4.10.2012 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 299/148 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – calcul à haute performance: la place de l'Europe dans la course mondiale»
COM(2012) 45 final
2012/C 299/27
Rapporteure: Mme CAÑO AGUILAR
Le 18 avril 2012 la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la
"Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Calcul à haute performance: la place de l'Europe dans la course mondiale"
COM(2012) 45 final.
La section spécialisée "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 25 juin 2012
Lors de sa 482e session plénière des 11 et 12 juillet 2012 (séance du 11 juillet 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 143 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions.
1. Conclusions et recommandations
1.1 Le Comité souscrit de manière générale à la communication de la Commission et appuie résolument les objectifs qui y sont fixés. Le calcul à haute performance (CHP) est un préalable aux nouvelles découvertes et constitue la base du développement d'un grand nombre de produits, procédés et services innovants.
1.2 Le CHP, qui fait partie de l'agenda numérique, est désormais l'indispensable instrument de toute économie et de toute recherche qui se veulent modernes, dans des domaines aussi variés que la politique énergétique, climatique, économique, sociale mais aussi celle de la santé et de la défense. Le CHP revêt une importance stratégique pour la stratégie Europe 2020.
1.3 Le Comité soutient le développement d'un environnement CHP européen ainsi que l'infrastructure de recherche PRACE déjà mise en place à cet effet, laquelle doit garantir que l'ensemble des acteurs/utilisateurs potentiels du CHP dans l'UE, y compris notamment ceux issus des universités et des PME, puissent facilement disposer de ce type de ressources et bénéficient de conditions d'accès similaires.
1.4 Outre le volet financier et les clauses juridiques accompagnant un environnement CHP performant, la poursuite du développement du CHP devra se faire dans deux directions d'égale importance: d'une part, le développement du matériel ("hardware") des ordinateurs de nouvelle génération dits ordinateurs à l'échelle exa, d'autre part, le développement et la diffusion des logiciels ("software") d'une grande sophistication nécessaires à leur exploitation. On ne saurait privilégier une direction plutôt que l'autre.
1.5 Dès lors, le Comité souscrit à la proposition de doubler le niveau d'investissement actuel dans le domaine du CHP dans l'UE pour porter celui-ci à environ 1,2 milliard d'euros par an. Cela exigerait un apport supplémentaire de 600 millions d'euros par an, que l'UE, les États membres et les utilisateurs industriels assumeraient pour l'essentiel. Ainsi, le montant des investissements atteindrait un niveau équivalent à celui observable dans d'autres régions du monde. La moitié environ de ces ressources supplémentaires serait destinée à l'acquisition de systèmes CHP et de bancs d'essai CHP, l'autre moitié étant affectée, à parts égales, à la formation du personnel ainsi qu'à la conversion ascendante de logiciels CHP.
1.6 À cet effet, il faudra d'une part que les universités/instituts de recherche et les entreprises collaborent. Le Comité voit dans les partenariats public-privé un instrument particulièrement indiqué et qui a fait ses preuves. Ponctuellement, il serait possible de recourir à des "achats publics avant commercialisation", sans pourtant que la Commission en fasse l'unique solution.
1.7 D'autre part, il faudra que les États membres et l'UE contribuent au financement dans une mesure considérable. De telles aides sont nécessaires tant directement, pour continuer à développer un système CHP performant, en travaillant dans les deux directions mentionnées plus haut, qu'indirectement, pour former le personnel qualifié et très qualifié requis, autrement dit pour les universités et leur personnel.
1.8 Le Comité appelle le Conseil et les États membres, dans le contexte de crise économique et financière qui prévaut aujourd'hui, à ne pas négliger les mesures susmentionnées, lesquelles sont nécessaires au CHP, et sans lesquelles il sera difficile de consolider l'économie et la compétitivité, sous peine, sans cela, d'enclencher une dangereuse spirale descendante.
