14.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 11/1


COMMUNICATION DE LA COMMISSION

Lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux accords de coopération horizontale

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

2011/C 11/01

TABLE DES MATIÈRES

1.

Introduction

1.1.

Objet et domaine d'application

1.2.

Principes fondamentaux sur lesquels repose l’appréciation au regard de l’article 101

1.2.1.

Article 101, paragraphe 1

1.2.2.

Article 101, paragraphe 3

1.3.

Structure des présentes lignes directrices

2.

Principes généraux de l'appréciation des échanges d'information sous l'angle de la concurrence

2.1.

Définition et portée

2.2.

Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 1

2.2.1.

Principaux problèmes de concurrence

2.2.2.

Restriction de la concurrence par objet

2.2.3.

Effets restrictifs sur la concurrence

2.3.

Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 3

2.3.1.

Gains d'efficacité

2.3.2.

Caractère indispensable

2.3.3.

Répercussion sur les consommateurs

2.3.4.

Absence d'élimination de la concurrence

2.4.

Exemples

3.

Accords de R&D

3.1.

Définition

3.2.

Marchés en cause

3.3.

Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 1

3.3.1.

Principaux problèmes de concurrence

3.3.2.

Restrictions de concurrence par objet

3.3.3.

Effets restrictifs sur la concurrence

3.4.

Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 3

3.4.1.

Gains d'efficacité

3.4.2.

Caractère indispensable

3.4.3.

Répercussion sur les consommateurs

3.4.4.

Absence d'élimination de la concurrence

3.4.5.

Date à laquelle l'appréciation a lieu

3.5.

Exemples

4.

Accords de production

4.1.

Définition et portée

4.2.

Marchés en cause

4.3.

Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 1

4.3.1.

Principaux problèmes de concurrence

4.3.2.

Restrictions de concurrence par objet

4.3.3.

Effets restrictifs sur la concurrence

4.4.

Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 3

4.4.1.

Gains d'efficacité

4.4.2.

Caractère indispensable

4.4.3.

Répercussion sur les consommateurs

4.4.4.

Absence d'élimination de la concurrence

4.5.

Exemples

5.

Accords d'achat

5.1.

Définition

5.2.

Marchés en cause

5.3.

Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 1

5.3.1.

Principaux problèmes de concurrence

5.3.2.

Restrictions de concurrence par objet

5.3.3.

Effets restrictifs sur la concurrence

5.4.

Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 3

5.4.1.

Gains d'efficacité

5.4.2.

Caractère indispensable

5.4.3.

Répercussion sur les consommateurs

5.4.4.

Absence d'élimination de la concurrence

5.5.

Exemples

6.

Accords de commercialisation

6.1.

Définition

6.2.

Marchés en cause

6.3.

Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 1

6.3.1.

Principaux problèmes de concurrence

6.3.2.

Restrictions de concurrence par objet

6.3.3.

Effets restrictifs sur la concurrence

6.4.

Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 3

6.4.1.

Gains d'efficacité

6.4.2.

Caractère indispensable

6.4.3.

Répercussion sur les consommateurs

6.4.4.

Absence d'élimination de la concurrence

6.5.

Exemples

7.

Accords de normalisation

7.1.

Définition

7.2.

Marchés en cause

7.3.

Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 1

7.3.1.

Principaux problèmes de concurrence

7.3.2.

Restrictions de concurrence par objet

7.3.3.

Effets restrictifs sur la concurrence

7.4.

Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 3

7.4.1.

Gains d'efficacité

7.4.2.

Caractère indispensable

7.4.3.

Répercussion sur les consommateurs

7.4.4.

Absence d'élimination de la concurrence

7.5.

Exemples

1.   INTRODUCTION

1.1.   Objet et champ d'application

1.

Les présentes lignes directrices énoncent les principes sur lesquels se fonde l’appréciation au regard de l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (1) (ci-après «article 101») des accords entre entreprises, des décisions d'associations d'entreprises et des pratiques concertées (collectivement dénommés ci-après «accords») afférents à une coopération horizontale. Une coopération est de «nature horizontale» si elle fait l'objet d'un accord conclu entre des concurrents existants ou potentiels. Les présentes lignes directrices couvrent aussi des accords de coopération horizontale entre des entreprises non concurrentes, comme par exemple entre deux entreprises opérant sur les mêmes marchés de produits mais pas sur les mêmes marchés géographiques, tout en n'étant pas des concurrents potentiels.

2.

Les accords de coopération horizontale peuvent produire des avantages économiques substantiels, en particulier lorsqu'ils combinent des activités, des compétences ou des actifs complémentaires. La coopération horizontale peut être un moyen de partager les risques, de réaliser des économies de coûts, d'accroître les investissements, de mettre en commun un savoir-faire, d'améliorer la qualité et la diversité des produits et de lancer plus rapidement des innovations sur le marché.

3.

Mais les accords de coopération horizontale peuvent aussi entraîner des problèmes de concurrence. Tel est le cas, par exemple, lorsque les parties s'entendent pour fixer les prix ou la production ou se répartir les marchés, ou encore lorsque cette coopération permet aux parties de maintenir, de conquérir ou de renforcer un pouvoir de marché et est, de ce fait, susceptible de produire des effets négatifs sur le marché en ce qui concerne les prix, la production, la qualité des produits, la diversité des produits ou l'innovation.et

4.

Si elle reconnaît les avantages qui peuvent découler des accords de coopération horizontale, la Commission doit cependant veiller au maintien d'une concurrence effective. L'article 101 constitue le cadre légal pour une appréciation équilibrée qui tient à la fois compte des effets négatifs sur la concurrence et des effets favorables à la concurrence.

5.

L'objet des présentes lignes directrices est de fournir un cadre analytique pour les types d'accords de coopération horizontale les plus courants; elles traitent des accords de recherche et de développement, des accords de production y compris des accords de sous-traitance et de spécialisation, des accords d’achat, des accords de commercialisation, des accords de normalisation, y compris les contrats types, et des échanges d'informations. Ce cadre s'appuie principalement sur des critères économiques et juridiques qui aident à analyser un accord de coopération horizontale ainsi que le contexte dans lequel il s’inscrit. Les critères économiques comme le pouvoir de marché des parties et d'autres facteurs liés à la structure du marché sont des éléments fondamentaux pour l'appréciation des effets qu'un accord de coopération horizontale est susceptible de produire sur les marchés et, partant, pour son appréciation au regard de l'article 101.

6.

Les présentes lignes directrices s'appliquent aux accords de coopération horizontale les plus courants quel que soit le niveau d'intégration qu’ils entraînent, à l'exception des opérations qui constituent une concentration au sens de l'article 3 du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (2) («le règlement sur les concentrations»), comme c’est le cas, par exemple, des entreprises communes accomplissant de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome («entreprises communes de plein exercice») (3).

7.

Étant donné le nombre potentiellement élevé de types de coopération horizontale et de leurs combinaisons, ainsi que de conditions de marché dans lesquelles elles opèrent, il est difficile d'apporter des réponses adaptées à chaque scénario envisageable. Les présentes lignes directrices aideront néanmoins les entreprises à évaluer la compatibilité d’un accord de coopération avec l'article 101. Ces critères ne constituent toutefois pas une liste de contrôle («checklist») à appliquer mécaniquement. Il convient d'apprécier chaque cas sur la base des faits qui le caractérisent et qui peuvent demander une application flexible des présentes lignes directrices.

8.

Les critères définis dans les présentes lignes directrices s’appliquent aux accords de coopération horizontale concernant tant les biens que les services (collectivement dénommés ci-après «produits»). Ces lignes directrices complètent le règlement (UE) no […] de la Commission du […] relatif à l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à certaines catégories d'accords de recherche et de développement (4) («le règlement d’exemption par catégorie R&D») et le règlement (UE) no […] de la Commission du […] relatif à l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à certaines catégories d'accords de spécialisation (5) («le règlement d'exemption par catégorie en faveur de la spécialisation»).

9.

Même si les présentes lignes directrices contiennent quelques références aux ententes, elles ne sont pas destinées à donner une quelconque indication sur ce qui, selon la pratique décisionnelle de la Commission et la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, constitue ou non une entente.

10.

Dans les présentes lignes directrices, le terme «concurrents» désigne à la fois les concurrents existants et les concurrents potentiels. Deux entreprises sont traitées comme des concurrents existants si elles opèrent sur le même marché en cause. Une entreprise est considérée comme un concurrent potentiel d'une autre entreprise si, en l’absence d’accord, il est probable qu'en cas d'augmentation légère mais durable des prix relatifs, elle consentirait rapidement (6) les investissements supplémentaires ou les autres coûts d'adaptation nécessaires pour pouvoir entrer sur le marché en cause sur lequel opère l'autre entreprise. L'évaluation de cette condition doit être fondée sur des motifs réalistes, la possibilité d'entrer sur le marché n'étant pas suffisante si elle est purement théorique. (voir la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (7) («communication sur la définition du marché»).

11.

Les sociétés qui font partie de la même «entreprise» au sens de l'article 101, paragraphe 1, ne sont pas considérées comme concurrentes aux fins des présentes lignes directrices. L'article 101 s'applique uniquement aux accords entre entreprises indépendantes. Lorsqu'une société exerce une influence déterminante sur une autre société, elles forment une entité économique unique et font donc partie de la même entreprise (8). Il en va de même pour des sociétés sœurs, c'est-à-dire des sociétés sur lesquelles la même société mère exerce une influence déterminante. Elles ne sont, par conséquent, pas considérées comme concurrentes même si elles opèrent toutes les deux sur les mêmes marchés de produits et les mêmes marchés géographiques en cause.

12.

Les accords conclus entre des entreprises opérant à des niveaux différents de la chaîne de production ou de distribution, autrement dit les accords verticaux, font en principe l’objet du règlement (UE) no 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à certaines catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées (9) («règlement d'exemption par catégorie concernant les restrictions verticales») et des lignes directrices sur les restrictions verticales (10). Toutefois, dans la mesure où un accord vertical, par exemple un accord de distribution, est conclu entre des concurrents, ses effets sur le marché et les problèmes de concurrence qu'il peut entraîner peuvent être similaires à ceux d'un accord horizontal. Les accords verticaux entre concurrents relèvent par conséquent des présentes lignes directrices (11). Il est spécifiquement mentionné dans le chapitre correspondant des présentes lignes directrices s'il convient aussi d'apprécier de tels accords au regard du règlement d'exemption par catégorie concernant les restrictions verticales et des lignes directrices sur les restrictions verticales. En l'absence d'une telle mention, seules les présentes lignes directrices sont applicables aux accords verticaux entre concurrents.

13.

Les accords de coopération horizontale peuvent combiner différents stades de coopération, par exemple des activités de recherche et développement («R&D») avec la fabrication et/ou la commercialisation des résultats issus de ces activités. Ce type d'accords est généralement aussi couvert par les présentes lignes directrices. De façon générale, lors de l'utilisation des présentes lignes directrices en vue de l'analyse d'une telle coopération intégrée, tous les chapitres concernant les différentes parties de la coopération seront pertinents. Toutefois, lorsque les chapitres correspondants des présentes lignes directrices contiennent une gradation des indications, par exemple en ce qui concerne les zones de sécurité ou la question de savoir si certains comportements seront normalement considérés comme une restriction de concurrence par objet ou par effet, les indications fournies dans le chapitre concernant la partie d'une coopération intégrée pouvant être considérée comme constituant le «centre de gravité» de celle-ci prévalent pour l'ensemble de la coopération (12).

14.

Deux éléments en particulier sont importants aux fins de la détermination du centre de gravité de la coopération intégrée: premièrement, le point de départ de la coopération et, deuxièmement, le degré d’intégration des différentes fonctions qui sont combinées. Ainsi, par exemple, le centre de gravité d'un accord de coopération horizontale impliquant à la fois la mise en commun des activités de R&D et la production conjointe des résultats issus de ces activités devrait donc être, en principe, les activités communes de R&D, dans la mesure où la production conjointe ne peut avoir lieu que si les activités communes de R&D aboutissent. Cela signifie que les résultats de ces activités conjointes de R&D sont déterminants pour la production conjointe ultérieure. L'appréciation du centre de gravité ne serait pas la même si les parties se seraient engagées de toute façon dans une production conjointe, c'est-à-dire indépendamment des activités conjointes de R&D, ou si l'accord prévoyait une intégration totale des activités de production et une intégration seulement partielle de certaines activités de R&D. Dans un tel cas, le centre de gravité de la coopération serait la production conjointe.

15.

L’article 101 ne s’applique qu’aux accords de coopération horizontale qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. Les principes concernant l'applicabilité de l'article 101 exposés dans les présentes lignes directrices partent donc de l'hypothèse qu'un accord de coopération horizontale est capable d’affecter le commerce entre États membres dans une mesure appréciable.

16.

L’appréciation au regard de l’article 101 telle qu’elle est décrite dans les présentes lignes directrices ne porte pas atteinte à l’application parallèle possible de l’article 102 du traité à des accords de coopération horizontale (13).

17.

Les présentes lignes directrices ne préjugent pas de l'interprétation pouvant être donnée par la Cour de justice de l'Union européenne de l'application de l'article 101 aux accords de coopération horizontale.

18.

Les présentes lignes directrices remplacent les lignes directrices de la Commission sur l'applicabilité de l'article 81 du traité CE aux accords de coopération horizontale (14) publiées par la Commission en 2001 et ne s'appliquent pas lorsqu’il existe une réglementation sectorielle, comme c’est le cas pour certains accords relatifs à l'agriculture (15), aux transports (16) ou aux assurances (17). La Commission continuera de surveiller la mise en œuvre des règlements d’exemption par catégorie en faveur de la R&D et de la spécialisation ainsi que des présentes lignes directrices, sur la base d'informations relatives au marché transmises par les parties prenantes et les autorités nationales de la concurrence, et elle pourra réviser les présentes lignes directrices à la lumière de l'évolution de la situation et de l'état de ses connaissances.

19.

Les lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité (18) («les lignes directrices générales») contiennent des orientations générales pour l'interprétation de l'article 101. Les présentes lignes directrices doivent donc être lues conjointement avec les lignes directrices générales.

1.2.   Principes fondamentaux sur lesquels repose l’appréciation au regard de l’article 101

20.

L'appréciation au regard de l'article 101 s'effectue en deux étapes. La première, au regard de l'article 101, paragraphe 1, consiste à déterminer si un accord entre entreprises, qui est susceptible d'affecter le commerce entre États membres, a un objet anticoncurrentiel ou des effets restrictifs réels ou potentiels (19) sur la concurrence. La seconde étape, au regard de l'article 101, paragraphe 3, qui n'a lieu d'être que s'il est avéré qu'un accord restreint le jeu de la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, consiste à déterminer les effets favorables à la concurrence produits par cet accord et à évaluer si ces effets favorables à la concurrence l'emportent sur les effets restrictifs sur la concurrence (20). La mise en balance des effets restrictifs et des effets favorables à la concurrence s'effectue exclusivement dans le cadre établi par l'article 101, paragraphe 3 (21). Si une restriction de la concurrence n'est pas compensée par des effets favorables à la concurrence, l'article 101, paragraphe 2, stipule que l'accord est alors nul de plein droit.

21.

L'analyse des accords de coopération horizontale et l'analyse des concentrations horizontales ont quelques éléments en commun liés aux effets restrictifs potentiels, notamment en ce qui concerne les entreprises communes. La distinction entre des entreprises communes de plein exercice qui relèvent du règlement sur les concentrations et des entreprises communes qui ne sont pas de plein exercice qui doivent être appréciées au regard de l'article 101 est souvent subtile. Les effets de ces deux types d'entreprises communes peuvent donc être très similaires.

22.

Dans certains cas, les autorités publiques incitent les entreprises à conclure des accords de coopération horizontale afin de réaliser un objectif d'ordre public par le biais de l'autorégulation. Toutefois, les entreprises demeurent justiciables de l'article 101 si une loi nationale se limite à inciter ou à faciliter l'adoption d'un comportement anticoncurrentiel autonome (22). En d'autres termes, le fait que les autorités publiques encouragent un accord de coopération horizontale ne signifie pas que celui-ci est admissible en vertu de l'article 101 (23). Ce n’est que si un comportement anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une législation nationale ou si celle-ci crée un cadre juridique qui exclut toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part, que l'article 101 ne s'applique pas. (24). Dans une telle situation, en effet, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause, ainsi que l’implique l'article 101, dans le comportement autonome des entreprises et celles-ci sont protégées de toutes les conséquences d'une infraction audit article. (25). Chaque cas doit être apprécié en fonction de ses caractéristiques propres à la lumière des principes généraux exposés dans les présentes lignes directrices.

1.2.1   Article 101, paragraphe 1

23.

L'article 101, paragraphe 1, interdit les accords qui ont pour objet ou pour effet de restreindre (26) le jeu de la concurrence.

i)   Restrictions de la concurrence par objet

24.

Les restrictions de la concurrence par objet sont celles qui, par nature, sont susceptibles de restreindre le jeu de la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1 (27). Il n'est pas nécessaire d'examiner les effets réels ou potentiels d'un accord sur le marché dès lors que son objet anticoncurrentiel a été établi (28).

25.

Selon la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, pour déterminer si un accord a un objet anticoncurrentiel, il convient de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. En outre, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer si un accord a un objet anticoncurrentiel, rien n’interdit à la Commission d’en tenir compte dans son analyse (29). Les lignes directrices générales apportent des indications supplémentaires concernant la notion de restrictions de la concurrence par objet.

ii)   Effets restrictifs sur la concurrence

26.

Si un accord de coopération horizontale ne restreint pas le jeu de la concurrence par objet, il convient d'examiner s'il a des effets restrictifs sensibles sur la concurrence. Il y a lieu de tenir compte tant de ses effets réels que potentiels. En d'autres termes, l'accord doit au moins être susceptible d'avoir des effets anticoncurrentiels.

27.

Pour qu'un accord ait des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, il doit avoir, ou être susceptible d'avoir, une incidence défavorable sensible sur au moins un des paramètres de la concurrence sur le marché, tels que le prix, la production, la qualité ou la diversité des produits, ou l'innovation. Les accords sont susceptibles d'avoir de tels effets lorsqu'ils diminuent sensiblement le jeu de la concurrence soit entre les parties à l'accord, soit entre l'une quelconque de ces parties et des tiers. Cela signifie que l'accord doit avoir pour effet de réduire l'autonomie décisionnelle des parties (30), soit du fait des obligations contenues dans l'accord qui régissent le comportement sur le marché d'au moins une des parties, soit en influant sur le comportement sur le marché d'au moins une des parties en modifiant ses incitations.

28.

Des effets restrictifs sur la concurrence à l'intérieur du marché en cause sont susceptibles de se produire lorsqu'il est possible de prévoir avec un degré de probabilité raisonnable que les parties sont en mesure, du fait de l'accord, d’augmenter avantageusement les prix, ou de réduire la production, la qualité ou la diversité des produits, ou de limiter l'innovation. Cela dépendra de plusieurs facteurs tels que la nature et le contenu de l'accord, la mesure dans laquelle les parties, individuellement ou conjointement, possèdent ou obtiennent un certain pouvoir de marché et la mesure dans laquelle l'accord contribue à la création, au maintien ou au renforcement de ce pouvoir de marché ou permet aux parties de l'exploiter.

29.

Pour apprécier si un accord de coopération horizontale a des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, il convient de comparer le contexte économique et juridique réel dans lequel la concurrence interviendrait en l'absence de l'accord, avec toutes ses restrictions alléguées du jeu de la concurrence [c. à d. en l'absence de l'accord tel qu'il est (s'il a déjà été mis en œuvre) ou tel qu'il est envisagé (s'il n'est pas encore mis en œuvre) au moment de l'évaluation]. Aussi est-il nécessaire pour prouver les effets restrictifs potentiels ou réels d'un accord sur la concurrence de prendre en compte la concurrence entre les parties et la concurrence des tiers, en particulier la concurrence réelle ou potentielle qui aurait existé en l'absence de l'accord. Cette comparaison ne tient pas compte des gains d'efficacité potentiels générés par l'accord puisque ceux-ci ne sont évalués qu'au regard de l'article 101, paragraphe 3.

30.

Par conséquent, les accords de coopération horizontale entre des concurrents qui, sur la base d'éléments objectifs, ne seraient pas en mesure de réaliser seuls le projet ou l'activité couvert par la coopération, par exemple en raison de compétences techniques limitées des parties, n'ont normalement pas d'effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, sauf si les parties auraient pu réaliser le projet avec des restrictions moins sévères (31).

31.

Les lignes directrices générales fournissent des indications générales concernant la notion de restrictions du jeu de la concurrence par effet. Les présentes lignes directrices apportent des orientations supplémentaires spécifiques à l'appréciation des accords de coopération horizontale.

Nature et teneur de l'accord

32.

La nature et la teneur d’un accord sont définies par des éléments tels que le domaine et l’objectif de la coopération, les rapports de concurrence entre les parties et l’étendue de la mise en commun de leurs activités. Ces éléments déterminent le type de problèmes de concurrence susceptibles de découler d'un accord de coopération horizontale.

33.

Les accords de coopération horizontale peuvent limiter le jeu de la concurrence de plusieurs manières. L'accord peut:

être exclusif en ce sens qu'il limite la possibilité des parties de se concurrencer ou de concurrencer des tiers en tant qu'opérateurs économiques indépendants ou en tant que parties à d'autres accords concurrents;

obliger les parties à apporter des actifs tels que leur autonomie décisionnelle en est réduite de manière appréciable; ou

affecter les intérêts financiers des parties de telle manière que leur autonomie décisionnelle est sensiblement réduite. Les intérêts financiers dans l'accord mais aussi les intérêts financiers dans d'autres parties à l'accord sont pertinents aux fins de l'appréciation.

34.

De tels accords peuvent avoir comme effet potentiel la disparition de la concurrence entre les parties. Des concurrents peuvent aussi tirer profit de la diminution de la pression concurrentielle qui résulte de l'accord et juger dès lors rentable d'augmenter leurs prix. La baisse de ces pressions concurrentielles peut déboucher sur des hausses de prix sur le marché en cause. Certains éléments tels que le fait de savoir si les parties à l'accord possèdent des parts de marché élevées, si ce sont des concurrents proches, si les clients n'ont que peu de possibilités de changer de fournisseurs, si les concurrents sont peu susceptibles d'accroître leur offre en cas d'augmentation des prix et si une des parties à l'accord est une force concurrentielle importante, sont tous pertinents pour l'appréciation de l'accord au regard de la concurrence.

35.

Un accord de coopération horizontale peut aussi:

entraîner la révélation d'informations stratégiques et accroître ainsi la probabilité d’une coordination entre les parties à l'intérieur ou à l'extérieur du domaine de la coopération;

réaliser un partage des coûts important (c'est-à-dire la proportion de coûts variables que les parties ont en commun), de sorte que les parties peuvent plus facilement coordonner leurs prix sur le marché et leur production.

36.

Un partage des coûts important réalisé par un accord de coopération horizontale ne peut permettre aux parties de coordonner plus facilement les prix de marché et la production que si les parties possèdent un pouvoir de marché, si le marché présente des caractéristiques propices à une telle coordination, si le domaine de coopération représente une forte proportion des coûts variables des parties sur un marché donné et si les parties combinent dans une large mesure leurs activités dans le domaine de coopération en question. Cela pourrait être le cas, par exemple, lorsqu'elles fabriquent ou achètent en commun un produit intermédiaire important ou produisent ou distribuent en commun une part importante de leur production totale d'un produit final.

37.

Un accord horizontal peut donc diminuer l'autonomie décisionnelle des parties et augmenter, par conséquent, la probabilité d'une coordination de leur comportement afin d'aboutir à un résultat collusoire, mais il peut aussi rendre la coordination plus facile, plus stable et plus efficace pour les parties qui se coordonnaient déjà auparavant, soit en rendant leur coordination plus solide, soit en leur permettant d'atteindre des prix encore plus élevés.

38.

Certains accords de coopération horizontale, comme les accords de production et les accords de normalisation, peuvent aussi poser des problèmes de verrouillage anticoncurrentiel.

Pouvoir de marché et autres caractéristiques du marché

39.

Le pouvoir de marché se définit comme la capacité de maintenir avantageusement les prix à des niveaux supérieurs au niveau qui résulterait du jeu de la concurrence ou de maintenir avantageusement la production en termes de quantités, de qualité et de diversité des produits ou en termes d'innovation, à un niveau inférieur à celui qui résulterait du jeu de la concurrence, et ce pendant un certain laps de temps.

40.

Sur les marchés où les coûts sont fixes, les entreprises doivent fixer leurs prix au-dessus de leurs coûts de production variables afin d'avoir un bon retour sur investissement. Le fait que des entreprises fixent leurs prix au-dessus de leurs coûts variables n'indique donc pas, en soi, que la concurrence ne fonctionne pas bien sur le marché et que les entreprises détiennent un pouvoir de marché qui leur permet de fixer les prix à un niveau supérieur à celui qui résulterait du jeu de la concurrence. C'est lorsque les pressions concurrentielles ne sont pas suffisantes pour maintenir les prix, la production, la qualité et la diversité des produits et l'innovation à des niveaux concurrentiels que des entreprises possèdent un pouvoir de marché au sens de l'article 101, paragraphe 1.

41.

La création, le maintien ou le renforcement d'un pouvoir de marché peuvent trouver leur origine dans des qualifications supérieures ou une plus grande capacité d'anticipation ou d'innovation. Ils peuvent également être le résultat d'une diminution de la concurrence entre les parties à l'accord, ou entre l'une quelconque des parties et des tiers, par exemple du fait que l'accord entraîne l'éviction anticoncurrentielle de concurrents du marché en augmentant les coûts pour les concurrents et en limitant leur capacité de rivaliser efficacement avec les parties à l'accord.

42.

Le pouvoir de marché est une question de degré. Le degré de pouvoir de marché requis pour la constatation d'une infraction au regard de l'article 101, paragraphe 1, dans le cas d'accords ayant pour effet de restreindre le jeu de la concurrence est inférieur à celui qui est requis pour un constat de position dominante au regard de l'article 102, lequel exige un degré élevé de pouvoir de marché.

43.

Le point de départ de l’analyse du pouvoir de marché est la position des parties sur les marchés affectés par la coopération. Pour mener à bien cette analyse, il faut définir le ou les marchés en cause en utilisant la méthode décrite dans la communication de la Commission sur la définition du marché en cause. Pour certains types spécifiques de marchés, comme ceux des achats ou des technologies, on pourra trouver dans les présentes lignes directrices des indications complémentaires.

44.

Si la part de marché cumulée des parties est faible, il est peu probable que l'accord de coopération horizontale produise des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, et il n'est normalement pas nécessaire d'approfondir l'analyse. Ce qui est considéré comme «une part de marché cumulée faible» dépend du type d'accord en cause et peut être déduit des seuils des «zones de sécurité» définis dans plusieurs chapitres des présentes lignes directrices et, plus généralement, de la communication de la Commission concernant les accords d'importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne (de minimis) (32). («la communication de minimis»).Si l'une des deux parties à un accord n'a qu'une part de marché insignifiante et si elle ne possède pas de ressources importantes, même une part de marché cumulée élevée ne peut normalement pas être considérée comme l’indice d’un effet restrictif probable de la concurrence sur le marché (33). Étant donné la diversité des accords de coopération horizontale et des effets qu'ils peuvent produire sur les marchés en fonction des conditions qui y règnent, il n'est pas possible de définir un seuil de part de marché général à partir duquel on pourrait présumer l’existence d’un pouvoir de marché suffisant pour causer des effets restrictifs sur la concurrence.

45.

En fonction de la position des parties sur le marché et de la concentration du marché, il faudra également tenir compte d’autres facteurs, comme la stabilité des parts de marché sur la durée, les barrières à l’entrée, la probabilité d’autres entrées sur le marché et la puissance compensatrice des acheteurs/fournisseurs.

46.

En principe, ce sont les parts de marché existantes que la Commission prend comme référence dans son analyse d'une opération sous l'angle de la concurrence (34). Toutefois, l'évolution raisonnablement certaine du marché peut aussi être prise en compte, dans l'hypothèse par exemple de retraits ou d'entrées de concurrents ou d'expansion du marché en cause. On peut recourir aux données historiques si les parts de marché ont été très instables, par exemple lorsque le marché est caractérisé par des commandes importantes et irrégulières. L'évolution des anciennes parts de marché peut donner des informations utiles sur le jeu de la concurrence et sur l'importance future probable des différents concurrents, par exemple en indiquant si les entreprises ont gagné ou perdu des parts de marché. En tout état de cause, la Commission apprécie les parts de marché à la lumière de l'évolution probable des conditions prévalant sur celui-ci, par exemple, si le marché est très dynamique et si sa structure est instable en raison de l'innovation ou de la croissance.

47.

Lorsque l'entrée sur un marché est relativement aisée, il est normalement peu probable qu'un accord de coopération horizontale ait des effets de restriction de la concurrence. Pour que l'entrée de nouveaux concurrents puisse être considérée comme une contrainte concurrentielle suffisante pour les parties à un accord de coopération horizontale, il faut démontrer que cette entrée est probable, qu'elle interviendra en temps utile et sera suffisante pour prévenir ou contrecarrer les effets restrictifs potentiels de l'accord. L'analyse de l'entrée sur le marché peut être affectée par l'existence d'accords de coopération horizontale. La fin probable ou possible d'un accord de coopération horizontale peut influencer la probabilité d'entrée sur le marché.

1.2.2.   Article 101, paragraphe 3

48.

L'appréciation des restrictions de la concurrence par objet ou par effet au regard de l'article 101, paragraphe 1, n'est que l'un des volets de l'analyse. L'autre volet, qui est visé à l'article 101, paragraphe 3, est l'appréciation des effets favorables à la concurrence des accords restrictifs. L'approche générale à suivre aux fins de l'application de l'article 101, paragraphe 3, est exposée dans les lignes directrices générales. Si, dans un cas particulier, il est prouvé qu'un accord restreint la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, il est possible d'invoquer l'article 101, paragraphe 3, à titre de défense. En vertu de l'article 2 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (35), il incombe à l'entreprise ou aux entreprises qui invoquent le bénéfice des dispositions de l'article 101, paragraphe 3, d'apporter la preuve que les conditions de ce paragraphe sont remplies. C'est pourquoi, les arguments de fait et les éléments de preuve apportés par la ou les entreprises doivent permettre à la Commission d'arriver à la conviction que la probabilité que l'accord considéré produise des effets favorables à la concurrence est suffisante ou ne l'est pas (36).

49.

L'octroi de l'exemption au titre de l'article 101, paragraphe 3, est subordonné à quatre conditions cumulatives, dont deux sont positives et deux sont négatives:

l'accord doit contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, c'est-à-dire entraîner des gains d'efficacité;

les restrictions doivent être indispensables pour atteindre ces objectifs, à savoir les gains d'efficacité;

les consommateurs doivent recevoir une partie équitable du profit qui en résulte; en d'autres termes, les gains d'efficacité, y compris d'ordre qualitatif, réalisés au moyen des restrictions indispensables doivent être répercutés de manière suffisante sur les consommateurs, de façon à au moins dédommager ceux-ci des effets restrictifs de l'accord. De ce fait, les gains d'efficacité qui ne profitent qu'aux parties à l'accord sont insuffisants. Aux fins des présentes lignes directrices, la notion de «consommateurs» englobe les clients, existants et/ou potentiels, des parties à l'accord (37); et

l'accord ne doit pas donner la possibilité aux parties d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

50.

Dans le domaine des accords de coopération horizontale, des règlements d'exemption par catégorie fondés sur l'article 101, paragraphe 3, ont été adoptés en faveur de la R&D (38) et de la spécialisation (y compris la production en commun) (39). Ces règlements d'exemption par catégorie partent du postulat que la combinaison de compétences ou d'actifs complémentaires peut être source de gains d'efficacité substantiels pour ce qui est des accords de R&D et des accords de spécialisation. Tel peut également être le cas pour d'autres types d'accords de coopération horizontale. L'analyse des gains d'efficacité résultant d'un accord individuel au regard de l'article 101, paragraphe 3, consiste donc, dans une large mesure, à déterminer les compétences et actifs complémentaires que chacune des parties apporte à l'accord, ainsi qu'à évaluer si les gains d'efficacité qui en résultent sont tels que les conditions de l'article 101, paragraphe 3, sont remplies.

51.

Les accords de coopération horizontale peuvent produire divers types de complémentarités. Un accord de R&D peut permettre la mise en commun de différentes capacités de recherche, grâce auxquelles les parties seront à même de fabriquer de meilleurs produits à un coût moindre, dont elles pourront également réduire le délai de mise sur le marché. Un accord de production peut permettre aux parties de réaliser des économies d'échelle ou de gamme qu'elles n'auraient pu réaliser isolément.

52.

Les accords de coopération horizontale ne prévoyant pas la mise en commun de compétences ou d'actifs complémentaires sont moins susceptibles de déboucher sur des gains d'efficacité profitant aux consommateurs. De tels accords peuvent réduire certains coûts doubles, en permettant par exemple la suppression de certains coûts fixes. Toutefois, les économies de coûts fixes sont généralement moins susceptibles de procurer des avantages aux consommateurs que, par exemple, les économies de coûts variables ou marginaux.

53.

Des précisions concernant l'application, par la Commission, des critères énoncés à l'article 101, paragraphe 3, peuvent être trouvées dans les lignes directrices générales.

1.3.   Structure des présentes lignes directrices

54.

Le chapitre 2 expose d'abord quelques principes généraux pour l'appréciation des échanges d'information, également applicables à tous les types d'accords de coopération horizontale prévoyant un échange d'informations. Les chapitres suivants traitent chacun d'un type d'accord de coopération horizontale spécifique. Chaque chapitre applique le cadre analytique décrit au point 1.2, de même que les principes généraux sur l'échange d'informations au type de coopération spécifique examiné.

2.   PRINCIPES GÉNÉRAUX DE L'APPRÉCIATION DES ÉCHANGES D'INFORMATION SOUS L'ANGLE DE LA CONCURRENCE

2.1.   Définition et portée

55.

Le présent chapitre vise à fournir des orientations pour l'appréciation des échanges d'informations sous l'angle de la concurrence. Ces échanges peuvent prendre diverses formes. Premièrement, des données peuvent être échangées directement entre concurrents. Deuxièmement, des données peuvent être échangées indirectement par l'intermédiaire d'une agence commune (comme, par exemple, une association professionnelle) ou d'un tiers, comme un bureau d'études de marché, ou par l'intermédiaire des fournisseurs ou des revendeurs des entreprises.

56.

Les échanges d'informations peuvent s'inscrire dans différents contextes. Ils peuvent résulter d'accords, de décisions d'associations d'entreprises ou de pratiques concertées dont la principale fonction économique réside précisément dans l'échange d'informations. L'échange d'informations peut en outre se produire dans le cadre d'un autre type d'accord de coopération horizontale (les parties à un accord de production, par exemple, peuvent échanger certaines informations sur les coûts). L'appréciation de ce dernier type d'échange d'informations doit se faire dans le cadre de l'évaluation de l'accord de coopération horizontale lui-même.

57.

L'échange d'informations constitue une caractéristique commune de nombreux marchés concurrentiels et peut générer divers types de gains d'efficacité. Il peut résoudre les problèmes d'asymétrie de l'information (40), rendant ainsi les marchés plus efficaces. De plus, les entreprises peuvent améliorer leur efficacité interne en comparant leurs meilleures pratiques respectives. L'échange d'informations peut également leur permettre de réaliser des économies de coûts en réduisant leurs stocks et en leur donnant la possibilité, d'acheminer plus rapidement les produits périssables vers les consommateurs ou de faire face à une demande instable, etc. Il peut également bénéficier directement aux consommateurs, en réduisant leurs coûts de recherche et en améliorant le choix.

58.

Toutefois, l'échange d'informations sur le marché peut aussi avoir des effets restrictifs sur le jeu de la concurrence, en particulier lorsqu'il est de nature à permettre aux entreprises de connaître les stratégies commerciales de leurs concurrents (41). Les répercussions de l'échange d'informations sur la concurrence sont fonction des caractéristiques du marché sur lequel il se produit (telles que la concentration, la transparence, la stabilité, la symétrie, la complexité, etc.), ainsi que du type d'informations échangées, lesquelles peuvent faire de l'environnement du marché en cause un environnement susceptible de favoriser la coordination.

59.

De plus, l'échange d'informations entre concurrents peut constituer un accord, une pratique concertée ou une décision d'association d'entreprises ayant pour objet la fixation, en particulier, des prix ou des quantités. Ces types d'échanges d'informations seront normalement considérés comme des ententes et sanctionnés par des amendes. Les échanges d'informations peuvent également faciliter la mise en œuvre d'une entente en permettant aux entreprises de contrôler si les parties se conforment aux modalités qui ont été convenues. Ces types d'échanges d'informations seront considérés comme s'inscrivant dans le cadre de l'entente.

Pratique concertée

60.

Un échange d'informations ne peut être apprécié au regard de l'article 101 que s'il établit un accord, une pratique concertée ou une décision d'association d'entreprises ou s'inscrit dans le cadre d'un tel accord, d'une telle pratique concertée ou d'une telle décision d'association d'entreprises. L'existence d'un accord, d'une pratique concertée ou d'une décision d'association d'entreprises ne préjuge pas si l'accord, la pratique concertée ou la décision d'une association d'entreprises a pour effet de restreindre la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, la notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (42). Les critères de coordination et de coopération constitutifs d'une pratique concertée, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable «plan», doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché intérieur et les conditions qu'il entend réserver à sa clientèle (43).

61.

Cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, mais s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet d'aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l'importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (44). Elle s'oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre concurrents, ayant pour objet ou pour effet, soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché, ce qui facilite une collusion sur celui-ci (45). Un échange d'informations peut donc constituer une pratique concertée s'il diminue l'incertitude stratégique (46) sur le marché et, partant, facilite la collusion, c'est –à-dire si les données échangées présentent un caractère stratégique. En conséquence, l'échange de données stratégiques entre concurrents équivaut à une concertation, en ce qu'il diminue l'indépendance de comportement des concurrents sur le marché et leur incitation à se livrer concurrence.

62.

Une situation dans laquelle une seule entreprise divulgue des informations stratégiques à son/ses concurrent(s) qui les accepte(nt) peut également constituer une pratique concertée (47). De telles divulgations pourraient par exemple se produire dans le cadre de contacts par courrier postal ou électronique, par téléphone ou au cours de réunions, etc. Il est sans importance qu’une seule entreprise informe ses concurrents unilatéralement du comportement qu’elle entend adopter sur le marché ou que toutes les entreprises concernées se communiquent mutuellement leurs considérations et leurs intentions. Lorsqu’une seule entreprise divulgue à ses concurrents des informations stratégiques sur sa future politique commerciale, le degré d’incertitude sur le fonctionnement à venir du marché en cause est atténué pour tous les concurrents impliqués, ce qui accroît le risque de restreindre la concurrence et de voir apparaître des comportements collusoires (48). Ainsi, par exemple, le simple fait d'assister à une réunion (49) durant laquelle une entreprise dévoile à ses concurrents ses intentions en matière de fixation des prix pourrait relever de l'article 101, même en l'absence d'accord explicite sur une augmentation des prix (50). Lorsqu'une entreprise reçoit des données stratégiques d'un concurrent (que ce soit lors d'une réunion ou par courrier postal ou électronique), elle sera supposée avoir accepté ces informations et avoir adapté son comportement sur le marché en conséquence, à moins qu'elle n'ait répondu par une déclaration claire qu'elle ne souhaitait pas recevoir de telles données (51).

63.

Lorsqu'une entreprise fait une annonce unilatérale revêtant un caractère réellement public, par exemple dans un quotidien, cette annonce ne constitue généralement pas une pratique concertée au sens de l'article 101, paragraphe 1 (52). Toutefois, en fonction des faits sous-tendant l'affaire en cause, la possibilité de constater une pratique concertée ne peut être exclue, par exemple lorsqu'une telle annonce a été suivie d'annonces publiques d'autres concurrents, en particulier parce que des réponses stratégiques apportées par des concurrents à d'autres annonces publiques (qui peuvent par exemple impliquer des réajustements de leurs propres annonces antérieures en fonction des annonces des concurrents) pourraient s'avérer constituer une stratégie visant à s'entendre sur les modalités de la coordination.

2.2.   Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 1

2.2.1.   Principaux problèmes de concurrence  (53)

64.

Dès lors qu'il est établi qu'il y a un accord, une pratique concertée ou une décision d'association d'entreprises, il y a lieu d'examiner les principaux problèmes de concurrence que posent les échanges.

Collusion

65.

En améliorant artificiellement la transparence du marché, l'échange d'informations stratégiques peut faciliter la coordination (c'est-à-dire l'alignement) du comportement concurrentiel des entreprises et avoir des effets restrictifs sur la concurrence, et ce de différentes façons.

66.

Premièrement, les échanges d'informations permettent aux entreprises de s'entendre sur les modalités de la coordination, ce qui peut conduire à une collusion sur le marché. Les échanges d'informations peuvent engendrer des attentes cohérentes de part et d'autre quant aux incertitudes existant sur le marché. Sur cette base, les entreprises peuvent alors parvenir à s'entendre sur les modalités de la coordination de leur comportement concurrentiel, même sans accord explicite sur cette coordination. Les échanges d'informations sur les actions prévues sont les plus susceptibles d'amener les entreprises à une telle entente.

67.

Les échanges d'informations peuvent également avoir des effets restrictifs sur la concurrence du fait de l'augmentation de la stabilité interne d'une collusion sur le marché. Ils permettent de le faire notamment en permettant aux entreprises concernées de contrôler les comportements déviants. En l'occurrence, les échanges d'informations peuvent rendre le marché suffisamment transparent pour permettre aux entreprises parties à une entente de contrôler de façon suffisante si d'autres entreprises s'écartent de la collusion et, partant, de savoir quand elles doivent appliquer des mesures de représailles. Les échanges de données, qu'elles soient actuelles ou plus anciennes, peuvent constituer un tel mécanisme de contrôle. Ils peuvent soit permettre aux entreprises d'aboutir à une collusion sur les marchés où elles n'auraient autrement pas été en mesure de le faire, soit accroître la stabilité d'une collusion existant déjà sur le marché (voir l'exemple no 3 au point 107).

68.

Les échanges d'informations peuvent, en troisième lieu, avoir des effets restrictifs sur la concurrence du fait de l'accroissement de la stabilité externe d'une collusion sur le marché. Les échanges d'informations qui rendent le marché suffisamment transparent peuvent permettre aux entreprises parties à une entente de vérifier où et quand d'autres entreprises tentent d'entrer sur le marché et, partant, de cibler le nouvel arrivant. Cela peut également être lié aux problèmes de verrouillage anticoncurrentiel exposés aux points 69 à 71. Les échanges de données, qu'elles soient actuelles ou plus anciennes, peuvent constituer un tel mécanisme de contrôle.

Éviction anticoncurrentielle

69.

En plus de faciliter la collusion, un échange d'informations peut aussi entraîner une éviction anticoncurrentielle (54).

70.

Un échange d'informations exclusif peut aboutir au verrouillage anticoncurrentiel du marché sur lequel il se produit. Tel sera le cas si l'échange d'informations commerciales sensibles place des concurrents non liés dans une situation de désavantage concurrentiel significatif par rapport aux entreprises liées dans le cadre du système d'échange. Ce type de verrouillage n'est possible que si l'information concernée présente un caractère particulièrement stratégique sur le plan de la concurrence et couvre une part substantielle du marché en cause.

71.

Il ne peut être exclu que des échanges d'informations peuvent aussi déboucher sur l'éviction anticoncurrentielle de tiers présents sur un marché lié. À titre d'exemple, en acquérant un pouvoir de marché suffisant grâce à des échanges d'informations des parties échangeant des informations sur un marché en amont, par exemple des entreprises intégrées verticalement, pourraient être en mesure d'accroître le prix d'un composant essentiel pour un marché situé en aval du premier. Elles auraient ainsi la possibilité d'augmenter les coûts de leurs concurrents en aval, ce qui se traduirait potentiellement par une éviction anticoncurrentielle sur le marché en aval en question.

2.2.2.   Restriction de la concurrence par objet

72.

Tout échange d'informations ayant pour objectif de restreindre la concurrence sur le marché sera considéré comme une restriction de concurrence par objet. Pour déterminer si un échange d'informations constitue une restriction de concurrence par objet, la Commission accordera une attention particulière au contexte juridique et économique dans lequel se produit cet échange (55). À cet effet, elle examinera si celui-ci est susceptible, de par sa nature même, de restreindre la concurrence (56).

73.

Les échanges d'informations relatives aux actions envisagées par les différentes entreprises concernant les prix ou les quantités (57) sont particulièrement susceptibles de déboucher sur une collusion. Le fait de s'informer mutuellement de leurs intentions respectives à cet égard peut permettre aux concurrents de s'entendre sur un niveau de prix commun plus élevé, sans courir le risque de perdre des parts de marché ni de déclencher une guerre des prix durant la période d'adaptation aux nouveaux prix (voir exemple no1, point 105). En outre, il est moins probable que les échanges d'informations concernant des actions envisagées aient une finalité favorable à la concurrence, que les échanges de données actuelles.

74.

Il convient par conséquent de considérer les échanges, entre concurrents, de données individualisées concernant les futurs prix ou quantités envisagés comme constituant une restriction de la concurrence par objet (58)  (59) En outre, les échanges privés, entre concurrents, de leurs intentions individuelles concernant les futurs prix et quantités seraient normalement considérés et sanctionnés comme des ententes, car ils ont généralement pour objet de fixer des prix ou des quantités. Les échanges d'informations qui constituent des ententes n'enfreignent pas seulement l'article 101, paragraphe 1, mais il est en outre très peu probable qu'ils remplissent les conditions de l'article 103, paragraphe 3.

2.2.3.   Effets restrictifs sur la concurrence

75.

Il convient d'analyser au cas par cas l'incidence probable, en termes de concurrence, des échanges d'informations, les résultats de cette appréciation étant fonction d'une combinaison d'éléments spécifiques à l'affaire en cause. L'évaluation des effets restrictifs sur la concurrence consiste en une comparaison des effets probables de l'échange d'informations avec la situation concurrentielle telle qu'elle se présenterait si cet échange n'avait pas lieu (60). Pour qu'un échange d'informations ait des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, il doit être susceptible d'avoir une incidence défavorable sensible sur un (ou plusieurs) des paramètres de la concurrence, tels que le prix, la production, la qualité ou la diversité des produits ou encore l'innovation. Un échange d'informations aura ou non des effets restrictifs sur la concurrence en fonction des conditions économiques prévalant sur les marchés en cause, ainsi que des caractéristiques des informations échangées.

76.

Certaines conditions de marché peuvent faciliter la coordination et son maintien sur le plan interne ou externe (61). Les échanges d'informations sur de tels marchés peuvent avoir des effets plus restrictifs que ce n'est le cas sur des marchés où les conditions sont différentes. Toutefois, même lorsque les conditions de marché sont telles que la coordination peut être difficile à poursuivre avant que des informations ne soient échangées, l'échange d'informations peut modifier les conditions du marché de manière à rendre une coordination possible après l'échange– par exemple du fait de la transparence accrue du marché, de la réduction de sa complexité, de l'atténuation de l'instabilité ou de la compensation de l'asymétrie. Il est dès lors important d'évaluer les effets restrictifs de l'échange d'informations en tenant compte des conditions initiales du marché et de la façon dont les échanges d'informations modifient ces conditions. Il convient notamment d'apprécier les caractéristiques propres au système en cause, telles que sa finalité, les conditions d’accès au système et les conditions de participation au système. Il sera également nécessaire d'examiner la fréquence des échanges d'informations, la nature des informations échangées (par exemple leur caractère public ou confidentiel, agrégé ou détaillé, et historique ou actuel), ainsi que l'importance de l'information pour la fixation des prix, des volumes ou des conditions de la prestation (62). Les éléments suivants sont pertinents aux fins de cette appréciation.

ii)   Les caractéristiques du marché

77.

Les entreprises sont plus susceptibles de parvenir à une collusion sur des marchés qui sont suffisamment transparents, concentrés, non-complexes, stables et symétriques. Sur les marchés de ce type, les entreprises peuvent s'entendre sur les modalités de la coordination et contrôler et punir efficacement les comportements déviants. Toutefois, le fait d'échanger des informations peut également permettre à des entreprises de s'entendre dans d'autres situations de marché, alors que cela leur serait impossible en l'absence de cet échange. L'échange d'informations peut dès lors faciliter une collusion, en ce qu'il accroît la transparence du marché, rend le marché moins complexe, atténue l'instabilité ou compense l'asymétrie. Dans ce contexte, les répercussions d'un échange d'informations en termes de concurrence dépendent non seulement des caractéristiques initiales du marché sur lequel il se produit (telles que la concentration, la transparence, la stabilité, la complexité, etc.), mais également de la façon dont le type d'informations échangées peut modifier ces caractéristiques (63).

78.

Une collusion est davantage susceptible de se produire sur des marchés transparents. La transparence peut faciliter la collusion, en ce qu'elle permet aux entreprises de s'entendre sur les modalités de la coordination et/ou accroît la stabilité, tant interne qu'externe, de la collusion. Les échanges d'informations peuvent augmenter la transparence et, partant, limiter l'incertitude quant aux variables stratégiques de la concurrence (telles que, par exemple, les prix, la production, la demande, les coûts, etc.). Moins le degré de transparence préalable du marché est élevé, plus l'échange d'informations présentera d'intérêt aux fins d'une collusion. Un échange d'informations qui contribue de façon limitée à la transparence sur un marché est moins susceptible d'avoir des effets restrictifs sur la concurrence qu'un échange d'informations améliorant sensiblement la transparence. C'est donc la combinaison du niveau de transparence préalable et de la façon dont l'échange d'informations affecte celui-ci qui déterminera le degré de probabilité que l'échange d'informations ait des effets restrictifs sur la concurrence. Le niveau de transparence préalable est notamment fonction du nombre d'acteurs présents sur le marché et de la nature des opérations, qui peuvent aller d'opérations publiques à des négociations bilatérales confidentielles entre acheteurs et vendeurs. L'appréciation de l'évolution du niveau de transparence du marché passe par la détermination de la mesure dans laquelle les informations disponibles peuvent être utilisées par les entreprises pour déterminer les agissements de leurs concurrents.

79.

Les oligopoles étroits peuvent faciliter une collusion sur le marché, car il est plus facile pour un nombre limité d'entreprises de s'entendre sur les modalités de la coordination et de contrôler les comportements déviants. Une collusion est également davantage susceptible de durer lorsque le nombre d'entreprises est moins grand. Si les entreprises prenant part à la coordination sont plus nombreuses, il devient plus intéressant de s'écarter de celle-ci, la fixation de prix moins élevés permettant de gagner des parts de marché plus importantes. En même temps, les avantages découlant d'une collusion sont plus restreints lorsque le nombre d'entreprises est plus important, la part que chacune retire de la collusion étant moins élevée. Les échanges d'informations se produisant dans des oligopoles étroits sont davantage susceptibles de produire des effets restrictifs sur la concurrence que dans les oligopoles moins étroits et ne sont pas de nature à produire de tels effets sur des marchés très fragmentés. Toutefois, en augmentant la transparence ou en rendant d'une autre façon l'environnement du marché plus propice à une coordination des comportements, les échanges d'informations peuvent faciliter la coordination et la surveillance parmi un nombre d'entreprises plus important que s'ils ne produisaient pas.

80.

Pour les entreprises, il peut être difficile de parvenir à une collusion dans un environnement de marché complexe. Le fait d'échanger des informations peut toutefois, dans une certaine mesure, permettre une simplification de tels environnements. Dans un environnement de marché complexe, des échanges d'informations plus nombreux seront, en principe, nécessaires pour parvenir à s'entendre sur les modalités de la coordination et surveiller les comportements déviants. Par exemple, il est plus facile de s'entendre sur le prix d'un produit unique et homogène que sur de nombreux prix pratiqués sur un marché comptant un grand nombre de produits différenciés. Il se peut néanmoins que, pour contourner la difficulté de parvenir à une entente sur de très nombreux prix, les entreprises échangent des informations afin d'établir des règles de tarification simples (par exemple, des prix de référence).

81.

La probabilité d'une collusion est plus grande lorsque les conditions de l'offre et de la demande sont relativement stables (64). Dans un environnement peu stable, il peut être difficile pour une entreprise de savoir si les ventes lui échappent en raison du niveau globalement bas de la demande ou d'un concurrent qui offre des prix particulièrement bas; il est dès lors excessivement malaisé de maintenir un résultat collusoire. Dans ce contexte, une demande très instable, une forte croissance interne de certaines entreprises du marché ou encore l'entrée fréquente sur le marché de nouvelles entreprises peuvent indiquer que la situation actuelle n'est pas suffisamment stable pour rendre une coordination probable (65). Dans certains cas, les échanges d'informations peuvent permettre d'augmenter la stabilité du marché et peuvent dès lors rendre possible une collusion sur le marché. En outre, sur les marchés où l'innovation est importante, la coordination peut être plus difficile, étant donné que des innovations particulièrement importantes peuvent permettre à une seule entreprise d'obtenir un avantage de taille sur ses concurrents. Pour qu'une collusion soit durable, les réactions des «outsiders», tels que les concurrents existants et futurs ne prenant pas part à la coordination, et des clients ne devraient pas être de nature à compromettre les résultats escomptés de la collusion. Dans ce contexte, l'existence de barrières à l'entrée accroît la probabilité de la faisabilité et du maintien d'une collusion sur le marché.

82.

La probabilité d'une collusion est plus grande lorsque les marchés présentent une structure symétrique. Lorsque les entreprises sont homogènes en termes de coûts, de demande, de parts de marché, de gamme de produits, de capacités, etc., elles ont plus de chances de parvenir à s'entendre sur les modalités de la coordination, leurs incitations étant plus alignées les unes sur les autres. Toutefois, les échanges d'informations peuvent également, dans certains cas, permettre d'aboutir à une collusion lorsque la structure des marchés est plus hétérogène. Ils pourraient permettre aux entreprises de prendre conscience de leurs différences et les aider à trouver le moyen de s'en accommoder dans le cadre de la coordination.

83.

La stabilité d'une collusion dépend également de l'anticipation par les entreprises des gains futurs. Plus les entreprises accordent de valeur aux bénéfices actuels qu'elles pourraient retirer de la fixation de prix moins élevés par rapport aux gains futurs qu'elles pourraient obtenir d'une collusion, moins cette dernière sera probable.

84.

Parallèlement, une collusion est plus probable parmi les entreprises qui continueront d'exercer des activités sur le même marché pendant un long laps de temps, car dans un tel scénario elles seront davantage soucieuses de coordonner leurs actions. Si une entreprise sait qu'elle interagira longtemps avec les autres entreprises, une collusion présentera pour elle un plus grand intérêt, le flux de gains futurs tirés de pratiques collusoires ayant une plus grande valeur que le profit à court terme qu'elles pourraient obtenir si elles s'en écartaient, c'est-à-dire avant que les autres entreprises ne décèlent son comportement déviant et prennent des mesures de représailles.

85.

Globalement, pour qu'une collusion soit durable, la menace de mesures de représailles suffisamment crédibles et rapides doit être probable. La collusion n'est pas durable sur des marchés où les conséquences qu'entraînent les éventuels comportements déviants ne sont pas suffisamment sévères pour convaincre les entreprises participant à cette coordination qu'il y va de leur intérêt d'en respecter les modalités. À titre d'exemple, lorsque les marchés sont caractérisés par des commandes importantes et irrégulières, il peut s'avérer difficile de mettre en place un mécanisme de dissuasion suffisamment sévère, puisque l'avantage que retire une entreprise déviant du comportement commun à un moment opportun peut être important, certain et immédiat, alors que le manque à gagner qu'elle supporterait en cas de représailles serait faible et incertain et ne se concrétiserait qu'après un certain laps de temps. La crédibilité du mécanisme de dissuasion dépend également de l'intérêt éventuel qu'ont les autres entreprises prenant part à la coordination à mettre en œuvre des mesures de représailles, intérêt qui sera fonction des pertes qu'elles subiraient à court terme si elles déclenchaient une guerre des prix par rapport aux gains qu'elles retireraient à long terme d'un retour à la coordination. Par exemple, la capacité des entreprises d'appliquer des mesures de représailles peut être renforcée si elles sont également liées entre elles par des relations commerciales verticales qu'elles peuvent utiliser comme menace de représailles en cas de non-respect de la ligne de conduite commune.

iii)   Les caractéristiques des échanges d'informations

Informations stratégiques

86.

L'échange, entre concurrents, de données stratégiques, c'est-à-dire de données diminuant l'incertitude sur le plan stratégique sur le marché, est davantage susceptible de relever de l'article 101 que l'échange d'autres types d'informations. Le partage de données stratégiques peut avoir des effets restrictifs sur la concurrence, étant donné qu'il réduit l'autonomie décisionnelle des parties en limitant l'intérêt d'une concurrence aux yeux de celles-ci. Les informations stratégiques peuvent porter sur les prix (par exemple, prix existants, rabais, majorations, réductions ou remises), les listes de clients, les coûts de production, les quantités, le chiffre d'affaires, les ventes, les capacités, les qualités, les stratégies commerciales, les risques, les investissements, les technologies et les programmes de R&D et les résultats de ceux-ci. D'une façon générale, les informations relatives aux prix et aux quantités sont celles qui présentent le plus grand intérêt stratégique, suivies des informations sur les coûts et la demande. Toutefois, si les entreprises se livrent concurrence dans le domaine de la R&D, ce sont les données technologiques qui pourraient s'avérer les plus stratégiques sur le plan de la concurrence. L'utilité stratégique des données est également fonction du caractère agrégé de celles-ci et de leur ancienneté, ainsi que du contexte du marché et de la fréquence des échanges.

La couverture du marché

87.

Pour qu'un échange d'informations soit susceptible de restreindre la concurrence, les entreprises prenant part à l'échange d'informations doivent couvrir une part suffisamment importante du marché en cause. Si tel n'est pas le cas, les concurrents ne participant pas à cet échange pourraient limiter les agissements anticoncurrentiels des entreprises concernées. En fixant, par exemple, des prix inférieurs au niveau de prix coordonné, les entreprises qui ne sont parties au système d'échange d'informations pourraient menacer la stabilité externe d'une collusion.

88.

On ne peut définir de façon abstraite ce que constitue «une part suffisamment importante du marché»; cette part sera fonction des spécificités de chaque cas d'espèce et du type d'échange d'informations en cause. Lorsque, cependant, un échange d'informations se produit dans le cadre d'un autre type d'accord de coopération horizontale sans aller au-delà de ce qui est nécessaire aux fins de la mise en œuvre de celui-ci, une couverture du marché inférieure aux seuils de parts de marché fixés dans le chapitre pertinent des présentes lignes directrices, dans le règlement d'exemption par catégorie pertinent (66) ou dans la communication de minimis concernant le type d'accord en question ne sera généralement pas suffisamment importante pour que l'échange d'informations ait des effets restrictifs en termes de concurrence.

Données agrégées/individualisées

89.

Les échanges de données réellement agrégées, c'est-à-dire de données dans lesquelles il est suffisamment malaisé de distinguer les informations se rapportant à une entreprise donnée, sont nettement moins susceptibles d'avoir des effets restrictifs sur la concurrence que les échanges de données propres à des entreprises précises. La collecte et la publication de données de marché agrégées (telles que des données de vente, des données sur les capacités ou des données sur le coût des intrants et des composants) par une organisation professionnelle ou une société spécialisée en stratégie commerciale peuvent profiter tant aux fournisseurs qu'aux consommateurs en leur permettant d'avoir une vue plus claire de la situation économique d'un secteur. La collecte et la publication de telles données peuvent permettre aux acteurs du marché de faire des choix en meilleure connaissance de cause afin d'adapter efficacement leur stratégie aux conditions de marché. Plus généralement, à moins qu'il n'ait lieu dans le cadre d'un oligopole étroit, il est peu probable que l'échange de données agrégées produise des effets restrictifs sur la concurrence. Inversement, l'échange de données individualisées facilite l'entente sur le marché et l'élaboration de stratégies de représailles, en ce qu'il permet aux entreprises coordonnant leurs agissements de disitnguer une entreprise déviante ou un entrant. Néanmoins, on ne peut exclure que même l'échange de données agrégées puisse faciliter une collusion sur des marchés présentant des caractéristiques spécifiques. En effet, les membres d'un oligopole très étroit et stable échangeant des données agrégées qui constatent sur le marché un prix inférieur à un niveau donné pourraient d'office présumer qu'une entreprise s'est écartée de la collusion et prendre des mesures de représailles s'étendant à l'ensemble du marché. En d'autres termes, pour garantir la stabilité de la collusion, il n'est pas nécessaire que les entreprises sachent dans tous les cas laquelle s'est écartée des pratiques collusoires; savoir que l'une d'entre elles l'a fait peut suffire.

Ancienneté des données

90.

L'échange de données historiques est peu susceptible d'aboutir à une collusion, étant donné qu'il est peu probable qu'il fournisse des indications sur le comportement futur des concurrents ou permette une entente sur le marché (67). Il est en outre peu probable que l'échange de données historiques facilite la surveillance des comportements déviants, étant donné que plus les données sont anciennes, moins elles seront utiles pour déceler en temps voulu ce type de comportements et, partant, opposer une menace crédible de représailles rapides (68). Il n'existe pas de seuil prédéterminé quant au moment où des données acquièrent un caractère historique, c'est-à-dire deviennent suffisamment anciennes pour ne pas constituer un risque pour la concurrence. Le caractère réellement historique des données est fonction des spécificités du marché en cause, et notamment de la fréquence de renégociation des prix dans le secteur. Des données pourront par exemple être considérées comme historiques si leur ancienneté est égale à plusieurs fois la durée moyenne des contrats conclus dans le secteur concerné lorsque ceux-ci donnent une indication de la fréquence de renégociation des prix. Le moment où les données deviennent historiques est également fonction de la nature des données, de leur caractère agrégé, de la fréquence des échanges et des caractéristiques du marché en cause (comme, par exemple, sa stabilité et sa transparence).

Fréquence des échanges d'informations

91.

Les échanges d'informations fréquents qui facilitent à la fois une entente sur le marché et le contrôle des comportements déviants accroissent les risques de collusion. Sur les marchés plus instables, des échanges d'informations plus fréquents peuvent se révéler nécessaires pour faciliter une collusion que sur les marchés stables. Sur les marchés où les contrats à long terme (indicatifs de renégociations des prix peu fréquentes) sont la règle, des échanges d'informations peu fréquents suffiraient normalement pour parvenir à une entente. A l’inverse, des échanges d'informations peu fréquents ne seront probablement pas suffisants pour parvenir à une entente sur des marchés où les contrats sont de courte durée indiquant des renégociations fréquentes des prix (69). La fréquence à laquelle les informations doivent être échangées pour faciliter une collusion dépend également de la nature, de l'ancienneté et du caractère agrégé des données (70).

Information publique/non publique

92.

En général, les échanges d'informations réellement publiques ne sont pas susceptibles de constituer des infractions à l'article 101 (71). Les informations réellement publiques sont des informations généralement accessibles dans des conditions identiques (en termes de coûts d'accès) à tous les concurrents et clients. Pour qu'une information soit réellement publique, son obtention ne devrait pas être plus onéreuse pour les clients et les entreprises qui ne prennent pas part au système d'échange que pour les entreprises qui échangent des informations. C'est la raison pour laquelle les concurrents ne choisiraient pas, en principe, d'échanger des données qu'ils peuvent obtenir auprès du marché avec la même facilité, ce qui rend improbables, dans la pratique, les échanges de données réellement publiques. À l'inverse, même si les données échangées entre concurrents relèvent de ce qu'on appelle souvent «le domaine public», elles ne sont pas réellement publiques si les coûts liés à leur collecte découragent d'autres entreprises et clients de chercher à les obtenir (72). Le fait qu'il soit possible d'obtenir les informations sur le marché, par exemple auprès des clients, ne signifie pas nécessairement que ces informations constituent des données du marché aisément accessibles pour les concurrents (73).

93.

Même si les données sont disponibles publiquement (comme c'est le cas, par exemple, des informations publiées par les autorités de régulation), le fait que les concurrents échangent des informations supplémentaires peut restreindre la concurrence en diminuant encore l'incertitude stratégique sur le marché. Dans ce cas, ce sont ces informations supplémentaires qui pourraient s'avérer critiques pour faire basculer l'équilibre du marché vers une collusion.

Échanges d'informations publics/non publics

94.

Un échange d'informations est réellement public s'il rend les données échangées accessibles à tous les concurrents et clients dans des conditions identiques (en termes de coûts d'accès) (74). Le fait que des informations soient échangées publiquement peut limiter le degré de probabilité d'une collusion sur le marché, dans la mesure où les entreprises qui ne prennent pas part à la coordination, les concurrents potentiels ainsi que les clients peuvent être à même de limiter l'effet restrictif potentiel sur la concurrence (75). On ne peut toutefois totalement exclure que même des échanges d'information présentant un caractère réellement public puissent faciliter une collusion sur le marché.

2.3.   Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 3

2.3.1.   Gains d'efficacité  (76)

95.

Un échange d'informations peut déboucher sur des gains d'efficacité. Les informations sur les coûts supportés par les concurrents peuvent rendre les entreprises plus performantes si elles comparent leurs résultats aux meilleures pratiques du secteur et élaborent des mécanismes d'incitations internes en conséquence.

96.

En outre, dans certaines situations, l'échange d'informations peut aider les entreprises à diriger la production vers des marchés caractérisés par une demande importante (lorsque les informations portent sur la demande, par exemple) ou des entreprises dont les coûts sont peu élevés (lorsque les informations ont trait aux coûts, par exemple). La probabilité de ces types de gains d'efficacité est fonction des caractéristiques du marché telles que l'existence d'une concurrence entre les entreprises en termes de prix ou de quantités et la nature des incertitudes sur le marché. Certaines formes d'échanges d'informations dans ce contexte peuvent déboucher sur la réalisation d'économies de coût substantielles, par exemple si elles permettent une réduction des stocks inutiles, ou encore un acheminement plus rapide des produits périssables vers des régions où la demande est importante et une limitation de ses livraisons dans les régions où la demande est restreinte (voir l'exemple 7, point 110).

97.

L'échange de données relatives aux consommateurs entre des entreprises opérant sur des marchés caractérisés par des informations asymétriques en la matière peut également permettre l'obtention de gains d'efficacité. Par exemple, le fait de suivre les comportements antérieurs des clients en termes d'accidents ou de risques de défaillance de l'emprunteur incite les consommateurs à limiter leur exposition au risque. Cela permet également de détecter les consommateurs pour lesquels le risque est moins élevé et auxquels il conviendrait d'accorder des prix moins élevés. Dans ce contexte, l'échange d'informations peut également limiter la possibilité, pour les entreprises, de retenir leur clientèle de force et, partant, permettre une concurrence accrue. En effet, les informations sont généralement spécifiques à une relation donnée; les consommateurs perdraient alors le bénéfice de ces informations s'ils décidaient de se tourner vers une autre entreprise. Le secteur bancaire et le secteur des assurances illustrent bien ces gains d'efficacité, car il s'y produit de nombreux échanges d'informations sur les défaillances des consommateurs et les caractéristiques des risques encourus.

98.

L'échange de données passées et présentes relatives aux parts de marché peut dans certains cas procurer des avantages tant aux entreprises qu'aux consommateurs, les premières pouvant utiliser ces informations comme un signal de qualité de leur produit à l'intention des seconds. Lorsque les informations dont ils disposent sur la qualité des produits sont incomplètes, les consommateurs utilisent souvent des moyens indirects pour se renseigner sur les qualités relatives des produits telles que les prix et les parts de marché (ils se fondent, par exemple, sur les listes des meilleures ventes pour choisir leur prochain livre).

99.

L'échange d'informations présentant un caractère réellement public peut également présenter des avantages pour les consommateurs, en les aidant à poser un choix plus éclairé (tout en voyant leurs frais liés à l'étude de marché diminuer). Les consommateurs sont, de la sorte, plus susceptibles de tirer profit des échanges publics de données actuelles, les plus pertinentes pour leurs décisions d'achat. De même, l'échange d'informations publiques sur les prix actuels des intrants est de nature à réduire les coûts d'étude de marché supportés par les entreprises, diminution dont bénéficieront en principe les consommateurs puisqu'elle permet de réduire les prix finals. Ces types d’avantages directs pour les consommateurs sont moins susceptibles de résulter d'échanges d'intentions en matière de tarification, étant donné que les entreprises qui annoncent de telles intentions sont susceptibles de les revoir avant que les consommateurs ne procèdent effectivement à leurs achats sur la base de ces informations. Les consommateurs ne peuvent généralement pas se fier aux intentions des entreprises lorsqu'ils forment leurs projets de consommation. Les entreprises peuvent toutefois, dans une certaine mesure, s'en tenir à une discipline les incitant à ne pas revoir les futurs prix qu'elles ont annoncés avant de mettre ceux-ci en pratique, par exemple lorsqu'elles interagissent de façon répétée avec les consommateurs, et que ceux-ci se fient au fait qu'ils connaissent les prix pratiqués à l'avance, ou lorsque les consommateurs peuvent passer des précommandes. En pareils cas, l'échange d'informations concernant le futur peut améliorer la planification des dépenses des consommateurs.

100.

L'échange de données actuelles et antérieures est davantage susceptible de générer des gains d'efficacité qu'un échange d'informations portant sur des intentions. Cependant, dans des cas spécifiques, le fait de dévoiler ses intentions pour l'avenir pourrait également déboucher sur des gains d'efficacité. Par exemple, le fait de connaître rapidement l'entreprise arrivée en tête d'une compétition dans le domaine de la R&D peut permettre à des entreprises d'éviter de répéter inutilement des efforts onéreux et de gaspiller des ressources qui ne peuvent pas être recouvrées (77).

2.3.2.   Caractère indispensable

101.

Les restrictions allant au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les gains d'efficacité générés par un échange d'informations ne remplissent pas les conditions de l'article 101, paragraphe 3. Pour répondre à la condition relative au caractère indispensable, les parties devront démontrer que l'objet des données, leur caractère agrégé, leur ancienneté, leur confidentialité, de même que la fréquence et la portée des échanges présentent les risques les moins élevés indispensables pour obtenir les gains d'efficacité allégués. Qui plus est, l'échange ne devrait pas porter sur des informations excédant les variables pertinentes aux fins de l’obtention de ces gains d’efficacité. Par exemple, un échange de données individualisées ne serait généralement pas indispensable pour pouvoir procéder à une comparaison, étant donné que les informations agrégées, par exemple sous une forme de classification sectorielle, pourraient également produire les gains d'efficacité allégués tout en limitant le risque de collusion (voir l'exemple 4, point 108). Enfin, il est, d'une manière générale, peu probable que le partage de données individualisées sur des intentions futures soit indispensable, en particulier s'il porte sur des prix et des quantités.

102.

De même, les échanges d'informations qui s'inscrivent dans le cadre d'accords de coopération horizontale sont également plus susceptibles de remplir les conditions de l'article 101, paragraphe 3, s'ils ne vont pas au-delà de ce qui est indispensable pour atteindre la finalité économique de l'accord (par exemple, le partage de la technologie nécessaire aux fins d'un accord de R&D ou de données relatives aux coûts dans le cadre d'un accord de production).

2.3.3.   Répercussion sur les consommateurs

103.

Les gains d'efficacité résultant de restrictions indispensables doivent être répercutés sur les consommateurs dans une mesure qui compense les effets restrictifs sur la concurrence découlant de l'échange d'informations. Plus le pouvoir de marché des parties prenant part à l'échange d'informations est limité, plus il est probable que les gains d'efficacité seront répercutés sur les consommateurs dans une mesure qui compensera les effets restrictifs sur la concurrence.

2.3.4.   Absence d'élimination de la concurrence

104.

Les critères de l'article 101, paragraphe 3, ne peuvent pas être satisfaits si les entreprises prenant part à l'échange d'informations ont la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

2.4.   Exemples

105.

Échange d'informations sur les prix futurs envisagés (restriction de concurrence par objet)

Exemple 1

Situation: Un groupement professionnel regroupant des sociétés de transport par autocar du pays X communique uniquement à ses membres des informations individualisées sur les prix futurs envisagés. Ces informations se composent de plusieurs éléments, tels que le tarif envisagé et l'itinéraire concerné par ce tarif, les restrictions susceptibles d'être appliquées à ce tarif, comme, par exemple, la catégorie de consommateurs pouvant en bénéficier, l'exigence éventuelle d'un paiement effectué à l'avance ou d'un séjour d'une durée minimale, la période durant laquelle les billets peuvent être vendus au tarif en question (dates de début et de fin de validité des billets), ainsi que le laps de temps durant lequel les billets vendus à ce tarif peuvent être utilisés (dates de début et de fin du voyage).

Analyse: Cet échange d'informations, qui résulte de la décision d'une association d'entreprises, porte sur les intentions des concurrents en matière de tarification. Il constitue un moyen très efficace de parvenir à une collusion et restreint donc la concurrence par objet. En effet, les entreprises sont libres de revoir à tout instant leurs propres prix envisagés qui été annoncés au sein de l’association si elles apprennent que leurs concurrents envisagent de fixer des prix plus élevés. Elles peuvent dès lors atteindre un niveau de prix commun plus élevé sans supporter le coût lié à la perte de parts de marché. Supposons, par exemple, que la société d'autocars A annonce aujourd'hui une augmentation des tarifs pratiqués sur la liaison entre la ville 1 et la ville 2, qui entrera en vigueur le mois suivant. Cette information étant accessible à toutes les autres sociétés d'autocars, la société A peut alors attendre de connaître les réactions de ses concurrents à cette annonce de prix. Si un concurrent présent sur la même liaison, soit la société B, a adapté ses propres prix à cette hausse de prix, la société A ne modifiera pas le prix annoncé, qui deviendra probablement effectif par la suite. Si, toutefois, la société B n'a pas ajusté son prix, la société A pourrait encore revoir ses propres tarifs. L'ajustement se poursuivrait jusqu'à ce que les entreprises arrivent à un niveau de prix plus élévé, qui serait anticoncurrentiel. Cet échange d'informations est peu susceptible de remplir les conditions de l'article 101, paragraphe 3. Il se limite aux seuls concurrents, ce qui signifie que les clients des sociétés d'autocars n'en bénéficient pas directement.

106.

Échange de prix courants permettant des gains d'efficacité suffisants pour les consommateurs

Exemple 2

Situation: L'office national du tourisme et les sociétés d'autocars d'un petit pays X conviennent de diffuser des informations sur les tarifs courants appliqués aux billets d'autocar par le biais d'un site internet accessible gratuitement (contrairement à l'exemple 1, point 105, les consommateurs peuvent déjà acheter des billets aux prix et conditions visés par les échanges d'informations; ces prix ne sont donc pas des prix futurs envisagés, mais les prix actuels de services actuels et futurs). Les informations contiennent plusieurs éléments, tels que le tarif et l'itinéraire concerné par ce tarif, les restrictions éventuelles applicables à ce tarif, comme la catégorie de consommateurs pouvant en bénéficier, l'exigence éventuelle d'un paiement effectué à l'avance ou d'un séjour d'une durée minimale, ainsi que la période durant laquelle le billet peut être utilisé (dates de début et de fin du voyage). Les voyages en autocar dans le pays X ne relèvent pas du même marché que les voyages par chemin de fer ou avion. Il est présumé que le marché en cause est concentré, stable et relativement peu complexe et que la fixation des prix devient transparente du fait de l'échange d'informations.

