28.12.2010   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 354/23


Avis du Comité économique et social européen sur la «Politique européenne des transports dans le cadre de la stratégie de Lisbonne après 2010 et de la stratégie de développement durable» (avis exploratoire)

2010/C 354/04

Rapporteur: M. BUFFETAUT

Par lettre datée du 23 juillet 2009, la présidence espagnole de l'Union européenne a demandé au Comité économique et social européen, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, d'élaborer un avis exploratoire sur la:

«Politique européenne des transports dans le cadre de la stratégie de Lisbonne après 2010 et de la stratégie de développement durable».

La section «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 24 février 2010.

Lors de sa 461e session plénière des 17 et 18 mars 2010 (séance du 17 mars 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 152 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité économique et social européen souligne que la compétitivité, la fiabilité, la fluidité et la rentabilité des transports sont une condition de la prospérité économique de l’Europe et que la libre circulation des personnes et des biens constitue une des libertés fondamentales de l’Union européenne. Les transports seront ainsi appeler à contribuer de façon importante à la réalisation des objectifs de la stratégie 2020. Il attire aussi l’attention sur le fait que le secteur des transports dans son ensemble a beaucoup souffert de la crise économique que nous traversons. Mais il est conscient du caractère insuffisamment durable du secteur.

1.2   Il soutient les efforts réalisés pour aboutir à une comodalité efficace et l’optimisation et la mise en réseau des différents modes de transport afin d’avoir un système de transport intégré et une fluidité maximale des transports. Toutefois, il souligne qu’il ne faut pas abandonner l’ambition de favoriser le transfert modal, faute de quoi le développement de modes de transport décarbonés stagnera et, qu’à l’inverse, la congestion et les émissions ne cesseront de croître.

1.3   Le Comité économique et social européen, qui constate la dépendance du secteur des transports à l’égard des énergies fossiles, avec ses conséquences tant sur le plan des émissions que sur celui de la sécurité et l’indépendance de l’approvisionnement et qui sait que les ressources, notamment de pétrole, sont limitées, considère que la future politique européenne des transports, tout en préservant la compétitivité du secteur dans le cadre de la stratégie 2020, doit poursuivre quatre objectifs majeurs: la promotion de modes de transports sobres en carbone, l’efficacité énergétique, la sécurité et l’indépendance de l’approvisionnement ainsi que la lutte contre la congestion du trafic.

1.4   Les principaux défis à relever et les enjeux à intégrer dans une politique durable des transports sont l’urbanisation croissante et la demande de confort dans les déplacements quotidiens, la préservation de la santé publique qui implique la réduction des émissions de polluants et de gaz à effet de serre, la préservation d’une économie des échanges qui intègre la nécessité de la réduction des émissions, la définition de territoires homogènes pour bâtir une vraie politique intégrée de transport, la compréhension et l’adhésion des populations et des acteurs économiques pour contribuer à la mise en œuvre de nouvelles politiques et de nouveaux comportements en matière de mobilité. Mais il est clair que si l'Union européenne est seule à agir, ses efforts seront vains. La nécessité d'un accord international sur la réduction des gaz à effet de serre est évidente tant pour des raisons tenant au réchauffement climatique que pour celles relatives à la diminution des ressources énergétiques classiques.

1.5   Dans ces conditions, le CESE préconise la mise en œuvre d’une série de mesures concrètes tant par les collectivités locales que par les États membres avec le soutien et l’impulsion de l’Union européenne. Celle-ci, tant par des actes législatifs que par l’orientation des fonds de cohésion ou de développement régional, par les nouvelles lignes directrices du réseau transeuropéen de transport, par les interventions de la Banque européenne d’investissement dispose de moyens d’action. Ces mesures qui s'inscrivent dans le cadre des objectifs majeurs énoncés plus haut, pourraient être notamment:

la mise en œuvre d’un ambitieux plan de recherche et développement dans le domaine de la mobilité et des transports (motorisation, carburants, lutte contre les émissions efficacité énergétique);

la mise en œuvre d’un site d’échange de bonnes pratiques en matière de transports urbains ou de transports sur longue distance;

