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/* COM/2011/0222 final */ COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS L'Internet ouvert et la neutralité d'Internet en Europe


COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS

L'Internet ouvert et la neutralité d'Internet en Europe

TABLE DES MATIÈRES

1. Introduction 2

2. Le débat sur la neutralité d'Internet 2

3. Dispositions du cadre réglementaire de l'UE concernant la neutralité d'Internet 4

3.1. Les principes de concurrence 4

3.2. Le cadre modifié applicable aux télécommunications 4

4. Constat actuel 6

4.1. Blocage 6

4.2. Gestion du trafic 7

4.3. Consommateurs et qualité de service 8

4.4. Le contexte international 8

5. Conclusion 9

INTRODUCTION

En conclusion du paquet de réformes des télécommunications de l'UE de 2009, la Commission européenne a fait part, dans une déclaration[1], de son engagement en faveur du «maintien du caractère ouvert et neutre de l'internet, en tenant pleinement compte de la volonté des co-législateurs de consacrer désormais la neutralité de l'internet et d'en faire un objectif politique et un principe réglementaire que les autorités réglementaires nationales devront promouvoir». Conformément à cette déclaration, la Commission, en plus de suivre la mise en œuvre des dispositions relatives aux «libertés de l'internet», devait surveiller «les répercussions de l'évolution commerciale et technologique sur les "libertés de l'internet" et [soumettre] avant la fin de l'année 2010 au Conseil et au Parlement européen un rapport sur la nécessité éventuelle de fournir d'autres orientations». La présente communication vise donc à respecter cet engagement, lequel a été rappelé dans la communication «Une stratégie numérique pour l'Europe»[2], en exposant les enseignements que la Commission a tirés de ses processus de consultation et d'enquête et en déduisant les conclusions qui s'imposent.

Processus

Afin d'établir la base factuelle de sa communication, la Commission a lancé une consultation publique sur «l'Internet ouvert et la neutralité d'Internet en Europe» qui s'est déroulée du 30 juin au 30 septembre 2010. La consultation a suscité plus de 300 contributions émanant d'un large éventail de parties prenantes, parmi lesquelles des opérateurs de réseau, des fournisseurs de contenu, des États membres, des organisations de consommateurs et de la société civile ainsi qu'un certain nombre de particuliers. La liste complète des répondants et les réponses non confidentielles ont été publiées sur le site Web spécialisé de la Commission[3], accompagnées d'un rapport en fournissant un aperçu concis et non exhaustif. De plus, la Commission et le Parlement ont organisé un sommet conjoint, le 11 novembre 2010[4], qui a fourni à un large éventail de parties prenantes l'occasion de donner leur avis sur la neutralité d'Internet et d'en discuter au sein d'un forum public ouvert.

LE DÉBAT SUR LA NEUTRALITÉ D'INTERNET

Évolution d'Internet

Internet est devenu un phénomène mondial à une vitesse inouïe. En 15 ans seulement, le marché de la connectivité Internet est passé de presque zéro à plusieurs milliards d'euros. L'essor d'Internet a facilité les échanges transnationaux grâce au commerce électronique, contribuant ainsi au développement du marché intérieur et à la disparition des barrières entre les États membres. Internet est aujourd'hui au cœur de l'économie mondiale et à l'origine d'un niveau d'innovation sans précédent.

Internet doit une grande part de son succès au fait qu'il est ouvert et aisément accessible pour autant que l'utilisateur dispose d'une connexion. Actuellement, pour fournir du contenu ou des services, et exception faite des exigences techniques de base, un particulier ou une entreprise n'a pas à supporter de coûts d'accès élevés ni à surmonter les obstacles caractéristiques de nombreuses autres activités de réseau bien implantées. En fait, c'est l'inexistence de ces obstacles qui a permis à bien des applications, aujourd'hui connues par tout un chacun, de décoller.

Au début, on accédait à Internet en composant un numéro de téléphone mais, avec la multiplication des applications – accessibles grâce à la vitesse toujours plus grande des connexions à haut débit –, Internet est devenu bien plus qu'une simple ligne téléphonique. C'est désormais un «réseau de réseaux» qui a transformé la façon dont nous communiquons, faisons des affaires et travaillons, en ouvrant de grandes perspectives d'enseignement, de culture, de communication et d'interaction sociale, en facilitant les progrès scientifiques et techniques et, plus généralement, en favorisant la liberté d'expression et la pluralité des médias.