Analyse: Cet échange d'informations ne constitue pas une restriction de concurrence par objet. Les entreprises s'informent mutuellement de leurs prix courants plutôt que des prix qu'elles envisagent de pratiquer, car elles vendent déjà effectivement des billets à ces prix (à la différence de l'exemple 1, point 105). En conséquence, cet échange d'informations est moins susceptible de constituer un moyen efficace pour trouver un point de convergence de la coordination. Vu, cependant, la structure du marché et le caractère stratégique des données, cet échange d'informations peut s'avérer un moyen efficace de contrôler les comportements déviants par rapport à la collusion qui sont susceptibles de se produire dans une telle configuration du marché. Il pourrait dès lors donner lieu à des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Néanmoins, dans la mesure où certains effets restrictifs sur la concurrence pourraient résulter de la possibilité de contrôler les comportements déviants, il est probable que les gains d'efficacité générés par cet échange d'informations seraient répercutés sur les consommateurs dans une mesure compensant les effets restrictifs sur la concurrence, tant dans leur probabilité que dans leur ampleur. Au contraire de l'exemple 1, point 105, l'échange d'informations est public et les consommateurs peuvent effectivement acheter des billets aux prix et conditions ayant fait l'objet de l'échange d'informations. Ce dernier est par conséquent susceptible de procurer un avantage direct aux consommateurs: en effet, il réduit les coûts d'étude de marché et améliore le choix qui leur est offert et, partant, encourage la concurrence par les prix. Il est donc probable que les conditions de l'article 101, paragraphe 3, seront remplies.

107.

Prix courants déduits des informations échangées

Exemple 3

Situation: Les hôtels de luxe installés dans la capitale du pays A exercent leurs activités au sein d'un oligopole étroit, non complexe et stable, se caractérisant par des structures de coûts largement homogènes et constituant un marché en cause distinct des autres hôtels. Ils échangent directement des informations individuelles sur leurs taux d'occupation et recettes du moment. Les parties peuvent alors directement déduire des informations échangées leurs prix courants réellement pratiqués.

Analyse: Sauf s’il s’agit d’un moyen déguisé d’échanger des informations sur les intentions futures , cet échange d'informations ne constituerait pas une restriction de concurrence par objet, les hôtels échangeant des données actuelles et non des informations portant sur des prix ou des quantités envisagés. Néanmoins, l'échange d'informations donnerait lieu à des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, car le fait de connaître les prix actuels effectifs d'un concurrent pourrait faciliter une coordination (c'est-à-dire l'alignement) du comportement concurrentiel des entreprises. Cette coordination servirait plus que probablement à contrôler les comportements déviants. Les échanges d'informations accroissent la transparence du marché, car même si les hôtels publient, en principe, leurs listes de prix, ils offrent également diverses remises négociées ou pour réservation rapide, de groupe, etc. En conséquence, les informations supplémentaires qui ne sont pas échangées publiquement entre les hôtels sont sensibles d'un point de vue commercial, c'est-à-dire utiles sur le plan stratégique. Cet échange est susceptible de faciliter une collusion sur le marché, étant donné que les parties concernées forment un oligopole étroit, non complexe et stable impliquant une relation concurrentielle à long terme (interactions répétées). En outre, les structures de coût des hôtels sont largement homogènes. Enfin, ni les consommateurs ni les nouveaux arrivants sur le marché ne peuvent exercer de pression sur le comportement anticoncurrentiel des opérateurs en place, puisque les consommateurs détiennent une puissance d'achat limitée et que les barrières à l'entrée sont élevées. Il est peu probable que, dans ce cas, les parties soient à même de démontrer un quelconque gain d'efficacité découlant de l'échange d'informations qui serait répercuté sur les consommateurs dans une mesure compensant les effets restrictifs sur la concurrence. Les conditions de l'article 101, paragraphe 3, ne seraient donc probablement pas remplies.

108.

Comparaison des avantages – non-respect des critères de l'article 101, paragraphe 3

Exemple 4

Situation: Trois grandes entreprises détenant une part de marché cumulée de 80 % sur un marché stable, non complexe et concentré, caractérisé par des barrières à l'entrée importantes, échangent directement, à intervalles réguliers et en secret, des informations concernant une grande part de leurs coûts respectifs. Ces entreprises prétendent chercher de la sorte à comparer leurs résultats avec ceux de leurs concurrents afin d'être plus performantes.

Analyse: Ces échanges d'informations ne constituent en principe pas une restriction de la concurrence par objet. Il convient par conséquent d'évaluer leur incidence sur le marché. En raison de la structure du marché, du fait que l’information échangée concerne ne grande part des coûts variables des entreprises, du mode de présentation individualisé des données et de la partie substantielle du marché en cause couverte, ces échanges d’information sont susceptibles de faciliter une collusion et, partant, de restreindre la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Il est peu probable que les critères de l'article 101, paragraphe 3, soient satisfaits, étant donné que les gains d'efficacité allégués peuvent être obtenus par d'autres moyens moins restrictifs, par exemple par l’intermédiaire de tiers collectant les données , les rendant anonymes et les agrégeant par secteur. En pareil cas, enfin, comme les parties forment un oligopole très étroit, non complexe et stable, même l'échange de données agrégées pourrait faciliter une collusion sur le marché. Toutefois, cela serait fort peu probable si cet échange se produisait sur un marché non transparent, fragmenté, instable et complexe.

109.

Informations réellement publiques

Exemple 5

Situation: Quatre entreprises possédant l'ensemble des stations-service d'un grand pays A s'informent par téléphone des prix actuels de l'essence. Selon elles, cet échange d'informations ne peut avoir d'effets restrictifs sur la concurrence, les informations revêtant un caractère public puisqu'elles sont communiquées sur de grands panneaux dans chaque station-service.

Analyse: Les données sur les prix échangées par téléphone ne sont pas réellement publiques puisque l'obtention des mêmes informations par d'autres moyens prendrait beaucoup de temps et entraînerait des frais de transport élevés. Il faudrait parcourir fréquemment des distances importantes afin de collecter les prix affichés sur les panneaux des stations-services disséminés dans l'ensemble du pays. Les coûts qui en résulteraient sont susceptibles d'être si élevés que ce n'est que par l'échange d’informations que les informations pourraient être obtenues en pratique. En outre, l'échange est systématique et couvre l'ensemble du marché en cause, qui est un oligopole étroit, non complexe et stable. En conséquence, il est susceptible de créer un climat de certitude mutuelle quant à la politique de prix des concurrents et, partant, de faciliter une collusion. Cet échange d'informations est dès lors susceptible de restreindre la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1.

110.

Meilleure satisfaction de la demande comme gain d’efficacité

Exemple 6

Situation: Cinq producteurs de jus de carottes frais en bouteille sont présents sur le marché en cause. La demande pour ce produit est très instable et varie d'un endroit à l'autre selon les moments. Le jus doit être vendu et consommé au plus tard le lendemain de sa production. Les producteurs conviennent de créer une société d'étude de marché indépendante chargée de collecter quotidiennement des informations actuelles sur le jus invendu dans chaque point de vente, informations qu'elle publiera sur son site internet la semaine suivante sous une forme agrégée, en les ventilant par points de vente. Les statistiques publiées permettent aux producteurs et détaillants d'anticiper la demande et de mieux positionner leur produit. Avant que l’échange d'informations ne soit mis en place, les détaillants ont signalé de grandes quantités de jus gaspillé et ont donc réduit la quantité de jus achetée aux producteurs, le marché ne fonctionnait donc pas de manière efficace. En conséquence, il arrivait fréquemment, à certaines périodes et à certains endroits, que la demande ne soit pas satisfaite. Le système d'échange d'informations, en permettant une meilleure prévision de l'offre, qu'elle soit excédentaire ou qu'il y ait pénurie, a sensiblement réduit les cas dans lesquels la demande des consommateurs ne pouvait être satisfaite et accru la quantité écoulée sur le marché.

Analyse: Bien que le marché soit relativement concentré et que les données échangées soient récentes et revêtent un caractère stratégique, il est très peu probable que cet échange facilite une collusion, celle-ci étant peu susceptible de se produire sur un marché aussi instable. Même si l'échange risque, dans une certaine mesure, de produire des effets restrictifs sur la concurrence, les gains d'efficacité résultant d'une offre accrue là où la demande est importante et d'une diminution de l'offre là où la demande est faible sont susceptibles de compenser les effets restrictifs potentiels. Les informations sont échangées sous une forme publique et agrégée présentant moins de risques anticoncurrentiels que si elles étaient confidentielles et individualisées. L'échange d'informations n'excède donc pas ce qui est nécessaire pour remédier à la défaillance du marché. Il est dès lors probable que cet échange d'informations remplira les critères de l'article 101, paragraphe 3.

3.   ACCORDS DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT

3.1.   Définition

111.

Les accords de R&D varient tant dans leur forme que dans leur champ d’application. Ils peuvent prévoir la sous-traitance de certaines activités de R&D, l’amélioration en commun de technologies existantes ou une coopération en matière de recherche, de développement et de commercialisation de produits totalement nouveaux. Ils peuvent prendre la forme d’accords de coopération ou d’entreprises contrôlées en commun. Le présent chapitre s'applique à toutes les formes d'accords de R&D, y compris les accords connexes sur la production ou la commercialisation des résultats de la R&D.

3.2.   Marchés en cause

112.

La définition du marché en cause en vue de l’appréciation des effets d’un accord de R&D passe par la détermination des produits, des technologies ou des efforts de R&D, qui constitueront les principales pressions concurrentielles pesant sur les parties. Parmi les différentes situations envisageables, on trouve, à un extrême, les innovations pouvant déboucher sur un produit (ou une technologie) qui va se positionner en tant que concurrent sur un marché de produits (ou de technologies) existant. C’est le cas, par exemple, des travaux de R&D axés sur des améliorations ou des modifications légères, telles que des nouveaux modèles de certains produits. Dans ce scénario, les effets potentiels concernent le marché des produits existants. À l’autre extrême se situent les innovations pouvant déboucher sur un tout nouveau produit qui créera son propre marché de produits (par exemple, un nouveau vaccin pour une maladie jusque-là incurable). Toutefois, de nombreux cas se rangent entre ces deux extrêmes: il s'agit des situations dans lesquelles les efforts d'innovation sont susceptibles de déboucher sur la mise au point de produits (ou de technologies) qui remplaceront, à terme, des produits (ou des technologies) existants (par exemple, les disques compacts, qui ont remplacé les disques classiques). L'analyse approfondie de ces situations pourrait exiger l'étude tant des marchés existants que de l'incidence de l'accord sur l'innovation.

Marchés de produits existants

113.

Si la coopération porte sur des activités de R&D orientées vers l’amélioration de produits existants, ces derniers, ainsi que leurs produits de substitution proches, constituent le marché en cause concerné par la coopération (78).

114.

Si les efforts en matière de R&D visent à modifier profondément des produits existants, voire à lancer un nouveau produit pour remplacer des produits existants, la substitution aux produits existants peut être imparfaite ou ne se produire qu’à long terme. On peut en conclure que les anciens produits et les nouveaux produits potentiels n'appartiennent pas au même marché de produits en cause (79). Le marché de produits existants peut néanmoins être concerné si la mise en commun des efforts de R&D est susceptible d'aboutir à la coordination des agissements des parties en tant que fournisseurs des produits existants, par exemple du fait de l'échange d'informations sensibles sur le plan de la concurrence concernant le marché des produits existants.

115.

Si la R&D concerne un important composant d’un produit final, le marché en cause pour l’appréciation sera non seulement le marché de ce composant, mais également le marché du produit final existant. À titre d’exemple, si des constructeurs automobiles coopèrent pour la R&D d’un nouveau type de moteur, le marché automobile peut se trouver affecté par cette coopération. Cependant, le marché des produits finals n’est un marché en cause aux fins de l’appréciation que si le composant visé par ces efforts de R&D est techniquement ou économiquement un composant essentiel de ces produits finals et si les parties à l’accord de R&D détiennent un pouvoir de marché pour ce qui est des produits finals.

Marchés de technologies existants

116.

La coopération en matière de R&D peut porter non seulement sur des produits, mais aussi sur les technologies. Lorsque des droits de propriété intellectuelle sont commercialisés indépendamment des produits auxquels ils se rapportent, le marché technologique en cause doit aussi être défini. Les marchés de technologies comprennent les droits de propriété intellectuelle qui sont concédés sous licence ainsi que les technologies de substitution proches, c'est-à-dire d'autres technologies que les clients pourraient utiliser en remplacement.

117.

La méthode à suivre pour définir les marchés de technologies s’inspire des mêmes principes que ceux qui s'appliquent pour la définition des marchés de produits (80). En partant de la technologie qui est commercialisée par les parties, il faut identifier les autres technologies auxquelles les clients pourraient recourir en cas d'augmentation faible mais non temporaire des prix relatifs. Une fois ces technologies identifiées, les parts de marché peuvent être calculées en divisant le revenu des licences généré par les parties par le revenu total de tous les donneurs de licences.

118.

La position des parties sur le marché des technologies existantes est un critère pertinent pour l’appréciation d’une coopération en matière de R&D qui vise à améliorer sensiblement une technologie existante ou à mettre au point une nouvelle technologie appelée à remplacer une technologie existante. Les parts de marché des parties ne peuvent cependant servir que de point de départ pour cette analyse. Sur les marchés de technologies, la concurrence potentielle revêt une importance particulière. Si des sociétés qui ne concèdent pas encore de licences sur leur technologie sont susceptibles d'entrer sur le marché technologique, elles pourraient restreindre la capacité des parties d'augmenter avantageusement les prix de leur technologie. Cet aspect de l'analyse peut également être pris en compte directement dans le calcul des parts de marché, en les basant sur les ventes des produits comportant la technologie concédée sur les marchés de produits en aval (voir les points 123 à 126).

Concurrence dans le domaine de l'innovation (efforts de R&D)

119.

La coopération en matière de R&D peut ne pas affecter seulement la concurrence sur les marchés existants, mais également la concurrence sur les marchés de l'innovation et des nouveaux produits. Tel est le cas lorsque la coopération en matière de R&D concerne le développement de nouveaux produits ou de nouvelles techniques qui sont soit susceptibles - s’il s’agit de produits ou de technologies émergents - de remplacer un jour des produits ou des technologies existants, soit destinés à un nouvel usage et qui, dès lors, ne remplaceront pas des produits ou des technologies existants mais créeront une demande totalement nouvelle. Les effets sur la concurrence dans l'innovation sont importants dans ces situations, mais peuvent dans certains cas ne pas être suffisamment appréciés enanalysant la concurrence réelle ou potentielle sur les marchés de produits ou de technologies existants. À cet égard, deux scénarios peuvent être distingués, en fonction de la nature du processus d'innovation dans un secteur d'activité donné.

120.

Dans le premier scénario, applicable par exemple à l’industrie pharmaceutique, le processus d’innovation est structuré de telle manière qu'il est possible de déterminer très tôt des pôles de R&D concurrents. Ces pôles de R&D concurrents sont les travaux de R&D axés sur un nouveau produit ou une nouvelle technologie, ainsi que les travaux de R&D de substitution, c'est-à-dire la R&D visant à mettre au point des produits ou des technologies substituables à ceux qui font l'objet de la coopération considérée et suivant un calendrier similaire. Dans ce cas, l’analyse peut porter sur le fait de savoir s’il restera suffisamment de pôles de R&D après l’accord. Le point de départ de l’analyse est l’effort de R&D consenti par les parties. Il faut ensuite définir des pôles de R&D concurrents et crédibles. Pour mesurer la crédibilité de pôles concurrents, les aspects suivants doivent être pris en considération: la nature, la portée et l’importance d’autres efforts de R&D éventuels, leur accès aux ressources financières et humaines, au savoir-faire et aux brevets, ou à d’autres actifs spécifiques, leur calendrier et leur capacité d’exploiter les résultats éventuels. Un pôle de R&D n’est pas un concurrent crédible s’il ne peut être considéré comme une activité de substitution proche de l'effort de R&D des parties sous l’angle, par exemple, de l’accès aux ressources ou du calendrier.

121.

Outre l'incidence directe qu'elle peut avoir sur l'innovation proprement dite, la coopération peut également affecter un nouveau marché de produits. Il sera souvent difficile d'analyser directement ces effets sur un tel marché, puisque celui-ci, par définition, n'existe pas encore. L'analyse de ces marchés sera, dès lors, souvent intégrée implicitement dans l'analyse de la concurrence en matière d'innovation. Toutefois, il peut s'avérer nécessaire de considérer directement les répercussions, sur un tel marché, d'aspects de l'accord allant au-delà du stade de la R&D. Un accord de R&D incluant la production et la commercialisation conjointes sur le nouveau marché de produits peut, par exemple, être apprécié différemment d'un accord pur de R&D.

122.

Dans le second scénario, les efforts d’innovation dans un secteur ne sont pas structurés de manière suffisamment claire pour permettre la définition de pôles de R&D. Devant un tel scénario, en l’absence de circonstances exceptionnelles, la Commission ne chercherait pas à évaluer les effets sur l’innovation d’une coopération donnée en matière de R&D, mais limiterait son appréciation aux marchés de produits et/ou de technologies existants qui ont un rapport avec la coopération en matière de R&D en question.

Calcul des parts de marché

123.

Le calcul des parts de marché, que ce soit aux fins du règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D ou des présentes lignes directrices, doit refléter la distinction entre les marchés existants et la concurrence dans le domaine de l'innovation. Au début d'une coopération en matière de R&D, le point de référence est le marché existant des produits susceptibles d'être améliorés, substitués ou remplacés par les produits en développement. Si l'accord de R&D ne vise qu'à améliorer ou à perfectionner des produits existants, ce marché couvre les produits directement concernés par la R&D. Les parts de marché peuvent donc être calculées sur la base de la valeur des ventes des produits existants.

124.

Si la R&D visent à remplacer un produit existant, le nouveau produit pourra, en cas de succès, se substituer aux produits existants. Pour apprécier la position concurrentielle des parties, on peut, dans ce cas également, calculer les parts de marché sur la base de la valeur des ventes des produits existants. En conséquence, le règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D base l'exemption de ce type d'accords sur la part «du marché en cause des produits susceptibles d'être améliorés, substitués ou remplacés par les produits contractuels» (81). Pour entrer dans le champ d'application du règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D, cette part de marché ne peut excéder 25 % (82).

125.

Dans le cas des marchés de technologies, une façon de procéder consiste à calculer les parts de marché sur la base de la part de chaque technologie dans les redevances totales provenant de concessions de licences, qui représente la part d'une technologie sur un marché où différentes technologies concurrentes sont concédées sous licence. Cette façon de procéder peut toutefois se révéler purement théorique et très peu pratique, en raison de l'absence d'informations claires sur les redevances, du recours à des licences croisées exemptes de redevance, etc. Une autre approche consiste à calculer les parts détenues sur le marché de technologies sur la base des ventes de produits ou de services comportant la technologie concédée sous licence sur les marchés de produits situés en aval. Avec cette approche, toutes les ventes sur le marché de produits en cause sont prises en considération, que le produit comporte ou non une technologie concédée sous licence (83). Pour ce marché également, la part ne peut excéder 25 % (quelle que soit la méthode de calcul utilisée) pour que le règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D puisse s'appliquer.

126.

Si la R&D visent à mettre au point un produit qui créera une demande entièrement nouvelle, il est impossible de calculer les parts de marché sur la base des ventes. On peut seulement analyser les effets de l'accord sur la concurrence dans le domaine de l'innovation. En conséquence, le règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D considère ces accords comme des accords entre non-concurrents et les exempte indépendamment de la part de marché pendant toute la durée de la R&D conjointe et une période supplémentaire de sept ans à compter de la date de première mise sur le marché du produit (84). Toutefois, le bénéfice de l'exemption par catégorie peut être retiré si l'accord a éliminé une concurrence effective dans le domaine de l'innovation (85). Au terme de la période de sept ans, les parts de marché peuvent être calculées sur la base de la valeur des ventes, et le seuil de part de marché de 25 % devient applicable (86).

3.3.   Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 1

3.3.1.   Principaux problèmes de concurrence

127.

La coopération en matière de R&D peut restreindre la concurrence de diverses manières. Premièrement, elle peut réduire ou freiner l'innovation, ce qui aboutit à la mise sur le marché, plus tardive, de produits moins nombreux ou de qualité moindre par rapport à ce qui aurait été le cas en l'absence de coopération. Deuxièmement, sur les marchés de produits ou de technologies, la coopération en matière de R&D peut réduire sensiblement la concurrence entre les parties en dehors du cadre de l'accord ou est susceptible de favoriser la coordination anticoncurrentielle sur ces marchés, débouchant de la sorte sur des prix plus élevés. Les problèmes de verrouillage ne peuvent se poser que dans le cadre d'une coopération à laquelle participe au moins une entreprise ayant un pouvoir de marché important (sans que cela ne corresponde nécessairement à une position dominante pour une technologie clé et qui implique l'exploitation exclusive des résultats.

3.3.2.   Restrictions de concurrence par objet

128.

Les accords de R&D restreignent la concurrence par objet lorsqu'ils ne portent pas vraiment sur des activités conjointes de R&D mais qu'ils sont utilisés pour s'engager dans une entente déguisée, c'est-à-dire à des pratiques interdites telles que la fixation des prix, la limitation de la production ou la répartition des marchés. Cependant, un accord de R&D qui inclurait l'exploitation en commun des éventuels résultats à venir ne serait pas nécessairement restrictif pour la concurrence.

3.3.3.   Effets restrictifs sur la concurrence

129.

La plupart des accords de R&D ne relèvent pas de l'article 101, paragraphe 1. Cela est vrai, tout d'abord, pour de nombreux accords prévoyant une coopération en matière de R&D à un stade assez précoce, très éloigné de l'exploitation des résultats éventuels.

130.

En outre, la coopération en matière de R&D entre des entreprises non concurrentes n'aboutit généralement pas à des effets restrictifs sur la concurrence (87). Les relations de concurrence entre les parties doivent être analysées dans le contexte des marchés existants affectés et/ou de l'innovation. Si, sur la base d'éléments objectifs, les parties ne sont pas en mesure d'effectuer indépendamment les travaux de R&D nécessaires, par exemple en raison de leurs capacités techniques limitées, l'accord de R&D n'aura normalement aucun effet restrictif sur la concurrence. Ce peut être le cas, par exemple, lorsque des entreprises mettent en commun des compétences, des techniques et d'autres ressources complémentaires. La question de la concurrence potentielle doit être examinée en faisant preuve de réalisme. Ainsi, les parties ne sauraient être qualifiées de concurrents potentiels simplement parce que la coopération leur permet de mener ces activités de R&D. La question déterminante est de savoir si chaque partie dispose indépendamment des moyens nécessaires en termes d'actifs, de savoir-faire ou d'autres ressources.

131.

L'externalisation d'activités de R&D précédemment menées en interne est une forme particulière de coopération en la matière. Dans un tel scénario, la R&D sont souvent le fait d'entreprises spécialisées, d'instituts de recherche ou de centres universitaires qui ne participent pas à l'exploitation des résultats issus de ces travaux. Il s'agit généralement d'accords assortis d'un transfert de savoir-faire et/ou d'une clause de mise à disposition exclusive des résultats éventuels, qui, étant donné la complémentarité des participants à la coopération dans un tel scénario, ne restreignent pas la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1.

132.

Une coopération en matière de R&D qui ne s'étend pas à l'exploitation commune des résultats éventuels par le biais de la concession de licences, de la production ou de la commercialisation, conduit rarement à des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Ces accords purs de R&D ne peuvent créer un problème sous l'angle de la concurrence que dans les cas où la concurrence en ce qui concerne l'innovation est sensiblement réduite et qu'il ne reste qu'un nombre limité de pôles de R&D concurrents et crédibles.

133.

Les accords en matière de R&D ne sont susceptibles de restreindre la concurrence que lorsque les parties qui coopèrent disposent d'un pouvoir de marché sur les marchés existants et/ou que la concurrence en ce qui concerne l'innovation est sensiblement réduite.

134.

Il n'existe pas de seuil absolu au-delà duquel on peut présumer qu'un accord en matière de R&D crée ou entretient un pouvoir de marché et est donc susceptible de restreindre la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Toutefois, les accords de R&D entre concurrents sont bénéficient de l'exemption par catégorie pour autant que la part de marché cumulée des parties n'excède pas 25 % et que les autres conditions d'application du règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D soient remplies.

135.

Les accords qui, parce que la part de marché cumulée des parties excède 25 %, ne sont pas couverts par le règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D ne restreignent pas nécessairement la concurrence. Cependant, plus la position combinée des parties sur les marchés existants est forte, ou plus la concurrence dans le domaine de l'innovation est restreinte, plus les risques sont élevés que l'accord de R&D ait des effets restrictifs sur la concurrence (88).

136.

Si la R&D sont destiné à améliorer ou à perfectionner des produits ou des technologies existants, les effets qui pourraient en découler concernent le ou les marchés en cause pour ces produits ou technologies existants. Des effets sur les prix, la production, la qualité du produit, la diversité des produits et/ou l'innovation sur les marchés existants ne sont toutefois probables que si les parties détiennent ensemble une position de force, si l'entrée sur ces marchés est difficile et si peu d'autres activités d'innovation sont identifiables. En outre, si les travaux de R&D ne portent que sur un produit intermédiaire relativement secondaire, entrant dans la composition d'un produit final, les effets sur la concurrence pour ce produit final seront, à supposer qu'il y en ait, très limités.

137.

En règle générale, une distinction doit être établie entre les accords purs de R&D et des accords prévoyant une coopération plus large qui s'étendrait à différents stades de l'exploitation des résultats (c'est-à-dire l'octroi de licences, la production et la commercialisation). Ainsi qu'il est énoncé au point 132, les accords purs de R&D ne déboucheront que rarement sur des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Cela vaut tout particulièrement pour les travaux de R&D visant à une amélioration limitée de produits ou de technologies existants. Si, dans un tel scénario, la coopération en matière de R&D englobe une exploitation conjointe limitée à la concession de licences à des tiers, des effets restrictifs comme le verrouillage du marché sont peu probables. En revanche, si la coopération s'étend à la production et/ou à la commercialisation en commun des produits ou des technologies auxquels ces légères améliorations seront apportées, ses effets sur la concurrence doivent faire l'objet d'un examen plus attentif. Les restrictions de la concurrence sous la forme d'une hausse des prix ou d'une diminution de la production sur les marchés existants sont plus probables si la coopération associe de gros concurrents.

138.

Si les activités de R&D sont consacrées à la mise au point d'un produit (ou d'une technologie) tout à fait nouveau qui créera son propre marché, les effets sur les prix et la production sur les marchés existants sont relativement improbables. L'analyse doit se concentrer sur les restrictions pouvant affecter l'innovation et concernant, par exemple, la qualité et la diversité des futurs produits ou technologies potentiels ou encore le rythme de l'innovation. Ces effets restrictifs peuvent se produire lorsque deux ou plusieurs des quelques entreprises qui développent ce nouveau produit commencent à coopérer à un stade où chacune d'elles est, indépendamment, sur le point de lancer ce produit. De tels effets sont généralement le résultat direct de l'accord entre les parties. L'innovation peut être restreinte même par un accord pur de R&D. En général toutefois, la coopération en matière de R&D consacrée à des produits tout à fait nouveaux est peu susceptible de restreindre la concurrence, sauf s'il n'existe qu'un nombre limité d'autres pôles de R&D crédibles. Ce principe reste valable, dans une large mesure, si la coopération s'étend à l'exploitation en commun des résultats, voire à la commercialisation conjointe. Dans ces situations, l'exploitation en commun ne restreint la concurrence que si des entreprises se voient de ce fait interdire l'accès à des technologies clés. Ce genre de problème ne risque toutefois pas d'apparaître si les parties accordent à des tiers des licences qui leur permettent de rivaliser efficacement.

139.

De nombreux accords de R&D se situent plus ou moins à mi-chemin entre les deux situations extrêmes décrites aux points 137 et 138. Ils peuvent donc produire des effets sur l'innovation et avoir des répercussions sur les marchés existants. Il peut dès lors être utile d'étudier à la fois le marché existant et l'incidence sur l'innovation pour évaluer les positions cumulées des parties, le degré de concentration des marchés, le nombre d'entreprises ou d'entreprises qui innovent, et les conditions d'entrée sur les marchés. Dans certains cas, les accords peuvent avoir des effets restrictifs sur la concurrence, sous la forme d'une hausse des prix ou d'une diminution de la production, de la qualité ou de la diversité des produits ou de l'innovation sur les marchés existants et sous la forme d'une incidence négative sur l'innovation, par un ralentissement du développement. Par exemple, si d'importants concurrents sur un marché de technologies existant coopèrent afin de mettre au point une nouvelle technologie susceptible de remplacer, à terme, des produits existants, cette coopération peut ralentir le développement de la nouvelle technologie si les parties ont un pouvoir de marché important sur le marché existant et si elles sont aussi en position de force dans le domaine de la R&D. Des effets similaires sont possibles si la principale entreprise d'un marché existant coopère avec un concurrent beaucoup plus petit, voire avec un concurrent potentiel qui est sur le point de faire son apparition sur le marché avec un nouveau produit ou une nouvelle technique pouvant menacer la position de l'entreprise en place.

140.

Certains accords peuvent également ne pas bénéficier du règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D quel que soit le pouvoir de marché des parties. Tel est par exemple le cas des accords qui restreignent outre mesure l'accès d'une partie aux résultats de la coopération en matière de R&D (89). Le règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D prévoit une exception à cette règle générale pour ce qui est des centres universitaires, des instituts de recherche ou des sociétés spécialisées qui fournissent des services de R&D et ne participent pas à l'exploitation industrielle des résultats de la R&D (90). Toutefois, les accords qui ne relèvent pas du règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D et qui prévoient des droits d'accès exclusifs à des fins d'exploitation peuvent, lorsqu'ils relèvent de l'article 101, paragraphe 1, remplir les critères visés à l'article 101 paragraphe 3, en particulier lorsque ces droits d'accès exclusifs sont économiquement indispensables étant donné le marché, les risques et les lourds investissements nécessaires pour exploiter les résultats de la R&D.

3.4.   Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 3

3.4.1.   Gains d'efficacité

141.

De nombreux accords de recherche et de développement, qu'ils prévoient ou non l'exploitation en commun des résultats éventuels, produisent des gains d'efficacité du fait de la mise en commun de compétences et d'actifs complémentaires, ce qui permet d'accélérer la mise au point et la commercialisation de produits ou de technologies nouveaux ou améliorés. Les accords de R&D peuvent aussi déboucher sur une diffusion plus vaste des connaissances, ce qui peut également stimuler l'innovation. Les accords de R&D peuvent aussi aboutir à des réductions de coûts.

3.4.2.   Caractère indispensable

142.

Les restrictions qui vont au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser les gains d'efficacité générés par un accord de R&D ne remplissent pas les critères visés à l'article 101, paragraphe 3. En particulier, les restrictions énumérées à l'article 5 du règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D peuvent rendre moins probable la constatation, lors d'une appréciation individuelle, du fait que les critères visés à l'article 101, paragraphe 3, sont remplis. Les parties à un accord de R&D devront donc généralement démontrer que ces restrictions sont indispensables à la coopération.

3.4.3.   Répercussion sur les consommateurs

143.

Les gains d'efficacité réalisés au moyen de restrictions indispensables doivent être répercutés sur les consommateurs de manière à compenser les effets restrictifs sur la concurrence causés par l'accord de R&D. Par exemple, la mise sur le marché de produits nouveaux ou plus performants doit compenser des hausses de prix éventuelles ou d'autres effets restrictifs en termes de concurrence. En règle générale, il est plus probable qu'un accord de R&D apporte des gains d'efficacité profitables aux consommateurs si cet accord résulte de la mise en commun de compétences et d'actifs complémentaires. Les parties à un accord peuvent, par exemple, être dotées de capacités de recherche différentes. Si, en revanche, les compétences et les actifs des parties sont très similaires, l'accord de R&D pourrait avoir pour principal effet d'éliminer une partie ou l'ensemble des activités de R&D d'une ou de plusieurs des parties. Les coûts (fixes) des parties à l'accord s'en trouveraient éliminés, mais les avantages en découlant ne seraient vraisemblablement pas répercutés sur les consommateurs. En outre, plus le pouvoir de marché des parties est élevé, moins il est probable que celles-ci répercuteront les gains d'efficacité sur les consommateurs dans une mesure qui compenserait les effets restrictifs sur la concurrence.

3.4.4.   Absence d'élimination de la concurrence

144.

Les critères visés à l'article 101, paragraphe 3, ne peuvent être remplis si la possibilité est donnée aux parties d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits (ou des technologies) en cause.

3.4.5.   Date à laquelle l'appréciation a lieu

145.

Les accords restrictifs sont évalués au regard de l'article 101, paragraphe 3, dans le cadre réel où ils se produisent et sur la base des faits existant à un moment donné. L'appréciation tient compte des modifications importantes des faits. La règle d'exemption de l'article 101, paragraphe 3, s'applique tant que les quatre conditions de l'article 101, paragraphe 3 sont remplies, mais cesse de s'appliquer dès que ce n'est plus le cas. Lorsque l'on applique l'article 101, paragraphe 3, conformément à ces principes, il est nécessaire de tenir compte des investissements initiaux à fonds perdus faits par l'une ou l'autre des parties ainsi que des délais ou des contraintes nécessaires à la réalisation et à la rentabilisation d'un investissement destiné à accroître l'efficacité d'une entreprise. Il n'est pas possible d'appliquer l'article 101 en faisant abstraction de ces investissements ex ante. Les risques auxquels les parties sont confrontées et les investissements à fonds perdus qui doivent être consentis pour mettre l'accord en œuvre peuvent donc avoir pour conséquence que celui-ci ne relève pas de l'article 101, paragraphe 1, ou remplit les conditions énoncées à l'article 101, paragraphe 3, selon le cas, pendant la période nécessaire à la rentabilisation de l'investissement. Si l'invention issue de l'investissement bénéficie d'une forme d'exclusivité accordée aux parties en vertu de règles propres à la protection des droits de propriété intellectuelle, il est généralement peu probable que la période nécessaire à la rentabilisation de l'investissement excède la période d'exclusivité fixée par ces règles.

146.

Il arrive que l'accord restrictif soit un événement irréversible. Une fois cet accord mis en œuvre, il n'est plus possible de rétablir la situation antérieure. Dans de tels cas, l'appréciation doit être faite exclusivement sur la base des faits de l'époque de la mise en œuvre. Par exemple, dans le cas d'un accord de R&D par lequel chacune des parties convient d'abandonner son projet de recherche personnel et de mettre ses capacités en commun avec celles d'une autre partie, il peut se révéler techniquement et économiquement impossible, d'un point de vue objectif, de remettre en route un projet qui a été abandonné. Dès lors, l'appréciation des effets anticoncurrentiels et favorables à la concurrence de l'accord relatif à l'abandon des projets de recherche individuels doit se faire à la date d'achèvement de sa mise en œuvre. Si, à ce moment-là, l'accord est compatible avec l'article 101, par exemple parce qu'un nombre suffisant de tiers ont des projets de R&D concurrents, l'accord des parties consistant à abandonner leurs projets personnels reste compatible avec l'article 101, même si les projets des tiers échouent à une date ultérieure. L'interdiction énoncée à l'article 101 peut toutefois s'appliquer à d'autres parties de l'accord pour lesquelles la question de l'irréversibilité ne se pose pas. Si l'accord prévoit, par exemple, une exploitation conjointe en plus d'une activité de R&D conjointe, l'article 101 peut s'appliquer à cette partie de l'accord si, à la suite de l'évolution du marché, l'accord donne naissance à des effets restrictifs sur la concurrence et ne remplit pas (plus) les conditions énoncées à l'article 101, paragraphe 3, les investissements à fonds perdus ex ante ayant été dûment pris en considération.

3.5.   Exemples

147.

Incidence d'activités conjointes de R&D sur les marchés de l'innovation/le marché d'un nouveau produit

Exemple 1

Situation: A et B sont les deux principales entreprises sur le marché couvrant toute l'Union de la fabrication de composants électroniques existants. Elles disposent chacune d’une part de marché de 30 %. Elles ont chacune réalisé de lourds investissements dans les activités de R&D nécessaires à la mise au point de composants électroniques miniaturisés et ont développé de premiers prototypes. Elles conviennent maintenant de mettre en commun leurs efforts de R&D en créant une entreprise commune qui achèvera les travaux de R&D et produira les composants pour les revendre ensuite à ses sociétés mères, qui les commercialiseront séparément. Les autres acteurs du marché sont de petites entreprises qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour engager les investissements nécessaires.

