fiscalité des revenus de l’épargne (20) afin d’améliorer la qualité de l’information et la prévention de l’évasion fiscale. |
3.2. Structures fiscales: assiettes et taux et exonérations
3.2.1. |
L’Union européenne perd chaque année beaucoup plus de recettes fiscales que les États-Unis et d’autres pays, qui sont moins touchés par l’économie souterraine, la fraude sociale ou fiscale et l’évasion fiscale (21). Afin de prévenir des dysfonctionnements, tels que les paradis fiscaux, il est nécessaire de simplifier, d’harmoniser et d’accroître l’homogénéité entre les États s’agissant de leurs structures fiscales ramifiées et complexes. Il conviendrait d’engager ce processus au sein de la zone euro, sous la coordination de la Commission et de l’Eurogroupe, à partir d’un bureau européen chargé de la simplification, comme il en existe déjà dans quelques États (22). |
3.2.2. |
Le CESE estime également qu’il convient de fixer comme priorité la convergence des politiques fiscales dans le cadre du semestre européen (en mettant à profit certaines recommandations par pays), étant donné que celui-ci vise à coordonner les efforts consentis par les États membres en matière de politique économique afin d’atteindre également, avec l’aide des autres politiques, les objectifs de la stratégie Europe 2020. |
3.2.3. |
Le CESE plaide en faveur d’un système d’une équité et d’une efficacité accrues où la réforme et l’harmonisation fiscales viseraient la transparence, l’élargissement de l’assiette fiscale et la prévention de l’évasion fiscale agressive, afin de permettre un abaissement des taux d’imposition et une nouvelle répartition des charges. |
3.2.4. |
Le CESE recommande de limiter le régime d’exonérations, en fonction de la nature de chaque impôt, en procédant à une analyse rigoureuse des coûts et des bénéfices économiques et sociaux, conformément à la doctrine internationale des «dépenses fiscales», consolidée depuis 1968, et en tenant compte du fait que durant les cinq dernières années de crise, les systèmes de prélèvement/prestations fiscales ont été en mesure de compenser dans une mesure considérable l’accentuation des inégalités de marché dans la plupart des États membres de l’Union européenne, comme il ressort des études réalisées par la Commission (23). |
3.2.5. |
Le CESE encourage l’Union européenne à participer plus activement, par l’intermédiaire de représentants de la zone euro, aux débats visant à coordonner ses travaux d’harmonisation et de simplification avec l’OCDE (24), le FMI (25) et le G20 (26), en commençant par les prix de transfert, la fraude et l’économie souterraine et, avant tout, les problèmes d’équité dans la répartition du poids de l’imposition. |
3.2.6. |
Le CESE estime que le plan d’action BEPS (27) (Base Erosion and Profit Shifting) sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices sera essentiel pour faire face à l’évasion fiscale et à la planification fiscale agressive au niveau mondial. Il encourage dès lors le G20, l’OCDE et tous les États membres de l’Union européenne à l’étendre et à créer un embryon de chambre européenne de compensation de la TVA et de lutte contre la fraude fiscale, en vue de mettre un terme au problème de «fraude carrousel» (28) qui se pose dans les transactions intracommunautaires et qui est plus nuisible que l’économie souterraine elle-même. |
3.2.7. |
Enfin, compte tenu du fait que les exonérations et dégrèvements fiscaux entraînent des taux effectifs nettement inférieurs aux taux nominaux, il faut les coordonner avec les objectifs européens en matière d’emploi, d’investissement productif, de compétitivité des entreprises et d’inclusion sociale, ainsi qu’avec les politiques de l’Union qui façonnent le modèle social européen. |
3.3. La fiscalité des sociétés
3.3.1. |
Le CESE appelle à donner la priorité à l’harmonisation des impôts sur le revenu des sociétés pour progresser vers une union budgétaire et fiscale (29) cohérente afin d’éviter que ce soient les PME qui paient le taux effectif le plus élevé. En outre, le CESE juge hautement répréhensibles les pratiques de certains États membres qui consistent à accorder à des sociétés internationales choisies des dégrèvements fiscaux spéciaux, sans en informer l’opinion publique; dans ce contexte, appelle la Commission européenne à entreprendre toutes les actions possibles pour éliminer de telles pratiques. Cette situation entraîne une distorsion de concurrence incompatible avec l’esprit du marché unique. |
3.3.1.1. |
L’une des actions principales et prioritaires devrait reposer sur la «création d’une assiette consolidée commune», une position défendue officiellement par le Comité en 2006 (30) et confirmée ultérieurement (31). En 1992 déjà, le rapport Ruding relevait la nécessité de disposer de règles communes pour la définition de la base d’imposition à partir des taux minimaux et maximaux. |