Des milliards d'euros ont été investis pour mettre à niveau l'infrastructure de façon à fournir aux consommateurs des services de meilleure qualité à moindre coût. Ces investissements, conjugués au modèle européen de réglementation concurrentielle de l'accès en gros et à l'application des règles de concurrence de l'UE, ont stimulé la concurrence en aval et fait naître une offre concurrentielle de formules d'accès à haut débit qui, combinée à une gamme alléchante de contenu et de services, a tiré la demande des consommateurs. Pour prendre en charge l'explosion du trafic de données, il faudra toutefois investir davantage. En effet, d'après certaines projections, ce trafic devrait augmenter de 35 % par an pour les réseaux fixes et de 107 % par an pour les réseaux mobiles. Internet est certes devenu un outil très précieux dans la société d'aujourd'hui mais tout son potentiel n'est pas encore exploité.

Paramètres du débat sur la neutralité d'Internet

Même s'il n'existe pas de définition établie de la «neutralité d'Internet», l'article 8, paragraphe 4, point g), de la directive «cadre»[5] exige des autorités réglementaires nationales qu'elles défendent les intérêts des citoyens de l'Union européenne en favorisant la capacité de l'utilisateur final à accéder à l'information et à en diffuser, ainsi qu'à utiliser des applications et des services de son choix. Cela est naturellement soumis à la législation applicable et donc sans préjudice des mesures nationales ou de l'UE prises pour contrer les activités illicites et, notamment, lutter contre la criminalité.

La question essentielle que posent la neutralité d'Internet et les thèmes sous-jacents au débat est, d'abord et avant tout, comment préserver au mieux l'ouverture de cette plateforme et faire en sorte qu'elle continue à fournir des services de haute qualité à tous et à promouvoir l'innovation, tout en garantissant la jouissance et le respect de droits fondamentaux comme la liberté d'expression et la liberté d'entreprise.

Le débat sur la neutralité d'Internet tourne, dans une large mesure, autour de la gestion du trafic et de ce qui constitue une gestion raisonnable de ce dernier. Il est largement admis que les opérateurs de réseau doivent adopter certaines méthodes de gestion du trafic pour veiller à l'utilisation efficace de leurs réseaux et que certains services IP, comme la TV sur IP en temps réel et la vidéoconférence, peuvent exiger une gestion spéciale du trafic pour garantir une qualité de service élevée, d'un niveau prédéfini. Toutefois, le fait que certains opérateurs, pour des raisons ne tenant pas à la gestion du trafic, puissent bloquer ou dégrader des services licites (notamment de voix sur IP) qui concurrencent leurs propres services, peut être considéré comme allant à l'encontre de l'ouverture d'Internet. La transparence est également un thème important du débat sur la neutralité d'Internet. Disposer d'informations appropriées sur les éventuelles restrictions ou la gestion du trafic permet aux consommateurs de faire leur choix en connaissance de cause. Ces questions de gestion du trafic, de blocage et de dégradation, de qualité de service et de transparence doivent donc être abordées.

DISPOSITIONS DU CADRE RÉGLEMENTAIRE DE L'UE CONCERNANT LA NEUTRALITÉ D'INTERNET

Les principes de concurrence

Le cadre réglementaire de l'UE vise à promouvoir une concurrence effective, laquelle est considérée comme le meilleur moyen de fournir aux consommateurs des biens et des services de haute qualité à un prix abordable. Pour que la concurrence s'exerce, les consommateurs doivent pouvoir choisir entre plusieurs offres comparables à partir d'informations claires et pertinentes. De plus, les consommateurs doivent être effectivement en mesure de changer de fournisseur si on leur propose ailleurs une meilleure qualité de service et/ou un tarif moins élevé ou s'ils ne sont pas satisfaits du service fourni, par exemple si leur fournisseur actuel impose des restrictions sur certains services ou applications. Dans un environnement concurrentiel, cela a pour effet d'inciter les fournisseurs à adapter leur tarification et à s'abstenir d'imposer des restrictions sur les applications qui ont du succès auprès des utilisateurs, comme c'est le cas des services de voix sur IP (VoIP).

