15.2.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 43/94


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (CE) no 1290/2005 et (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la distribution de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies de l’Union»

COM(2011) 634 final — 2008/0183 (COD)

2012/C 43/21

Rapporteur: M. SOMVILLE

Le 17 octobre 2011, le Conseil a décidé, conformément à l'article 43 (2) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur:

«Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (CE) no 1290/2005 et (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la distribution de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies de l’Union»

COM(2011) 634 final — 2008/0183 (COD).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 21 novembre 2011.

Lors de sa 476e session plénière des 7 et 8 décembre 2011 (séance du 8 décembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 139 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité accueille favorablement la proposition de la Commission, tout particulièrement l’élargissement de la base juridique proposée pour l’application du plan européen d’aides aux plus démunis (PEAD) en 2012 et 2013. De la sorte, ce programme viserait à répondre aux objectifs de la PAC tout en renforçant la cohésion sociale de l'Union. Cette modification est d’autant plus importante qu’elle s’inscrit dans les objectifs de la Stratégie «Europe 2020».

1.2

Le CESE soutient la nécessité de poursuivre la mise en œuvre du programme et de son financement par le budget de la PAC pour les années 2012 et 2013 et ce, à son niveau actuel. La solidarité à l'égard des catégories défavorisées a toujours été une valeur défendue par l’Union dans ses différentes politiques et doit le rester.

1.3

Pour le CESE ce soutien est vraiment fondamental étant donné que, suite aux crises économique et financière, le nombre de citoyens émargeant au programme est en augmentation constante.

1.4

Émanation de la société civile, le CESE appuie d’autant plus cette proposition que sa mise en œuvre dans les États membres est le fait de nombreux volontaires, membres d’organisations humanitaires, qui ne comprendraient pas de voir une réduction de 75 % des moyens disponibles pour le PEAD entre 2011 et 2012, voire sa quasi disparition faute de stocks d’intervention en 2013. Pour le Comité, ce programme financé par des fonds européens permet de donner une image positive de l'Union auprès des citoyens européens.

1.5

Par ailleurs, le Comité salue la prise en compte par la Commission de certaines recommandations figurant dans son avis précédent daté de janvier 2011 (1), comme celles relatives au maintien du financement à 100 % par le budget de la PAC pour les années 2012 et 2013, et de la possibilité du remboursement de certains frais administratifs, de transport et de stockage supportés par les organisations humanitaires.

1.6

Le CESE souscrit à la possibilité laissée aux États membres d’opter pour des produits originaires de l'Union. De cette façon, le régime jouera non seulement son rôle de stabilisateur du marché intérieur, mais offrira également toutes les garanties que les produits livrés répondent aux normes élevées imposées aux producteurs européens.

2.   Historique

2.1

Pour rappel, la distribution gratuite de nourriture aux plus démunis de la Communauté fut lancée en 1986/87, suite à un hiver particulièrement rigoureux. Les denrées alimentaires, redistribuées par des associations humanitaires dans les différents États membres, provenaient des stocks d’intervention.

2.2

Officialisé par la suite, le fait de travailler avec les stocks d’intervention a permis de travailler sur deux objectifs: aider les plus démunis de l'Union tout en contribuant à rétablir une certaine stabilité des marchés agricoles.

2.3

Les réformes successives de la PAC entamées en 1992 ont permis une réduction significative des stocks d’intervention. De structurels à une époque, ils ont évolué progressivement pour prendre un caractère conjoncturel. Et le niveau des stocks actuels ne permet plus ces dernières années de satisfaire seul la demande d’aide alimentaire.

2.4

Déjà en 1995, une adaptation du programme permit de compléter le manque de produits provenant des stocks d’intervention par des achats sur les marchés.

2.5

L’élargissement de l’Union européenne a amené la Commission à adapter le programme 2009, en majorant le budget y afférent.

2.6

En 2008, face à l'évolution constatée, la Commission a lancé une réflexion sur le programme d’aide alimentaire aux plus démunis. Ce qui a débouché sur une proposition de règlement au Conseil en vue de pérenniser le système d’aide aux plus démunis.

2.7

Cette proposition apportait une série de modifications aux règles existantes: sources d’approvisionnement; augmentation de la variété de produits disponibles; plan de distribution trisannuel; fixation de priorités d’action par les États membres; introduction progressive du cofinancement; adaptation à la hausse du budget disponible. Au Conseil, cette proposition a fait l’objet d’une minorité de blocage.

2.8

Le 17 septembre 2010, la Commission a adopté une proposition amendée, tenant compte partiellement de l’avis du PE sur la proposition initiale (avis en date du 26 mars 2009): relèvement du taux de cofinancement; plafonnement de l’aide apportée par l’UE à 500 millions d'euros annuellement; possibilité pour les États membres d’opter préférentiellement pour des produits alimentaires d’origine européenne.