le développement de parcs de stationnement relais et des transports publics notamment par des lignes de bus en site propre, le tramway et le métro;

le perfectionnement des TIC comme un moyen d’efficacité, de fiabilité et de sécurité des transports publics;

la mise en place de véritables services gestionnaires de la mobilité sur des aires géographiques suffisamment vastes et chargés d’optimiser et de garantir la fluidité et la bonne connexion des divers modes de transport;

la création d’espaces de livraison de proximité et de centre de distribution urbaine pour l’hyper centre;

le maintien d’emprises ferroviaires en ville,

la promotion, en s’appuyant sur des mesures fiscales, des moyens de transports et de technologies plus efficace sur le plan énergétique et moins émettrices de CO2 et autres polluants;

la création d’aires de repos sécurisées et confortables pour les chauffeurs routiers, l’amélioration de leur conditions et de travail et de leur formation;

la mise en œuvre rapide de réseaux ferroviaires à priorité fret et le développement d’une véritable culture du service client en ce domaine particulier;

l’encouragement, au besoin par des mesures fiscales, aux voitures à énergies alternatives et aux biocarburants de 3e génération;

le lancement d’un véritable plan européen pour le développement des véhicules électriques qui mette ainsi l’Union européenne en position de définir ou de contribuer à définir les standards internationaux d’un secteur en devenir;

le développement de la notion de «ports verts» et la mise en œuvre des autoroutes de la mer;

l’amélioration des conditions de travail et de formation des gens de mer;

le développement d’autoroutes fluviales et fluviomaritimes ainsi que la mise en service de nouvelles barges plus adaptées notamment pour le transport de semi remorques et de conteneurs;

la prise en compte des impératifs de durabilité et de protection de l’environnement dans le choix des infrastructures de transport;

l’internalisation des coûts externes des transports pour tous les secteurs des transports afin de ne pas pénaliser indûment tel ou tel mode de transport et de parvenir à une vérité du coût des transports;

l’adoption par les collectivités publiques organisatrices d’objectifs réalistes de diminution des émissions de gaz à effet de serre et des autres polluants et de durabilité liés aux transports locaux;

la prise en compte de ces objectifs dans la conception des systèmes de transport public et dans le choix des infrastructures;

la mise en place systématique d’études d’impact solides et réalistes avant la mise en œuvre des politiques et mesures proposées.

1.6   En pratique le défi à relever pour une nouvelle politique des transports est de préserver le dynamisme du secteur et sa compétitivité tout en ayant pour objectifs de réduire les émissions de gaz à effet de serre et les polluants, de faciliter le transfert modal, de réduire les distances et de favoriser les transports «sans coutures», d’attirer plus de personnes vers des modes peu émetteurs, ramené au km/passager ou au km/marchandise.

1.7   Pour y parvenir, il existe des solutions simples qui peuvent avoir des répercutions directes, rapides et tangibles à des coûts maîtrisés: choisir les carburants les plus verts possibles et les plus renouvelables, utiliser le biogaz fourni par le recyclage des déchets, récupérer des espaces existants (délaissés ferroviaires ou portuaires par exemple) et les affecter à des services de mobilité, améliorer les espaces de connexion là où ils existent déjà, faciliter l’unité des titres de transport sur les distances régionales et/ou urbaines, développer les lignes de bus en site propre, encourager le covoiturage, faciliter les échanges d’information entre les opérateurs ferroviaires …

1.8   Il existe aussi des solutions nécessitant des choix politiques forts qui ont des répercussions financières plus lourdes: création de parcs relais pour les automobiles connectés à une alternative crédible des transport, mettre en place un système de centralisation d’informations qui permette la régulation des entrées-sorties pour tous les modes de transport sur un territoire donné, organiser l’urbanisation la plus adaptée pour réduire la mobilité forcée, investir dans les tramways ou le métro, internaliser les coûts externes dans les prix de vente du transport, développer les TIC qui permettront de donner des informations fiables aux acteurs de la chaîne de mobilité, mesurer les efficacités des modes choisis, mettre en place des processus d’énergie renouvelable et récupérer cette énergie en la déployant les meilleurs moyens (électricité pour le tramway, gaz pour certains véhicules, etc.) ….