La gravité des problèmes soulevés dans le débat sur la neutralité d'Internet est donc liée au degré de concurrence existant sur le marché.

En Europe, le cadre réglementaire a favorisé la concurrence en exigeant des opérateurs de réseau puissants sur le marché qu'ils fournissent l'accès en gros, et en attribuant les radiofréquences de façon concurrentielle. L'accès en gros aux réseaux mobiles a été [largement?] dérégulé étant donné que cet accès est proposé, aux conditions du marché, aux opérateurs de réseau mobile virtuel qui élargissent la gamme d'offres au détail. Appliqué parallèlement au cadre réglementaire ex ante , le droit de la concurrence a contribué à faciliter l'accès au marché en prévenant les abus de position dominante de la part des opérateurs réglementés. En conséquence, les tarifs de détail de l'accès à l'Internet fixe et sans fil ne sont pas réglementés dans l'UE et les consommateurs bénéficient d'une diversité de services à des prix adaptés à leurs besoins (par exemple en termes de volume ou de largeur de bande).

En même temps, l'adéquation de l'environnement concurrentiel comme garantie de l'ouverture d'Internet peut être mise à mal par l'existence éventuelle de défaillances du marché, de pratiques oligopolistiques, de goulets d'étranglement dans la fourniture de services de haute qualité aux consommateurs et d'une asymétrie de l'information.

Le cadre modifié applicable aux télécommunications

Le cadre modifié applicable aux télécommunications, adopté en 2009, contribue à préserver le caractère ouvert et neutre d'Internet. En vertu de la réglementation révisée, les autorités nationales de régulation des télécommunications sont tenues de favoriser «la capacité des utilisateurs finals à accéder à l'information et à en diffuser, ainsi qu'à utiliser des applications et des services de leur choix» [article 8, paragraphe 4, point g), de la directive «cadre»].

Cela est étayé par les nouvelles exigences de transparence vis-à-vis des consommateurs (article 21 de la directive «service universel»). Plus précisément, lorsqu'ils s'abonnent à un service et en cas de changement ultérieur, les consommateurs disposeront d'informations:

- sur les conditions limitant l'accès et/ou l'utilisation des services et des applications conformément à la législation de l'Union; et

- sur les procédures mises en place par le fournisseur pour mesurer et orienter le trafic de manière à éviter la saturation ou la sursaturation d'une ligne du réseau, et sur les répercussions éventuelles de ces procédures sur la qualité du service.

Ces exigences de transparence sont nécessaires pour informer les consommateurs de la qualité de service qu'ils peuvent escompter.

Pour ce qui est de changer d'opérateur , les consommateurs pourront le faire, en conservant leur numéro, dans un délai d'un jour ouvrable. En outre, les opérateurs doivent offrir à leurs clients la possibilité de conclure un contrat d'une durée maximale de 12 mois. La nouvelle réglementation garantit aussi que les conditions et procédures de résiliation de contrat ne dissuadent pas de changer de fournisseur de service (article 30, paragraphe 6, de la directive «service universel»).

De plus, les régulateurs nationaux – après consultation de la Commission – ont le pouvoir d'intervenir en fixant des exigences minimales de qualité de service pour les services de transmission sur le réseau (article 22, paragraphe 3, de la directive «service universel») et de garantir ainsi un niveau stable de qualité de service.

Toutes ces dispositions, contenues dans le cadre réglementaire révisé de l'UE, devront être transposées par les États membres d'ici au 25 mai 2011.

En outre, la législation de l'UE[6] offre une protection à l'égard du traitement des données à caractère personnel, y compris lorsqu'une décision affectant des personnes de façon significative est prise dans le cadre du traitement automatisé de données les concernant. Toute activité, relative au blocage ou à la gestion du trafic, effectuée sur cette base devra donc satisfaire aux exigences de protection des données.

Enfin, les États membres doivent se conformer à la Charte des droits fondamentaux de l'UE lorsqu'ils appliquent la législation de l'UE et cela vaut aussi pour le cadre révisé en matière de télécommunications, qui pourrait affecter l'exercice de plusieurs de ces droits.