3.3.1.2. |
Dans l’esprit du «serpent monétaire» qui avait été conçu pour contrecarrer les fluctuations monétaires avant l’introduction de l’euro, le Comité suggère d’encourager les organismes compétents à coopérer dans l’établissement de plafonds et de seuils en matière d’impôt sur le revenu des sociétés. Il convient également d’éliminer de manière coordonnée les exonérations qui sont les moins propices à l’augmentation de l’emploi et de la productivité. |
3.3.2. |
Le CESE marque son accord sur la proposition de directive relative aux sociétés mères et filiales d’États membres différents, qui constitue l’une des 34 mesures énoncées dans le plan d’action visant à renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales (32), que la Commission a présenté à la fin de l’année 2012. Néanmoins, il eût préféré une mise en œuvre par la voie d’un règlement. |
3.3.3. |
Concernant le commerce intracommunautaire de biens et de services, l’on constate un progrès plus important s’agissant de l’harmonisation de la TVA; à cet égard, l’on observe une amélioration de l’harmonisation des assiettes fiscales, mais aussi la persistance jusqu’à présent de fortes disparités dans les taux d’imposition. |
3.3.4. |
En dernier lieu, au vu de leur caractère stratégique, le CESE recommande d’accorder la priorité aux incitations fiscales à la recherche et au développement (33). |
3.3.5. |
Il convient de veiller à ce qu’aucune des mesures prévues ne porte atteinte à la compétitivité des entreprises européennes. |
3.4. La fiscalité des personnes physiques et des ménages
3.4.1. |
Les personnes physiques sont assujetties tant à l’imposition directe qu’indirecte. L’on ne peut perdre de vue le fait que l’imposition indirecte est par nature régressive et, en particulier, que l’harmonisation vers le haut de ce type d’imposition est régressive et peut avoir des effets très néfastes sur les citoyens qui ont les plus bas revenus sans que cela ne soit compensé par des compléments de revenus. |
3.4.2. |
L’harmonisation de l’imposition directe des personnes physiques se limite à certains cas particuliers et la charge fiscale a cessé de converger. |
3.4.3. |
Dans la zone euro tout au moins, il conviendrait de revoir le nombre de dispositions juridiques relatives à l’impôt sur les revenus des personnes physiques et le coût des cotisations sociales afin d’éviter le «dumping» social et d’uniformiser davantage la pression fiscale sur le facteur travail et de favoriser ainsi la mobilité de celui-ci (34). La progressivité des prélèvements doit être étendue aux revenus du capital et aux richesses qui en découlent, en revitalisant les impôts sur le patrimoine, les successions et les donations, à titre d’instrument de contrôle. En outre, ces types de prélèvements freinent moins la demande que la fiscalité du travail. |
3.4.4. |
Étant donné la nécessité de mettre davantage l’accent sur l’investissement plutôt que sur la consommation, il importe de créer et d’harmoniser des serpents de convergence en ce qui concerne la fiscalité des revenus de l’épargne (35), l’imposition des dividendes versés à des personnes physiques et la fourniture transfrontalière des retraites professionnelles. |
3.4.5. |
Le CESE soutient la Commission dans sa recherche de solutions pour rendre les structures de l’impôt plus favorables à la croissance et déterminer quel rôle la fiscalité peut jouer dans la réponse à apporter aux besoins d’assainissement dans le contexte de l’élargissement des assiettes fiscales, en matière de taxes d’habitation par exemple. Ainsi, les recommandations aux États membres formulées par la Commission européenne dans le cadre du semestre européen allaient dans le sens d’un recours accru aux impôts fonciers récurrents, à des fins d’assainissement ou en tant que moyen parmi d’autres d’éviter que l’impôt ne frappe les revenus du travail (36). |
3.4.6. |
De même, le CESE propose d’adopter des mesures additionnelles pour harmoniser la fiscalité environnementale, en se basant sur la communication de la Commission relative à un cadre pour le climat et l’énergie à l’horizon 2030. |
3.4.7. |
Les citoyens contribueront à lutter contre le grave problème de la fraude fiscale et du travail au noir s’il existe des incitations à cet effet. Il y a lieu de renforcer les instruments tels que les chèques-service ou les exonérations et allègements fiscaux vers d’autres services de soutien aux personnes, parce qu’ils allient l’objectif de promouvoir le bien-être social et celui de légaliser l’économie souterraine. |
3.4.8. |