2.   Introduction

2.1   La réalisation du marché unique suppose un système de transport des personnes et des biens efficaces et fiables. La mondialisation des échanges elle-même a été rendue possible par la révolution des transports et par l’abaissement des coûts, la multiplication des opérateurs, la compétition et la réalisation d’infrastructures.

2.2   Les transports, nécessaires à la vie économique et professionnelle le sont tout autant à la vie personnelle et privée. Ils sont les conditions de l’échange et la liberté d’aller et venir est une liberté fondamentale.

2.3   Aussi les activités de transport sont naturellement un élément essentiel de l’économie européenne. Elles représentent environ 7 % du PIB et 5 % des emplois et contribuent à la création de 30 % du PIB de l’industrie et de l’agriculture et de 70 % du PIB des services.

2.4   Il faut souligner que la lourdeur des charges administratives dans le secteur des transports et le fait que celles-ci diffèrent d’un État membre à l’autre créent des coûts cachés et constituent des barrières aux échanges intra communautaires. Ces coûts et ces lourdeurs administratives pèsent d’un poids particulier sur les petites et moyennes entreprises.

2.5   Si l’Union européenne peut se féliciter de l’efficacité économique des transports et de leur compétitivité, le secteur reste marqué par un caractère insuffisamment durable. Or un système de transport durable doit non seulement assurer les différentes finalités économiques du transport mais encore respecter le pilier social et le pilier environnemental du développement durable.

2.6   Le concept même de transport durable implique de créer les conditions de la croissance économique tout en assurant des conditions de travail dignes et des métiers qualifiés pour une activité socialement responsable qui ne porte pas préjudice à l’environnement.

2.7   Malgré les progrès dans la motorisation des véhicules et de la qualité des carburants, malgré les engagements volontaires des constructeurs, le secteur des transports demeure celui où le taux de croissance des gaz à effet de serre reste le plus élevé.

2.8   Le volume des transports de marchandises n’a cessé de croître et plus que le PIB alors que si les transports de passagers ont effectivement crus en moyenne de 1,7 % par an entre 1995 et 2007, ils sont restés en deçà de la croissance du PIB dans la même période (2,7 %).

2.9   Les transferts de la route vers d’autres modes, tels le chemin de fer et les voies navigables, sont restés limités depuis 2001. Pire, on a pu constater des reports «à rebours» vers la route.

2.10   Enfin, le secteur reste dépendant à 97 % des combustibles fossiles, ce qui a des incidences néfastes tant sur le plan de l’environnement que sur celui de la dépendance énergétique.

2.11   Une politique de long terme nécessite donc de confirmer l’efficacité de nos transports, d’améliorer leur impact environnemental et leur sécurité, d’accroître la comodalité, de favoriser le report modal, d’améliorer les conditions de travail et de consentir les efforts d’investissements nécessaires.

2.12   Ceci s’avère d’autant plus important que les études de la Commission pour 2020 prévoient une forte augmentation des flux de transport si aucune inflexion ne se produit:

le transport intérieur en Europe occidentale augmenterait de 33 %;

le transport intérieur en Europe orientale de 77 %;

le transport de l’Europe occidentale vers l’Europe orientale de 68 %;

le transport de l’Europe orientale vers l’Europe occidentale de 55 %.

2.13   Si ces prévisions se réalisent nous parviendrons à une congestion généralisée sur les axes majeurs de communication. Trop de transport finira par tuer le transport. Dès lors nous devons consentir à des efforts considérables de recherche et de développement dans les techniques du transport (motorisation, carburants, efficacité énergétique, lutte contre la pollution …) d’investissement dans les infrastructures, d’amélioration de la comodalité, réhabilitation du fret ferroviaire, de développement du transport par voie d’eau ou maritime. Il nous faudrait un véritable plan Marshall pour les nouvelles technologies et les investissements dans les transports si nous voulons atteindre les objectifs de la Commission de réduction des émissions de carbone. Des professionnels du transport ont d’ailleurs développé le concept d’optimodalité, c'est-à-dire l’optimisation des performances techniques, économiques et environnementales des chaînes de transport des marchandises et créé un cercle pour l’optimodalité en Europe. L’objectif à poursuivre est de parvenir à découpler la croissance économique des effets négatifs du transport.