CONSTAT ACTUEL

Blocage

Le blocage ou la limitation du trafic licite a été l'une des principales questions soulevées au cours de la consultation publique et du sommet sur la neutralité d'Internet. Le blocage peut consister soit à rendre difficile l'accès à certains services ou sites Internet, soit carrément à en restreindre l'accès. L'exemple le plus classique serait celui d'un opérateur d'Internet mobile bloquant la VoIP. La limitation, qui est une technique employée pour gérer le trafic et le décongestionner, peut être utilisée pour dégrader (notamment ralentir) un certain type de trafic et ainsi affecter la qualité du contenu, par exemple de la lecture vidéo en transit fournie aux consommateurs par un concurrent.

Au niveau européen, l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) a réalisé une enquête auprès de ses membres, au début de 2010, afin de faire le point de la situation dans les différents États membres. De plus, au niveau national, préalablement au lancement de la consultation publique de la Commission, l'autorité réglementaire française, ARCEP[7], et l'autorité réglementaire britannique, OFCOM[8], ont lancé leurs propres consultations.

Dans sa réponse à la consultation publique, l'ORECE a signalé qu'il y a eu des cas d'inégalité de traitement des données par certains opérateurs. De fait, l'ORECE s'est fait l'écho de certaines préoccupations des utilisateurs comme des fournisseurs de contenu:

- réduction de la vitesse («limitation») du partage de fichiers de poste à poste (P2P) ou de la lecture vidéo en transit, de la part de certains fournisseurs en France, Grèce, Hongrie, Lituanie, Pologne et au Royaume-Uni;

- blocage ou surtaxation de la fourniture de services VoIP sur réseau mobile, de la part de certains opérateurs en Allemagne, Autriche, Italie, aux Pays-Bas, au Portugal et en Roumanie.

L'ORECE n'a toutefois pas établi de distinction entre les cas de blocage systématique et les cas où les opérateurs offrent le service mais en exigeant un supplément de prix, et n'a pas précisé l'importance économique de ces suppléments. Il s'agit là de questions essentielles qui doivent être approfondies. Aussi sera-t-il important de se faire une idée précise de la situation dans toute l'UE en réalisant une enquête plus complète. Plusieurs cas présumés de blocage ou de limitation ont également été rapportés par des organisations de consommateurs et de la société civile. Le constat de l'ORECE montre que beaucoup de ces problèmes ont été résolus volontairement, souvent grâce à l'intervention de l'autorité réglementaire nationale (ARN) ou sous la pression résultant d'une couverture médiatique défavorable.

D'aucuns ont déclaré craindre que le blocage, quoique essentiellement limité à la VoIP aujourd'hui, puisse être étendu, à l'avenir, à d'autres services comme la télévision par Internet. Parmi les autres problèmes potentiels que les répondants à la consultation ont évoqués, il y a le risque que les structures tarifaires favorisent les gros opérateurs pouvant se permettre de payer pour avoir la priorité, tandis que les nouveaux venus seraient cantonnés à la vitesse inférieure, ce qui aurait un effet dissuasif sur l'innovation. Un autre risque a été signalé: si différents opérateurs bloquent ou dégradent des services différents, les consommateurs pourraient avoir des difficultés à accéder aux services de leur choix en n'ayant qu'un seul abonnement à Internet.

La Commission ne dispose pas d'élément lui permettant de conclure, à ce stade, que ces inquiétudes sont fondées, mais cela doit être gardé à l'esprit dans le cadre d'une enquête plus complète.

Gestion du trafic

Vu la demande croissante dont les réseaux à large bande font l'objet et vu les différents services et applications qui exigent un échange continu de données, il est indispensable de gérer le trafic afin que la congestion du réseau n'entame pas la satisfaction de l'utilisateur final.