1.9 Le Comité estime que la priorité des priorités réside dans la mise au point en Europe et pour l'Europe d'un système CHP concurrentiel. Cet objectif n'implique pas une politique industrielle protectionniste. Au contraire, les efforts doivent tendre vers l'acquisition ou le maintien du savoir-faire nécessaire au développement et à l'exploitation du CHP, vers la création ou le maintien des emplois correspondants et des niveaux décisionnels requis. Une collaboration renforcée avec les acteurs mondiaux technologiquement à la pointe qui opèrent également en Europe ou sont engagés dans la R&D européenne et avec les entreprises européennes qui possèdent une expertise de pointe dans des segments spécifiques du CHP pourrait permettre d'atteindre la masse critique nécessaire pour pouvoir tenir tête à la Chine, promise à une place de numéro un mondial.
2. Contenu essentiel de la communication de la Commission
2.1 Dans sa communication, la Commission expose l'importance stratégique du calcul à haute performance (en anglais, High- Performance Computing, HPC). Dans cette communication, le terme "calcul à haute performance" est employé comme synonyme de "calcul haut de gamme", "calcul intensif", "calcul de niveau mondial" etc., par opposition à "informatique distribuée", "informatique en nuage" et "serveurs de calcul". Son document repose sur la communication sur les infrastructures TIC pour la science en ligne et sur les conclusions du Conseil qui préconise de poursuivre le développement des infrastructures informatiques telles que le Partenariat pour le calcul avancé en Europe (PRACE: www.prace-ri.eu) et de mettre en commun les investissements dans les systèmes informatiques à haute performance dans le cadre du PRACE.
2.2 Il est demandé aux États membres, à l'industrie et aux communautés scientifiques d'intensifier leurs efforts communs, en coopération avec la Commission, pour garantir à l'Europe un rôle de premier plan en matière d'offre et d'utilisation de systèmes et de services de CHP d'ici à 2020.
2.3 Les progrès des systèmes de CHP ont permis d'aborder plus efficacement les grands défis sociaux et scientifiques, tels que le dépistage et le traitement précoces d'affections, le décryptage du cerveau humain, la prévision des changements climatiques ou la prévention des catastrophes majeures, de même qu'ils ont permis de répondre aux besoins d'innovation de l'industrie en produits et en services.
2.4 Les défis qui se posent dans le domaine du développement de systèmes de CHP encore plus performants ne peuvent être relevés par une simple extrapolation mais exigent une innovation radicale dans de nombreuses technologies de calcul. C'est donc le moment ou jamais, pour les acteurs industriels et universitaires dans l'UE, de se repositionner dans ce domaine.
2.5 L'UE investit nettement moins dans l'acquisition de systèmes de calcul haut de gamme que d'autres régions du monde (moitié moins seulement que les États-Unis pour un niveau de PIB équivalent). Il en résulte que les systèmes informatiques disponibles dans l'UE se situent, en nombre et en performance, bien en-deçà de ceux d'autres régions du monde et les budgets de la R+D consacrés au CHP sont très limités.
2.6 La communication aborde d'autres volets, répertoriés ci-après:
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le Partenariat pour le calcul avancé en Europe (PRACE) |
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l'expertise européenne d'un bout à l'autre de la chaîne d'approvisionnement, |
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l'intérêt qu'a l'Europe à se réinvestir dans le CHP, |
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les défis à venir, |
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un plan d'action pour que l'Europe s'impose dans le CHP, |
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la gouvernance au niveau de l'UE, |
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les achats publics avant commercialisation et la mise en commun des ressources, |
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le développement de l'environnement CHP européen. |
3. Observations générales du Comité
3.1 Accord de principe
3.1.1 Le Comité souscrit de manière générale à la communication de la Commission et soutient sans réserve les objectifs qui y sont fixés. Le calcul à haute performance (CHP) constitue la base du développement d'un grand nombre de nouveaux produits, procédés et services. Il s'agit non seulement d'une des plus importantes technologies clés, mais il faut y voir également la condition de toute recherche en matière d'exploration de systèmes complexes. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le CHP constitue un volet essentiel de la stratégie Europe 2020.
3.1.2 Le développement et l'exploitation d'ordinateurs toujours plus performants a élevé le CHP, au cours des dernières décennies, au rang de troisième pilier incontournable de la recherche et du développement, qui non seulement complète les deux piliers "classiques" que sont la théorie et l'expérimentation (y compris les installations de démonstration et les systèmes de vérification), mais ne cesse de prendre également de l'importance. C'est ainsi qu'a vu le jour une nouvelle branche de la science: la science de la simulation. Par ailleurs, on a de plus en plus recours au CHP pour le traitement de données complexes ainsi que pour les systèmes d'analyse et de pronostics. Le CHP figure en outre dans l'agenda numérique et il est devenu un outil indispensable dans le panorama de la recherche moderne et dans les économies nationales, en ce qu'il couvre aussi bien les politiques énergétique, climatique, économique, sociale que celle de la santé ou encore de la défense.