Analyse: Les composants électroniques miniaturisés, quoique susceptibles de faire concurrence aux composants existants dans certains domaines, constituent essentiellement une nouvelle technique, de sorte qu'il faut analyser les pôles de recherche consacrés à ce marché futur. Si l'entreprise commune va jusqu'au bout de sa mission, il n'y aura plus qu'une seule voie d'accès aux techniques de fabrication nécessaires, alors qu'il semble probable que les entreprises A et B seraient à même d'entrer sur ce marché séparément avec leur propre produit. L'accord réduit donc la diversité des produits. La production en commun est également susceptible de limiter directement la concurrence entre les parties aux accords et de les inciter à s'entendre sur les niveaux de production, la qualité ou d'autres paramètres importants en termes de concurrence, ce qui restreindrait la concurrence, même si les parties commercialisent indépendamment les produits. Les parties pourraient, par exemple, limiter la production de l'entreprise commune par rapport à ce qu'elles auraient mis sur le marché si chacune d'elles avait décidé librement de sa production. L'entreprise commune pourrait aussi appliquer un prix de transfert élevé aux parties, augmentant ainsi les coûts des intrants pour les parties, ce qui pourrait entraîner une augmentation des prix en aval. Les parties détiennent une part de marché cumulée importante sur le marché en aval existant et le reste du marché est fragmenté. Cette situation est susceptible de s'accentuer encore sur le nouveau marché de produits en aval, car les concurrents plus petits ne peuvent pas investir dans les nouveaux composants. Il est donc très probable que la production conjointe restreindra la concurrence. En outre, le marché des composants électroniques miniaturisés est susceptible d'évoluer à l'avenir vers une situation de duopole, avec un partage des coûts atteignant une proportion importante et des échanges possibles d'informations commerciales sensibles entre les parties. De ce fait, il existe aussi un risque important de coordination anticoncurrentielle aboutissant à une collusion sur ce marché. L'accord de R&D est dès lors susceptible de produire des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Bien qu'il puisse conduire à des gains d'efficacité, en permettant l'introduction plus rapide d'une nouvelle technologie, les activités de R&D des parties ne connaîtraient cependant aucune concurrence, ce qui pourrait sérieusement limiter l'intérêt des parties à mettre au point rapidement cette nouvelle technologie. Bien que certains de ces problèmes puissent être résolus si les parties s'engagent à concéder sous licence à des tiers et à des conditions raisonnables leur savoir-faire déterminant pour la fabrication des composants miniaturisés, il semble peu probable que cela permettrait de régler la totalité des problèmes posés et de remplir les conditions visées à l'article 101, paragraphe 3.

Exemple 2

Situation: Une petite entreprise de recherche, l'entreprise A, qui ne dispose d'aucune organisation commerciale propre, a découvert et fait breveter une substance pharmaceutique qui repose sur une nouvelle technologie appelée à révolutionner le traitement d'une certaine maladie. L'entreprise A conclut un accord de R&D avec une importante société pharmaceutique, l'entreprise B, fabriquant des produits qui servaient jusqu'ici à soigner la maladie en question. L'entreprise B manque de compétences équivalentes, ne mène aucun programme de R&D similaire et ne serait pas en mesure d'acquérir les compétences adéquates dans un délai approprié. Sur le marché des produits existants, l'entreprise B dispose d'une part de marché voisine de 75 % dans tous les États membres, mais les brevets dont elle est titulaire arriveront à expiration au cours des cinq prochaines années. Il existe deux autres pôles de recherche avec d'autres entreprises qui en sont à peu près au même stade de développement et utilisent les mêmes nouvelles technologies de base. L'entreprise B apportera des ressources financières et un savoir-faire considérables pour la mise au point du produit et assurera l'accès futur au marché. Une licence lui est concédée pour la production et la distribution exclusives du produit issu des recherches, et ce, pendant toute la durée de validité du brevet. Il est attendu que le produit puisse être mis sur le marché d'ici cinq à sept ans.

Analyse: Le produit appartient vraisemblablement à un nouveau marché de produits en cause. Les parties apportent des ressources et des compétences complémentaires dans le cadre de leur coopération et les probabilités de mise sur le marché du produit augmentent considérablement. Même si l'entreprise B est susceptible d'être très puissante sur le marché existant, cette puissance de marché ne tardera pas à diminuer. L'accord ne conduira pas à un recul des efforts de R&D de la part de l'entreprise B, car celle-ci ne dispose d'aucune compétence dans ce domaine de recherche, et l'existence d'autres pôles de recherche a des chances de prévenir toute tentation de sa part de réduire les efforts de recherche et de développement. Il est probable que les droits d'exploitation seront nécessaires à l'entreprise B pendant la période de validité du brevet restant à courir, afin de réaliser les lourds investissements nécessaires et l'entreprise A n'a pas de ressources propres pour la commercialisation. En conséquence, il est peu probable que l'accord de produise des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Et même si c'était le cas, il est probable que les conditions de l'article 101, paragraphe 3, seraient remplies.

148.

Risque de verrouillage

Exemple 3

Situation: Une petite entreprise de recherche (l'entreprise A), qui ne dispose d'aucune organisation commerciale propre, a découvert une nouvelle technologie pour laquelle elle a obtenu un brevet, qui est appelée à révolutionner le marché d'un produit déterminé pour lequel un producteur (l'entreprise B) détient un monopole mondial du fait de l'incapacité de ses rivaux à concurrencer sa technologie actuelle. Il existe deux autres pôles de recherche avec d'autres entreprises qui en sont à peu près au même stade de développement et utilisent les mêmes nouvelles technologies de base. L'entreprise B apportera des ressources financières et un savoir-faire considérables pour la mise au point du produit et assurera l'accès futur au marché. Elle s'est vu accorder une licence exclusive pour l'utilisation de la technologie en question pour toute la durée de validité du brevet et s'engage à ne financer que la mise au point de la technologie de l'entreprise A.

Analyse: Le produit appartient vraisemblablement à un nouveau marché de produits en cause. Les parties apportent des ressources et des compétences complémentaires dans le cadre de leur coopération et les probabilités de mise sur le marché du produit augmentent considérablement. Toutefois, le fait que l'entreprise B s'engage à utiliser la nouvelle technologie de l'entreprise A est susceptible d'inciter les deux pôles de recherche concurrents à renoncer à leurs projets étant donné qu'ils pourraient avoir des difficultés à obtenir un financement continu après avoir perdu le client potentiel le plus probable pour leur technologie. Dans une telle situation, aucun concurrent potentiel ne serait à même de remettre en cause la position monopolistique de B à l'avenir. L'effet de verrouillage découlant de l'accord serait alors susceptible d'être considéré comme produisant des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Pour pouvoir bénéficier de l'application de l'article 101, paragraphe 3, les parties devraient démontrer que l'exclusivité accordée serait indispensable pour lancer la nouvelle technologie sur le marché.

Exemple 4

Situation: L'entreprise A dispose d'un certain pouvoir de marché sur le marché dont fait partie son médicament «vedette». Une petite entreprise (l'entreprise B) exerçant des activités de R&D dans le domaine pharmaceutique et produisant des principes pharmaceutiques actifs a découvert un nouveau procédé, pour lequel elle a introduit une demande de brevet, qui permet de fabriquer le principe pharmaceutique actif du produit vedette de l'entreprise A de façon plus économique, procédé dont elle poursuit le développement en vue d'une production industrielle. Le brevet portant sur le principe pharmaceutique actif du produit vedette expire dans un peu moins de trois ans, période à l'issue de laquelle il restera plusieurs brevets de procédé concernant ce médicament. L'entreprise B considère que le nouveau procédé qu'elle a mis au point ne constituerait pas une violation des brevets de procédé existants de l'entreprise A et permettrait de produire une version générique du produit vedette une fois que le brevet relatif au principe pharmaceutique actif aura expiré. L'entreprise B pourrait soit produire le produit elle-même soit accorder une licence pour ce procédé à des parties tierces intéressées, par exemple des fabricants de produits génériques, ou à l'entreprise A. Avant de mettre un terme à ses activités de R&D dans ce domaine, l'entreprise B conclut un accord avec l'entreprise A prévoyant que cette dernière contribuera financièrement au projet de R&D de l'entreprise B à condition d'acquérir une licence exclusive portant sur tous les brevets de l'entreprise B liés à ce projet de R&D. Il existe deux autres pôles de recherche indépendants cherchant à mettre au point un procédé de fabrication du produit vedette n'impliquant aucune violation des brevets existants, mais il n'est pas certain qu'ils atteignent la production industrielle.

Analyse: Le procédé couvert par la demande de brevet de l'entreprise B ne permet pas la fabrication d'un produit nouveau. Il améliore simplement un procédé de fabrication existant. L'entreprise A dispose d'un certain pouvoir de marché sur le marché existant dont fait partie son médicament vedette. Bien que ce pouvoir de marché diminuerait sensiblement avec l'arrivée effective sur le marché de concurrents fabriquant des produits génériques, la licence exclusive rend le procédé mis au point par l'entreprise B indisponible pour des tiers; elle est donc susceptible de retarder l'arrivée de produits génériques (en particulier parce que le produit est toujours protégé par plusieurs brevets de procédé) et, partant, restreint la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Les entreprises A et B étant des concurrents potentiels, le règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D ne s'applique pas, étant donné que la part que détient l'entreprise A sur le marché dont fait partie le médicament vedette est supérieur à 25 %. Les économies de coûts que réalise l'entreprise A grâce au nouveau procédé de fabrication ne suffisent pas à compenser la restriction de la concurrence. En tout état de cause, une licence exclusive n'est pas indispensable pour réaliser les économies en question en ce qui concerne le procédé de fabrication. En conséquence, il est peu probable que l'accord remplisse les conditions de l'article 101, paragraphe 3.

149.

Impact de la coopération en matière de R&D sur les marchés de produits et de technologies dynamiques et sur l'environnement

Exemple 5

Situation: Deux sociétés d’ingénierie qui produisent des composants automobiles conviennent de créer une entreprise commune afin d’unir leurs efforts en matière de R&D, de manière à améliorer la production et les performances d’un composant existant. La production de ce composant aurait également un effet positif sur l'environnement. Les véhicules consommeraient moins de carburant et émettraient donc moins de CO2. Les sociétés mettent en commun leurs activités existantes de concession sous licence de technologies dans ce domaine, mais continueront à fabriquer et à vendre les composants séparément. Elles détiennent des parts de respectivement 15 % et 20 % du marché des fabricants de pièces d'origine au sein de l'Union. Deux autres grands concurrents sont également présents, ainsi que plusieurs programmes de recherche internes menés par de grands constructeurs automobiles qui mènent. Sur le marché mondial des concessions de technologies sous licence pour la fabrication de ces produits, les parties détiennent des parts de marché, en termes de recettes générées, de 20 % et 25 %. Il existe en outre deux autres grandes technologies. Le cycle de vie du composant est normalement de deux à trois ans. Au cours des cinq dernières années, une nouvelle version ou une version améliorée a été lancée chaque année sur le marché par l'une ou l'autre des grandes entreprises du secteur.

Analyse: Puisqu'aucune des deux sociétés d’ingénierie ne cherche à développer un produit tout à fait nouveau, les marchés à prendre en considération sont celui des composants existants et celui de la concession des technologies correspondantes sous licence. La part de marché cumulée des parties tant sur le marché des fabricants de pièces d'origine (35 %) que, en particulier, sur celui des technologies (45 %), est assez élevée. Les parties continueront toutefois à fabriquer et à vendre les composants séparément. En outre, il existe différentes technologies concurrentes qui sont régulièrement améliorées. Par ailleurs, les constructeurs automobiles, qui ne concèdent pas, à l'heure actuelle, de licences sur leurs technologies, constituent aussi de nouveaux concurrents potentiels sur le marché des technologies, ce qui limite la capacité des parties d'augmenter avantageusement les prix. Dans la mesure où l'entreprise commune a des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, il est probable qu'elle remplisse les critères visés à l'article 101, paragraphe 3. Aux fins de l'appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 3, il serait nécessaire de tenir compte du fait que les consommateurs tireront profit d'une consommation de carburant réduite.

4.   ACCORDS DE PRODUCTION

4.1.   Définition et portée

150.

Les accords de production varient tant dans leur forme que dans leur champ d’application. Ils peuvent prévoir que la production est assurée soit par une seule partie, soit par deux ou plusieurs parties. Les entreprises peuvent produire conjointement par l'entremise d'une entreprise commune, c'est-à-dire une entreprise contrôlée conjointement exploitant une ou plusieurs installations de production, ou au travers d'une forme de coopération en matière de production plus souple telle que des accords de sous-traitance, en vertu desquels une partie (le «donneur d'ordre») charge une autre partie (le «sous-traitant») de fabriquer un produit donné.

151.

Il existe différents types d'accords de sous-traitance. Les accords de sous-traitance horizontaux sont conclus entre des entreprises opérant sur le même marché de produits, qu'elles soient des concurrents existants ou potentiels. Les accords de sous-traitance verticaux sont conclus entre des entreprises exerçant des activités à différents niveaux du marché.

152.

Les accords de sous-traitance horizontaux comprennent des accords de spécialisation unilatérale et réciproque ainsi que des accords de sous-traitance visant à accroître la production. Les accords de spécialisation unilatérale sont des accords conclus entre deux parties présentes sur le ou les mêmes marchés de produits, en vertu desquels l'une des parties accepte de cesser complètement ou partiellement la fabrication de certains produits ou de s'abstenir de fabriquer ces produits et s'engage à les acheter à l'autre partie, qui accepte de les produire et de les lui fournir. Les accords de spécialisation réciproque sont des accords conclus entre deux ou plusieurs parties, présentes sur le ou les mêmes marchés de produits, en vertu desquels deux ou plusieurs parties acceptent, sur une base réciproque, de cesser complètement ou partiellement ou de s'abstenir de fabriquer certains produits, qui ne sont pas les mêmes, et de les acheter aux autres parties, lesquelles s'engagent à fabriquer et à leur fournir ces produits. Dans le cas des accords de sous-traitance visant à accroître la production, le donneur d'ordre charge le sous-traitant de fabriquer un produit donné, sans pour autant cesser ou limiter sa propre fabrication du produit concerné.

153.

Les présentes lignes directrices s'appliquent à toutes les formes d'accords de production conjointe et d'accords de sous-traitance horizontaux. Les accords de production conjointe ainsi que les accords de spécialisation unilatérale et réciproque peuvent bénéficier, sous certaines conditions, de l'application du règlement d'exemption par catégorie en faveur de la spécialisation.

154.

Les accords de sous-traitance verticaux ne sont pas couverts par les présentes lignes directrices. Ils relèvent du champ d'application des lignes directrices sur les restrictions verticales et peuvent bénéficier, sous certaines conditions, de l'application du règlement d'exemption par catégorie concernant les restrictions verticales. En outre, ils peuvent être couverts par la communication de la Commission du 18 décembre 1978 concernant l'appréciation des contrats de sous-traitance au regard des dispositions de l’article 85, paragraphe 1, du traité CEE («communication sur la sous-traitance») (91).

4.2.   Marchés en cause

155.

Pour pouvoir évaluer les relations de concurrence entre les parties à la coopération, il faut d'abord définir le ou les marchés en cause directement concernés par la coopération en matière de production, c'est-à-dire les marchés auxquels appartiennent les produits fabriqués dans le cadre de l’accord de production.

156.

Un accord de production peut aussi avoir des effets secondaires sur les marchés voisins du marché directement concerné par la coopération, par exemple en amont ou en aval de l'accord (qu'on appelle les «marchés secondaires») (92). Les marchés secondaires sont susceptibles d'être des marchés en cause si les marchés sont interdépendants et que les parties se trouvent dans une position de force sur le marché secondaire.

4.3.   Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 1

4.3.1.   Principaux problèmes de concurrence

157.

Les accords de production peuvent déboucher sur une limitation directe de la concurrence entre les parties. Ces accords, et plus particulièrement les entreprises communes de production, peuvent conduire les parties à aligner directement les niveaux de production et la qualité des produits, le prix auquel l'entreprise commune vend ses produits ou d'autres paramètres importants en termes de concurrence. Il peut en résulter une restriction de la concurrence, même si les parties commercialisent indépendamment les produits.

158.

Les accords de production peuvent aussi entraîner la coordination du comportement concurrentiel des parties en tant que fournisseurs, ce qui déboucherait sur une augmentation des prix ou une réduction de la production, de la qualité ou de la diversité des produits ou de l'innovation, soit, en d'autres termes, sur une collusion. Tel pourra être le cas si les parties possèdent un pouvoir de marché et que les marchés présentent des caractéristiques propices à une telle coordination, en particulier lorsque l'accord de production accroît la mise en commun des coûts des parties (c'est-à-dire la proportion des coûts variables que les parties ont en commun) dans une mesure qui leur permette de parvenir à une collusion, ou si l'accord comprend un échange d'informations commerciales sensibles pouvant déboucher sur une collusion.

159.

Les accords de production peuvent en outre déboucher sur l'éviction anticoncurrentielle de tiers d'un marché lié (le marché en aval dépendant des produits intermédiaires qui proviennent du marché couvert par l'accord de production, par exemple). En acquérant, par exemple, un pouvoir de marché suffisant, les parties engagées dans la production conjointe sur un marché en amont peuvent être à même d'augmenter le prix d'un composant essentiel pour un marché situé en aval. Elles pourraient ainsi utiliser la production en commun pour augmenter les coûts de leurs concurrents en aval et, en fin de compte, les forcer à quitter le marché. Le pouvoir de marché des parties sur le marché en aval s'en trouverait à son tour accru, ce qui leur permettrait de maintenir les prix au-dessus du niveau d'équilibre concurrentiel ou de porter autrement préjudice aux consommateurs. De tels problèmes de concurrence sont susceptibles de se concrétiser indépendamment du fait que les parties à l'accord soient ou non des concurrents sur le marché sur lequel la coopération est mise en œuvre. Toutefois, pour que ce type de verrouillage ait des effets anticoncurrentiels, il faut qu'au moins une des parties détienne une position forte sur le marché sur lequel les risques de verrouillage sont évalués.

4.3.2.   Restrictions de concurrence par objet

160.

En règle générale, les accords qui consistent à fixer les prix, à limiter la production ou à répartir les marchés ou les clients restreignent la concurrence par objet. Toutefois, dans le cadre des accords de production, tel n'est pas le cas:

lorsque les parties fixent la production directement concernée par l’accord de production (par exemple, la capacité et le volume de production d’une entreprise commune, ou un volume convenu de produits à donner en sous-traitance) à condition que d'autres paramètres de concurrence ne soient pas éliminés; ou

lorsqu'un accord de production prévoyant aussi la distribution conjointe des produits fabriqués en commun prévoit de fixer conjointement les prix de vente de ces seuls produits, pour autant que cette restriction soit nécessaire aux fins de la fabrication en commun, ce qui signifie que les parties ne seraient pas, dans le cas contraire, incitées à conclure l'accord de production en premier lieu.

161.

Dans ces deux cas, il y a lieu d'évaluer si l'accord débouche sur des effets restrictifs probables sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Dans ces deux scénarios, l'accord sur la production ou les prix ne sera pas apprécié isolément, mais à la lumière des effets globaux de l'ensemble de l'accord de production sur le marché.

4.3.3.   Effets restrictifs sur la concurrence

162.

L'éventualité que les problèmes de concurrence que les accords de production sont susceptibles de poser se concrétisent dans un cas déterminé dépend des caractéristiques du marché couvert par l'accord, ainsi que de la nature et de la couverture du marché de la coopération et du produit concerné. Ces variables déterminent les effets qu'un accord de production est susceptible d'avoir sur la concurrence et, partant, l'applicabilité de l'article 101, paragraphe 1.

163.

La probabilité qu'un accord de production engendre des effets restrictifs sur la concurrence dépend de la situation qui prévaudrait en l'absence de cet accord avec toutes ses restrictions alléguées. Par conséquent, les accords de production entre entreprises se faisant concurrence sur des marchés couverts par la coopération ne sont pas susceptibles de produire des effets restrictifs sur la concurrence si la coopération donne naissance à un nouveau marché, c'est-à-dire si l'accord permet aux parties de lancer un nouveau produit ou service, ce qu'elles n'auraient pas été, sur la base d'éléments objectifs, en mesure de faire autrement, par exemple en raison de leurs capacités techniques.

164.

Dans certains secteurs où la production constitue la principale activité économique, même un simple accord de production peut, en soi, éliminer des aspects clés de la concurrence, limitant ainsi directement la concurrence entre les entreprises qui y sont parties.

165.

Un accord de production peut également mener à une collusion ou à une éviction anticoncurrentielle en augmentant le pouvoir de marché des entreprises, en renforçant la mise en commun de leurs coûts ou s'il implique l'échange d'informations commercialement sensibles. Par ailleurs, une limitation directe de la concurrence entre les parties, une collusion ou une éviction anticoncurrentielle ont peu de chances de se produire si les parties à l'accord n'ont pas de pouvoir sur le marché sur lequel les problèmes de concurrence sont évalués. Seul le pouvoir de marché peut leur permettre de maintenir avantageusement les prix à un niveau supérieur au niveau d'équilibre concurrentiel ou de maintenir avantageusement la production, la qualité ou la diversité des produits à un niveau inférieur à ce qui serait dicté par la concurrence.

166.

Dans les cas où une entreprise disposant d'un pouvoir sur un des marchés coopère avec un nouvel arrivant potentiel, par exemple avec un fournisseur du même produit sur un marché géographique ou un marché de produits voisin, l'accord est susceptible d'accroître le pouvoir de marché de l'opérateur historique. Cela peut produire des effets restrictifs sur la concurrence si la concurrence existant sur le marché de l'opérateur historique est déjà faible et que la menace de nouvelle entrée est une source majeure de contrainte concurrentielle.

167.

Les accords de production comportant aussi des fonctions de commercialisation, telles que la distribution ou la commercialisation conjointes, présentent un risque plus élevé d'effets restrictifs sur la concurrence que de simples accords de production conjointe. La commercialisation conjointe rapproche la coopération du consommateur et implique généralement la fixation conjointe des prix et des objectifs de vente, pratiques qui présentent les risques les plus élevés pour la concurrence. Les accords de distribution conjointe de produits fabriqués en commun sont toutefois généralement moins susceptibles de restreindre la concurrence que des accords de distribution conjointe autonomes. De même, un accord de distribution conjointe nécessaire pour que l'accord de production en commun puisse être conclu en premier lieu est moins susceptible de restreindre la concurrence que s'il n'était pas nécessaire aux fins de la production en commun.

Pouvoir de marché

168.

Un accord de production est peu susceptible de produire des effets restrictifs sur la concurrence si les parties à l'accord ne détiennent pas de pouvoir sur le marché sur lequel une restriction de concurrence est évaluée. Le point de départ de l'analyse du pouvoir de marché est la part de marché détenue par les parties, avant de passer, en principe, au calcul de l'indice de concentration et du nombre d'entreprises que compte le marché, ainsi qu'à l'examen d'autres facteurs dynamiques tels qu'une entrée potentielle et les variations de parts de marché.

169.

Les entreprises sont peu susceptibles de détenir un pouvoir de marché inférieur à un certain niveau de part de marché. Par conséquent, les accords prévoyant une spécialisation unilatérale ou réciproque ainsi que les accords de production conjointe, y compris certaines fonctions de commercialisation intégrées telles que la distribution conjointe, bénéficient d'une exemption par catégorie, à condition qu'ils soient conclus entre des parties dont la part de marché cumulée ne dépasse pas 20 % sur le ou les marchés en cause et que les autres conditions d'application du règlement d'exemption par catégorie en faveur de la spécialisation soient remplies. En outre, en ce qui concerne les accords de sous-traitance horizontaux visant à accroître la production, il est peu probable, dans la plupart des cas, qu’un pouvoir de marché existe si les parties à l’accord détiennent une part de marché cumulée inférieure à 20 %. En toute hypothèse, si la part de marché cumulée des parties est inférieure à 20 %, il est probable que les conditions énoncées à l’article 101, paragraphe 3, sont remplies.

170.

Toutefois, si la part de marché cumulée des parties excède 20 %, les effets restrictifs doivent être analysés, étant donné que l'accord ne relève pas du champ d'application du règlement d'exemption par catégorie en faveur de la spécialisation ou de la zone de sécurité pour les accords de sous-traitance horizontaux visant à accroître la production, visés à la troisième et la quatrième phrase du point 169. Une part de marché légèrement supérieure au seuil autorisé par le règlement d’exemption par catégorie en faveur de la spécialisation ou la zone de sécurité visée à la troisième et la quatrième phrase du point 169 n'implique pas nécessairement que le marché est très concentré, cet élément constituant un facteur important dans l'appréciation. Une part de marché cumulée légèrement supérieure à 20 % peut être compatible avec un marché modérément concentré. En règle générale, un accord de production est plus susceptible de produire des effets restrictifs sur la concurrence sur un marché concentré que sur un marché qui n'est pas concentré. De même, un accord de production sur un marché concentré peut accroître le risque de collusion même si les parties ne détiennent qu'une faible part de marché cumulée.

171.

Même si les parts de marché des parties à l'accord et la concentration du marché sont élevées, les risques d'effets restrictifs sur la concurrence peuvent rester limités si le marché est dynamique en ce sens qu'il est en évolution constante en termes d’entrée de nouveaux concurrents et de positions sur le marché.

172.

Pour déterminer si les parties à un accord de production détiennent un pouvoir de marché, il y a lieu d'examiner le nombre et l'intensité des liens (autres accords de coopération, par exemple) entre les concurrents sur le marché.

173.

Certains éléments tels que le fait de savoir si les parties à l'accord possèdent des parts de marché élevées, si ce sont des concurrents proches, si les clients n'ont que peu de possibilités de changer de fournisseurs, si les concurrents sont peu susceptibles d'accroître leur offre en cas d'augmentation des prix et si une des parties à l'accord est une force concurrentielle importante, sont tous pertinents pour l'appréciation de l'accord au regard de la concurrence.

Limitation directe de la concurrence entre les parties

174.

La concurrence entre les parties à un accord de production peut être directement limitée de différentes façons. Les parties à une entreprise commune de production pourraient, par exemple, limiter la production de cette entreprise par rapport à ce qu'elles auraient mis sur le marché si chacune d'elles avait décidé de sa production de manière autonome. Si les caractéristiques principales du produit sont déterminées par l'accord de production, cela pourrait aussi éliminer des éléments clés de la concurrence entre les parties et, finalement, produire des effets restrictifs sur la concurrence. Un autre exemple serait celui d'une entreprise commune appliquant un prix de transfert élevé aux parties, augmentant ainsi les coûts des intrants pour les parties, ce qui pourrait entraîner une augmentation des prix en aval. En réaction à cette évolution, les concurrents peuvent trouver profitable d'augmenter leurs prix, contribuant ainsi à des hausses de prix sur le marché en cause.

Collusion

175.

Le degré de probabilité d'une collusion est fonction du pouvoir de marché des parties ainsi que des caractéristiques du marché en cause. Une collusion peut découler en particulier (mais pas uniquement) de la mise en commun des coûts ou d'un échange d'informations lié à l'accord de production.

176.

Un accord de production entre parties détenant un pouvoir de marché peut produire des effets restrictifs sur la concurrence s'il les incite à mettre davantage leurs coûts en commun (c'est-à-dire la proportion des coûts variables que les parties ont en commun) à un niveau tel qu'il leur permette de parvenir à une collusion. Les coûts en cause sont les coûts variables du produit avec lequel les parties à l'accord de production se font concurrence.

177.

Un accord de production est davantage susceptible de mener à une collusion si, préalablement à l’accord, les parties ont déjà une proportion élevée des coûts variables en commun, étant donné que l’augmentation supplémentaire (c'est-à-dire les coûts de production du produit couvert par l'accord) peut faire pencher la balance vers une collusion. À l'inverse, si l’augmentation est importante, le risque d’une collusion peut être élevé même si le niveau initial de mise en commun des coûts est bas.

178.

La mise en commun des coûts n’augmente le risque de collusion que si les coûts de production constituent une proportion importante des coûts variables concernés. Ce n'est par exemple pas le cas lorsque la coopération concerne des produits qui nécessitent une commercialisation coûteuse. Par exemple des produits nouveaux ou hétérogènes nécessitant une stratégie commerciale coûteuse ou des frais de transport élevés.

179.

Un autre scénario dans lequel la mise en commun des coûts peut déboucher sur une collusion pourrait être celui où les parties conviennent de la production conjointe d'un produit intermédiaire qui représente une part importante des coûts variables du produit final avec lequel elles se font concurrence en aval. Les parties pourraient utiliser l'accord de production pour augmenter le prix de ce bien intermédiaire commun important pour la fabrication de leurs produits sur le marché en aval. Cela affaiblirait la concurrence en aval et serait susceptible d'entraîner une hausse des prix finals. Le profit serait déplacé de l'aval vers l'amont pour ensuite être partagé entre les parties par le biais de l'entreprise commune.

180.

De même, la mise en commun des coûts accroît les risques d'un accord de sous-traitance horizontale pour la concurrence lorsque le bien intermédiaire que le donneur d'ordre achète au sous-traitant représente une partie importante des coûts variables du produit final avec lequel les parties se font concurrence.

181.

Les effets négatifs induits par l’échange d’informations ne seront pas appréciés de manière séparée mais à la lumière des effets globaux de l’accord. Un accord de production peut produire des effets restrictifs sur la concurrence s'il prévoit un échange d'informations commercialement sensibles susceptible de déboucher sur une collusion ou sur une éviction anticoncurrentielle. La probabilité qu'un échange d'informations dans le cadre d'un accord de production produise des effets restrictifs sur la concurrence doit être appréciée conformément aux orientations figurant au chapitre 2.

182.

Si l'échange d'informations ne va pas au-delà du partage de données nécessaire aux fins de la production conjointe des produits concernés par l'accord de production, même en cas d'effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, l'accord a plus de chances de remplir les critères visés à l'article 101, paragraphe 3, que si l'échange excède ce qui est nécessaire à la production conjointe. Dans ce cas, les gains d'efficacité résultant de la production conjointe sont susceptibles de compenser les effets restrictifs de la coordination du comportement des parties. À l'inverse, dans le cadre d'un accord de production, le partage de données qui n'est pas nécessaire aux fins de la production conjointe, comme l'échange d'informations liées aux prix et aux ventes, par exemple, est moins susceptible de remplir les conditions énoncées à l'article 101, paragraphe 3.

4.4.   Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 3

4.4.1.   Gains d'efficacité

183.

Les accords de production peuvent avoir des effets positifs sur la concurrence s'ils permettent de réaliser des gains d'efficacité sous forme de réductions de coûts ou d'une amélioration des techniques de production. En regroupant leur production, des entreprises peuvent réaliser des économies sur les coûts qu'elles devraient, sans ce regroupement, exposer chacune de leur côté. Elles peuvent aussi produire à des coûts moins élevés si la coopération leur permet d'accroître la production lorsque les coûts marginaux diminuent avec la production, c'est-à-dire grâce à des économies d'échelle. La production conjointe peut aussi aider les entreprises à améliorer la qualité de leurs produits si elles regroupent leurs compétences et savoir-faire complémentaires. La coopération peut aussi permettre aux entreprises d'accroître la diversité de leurs produits, ce qu'elles n'auraient pas pu se permettre ou n'auraient pas été en mesure de faire sans elle. Si la production conjointe permet aux parties d'augmenter le nombre de types de produits, elle peut aussi les aider à réaliser des économies de coûts par le biais d'économies de gamme.

4.4.2.   Caractère indispensable

184.

Les restrictions qui vont au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser les gains d'efficacité générés par un accord de production ne remplissent pas les critères visés à l'article 101, paragraphe 3. À titre d'exemple, les restrictions imposées par un accord de production au comportement concurrentiel des parties en ce qui concerne la production non couverte par la coopération ne seront normalement pas considérées comme indispensables. De même, la fixation commune des prix ne sera pas considérée comme indispensable si l'accord de production ne prévoit pas non plus une commercialisation en commun.

4.4.3.   Répercussion sur les consommateurs

185.

Les gains d'efficacité réalisés au moyen de restrictions indispensables doivent être répercutés sur les consommateurs sous forme de prix plus avantageux ou d'une amélioration de la qualité ou de la gamme des produits, de manière à compenser les effets restrictifs sur la concurrence. Les gains d'efficacité qui ne profitent qu'aux parties ou les économies de coûts qui résultent d'une réduction de la production ou de la répartition des marchés ne suffisent pas pour remplir les critères visés à l'article 101, paragraphe 3. Si les parties à l'accord de production réalisent des économies dans leurs coûts variables, elles sont plus susceptibles de les répercuter sur les consommateurs que si elles réduisent leurs coûts fixes. En outre, plus le pouvoir de marché des parties est élevé, moins il est probable que celles-ci répercuteront les gains d'efficacité sur les consommateurs dans une mesure qui compenserait les effets restrictifs sur la concurrence.

4.4.4.   Absence d'élimination de la concurrence

186.

Les critères visés à l'article 101, paragraphe 3, ne peuvent être remplis si la possibilité est donnée aux parties d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. Ceci doit être évalué sur le marché en cause auquel appartiennent les produits visés par la coopération et sur les éventuels marchés secondaires.

4.5.   Exemples

187.

Mise en commun des coûts et collusion

Exemple 1

Situation: Les entreprises A et B, deux fournisseurs d'un produit X décident de fermer leurs usines de production actuelles, devenues obsolètes, et de construire une usine plus grande, moderne et plus efficace, exploitée par une entreprise commune, qui aura une capacité supérieure à celle des anciennes usines des entreprises A et B réunies. Aucun autre investissement de ce type n'est prévu par les concurrents, qui utilisent leurs installations au maximum de leurs capacités. Les entreprises A et B détiennent des parts de marché de respectivement 20 et 25 %. Leurs produits sont les substituts les plus proches dans un segment spécifique du marché, qui est concentré. Le marché est transparent et plutôt en stagnation, il n'y a pas de nouveaux arrivants et les parts de marché sont restées stables au fil du temps. Les coûts de production constituent l'essentiel des coûts variables de l'entreprise A et de l'entreprise B pour le produit X. La commercialisation représente une activité économique mineure en termes de coûts et d'importance stratégique par rapport à la production: les coûts de mise sur le marché sont faibles, étant donné que le produit X est homogène et bien implanté et que le transport n'est pas le moteur de la concurrence.

Analyse: Si les entreprises A et B partageaient tous ou la plupart de leurs coûts variables, cet accord de production pourrait déboucher sur une diminution directe de la concurrence entre elles. Elles pourraient être incitées à limiter la production de l'entreprise commune par rapport à ce qu'elles auraient mis sur le marché si chacune d'elles avait décidé de sa production de manière autonome. Compte tenu des pressions exercées par les concurrents en termes de capacités, cette réduction de la production pourrait déboucher sur une hausse des prix.

Même si les entreprises A et B partageaient, non pas la plupart de leurs coûts variables, mais seulement une part significative de ceux-ci, cet accord de production pourrait aboutir à une collusion entre elles et éliminer de ce fait indirectement la concurrence entre les deux parties. La probabilité d'un tel scénario est fonction non seulement de la question de la mise en commun des coûts (lesquels sont, dans ce cas d'espèce, élevés), mais des caractéristiques du marché en cause, telles que, par exemple, sa transparence, sa stabilité et son degré de concentration.

Dans l'un et l'autre de ces deux cas, il est probable, au vu de la configuration du marché dans cet exemple, que l'entreprise commune de production des entreprises A et B produise des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, sur le marché du produit X.

Le remplacement de deux anciennes usines de production, de plus petite taille, par une usine plus grande, moderne et plus efficace peut conduire l'entreprise commune à accroître la production à des prix inférieurs, au bénéfice des consommateurs. L'accord de production ne pourrait toutefois remplir les critères visés à l'article 101, paragraphe 3, que si les parties ont fourni des preuves suffisamment étayées montrant que les gains d'efficacité seraient répercutés sur les consommateurs de manière telle qu'ils compenseraient les effets restrictifs sur la concurrence.

188.

Liens entre concurrents et collusion

Exemple 2

Situation: Deux fournisseurs, les entreprises A et B, créent une entreprise commune de production pour la fabrication du produit Y. Elles détiennent chacune 15 % du marché de ce produit Y. Trois autres opérateurs sont présents sur le marché: l'entreprise C, avec une part de marché de 30 %, l'entreprise D, avec 25 % et l'entreprise E, avec 15 %. L'entreprise B a déjà ouvert une usine de production commune avec l'entreprise D.

Analyse: Le marché est caractérisé par l'existence d'un très faible nombre d'entreprises et par des structures assez symétriques. La coopération entre les entreprises A et B ajouterait un lien supplémentaire sur le marché, augmentant de facto la concentration sur ce dernier, étant donné qu'elle lierait aussi l'entreprise D aux entreprises A et B. Cette coopération est susceptible d'accroître le risque de collusion et, partant, de générer des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Les critères visés à l'article 101, paragraphe 3, ne pourraient être respectés qu'en cas de gains d'efficacité significatifs qui sont répercutés sur les consommateurs de manière telle qu'ils compensent les effets restrictifs sur la concurrence.

189.

Verrouillage anticoncurrentiel sur un marché en aval

Exemple 3

Situation: Les entreprises A et B créent une entreprise commune de production pour la fabrication du produit intermédiaire X, laquelle couvre la totalité de leur production de X. Les coûts de production de X représentent 70 % des coûts variables du produit final Y avec lequel les entreprises A et B se font concurrence en aval. Les entreprises A et B détiennent chacune une part de 20 % du marché du produit Y, l'arrivée de nouveaux arrivants est limitée et les parts de marché sont restées stables au fil du temps. Outre le fait qu'elles couvrent leur propre demande de X, les entreprises A et B détiennent chacune une part de 40 % du marché du produit X. Les barrières à l'entrée sur le marché du produit X sont importantes et les producteurs existants opèrent presque au maximum de leurs capacités. Le marché du produit Y compte deux autres grands fournisseurs, qui possèdent chacun 15 % du marché, ainsi que plusieurs plus petits concurrents. Cet accord génère des économies d'échelle.