Il existe différentes techniques de gestion du trafic:

- la différenciation de paquets permet de traiter différemment des catégories de trafic distinctes, par exemple pour les services qui exigent une communication en temps réel comme la lecture audio ou vidéo en direct ou la VoIP. Cette différenciation garantit à l'utilisateur final une qualité de service minimale;

- le routage IP permet aux fournisseurs de services Internet (FSI) d'acheminer les paquets par des voies de communication différentes pour éviter la congestion et fournir de meilleurs services. Par exemple, un FSI peut acheminer des paquets vers un serveur qui contient une copie des informations nécessaires et est situé soit dans son réseau ou ailleurs à proximité;

- le filtrage permet à un FSI de faire la distinction entre le trafic «sûr» et le trafic «nuisible» et de bloquer ce dernier avant qu'il n'atteigne sa destination.

La satisfaction du consommateur n'est pas entamée si un message électronique lui parvient quelques secondes après qu'il a été envoyé, tandis qu'un délai similaire en communication vocale aurait pour effet de la dégrader considérablement, voire de la rendre totalement inutile.

Le débat sur la neutralité d'Internet tourne, dans une large mesure, autour de la gestion du trafic et de ce qui constitue une gestion raisonnable de ce dernier. Cette gestion est jugée nécessaire pour assurer la fluidité du trafic, en particulier lorsque les réseaux commencent à être encombrés.

Plusieurs répondants à la consultation publique ont admis que la gestion du trafic n'était pas une nouveauté dans le domaine des communications électroniques. Par exemple, les opérateurs ont hiérarchisé le trafic vocal, notamment dans le cas de la téléphonie mobile. Certains répondants avancent que ces techniques de gestion du trafic, correctement utilisées, devraient contribuer à la satisfaction du consommateur. Même ceux des répondants qui ont évoqué un blocage de services poste à poste ou VoIP ont fait valoir que la gestion du trafic était un élément nécessaire et important du fonctionnement efficace d'Internet. Ils ont convenu que son utilisation afin de remédier aux problèmes de congestion et de sécurité était totalement légitime et n'allait pas à l'encontre des principes de neutralité d'Internet.

Plusieurs répondants se sont déclarés préoccupés par une éventuelle utilisation abusive de la gestion du trafic, visant à accorder un traitement préférentiel à un service par rapport à un autre, pratique qu'ils considéreraient injustifiable si les services étaient de nature similaire.

Le fait que les opérateurs et FSI soient autorisés à établir leurs propres modèles d'entreprise et arrangements commerciaux, sous réserve de toute la législation applicable, a recueilli un large consensus. Certains répondants ont invité les ARN et les opérateurs à collaborer pour faire en sorte que la transparence, en ce qui concerne les méthodes de gestion du trafic, soit pertinente et effective pour les consommateurs.

Plusieurs répondants ont estimé que la gestion du trafic devrait s'appliquer aux réseaux fixes comme aux réseaux mobiles, conformément au principe de neutralité technologique sur lequel repose le cadre des communications électroniques dans l'UE.

La Commission, avec l'ORECE, continuera à étudier cette question pour permettre une gestion du trafic raisonnable et transparente qui soutiendra les objectifs du cadre de l'UE en matière de télécommunications.

Consommateurs et qualité de service

La transparence est un thème important du débat sur la neutralité d'Internet car disposer d'informations appropriées sur les éventuelles restrictions ou la gestion du trafic permet aux consommateurs de faire leur choix en connaissance de cause.

D'après l'ORECE, la majorité des ARN a reçu des plaintes de consommateurs concernant la différence entre la vitesse annoncée et la vitesse réelle de leur connexion Internet. La transparence en matière de qualité de service est donc, de l'avis général, essentielle. Étant donné la complexité et le caractère technique, du point de vue du consommateur, de la multitude d'offres Internet, il est nécessaire, pour nombre de répondants, de trouver un équilibre entre simplicité et fourniture d'informations pertinentes et suffisamment détaillées.

Certaines parties prenantes ont signalé le fait qu'il existe déjà, dans le cadre réglementaire, des mesures de sauvegarde du caractère ouvert et neutre d'Internet et que les ARN devraient se prévaloir des dispositions de l'article 22, paragraphe 3, de la directive «service universel» et fixer des exigences minimales en matière de qualité de service lorsqu'elles ont connaissance de dégradation du service, d'obstruction ou de ralentissement du trafic sur les réseaux.