2.14   La question de la nature des transports et de leur utilité sociétale et économique a été posée. Cette interrogation est sensible. La liberté d’aller et venir est un droit fondamental, et la libre circulation des personnes, des biens et des services est un des principes fondateurs de l’Union européenne qui sous tend les règles de l’Organisation mondiale du commerce. En outre qui pourrait décider du caractère utile ou inutile des transports? La question est-elle pour autant vaine? Non car il apparaît qu’il est aujourd’hui nécessaire de parvenir à la vérité économique du coût des transports, c'est-à-dire d’internaliser les coûts externes générés par chaque type de transport et supportés aujourd’hui par la collectivité, notamment en matière d’environnement mais aussi de santé publique ou de sécurité. En parvenant à une plus grande vérité économique des transports, donc à des coûts plus réalistes, certains flux pourront être réduits au profit de flux de proximité.

3.   Transports terrestres

3.1   Le mot d’ordre européen est devenu la comodalité, c'est-à-dire le fait d’optimiser chaque mode de transport et de promouvoir la meilleure complémentarité et l’interaction la plus efficace possible entre les différents modes de transport. 80 % des transports terrestres sont effectués sur des distances inférieures à 100 km. Il convient donc d’apporter une réponse adaptée à cette demande qui, outre les transports routiers peut aussi être satisfaite par le transport ferroviaire de proximité, le transport fluvial ou maritime paraissant moins praticable pour de très courtes distances. En tout état de cause, il convient d’encourager avec vigueur le transfert modal quand il est pertinent, faute de quoi l’Union européenne ne parviendra pas à développer une économie des transports sobre en carbone.

3.2   Transport urbain et régional

3.2.1

Ce mode de transport obéit à des contraintes particulières. En effet, la circulation urbaine est à l’origine de 40 % des émissions de CO2 et de 70 % des autres polluants issus du transport routier. En outre la congestion urbaine, outre ses effets néfastes pour la santé publique et l’environnement, a un coût estimé à 2 % du PIB de l’Union européenne. Le développement des transports publics est une nécessité mais celui-ci doit répondre à certains critères pour répondre aux exigences d'un véritable service d'intérêt général et représenter ainsi une alternative à la voiture individuelle: fréquence, rapidité, sécurité, confort, accessibilité, coût abordable, maillage, connexions aisées. Il permet de relever non seulement des défis environnementaux mais encore des défis de cohésion sociale comme le désenclavement des banlieues.

3.2.2

L’usage des transports à énergie électrique est souhaitable, mais l’électricité elle-même doit être produite de façon durable et si possible sans émissions de CO2. Les systèmes de covoiturage ou de voitures «partagées» doivent aussi être encouragés.

3.2.3

C’est une véritable politique de mobilité urbaine durable qu’il conviendrait de mettre en place. Celle-ci suppose d’endiguer le transport individuel, éventuellement par la mise en place de péages urbains, mais surtout par l’amélioration de la qualité et de la facilité d’usage des transports publics qui passe par le développement des infrastructures et des services nécessaires à la mise en œuvre d’une inter modalité efficace. Étant donné la situation des finances publiques dans beaucoup des États membres de l’Union européenne ceci pourra être facilité dans certains cas par le développement des partenariats public/privé pour la réalisation de nouvelles infrastructures telles que des lignes de bus en site propre, des lignes de tramways, de trolleybus ou de métro, de nouvelles lignes ferroviaires régionales ou la remise en exploitation de lignes délaissées, le développement des technologies de l’information et de la communication dédiées aux transports, la modernisation et la simplification de la billettique …

3.2.4

Dans la pratique des mesures de bon sens comme le développement de parcs relais bien reliés au centre des agglomérations, la mise en exploitation de lignes de bus en site propre ou la remise en exploitation de lignes ferroviaires qui avaient été déclassées, seraient de nature à permettre de réels progrès à des coûts supportables.