Analyse: Grâce à l'entreprise commune de production, les entreprises A et B seraient en mesure de contrôler largement les livraisons de biens intermédiaires essentiels X à leurs concurrents sur le marché du produit Y. Cela permettrait aux entreprises A et B d'augmenter les coûts de leurs concurrents en relevant artificiellement le prix de X ou en réduisant leur production, ce qui pourrait évincer leurs concurrents du marché du produit Y. En raison du risque de verrouillage anticoncurrentiel en aval, cet accord est susceptible de produire des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Les économies d'échelle générées par l'entreprise commune de production ont peu de chances de compenser les effets restrictifs sur la concurrence, de sorte que cet accord ne satisferait plus que probablement pas aux critères visés à l'article 101, paragraphe 3.

190.

Accord de spécialisation comme moyen de répartition des marchés

Exemple 4

Situation: Les entreprises A et B fabriquent toutes deux les produits X et Y. La part de marché de l'entreprise A pour le produit X est de 30 %, pour le produit Y, de 10 %. La part de B sur le marché du produit X est de 10 %, contre 30 % sur le marché du produit Y. Pour réaliser des économies d'échelle, elles concluent un accord de spécialisation réciproque aux termes duquel l'entreprise A ne produira que le produit X et l'entreprise B, le produit Y. Elles ne s'approvisionnent pas l'une chez l'autre pour le produit en question, de sorte que l'entreprise A ne vend que le produit X et l'entreprise B le produit Y. Les parties prétendent qu'en se spécialisant de cette manière, elles réalisent des économies de coûts grâce aux économies d'échelle et qu'en se concentrant sur un seul produit, elles amélioreront leurs techniques de production, ce qui permettra d'améliorer la qualité des produits.

Analyse: En ce qui concerne ses effets sur la concurrence sur le marché, cet accord de spécialisation est proche d'une entente caractérisée dans le cadre de laquelle les parties se répartissent le marché entre elles. Aussi cet accord restreint-il la concurrence par objet. Les gains d'efficacité allégués sous forme d'économies d'échelle et d'amélioration des techniques de production n'étant liés qu'à la répartition des marchés, ils ont peu de chances de compenser les effets restrictifs, de sorte que l'accord ne remplirait pas les critères visés à l'article 101, paragraphe 3. Quoi qu'il en soit, si l'entreprise A ou B estime qu'il serait plus efficace de se concentrer sur un seul produit, elle peut simplement prendre la décision unilatérale de ne fabriquer que le produit X ou Y sans pour autant convenir que l'autre entreprise se concentrera sur la fabrication de l'autre produit.

Cette analyse serait différente si les entreprises A et B se livraient mutuellement le produit sur lequel elles centrent leurs activités, de sorte qu'elles continuent toutes deux de vendre les produits X et Y. En pareil cas, les entreprises A et B pourraient toujours se concurrencer sur les prix pratiqués sur ces deux marchés, en particulier si les coûts de production (qui deviennent des coûts communs du fait de l'accord de production) ne constituaient pas une partie importante des coûts variables de leurs produits. Les coûts concernés dans ce contexte sont les coûts de commercialisation. Par conséquent, l'accord de spécialisation aurait peu de chances de restreindre la concurrence si X et Y étaient des produits largement hétérogènes avec une proportion très élevée de coûts de commercialisation et de distribution (65-70 % ou plus du total des coûts, par exemple). Dans un tel scénario, les risques de collusion ne seraient pas élevés et les critères visés à l'article 101, paragraphe 3, peuvent être remplis, pour autant que les gains d'efficacité soient répercutés sur les consommateurs de manière à compenser les effets restrictifs de l'accord sur la concurrence.

191.

Concurrents potentiels

Exemple 5

Situation: L'entreprise A fabrique le produit final X et l'entreprise B le produit final Y. X et Y constituent deux marchés de produits distincts, sur lesquels les entreprises A et B disposent chacune d'un pouvoir de marché élevé. Les deux entreprises utilisent Z comme bien intermédiaire pour leur production de X et Y et ne produisent toutes deux Z que pour leur propre usage. X est un produit à faible valeur ajoutée pour la fabrication duquel Z est un bien intermédiaire essentiel (X résulte d'une transformation assez simple de Z). Y est un produit à haute valeur ajoutée pour la fabrication duquel Z est un des nombreux biens intermédiaires (Z constitue une petite partie des coûts variables de Y). Les entreprises A et B conviennent de produire conjointement Z, ce qui génère des économies d'échelle limitées.

Analyse: Les entreprises A et B ne sont pas des concurrents effectifs en ce qui concerne X, Y ou Z. Toutefois, X étant le résultat d'une simple transformation du bien intermédiaire Z, il est probable que l'entreprise B puisse entrer facilement sur le marché du produit X et ainsi concurrencer l'entreprise A sur ce marché. L'accord de production conjointe concernant Z pourrait réduire les incitations de l'entreprise B à le faire puisque la production conjointe pourrait être utilisée pour des paiements annexes et limiter la probabilité que l'entreprise B vende le produit X (l'entreprise A étant susceptible de contrôler la quantité de Z achetée par l'entreprise B à l'entreprise commune). La probabilité que l'entreprise B entre sur le marché du produit X en l'absence d'accord dépend toutefois de la rentabilité escomptée de l'implantation sur le marché. X étant un produit à faible valeur ajoutée, l'entrée sur le marché pourrait ne pas être rentable, de sorte que l'entrée de l'entreprise B pourrait être improbable en l'absence d'accord. Les entreprises A et B disposant déjà d'un pouvoir de marché, l'accord est susceptible de produire des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, si l'accord diminue effectivement la probabilité d'entrée de l'entreprise B sur le marché de l'entreprise A, c'est-à-dire le marché du produit X. Les gains d'efficacité sous forme d'économies d'échelle générés par l'accord sont limités et ont dès lors peu de chances de compenser les effets restrictifs sur la concurrence.

192.

Échange d'informations dans un accord de production

Exemple 6

Situation: Les entreprises A et B, qui disposent d'un important pouvoir de marché, décident de produire ensemble pour gagner en efficacité. Dans le cadre de cet accord, elles échangent secrètement des informations au sujet de leurs futurs prix. L'accord ne couvre pas la distribution conjointe.

Analyse: Cet échange d'informations rend probable une collusion et est donc susceptible d'avoir pour objet de restreindre la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Les critères visés à l'article 101, paragraphe 3, auraient peu de chances d'être respectés, car l'échange d'informations au sujet des futurs prix des parties n'est pas indispensable pour la production conjointe et la réalisation des économies de coûts correspondantes.

193.

Échange de production et échange d'informations

Exemple 7

Situation: Les entreprises A et B sont tous deux producteurs de Z, un produit chimique de base. Z est un produit homogène qui est fabriqué selon une norme européenne qui ne permet pas de variations du produit. Les coûts de production représentent un facteur de coût important dans la production de Z. Les parts de marché de l'entreprise A et de l'entreprise B s'établissent respectivement à 20 % et 25 % sur le marché de Z à l'échelle de l'Union. Quatre autres producteurs sont présents sur le marché de Z, avec des parts de marché respectives de 20 %, 15 %, 10 % et 10 %. L'usine de production de l'entreprise A est établie dans l'État membre X, en Europe du nord, tandis que l'usine de production de l'entreprise B est située dans l'État membre Y, dans le sud de l'Europe. Bien que la plupart des clients de l'entreprise A soient implantés dans le nord de l'Europe, elle en compte aussi un certain nombre dans le sud. La plupart des clients de l'entreprise B sont implantés dans le sud de l'Europe, bien qu'elle ait également un certain nombre de clients établi dans le nord de l'Europe. Actuellement, l'entreprise A fournit à ses clients du sud de l'Europe le produit Z fabriqué dans son usine de l'État membre X et transporté vers le sud de l'Europe par camion. De son côté, l'entreprise B fournit à ses clients du nord de l'Europe le produit Z fabriqué dans l'État membre Y et transporté vers le nord de l'Europe par camion. Les frais de transport sont relativement élevés, mais pas au point de rendre non rentables les livraisons de l'entreprise A vers le sud de l'Europe et celles de l'entreprise B vers le nord de l'Europe. Les frais de transport de l'État membre X vers le sud de l'Europe sont inférieurs au coût du transport de l'État membre Y vers le nord de l'Europe.

Les entreprises A et B décident qu'il serait plus efficace que l'entreprise A cesse de transporter son produit Z de l'État membre X vers le sud de l'Europe et que l'entreprise B cesse de transporter son produit Z de l'État membre Y vers le nord de l'Europe, mais, dans le même temps, les deux producteurs souhaitent vivement conserver leurs clients. Pour ce faire, les entreprises A et B prévoient de conclure un accord d'échange, qui leur permet d'acheter une certaine quantité annuelle de produit Z auprès de l'usine de l'autre partie en vue de le revendre à ceux de leurs clients qui sont plus proches de l'usine de l'autre partie. Pour calculer un prix d'achat qui ne favorise pas une partie par rapport à l'autre et qui tienne dûment compte des différences entre les parties en ce qui concerne les coûts de production et les économies réalisées sur les frais de transport, et pour veiller à ce que les parties puissent toutes deux réaliser un bénéfice adéquat, celles-ci acceptent de divulguer leurs principaux coûts afférents à la production de Z (c'est-à-dire les coûts de production et les frais de transport).

Analysis: Le fait que les entreprises A et B, qui sont concurrents, s'échangent une partie de leur production ne pose pas, en soi, de problème sous l'angle de la concurrence. Toutefois, l'accord d'échange envisagé entre les entreprises A et B prévoit que les deux parties se communiquent leurs coûts de production et frais de transport afférents à la production de Z. De plus, les entreprises A et B détiennent, ensemble, une position de force sur un marché relativement concentré portant sur un produit de base homogène. De ce fait, en raison de ce vaste échange d'informations sur un paramètre concurrentiel important en ce qui concerne le produit Z, il est probable que l'accord d'échange entre les entreprises A et B aura des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, car il peut mener à une collusion. Même si l'accord permet de réaliser des gains d'efficacité importants sous la forme de réductions de coûts pour les parties, les restrictions de la concurrence qui en découlent ne sont pas indispensables pour y parvenir. Les parties pourraient réaliser des économies similaires en convenant d'une formule de prix qui n'implique pas la divulgation de leurs coûts de production et frais de transport. Par conséquence, sous sa forme actuelle, l'accord d'échange ne remplit pas les critères visés à l'article 101, paragraphe 3.

5.   ACCORDS D'ACHAT

5.1.   Définition

194.

Le présent chapitre traite des accords portant sur l'achat groupé de produits. Ce type d'achat peut être réalisé par l'entremise d'une société contrôlée conjointement, d'une société dans laquelle de nombreuses autres entreprises détiennent des participations minoritaires, sur la base d'un accord contractuel, ou au travers d'une forme de coopération encore plus souple (collectivement dénommés ci-après «accord d'achat groupé»). Les accords d'achat groupé visent généralement à créer une puissance d'achat susceptible de conduire à une baisse des prix ou à une amélioration de la qualité des produits ou des services pour les consommateurs. Toutefois, la puissance d'achat peut aussi, dans certains cas, poser des problèmes de concurrence.

195.

Un accord d'achat groupé peut se fonder à la fois sur des accords horizontaux et sur des accords verticaux. Il convient alors de procéder à une analyse en deux étapes. Premièrement, les accords horizontaux entre entreprises pratiquant des achats groupés doivent être appréciés selon les principes exposés dans les présentes lignes directrices. Si cette appréciation conduit à la conclusion que l'accord d'achat groupé ne pose pas de problème de concurrence, un complément d'appréciation sera nécessaire pour examiner les accords verticaux pertinents. Cette seconde appréciation s'effectuera selon les règles énoncées dans le règlement d'exemption par catégorie relatif aux restrictions verticales et dans les lignes directrices sur les restrictions verticales.

196.

Une forme classique d'accord d'achat groupé est l'«alliance», c'est-à-dire une association d'entreprises constituée par un groupe de détaillants pour l'achat groupé de produits. Dans un premier temps, il convient d'examiner les accords horizontaux conclus entre les membres de l'alliance, ou les décisions adoptées par celle-ci, en tant qu'accord de coopération horizontal au regard des présentes lignes directrices. Ce n'est que si cette appréciation ne fait pas apparaître de problème de concurrence qu'il y a lieu d'apprécier les accords verticaux pertinents entre l'alliance et un de ses membres ou entre l'alliance et des fournisseurs. Ces accords sont couverts, à certaines conditions, par le règlement d'exemption par catégorie relatif aux restrictions verticales. Les accords verticaux non couverts par ce règlement d'exemption par catégorie ne sont pas présumés illicites, mais appellent un examen au cas par cas.

5.2.   Marchés en cause

197.

Deux marchés peuvent être affectés par un accord d'achat groupé: premièrement, le ou les marchés directement concernés par l'accord d'achat groupé, c'est-à-dire le ou les marchés d'achat en cause, et deuxièmement, le ou les marchés de vente, c'est-à-dire le ou les marchés en aval sur lesquels les parties à l'accord d'achat groupé opèrent en tant que vendeurs.

198.

La définition des marchés d'achat en cause suit les principes figurant dans la communication sur la définition du marché en cause; elle est basée sur la notion de substituabilité, afin d'identifier les pressions concurrentielles. La seule différence par rapport à la définition des «marchés de vente» est que la substituabilité doit être définie du point de vue de l'offre, et non de la demande. En d'autres termes, les solutions de remplacement dont disposent les fournisseurs sont déterminantes pour identifier les pressions concurrentielles qui s'exercent sur les acheteurs. Ces solutions de remplacement pourraient être analysées, par exemple, en examinant la réaction des fournisseurs à une diminution des prix faible, mais durable. Une fois le marché défini, la part de marché détenue est alors calculée comme le pourcentage que les achats des parties représentent par rapport aux ventes totales du ou des produits achetés sur le marché en cause.

199.

Si les parties sont également concurrentes sur un ou plusieurs marchés de vente, ceux-ci sont également considérés comme des marchés en cause aux fins de l'appréciation. Les marchés de vente doivent être définis en appliquant la méthodologie exposée dans la communication sur la définition du marché en cause.

5.3.   Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 1

5.3.1.   Principaux problèmes de concurrence

200.

Les accords d'achat groupé peuvent avoir des effets restrictifs sur la concurrence sur le ou les marchés d'achat et/ou de vente en aval, tels qu'une augmentation des prix, une diminution de la production, de la qualité ou de la diversité des produits, ou de l'innovation, une répartition des marchés ou l'éviction anticoncurrentielle d'autres acheteurs potentiels.

201.

Lorsque des concurrents en aval achètent une partie substantielle de leurs produits ensemble, leur incitation à se faire concurrence par les prix sur le ou les marchés de vente peut se trouver considérablement réduite. Lorsque les parties disposent d'un pouvoir de marché considérable (sans que cela ne corresponde nécessairement à une position dominante) sur le ou les marchés de vente, il est probable que les prix d'achat inférieurs obtenus grâce à l'accord d'achat groupé ne seront pas répercutés sur les consommateurs.

202.

Lorsque les parties possèdent un pouvoir de marché considérable sur le marché d'achat (puissance d'achat), le risque est qu'elles puissent forcer les fournisseurs à réduire la gamme ou la qualité des produits qu'ils fabriquent, ce qui peut produire des effets restrictifs sur la concurrence, tels qu'une réduction de la qualité, une diminution de l'effort dans le domaine de l'innovation ou, en fin de compte, une limitation de l'offre.

203.

La puissance d'achat des parties à l'accord d'achat groupé pourrait être utilisée pour fermer le marché aux acheteurs concurrents en limitant leur accès aux fournisseurs efficients. Cela est le plus probable si les fournisseurs sont en nombre limité et si des obstacles empêchent l'entrée du côté de l'offre sur le marché en amont.

204.

En général, toutefois, les accords d'achat groupé sont moins susceptibles de poser des problèmes de concurrence lorsque les parties ne possèdent pas de pouvoir de marché sur le ou les marchés de vente.

5.3.2.   Restrictions de concurrence par objet

205.

Les accords d'achat groupé restreignent la concurrence par objet lorsqu'ils ne portent pas vraiment sur des achats groupés, mais qu'ils sont utilisés pour parvenir à une entente déguisée, c'est-à-dire à des pratiques interdites telles que la fixation des prix, la limitation de la production ou la répartition des marchés.

206.

Les accords qui consistent à fixer les prix d'achat peuvent avoir pour objet de restreindre la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1 (93). Toutefois, cela ne vaut pas lorsque les parties à un accord d'achat groupé s'entendent sur les prix d'achat que le groupement d'achat groupé est autorisé à payer à ses fournisseurs pour les produits faisant l'objet du contrat de fourniture. Dans ce cas, il y a lieu d'évaluer si l'accord est susceptible de produire des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Dans ces deux scénarios, l'accord sur les prix d'achat ne sera pas apprécié isolément, mais à la lumière des effets globaux de l'accord d'achat sur le marché.

5.3.3.   Effets restrictifs sur la concurrence

207.

Les accords d'achat groupé qui n'ont pas pour objet de restreindre la concurrence doivent être analysés en fonction de leur contexte juridique et économique, au regard de leurs effets réels et probables sur la concurrence. L'analyse des effets restrictifs sur la concurrence découlant d'un accord d'achat groupé doit couvrir les effets négatifs tant sur les marchés d'achat que sur les marchés de vente.

Pouvoir de marché

208.

Il n'existe pas de seuil absolu au-delà duquel on peut présumer que les parties à un accord d'achat groupé ont un pouvoir de marché tel que l'accord d'achat groupé est susceptible de produire des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Toutefois, dans la plupart des cas, il est peu probable qu'un pouvoir de marché existe si les parties à l'accord d'achat groupé détiennent une part de marché cumulée n'excédant pas 15 %, tant sur le ou les marchés d'achat que sur le ou les marchés de vente. En toute hypothèse, si la part de marché cumulée des parties n'excède pas 15 % tant sur le ou les marchés d'achat que sur le ou les marchés de vente, il est probable que les conditions visées à l'article 101, paragraphe 3, seront remplies.

209.

Une part de marché supérieure à ce seuil sur l'un de ces marchés ou sur ces deux marchés n'indique pas automatiquement que l'accord d'achat groupé est susceptible d'avoir des effets négatifs sur la concurrence. Un accord d'achat groupé qui ne relève pas de cette zone de sécurité nécessite une appréciation détaillée de ses effets sur le marché, portant notamment, mais pas uniquement, sur des facteurs tels que la concentration du marché et l'existence éventuelle d'un pouvoir compensateur de la part de fournisseurs importants.

210.

Une puissance d'achat peut, dans certaines circonstances, produire des effets restrictifs sur la concurrence. Une puissance d'achat est susceptible d'être anticoncurrentielle lorsqu'un accord d'achat groupé porte sur une partie du volume total d'un marché d'achat de produits suffisamment importante pour que l'accès au marché puisse être fermé aux acheteurs concurrents. Une forte puissance d'achat peut indirectement affecter la production, la qualité et la diversité des produits sur le marché de vente.

211.

Pour déterminer si les parties à un accord d'achat groupé possèdent une puissance d'achat, il y a lieu d'examiner le nombre et l'intensité des liens (par exemple d'autres accords d'achat) entre les concurrents sur le marché.

212.

Toutefois, s'il y a coopération entre des acheteurs concurrents n'opérant pas sur le même marché de vente en cause (par exemple des détaillants opérant sur des marchés géographiques différents et qui ne peuvent être considérés comme des concurrents potentiels), il est peu probable que l'accord d'achat groupé ait des effets restrictifs sur la concurrence, à moins que les parties ne bénéficient, sur les marchés d'achat, d'une position qui pourrait être utilisée pour saper la position concurrentielle d'autres opérateurs sur leurs marchés de vente respectifs.

Collusion

213.

Les accords d'achat groupé peuvent mener à une collusion s'ils facilitent la coordination du comportement des parties sur le marché de vente. Ce peut être le cas si les parties parviennent à mettre en commun une grande partie de leurs coûts grâce à des achats groupés, pour autant que les parties possèdent un pouvoir de marché et que le marché présente des caractéristiques propices à une telle coordination.

214.

Des effets restrictifs sur la concurrence sont plus probables si les parties à l'accord d'achat groupé partagent une proportion significative de leurs coûts variables sur le marché en cause en aval. Tel est par exemple le cas lorsque des détaillants opérant sur le ou les mêmes marchés de détail en cause achètent conjointement des quantités importantes des produits qu'ils proposent à la revente. Cela peut également se produire lorsque des fabricants et des vendeurs d'un produit final qui se trouvent en concurrence les uns avec les autres se regroupent pour acheter conjointement une proportion importante de leurs biens intermédiaires.

215.

La mise en œuvre d'un accord d'achat groupé peut nécessiter l'échange d'informations commerciales sensibles, telles que les prix et les volumes d'achat. Cet échange d'informations peut faciliter la coordination des prix de vente et de la production et, de ce fait, aboutir à une collusion sur les marchés de vente. Les effets secondaires de l'échange d'informations commerciales sensibles peuvent, par exemple, être minimisés lorsque les données sont recueillies par un groupement d'achat qui ne les communique pas à ses membres.

216.

Les effets négatifs induits par l’échange d’informations ne seront pas appréciés de manière séparée mais à la lumière des effets globaux de l’accord. La probabilité qu'un échange d'informations dans le cadre d'un accord d'achat groupé produise des effets restrictifs sur la concurrence doit être appréciée conformément aux orientations figurant au chapitre 2. Si l'échange d'informations ne va pas au-delà du partage de données nécessaire aux fins de l'achat groupé des produits concernés par les parties à l'accord d'achat groupé, même si l'échange d'informations a des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, l'accord a plus de chances de remplir les critères visés à l'article 101, paragraphe 3, que si l'échange excède ce qui est nécessaire à l'achat groupé.

5.4.   Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 3

5.4.1.   Gains d'efficacité

217.

Les accords d'achat groupé peuvent entraîner des gains d'efficacité significatifs. Ils peuvent notamment conduire à des réductions de coûts, telles qu'une baisse des coûts d'achat ou une réduction des frais de transaction, de transport et de stockage, ce qui facilite les économies d'échelle. Ils peuvent également déboucher sur des gains d'efficacité qualitatifs s'ils incitent les fournisseurs à innover et à lancer des produits nouveaux ou plus performants sur les marchés.

5.4.2.   Caractère indispensable

218.

Les restrictions qui vont au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser les gains d'efficacité générés par un accord d'achat ne remplissent pas les critères visés à l'article 101, paragraphe 3. L'obligation d'acheter uniquement dans le cadre de l'accord de coopération peut, dans certains cas, être indispensable pour parvenir au volume nécessaire à la réalisation d'économies d'échelle. Toutefois, une telle obligation doit être appréciée dans le contexte précis de chaque affaire traitée.

5.4.3.   Répercussion sur les consommateurs

219.

Les gains d'efficacité, tels que les gains d'efficacité sur les coûts ou les gains d'efficacité qualitatifs consistant en l'introduction de produits nouveaux ou plus performants sur le marché, qui sont réalisés au moyen de restrictions indispensables doivent être répercutés sur les consommateurs de manière à compenser les effets restrictifs sur la concurrence causés par l'accord d'achat groupé. De ce fait, les réductions de coûts ou autres gains d'efficacité qui ne profitent qu'aux parties à l'accord d'achat groupé ne sont pas suffisantes. Les réductions de coûts doivent être répercutées sur les consommateurs, c'est-à-dire les clients des parties. A titre d'exemple, cette répercussion peut prendre la forme d'une baisse des prix sur les marchés de vente. Il est peu probable que des baisses du prix d'achat obtenues grâce au simple exercice de la puissance d'achat soient répercutées sur les consommateurs si les acheteurs possèdent ensemble un pouvoir de marché sur les marchés de vente; de ce fait, elles ne remplissent pas les critères visés à l'article 101, paragraphe 3. En outre, plus le pouvoir de marché des parties sur le ou les marchés de vente est élevé, moins il est probable que celles-ci répercuteront les gains d'efficacité sur les consommateurs dans une mesure qui compenserait les effets restrictifs sur la concurrence.

5.4.4.   Absence d'élimination de la concurrence

220.

Les critères visés à l’article 101, paragraphe 3, ne peuvent être remplis si les parties se voient donner la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. Cette appréciation doit porter à la fois sur les marchés d'achat et sur les marchés de vente des produits.

5.5.   Exemples

221.

Achat groupé par des petites entreprises détenant des parts de marché cumulées modestes

Exemple 1

Situation: 150 petits détaillants concluent un accord pour constituer un groupement d'achat. Ils sont obligés d'acheter un volume minimum par l'intermédiaire du groupement, équivalant à environ 50 % de leurs coûts totaux respectifs. Ils peuvent acheter plus que le volume minimum par l'intermédiaire du groupement et peuvent aussi s'approvisionner en dehors de celui-ci. Ils possèdent une part de marché cumulée de 23 % à la fois sur le marché d'achat et sur le marché de vente des produits. L'entreprise A et l'entreprise B sont leurs deux plus grands concurrents. L'entreprise A possède 25 % à la fois sur le marché d'achat et sur le marché de vente, et l'entreprise B 35 %. Rien ne s'oppose à ce que les autres concurrents plus petits créent eux aussi un groupement d'achat. Les 150 détaillants réalisent des économies substantielles en effectuant leurs achats en commun par l'intermédiaire du groupement d'achat.

Analyse: Les détaillants ne possèdent que des parts de marché peu élevées tant sur le marché d'achat que sur le marché de vente. En outre, la coopération entraîne certaines économies d'échelle. Même si les détaillants parviennent à mettre en commun une grande partie de leurs coûts, il est peu probable qu'ils atteignent un pouvoir de marché sur le marché de vente en raison de la présence de l'entreprise A et de l'entreprise B, qui, pris isolément, sont tous deux plus puissants que le groupement d'achat. Il est donc peu probable que les détaillants coordonnent leur comportement et que cela aboutisse à une collusion. En conséquence, le groupement d'achat est peu susceptible de produire des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1.

222.

Partage des coûts et pouvoir de marché sur le marché de vente

Exemple 2

Situation: Deux chaînes de supermarchés concluent un accord pour acheter en commun des produits représentant environ 80 % de leurs coûts variables. Sur les marchés d'achat en cause pour les différentes catégories de produits, les parties atteignent des parts cumulées se situant entre 25 et 40 %, alors que sur le marché de vente en cause, leurs parts cumulées atteignent 60 %. Il existe quatre autres grands détaillants, possédant chacun 10 % de part de marché. Des entrées sur le marché sont peu probables.

Analyse: Il est probable que cet accord d'achat donnera aux parties la possibilité de coordonner leur comportement sur le marché de vente, aboutissant de ce fait à une collusion. Les parties disposent d'un pouvoir de marché sur le marché de vente et l'accord d'achat permet la mise en commun d'une grande partie des coûts. De plus, des entrées sur le marché sont peu probables. Les parties seront encore plus tentées de coordonner leur comportement si leurs structures de coûts étaient déjà similaires avant la conclusion de l'accord. De plus, si les parties réalisent des marges similaires, le risque de collusion s'en trouvera encore accru. Cet accord crée aussi le risque que, sous l'effet conjugué d'une limitation de la demande par les parties et de la réduction des quantités en résultant, on assiste à une hausse des prix de vente en aval. En conséquence, l'accord d'achat est susceptible de produire des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Même s'il y a de très fortes chances que l'accord entraîne des gains d'efficacité sous la forme de réductions de coûts, compte tenu du fort pouvoir de marché des parties sur le marché de vente, il est peu probable que ces gains soient répercutés sur les consommateurs dans une mesure suffisante pour compenser les effets restrictifs sur la concurrence. En conséquence, l'accord d'achat est peu susceptible de remplir les critères visés à l'article 101, paragraphe 3.

223.

Parties opérant sur des marchés géographiques différents

Exemple 3

Situation: Six grands détaillants, tous établis dans un État membre différent, constituent un groupement d'achat en vue d'acheter ensemble plusieurs produits de marque à base de farine de blé dur. Les parties sont autorisées à acheter d'autres produits de marque similaires en dehors de cette coopération. Par ailleurs, cinq d'entre elles proposent aussi des produits similaires sous leur propre marque. Les membres du groupement d'achat possèdent une part de marché cumulée d'environ 22 % sur le marché d'achat en cause, qui couvre toute l'Union. Le marché d'achat compte trois autres grands acteurs de taille similaire. Chacune des parties au groupement détient une part de marché comprise entre 20 % et 30 % du marché national de vente sur lequel elle est présente. Aucune n'opère dans un État membre dans lequel un autre membre du groupement est présent. Les parties ne sont pas des nouveaux arrivants potentiels sur les marchés des autres parties.

Analyse: Le groupement sera en mesure d'entrer en concurrence avec les autres grands acteurs présents sur le marché d'achat. Les marchés de vente sont beaucoup plus petits (en termes tant de chiffre d'affaires que de portée géographique) que le marché d'achat à la dimension de l'Union et, sur ces marchés, certains membres du groupement peuvent disposer d'un pouvoir de marché. Même si les membres du groupement d'achat possèdent une part de marché cumulée de plus de 15 % sur le marché d'achat, il est peu probable qu'ils coordonnent leur comportement et s'entendent sur les marchés de vente, dans la mesure où ils ne constituent, les uns pour les autres, des concurrents ni existants ni potentiels sur les marchés en aval. Par conséquent, il est peu probable que le groupement d'achat produise des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1.

224.

Échange d’informations

Exemple 4

Situation: Trois fabricants concurrents, A, B et C, confient à un groupement d'achat indépendant le soin d'acheter le produit Z, produit intermédiaire utilisé par les trois parties pour fabriquer le produit final X. Le coût du produit Z n'est pas un facteur de coût important pour la fabrication du produit X. Le groupement d'achat ne concurrence pas les parties sur le marché de vente du produit X. Toutes les informations nécessaires aux achats (par exemple les spécifications de qualité, quantités, dates de livraison, prix d'achat maximum) ne sont communiquées qu'au groupement d'achat, et non aux autres parties. Le groupement d'achat convient des prix d'achat avec les fournisseurs. A, B et C possèdent une part de marché cumulée de 30 % sur chacun des marchés d'achat et de vente en cause. Ils ont six concurrents sur les marchés d'achat et de vente, dont deux qui détiennent une part de marché de 20 %.

Analyse: Compte tenu de l'absence d'échange d'informations direct entre les parties, il est improbable que la communication des informations nécessaires pour les achats au groupement d'achat mène à une collusion. En conséquence, l'accord d'achat est peu susceptible d'avoir des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1.

6.   ACCORDS DE COMMERCIALISATION

6.1.   Définition

225.

Les accords de commercialisation concernent la coopération entre concurrents pour la vente, la distribution ou la promotion de leurs produits de substitution. Les accords de ce type peuvent avoir une portée très différente, en fonction des éléments de la commercialisation sur lesquels porte la coopération. À l'une des extrémités du spectre couvert, on trouve les accords de vente groupée, qui peuvent conduire à une détermination en commun de tous les aspects commerciaux liés à la vente du produit, y compris le prix. À l'autre extrémité, on peut trouver des accords plus limités portant seulement sur un aspect particulier de la commercialisation, tel que la distribution, le service après-vente ou la publicité.

226.

Une catégorie importante de ces accords plus limités est constituée par les accords de distribution. Le règlement d'exemption par catégorie concernant les restrictions verticales et les lignes directrices sur les restrictions verticales couvrent généralement les accords de distribution sauf si les parties à l’accord sont des concurrents existants ou potentiels. Si les parties sont des entreprises concurrentes, le règlement d'exemption par catégorie concernant les restrictions verticales ne couvre les accords verticaux non réciproques entre concurrents que si a) le fournisseur est un producteur et un distributeur de biens alors que l'acheteur est un distributeur et non une entreprise qui fabrique des biens concurrents, ou si b) le fournisseur est un prestataire de services à plusieurs niveaux d’activité commerciale alors que l'acheteur fournit ses biens ou services au stade de la vente au détail et ne propose pas de services concurrents au niveau de l’activité commerciale où il achète les services contractuels (94).

227.

Si des concurrents conviennent d’assurer réciproquement la distribution de leurs produits de substitution (en particulier s'ils le font sur des marchés géographiques différents), il est possible, dans certains cas, que les accords aient pour objet ou pour effet le cloisonnement de marchés au bénéfice des parties, ou qu'ils aboutissent à une collusion. Cela peut également valoir pour les accords non réciproques entre concurrents. Les accords réciproques et les accords non réciproques entre concurrents doivent donc être d’abord appréciés selon les principes mentionnés au présent chapitre. Si cette appréciation permet de conclure que la coopération entre les entreprises concurrentes dans le domaine de la distribution peut en principe être autorisée, un complément d’analyse sera nécessaire pour examiner les restrictions verticales contenues dans de tels accords. Cette seconde étape de l’appréciation doit s’appuyer sur les principes définis dans les lignes directrices sur les restrictions verticales.

228.

Il conviendrait également d'établir une distinction entre les accords dans lesquels les parties conviennent uniquement d'une commercialisation en commun et les accords dans lesquels la commercialisation est liée à une autre forme de coopération en amont, comme la production conjointe ou les achats groupés. Lors de l’analyse des accords de commercialisation combinant différents stades de coopération il est nécessaire de déterminer le centre de gravité de la coopération, conformément aux points 13 et 14

6.2.   Marchés en cause

229.

Pour apprécier les relations de concurrence entre les parties, il faut définir le ou les marchés de produits et géographiques en cause qui sont directement concernés par la coopération (c'est-à-dire le ou les marchés auxquels appartiennent les produits faisant l'objet de l'accord). Étant donné qu'un accord de commercialisation conclu sur un marché peut également affecter le comportement concurrentiel des parties sur un marché voisin étroitement lié à celui sur lequel porte directement la coopération, tout marché voisin éventuel doit aussi être défini. Le marché voisin peut être lié horizontalement ou verticalement au marché sur lequel a lieu la coopération.

6.3.   Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 1

6.3.1.   Principaux problèmes de concurrence

230.

Des accords de commercialisation peuvent restreindre la concurrence de diverses manières. Premièrement, la fixation des prix est la restriction la plus évidente pouvant découler des accords de commercialisation.

231.

Deuxièmement, les accords de commercialisation peuvent aussi faciliter la limitation de la production, parce que les parties peuvent décider du volume de produits qu’elles mettront sur le marché, ce qui limitera l’offre.

232.

Troisièmement, les accords de commercialisation peuvent devenir un moyen pour les parties de se répartir les marchés ou d'attribuer des commandes ou des clients, par exemple dans les cas où les usines de production des parties sont situées dans des marchés géographiques différents ou si les accords sont réciproques.

233.

Enfin, les accords de commercialisation peuvent également conduire à un échange d’informations stratégiques sur des aspects inclus ou exclus du champ d'application de la coopération ou à la mise en commun des coûts – en particulier dans le cas d'accords ne couvrant pas la fixation des prix – ce qui peut conduire à une collusion.

6.3.2.   Restrictions de concurrence par objet

234.

La fixation des prix est un des problèmes de concurrence les plus importants que pose un accord de commercialisation entre concurrents. Les accords se limitant à la vente groupée ont généralement pour objet la coordination de la politique des prix des fabricants ou des fournisseurs de services concurrents. De tels accords peuvent ne pas seulement éliminer toute concurrence par les prix entre les parties pour les produits de substitution, mais ils peuvent également limiter le volume total des produits qui seront fournis par les parties dans le cadre du système de répartition des commandes. Il est donc probable que de tels accords restreignent la concurrence par objet.

235.

Cette appréciation reste identique si l’accord est non exclusif (c’est-à-dire lorsque les parties sont libres de vendre individuellement en dehors de l’accord), si l'on peut conclure que l'accord entraînera une coordination générale des prix facturés par les parties.

236.

Un autre risque spécifique en matière de concurrence posé par les accords de distribution entre parties opérant sur des marchés géographiques différents est qu'ils peuvent être un instrument de cloisonnement des marchés. Si les différentes parties ont recours à un accord de distribution réciproque de leurs produits pour éliminer une concurrence effective ou potentielle entre elles en répartissant délibérément des marchés ou des clients, l'accord aura probablement pour objet une restriction de la concurrence. Si l'accord n'est pas réciproque, le risque de cloisonnement du marché est moindre. Toutefois, il convient d'analyser si l'accord non réciproque ne constitue pas la base d'un engagement mutuel de ne pas pénétrer sur leurs marchés respectifs.

6.3.3.   Effets restrictifs sur la concurrence

237.

Un accord de commercialisation ne doit normalement pas soulever de problèmes de concurrence s'il est objectivement nécessaire pour permettre à une partie de pénétrer sur un marché sur lequel elle n’aurait pu entrer individuellement ou avec un nombre plus limité de parties que celles prenant part effectivement à la coopération, par exemple en raison des coûts que cela implique. C'est notamment le cas lorsque plusieurs sociétés constituent un groupement d'entreprises afin de pouvoir participer à des projets auxquelles elles ne pourraient normalement prendre part à titre individuel. Étant donné que les parties au groupement d’entreprises ne sont pas des concurrents potentiels pour la mise en œuvre du projet, il n’y a aucune restriction de la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1.

238.

De la même manière, tous les accords de distribution réciproque n’ont pas pour objet une restriction de la concurrence. Selon les faits de l’affaire traitée, certains accords de distribution réciproque peuvent toutefois produire des effets restrictifs sur la concurrence. Lors de l'appréciation de ce type d'accord, il faut avant tout s'attacher à savoir si l'accord concerné était objectivement nécessaire pour que les parties puissent pénétrer sur le marché l'une de l'autre. Si c'est le cas, l'accord ne soulève pas de problèmes de concurrence de caractère horizontal. Toutefois, si l’accord réduit la liberté de décision de l’une des parties en ce qui concerne l'entrée sur le marché ou les marchés des autres parties en limitant les incitations à faire de la sorte, il produira probablement des effets restrictifs sur la concurrence. Le même raisonnement vaut pour les accords non réciproques, pour lesquels le risque d’effets restrictifs sur la concurrence est toutefois moindre.