3.2 Superordinateurs
Le "matériel" clé pour le CHP, est constitué des "superordinateurs" (ou "supercalculateurs"), qui possèdent deux caractéristiques:
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Leur puissance de calcul ne peut être obtenue qu'en utilisant simultanément, c'est-à-dire en parallèle, un très grand nombre d'ordinateurs individuels (processeurs). Ainsi, l'architecture de ces superordinateurs compte jusqu'à un million de processeurs individuels de ce type. Pour une exploitation optimale de ces calculateurs ultrasophistiqués, il est nécessaire de développer des programmes informatiques (logiciels) complexes mobilisant des compétences extrêmement pointues et de les mettre à la disposition des utilisateurs. Il s'agit là d'un champ de développement hautement spécialisé largement sous-estimé jusqu'ici. |
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La puissance électrique nécessaire au fonctionnement d'ordinateurs toujours plus performants ne cesse de croître, et ce dans des proportions telles qu'on pense aujourd'hui impossible de satisfaire de tels besoins. Ainsi, sauf à développer des composants d'un tout nouveau genre, qui réduiraient de 99 % (!) les besoins énergétiques, un superordinateur de génération exaflopique aurait besoin pour fonctionner d'au moins une centrale électrique propre qui produirait 1 000 MW. Réduire ces besoins énergétiques jusqu'à atteindre des paramètres réalistes représente un énorme défi qui ne semble pas facile à relever. |
3.3 Aspects d'une politique européenne de soutien
Le Comité constate que la communication à l'examen explore moins les défis technico-scientifiques que des aspects qui nécessitent, selon la Commission, une politique de soutien et de développement, raison pour laquelle y sont présentées des propositions relatives aux instruments de sa mise en œuvre. Le Comité se dit néanmoins encore réservé à cet égard et recommande un nouveau cycle de consultations (voir paragraphe 4.4).
3.4 Équilibre entre matériel et logiciel
Le Comité recommande avec insistance que le volet logiciel soit considéré comme étant une partie tout aussi essentielle du problème et examiné de manière plus approfondie et que des solutions soient proposées, notamment en ce qui concerne le développement, l'expérimentation et la diffusion des logiciels d'exploitation nécessaires. Les besoins en matière de recherche, de développement, d'apprentissage et de formation aux différents niveaux des systèmes de qualification et d'utilisation sont considérables. Cela suppose de soutenir suffisamment les mesures correspondantes à mettre en œuvre dans les universités, les centres de recherche et les entreprises. Le Comité recommande à la Commission de combler ces lacunes.
3.5 Personnel qualifié – universités et équipements
L'un des principaux freins au développement du CHP a trait à la formation et à l'existence de personnel disposant des compétences nécessaires (voir par exemple, http://www.hpcwire.com/hpcwire/2012-04-04/supercomputing_education_in_russia.html), non seulement pour réaliser cette tâche nécessaire de R+D mais également pour exploiter efficacement les systèmes de CHP. Les préoccupations suscitées par cette question doivent être prises en considération dans les mesures de soutien. Pour mener à bien ce volet, il faut que les universités soient suffisamment dotées sur le plan financier et disposent du personnel requis, et qu'elles puissent accueillir suffisamment d'experts en logiciels et de développeurs mondialement reconnus qui y enseignent et y poursuivent leurs recherches, autant de gages d'une formation d'excellence fondée sur l'expérience dans la recherche et le développement.
3.6 L'environnement CHP européen – PRACE
3.6.1
Dès 2005, les exploitants et les utilisateurs des différents centres CHP nationaux ont reconnu et défendu la nécessité d'une infrastructure européenne dédiée au CHP qui soit utilisable par tous les partenaires. Dans un premier temps, les représentants de 14 États européens ont fondé le partenariat PRACE, se fixant pour objectif de promouvoir, exploiter et développer toujours plus le CHP en Europe.