2.9

Au Conseil agriculture et pêche du 27 septembre 2010, l’échange de vues s’est terminé par la confirmation de la minorité de blocage.

2.10

Le CESE a remis un avis sur cette proposition amendée en date du 20 janvier 2011 (2).

2.11

En date du 13 avril 2011, la Cour de justice européenne a rendu un arrêt (Affaire T-576/08) relatif à un recours de l’Allemagne introduit contre le plan 2009 concernant la fourniture de denrées alimentaires provenant des stocks d’intervention au bénéfice des plus démunis de l’Union. L'annulation porte sur tous les achats sur le marché, les quantités issues des stocks d’intervention n’étant pas remises en cause.

2.12

En conséquence, la Commission a prévu pour l’exercice 2012 un budget en forte diminution, seule l’origine «stocks d’intervention» étant prise en considération.

2.13

Au Conseil agriculture et pêche du 20.09.2011, aucune majorité suffisante ne s’est dégagée face à la proposition du 17.09.2010.

2.14

Une nouvelle proposition amendée datant du 3.10.2011 a été présentée au Conseil agriculture et pêche du 20.10.2011 avec toujours une minorité de blocage malgré les compléments apportés à la proposition initiale. C'est sur cette nouvelle proposition que le CESE est amené à se prononcer en urgence.

3.   Proposition de la Commission

3.1

Pendant plus de vingt ans, l’aide alimentaire destinée aux plus démunis a eu pour origine les stocks d’intervention. Si au départ, ces stocks étaient conséquents, les réformes successives de la PAC ont permis de les réduire d’une façon significative. De structurels, ils sont redevenus conjoncturels.

3.2

L'objectif premier de la PAC originelle, qui était l’augmentation de la productivité, s’est progressivement effacé au profit de la notion de durabilité de l'activité agricole, en ce compris une meilleure adéquation entre l’offre et la demande. Cette nouvelle orientation nécessite une adaptation du cadre juridique du PEAD.

3.3

Les élargissements successifs, la hausse des prix des denrées alimentaires et, plus proches de nous, la crise économique, ont entraîné une augmentation importante des besoins. En effet, le nombre de personnes démunies dans l'Union ne cesse d’augmenter. Ainsi, en 2008, plus de 13 millions de personnes émargeaient à ce régime de soutien. En 2010, elles étaient plus de 18 millions pour les 20 États membres où le Programme européen d’aide alimentaire (PEAD) était activé.

3.4

Suite à ces diverses évolutions, si le PEAD actuel reste basé sur la distribution de produits provenant des stocks européens d’intervention, il est prévu de permettre de manière temporaire d’effectuer des achats sur le marché afin de compléter les manquements constatés dans les stocks.

3.5

En avril 2011, l'arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne a annulé les dispositions du plan de distribution 2009 qui prévoyait l’achat de denrées sur le marché, les stocks d’intervention étant réduits à ce moment.

3.6

Suite à cet arrêt, la Commission a veillé dans son règlement d’exécution à ce que le PEAD 2012 soit approvisionné exclusivement à partir des stocks d’intervention. Concrètement, avec un montant de 113 millions d’euros le plan 2012 disposera d’un quart du budget des plans annuels précédents.

3.7

Dans la proposition qui nous est soumise pour avis, la Commission tient compte de la résolution du Parlement européen datée du 7 juillet 2011, dans laquelle ce dernier invite la Commission et le Conseil à élaborer une solution transitoire pour les dernières années du cadre financier pluriannuel actuel, de manière à éviter une réduction abrupte de l’aide alimentaire et à garantir que les personnes dépendantes de l’aide alimentaire ne souffrent pas de pauvreté alimentaire.

3.8

Cette nouvelle proposition de la Commission repose sur une base juridique double, faisant référence non seulement aux articles du Traité relatifs à la PAC mais également à celui relatif à la cohésion économique et sociale.

3.9

La proposition reprend divers éléments déjà présents dans celle de 2010, comme le fait de permettre aux États membres de décider d’accorder la préférence aux produits originaires de l’Union ou encore de décider le remboursement de certains coûts administratifs et frais de transport et de stockage supportés actuellement par les organismes désignés. Le tout bien entendu dans la limite des ressources disponibles.

3.10

L'introduction du cofinancement, repris dans la proposition initiale de 2008, confirmée dans celle de 2010, est abandonnée dans cette nouvelle proposition. Cette dernière suggère en effet de conserver le taux de financement de 100 % à charge du budget de l'Union, actuellement applicable au PEAD. Le plafond annuel de 500 millions d’euros relatif à la participation financière de l’Union est maintenu.