239.

En outre, un accord de distribution peut avoir des effets restrictifs sur la concurrence s'il contient des restrictions verticales, comme des restrictions des ventes passives, des prix imposés, etc.

Pouvoir de marché

240.

Les accords de commercialisation passés entre concurrents ne peuvent avoir d'effets restrictifs sur la concurrence que si les parties disposent d’un certain pouvoir de marché. Dans la plupart des cas, il est peu probable qu’un pouvoir de marché existe si les parties à l’accord détiennent une part de marché cumulée inférieure à 15 %. En toute hypothèse, si les parties à l’accord détiennent une part de marché cumulée inférieure à 15 %, il est probable que les conditions énoncées à l’article 101, paragraphe 3, sont remplies.

241.

Si la part de marché cumulée des parties est supérieure à 15 %, leur accord ne relève pas de la zone de sécurité du point 240 et l'impact probable de l'accord de commercialisation en commun sur le marché doit donc être apprécié.

Collusion

242.

Il est probable qu’un accord de commercialisation en commun qui ne prévoit pas une fixation des prix produirait aussi des effets restrictifs sur la concurrence s'il accroît le partage par les parties des coûts variables à un niveau qui est susceptible d'aboutir à une collusion. Ce serait probablement le cas pour un accord de commercialisation en commun si, préalablement à l’accord, une proportion élevée des coûts variables est mise en commun par les parties étant donné que l’augmentation supplémentaire (c’est-à-dire les coûts de commercialisation du produit soumis à l'accord) peut faire pencher la balance vers une collusion. A l'inverse, si l’augmentation est importante, le risque d’une collusion peut être élevé si le niveau initial du partage des coûts est bas.

243.

Le degré de probabilité d'une collusion est fonction du pouvoir de marché des parties et des caractéristiques du marché en cause. Le partage de coûts peut augmenter le risque d’une collusion uniquement si les parties disposent d’un pouvoir de marché et si les coûts de commercialisation constituent une proportion importante des coûts variables liés aux produits en cause. Ce n’est par exemple pas le cas des produits homogènes pour lesquels le facteur coût le plus élevé est la production. Le partage des coûts de commercialisation augmente toutefois le risque d’une collusion si l’accord de commercialisation concerne des produits qui supposent une commercialisation coûteuse, comme des coûts élevés de distribution ou de mise sur le marché. En conséquence, les accords de publicité ou de promotion commune peuvent aussi avoir des effets restrictifs sur la concurrence si ces coûts constituent un facteur coût important.

244.

La commercialisation en commun suppose généralement l’échange d’informations commerciales sensibles, concernant notamment la stratégie de mise sur le marché et la tarification. Dans la plupart des accords de commercialisation, un certain niveau d’échange d’informations est nécessaire à la mise en œuvre de l'accord. Il est donc nécessaire de vérifier si l’échange d’informations peut déboucher sur une collusion portant sur les activités menées par les parties dans et hors du cadre de la coopération. Les effets négatifs induits par l’échange d’informations ne seront pas appréciés de manière séparée mais à la lumière des effets globaux de l’accord.

245.

Ainsi, si les parties à un accord de publicité commune échangent des informations sur les prix, cela peut conduire à une collusion en ce qui concerne la vente des produits faisant l'objet d'une publicité commune. En tout état de cause, l’échange de telles informations dans le cadre d’un accord de publicité commune dépasse ce qui est nécessaire pour la mise en œuvre de cet accord. Les effets vraisemblablement restrictifs sur la concurrence d’un échange d’informations dans le cadre d’accords de commercialisation dépendront des caractéristiques du marché et des données partagées et ils devront être appréciés à la lumière des orientations figurant au chapitre 2.

6.4.   Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 3

6.4.1.   Gains d'efficacité

246.

Les accords de commercialisation peuvent entraîner des gains d'efficacité significatifs. Les gains d'efficacité à prendre en compte lorsqu’il s’agit d’apprécier si un accord de commercialisation remplit les critères visés à l’article 101, paragraphe 3, dépendront de la nature de l’activité et des parties à la coopération. La fixation des prix ne se justifie généralement pas, sauf si elle est indispensable à l'intégration d'autres fonctions de commercialisation et si cette intégration engendrera des gains d'efficacité substantiels. La distribution en commun peut donc générer des gains d'efficacité importants, découlant d’économies d’échelle et de gamme, en particulier pour les plus petits producteurs.

247.

En outre, les gains d'efficacité ne doivent pas être des économies résultant uniquement de l'élimination de coûts inhérents à la concurrence, mais doivent être consécutifs à l'intégration d'activités économiques. C'est ainsi qu'une réduction des coûts de transport résultant uniquement d'une répartition des clients, mais sans intégration du système logistique, ne peut pas être considérée comme un gain d'efficacité au sens de l’article 101, paragraphe 3.

248.

Les gains d'efficacité doivent être démontrés par les parties à l'accord. À cet égard, l'apport par les parties de capitaux, de technologies ou d'autres actifs importants, peut constituer un élément de preuve important. Les baisses de coût consécutives à la réduction des doubles emplois en matière de ressources et d'installations peuvent également être acceptées. En revanche, si la commercialisation en commun se fait par l’intermédiaire d’un simple agent de vente en commun, sans qu’il n’y ait aucun investissement, elle risque de constituer une entente déguisée et de ne pas répondre aux conditions énoncées à l'article 101, paragraphe 3.

6.4.2.   Caractère indispensable

249.

Les restrictions qui vont au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser les gains d'efficacité générés par un accord de commercialisation ne remplissent pas les critères visés à l'article 101, paragraphe 3. La question du caractère indispensable est particulièrement importante dans le cas des accords qui concernent une fixation des prix ou une répartition des marchés qui ne peuvent être considérées comme indispensables que dans des circonstances exceptionnelles.

6.4.3.   Répercussion sur les consommateurs

250.

Les gains d'efficacité réalisés au moyen de restrictions indispensables doivent être répercutés sur les consommateurs de manière à compenser les effets restrictifs sur la concurrence causés par l'accord de commercialisation. Cela peut se traduire par une diminution des prix ou un accroissement de la qualité ou de la variété des produits. Toutefois, plus le pouvoir de marché des parties est élevé, moins il y a de chance que les gains d'efficacité se répercutent sur les consommateurs de manière à compenser les effets restrictifs sur la concurrence. Si les parties ont une part de marché cumulée inférieure à 15 %, tout porte à croire que tout gain d’efficacité démontré généré par l’accord sera répercuté de manière satisfaisante sur les consommateurs.

6.4.4.   Absence d'élimination de la concurrence

251.

Les critères visés à l’article 101, paragraphe 3, ne peuvent être remplis si les parties se voient donner la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. Ceci doit être analysé sur le marché en cause auquel appartiennent les produits visés par la coopération et sur les éventuels marchés secondaires.

6.5.   Exemples

252.

Commercialisation en commun nécessaire à l’entrée sur un marché

Exemple 1

Situation: Quatre sociétés proposant des services de blanchisserie dans une grande ville proche de la frontière avec un autre État membre, chacune détenant 3 % du marché global de la blanchisserie au sein de cette même ville, conviennent de créer une branche de commercialisation commune afin de vendre des services de blanchisserie à des clients institutionnels (hôtels, hôpitaux et bureaux), tout en conservant leur indépendance et la liberté de se faire concurrence au niveau des clients locaux individuels. Par rapport au nouveau segment de demande (les clients institutionnels), elles élaborent une marque commune, un prix commun et des conditions générales communes prévoyant, notamment, un délai maximal de livraison de 24 heures et un calendrier de livraison. Elles mettent sur pied un centre d’appels commun où les clients institutionnels peuvent demander le service de collecte et/ou de livraison. Elles embauchent un(e) réceptionniste (pour le centre d’appels) et plusieurs chauffeurs. Elles investissent également dans des fourgonnettes pour les livraisons et dans la promotion de la marque afin d’accroître leur visibilité. Si l’accord ne réduit pas entièrement les coûts d’infrastructure individuels (étant donné que les sociétés conservent leurs locaux et restent concurrentes sur le marché des clients locaux), il augmente toutefois les économies d’échelle et permet aux sociétés d’offrir un service plus complet à d’autres catégories de clients, comme des horaires d'ouverture plus étendus et une couverture géographique plus vaste. Pour garantir la viabilité du projet, il est indispensable que les quatre sociétés participent à l’accord. Le marché est très fragmenté, aucun des concurrents individuels ne disposant d’une part de marché supérieure à 15 %.

Analyse: Bien que la part de marché commune des parties soit inférieure à 15 %, le fait que l’accord prévoie une fixation des prix signifie que l’article 101, paragraphe 1, pourrait s’appliquer. Toutefois, les parties n’auraient pu être en mesure de pénétrer sur le marché des services de blanchisserie aux clients institutionnels, que ce soit à titre individuel ou dans le cadre d’une coopération entre moins de parties que les quatre qui prennent actuellement part à l’accord. En tant que tel, l’accord ne poserait aucun problème de concurrence, quelle que soit la restriction en matière de fixation des prix, qui, dans ce cas, peut être considérée comme indispensable pour la promotion de la marque commune et la réussite du projet.

253.

Accord de commercialisation entre plus de parties que nécessaires à l’entrée sur un marché

Exemple 2

Situation: Les faits sont identiques à ceux décrits dans l’exemple 1 au point 252, avec une différence de taille: pour garantir la viabilité du projet, l’accord aurait pu être mis en œuvre par trois parties uniquement (au lieu des quatre qui participent effectivement à la coopération).

Analyse: Bien que la part de marché commune des parties soit inférieure à 15 %, le fait que l’accord prévoie une fixation des prix et qu’il aurait pu être mis en œuvre par moins de quatre parties signifie que l’article 101, paragraphe 1, s’applique. L’accord doit donc être apprécié à la lumière de l’article 101, paragraphe 3. Il engendre des gains d'efficacité étant donné que les parties sont maintenant en mesure d’offrir des services de meilleure qualité à une nouvelle catégorie de clients sur une plus large échelle (ce qu’elles n'auraient pu faire à titre individuel). Étant donné que la part de marché cumulée des parties est inférieure à 15 %, il est probable qu'elles répercuteront suffisamment les gains d'efficacité sur les clients. Il est également nécessaire d’examiner si les restrictions imposées par l’accord sont indispensables pour réaliser les gains d'efficacité et si l’accord élimine la concurrence. Étant donné que l'accord a pour but d'offrir un service plus complet (y compris la livraison, qui n'était pas proposée avant) à une catégorie supplémentaire de clients, sous une marque unique et avec des conditions générales communes, la fixation des prix peut être jugée indispensable pour promouvoir la marque commune et, par conséquent, la réussite du projet et les gains d'efficacité qui en résultent. En outre, compte tenu de la fragmentation du marché, l’accord n’éliminera pas la concurrence. Le fait qu’il y ait quatre parties à l’accord (au lieu des trois qui auraient été strictement nécessaires) génère une capacité accrue et contribue à satisfaire simultanément la demande de plusieurs clients institutionnels conformément aux conditions générales (respect des délais de livraison maximaux). En tant que tels, les gains d'efficacité compenseront probablement les effets restrictifs induits par la réduction de la concurrence entre les parties et l’accord respectera vraisemblablement les conditions prévues à l'article 101, paragraphe 3.

254.

Plateforme internet commune

Exemple 3

Situation: Plusieurs petits magasins spécialisés à travers un État membre rejoignent une plateforme électronique en ligne pour la promotion, la vente et la livraison de cadeaux sous la forme de paniers de fruits. Il existe de nombreuses plateformes en ligne concurrentes. Moyennant le paiement d’une redevance mensuelle, ils partagent les coûts de fonctionnement de la plateforme et investissent dans la promotion de la marque. Sur le site web, qui propose de nombreux types de paniers cadeaux différents, les clients commandent (et paient) le type de panier cadeau qu’ils souhaitent se faire livrer. La commande est alors assignée au magasin spécialisé le plus proche de l’adresse de livraison. Le magasin assume seul les frais de composition du panier et de livraison au client. Il perçoit 90 % du prix final, qui est fixé par la plateforme en ligne et qui s’applique uniformément à l’ensemble des magasins spécialisés participants, tandis que les 10 % restants sont consacrés à la promotion commune et aux frais de fonctionnement de la plateforme. Mis à part le paiement de la redevance mensuelle, il n’y a aucune autre restriction imposée sur le territoire national aux magasins spécialisés qui souhaitent adhérer à la plateforme. En outre, les magasins spécialisés qui possèdent leur propre site web ont aussi la possibilité de vendre (et, dans certains cas, vendent) des paniers de fruits cadeaux sur internet sous leur propre nom et peuvent donc se livrer concurrence en dehors du cadre de coopération. Les clients qui effectuent des achats sur la plateforme en ligne sont assurés de recevoir les paniers de fruits le jour même et peuvent déterminer l'heure de réception qui leur convient.

Analyse: Bien que l’accord soit limité par nature, puisqu’il ne couvre que la vente groupée d’un type particulier de produit par l’intermédiaire d’un circuit commercial spécifique (la plateforme en ligne), étant donné qu’il prévoit la fixation des prix, il est susceptible de restreindre la concurrence par objet. Il doit donc être apprécié à la lumière de l’article 101, paragraphe 3. L’accord donne lieu à des gains d'efficacité, tels qu’un choix élargi, un service de meilleure qualité et une diminution des coûts d'étude de marché, qui profitent aux consommateurs et sont de nature à compenser les effets restrictifs sur la concurrence découlant de l'accord. Étant donné que les magasins spécialisés prenant part à la coopération peuvent continuer à exercer des activités à titre individuel et se livrer concurrence, tant par l'intermédiaire de leurs magasins que sur l'internet, la restriction engendrée par la fixation des prix pourrait être considérée comme indispensable pour la promotion du produit (étant donné qu'en achetant sur la plateforme en ligne, les consommateurs ignorent à qui ils achètent le panier cadeau et ne veulent pas devoir étudier une multitude de prix différents) et les gains d'efficacité qui en découlent. En l’absence d’autres restrictions, l’accord répond aux critères de l’article 101, paragraphe 3. En outre, comme il existe d'autres plateformes en ligne concurrentes et que les parties continuent de se livrer concurrence, par l'intermédiaire de leurs magasins ou de l'internet, la concurrence ne sera pas éliminée.

255.

Entreprise commune de vente

Exemple 4

Situation: Les sociétés A et B, situées dans États membres différents, produisent des pneus pour vélos. Elles disposent d’une part de marché cumulée de 14 % sur le marché des pneus pour vélos de l’Union. Elles décident de créer une entreprise commune de vente (non de plein exercice) chargée de commercialiser les pneus auprès des fabricants de vélos et elles acceptent de vendre l’ensemble de leur production par l’intermédiaire de l’entreprise commune. Chaque société garde ses propres infrastructures de production et de transport. Les parties prétendent tirer des gains d'efficacité considérables résultant de l’accord. De tels gains portent surtout sur des économies d’échelle accrues, sur la capacité de satisfaire les demandes des clients existants et des nouveaux clients potentiels et sur une plus grande compétitivité face aux pneus importés produits dans des pays tiers. L’entreprise commune négocie les prix et assigne les commandes à l’usine de production la plus proche afin de rationaliser les coûts de transport lors de la livraison ultérieure au client.

Analyse: Même si la part de marché cumulée des parties est inférieure à 15 %, l’accord relève de l’article 101, paragraphe 1. Il restreint la concurrence par objet étant donné qu'il prévoit une répartition des clients et la fixation des prix par l'entreprise commune. Les gains d'efficacité prétendus découlant de l’accord ne résultent pas de l'intégration d'activités économiques ou d'investissements communs. L’entreprise commune aurait un rayon d’action très limité et servirait uniquement d’interface pour l’assignation des commandes aux usines de production. Il est donc peu probable que des gains d'efficacité soient répercutés sur les consommateurs de manière à compenser les effets restrictifs sur la concurrence induits par l’accord. En conséquence, les conditions de l’article 101, paragraphe 3, ne seraient pas remplies.

256.

Clause de non-débauchage dans un accord d’externalisation de services

Exemple 5

Situation: Les sociétés A et B sont des prestataires concurrents de services de nettoyage pour locaux commerciaux. Elles disposent chacune d’une part de marché de 15 %. Il existe plusieurs autres concurrents dont la part de marché est comprise entre 10 et 15 %. La société A a pris la décision (unilatérale) de ne cibler à l'avenir que les clients importants étant donné que le fait de s’adresser à la fois à des clients de petite taille et de grande taille nécessite une organisation quelque peu différente du travail. En conséquence, la société A a décidé de ne plus signer de contrats avec de nouveaux clients de petite taille. De plus, les sociétés A et B passent un accord d’externalisation en vertu duquel la société B fournira directement des services de nettoyage aux petits clients actuels de la société A (qui représentent un tiers de sa clientèle). Dans le même temps, A souhaite préserver la relation commerciale établie avec ces petits clients. De ce fait, la société A conservera ses relations contractuelles avec les petits clients mais la prestation directe des services de nettoyage sera assurée par la société B. Pour mettre en œuvre l’accord d’externalisation, la société A devra nécessairement transmettre à la société B les identités de ses petits clients faisant l'objet de l'accord. Comme la société A craint que la société B essaie de débaucher ces clients en leur proposant des services directs meilleur marché (et en contournant ainsi la société A), la société A insiste pour que l'accord d'externalisation renferme une «clause de non-débauchage». Cette clause prévoit que la société B ne peut prendre contact avec les petits clients relevant des accords d’externalisation dans le but de leur proposer ses services directs. En outre, les sociétés A et B conviennent que la société B ne peut même pas fournir de services directs à ces clients si la société B est approchée par ceux-ci. Sans la «clause de non-débauchage», A la société ne conclurait d’accord d’externalisation ni avec la société B ni avec aucune autre société.

Analyse: L’accord d’externalisation écarte la société B en tant que prestataire indépendant de services de nettoyage aux petits clients de la société A, étant donné que ces derniers ne pourront plus nouer une relation contractuelle directe avec la société B. Toutefois, ces clients ne représentent qu’un tiers de la clientèle de la société A, soit 5 % du marché. Ils pourront toujours se tourner vers les concurrents de sociétés A et B, qui représentent 70 % du marché. L’accord d’externalisation ne permettra donc pas à la société A d’augmenter avantageusement les prix appliqués aux clients faisant l’objet de l’accord. En outre, l’accord d’externalisation ne débouchera probablement pas sur une collusion car les sociétés A et B ne possèdent qu’une part de marché cumulée de 30 % et ils sont confrontés à plusieurs concurrents dont les parts de marché sont semblables aux parts de marché individuelles de la société A et de la société B. Qui plus est, le fait que les prestations de services à la fois aux grands et aux petits clients soient quelque peu différentes minimise le risque d’effets secondaires provoqués par l’accord d’externalisation sur le comportement de la société A et de la société B lorsqu’ils se livreront concurrence pour des clients importants. En conséquence, il est peu probable que l’accord d’externalisation ait des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1.

7.   ACCORDS DE NORMALISATION

7.1.   Définition

Accords de normalisation

257.

Les accords de normalisation ont pour objectif premier la définition d'exigences techniques ou d'exigences de qualité auxquelles des produits, processus, services ou méthodes de production actuels ou futurs peuvent répondre (95). Les accords de normalisation peuvent avoir différents objectifs, tels que la normalisation de différentes qualités ou tailles d'un produit donné ou des spécifications techniques propres à des marchés de produits ou de services où la compatibilité et l'interopérabilité avec d'autres produits ou systèmes sont essentielles. Les conditions d'accès à un label de qualité particulier ou les conditions d'agrément par un organisme de contrôle peuvent également être considérées comme des normes. Les accords définissant les performances environnementales de produits ou processus de production sont également couverts par le présent ce chapitre.

258.

La préparation et la production de normes techniques dans le cadre de l’exécution de prérogatives de puissance publique ne sont pas couvertes par les présentes lignes directrices (96). Les organismes de normalisation européens reconnus au titre de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (97) sont soumis au droit de la concurrence dans la mesure où ils peuvent être considérés comme des entreprises ou des associations d’entreprises au sens des articles 101 et 102 (98). Les normes liées à la prestation de services professionnels, comme les règles d’accès à une profession libérale, ne sont pas couvertes par les présentes lignes directrices.

Conditions générales

259.

Dans certains secteurs, les entreprises ont recours à des conditions générales et des conditions de vente ou d’achat conçues par un groupement professionnel ou directement par les sociétés concurrentes («conditions générales») (99). Ces conditions générales sont couvertes par les présentes lignes directrices à condition qu’elles établissent des conditions types de vente ou d’achat de biens ou de services entre concurrents et consommateurs (et non les conditions de vente ou d’achat entre concurrents) pour des produits de substitution. Lorsque ces conditions générales sont largement utilisées dans un secteur, les conditions d’achat et de vente appliquées dans ce dernier peuvent être alignées de facto (100). La banque (par exemple, les conditions régissant les comptes) et l’assurance sont des exemples de secteurs dans lesquels les conditions générales jouent un rôle important.

260.

Les conditions générales développées à titre individuel par une entreprise pour son propre usage exclusif lorsqu’elle passe un contrat avec ses fournisseurs ou clients ne sont pas des accords horizontaux et ne sont dès lors pas couvertes par les présentes lignes directrices.

7.2.   Marchés en cause

261.

Les accords de normalisation peuvent avoir des répercussions sur quatre marchés, qui seront définis conformément à la communication de la Commission sur la définition du marché en cause. Premièrement, la définition de normes peut avoir des répercussions sur le(s) marchés de produits ou de services auxquels se rapporte(nt) la ou les norme(s). Deuxièmement, si elle suppose la sélection d’une technologie et si les droits de propriété intellectuelle font l’objet d’une commercialisation distincte des produits auxquels ils se rapportent, la norme peut avoir des répercussions sur le marché de technologies en cause (101). Troisièmement, le marché des activités normatives peut être touché, s'il existe des organismes ou des accords de normalisation différents. Enfin, le marché distinct des essais et de la certification peut, le cas échéant, être également affecté par la normalisation.

262.

En ce qui concerne les conditions générales, les effets se font généralement ressentir sur le marché en aval sur lequel les entreprises qui appliquent ces conditions générales se font concurrence en vendant leur produit à leurs clients.

7.3.   Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 1

7.3.1.   Principaux problèmes de concurrence

Accords de normalisation

263.

Les accords de normalisation produisent généralement des effets économiques positifs substantiels (102), par exemple parce qu'ils encouragent l’interpénétration économique sur le marché intérieur et le développement de produits ou marchés nouveaux et plus performants et de meilleures conditions d’offre. Les normes augmentent donc, en principe, la concurrence et diminuent les coûts de production et de vente, ce dont profite l’ensemble de l’économie. Elles peuvent préserver et améliorer la qualité, fournissent des informations et garantissent l’interopérabilité et la compatibilité (augmentant ainsi la valeur pour les consommateurs).

264.

La normalisation peut toutefois, dans certains cas spécifiques, produire des effets restrictifs sur la concurrence en diminuant potentiellement la concurrence par les prix et en limitant ou en contrôlant la production, les marchés, l’innovation ou les développements techniques. Cela peut se produire essentiellement de trois façons: diminution de la concurrence par les prix, refus d'accès aux technologies innovantes et éviction de certaines entreprises, ou exercice de discriminations à leur égard, en les empêchant d'avoir accès effectivement à la norme.

265.

Premièrement, si les entreprises devaient se lancer dans des discussions anticoncurrentielles dans le cadre de la normalisation, cela pourrait limiter, voire supprimer toute concurrence par les prix sur les marchés en cause, ce qui faciliterait une collusion sur le marché (103).

266.

Deuxièmement, les normes définissant des spécifications techniques détaillées pour un produit ou un service peuvent limiter les développements techniques et l’innovation. Durant le développement d'une norme, d'autres technologies peuvent se livrer concurrence afin d’être incluses dans la norme. Une fois qu’une technologie a été retenue et que la norme a été définie, des technologies et entreprises concurrentes peuvent se heurter à une barrière à l’entrée et être potentiellement exclues du marché. En outre, des normes exigeant qu'une technologie particulière soit utilisée exclusivement pour une norme donnée ou empêchant la mise au point d'autres technologies en obligeant les membres des organismes de normalisation à appliquer exclusivement une norme spécifique, peuvent déboucher sur le même résultat. Le risque de limitation de l'innovation est accru si une ou plusieurs entreprises sont, sans aucune justification, exclues du processus de normalisation.

267.

Dans le contexte des normes impliquant des droits de propriété intellectuelle («DPI») (104), on peut distinguer, en résumé, trois grands groupes d'entreprises présentant des intérêts différents en ce qui concerne la normalisation (105): premièrement, les entreprises opérant exclusivement en amont qui développent et commercialisent uniquement des technologies. Les revenus tirés des licences sont leur seule source de revenus et leur motivation est de maximiser leurs redevances. On trouve ensuite les entreprises opérant exclusivement en aval, qui fabriquent uniquement des produits ou qui offrent uniquement des services basés sur des technologies développées par d’autres et qui ne détiennent pas les DPI correspondants. Les redevances constituent pour elles un coût et non une source de revenus, et elles ont un intérêt à réduire ou à éviter ces redevances. Enfin, les entreprises intégrées verticalement qui à la fois développent des technologies et vendent des produits ont des motivations contrastées. D'une part, les DPI leur permettent de tirer des revenus de leurs licences. D’autre part, elles peuvent être amenées à verser des redevances à d’autres entreprises détenant des DPI essentiels pour la norme. Elles peuvent par conséquent octroyer des licences sur leurs propres DPI essentiels en échange des DPI essentiels détenus par d'autres entreprises.

268.

Troisièmement, la normalisation peut produire des effets anticoncurrentiels si elle empêche certaines entreprises d'avoir effectivement accès aux résultats du processus de normalisation (à savoir, la spécification et/ou les DPI essentiels aux fins de la mise en œuvre de la norme). Si une entreprise est complètement empêchée d'accéder au résultat de la norme, ou n'obtient cet accès qu'à des conditions prohibitives ou discriminatoires, il existe un risque d'effet anticoncurrentiel. Un système dans lequel des DPI potentiellement pertinents sont divulgués d'emblée est susceptible d'accroître la probabilité de l'octroi d'un accès effectif à la norme, car il permet aux participants de déterminer les technologies faisant ou non l'objet de DPI. Les participants peuvent, de la sorte, tenir compte des effets potentiels du résultat de la norme sur le prix final (par exemple, le fait d'opter pour une technologie ne faisant pas l'objet de DPI est susceptible d'avoir un impact positif sur le prix final) et vérifier auprès du détenteur des DPI s'il souhaiterait accorder une licence si sa technologie était incluse dans la norme.

269.

Les réglementations en matière de propriété intellectuelle et de concurrence partagent les mêmes objectifs (106), à savoir promouvoir l'innovation et accroître le bien-être des consommateurs. Les DPI favorisent une concurrence dynamique, en ce qu'ils encouragent les entreprises à investir dans le développement de produits et de processus nouveaux ou plus performants. Ils sont dès lors généralement favorables à la concurrence. Toutefois, une entreprise participante détenant des DPI essentiels aux fins de la mise en œuvre d'une norme pourrait, dans le contexte spécifique de la normalisation, acquérir également, en vertu de ses DPI, le contrôle de l'utilisation de cette même norme. Si la norme constitue une barrière à l'entrée, cette entreprise pourrait par conséquent contrôler le marché du produit ou du service concerné par la norme. Cela pourrait permettre aux entreprises en question d'adopter des comportements anticoncurrentiels, consistant par exemple en bloquantles utilisateurs après l’adoption de la norme, soit en refusant de leur accorder une licence pour les DPI nécessaires, soit en retirant des rentes excessives du fait de redevances excessives (107), empêchant de la sorte un accès effectif à la norme. Toutefois, même si l'élaboration d'une norme peut créer un pouvoir de marché ou accroître le pouvoir de marché des titulaires de DPI essentiels à cette norme, rien ne laisse supposer que la détention ou l'exercice de DPI essentiels à une norme équivaut à détenir ou à exercer un pouvoir de marché. La question du pouvoir de marché ne peut être examinée qu'au cas par cas.

Conditions générales

270.

Les conditions générales peuvent produire des effets restrictifs sur la concurrence en limitant le choix de produits et l’innovation. Si une part importante d’un secteur adopte les conditions générales et choisit de ne pas s’en écarter dans les cas individuels (ou de ne s’en écarter que dans des cas exceptionnels de pouvoir d’achat important), les clients pourraient n’avoir d’autre choix que d’accepter les conditions énoncées dans les conditions générales. Le choix et l’innovation ne risquent toutefois d’être limités que dans les cas où les conditions générales définissent le champ d’application du produit final. Pour ce qui est des biens de consommation classiques, les conditions générales de vente ne limitent généralement pas l’innovation du produit existant, ni à la qualité ou la diversité des produits.

271.

En outre, selon leur contenu, les conditions générales risquent de nuire aux conditions commerciales du produit final. Il existe notamment un risque sérieux de voir les conditions générales relatives au prix limiter la concurrence par les prix.

272.

Par ailleurs, si les conditions générales deviennent pratique courante dans le secteur, il pourrait être vital de pouvoir y accéder pour entrer sur le marché. Dans de tels cas, refuser l’accès aux conditions générales risquerait de provoquer une éviction anticoncurrentielle. Tant que les conditions générales restent effectivement ouvertes à quiconque souhaite y avoir accès, il est peu probable qu’elles provoquent une éviction anticoncurrentielle.

7.3.2.   Restrictions de concurrence par objet

Accords de normalisation

273.

Les accords qui ont recours à une norme dans le cadre d'un accord restrictif plus large visant à évincer des concurrents existants ou potentiels restreignent la concurrence par objet. Ainsi, un accord permettant à une association nationale de fabricants de fixer une norme et d’exercer des pressions sur des tiers pour qu'ils ne commercialisent pas de produits ne répondant pas à cette norme, ou un accord par lequel les fabricants du produit en place s'entendent pour exclure une nouvelle technologie d'une norme existante (108) relèveraient, par exemple, de cette catégorie.

274.

Tout accord visant à limiter la concurrence en recourant à la divulgation des conditions de licences les plus restrictives avant l’adoption d’une norme en guise de couverture pour fixer conjointement les prix des produits en aval ou des DPI de la technologie de substitution, constituera une restriction de la concurrence par objet (109).

Conditions générales

275.

Les accords qui ont recours à des conditions générales dans le cadre d'un accord restrictif plus large visant à évincer des concurrents existants ou potentiels restreignent la concurrence par objet. Un exemple serait un groupement professionnel qui n’autorise pas un nouvel entrant à accéder à ses conditions générales, dont l’utilisation est essentielle pour assurer l’entrée sur le marché.

276.

Toutes les conditions générales contenant des dispositions qui influencent directement les prix imposés aux clients (prix conseillés, rabais, etc.) constitueraient une restriction de la concurrence par objet.

7.3.3.   Effets restrictifs sur la concurrence

Accords de normalisation

Accords ne restreignant en principe par la concurrence

277.

Les accords de normalisation qui ne restreignent pas la concurrence par objet doivent être analysés dans leur contexte juridique et économique en ce qui concerne leurs effets réels et probables sur la concurrence. En l'absence de pouvoir de marché (110), un accord de normalisation n'est pas à même de produire des effets restrictifs sur la concurrence. Ces derniers sont dès lors peu probables lorsqu'il existe une concurrence effective entre plusieurs normes dont l'application est facultative.

278.

Pour ce qui est des accords de normalisation risquant de créer un pouvoir de marché, les points 280 à 286 énoncent les conditions dans lesquelles les accords de ce type n'entrent en principe pas dans le champ d'application de l'article 101, paragraphe 1.

279.

Le non-respect d'un ou de tous les principes exposés dans le présent chapitre n'entraînera pas de présomption de restriction de la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Il nécessitera toutefois une auto-appréciation afin de déterminer si l'accord relève de l'article 101, paragraphe 1, et, dans l'affirmative, si les conditions de l'article 101, paragraphe 3, sont satisfaites. À cet égard, il est admis qu'il existe différents modèles de normalisation et que la concurrence intra- et intermodèles constitue un aspect positif d'une économie de marché. En conséquence, les organismes de normalisation demeurent entièrement libres de mettre en place des règles et des procédures qui n'enfreignent pas les règles de concurrence tout en étant différentes de celles décrites aux points 280 à 286.

280.

Si la participation à la définition de la norme ne fait l'objet d'aucune restriction et que la procédure d’adoption de la norme en question est transparente, les accords de normalisation qui ne fixent aucune obligation quant au respect  (111) de la norme et qui permettent d’accéder à la norme à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires ne limiteront en principe pas la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1.

281.

En vue, notamment, d'une participation non limitée, les règles de l’organisme de normalisation devront garantir que tous les concurrents présents sur le ou les marchés concernés par la norme peuvent participer au processus aboutissant à la sélection de la norme. Les organismes de normalisation devraient également disposer de procédures objectives et non discriminatoires aux fins de l’attribution des droits de vote, ainsi que, le cas échéant, de critères objectifs pour la sélection de la ou des technologies incluses dans la norme.

282.

Pour ce qui est de la transparence, l’organisme de normalisation concerné devrait disposer de procédures qui permettent aux parties prenantes de prendre effectivement connaissance, en temps voulu et à chaque étape de l'élaboration de la norme, des travaux de normalisation à venir, en cours et terminés.

283.

En outre, les règles de l'organisme de normalisation devraient garantir un accès effectif à la norme à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires  (112).

284.

Dans le cas d'une norme intégrant des DPI, une politique claire et équilibrée en matière de DPI  (113), adaptée au secteur particulier et aux besoins de l'organisme de normalisation en question, accroît la probabilité d'un accès effectif à la ou aux normes élaborées par cet organisme pour les acteurs qui les appliquent.

285.

Afin de garantir un accès effectif à la norme, la politique en matière de DPI devrait exiger que les participants qui souhaitent voir leurs DPI inclus dans la norme s’engagent de manière irrévocable et par écrit à accorder des licences concernant leurs DPI essentiels à l’ensemble des tiers, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires («engagement FRAND») (114). Cet engagement devrait être donné préalablement à l'adoption de la norme. Simultanément, la politique en matière de DPI devrait permettre aux titulaires des DPI d'exclure une technologie spécifique du processus de normalisation et, partant, de l'engagement d'offrir une licence, pour autant que cette exclusion se produise à un stade précoce de l'élaboration de la norme. Pour assurer l’efficacité de l’engagement FRAND, il convient également que tous les titulaires de DPI participants soient tenus de fournir un tel engagement afin de garantir que l’entreprise à laquelle ils cèdent ces DPI (y compris le droit d’octroi de licence d’exploitation de ceux-ci) sera liée par cet engagement, par exemple au moyen d'une clause contractuelle entre l'acquéreur et le vendeur.

286.

En outre, la politique en matière de DPI nécessiterait d'exiger une divulgation faite de bonne foi, par les participants, des DPI qui pourraient être essentiels à la mise en œuvre d’une norme en cours d’élaboration. Cela permettrait au secteur de choisir la technologie en connaissance de cause et, partant, de contribuer à la réalisation de l'objectif d'un accès effectif à la norme. Une telle obligation de divulgation pourrait s'appuyer sur une divulgation continue au fur et à mesure de l'élaboration de la norme et des efforts raisonnables en vue de l'identification des DPI couverts par la norme éventuelle (115). Il suffit également que le participant déclare qu'il est susceptible de faire valoir des DPI pour une technologie particulière (sans préciser ses revendications en matière de DPI ni les demandes de DPI concernées). Étant donné que les risques en termes d'accès effectif ne sont pas les mêmes dans le cas d'un organisme de normalisation appliquant une politique d'exemption de redevances, une divulgation des DPI ne serait pas pertinente dans ce contexte.

FRAND

287.

Les engagements FRAND visent à garantir que la technologie essentielle protégée par des DPI incorporée dans une norme soit accessible aux utilisateurs de cette norme à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires. En particulier, les engagements FRAND peuvent empêcher les titulaires de DPI de rendre la mise en œuvre d’une norme difficile en refusant d’octroyer une licence ou en exigeant des redevances déloyales ou déraisonnables (en d’autres termes, des redevances excessives) une fois le secteur dépendant de la norme ou en imposant des redevances discriminatoires.

288.

Le respect de l'article 101 par l'organisme de normalisation n'exige pas de celui-ci qu'il vérifie si les conditions d’octroi de licences des participants respectent l'engagement FRAND. Les participants devront examiner eux-mêmes si les conditions d'octroi de licences et, plus particulièrement, les redevances qu'ils facturent, respectent l'engagement FRAND. En conséquence, pour déterminer s'il convient de prendre un engagement FRAND pour un DPI particulier, les participants devront prévoir les implications de cet engagement, notamment pour ce qui est de leur capacité à fixer librement le niveau de leurs redevances.

289.

En cas de différend, pour pouvoir apprécier le caractère déloyal ou déraisonnable des redevances imposées en vue de l'accès à des DPI dans le cadre du processus de normalisation, il est nécessaire de déterminer si les redevances sont raisonnables par rapport à la valeur économique de ces DPI (116). En règle générale, il existe diverses méthodes permettant d’effectuer cette appréciation. En principe, les méthodes basées sur le coût ne sont pas bien adaptées à cette situation en raison des difficultés liées à l'appréciation des coûts imputables au développement d'un brevet particulier ou d'un groupe de brevets. En revanche, il est possible de comparer les redevances de licences imposées par l’entreprise en question pour les brevets en cause dans un environnement concurrentiel avant l’imposition de la norme au secteur (ex ante) avec celles imposées après l'imposition de celle-ci au même secteur (ex post). Cela suppose que la comparaison puisse être effectuée de manière cohérente et fiable (117).