Au cours du sommet de novembre 2010, les membres du Parlement européen ont demandé à ce que des travaux plus poussés soient entrepris sur les indicateurs de qualité de service et à ce qu'on s'informe auprès de l'ORECE sur le meilleur moyen de procéder.

Le contexte international

Plusieurs questions – comme celles de savoir si les fournisseurs d'accès à Internet peuvent accorder à un type de contenu la priorité sur un autre, si les réseaux mobiles et fixes doivent être soumis à des règles différentes – ont alimenté beaucoup de discussions et de grandes controverses dans de nombreux pays hors de l'UE.

Aux États-Unis , la Federal Communications Commission (FCC) a réitéré son engagement à préserver l'ouverture d'Internet. À cet effet, la FCC a adopté en 2005 quatre principes fondamentaux permettant aux consommateurs d'utiliser le contenu, les applications, les services et les dispositifs de leur choix, et favorisant la concurrence entre les fournisseurs de réseaux, de services et de contenu. Ces idées recoupent largement le principe d'«Internet ouvert» consacré dans le cadre révisé de l'UE en matière de télécommunications.

En décembre 2010, la FCC a publié une ordonnance instaurant de nouvelles règles de transparence et précisant les types de blocage autorisés pour le haut débit fixe et mobile. En principe, les fournisseurs de haut débit fixe ne peuvent pas bloquer de contenu, de services, de dispositifs non nuisibles ni d'applications licites, y compris ceux qui concurrencent leurs propres services de téléphonie vocale ou de visiophonie. Pour le haut débit mobile, l'approche est progressive et, pour l'instant, il n'est expressément interdit aux fournisseurs que de bloquer les sites Web licites et les applications de VoIP et de visiophonie qui concurrencent leurs propres services de téléphonie vocale ou de visiophonie.

D'autres pays ont adopté des lignes directrices non contraignantes concernant la neutralité d'Internet. En Norvège , l'autorité nationale des postes et des télécommunications (NPT), en collaboration avec des parties prenantes, a conclu en février 2009 un accord volontaire donnant aux utilisateurs le droit de disposer d'une connexion Internet (i) de capacité et de qualité prédéfinies; (ii) qui leur permette d'utiliser le contenu, les services et les applications de leur choix; et (iii) qui soit non discriminatoire quant au type d'application, de service ou de contenu.

Au Canada , le Conseil de la Radiodiffusion et des Télécommunications Canadiennes (CRTC) a publié en octobre 2009 un nouveau cadre sur la neutralité d'Internet qui assujettit les fournisseurs d'accès à des exigences de transparence plus rigoureuses et ne leur permet d'employer des techniques de gestion du trafic qu'en dernier ressort.

Le Chili s'avère être le premier pays à inscrire directement le principe de neutralité d'Internet dans sa législation. En août 2010, son parlement a adopté une nouvelle loi sur la neutralité d'Internet qui vise essentiellement à restreindre les droits des fournisseurs d'accès en matière de gestion de contenu, tout en renforçant la protection des fournisseurs de contenu et des internautes.

La Commission suit de près l'évolution de la situation internationale et continuera à en tenir compte dans ses propres réflexions sur les approches possibles de la neutralité d'Internet.

CONCLUSION

L'importance de maintenir Internet ouvert, soulignée dans la déclaration de la Commission, a été largement reconnue dans la consultation publique et le sommet conjoint Commission-Parlement. La Commission réaffirme son engagement à atteindre cet objectif et à assurer le maintien d'un Internet solide, sans garantie de performances, auquel chacun a accès.

La Commission est d'avis que les règles relatives à la transparence, au changement d'opérateur et à la qualité de service, qui font partie du cadre révisé de l'UE en matière de télécommunications, devraient contribuer à produire des résultats concurrentiels.

Étant donné que les États membres sont toujours en phase de transposition de ce cadre révisé en droit national, il est importe de prévoir un délai suffisant pour l'application de ces dispositions et d'analyser comment elles seront mises en œuvre dans la pratique.