3.2.5

Le perfectionnement des techniques d’information et de communication sera un instrument efficace pour développer l’inter modalité des transports au travers d’une véritable politique territoriale de gestion des transports. Ces technologies autorisent une gestion plus fine des trafics et devraient permettre de mettre au point des systèmes d’optimisation énergétique des flux de véhicules sur le réseau routier. Elles permettent également d’informer les voyageurs en temps réel tout au long du déplacement, de simplifier et d’optimiser la billettique, de faciliter les modalités de réservation. Grâce à ces techniques le voyageur pourra optimiser son parcours, connaître les horaires, la fréquence des passages et même réaliser le bilan énergétique du mode de transport qu’il aura choisi. Les TIC agiront ainsi comme un moyen de mise en synergie des modes de transport, de l’usage des infrastructures, et de l’efficacité énergétique.

3.2.6

Les problèmes de gestion des systèmes de transport dépassent souvent le cadre de la seule commune pour concerner un large territoire autour de la ville centre. À l’initiative des autorités locales concernées, il pourrait être créé, sur des zones géographiques larges et cohérentes, de véritables services gestionnaires de la mobilité, par exemple sous la forme de délégation de service public. Les missions de ce gestionnaire de la mobilité seraient notamment:

d’analyser les mobilités sur les territoires concernés, en tenant compte des opérateurs locaux, des flux de voyageurs, des contraintes géographiques et urbaines, etc.;

d’optimiser et de rendre adéquat l’offre de mobilité aux besoins recensés;

de gérer des services transverses pour faciliter l’intermodalité: information, billettique et télébillettique, transport à la demande, transport des personnes à mobilité réduite, covoiturage …;

de réaliser des audits de gestion de la mobilité et de son impact environnemental.

3.2.7

L’autorité organisatrice conserverait bien entendu la liberté de choix des opérateurs locaux, la tarification, la définition de sa politique des transports et de déplacement et d’aménagement du territoire. Elle assurerait la transparence contractuelle, définirait des contrats d’objectifs engageant le gestionnaire et les collectivités concernées, fixerait des objectifs de qualité de service.

3.2.8

Le CESE a déjà souligné le rôle déterminant des autorités locales dans l’organisation des transports publics et de l’aménagement du territoire. Le principe de subsidiarité joue certes son rôle en ce domaine néanmoins l’Union européenne souhaite à juste titre promouvoir les modèles les plus durables de transports urbains. Elle a déjà octroyé des financements au titre des fonds structurels et de cohésion ainsi qu’au titre du programme CIVITAS. Il serait souhaitable que l’UE renforce les échanges de bonnes pratiques en matière de transports urbains, mais aussi qu’elle finance un effort de recherche, au sein du prochain programme cadre, sur l’interaction entre transports et aménagement urbain.

3.3   Transport urbain de marchandises

3.3.1

Ce type de transport génère un trafic important. Par exemple, à Paris, il représente 20 % du trafic et 26 % des émissions de GES. Il faut donc optimiser la logistique urbaine et favoriser quand c’est possible, le transfert modal vers le fer ou le fluvial.

3.3.2

Il est possible d’imaginer:

un groupage des livraisons, en créant des espaces de livraison de proximité, aires d’arrêt et de manutention proches des établissements et entreprises voisines;

des centres de distribution urbaine, pour assurer les livraisons dans l’hyper centre, avec limitation des tonnages, passage obligé par des plates-formes logistiques, optimisation du remplissage, recours à des véhicules électriques;

dans la mesure du possible le maintien des emprises ferroviaires en ville, avec une garantie d’accès à tous les opérateurs;

dans les grandes villes situées le long de rivières, développer des infrastructures de ports fluviaux.

3.4   Transport routier de marchandises.

3.4.1

La croissance du transport routier de marchandises oblige à relever une série de défis: l’accroissement des émissions de CO2, la grande dépendance du secteur des transports à l’égard des combustibles fossiles, la nécessité d’améliorer les infrastructures notamment en matière de sécurité, le fait de garantir des conditions et un environnement de travail favorables pour les chauffeurs.