290.

Une autre méthode pourrait consister à obtenir une analyse, par des experts indépendants, de la pertinence objective et du caractère essentiel du portefeuille de DPI en cause par rapport à la norme en question. Dans un cas approprié, il peut aussi être possible de se référer à des précédentes divulgations ex ante de conditions d’octroi de licences dans le contexte d'un processus spécifique d'élaboration d'une norme. Cela suppose également que la comparaison puisse être effectuée de manière cohérente et fiable. Les taux de redevances facturés pour les mêmes DPI dans d'autres normes comparables peuvent également fournir des indications sur les taux de redevance FRAND. Les présentes lignes directrices ne cherchent pas à dresser une liste exhaustive des méthodes appropriées permettant d'apprécier le caractère éventuellement excessif des redevances.

291.

Il convient toutefois de souligner qu'aucune des dispositions des présentes lignes directrices ne préjuge de la possibilité, pour les parties, de régler leurs différends concernant le niveau FRAND des taux de redevance en s'adressant aux juridictions civiles ou commerciales compétentes.

Appréciation des accords de normalisation fondée sur les effets

292.

L’appréciation de chaque accord de normalisation doit tenir compte des effets probables de la norme sur les marchés en cause. Les considérations suivantes s'appliquent à tous les accords de normalisation qui s'écartent des principes fixés aux points 280 à 286.

293.

Les effets restrictifs éventuels des accords de normalisation sur la concurrence peuvent dépendre de la liberté dont disposent les membres d'un organisme de normalisation pour développer d'autres normes ou produits qui ne respectent pas la norme convenue (118). Par exemple, si du fait de l'accord de normalisation qui les lie, les membres ne sont autorisés à fabriquer que des produits conformes à la norme, le risque d'un effet négatif éventuel sur la concurrence est sensiblement accru et pourrait, dans certaines circonstances, déboucher sur une restriction de la concurrence par objet (119). Dans le même ordre d'idées, des normes ne couvrant que des aspects mineurs/des parties du produit final sont moins susceptibles de poser des problèmes de concurrence que des normes plus exhaustives.

294.

L'accès à la norme constituera également un critère permettant d'apprécier si un accord restreint la concurrence. Lorsque le résultat d'une norme (c'est-à-dire la spécification des modalités à respecter pour se conformer à celle-ci et, le cas échéant, les DPI essentiels aux fins de sa mise en œuvre) n'est pas du tout accessible, ou n'est accessible qu'à des conditions discriminatoires, pour les membres ou des tiers (c'est-à-dire des non-membres de l'organisme de normalisation concerné), il peut en résulter une discrimination, une éviction ou une segmentation des marchés en fonction de leur portée géographique, ce qui est susceptible de restreindre la concurrence. Toutefois, lorsqu'il existe plusieurs normes concurrentes ou une concurrence effective entre la solution standard et la solution non standard, une limitation de l'accès peut ne pas produire d'effets restrictifs sur la concurrence.

295.

Une participation ouverte au processus de normalisation, dans le sens que tous les concurrents (et/ou parties prenantes) sur le marché concerné par la norme sont autorisés à prendre part au choix et à l'élaboration de la norme, limite les risques d'effets restrictifs sur la concurrence, toutes les entreprises étant à même d'influer sur le choix et l'élaboration de la norme (120). Plus l'incidence de la norme sur le marché est susceptible d'être élevée et plus son domaine d'application est potentiellement étendu, plus il est important de permettre un accès équitable au processus de normalisation. Toutefois, si les faits en cause montrent qu'il existe une concurrence entre plusieurs de ces normes et des organismes de normalisation (et il n'est pas nécessaire que l'ensemble du secteur applique les mêmes normes), il pourrait ne pas y avoir d'effets restrictifs sur la concurrence. De même, s'il n'avait pas été possible d'adopter la norme sans limiter le nombre de participants, il est peu probable que produise des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1 (121). Dans certains cas, les effets négatifs potentiels d'une participation restreinte pourraient être supprimés ou, à tout le moins, réduits en permettant aux parties prenantes d'être tenues informées et d'être consultées sur les travaux en cours (122). Plus la procédure d'adoption de la norme est transparente, plus il est probable que la norme adoptée tiendra compte des intérêts de toutes les parties prenantes.

296.

Pour apprécier les effets d'un accord de normalisation, il convient de tenir compte des parts de marchés des biens ou services fondés sur cette norme. Il pourrait ne pas toujours être possible de déterminer avec suffisamment de certitude, à un stade précoce, si la norme sera, en pratique, adoptée par une part importante du secteur ou si elle ne sera utilisée que par une partie marginale de celui-ci. Dans de nombreux cas, les parts de marché pertinentes des entreprises ayant pris part à l'élaboration de la norme pourraient être utilisées comme indicateur aux fins de l'estimation de la part de marché que la norme pourrait représenter (les entreprises qui ont participé à l'élaboration de cette norme ayant, dans la plupart des cas, tout intérêt à appliquer celle-ci) (123). Étant donné, toutefois, que l’efficacité des accords de normalisation est souvent proportionnelle à la part du secteur concerné par la définition et/ou l'application de la norme, le fait que les parties présentes sur le(s) marché(s) concerné(s) par la norme détiennent des parts de marché élevées ne conduira pas nécessairement à la conclusion que la norme est susceptible de produire des effets restrictifs sur la concurrence.

297.

Tout accord de normalisation clairement discriminatoire à l'égard de l'un quelconque des membres participants ou potentiels pourrait déboucher sur une restriction de concurrence. Ainsi, par exemple, le fait, pour un organisme de normalisation, d'exclure explicitement des entreprises uniquement présentes en amont (c'est-à-dire des entreprises n'exerçant pas d'activités sur le marché de la production en aval) pourrait conduire à l'éviction de technologies potentiellement plus performantes.

298.

Quant aux accords de normalisation prévoyant des modèles de divulgation des DPI différents de ceux visés au point 286 ci-dessus, il convient de déterminer au cas par cas si les modèles de divulgation en question (par exemple, un modèle n'exigeant pas la divulgation des DPI, mais encourageant celle-ci) garantissent un accès effectif à la norme. En d'autres termes, il faudra examiner si, dans le contexte spécifique, le modèle de divulgation des DPI n'empêche pas, en pratique, de choisir, en connaissance de cause, entre des technologies et les DPI y afférents.

299.

Enfin, des accords de normalisation prévoyant des divulgations ex ante des conditions d'octroi de licences les plus restrictives ne restreindront pas, en principe, la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. À cet égard, il importe que les parties prenant part à la sélection d’une norme soient pleinement informées, non seulement des options techniques disponibles et du DPI y afférent, mais aussi du coût probable de ce DPI. En conséquence, si la politique liée aux DPI d’un organisme de normalisation oblige les titulaires de DPI à révéler, à titre individuel, leurs conditions d’octroi de licences les plus restrictives, y compris les taux de redevance maximaux qu’ils imposeraient, avant l’adoption de la norme, il n’en résultera normalement pas une restriction de la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1 (124). De telles divulgations ex ante unilatérales des conditions d’octroi de licences les plus restrictives seraient une manière de permettre à l’organisme de normalisation de prendre une décision en connaissance de cause basée sur les avantages et désavantages de diverses technologies alternatives, non seulement d’un point de vue technique mais aussi par rapport aux prix.

Conditions générales

300.

L’établissement et l’utilisation de conditions générales doivent être évalués dans le contexte économique adéquat et à la lumière de la situation du marché en cause afin de déterminer si les conditions générales en question sont susceptibles de produire des effets restrictifs sur la concurrence.

301.

Tant que la participation à l’établissement effectif des conditions générales n'est pas limitée pour les concurrents sur le marché en cause (soit par la participation à un groupement professionnel, soit directement) et que les conditions générales établies sont non contraignantes et effectivement accessibles à chacun, de tels accords ne sont pas susceptibles de produire des effets restrictifs sur la concurrence(en tenant compte des réserves émises aux points 303 à 305 et 307 ci-dessous).

302.

Des conditions générales effectivement accessibles et non contraignantes portant sur la vente de biens de consommation ou de services (dans l’hypothèse où elles n’ont aucun effet sur le prix) n’ont donc généralement aucun effet restrictif sur la concurrence, étant donné qu'il est peu probable qu'elles aient un effet négatif sur la qualité des produits, leur diversité ou l'innovation. Il existe toutefois deux exceptions générales qui nécessiteraient une appréciation plus approfondie.

303.

Premièrement, des conditions générales portant sur la vente de biens ou de services de consommation qui définissent le champ d’application du produit vendu au client et pour lesquels le risque d'une limitation du choix de produit est plus important pourraient avoir des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1 si leur application générale est susceptible de résulter en alignement de fait. Cela pourrait être le cas si l’utilisation étendue des conditions générales conduit de fait à une limitation de l’innovation et de la variété des produits. Cette situation peut se présenter, par exemple, lorsque des conditions générales contenues dans des contrats d’assurance limitent pour les clients le choix pratique des éléments clés du contrat, comme les risques types couverts. Même si l’utilisation des conditions générales n’est pas obligatoire, elles peuvent nuire aux incitations poussant les concurrents à se livrer concurrence en matière de diversification des produits.

304.

Afin de déterminer si les conditions générales pourraient avoir des effets restrictifs en raison d'une limitation du choix de produits, il convient de tenir compte d'éléments tels que la concurrence existante sur le marché. S'il existe, par exemple, un très grand nombre de concurrents de taille plus modeste, le risque que le choix soit plus limité semblera moins grand que s'il n'y a que quelques fournisseurs plus importants (125). Les parts de marché des entreprises prenant part à l'établissement des conditions générales peuvent également fournir une certaine indication de la probabilité d'un recours aux conditions générales ou de l'utilisation de celles-ci par une grande partie du marché. À cet égard, toutefois, il convient d'examiner non seulement si les conditions générales élaborées sont susceptibles d'être utilisées par une grande partie du marché, mais également si ces conditions couvrent une partie du produit seulement ou l'ensemble du produit (moins les conditions générales sont exhaustives, moins elles devraient avoir pour effet, globalement, de limiter la diversité des produits). En outre, s'il n'aurait pas été possible, en l'absence d'élaboration de conditions générales, de proposer un produit donné, il est peu probable qu'il y ait un effet restrictif sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Dans ce cas, la diversité des produits sera plutôt accrue que réduite par l'instauration de ces conditions générales.

305.

Deuxièmement, même si les conditions générales ne définissent pas le champ d’application réel du produit final, elles peuvent constituer un volet essentiel de la transaction avec le client pour d’autres raisons. Un exemple serait les achats en ligne pour lesquels la confiance du client est essentielle (par exemple utilisation de systèmes de paiement sûrs, description exacte des produits, règles claires et transparentes en matière de tarification, souplesse de la politique des retours, etc.). Comme il leur est difficile de porter une appréciation claire sur tous ces éléments, les consommateurs seront enclins à privilégier des pratiques répandues, et les conditions générales concernant ces éléments pourraient se muer en une norme de facto, que les entreprises devraient respecter pour pouvoir vendre sur le marché. Sans être contraignantes, ces conditions générales deviendraient cependant une norme de fait dont les effets sont très proches de ceux d’une norme contraignante et qui doivent être analysés en conséquence.

306.

Si l’utilisation de conditions générales est contraignante, il convient d’apprécier leur impact sur la qualité des produits, leur diversité et l’innovation (notamment si les conditions générales sont contraignantes sur l’ensemble du marché).

307.

En outre, si les conditions générales (contraignantes ou non) devaient contenir des clauses susceptibles d'avoir des effets négatifs sur la concurrence en ce qui concerne les prix (par exemple, des clauses définissant le type de remises à accorder), elles seraient susceptibles de produire des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1.

7.4.   Appréciation au regard de l'article 101, paragraphe 3

7.4.1.   Gains d'efficacité

Accords de normalisation

308.

Les accords de normalisation entraînent fréquemment des gains d'efficacité significatifs. Ainsi, des normes couvrant l’Union peuvent faciliter l’intégration des marchés et permettre aux entreprises de commercialiser leurs biens et services dans tous les États membres, ce qui augmente le choix pour les consommateurs et fait baisser les prix. Les normes qui établissent l’interopérabilité et la compatibilité techniques encouragent souvent la concurrence basée sur les mérites entre les technologies de différentes entreprises, ce qui permet d’éviter toute dépendance vis-à-vis d’un fournisseur déterminé. En outre, les normes peuvent réduire les coûts des transactions tant pour les vendeurs que pour les acheteurs. Les normes portant, par exemple, sur les aspects qualité, sécurité et environnement d’un produit peuvent également faciliter le choix des consommateurs et contribuer à l'amélioration de la qualité du produit. Les normes jouent aussi un rôle important dans l’innovation. Elles peuvent raccourcir les délais nécessaires à la commercialisation d’une nouvelle technologie et favoriser l’innovation en permettant aux entreprises de tirer profit des solutions adoptées.

309.

Pour que ces gains d'efficacité se concrétisent dans le cas des accords de normalisation, les informations nécessaires aux fins de l'application de la norme doivent être effectivement disponibles pour les acteurs souhaitant entrer sur le marché (126).

310.

La diffusion d'une norme peut être améliorée par des labels ou des logos attestant son respect et apportant de la sorte une sécurité aux consommateurs. Les accords en matière de tests et de certification vont au-delà de l'objectif premier de définition de la norme et constitueraient en principe un accord et un marché distincts.

311.

Les effets sur l'innovation doivent être analysés au cas par cas. Les normes instaurant une compatibilité à un niveau horizontal entre différentes plateformes technologiques sont considérées comme susceptibles de provoquer des gains d'efficacité.

Conditions générales

312.

Le recours à des conditions générales peut entraîner des avantages économiques, tels que permettre aux clients de comparer plus aisément les conditions offertes et de pouvoir se tourner plus facilement vers une autre entreprise. Les conditions générales peuvent aussi entraîner des gains d'efficacité sous la forme d’économies dans les coûts de transaction et, dans certains secteurs (notamment si les contrats présentent une structure juridique complexe), faciliter l’entrée. Les conditions générales peuvent également accroître la sécurité juridique pour les parties à l'accord.

313.

Plus le nombre de concurrents présents sur le marché est élevé, plus le gain d'efficacité tenant en une comparaison plus aisée des conditions proposées sera important.

7.4.2.   Caractère indispensable

314.

Les restrictions qui vont au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser les gains d'efficacité pouvant être générés par un accord de normalisation ou des conditions générales ne remplissent pas les critères visés à l'article 101, paragraphe 3.

Accords de normalisation

315.

L'appréciation de chaque accord de normalisation devra tenir compte de ses effets probables sur les marchés concernés, d'une part, et des restrictions possibles allant au-delà de l'objectif consistant à réaliser des gains d'efficacité, d'autre part (127).

316.

La participation à la définition d'une norme doit en principe être ouverte à tous les concurrents présents sur le ou les marchés concernés par cette norme, sauf si les parties peuvent prouver qu'une telle participation aurait des répercussions négatives importantes, ou encore si des procédures reconnues sont prévues pour la représentation d'intérêts collectifs (128).

317.

En règle générale, les accords de normalisation ne devraient couvrir que les éléments strictement nécessaires à la réalisation de leurs objectifs, qu’il s’agisse de l'interopérabilité et de la compatibilité techniques ou d’un certain niveau de qualité. Lorsque la présence d’une seule solution technologique bénéficierait à l'ensemble des consommateurs ou de l’économie, cette norme devrait être définie sur une base non discriminatoire. Les normes neutres sur le plan technologique peuvent, dans certains cas, générer des gains d'efficacité plus importants. Le fait d'inclure d'autres DPI (129) en tant qu'éléments essentiels d'une norme tout en contraignant les utilisateurs de cette norme à acquitter des frais liés à des DPI plus étendus que ce qui est techniquement nécessaire irait au-delà de ce qu'exige la réalisation des éventuels gains d'efficacité établis. De même, le fait d'inclure d'autres DPI en tant qu'éléments essentiels de la norme et de limiter l'utilisation de cette technologie à cette norme particulière (usage exclusif) pourrait restreindre la concurrence entre des technologies différentes et ne serait pas indispensable pour atteindre les gains d'efficacité constatés.

318.

Les restrictions dans un accord de normalisation qui rendent une norme contraignante et obligatoire pour le secteur ne sont, en principe, pas indispensables.

319.

De même, les accords de normalisation conférant à certains organismes le droit exclusif de procéder à des vérifications de conformité vont au-delà de l'objectif premier de la définition de la norme et peuvent aussi restreindre la concurrence. L'exclusivité peut toutefois se justifier durant un certain laps de temps, par exemple en raison de la nécessité de récupérer des coûts de démarrage substantiels (130). L'accord de normalisation devrait, dans ce cas, comporter des garanties suffisantes pour atténuer les risques que cette exclusivité pourrait présenter pour la concurrence. Tel est le cas, notamment, de la redevance de certification, qui doit être raisonnable et proportionnée au coût de la vérification de conformité.

Conditions générales

320.

En règle générale, il n’est pas justifié de rendre des conditions générales contraignantes et obligatoires pour le secteur ou les membres du groupement professionnel qui les a mises sur pied. Il n’est toutefois pas exclu que rendre des conditions générales contraignantes soit, dans certains cas particuliers, indispensable à la réalisation des gains d'efficacité générés.

7.4.3.   Répercussion sur les consommateurs

Accords de normalisation

321.

Les gains d'efficacité réalisés au moyen de restrictions indispensables doivent être répercutés sur les consommateurs de manière à compenser les effets restrictifs que produisent un accord de normalisation ou des conditions générales sur la concurrence. Un volet pertinent de l’analyse des répercussions probables sur les consommateurs concerne les procédures utilisées pour garantir la protection des intérêts des utilisateurs de normes et des consommateurs finals. Si la norme facilite l’interopérabilité et la compatibilité techniques ou la concurrence entre des produits, des services et des processus nouveaux et existants, on peut supposer qu’elle bénéficiera aux consommateurs.

Conditions générales

322.

Le risque d’effets restrictifs sur la concurrence et la probabilité de gains d'efficacité sont proportionnels aux parts de marché des entreprises et au degré d’utilisation des conditions générales. Il n’est donc pas possible de fournir une «zone de sécurité» générale excluant tout risque d’effets restrictifs sur la concurrence ou donnant à penser que des gains d'efficacité seront répercutés sur les consommateurs de manière à compenser les effets restrictifs sur la concurrence.

323.

Toutefois, certains gains d'efficacité générés par des conditions générales, comme une comparabilité accrue des offres sur le marché, une facilitation des changements de fournisseurs et la certitude juridique découlant des clauses énoncées dans les conditions générales, sont nécessairement bénéfiques aux consommateurs. En ce qui concerne d'autres gains d'efficacité possibles, comme une diminution des coûts de transaction, il y a lieu d'apprécier au cas par cas et dans le cadre économique pertinent si ceux-ci sont susceptibles d'être répercutés sur les consommateurs.

7.4.4.   Absence d'élimination de la concurrence

324.

La possibilité donnée par un accord de normalisation aux parties d’éliminer la concurrence dépend des diverses sources de concurrence sur le marché, du niveau de contrainte concurrentielle qu'elles imposent aux parties et de l’impact de l’accord sur cette contrainte concurrentielle. Bien que les parts de marché présentent un intérêt pour cette analyse, l’ampleur des autres sources de concurrence réelle ne peut être appréciée uniquement sur la base de la part de marché, sauf dans les cas où une norme devient une norme sectorielle de fait (131). Dans ce dernier cas, la concurrence peut être éliminée si des tiers se voient refuser l’accès effectif à la norme. Les conditions générales utilisées par la majeure partie du secteur peuvent générer une norme sectorielle de fait et donc susciter les mêmes problèmes. Cependant, si la norme ou les conditions générales ne concernent qu'une partie limitée du produit ou du service, la concurrence n'est pas susceptible de disparaître.

7.5.   Exemples

325.

Définition de normes auxquelles les concurrents ne peuvent répondre

Exemple 1

Situation: Un organisme de normalisation définit et publie des normes de sécurité qui sont largement utilisées par le secteur en cause. La plupart des membres du secteur contribuent à la définition de la norme. Avant l'adoption de cette dernière, un nouvel entrant a développé un produit techniquement équivalent sur le plan des performances et des critères fonctionnels, et qui est reconnu par le comité technique de l'organisme de normalisation. Toutefois, les spécifications techniques de la norme de sécurité sont, sans justification objective, rédigées de manière à empêcher ce produit ou d'autres produits nouveaux de se conformer à la norme.

Analyse: Cet accord de normalisation est susceptible de produire des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, et il est peu probable qu'il réponde aux critères de l'article 101, paragraphe 3. Les membres de l'organisme de normalisation ont, sans aucune justification objective, défini la norme de telle façon que les produits de leurs concurrents basés sur d'autres solutions technologiques ne puissent la respecter, même si leurs performances sont équivalentes. C'est pourquoi cette norme, qui n'a pas été définie sur une base non discriminatoire, freinera ou empêchera l'innovation et la diversité des produits. Il est peu probable que, compte tenu de la manière dont la norme est rédigée, les gains d'efficacité soient plus importants que ceux générés par une norme neutre.

326.

Une norme non contraignante et transparente couvrant une large part du marché

Exemple 2

Situation: Plusieurs fabricants d'électronique grand public détenant des parts de marché importantes conviennent de développer une nouvelle norme pour un produit appelé à remplacer le DVD.

Analyse: Pour autant a) que les fabricants restent libres de fabriquer d'autres nouveaux produits qui ne sont pas conformes à la nouvelle norme, b) que la participation au processus de définition de la norme ne soit pas restreinte et soit transparente et c) que l'accord de normalisation ne restreigne pas autrement la concurrence, l'article 101, paragraphe 1, n'est pas susceptible d'être enfreint. Si les parties s'étaient mises d'accord pour ne fabriquer que des produits conformes à la nouvelle norme, l'accord limiterait le développement technologique, freinerait l'innovation et empêcherait les parties de vendre des produits différents, produisant ainsi des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1.

327.

Accord de normalisation sans divulgation des DIP

Exemple 3

Situation: Un organisme de normalisation privé actif dans le secteur des TIC (technologies de l'information et de la communication) applique une politique en matière de DPI qui n'impose pas ni encourage la divulgation de DPI qui pourraient être essentiels à la norme future. Cet organisme a sciemment décidé de ne pas inclure une telle obligation, considérant en particulier qu'en règle générale, toutes les technologies potentiellement pertinentes pour la norme future sont couvertes par de nombreux DPI. En conséquence, il a estimé qu'une obligation de divulguer les DPI, d'une part, n'aurait pas pour avantage de permettre aux participants de choisir une solution dépourvue de tout DPI ou y faisant peu appel et, d'autre part, entraînerait des coûts supplémentaires pour examiner si les DPI sont potentiellement essentiels à la future norme. Toutefois, la politique de l'organisme de normalisation en matière de DPI exige de tous les participants qu'ils s'engagent à concéder, à des conditions FRAND, une licence d'exploitation pour tout DPI qui pourrait être associé à la future norme. Cette politique autorise les dérogations, lorsque le titulaire d'un DPI donné souhaite que celui-ci ne soit pas couvert par cet engagement général. Dans ce secteur particulier, il existe plusieurs organismes de normalisation privés qui se font concurrence. La participation à l'organisme de normalisation est ouverte à toute personne exerçant ses activités dans ce secteur.

Analyse: Dans de nombreux cas, une obligation de divulgation des DPI favoriserait la concurrence, car elle l'accroîtrait entre les technologies ex ante. En général, une telle obligation permet aux membres d'un organisme de normalisation de prendre en considération la quantité de DPI associés à une technologie particulière lorsqu'ils doivent faire un choix entre des technologies concurrentes (voire, si cela est possible, leur permet de choisir une technologie exempte de DPI). La quantité de DPI associés à une technologie aura souvent une incidence directe sur le coût de l'accès à la norme. Toutefois, dans ce contexte particulier, toutes les technologies disponibles semblent couvertes par des DPI, qui plus est en grand nombre. En conséquence, aucune divulgation de DPI n'aurait pour conséquence positive de permettre aux membres de prendre en considération la quantité de DPI lors du choix d'une technologie, étant donné qu'indépendamment de la technologie choisie, elle est présumée comporter des DPI associés. Il est peu probable que la divulgation des DPI contribue à garantir un accès effectif à la norme qui, dans un tel scénario, est suffisamment garanti par l'engagement général de concéder sous licence tout DPI susceptible d'être associé à la future norme à des FRAND. En revanche, une obligation de divulgation des DPI pourrait, dans ce contexte, entraîner des coûts supplémentaires pour les participants. L'absence de divulgation des DPI pourrait aussi, dans ces conditions, conduire à une adoption plus rapide de la norme, ce qui pourrait être important dans le cas où plusieurs organismes de normalisation seraient en concurrence. En conséquence, il est peu probable que l'accord produise des effets négatifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1.

328.

Normes dans le secteur de l'assurance

Exemple 4

Situation: Plusieurs compagnies d'assurance se réunissent pour convenir de normes non contraignantes en vue de l'installation de certains systèmes de sécurité (c'est-à-dire des pièces et équipements destinés à la prévention et à la diminution des pertes et des systèmes montés à partir de ces éléments). Les normes non contraignantes définies par les compagnies d'assurance a) sont adoptées afin de répondre à un besoin spécifique et d'aider les assureurs à gérer le risque et à proposer des primes appropriées aux risques; b) sont étudiées avec les installateurs (ou leurs représentants), dont les avis sont pris en compte avant l'élaboration définitive des normes; c) sont publiées par l'association d'assureur concernée sur une page spéciale de son site web afin que tout installateur ou autre partie intéressée puisse y accéder aisément.

Analyse: Le processus de définition de ces normes est transparent et permet aux parties intéressées de participer. En outre, le résultat est aisément accessible sur une base raisonnable et non discriminatoire pour quiconque souhaite y accéder. Pour autant que la norme n'ait pas d'effets négatifs sur le marché en aval (en excluant par exemple certains installateurs du fait de l'imposition d'exigences très spécifiques et injustifiées concernant des installations), elle ne devrait pas avoir d'effets restrictifs sur la concurrence. Toutefois, même si les normes produisaient des effets restrictifs sur la concurrence, les conditions énoncées à l'article 101, paragraphe 3, sembleraient remplies. Les normes aideraient les assureurs à analyser dans quelle mesure de tels systèmes d'installation réduisent le risque en cause et empêchent les pertes et leur permettraient ainsi de gérer les risques et de proposer des primes appropriées aux risques. En tenant compte de la réserve concernant le marché en aval, elles représenteraient aussi un gain d'efficacité pour les installateurs, car elles leur permettraient de s'en tenir à un seul ensemble de normes pour toutes les compagnies d'assurance plutôt que de devoir procéder à des vérifications individuelles pour chaque compagnie d'assurance. Elles pourraient aussi aider les consommateurs à changer plus aisément d'assureur. En outre, elles pourraient profiter aux petits assureurs qui n'ont peut-être pas la capacité de procéder à des vérifications individuelles. En ce qui concerne les autres conditions énoncées à l'article 101, paragraphe 3, il semble que les normes non contraignantes ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser les gains d'efficacité en question, que les avantages seraient répercutés sur les consommateurs (certaines pourraient même leur profiter directement) et que les restrictions ne déboucheraient pas sur une élimination de la concurrence.

329.

Normes environnementales

Exemple 5

Situation: La quasi-totalité des producteurs de lave-linge conviennent, avec le soutien d'un organisme public, de ne plus fabriquer de produits ne répondant pas à certains critères dans le domaine de l'environnement (tels que le rendement énergétique). Ensemble, les parties détiennent 90 % du marché. Les produits qui seront donc progressivement éliminés du marché représentent une part non négligeable des ventes totales. Ils seront remplacés par des produits plus écologiques, mais également plus chers. En outre, l'accord réduit indirectement la production des tiers (par exemple, les compagnies d'électricité et les fournisseurs de composants intégrés dans les produits à éliminer). Sans cet accord, les parties n'auraient pas réorienté leur production et leurs efforts de commercialisation vers les produits plus écologiques en question.

Analyse: Cet accord confère aux parties le contrôle de leur production et affecte une partie notable de leurs ventes et de leur production totale, tout en réduisant la production des tiers. Il restreint la diversité des produits, qui est guidée en partie par les caractéristiques du produit sous l'angle de ses effets sur l'environnement, et entraînera probablement une augmentation des prix. En conséquence, l'accord est susceptible de produire des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. L'engagement de l'organisme public est indifférent pour l'appréciation de cet accord. Toutefois, des produits plus récents et plus respectueux de l'environnement sont techniquement plus avancés et offrent des gains d'efficacité qualitatifs sous la forme de programmes de lavage plus nombreux pouvant être utilisés par les consommateurs. En outre, les acheteurs de lave-linge bénéficient de gains d'efficacité sur les coûts résultant de la diminution des coûts de fonctionnement sous la forme d'une consommation moindre d'eau, d'électricité et de détergent. Ces gains d'efficacité sur les coûts sont réalisés sur des marchés qui diffèrent du marché en cause de l'accord. Toutefois, ces gains d'efficacité peuvent être pris en compte, étant donné que les marchés sur lesquels les effets restrictifs sur la concurrence et les gains d'efficacité se produisent sont liés et que le groupe de consommateurs touché par la restriction et les gains d'efficacité est sensiblement le même. Les gains d'efficacité priment sur les effets restrictifs sur la concurrence sous la forme d'une augmentation des coûts. Avec les autres solutions envisageables à la place de cet accord, il est moins certain que les mêmes avantages nets puissent être obtenus avec une rentabilité équivalente. Les parties peuvent avoir accès à divers moyens techniques à un coût raisonnable pour pouvoir fabriquer des lave-linge qui présentent les caractéristiques écologiques convenues, et la concurrence continuera à jouer sur les autres caractéristiques de ces produits. Les critères énoncés à l'article 101, paragraphe 3, s'avéreraient donc être remplis.

330.

Normalisation encouragée par les pouvoirs publics

Exemple 6

Situation: En réponse aux conclusions des recherches sur les niveaux recommandés de graisse dans certains aliments transformés menées par un groupe d'experts financé par des fonds publics d'un État membre, plusieurs grands fabricants d'aliments transformés de ce même État membre conviennent, à travers des discussions formelles au sein d'un groupement professionnel industriel, de définir des niveaux de graisse recommandés pour les produits. Ensemble, les parties représentent 70 % des ventes des produits au sein de l'État membre. L'initiative des parties sera soutenue par une campagne nationale de publicité financée par le groupe d'experts et mettant en lumière les dangers d'une teneur élevée en graisse dans les aliments transformés.

Analyse: Bien que les niveaux de graisse soient des recommandations et donc facultatifs, les larges échos générés par la campagne publicitaire nationale font que les niveaux recommandés seront probablement appliqués par l'ensemble des fabricants d'aliments transformés de l'État membre. Il est donc probable que ce niveau devienne le niveau de graisse maximal de facto dans les aliments transformés. Le choix laissé aux consommateurs sur les marchés de produits pourrait donc s'en trouver réduit. Toutefois, les parties pourront continuer à se livrer concurrence sur d'autres caractéristiques des produits, comme le prix, la taille du produit, la qualité, le goût, la teneur en sel et d'autres contenus nutritionnels, le dosage des ingrédients et la stratégie de marque. En outre, la concurrence portant sur les niveaux de graisse dans l'offre de produits peut augmenter si les parties cherchent à proposer des produits présentant les taux les plus bas. En conséquence, l'accord est susceptible de produire des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1.

331.

Normalisation ouverte concernant l'emballage

Exemple 7

Situation: Les principaux fabricants d'un produit de consommation à évolution rapide sur un marché concurrentiel dans un État membre – ainsi que les fabricants et distributeurs d'autres États membres qui vendent le produit dans l'État membre concerné («importateurs») – conviennent avec les principaux fournisseurs d'emballages d'élaborer et de mettre en œuvre une initiative basée sur le volontariat visant à normaliser la forme et le format de l'emballage du produit vendu dans cet État membre. À l'heure actuelle, les emballages se présentent sous des formats et dans des matériaux qui varient énormément d'un État membre à un autre, ce qui reflète le fait que l'emballage ne représente pas une part élevée des coûts de production et que les frais de changement de fournisseur pour les fabricants d'emballage ne sont pas significatifs. Il n'existe aucune norme européenne en vigueur ou en préparation pour l'emballage. L'accord a été conclu par les parties sur une base volontaire en réaction à une pression exercée par le gouvernement de l'État membre concerné pour permettre la réalisation d'objectifs environnementaux. Ensemble, les fabricants et les importateurs représentent 85 % des ventes du produit au sein de l'État membre. L'initiative volontaire aboutira à la vente, dans l'État membre concerné, d'un produit d'une taille standard qui utilise moins de matériau d'emballage, occupe moins de place dans les rayonnages, diminue les coûts de transport et d'emballage et est plus écologique en ce sens qu'il produit moins de déchets d'emballage. Il réduit aussi les coûts de recyclage qui incombent aux fabricants. La norme ne précise pas quels types de matériau d'emballage particuliers doivent être utilisés. Les spécifications de la norme ont été convenues entre les fabricants et les importateurs de manière ouverte et transparente, après publication des spécifications proposées sur le site internet du secteur en vue d'une consultation ouverte, en temps opportun avant leur adoption. Les spécifications définitives adoptées sont aussi publiées, sur le site internet d'un groupement professionnel sectoriel qui est librement accessible à tout entrant potentiel, même s'il n'est pas membre de ce groupement.

Analyse: Bien que l'accord soit conclu sur une base volontaire, il est probable que la norme devienne, de fait, pratique courante dans le secteur, car les parties représentent, ensemble, une large proportion du marché du produit dans l'État membre concerné et les détaillants sont aussi encouragés par le gouvernement à réduire les déchets d'emballage. En tant que tel, l'accord pourrait, en théorie, créer des barrières à l'entrée et produire des effets de verrouillage anticoncurrentiel sur le marché de l'État membre. Cela pourrait en particulier présenter un risque pour les importateurs du produit en question, qui pourraient devoir emballer à nouveau le produit pour se conformer à la norme de fait et être en mesure de vendre dans l'État membre concerné, si le format de l'emballage utilisé dans d'autres États membres ne respecte pas cette norme. Toutefois, d'importantes barrières à l'entrée ou un verrouillage du marché sont peu probables dans les faits, car a) l'accord est conclu sur une base volontaire, b) la norme a été convenue avec les principaux importateurs d'une manière ouverte et transparente, c) les coûts de changement de fournisseur sont peu élevés et d) les informations techniques relatives à la norme sont accessibles aux nouveaux entrants, aux importateurs et à tous les fournisseurs d'emballages. En particulier, les importateurs auront été informés des changements qu'il était envisagé d'apporter à l'emballage à un stade précoce de l'élaboration de la norme et auront eu la possibilité, dans le cadre de la consultation ouverte sur les normes proposées, d'exprimer leur point de vue avant que la norme ne soit définitivement adoptée. L'accord ne risque donc pas de restreindre notablement la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1.

En tout état de cause, il est probable que les conditions de l'article 101, paragraphe 3, seront remplies en l'espèce: i) l'accord débouchera sur des gains d'efficacité du fait de coûts d'emballage et de transport moins élevés; ii) les conditions de concurrence existant sur le marché sont telles que les baisses de coûts sont susceptibles d'être répercutées sur les consommateurs; iii) l'accord ne prévoit que les restrictions minimales nécessaires pour respecter la norme d'emballage et n'est pas susceptible de produire des effets de verrouillage significatifs; et iv) la concurrence ne sera pas éliminée pour une partie substantielle des produits en question.

332.

Normalisation fermée concernant l'emballage

Exemple 8

Situation: La situation est identique à celle de l'exemple 7, point 331, excepté le fait que la norme n'a été convenue qu'entre les fabricants du produit de consommation à évolution rapide présents dans l'État membre concerné (qui représentent 65 % des ventes du produit dans cet État membre), qu'il n'y a pas eu de consultation ouverte sur les spécifications adoptées (qui incluent des normes précises relatives au type de matériau d'emballage à utiliser) et que les spécifications de la norme facultative ne sont pas publiées. Il en a résulté des frais de changement de fournisseur plus élevés pour les fabricants des autres États membres que pour les fabricants nationaux.

Analyse: Comme dans l'exemple 7, point 331, bien que l'accord soit contracté sur une base volontaire, il est très probable que la norme devienne, de fait, pratique courante dans le secteur, car les détaillants aussi sont encouragés par le gouvernement à réduire les déchets d'emballage et les fabricants nationaux représentent 65 % de ventes du produit en question dans l'État membre concerné. Le fait que les fabricants concernés dans d'autres États membres n'aient pas été consultés a conduit à l'adoption d'une norme qui leur impose des frais de changement de fournisseur plus élevés que pour les fabricants nationaux. L'accord est donc susceptible de créer des barrières à l'entrée et de produire des effets de verrouillage anticoncurrentiel pour les fournisseurs d'emballages, les nouveaux entrants et les importateurs – qui, tous, se sont trouvés exclus du processus d'élaboration de la norme –, car il se peut qu'ils aient à emballer à nouveau le produit pour se conformer à la norme et être en mesure de vendre dans l'État membre concerné, si le format de l'emballage utilisé dans d'autres États membres ne respecte pas cette norme.