En outre, comme indiqué plus haut, les données tirées de la consultation publique étaient incomplètes ou imprécises sur nombre de points qui sont essentiels pour appréhender la situation actuelle dans l'Union européenne. C'est pourquoi la Commission, avec l'ORECE, étudie actuellement plusieurs questions que le processus de consultation a fait ressortir, en particulier les obstacles au changement d'opérateur (par exemple, la durée moyenne au-delà de laquelle un client est autorisé à résilier un contrat de post-paiement et les éventuelles pénalités appliquées), les pratiques de blocage et de limitation et les pratiques commerciales ayant un effet équivalent, la transparence et la qualité de service ainsi que les problèmes de concurrence relatifs à la neutralité d'Internet (par exemple, les pratiques discriminatoires des opérateurs en position dominante).

À cet égard, la Commission se réserve le droit d'examiner, en vertu des articles 101 et 102 du TFUE, tout comportement, relativement à la gestion du trafic, susceptible de limiter ou de fausser la concurrence.

Pistes pour l'avenir

La Commission va publier, d'ici à la fin de l'année, les informations que les enquêtes de l'ORECE auront fournies, y compris concernant les cas de blocage ou de limitation de certains types de trafic.

Sur la base de ces informations et de la mise en œuvre des dispositions du cadre applicable aux télécommunications, la Commission prendra une décision, en priorité, relativement à des orientations supplémentaires sur la neutralité d'Internet.

Si des problèmes importants et persistants sont avérés et si l'ensemble du système – comprenant les multiples opérateurs – ne permet pas aisément aux consommateurs d'accéder aux contenus – et d'en diffuser – ainsi qu'aux services et applications de leur choix à l'aide d'un seul abonnement à Internet, la Commission déterminera s'il faut prendre des mesures plus contraignantes pour que la concurrence s'exerce et que les consommateurs aient le choix qu'ils méritent. La transparence et la facilité à changer d'opérateur sont des éléments déterminants pour les consommateurs lorsqu'ils choisissent un FSI ou en changent, mais ne sont peut-être pas des instruments adaptés pour remédier aux restrictions de services ou d'applications licites.

Ces mesures supplémentaires peuvent prendre la forme d'orientations ou de mesures législatives générales pour renforcer la concurrence et élargir le choix des consommateurs, par exemple en facilitant le changement d'opérateur ou, si cela s'avérait insuffisant, en imposant à tous les FSI, indépendamment de leur puissance sur le marché, des obligations concernant spécifiquement la différenciation injustifiée du trafic sur Internet. Cela pourrait comprendre l'interdiction de bloquer des services licites.

La neutralité d'Internet touche à plusieurs des droits et principes consacrés dans la Charte des droits fondamentaux de l'UE, en particulier au respect de la vie privée et familiale, à la protection des données personnelles et à la liberté d'expression et d'information. C'est pourquoi toute proposition législative en la matière fera l'objet d'une analyse approfondie de son incidence sur les droits fondamentaux et de sa conformité à la Charte de l'UE[9].

Toute réglementation supplémentaire doit éviter de dissuader l'investissement ou les modèles d'entreprise innovants, aboutir à une utilisation plus efficace des réseaux et à la création de nouveaux débouchés aux différents niveaux de la chaîne de valeur Internet, tout en garantissant aux consommateurs les avantages d'un choix de produits d'accès à Internet répondant à leurs besoins.

En parallèle, la Commission poursuivra son dialogue avec les États membres et les parties prenantes pour assurer un développement rapide du haut débit, qui permettrait de réduire la pression sur le trafic de données.

[1] JO L 337 du 18 décembre 2009.

[2] COM(2010) 245.

[3] http://ec.europa.eu/information_society/policy/ecomm/library/public_consult/net_neutrality/ index_en.htm

[4] http://ec.europa.eu/information_society/policy/ecomm/library/public_consult/net_neutrality/ index_en.htm

[5] Directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 (directive «cadre»).

[6] Par exemple, la directive sur la protection des données (95/46/CE) et la directive sur la protection de la vie privée (2002/58/CE).

[7] http://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/net-neutralite-orientations-sept2010-eng.pdf

[8] http://stakeholders.ofcom.org.uk/consultations/net-neutrality/?showResponses=true

[9] Conformément à la «Stratégie pour la mise en œuvre effective de la Charte des droits fondamentaux par l'Union européenne», COM(2010) 573 final du 19.10.2010.