Le CHP a ainsi été intégré à la première liste de l'ESFRI répertoriant les infrastructures de recherche sélectionnées (1). Une fois le cadre juridique, financier, organisationnel et technique établi, l'association PRACE AISBL (Association internationale sans but lucratif), dont le siège est à Bruxelles, a été fondée en 2010, afin d'offrir aux utilisateurs de l'ensemble des partenaires un accès aux cinq systèmes CHP nationaux les plus performants en Europe. Aujourd'hui, PRACE compte 24 membres, dont Israël et la Turquie. Dans le 7è programme-cadre de recherche, PRACE s'est vu octroyer un financement dans le cadre de trois projets, notamment les travaux relatifs au portage, à l'optimisation et le passage à des vitesses pétaflopiques des applications ainsi que dans le domaine de la formation intensive des utilisateurs. À ce jour, 4 États partenaires (l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Espagne) se sont engagés à fournir respectivement une puissance de calcul d'une valeur de 100 millions d'euros. L'attribution des quotas d'utilisation est gérée par un comité scientifique de suivi indépendant qui procède à un examen paneuropéen par des pairs.
3.6.2
Le Comité préconise de poursuivre le développement d'un environnement CHP européen ainsi que de l'infrastructure de recherche déjà mise en place à cet effet, laquelle entend garantir une large disponibilité des ressources de CHP dans des conditions d'accès identiques. Il faudra veiller à ce que l'ensemble des utilisateurs/acteurs potentiels dans l'UE, notamment ceux présents dans les universités ou les PME, lesquels n'ont pas de lien direct avec l'organisation PRACE, puissent collaborer au développement et soient associés à l'exploitation des ressources sur un pied d'égalité avec les autres acteurs concernés. Il ne s'agit pas seulement de créer des conditions d'accès identiques aux ressources du CHP, problème mineur qui finira bien par être résolu, mais bien de faire de la recherche, de développer et enfin, de parvenir à un environnement CHP de nouvelle génération, dont les capacités de calcul seraient démultipliées, et reposant essentiellement sur des supercalculateurs exaflopiques (cf. le paragraphe 4.1 sur ce point), ce qui sous-entend de développer les logiciels sophistiqués qui vont avec. Le Comité recommande à cet égard d'éviter certains processus de concentration et processus décisionnels précipités relatifs à un système commun de données afin de permettre le libre jeu de la concurrence et le pluralisme des approches et des idées possibles, sans lequel l'environnement serait voué à l'échec, deux éléments indispensables à la réalisation de l'objectif qui est fixé, lequel est des plus ambitieux. Cette question délicate de l'équilibre des politiques de recherche, de développement et de concurrence est abordée dans les observations du paragraphe suivant. Le Comité estime qu'il y a là matière à de nouveaux débats entre les différentes parties prenantes.
3.7 Appel au Conseil et aux États membres
3.7.1 En raison de la crise économique que traversent de nombreux États membres, une tendance, dont on voit bien qu'elle résulte des contraintes actuelles, se dessine, qui veut que les économies soient recherchées précisément dans le domaine de la formation, de la recherche et du développement. S'y enferrer pourrait toutefois s'avérer fatal, car ce sont précisément sur les nouvelles technologies, les innovations et les compétences qu'elles requièrent que se bâtissent la croissance et la compétitivité.
3.7.2 Le Comité exhorte donc le Conseil et l'ensemble des États membres à ne pas verser dans la facilité, mais bien plutôt à investir dans l'innovation, avec toutes les conditions préalables que cela entend. Autrement dit, plutôt que de lui couper les vivres, il faut financer ce secteur plus encore.
4. Observations particulières du Comité
4.1 Le projet Exascale
Le développement de la prochaine génération de superordinateurs est repris sous le nom de "projet Exascale" ou "projet à l'échelle exa". À cette fin, il est impératif d'améliorer radicalement le système commun à tous les niveaux, en particulier en ce qui concerne la question cruciale des quantités d'énergie mobilisées par les composants individuels, bien qu'il soit probable qu'il faille le reconcevoir entièrement. C'est une tâche difficile pour la coopération entre les centres de recherche et l'industrie dans un domaine qui n'est pas exempt de tensions.