Au contraire de l'exemple 7, point 331, le processus de normalisation n'a pas été mené de manière ouverte et transparente. En particulier, les nouveaux entrants, les importateurs et les fournisseurs d'emballages n'ont pas eu la possibilité de présenter leurs observations sur la norme proposée et n'ont peut-être même eu connaissance de son existence que tardivement, ce qui peut avoir eu pour conséquence une impossibilité de modifier leur méthode de production ou de changer de fournisseurs de manière rapide et efficace. De plus, il se peut que les nouveaux entrants, les importateurs et les fournisseurs d'emballages ne soient pas en mesure de concourir sur le marché si la norme est inconnue ou difficile à respecter. Le fait que la norme inclue des spécifications précises sur le matériau d'emballage à utiliser revêt à cet égard une importance particulière, car, du fait du caractère fermé de la consultation et de la nature privée de la norme, les importateurs et les nouveaux entrants rencontreront des difficultés à la respecter. L'accord est ainsi susceptible de restreindre la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Le fait que l'accord ait été conclu pour permettre la réalisation d'objectifs environnementaux sous-jacents convenus avec le gouvernement de l'État membre concerné n'affecte en rien cette conclusion.

Il est peu probable que les conditions de l'article 101, paragraphe 3, seront remplies dans ce cas. Bien que l'accord débouche sur des gains d'efficacité similaires à ceux obtenus dans l'exemple 7, point 331, il est peu probable que pour les obtenir, le caractère fermé et privé de l'accord de normalisation et la non-divulgation des spécifications précises relatives au type de matériau d'emballage à utiliser soient indispensables.

333.

Conditions générales non contraignantes et ouvertes s'appliquant à des contrats avec des utilisateurs finaux

Exemple 9

Situation: Un groupement de distributeurs d'électricité instaure des conditions générales non contraignantes pour la fourniture d'électricité à des utilisateurs finaux. L'instauration de ces conditions générales s'effectue de manière transparente et non discriminatoire. Ces dernières couvrent des domaines tels que la spécification du point de consommation, la localisation du point de branchement et la tension du branchement, des dispositions concernant la fiabilité du service ainsi que la procédure de règlement des comptes entre les parties au contrat (que se passe-t-il par exemple si le client ne transmet pas au fournisseur les relevés des compteurs). Les conditions générales ne portent sur aucun aspect lié aux prix, elles ne contiennent aucun prix conseillé ou d'autres clauses liées au prix. Toute entreprise active dans le secteur est libre d'utiliser les conditions générales comme elle le juge nécessaire. Environ 80 % des contrats conclus avec des utilisateurs finaux sur le marché en cause reposent sur ces conditions générales.

Analyse: Ces conditions générales ne sont pas susceptibles de produire des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Même si elles sont devenues courantes dans le secteur, elles ne semblent avoir aucun impact négatif appréciable sur les prix, la qualité des produits ou leur variété.

334.

Conditions générales utilisées pour des contrats entre sociétés

Exemple 10

Situation: Des entreprises de construction d'un État membre donné se réunissent pour définir des conditions générales non contraignantes et ouvertes à l'usage d'un contractant présentant un devis à un client pour des travaux de construction. Un formulaire de devis adapté à la construction est joint aux conditions générales. Pris conjointement, ces documents constituent le contrat de construction. Les clauses couvrent des aspects tels que la formation du contrat, les obligations générales du contractant et du client et les conditions de paiement non liées au prix (comme une disposition précisant le droit laissé au contractant de notifier la suspension des travaux en cas de défaut de paiement), l'assurance, la durée, la réception et la garantie de parfait achèvement, la limitation de responsabilité, la cessation, etc. Contrairement à l'exemple 9, point 333, ces conditions générales sont courantes entre les entreprises, l'une étant active en amont et l'autre en aval.

Analyse: Ces conditions générales ne sont pas susceptibles de produire des effets restrictifs sur la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1. Il ne devrait normalement y avoir aucune limitation significative dans le choix du produit final proposé au client, à savoir les travaux de construction. D'autres effets restrictifs sur la concurrence ne semblent pas probables. En effet, plusieurs des clauses mentionnées ci-dessus (la réception et la garantie de parfait achèvement, la cessation, etc.) sont souvent réglementées par la loi.

335.

Conditions générales facilitant la comparaison entre des produits de différentes entreprises

Exemple 11

Situation: Un groupement national du secteur de l'assurance distribue des conditions types non contraignantes d'assurance pour des contrats d'assurance habitation. Ces conditions ne donnent aucune indication sur le niveau des primes d'assurance, le montant de la couverture ou les franchises redevables par l'assuré. Elles n'imposent pas de couverture globale incluant des risques auxquels un nombre considérable de preneurs d'assurance ne sont pas simultanément exposés ni n'exigent de ces derniers qu'ils soient couverts par le même assureur pour des risques différents. Si la majorité des compagnies d'assurance ont recours à des conditions types, tous leurs contrats ne contiennent pas les mêmes conditions, étant donné qu'elles sont adaptées aux besoins individuels de chaque client et qu'il n'y a donc pas de normalisation effective des produits d'assurance proposés aux consommateurs. Les conditions d'assurance types permettent aux consommateurs et aux organisations de consommateurs de comparer les polices proposées par les différents assureurs. Une association de consommateurs participe au processus de définition des conditions types. Elles sont également mises à la disposition des nouveaux entrants, sur une base non discriminatoire.

Analyse: Ces conditions d'assurance types portent sur la composition du produit final. Si les conditions du marché et d'autres facteurs montraient qu'il pourrait y avoir un risque de restriction de la diversité des produits en raison du fait que les compagnies d'assurance utilisent ces conditions types, il est probable qu'un tel risque serait compensé par des gains d'efficacité, tels que le fait de faciliter, pour les consommateurs, la comparaison entre les conditions offertes par différentes compagnies d'assurance. Ces comparaisons facilitent à leur tour le passage d'une compagnie à l'autre et, partant, favorisent la concurrence. En outre, le changement d'assureur ainsi que l'entrée de concurrents sur le marché sont favorables aux consommateurs. Le fait que l'association de consommateurs ait participé au processus pourrait, dans certains cas, augmenter la probabilité que les gains d'efficacité qui ne profitent pas automatiquement aux consommateurs soient néanmoins répercutés sur ces derniers. Les conditions d'assurance types sont également susceptibles de réduire les coûts de transaction et de faciliter l'entrée des assureurs sur des marchés géographiques et/ou de produits différents. De plus, les restrictions ne semblent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser les gains d'efficacité relevés et la concurrence ne serait pas éliminée. Il est donc probable que les critères énoncés à l'article 101, paragraphe 3, soient remplis.


(1)  A compter du 1er décembre 2009, l'article 81 du traité CE est devenu l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne («TFUE»). Les deux articles sont, en substance, identiques. Aux fins de la présente communication, les références faites à l'article 101 du TFUE s'entendent, s'il y a lieu, comme faites à l'article 81 du traité CE. Le TFUE a également introduit certaines modifications de terminologie, telles que le remplacement de «Communauté» par «Union» et de «marché commun» par «marché intérieur». La terminologie du TFUE est utilisée dans les présentes lignes directrices.

(2)  JO L 24 du 29.1.2004, p. 1.

(3)  Voir l'article 3, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations Toutefois, afin de déterminer la présence d'une entreprise commune de plein exercice, la Commission examine si l'entreprise commune est autonome sur le plan opérationnel. Cela ne signifie pas qu'elle jouit d'une autonomie vis-à-vis de ses sociétés mères en ce qui concerne l'adoption de ses décisions stratégiques (voir la communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant le règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, JO C 95 du 16.4.2008, p. 1, points 91 à 109 («communication juridictionnelle codifiée»)). Il convient également de rappeler que si la création d'une entreprise commune constituant une concentration au sens de l'article 3 du règlement sur les concentrations a pour objet ou pour effet la coordination du comportement concurrentiel d’entreprises qui restent indépendantes, cette coordination est appréciée au regard de l'article 101 du traité (voir l'article 2, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations).

(4)  JO L […], […], p. […].

(5)  JO L […], […], p. […].

(6)  Ce qu'il convient d'entendre par «rapidement» est fonction des faits de l’affaire traitée, du contexte juridique et économique dans lequel celle-ci s'inscrit et, notamment, de la question de savoir si l'entreprise en cause est partie à l'accord ou constitue une partie tierce. Dans le premier cas, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de déterminer si une partie à un accord doit être vue comme un concurrent potentiel, la Commission considérera en principe que le terme «rapidement» fait référence à une période plus longue que dans le second cas, où il s'agit d'analyser la capacité d'un tiers à exercer une pression concurrentielle sur les parties à un accord. Pour qu'un tiers soit considéré comme un concurrent potentiel, l'entrée sur le marché doit s'effectuer suffisamment rapidement pour que la menace d'une entrée potentielle pèse sur le comportement des parties et des autres acteurs du marché. Pour ces raisons, le règlement d’exemption par catégorie en faveur de la R&D et le règlement d'exemption par catégorie en faveur de la spécialisation considèrent une période n'excédant pas trois ans comme synonyme de «rapidement».

(7)  JO C 372 du 9.12.1997, p. 5, point 24; voir également le treizième rapport de la Commission sur la politique de concurrence, point 55, et la décision de la Commission concernant l'affaire no IV/32.009, Elopak/Metal Box-Odin, JO L 209 du 8.8.1990, p. 15.

(8)  Voir, par exemple, l'affaire C-73/95 P, Viho/Commission, Recueil 1996, p. I-5457, point 51. Il peut être présumé que la société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de ses filiales à 100 %; voir, par exemple, l'affaire 107/82, AEG-Telefunken/Commission Recueil 1983, p. 3151, point 50, l'affaire C-286/98 P, Stora/Commission Recueil 2000, p. I-9925, point 29, ou encore l'affaire C-97/08 P, Akzo/Commission Recueil 2009 p. I-8237), points 60 et suivants.

(9)  JO L 102 du 23.4.2010, p. 1.

(10)  JO C 130 du 19.5.2010, p. 1.

(11)  Ceci ne s'applique pas si des concurrents concluent un accord vertical non réciproque et que i) le fournisseur est un producteur et un distributeur de biens tandis que l'acheteur est un distributeur et non une entreprise qui produit des biens concurrents, ou que ii) le fournisseur est un prestataire de services à plusieurs niveaux d'activité commerciale tandis que l'acheteur fournit ses biens ou services au stade de la vente au détail et n'est pas une entreprise concurrente au niveau de l'activité commerciale où il achète les services contractuels. De tels accords sont uniquement appréciés au regard du règlement d'exemption par catégorie et dans les lignes directrices sur les restrictions verticales (voir l'article 2, paragraphe 4, du règlement d'exemption par catégorie concernant les restrictions verticales).

(12)  Il convient de noter que ce critère ne s'applique qu'à la relation entre les différents chapitres des présentes lignes directrices, et non à la relation entre les différents règlements d'exemption par catégorie. La portée d'un règlement d'exemption par catégorie est définie par ses propres dispositions.

(13)  Voir l'affaire T-51/89, Tetra Pak I/Commission Recueil 1990, p. II-309, points 25 et suivants, et les Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes, JO C 45 du 24.2.2009, p. 7 («Orientations article 102»).

(14)  JO C 3 du 6.1.2001, p. 2. Les présentes lignes directrices ne comportent pas de chapitre distinct sur les «accords environnementaux», comme c'était le cas des lignes directrices horizontales de 2001. La normalisation dans le secteur de l'environnement, dont traitait pour l'essentiel l'ancien chapitre sur les accords environnementaux, est abordée de manière plus appropriée dans le chapitre sur la normalisation des présentes lignes directrices. En règle générale, selon les questions de concurrence que soulèvent les «accords environnementaux», il convient de les apprécier à la lumière du chapitre concerné des présentes lignes directrices, que ce soit le chapitre portant sur les accords de R&D, les accords de production, les accords de commercialisation ou les accords de normalisation.

(15)  Règlement (CE) no 1184/2006 du Conseil du 24 juillet 2006 portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles, JO L 214 du 4.8.2006, p. 7.

(16)  Règlement (CE) no 169/2009 du Conseil du 26 février 2009 portant application de règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, JO L 61 du 5.3.2009, p. 1; règlement (CE) no 246/2009 du Conseil du 26 février 2009 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à certaines catégories d'accords, de décisions et de pratiques concertées entre compagnies maritimes de ligne (consortia), JO L 79 du 25.3.2009, p. 1; règlement (CE) no 823/2000 de la Commission du 19 avril 2000 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à certaines catégories d'accords, de décisions et de pratiques concertées entre compagnies maritimes de ligne (consortiums), JO L 100 du 20.4.2000, p. 24; lignes directrices relatives à l'application de l'article 81 du traité CE aux services de transport maritime, JO C 245 du 26.9.2008, p. 2.

(17)  Règlement (UE) no 267/2010 de la Commission du 24 mars 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à certaines catégories d'accords, de décisions et de pratiques concertées dans le secteur des assurances, JO L 83 du 31.3.2010, p. 1.

(18)  JO C 101 du 27.4.2004, p. 97.

(19)  L'article 101, paragraphe 1, interdit les effets anticoncurrentiels tant réels que potentiels. Voir par exemple l'affaire C-7/95 P, John Deere, Recueil 1998, p. I-3111, point 77 et l'affaire C-238/05, Asnef-Equifax, Recueil 2006, p. I-11125, point 50.

(20)  Voir affaires jointes C-501/06 P ea, GlaxoSmithKline, Recueil 2009, p. I- 9291, point 95.

(21)  Voir affaire T-65/98, Van den Bergh Foods, Recueil 2003, p. II-4653, point 107; affaire T-112/99, Métropole télévision (M6) e.a., Recueil 2001, p. II-2459, point 74; affaire T-328/03, O2, Recueil 2006, p. II-1231, points 69 et suivants, dans laquelle le Tribunal a considéré que la mise en balance des effets anticoncurrentiels et des effets proconcurrentiels d'une restriction ne peut s'effectuer que dans le cadre précis de l'article 101, paragraphe 3.

(22)  Voir l'arrêt de la Cour de justice du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission (affaire C280/08, pas encore publié au Recueil) point 82 et la jurisprudence qui y est citée.

(23)  Voir affaire C-198/01, CIF, Recueil 2003, p. I-8055, points 56-58; affaires jointes T-217/03 et T-245/03, French Beef, Recueil 2006, p. II-4987, point 92; affaire T-7/92, Asia Motor France II, Recueil 1993, p. II-669, point 71; et affaire T-148/89, Tréfilunion, Recueil 1995, p. II-1063, point 118.

(24)  Voir l'affaire C280/08 Deutsche Telekom/Commission, précité, points 80-81.Cette possibilité a reçu une interprétation étroite; voir, par exemple, les affaires jointes 209/78 e.a., Van Landewyck, Recueil 1980, p. 3125, points 130-134; affaires jointes 240/82 e.a., Stichting Sigarettenindustrie, Recueil 1985, p. 3831, points 27-29; et affaires jointes C-359/95 P et C-379/95 P, Ladbroke Racing, Recueil 1997, p. I-6265, points 33 et suivants.

(25)  Au moins jusqu'au moment où est adoptée une décision visant à laisser inappliquée la législation nationale et où cette décision devient définitive; voir affaire C-198/01, CIF, précitée points 54 et suivants.

(26)  Aux fins des présentes lignes directrices, l'expression «restreindre le jeu de la concurrence» englobe les notions d'empêcher et de fausser le jeu de la concurrence.

(27)  Voir, par exemple, l'affaire C-209/07, BIDS, Recueil 2008, p. I-8637, point 17.

(28)  Voir, par exemple, les affaires jointes C-501/06 P e.a., GlaxoSmithKline, précitées, point 55. Affaire C-209/01, BIDS, précitée, point 16; ou encore l'affaire C-8/08 P, T-Mobile Netherlands, Recueil 2009, p. I-4529, points 29 et suivants, l'affaire C-7/95 P, John Deere, point 77.

(29)  Voir, par exemple, les affaires jointes C-501/06 P e.a., GlaxoSmithKline, point 58. Affaire C-209/07, BIDS, points 15 et suivants.

(30)  Voir affaire C-7/95 P, John Deere, point 88; l'affaire C-238/05, Asnef-Equifax, point 51.

(31)  Voir également le point 18 des lignes directrices générales.

(32)  JO C 368 du 22.12.2001, p. 13.

(33)  Si le nombre de parties est supérieur à deux, la part de marché collective de tous les concurrents qui coopèrent doit être sensiblement plus élevée que la part individuelle du plus important d'entre eux.

(34)  Pour le calcul des parts de marché, voir aussi la communication sur la définition du marché en cause, citée dans la note ci-dessus, points 54 et 55.

(35)  JO L 1 du 4.1.2003, p. 1.

(36)  Voir, par exemple, les affaires jointes C-501/06 P e.a., GlaxoSmithKline, points 93-95.

(37)  Des précisions concernant la notion de consommateurs sont fournies au point 84 des lignes directrices générales.

(38)  Règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D.

(39)  Règlement d'exemption par catégorie en faveur de la spécialisation.

(40)  La théorie économique sur l'asymétrie de l'information traite de l'étude de décisions dans des tranasactions où une partie a plus d'informations que l'autre.

(41)  Voir l'affaire C-7/95 P, John Deere, point 88.

(42)  Voir, par exemple, l'affaire C-8/08, T-Mobile Netherlands, point 26, ainsi que les affaires jointes C 89/85 e.a., Pâte de bois, Recueil 1993, p. 1307, point 63.

(43)  Voir l'affaire C-7/95 P, John Deere, point 86.

(44)  Voir l'affaire C-7/95 P, John Deere, point 87.

(45)  Voir affaires jointes 40/73 e.a., Suiker Unie, Recueil 1975, p. 1663, point 173 et suivant.

(46)  L'incertitude stratégique survient sur le marché lorsque de nombreuses collusions différentes sont possibles et que les entreprises ne sont pas parfaitement à même d'observer les agissements passés et actuels de leurs concurrents et des nouveaux arrivants.

(47)  Voir, par exemple, les affaires jointes T-25/95 e.a., Cimenteries, Recueil 2000, p. II-491, point 1849: «[…] La notion de pratique concertée suppose effectivement l'existence de contacts caractérisés par la réciprocité […]. Cette condition est satisfaite lorsque la divulgation, par un concurrent à un autre, de ses intentions ou de son comportement futurs sur le marché a été sollicitée ou, à tout le moins, acceptée par le second».

(48)  Voir les conclusions de l'avocat général Kokott concernant l'affaire C-8/08 P, T-Mobile Netherlands, Recueil 2009, p. I-4529, point 54.

(49)  Voir l'affaire C-8/08, T-Mobile Netherlands, point 59: «il n’est pas exclu que, selon la structure du marché, une seule prise de contact, telle que celle en cause dans le litige au principal, puisse, en principe, suffire pour que les entreprises concernées concertent leur comportement sur le marché et aboutissent ainsi à une coopération pratique se substituant à la concurrence et aux risques que celle-ci implique.».

(50)  Voir les affaires jointes T-202/98 etc., Tate & Lyle/Commission, Recueil 2001, p. II-2035, point 54.

(51)  Voir l’affaire C-199/92 P, Hüls, Recueil 1999, p. I-4287, point 162, et affaire C-49/92 P, Anic Partezipazioni, Recueil 1999, p. I-4125, point 121.

(52)  Cela ne couvrirait pas les cas dans lesquels de telles annonces comprennent des invitations à s'entendre.

(53)  L'utilisation des termes «principaux problèmes de concurrence» signifie que la description des problèmes de concurrence qui suit n'est ni exclusive, ni exhaustive.

(54)  En ce qui concerne les problèmes d'éviction que peuvent poser des accords verticaux, voir les points 100 et suivants des lignes directrices sur les restrictions verticales.

(55)  Voir, par exemple, les affaires jointes C-506/06 P et al., GlaxoSmithKline, point 58. Affaire C-209/01, BIDS, points 15 et suivants.

(56)  Voir également les lignes directrices générales, point 22.

(57)  Parmi les informations concernant les volumes prévus pourraient figurer, par exemple, les ventes escomptées, les parts de marchés, les zones concernées et les ventes à des catégories spécifiques de consommateurs.

(58)  La notion de «futurs prix envisagés» est illustrée dans l'exemple no 1. Dans les cas spécifiques où les entreprises s'engagent pleinement à pratiquer à l'avenir les prix annoncés précédemment au grand public (prix qu'elles ne peuvent donc pas revoir), de telles annonces publiques de prix ou de quantités individuels futurs ne seraient pas considérées comme des intentions et ne seraient donc normalement pas considérées comme restreignant le jeu de la concurrence par objet. Tel pourrait être le cas, par exemple, en raison des interactions répétées et du type particulier de relations que les entreprises pourraient avoir avec leurs clients, par exemple parce qu'il est essentiel que ces derniers connaissent les prix futurs à l'avance ou parce qu'ils peuvent déjà passer des précommandes à ces prix. En effet, en pareil cas, l'échange d'informations représenterait un moyen plus onéreux de parvenir à une collusion sur le marché qu'un échange d'informations sur des intentions futures et serait davantage susceptible d'avoir une finalité favorable à la concurrence. Cela ne signifie toutefois pas qu'un engagement en matière de prix à l'égard de clients soit nécessairement de nature à favoriser la concurrence. Il peut, au contraire, avoir pour effet de limiter la possibilité de s'écarter de pratiques collusoires et en renforcer ainsi la stabilité.

(59)  Ceci est sans préjudice du fait que les annonces publiques de prix individuels envisagés peuvent donner lieu à des gains d'efficacité et que les parties à de tels échanges auraient la possibilité d'invoquer l'article 101, paragraphe 3.

(60)  Affaire C-7/95 P, John Deere/Commission, point 76.

(61)  L'échange d'informations peut restreindre la concurrence de la même façon qu'une concentration s'il débouche sur une coordination plus efficace, plus stable ou plus probable sur le marché; voir affaire C-413/06 P, Sony, Recueil 2008, p. I-4951, point 123, dans le cadre de laquelle la Cour de justice a entériné les critères établis par le Tribunal dans l'affaire T-342/99, Airtours, Recueil 2002, p. II-2585, point 62.

(62)  Affaire C-238/05, Asnef-Equifax, point 54.

(63)  Il convient de noter que l'analyse aux points 78 à 85 ne constitue pas une liste exhaustive des caractéristiques de marché pertinentes. D'autres caractéristiques du marché peuvent être importantes dans le cadre de certains échanges d'informations.

(64)  Voir l'affaire T-35/92, John Deere/Commission, Recueil 1994, p. II-957, point 78.

(65)  Voir la décision de la Commission dans les affaires IV/31.370 et 31.446, UK Agricultural Tractor Registration Exchange, JO L 68 du 13.3.1992, p. 19, point 51, ainsi que l'affaire T-35/92, John Deere/Commission, point 78. Il n'est pas nécessaire d'établir une stabilité absolue ou d'exclure une concurrence acharnée.

(66)  Les échanges d'informations qui s'inscrivent dans le cadre d'un accord de R&D, s'ils n'excèdent pas ce qui est nécessaire aux fins de la mise en œuvre de cet accord, peuvent bénéficier de la zone de sécurité de 25 % fixée dans le règlement d'exemption par catégorie relatif aux accords de R&D. S'agissant du règlement d'exemption par catégorie REC relatif aux accords de spécialisation la zone de sécurité correspondante est de 20 %.

(67)  La collecte de données historiques peut également être utilisée en vue de la transmission de la contribution d'une association sectorielle à un réexamen de la politique publique.

(68)  Par exemple, dans des affaires antérieures, la Commission a considéré l'échange de données individuelles remontant à plus d'un an comme historique et comme ne restreignant pas la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, et a estimé que les informations datant de moins d'un an constituaient des données récentes; voir la décision de la Commission dans l'affaire IV/31.370, UK Agricultural Tractor Registration Exchange, point 50, ainsi que la décision de la Commission dans l'affaire IV/36.069, Wirtschaftsvereiningung Stahl, JO L 1 du 3.1.1998, p. 10, point 17.

(69)  Des contrats peu fréquents pourraient diminuer la probabilité de mesures de représailles suffisamment rapides.

(70)  Néanmoins, selon la structure du marché et le contexte global de l'échange, il ne peut être exclu qu'un échange isolé suffise pour que les entreprises concernées concertent leur comportement sur le marché et aboutissent ainsi à une coopération pratique se substituant efficacement à la concurrence et aux risques que celle-ci implique; voir l'affaire C-8/08, T-Mobile Netherlands, point 59.

(71)  Affaires jointes T-191/98 e.a., Atlantic Container Line (TACA), Recueil 2003, p. II-3275, point 1154. Tel peut ne pas être le cas si l'échange se produit dans le cadre d'une entente.

(72)  En outre, le fait que les parties à l'échange aient précédemment communiqué les données au public (par exemple par l'intermédiaire d'un quotidien ou de leur site internet) ne signifie pas qu'un échange ultérieur d'informations non publiques ne serait pas contraire à l'article 101.

(73)  Voir les affaires jointes T-202/98 etc., Tate & Lyle/Commission, point 60.

(74)  Cela ne s'oppose pas à ce qu'une base de données soit proposée à moindre prix aux clients qui ont eux-mêmes versé des informations dans celle-ci, étant donné qu'ils auraient eu aussi, ce faisant, à supporter des coûts.

(75)  L'analyse des barrières à l'entrée et de la puissance d'achat «compensatrice» sur le marché serait utile pour déterminer si les entreprises ne participant pas au système d'échange d'informations seraient à même de compromettre les résultats escomptés de la coordination. Toutefois, une plus grande transparence vis-à-vis des consommateurs pourrait soit limiter, soit étendre la portée de la collusion, étant donné qu'elle accroît l'élasticité au niveau des prix de la demande et les avantages d'un comportement déviant mais durcit également les mesures de représailles.

(76)  L'étude des gains d'efficacité susceptibles de résulter des échanges d'informations n'est ni exclusive, ni exhaustive.

(77)  De tels gains d'efficacité doivent être comparés aux effets négatifs susceptibles de résulter, par exemple, d'une limitation de la concurrence pour le marché qui stimule l'innovation.

(78)  Pour la définition du marché, voir la communication sur la définition du marché.

(79)  Voir également les lignes directrices de la Commission relatives à l'application de l'article 81 du traité CE aux accords de transfert de technologie, point 33, JO C 101 du 27.4.2004, p. 2 («Lignes directrices relatives aux accords de transfert de technologie»).

(80)  Voir la communication sur la définition du marché. Voir également les lignes directrices relatives aux accords de transfert de technologie, points 19 et suivants.

(81)  Article 1er, paragraphe 1, point u) du règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D.

(82)  Article 4, paragraphe 2, du règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D.

(83)  Voir également les lignes directrices relatives aux accords de transfert de technologie, point 23.

(84)  Article 4, paragraphe 1, du règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D.

(85)  Voir les considérants 19, 20 et 21 du préambule au règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D.

(86)  Article 4, paragraphe 3, du règlement d'exemption par catégorie en faveur de la R&D.

(87)  La coopération en matière de R&D entre des entreprises non concurrentes peut néanmoins entraîner des effets de verrouillage des marchés au sens de l'article 101, paragraphe 1, si elle implique l'exploitation exclusive des résultats et si elle associe des entreprises dont l'une dispose d'un pouvoir de marché important (sans que cela ne corresponde nécessairement à une position dominante) pour une technologie clé.

(88)  Sans préjudice de l'analyse des gains d'efficacité potentiels, y compris ceux réalisés régulièrement dans le cas de la R&D cofinancée par le secteur public.

(89)  Voir l'article 3, paragraphe 2, du règlement d'exemption par catégorie en faveur de la recherche et du développement.

(90)  Voir l'article 3, paragraphe 2, du règlement d'exemption par catégorie en faveur de la recherche et du développement.

(91)  JO C 1 du 3.1.1979, p. 2.

(92)  C’est ce que prévoit aussi l’article 2, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations.

(93)  Voir l'article 101, paragraphe 1, point a). Affaires jointes T-217/03 et T-245/03, Viandes bovines françaises, points 83 et suivants; voir l'affaire C-8/08, T-Mobile Netherlands, point 37.

(94)  Article 2, paragraphe 4, du règlement d'exemption par catégorie concernant les restrictions verticales.

(95)  La normalisation peut revêtir diverses formes, depuis l’adoption, par les organismes de normalisation européens ou nationaux reconnus, de normes reposant sur un consensus jusqu’aux accords entre des entreprises indépendantes en passant par des consortiums ou d’autres cadres.

(96)  Voir l’affaire C-113/07, SELEX, Recueil 2009, p. I-2207, point 92.

(97)  JO L 204 du 21.7.1998, p. 37.

(98)  Voir l'arrêt du 12 mai 2010 dans l'affaire T-432/05, EMC Development AB/Commission, non encore publiée.

(99)  Ces conditions générales peuvent ne couvrir qu’une petite partie des clauses contenues dans le contrat final ou une partie importante de celles-ci.

(100)  Tel est le cas lorsque des conditions générales (non juridiquement contraignantes) sont utilisées dans la pratique par la majeure partie du secteur et/ou pour la plupart des aspects du produit/service, ce qui limite, voire supprime le choix des consommateurs.

(101)  Voir la section 3 sur les accords de R&D.

(102)  Voir également le point 308.

(103)  En fonction du cercle des participants au processus de normalisation, des restrictions peuvent survenir sur le marché du produit standardisé, soit par le fournisseur, soit par l'acheteur.

(104)  Aux fins de la présente section, on entend par «DPI», notamment, les brevets (à l'exclusion des demandes de brevets non publiées). Toutefois, lorsqu'un autre type quelconque de DPI confère au détenteur de ces droits le contrôle de l'utilisation de la norme, il convient d'appliquer les mêmes principes.

(105)  En pratique, de nombreuses entreprises utilisent une combinaison de ces modèles commerciaux.

(106)  Voir également les lignes directrices relatives aux accords de transfert de technologie, point 7.

(107)  Des redevances élevées ne pourraient être qualifiées d'excessives qu'à condition de remplir les conditions nécessaires pour qu'il y ait un abus de position dominante conformément à l'article 102 du traité et à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne; voir, par exemple, l'affaire 27/76, United Brands, Recueil 1978, p. 207.

(108)  Voir, par exemple, la décision de la Commission dans l'affaire IV/35.691, Conduites précalorifugées, JO L 24 du 30.1.1999, p. 1, dans laquelle l'infraction à l'article 101 consistait à «exploiter les normes pour empêcher ou retarder l’arrivée de nouvelles techniques susceptibles d’entraîner des baisses de prix» (point 147).

(109)  Le présent point ne devrait pas empêcher des divulgations ex ante unilatérales des conditions d’octroi de licences plus restrictives, ainsi que cela est expliqué au point 299. Il n'empêche pas davantage les communautés de brevets créées conformément aux principes fixés dans les lignes directrices relatives aux accords de transfert de technologie ou la décision d'octroyer une licence portant sur les DPI essentiels pour une norme en exemption de redevance, ainsi que cela est indiqué dans la présente section.

(110)  Voir par analogie les points 39 et suivants. En ce qui concerne les parts de marché, voir également le point 296.

(111)  Voir également le point 293 à cet égard.

(112)  Il convient par exemple d'accorder un accès effectif à la spécification de la norme.

(113)  Ainsi que cela est indiqué aux points 285 et 286.

(114)  Il convient de noter que FRAND peut également couvrir des licences exemptes de redevance.

(115)  Pour obtenir le résultat recherché, une divulgation faite de bonne foi ne doit pas aller plus loin qu'une invitation à comparer les DPI avec la norme potentielle et à faire une déclaration par laquelle les participants indiquent ne pas posséder de DPI associés à la norme potentielle.

(116)  Voir l'affaire C-27/76, United Brands, point 250; voir également l’affaire C-385/07 P, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland GmbH/Commission, Recueil 2009, p. I-06155, point 142.

(117)  Voir l’affaire 395/87, Ministère public/Jean-Louis Tournier, Recueil 1989, p. 2521, point 38, ainsi que les affaires jointes 110/88, 241/88 et 242/88, François Lucazeau/SACEM, Recueil 1989, p. 2811, point 33.

(118)  Voir la décision de la Commission dans l'affaire IV/29/151, Philips/Video- Cassetterecorders, JO L 47 du 18.2.1978, p. 42, considérant 23: «S'agissant, en l'espèce, des normes de fabrication d'appareils et de cassettes selon le système VCR, il en résulte que les entreprises participantes s'engagent à ne fabriquer et distribuer que des cassettes et des appareils appliquant ce système donné en licence par Philips. …, ces entreprises n'avaient donc pas la possibilité de se mettre à fabriquer ou distribuer d'autres systèmes à vidéocassettes… Il en résultait une restriction de concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, sous b).»

(119)  Voir la décision de la Commission dans l'affaire IV/29/151, Philips/Video- Cassetterecorders, considérant 23.

(120)  Dans sa décision relative à l'affaire IV/31.458, X/Open Group, JO L 35 du 6.2.1987, p. 36, la Commission a considéré que même si les normes adoptées étaient rendues publiques, la politique d'admission restreinte avait pour effet d'empêcher des non-membres d'influer sur les résultats des travaux du groupe et d'obtenir le savoir-faire et la compréhension technique relatifs aux normes que les membres sont susceptibles d'acquérir. En outre, les non-membres ne pourraient, contrairement aux membres, appliquer la norme avant qu'elle ait été adoptée (voir le point 32). Eu égard à ces circonstances, l'accord a donc été considéré comme restreignant la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1.

(121)  Ou si l'adoption de la norme avait été fortement retardée par un processus inefficace, les restrictions initiales éventuelles pourraient être compensées par des gains d'efficacité, devant être considérés à la lumière de l'article 101, paragraphe 3.

(122)  Voir la décision de la Commission du 14 octobre 2009 dans l'affaire 39416, Classification des navires. La décision est disponible à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/competition/antitrust/cases/index/by_nr_78.html#i39_416.

(123)  Voir le point 261.

(124)  Toute divulgation ex ante unilatérales des conditions d’octroi de licences les plus restrictives ne devrait pas servir de moyen déguisé pour fixer les prix soit de produits en aval ou de DPI/technologies de substitution, ce qui, comme exposé au point 274, constitue une restriction de la concurrence par objet.

(125)  Si l'expérience acquise en ce qui concerne les conditions générales sur le marché en cause montre que celles-ci n'ont pas débouché sur une concurrence moins grande pour ce qui est de la différenciation des produits, on pourrait en déduire que le même type de conditions générales élaborées pour un produit proche ne produira pas davantage d'effets restrictifs sur la concurrence.

(126)  Voir la décision de la Commission dans l'affaire IV/31.458, X/Open Group, considérant 42: «La Commission considère que la volonté du groupe de mettre les résultats à disposition aussi rapidement que possible est un élément essentiel dans sa décision d'accorder une exemption».

(127)  Dans l'affaire IV/29.151, Philips/VCR la mise en conformité avec les normes VCR a débouché sur l'exclusion d'autres systèmes, peut-être meilleurs. Une telle exclusion était particulièrement grave compte tenu de la position de pointe de Philips sur le marché «L'accord imposait... aux entreprises participantes des restrictions qui n'étaient pas indispensables pour obtenir les améliorations susvisées. La possibilité d'employer des vidéocassettes du système VCR dans des appareils d'autres fabricants aurait été aussi assurée si les participants avaient dû simplement s'engager à respecter les normes VCR dans la fabrication d'appareils selon le système VCR …» (point 31).

(128)  Voir la décision de la Commission dans l'affaire IV/31.458, X/Open Group, point 45: «Les objectifs du groupe ne pourraient être atteints si toute entreprise disposée à s'engager sur les objectifs du groupe avait le droit d'en devenir membre. Ceci créerait des difficultés pratiques et logistiques dans la gestion du travail et empêcherait éventuellement l'adoption de propositions appropriées.» Voir également la décision de la Commission du 14 octobre 2009 dans l'affaire 39416, Classification des navires, point 36: «En ce qui concerne les critères d'adhésion à l'IACS, les engagements ménagent un équilibre approprié entre, d'une part, le maintien de critères exigeants et, d'autre part, l'élimination des obstacles inutiles. Les nouveaux critères garantiront que seules des SC [sociétés de classification] techniquement compétentes pourront adhérer à l'IACS, empêchant ainsi que des critères de participation à l'IACS trop laxistes ne portent indûment atteinte à l'efficacité et à la qualité des travaux de l'IACS. Simultanément, les nouveaux critères n'empêcheront pas les SC techniquement compétentes et disposées à le faire d'adhérer à l'IACS.»

(129)  Technologies considérées par les utilisateurs ou les preneurs de licence comme interchangeables avec une autre technologie ou comme pouvant s’y substituer, en raison des caractéristiques des technologies et de l’utilisation recherchée.

(130)  À cet égard, voir la décision de la Commission dans les affaires IV/34.179, 34.202, 216, Dutch Cranes (SCK and FNK), JO L 312 du 23.12.1995, p. 79, considérant 23: «L'interdiction de sous-traiter des travaux à des entreprises qui ne sont pas certifiées par la SCK restreint la liberté d'action des entreprises certifiées. Afin de déterminer si l'interdiction peut être considérée comme de nature à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, il convient d'examiner le contexte juridique et économique de l'affaire. Si cette interdiction était liée à un système de certification totalement ouvert, indépendant et transparent et prévoyant l'acceptation de garanties équivalentes offertes par d'autres systèmes, on pourrait faire valoir que l'interdiction n'a pas pour effet de restreindre la concurrence, mais vise simplement à garantir totalement la qualité des produits et des services certifiés.»

(131)  Par «normalisation de fait», on entend une situation dans laquelle une norme (non juridiquement contraignante est utilisée en pratique par la majeure partie du secteur.