Pour combattre l’économie informelle, le CESE propose de créer des incitations fiscales à recourir à des formes de paiement, tels que les cartes ou les téléphones portables, qui laissent des traces et favorisent l’inclusion financière et numérique, au moyen de dégrèvements ou d’exonérations fiscaux harmonisés pour les particuliers ou les entreprises qui réduiraient l’utilisation du numéraire. |
3.4.9. |
De même, l’on pourrait renforcer la coopération des citoyens au moyen d’incitations financières en cas de détection éventuelle d’opérations frauduleuses, une pratique courante aux États-Unis. |
3.5. La fiscalité locale (les régions, les États et l’Union européenne)
3.5.1. |
La grande diversité des régimes fiscaux favorise la fraude, la corruption et l’économie souterraine. Le CESE appelle les États membres de la zone euro à s’octroyer davantage de compétences dans les quatre principaux domaines de la fiscalité: la fiscalité directe des personnes physiques et morales (y compris la fiscalité des revenus de l’épargne et les impôts fonciers ainsi que d’autres prélèvements sur la fortune) et la fiscalité indirecte sous la forme de la TVA et d’autres taxes spéciales. |
3.5.2. |
Toute avancée en matière de gouvernance fiscale passe inéluctablement par une cession progressive de souveraineté de la part des États membres. Ainsi, la collecte de l’impôt pourrait demeurer une compétence relevant principalement des États, tandis que les contrôles, les inspections et la répartition des recettes feraient l’objet d’un traitement coordonné entre l’Union et ses États. À cette fin, le CESE propose de créer une autorité fiscale de l’Union européenne, au sein de la zone euro dans un premier temps. |
3.5.3. |
Conformément au principe de subsidiarité, il convient de respecter les impôts locaux, mais le CESE recommande d’entamer des travaux en vue de simplifier, de réduire, de regrouper et d’homogénéiser bon nombre d’entre eux. |
3.6. Dimension extérieure et lien avec les politiques publiques
3.6.1. |
Une politique fiscale supranationale (37) serait un instrument efficace pour réaliser les objectifs du traité, notamment les politiques de cohésion et de développement durable. |
3.6.2. |
Le CESE appelle à établir un budget fédéral supplémentaire, tout au moins dans la zone euro, qui permettrait de collecter l’impôt et pourrait se charger progressivement des politiques qui peuvent mieux être mises en œuvre en commun, telles que l’assurance-chômage liée aux politiques actives du marché du travail (38), la recherche et développement, la défense, un mécanisme commun de compensation de la charge des intérêts de la dette (39), etc. |
3.6.3. |
Enfin, le CESE soutient fermement les initiatives de l’OCDE et du G20 en matière de coopération internationale dans le domaine fiscal et de lutte contre la fraude fiscale, et préconise de convertir en norme internationale l’échange automatique d’informations fiscales. |
Bruxelles, le 10 décembre 2014.
Le Président du Comité économique et social européen
Henri MALOSSE
(1) Le système est néanmoins trop rigide, trop lourd et incapable d’offrir rapidement la flexibilité nécessaire pour faire face aux circonstances économiques immédiates et mettre au point un dosage des politiques dans la zone euro, et ce dans un contexte où les États membres n’ont plus la marge de manœuvre suffisante pour mettre en place des plans de relance de leurs économies, ce qui a pour conséquence un grande instabilité financière.
(2) COM(2013)165 final.
(3) Voir l’avis du CESE sur la création d’un instrument de convergence et de compétitivité et les grandes réformes des politiques économiques (JO C 271 du 19.9.2013, p. 45).
(4) Voir notamment les articles 113 et 115 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
(5) Voir les points forts présentant un intérêt pour la section ECO tirés des orientations politiques pour la prochaine Commission présentées au Parlement européen par M. Jean-Claude Juncker. Voir également Juncker: Un nouvel élan pour l’Europe: Mon programme […], p. 6.
(6) Avis du CESE sur l’ACCIS (JO C 24 du 28.1.2012, p. 63).
(7) COM(2011) 121 final.
(8) www.eurofisc.eu
(9) Ventes fictives dans l’État membre de destination entraînant des pertes qui peuvent s’avérer colossales pour les trésors publics.
(10) Directive 2011/16/UE.
(11) Voir les avis sur la politique budgétaire: croissance et ajustements budgétaires (JO C 248 du 25.8.2011, p. 8) et «Achever l’Union économique et monétaire — Les propositions du Comité économique et social européen pour la prochaine législature européenne», ainsi que le projet détaillé pour une Union économique et monétaire véritable et approfondie [COM(2012) 777 final/2, point 3].
(12) Voir l’avis «Achever l’UEM — La prochaine législature européenne» (JO C 451 du 16.12.2014, p. 10).
(13) Données publiées par Eurostat (922/014) le 16 juin 2014.
(14) COM(2012) 777 final/2.
(15) Voir: Alejandro Cercas, Rapport: PE528.091v02-00.