4.2 Coopération entre les centres de recherche et les entreprises
Le Comité s'est déjà prononcé sur cette thématique générale, ardue s'il en est, en diverses occasions (voir par exemple CESE 330/2009), notamment dans son récent avis (CESE 806/2012) sur le thème "Horizon 2020" dans lequel il recommandait "de se pencher sur les nouvelles approches qu'impliquent une politique industrielle et une politique de concurrence de ce type".
Il y a lieu de se demander si les "achats publics avant commercialisation" correspondent à l'instrument idoine pour la coopération entre les centres de recherche et les entreprises. Aussi le Comité préconise-t-il que les différents objectifs, parfois contradictoires, de la politique de la recherche, de la politique d'innovation et de la politique industrielle et les exigences dont elles font l'objet soient identifiés et qu'ils soient examinés et clarifiés avec les différentes parties prenantes; des mesures dérogatoires peuvent même s'avérer nécessaires dans certains cas (voir également le paragraphe 4.4 du présent projet d'avis).
4.3 Efforts de développement pour le projet Exascale
Une des caractéristiques du projet Exascale réside dans le fait que, conformément à l'état de l'art actuel en matière de recherche et de développement, il faudra, au moment d'associer les centres de recherche et les entreprises au sein des différents secteurs concernés (comme celui des processeurs et autres composants), assurer la participation aussi bien des grandes que les petites entreprises, y compris les opérateurs mondiaux (voir aussi paragraphe 4.5) les plus performants, tout en se gardant de toute décision précipitée. Au bout du compte, on n'obtiendra un prototype de système commun optimisé que lorsqu'on saura quels composants ont pu ou peuvent être développés et quelles en sont les performances. Un certain nombre d'exemples malheureux tirés du passé nous apprennent que faire fi d'une telle démarche conduit à l'échec.
4.4 Formule de soutien pour y parvenir - les "partenariats public-privé"
Par conséquent et compte tenu du fait qu'il est très important de disposer en Europe et pour l'Europe d'un système de CHP, en coordination avec les différents acteurs possibles, en particulier ceux qui font partie de la plate-forme PRACE, le Comité juge souhaitable que la Commission mette en œuvre une formule de soutien qui serait le fruit d'une proposition commune, avant de mettre en pratique les initiatives exposées dans la communication à l'examen. Selon lui, les partenariats public-privé (PPP) en particulier constituent un instrument qui a largement fait ses preuves car il convient davantage aux objectifs de développement du CHP. Par conséquent, ce serait une erreur que d'imposer un recours systématique aux achats publics avant commercialisation privilégiés par la Commission dans son projet; quoiqu'ils puissent se révéler ponctuellement tout aussi appropriés.
4.5 Acteurs mondiaux
À cette fin, il faut établir clairement que la priorité des priorités est de pouvoir disposer à l'avenir d'un système CHP puissant et compétitif en Europe et pour l'Europe. Étant donné que ce sont des acteurs mondiaux (comme IBM, CRAY ou INTEL), dont les avoirs, installations de fabrication et centres de recherche sont dispersés de par le monde, qui opèrent jusqu'ici dans ce secteur, le Comité juge important dans ces circonstances de maintenir ou de créer également en Europe le savoir-faire, les emplois et les niveaux décisionnels nécessaires au développement et à l'exploitation du CHP. Ainsi, une coopération renforcée avec les entreprises se situant jusqu'à présent à la pointe dans ce domaine, mais également avec les entreprises qui percent et pourraient demain en prendre la tête, permettrait d'atteindre la masse critique requise pour pouvoir tenir tête à la Chine, promise à une première place mondiale sur ce marché.
4.6 Révision à la hausse des ressources financières
Le Comité est favorable à la proposition de doubler l'enveloppe financière actuelle affectée au CHP européen pour la porter à 1,2 milliard d'euros par an. Cet accroissement supposerait d'ajouter à la dotation actuelle 600 millions d'euros par an, montant que l'UE, les États membres et les utilisateurs industriels assumeraient pour l'essentiel. Ainsi, le montant des investissements atteindrait un niveau équivalent à celui observable dans d'autres régions du monde. La répartition proposée de cette dotation supplémentaire s'organise grosso modo de la manière suivante: 50 % pour l'acquisition de systèmes et de bancs d'essai CHP, 25 % pour la formation du personnel et le quart restant pour la mise au point et la conversion ascendante de logiciels CHP.