3.4.2

En ce qui concerne les émissions de CO2, il convient d’intensifier la recherche et le développement afin de réduire les émissions, notamment en développant de nouveaux moteurs ainsi que les énergies alternatives. La promotion, au moyen de mesures fiscales, de produits et/ou de mesures axés sur les moyens de propulsion alternatifs et la réduction des émissions de CO2 est d’autant plus efficace qu’est menée une ambitieuse politique de recherche. À cet égard l’internalisation des coûts externes (1) doit s’appliquer à tous les moyens de transports de façon équitable.

3.4.3

Le développement de solutions technologiques et la mise en œuvre des technologies de l’information et de la communication appliquées au transport routier des marchandises sera essentiel pour relever les défis auxquels est affronté le secteur, pour réduire la dépendance énergétique, les émissions des véhicules et la congestion des réseaux. Il conviendrait de créer un cadre clair pour introduire de nouvelles technologies avec la création de standards ouverts, garantissant l’inter opérabilité et augmenter les dépenses de R&D pour les technologies qui n’ont pas encore atteint la maturité nécessaires pour une mise sur le marché. Ces technologies doivent également être utilisées afin de réduire la fréquence des voyages à vide par une meilleure information appliquée à la logistique. Leur intérêt peut être grand pour accroître la sécurité des transports.

3.4.4

Il convient aussi d’améliorer les infrastructures notamment en matière d’aires de stationnement et d’installations de repos équipées, sûres et surveillées afin de les mettre à l’abri des vols et des actes de délinquance notamment pour assurer la sécurité des chauffeurs.

3.4.5

Pour les chauffeurs, il faut maintenir l’attrait de la profession en assurant des conditions et un environnement de travail favorables, tels qu’un temps de travail réglementé, des temps de conduite et de repos harmonisés, qui ne restent pas des dispositions législatives sans lendemain mais qui soient mises en œuvre dans la réalité (2).

3.5   Transport ferroviaire

3.5.1

Si le transport ferroviaire de passagers tend à s’améliorer, notamment sur les grandes distances, avec les lignes à grande vitesse, le transport du fret par le chemin de fer reste trop faible, environ 8 % des marchandises transportées. D'une façon générale, il convient de veiller à ce que la modernisation et l'accroissement de la compétitivité des chemins de fer se fassent en tenant le plus grand compte des impératifs de sécurité ainsi que de la continuité du service en cas d'intempéries saisonnières.

3.5.2

Le CESE soutient la proposition de la Commission de réseaux à priorité fret, mais il faut parvenir à une culture de service au client, de démarche commerciale et compétitive. L’ouverture à la concurrence devrait faciliter cette transition.

3.5.3

L’idée de réseaux à priorité fret consiste à définir des créneaux horaires et géographiques sur lesquels les trains de fret bénéficieraient d’un passage prioritaire, sans nuire au trafic des trains de voyageurs.

3.5.4

Il convient de rappeler qu’il existe quelques exemples déjà mis en œuvre dans l’Union européenne, certaines lignes étant même réservées au transport de fret comme la Betuwe line entre le port de Rotterdam et l’Allemagne. On peut citer les projets New opera et Ferrmed.

3.5.5

Le développement du fret ferroviaire est possible à certaines conditions:

proposer une véritable offre de service logistique plus qu’une simple prestation de transport;

réussir à abaisser les coûts pour être plus compétitif;

obtenir une meilleure fiabilité dans le service rendu;

parvenir à des temps de trajet de «bout en bout» raisonnables;

offrir plus de flexibilité dans l’offre ainsi qu’une meilleure réactivité en cas de perturbation du trafic.

3.5.6

Le développement du fret ferroviaire nécessite aussi le développement de plateformes intermodales de ferroutage. À cet égard, on ne peut que se féliciter du déblocage du projet de liaison de ferroutage Lyon/Turin, mais après un développement aléatoire du transport rail/route il y a lieu désormais de promouvoir les autoroutes ferroviaires de ferroutage (comme l’autoroute alpine ou la ligne Lorry rail entre Perpignan et Luxembourg) ainsi que les autoroutes de la mer comme le projet franco-espagnol Fres Mos entre Nantes Saint Nazaire et Gijon.