(16) http://www.eurofound.europa.eu/publications/annual-report/2014/eurofound-yearbook-2013-living-and-working-in-europe
(17) Recommandations du groupe d’experts sur la fiscalité et l’économie numérique. À cet égard, la Commission a adopté le 22 octobre 2013 une décision instituant un groupe d’experts, dont elle a défini la même année la portée des travaux (en anglais) et la feuille de route (en anglais). Son avis final a été publié le 28 mai 2014.
(18) http://www.oecd.org/tax/beps-2014-deliverables.htm
(19) Voir: COM(2013) 71 final — 2013/0045 (CNS). Ces États sont: la Belgique, l’Allemagne, l’Estonie, la Grèce, l’Espagne, la France, l’Italie, l’Autriche, le Portugal, la Slovénie et la Slovaquie.
(20) Directive en matière de fiscalité des revenus de l’épargne — Commission européenne.
(21) Voir: Friedrich Schneider, «Shadow Economies and Corruption all over the World: Empirical Results for 1999 to 2003», in: numéro spécial du International Journal of Social Economics (IJSE), Série 1, Vol. 35, numéro 9, 2008.
(22) Office of Tax Simplification, HM Treasury, qui dépend du gouvernement du Royaume-Uni, par exemple.
(23) Note de recherche de la Commission 02/2013 «The effect of tax-benefit changes on income distribution in EU countries since the beginning of the economic crisis».
(24) OCDE, projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, 2013.
(25) Rôle du FMI dans la fiscalité internationale.
(26) https://www.g20.org/sites/default/files/g20_resources/library/Saint_Petersburg_Declaration_ENG.pdf
(27) Centre de politique et d’administration fiscales — OCDE.
(28) Ventes fictives dans l’État membre de destination entraînant des pertes qui peuvent s’avérer colossales pour les trésors publics.
(29) Voir la déclaration du CESE «Un plan d’action pour l’Europe», adoptée lors de la session plénière des 29 et 30 avril 2014. Voir aussi l’avis du CESE «Stratégies pour un assainissement intelligent de la politique budgétaire: le défi des moteurs de croissance à trouver pour l’Europe» (JO C 248 du 25.8.2011, p. 8).
(30) Avis du CESE «Création d’une assiette consolidée commune pour l’impôt sur les sociétés dans l’Union européenne» (JO C 88 du 11.4.2006, p. 48).
(31) Avis du CESE Assiette consolidée commune pour l’impôt sur les sociétés (JO C 24 du 28.1.2012, p. 63).
(32) COM(2012) 722 final.
(33) Voir: «Mettre la fiscalité au service de la recherche et du développement».
(34) Déclaration de l’Eurogroupe du 8 juillet 2014: Programme de réformes structurelles — discussions thématiques sur la croissance et l’emploi — réduction de la pression fiscale.
(35) http://europa.eu/legislation_summaries/taxation/l31050_fr.htm
(36) Commission européenne 2014, réformes fiscales dans les États membres de l’Union européenne, p. 112.
(37) Stefan Collignon, prendre l’intégration européenne au sérieux.
(38) Voir les avis du CESE «Achever l’UEM — la prochaine législature européenne» et «Pour une dimension sociale de l’Union économique et monétaire européenne» (JO C 271 du 19.9.2013, p. 1).
(39) Voir l’avis du CESE «Relancer la croissance» (JO C 143 du 22.5.2012, p. 10).
ANNEXE
à l’avis du Comité économique et social européen
L’amendement suivant, qui a recueilli plus du quart des suffrages exprimés, a été rejeté au cours des débats (article 54, paragraphe 3, du règlement intérieur):
Paragraphe 1.4
Modifier comme suit:
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«Afin de remédier aux défaillances et aux lacunes de la politique fiscale, il convient de prendre des mesures plus ambitieuses dans la zone euro pour tenter de diminuer et d’homogénéiser les impôts, d’élargir les assiettes fiscales, d’harmoniser plus avant les taux d’imposition ainsi que de renforcer les instruments de coopération et d’échange d’informations afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Il convient à cet égard de veiller à ce que la charge fiscale globale dans la zone euro ne soit pas supérieure à celle des États limitrophes.» |
Exposé des motifs
Comme l’avis à l’examen propose également d’instaurer de nouveaux impôts, il importe que la charge fiscale globale dans la zone euro ne soit pas supérieure à celle des États limitrophes. Dans le cas contraire, cette charge fiscale (élevée) pourrait avoir des répercussions négatives sur la zone euro et conduire à la situation où davantage d’entreprises délocaliseraient leurs sites et davantage de travailleurs partiraient.
Résultat du vote
Voix pour: |
80 |
Voix contre: |
129 |
Abstentions: |
17 |