Ces besoins financiers importants sont liés au coût élevé du CHP. L'acquisition d'un supercalculateur représente plus de 100 millions d'euros, auxquels il faut ajouter les frais de maintenance et d'exploitation du système, qui s'élèvent à pas moins de 20 millions d'euros par an. C'est pourquoi le recours à des partenariats public-privé s'impose, à l'exemple de ce qui se pratique dans les pays qui sont à la pointe en matière de CHP.
4.7 Égalité des chances et droits de propriété intellectuelle
La communication mentionne les grandes difficultés que les fournisseurs européens rencontrent pour vendre leurs produits au secteur public des pays n'appartenant pas à l'UE et qui ont leurs propres fournisseurs nationaux. L'utilisation du CHP dans des domaines aussi stratégiques que le nucléaire, l'industrie militaire, les industries gazière ou pétrolière, doit en effet composer avec des exigences en matière de sécurité quasi insurmontables. Toutefois, les projets de recherche européens menés dans le contexte du programme-cadre peuvent bénéficier indirectement aux entreprises des pays tiers.
Rappelant que les pays liés par l'accord de l'OMC sur les marchés publics sont tenus de respecter les principes relatifs au traitement national et à la non-discrimination consignés à l'article 3 dudit accord, le Comité approuve la proposition de la Commission d'envisager une égalité des conditions d'accès au marché du CHP dans les relations commerciales avec les pays tiers.
Dès lors, il soutient la Commission lorsque celle-ci fait part, dans sa proposition relative au programme-cadre "Horizon 2020"(COM(2011) 809 final, 30.11.2011), de son intention de définir clairement les droits en matière de propriété intellectuelle et de veiller à leur respect.
4.8 CHP et consommation énergétique
Au chapitre des problèmes qui se poseront tôt ou tard, il y a lieu de prendre également en considération la consommation énergétique, laquelle constitue un frein au développement du CHP ((The Greening of HPC - Will Power Consumption Become the Limiting Factor for Future Growth in HPC? Munich, 10 October, 2008. http://www.hpcuserforum.com/presentations/Germany/EnergyandComputing_Stgt.pdf.) (cf. également le point 3.2). Dans l'état des technologies actuelles, les systèmes de calcul à l'échelle exa consommeraient des quantités faramineuses d'énergie, qui feraient exploser les coûts de fonctionnement (selon les estimations, les dépenses énergétiques représenteraient 50 % de ces coûts) et seraient néfastes pour l'environnement.
Il existe différentes propositions pour obtenir des technologies basse-consommation, comme les ordinateurs hybrides notamment, mais celles-ci ne sont pas sans soulever d'autres questions ("(…Progress in lower-power devices may make it feasible to build future systems with Exascale performance and acceptable power usage by using millions of processing cores. However this provides a challenge of its own: how do we exploit the new computer architectures that will emerge from this disruptive technology?” A Strategy for Research and Innovation Trough High Performance Computing. University of Edinburgh 2011). Concernant l'architecture des systèmes, par exemple, de nombreuses stratégies de réduction de la consommation ont été conçues, telles que la délimitation d'îlots avec différentes tensions d'alimentation (voltage) (que l'on peut même éteindre), ou l'utilisation de mémoires basse consommation (avec la mise en sommeil -"drowsy mode"- des cellules mémoire) ou encore l'extinction sélective des unités. Pour ce qui est des processeurs, les architectures multi-noyaux, multi-fils et les grappes ("clusters") facilitent l'équilibre de charge tout en permettant d'optimiser la consommation d'énergie ou les paramètres thermiques (Green IT: Tecnologías para la Eficiencia Energética en los Sistemas TI, Universidad Politécnica de Madrid, 2008.).
Par conséquent, le CESE suggère de faire du soutien aux technologies basse consommation une partie intégrante du projet CHP de l'UE.
Bruxelles, le 11 juillet 2012.
Le président du Comité économique et social européen
Staffan NILSSON
(1) Cf. JO C 182 du 4.08.2009, p. 40.