4.   Observations générales

4.1

Comme le rappelait le CESE dans son avis précédent «le régime de distribution de denrées alimentaires au profit des personnes démunies a cours dans 20 États membres (…) la distribution d'aliments aux bénéficiaires se fait en partenariat avec les organisations non gouvernementales».

4.2

Ces dernières fonctionnent avec un nombre important de volontaires. Ceux-ci comprennent difficilement qu'ils risquent de voir leur action humanitaire réduite à 25 % en comparaison du niveau des années antérieures, si aucun accord n’intervenait rapidement au niveau européen. Pourtant, les besoins d’action sur le terrain n'ont jamais été aussi élevés.

4.3

Les réformes successives de la PAC intervenues depuis 1992 ont fait en sorte que progressivement, les stocks d’intervention ont repris leur rôle d'action conjoncturelle. À l’avenir, le résultat de ces réformes associé aux perspectives de marchés devrait se concrétiser par des stocks limités, voire nuls à certaines périodes selon les produits.

4.4

Dans ce contexte, afin de pallier l’insuffisance des stocks, le CESE estime essentiel qu’une proposition permettant aux États membres de pouvoir procéder à des achats sur le marché, en complément des stocks d’intervention, puisse voir le jour le plus rapidement possible. Cette faculté est d’autant plus importante à nos yeux que le nombre de personnes faisant appel à cette aide alimentaire est en croissance.

4.5

Pour le CESE, afin d’éviter une réduction drastique des aliments disponibles dans le cadre du PEAD d’ici 2014, où l’on attend de nouvelles dispositions en matière de cadre financier pluriannuel 2014-2020, il est urgent que le souhait évoqué au point 4.4 devienne réalité rapidement.

4.6

Le CESE, représentant la société civile européenne dans sa diversité, ne peut comprendre que l’UE réduise son support en faveur des plus démunis, tout particulièrement en cette période de crises économique et financière. Rappelons que le nombre de bénéficiaires du PEAD était de 13 millions de personnes dans 18 États membres de l’UE en 2008 et que ce chiffre atteignait plus de 18 millions de personnes en 2010.

4.7

Dans ce cadre, le CESE se réjouit que la Présidence polonaise, malgré l'échec du Conseil agriculture et pêche du 20 octobre 2011 sur ce point, souhaite poursuivre ses efforts afin de trouver une solution pour éviter la réduction de 75 % des fonds alloués au PEAD pour 2012 et le risque d’une absence de plan en faveur des plus démunis en 2013, faute de stocks d’intervention suffisants à ce moment.

4.8

Le CESE approuve grandement le fait que cette proposition, applicable, rappelons-le, seulement pour 2012 et 2013, repose désormais sur une base juridique double, stipulant que le programme vise non seulement à répondre aux objectifs de la PAC, dont celui de garantir la sécurité alimentaire de la population, mais également à renforcer la cohésion sociale de l’Union.

4.9

Ces volets font partie intégrante de la stratégie «Europe 2020». À propos de la cohésion sociale, le CESE rappelle le chapitre de cette stratégie consacré à la lutte contre la pauvreté. Le droit à une alimentation suffisante et équilibrée est la base de tout programme de lutte contre l’exclusion.

4.10

Le CESE se réjouit que la Commission propose toujours de permettre la prise en compte de certains frais administratifs, de transport et de stockage à charge des organismes désignés. Toutefois, il attire l'attention sur le fait que cette prise en charge vient en déduction de l’enveloppe financière disponible pour la mise en place du plan.

4.11

À l’instar du Parlement européen, le CESE approuve la faculté laissée aux États membres dans leurs appels d'offres de privilégier les produits originaires de l’Union. Ce régime d’aide affichant un objectif social et économique, il contribue, d’une part, à la stabilisation du marché intérieur; d’autre part, il serait inconvenant que les produits destinés au PEAD n'offrent pas les garanties nécessaires en matière de respect de normes élevées imposées aux producteurs européens.

4.12

En ce qui concerne le cofinancement, contrairement à ce qui apparaissait dans la proposition de modification antérieure, le CESE observe avec satisfaction le maintien du financement à 100 % du PEAD à partir du budget de l'Union. Cela répond à l'une des recommandations émises dans l’avis précédent du CESE. Cet élément est d’autant plus important que les crises économique et financière actuelles risquaient de voir certains États membres disposant de capacités financières moindres dans l'impossibilité de cofinancer le programme si les pourcentages proposés dans la précédente version avaient été confirmés.

Bruxelles, le 8 décembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JOUE C 84 du 17.03.2011, p. 49.

(2)  JOUE C 84 du 17.03.2011, p. 49.