3.6   Voitures automobiles

3.6.1

Le paquet énergie/climat impose des contraintes fortes aux constructeurs. Il conviendra de développer de nouvelles voitures à énergie alternative et notamment des automobiles électriques ou hybrides. Il est aussi important de ne pas fermer la réflexion sur les biocarburants. Aujourd’hui se développent des biocarburants de troisième génération plus performants, notamment à partir des algues, ce qui évite les conflits de destination avec terres arables destinées à la production agricole de produits destinés à l’alimentation humaine.

3.6.2

En dehors des questions relatives aux techniques disponibles et aux véhicules offerts sur le marché il existe d’autres domaines de progrès notamment en matière d’économie d’énergie et d’espace aujourd’hui encombré du fait de la congestion automobile. Ainsi en va-t-il des cours de conduite économique mis en œuvre dans certaines grandes entreprises ou administrations, des pratiques de covoiturage ou de voitures partagées, de la mise à disposition de petits véhicules électriques en location dans certaines villes.

3.7   Marche et bicyclettes

3.7.1

En ville le développement de ces moyens de déplacement doivent être encouragés mais trouvent leur limite dans des considérations topographiques, de climat ainsi que d’âge des usagers. Toutefois il est clair que les collectivités locales devraient développer les pistes cyclables sécurisées, un des obstacles au développement de l’usage du vélo résidant dans le danger potentiel du fait de la circulation automobile.

4.   Transports maritimes

4.1   Le trafic maritime supporte une grande part des échanges internationaux. Le secteur souffre du fait de la crise et est confronté aujourd’hui à une surcapacité. Il faut éviter un désinvestissement et une perte de compétences et de savoir faire qui seraient calamiteux lors de la reprise, d’autant plus que le transport maritime européen est le tout premier au niveau mondial et qu’il convient de préserver des conditions de concurrence équitables et la compétitivité de la flotte européenne qui constitue un atout pour l’Union européenne.

4.2   Les carburants

4.2.1

Les navires utilisent des sous-produits pétroliers très polluants. En dehors de la nécessaire évolution technologique, il convient d’envisager avec la profession comment compenser l’impact environnemental négatif. Si le système des quotas de CO2 n’est pas adapté peut-être faut il envisager une écotaxe? Cette question devrait être discutée dans le cadre des instances maritimes internationales.

4.2.2

En tout état de cause le Comité réitère son soutien à l’investissement dans la recherche et le développement qui ont trait aux navires, aux carburants et aux ports verts, tout comme il insiste pour que les autoroutes de la mer prévues dans le programme des RTE soient mises en œuvre.

4.3   Sécurité

4.3.1

On n’évitera jamais les fortunes de mer et les naufrages mais tout doit être fait pour assurer la sécurité des passagers comme des équipages, tant sur le plan de la conception que sur celui de l'entretien des navires. Les dispositions européennes sur la sécurité en mer sont parmi les plus complètes au monde. En revanche, la lutte conte les dégazages sauvages doit être d’une fermeté et d’une sévérité sans faille.

4.4   Formation

4.4.1

Maintenir et développer les transports maritimes européens suppose que des jeunes gens se dirigent encore vers les carrières maritimes et qu’ils souhaitent y demeurer. Il convient d’améliorer la qualité de la formation des gens de mer ainsi que les conditions de travail et de vie à bord et d’œuvrer à renforcer les équipages à bord.

5.   Transports fluviaux

5.1   Les transports fluviaux sont largement développés dans le nord de l’Europe mais pourraient l’être davantage en d’autres pays. À l’image de ce qui a été initié dans le domaine maritime, il conviendrait de réfléchir au concept d’autoroute fluviales et fluviomaritimes d’autant plus que ce type de transport est trois à quatre fois moins consommateur d’énergie et émetteur que le transport routier. Ce concept innovant ne pourra se développer qu’avec la mise en navigation de nouveaux types de navires et de réalisation de plateformes portuaires et logistiques.

5.2   Le navire fluviomaritime et la barge fluviale sont les facteurs clés de la création de nouveaux services fluviaux, de leur efficacité et de leur rentabilité par leur bonne adéquation aux trafics en termes de capacité et de vitesse, aux caractéristiques portuaires et de navigation. Il s’agit d’optimiser les dimensions des navires et des barges afin, notamment, de pouvoir y transporter semi remorques et conteneurs

6.   Transport aériens

6.1   Ceux-ci sont à l’origine de 3 % du CO2 présent dans l’atmosphère. Il faut souligner que la progression des émissions a été deux fois plus faible que l’augmentation du trafic depuis 1990. Les transports aériens seront soumis au système d’échanges de quotas et la Commission a posé le problème de la taxation du kérosène, comme celui de la TVA pour les transports intra communautaires.

6.2   Le développement des transports aériens a été dû à la libéralisation du secteur ainsi qu’au développement des compagnies à bas coûts, or l’implantation de celles-ci a souvent été accompagnée par l’octroi de subventions publiques qu’il serait opportun d’accompagner de l’obligation de mettre en œuvre des politiques de compensation de la part des sociétés bénéficiaires.

6.3   La question de la sécurité aérienne est évidemment essentielle lorsque l’on aborde la politique des transports aériens. L’Union européenne devrait être en pointe pour l’établissement d’un système de sécurité aérienne international et agir en ce sens au cours de la conférence internationale de l’OACI qui se tiendra en mars à Montréal.

6.4   Il convient enfin de bien préparer le passage à la deuxième phase du plan «ciel unique» après 2012 et de mener à bien les difficiles négociations entre les États-Unis et l’Union européenne en matière de transport aérien.

7.   Infrastructures

7.1   Le CESE a toujours soutenu le programme des réseaux transeuropéens de transports. Il réaffirme son soutien à ce programme mais s’inquiète des difficultés de financement et des retards.

7.2   Il relève que l’Europe élargie a des besoins accrus dans le domaine des infrastructures de transport et qu’il convient de réfléchir à l’adaptation des instruments financiers existants, voire à la création d’instruments nouveaux. Toutes les réflexions doivent pouvoir être menées pour permettre la mise en place d’infrastructures durables: association de financements publics et privés, mobilisation de ressources nouvelles non budgétaires etc.

7.3   Il faut souligner que les infrastructures de transport jouent un rôle très important pour le développement socio économique et la cohésion régionale. Mais les infrastructures de transport sont aussi la base pour un système de transport durable et respectueux de l’environnement. Le choix du type d’infrastructures est donc crucial. L’accessibilité des régions et leur intégration dans les ensembles nationaux et européens doivent donc être conçues au travers de la promotion d’infrastructures durables respectueuses de l’environnement.

7.4   Il conviendrait que les futures lignes directrices pour les RTE-T qui seront présentées en début de 2011 reflètent clairement le choix de l’Union européenne de privilégier les transports sobres en carbone.

7.5   Le CESE réaffirme son soutien sans faille au programme GALILEO et souligne la nécessité qu’il soit mené à bien sans retards supplémentaires.

8.   Internalisation des coûts environnementaux

8.1   Chacun s’accorde sur la nécessité d’internalisation des coûts environnementaux des transports. À défaut de cette internalisation, c’est la collectivité qui supporte les coûts. De surcroît, ceci peut encourager des comportements économiques quelque peu aberrants qui amènent à transporter sur d’immenses distances des produits que l’on pourrait se fournir à courte distance. De l'avis du CESE, le moyen le plus efficace d'internaliser une grande partie des conséquences environnementales devrait être une taxe sur le dioxyde de carbone. Elle serait pour les entreprises une forte incitation à chercher elles-mêmes des moyens de réduire leurs émissions de CO2 et l'impact négatif que ces émissions exercent sur l'environnement.

8.2   L’écovignette est un procédé qu’il est impossible d’écarter a priori, même si ses modalités de mise en œuvre et son impact doivent être étudiées avec soin. Ce principe devrait d’ailleurs être envisagé pour le transport aérien comme pour le transport maritime au sein des instances internationales compétentes (OACI et OMI). La relance de la discussion concernant la révision de la directive «Euro-vignette» est souhaitable mais en gardant à l’esprit que le principe de l’internalisation des coûts externes doit être d’application générale pour tous les modes de transport.

Bruxelles, le 17 mars 2010.

Le Président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Avis CESE 1947/2009 sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures» – pas encore publié au JO; JO C 317 du 23.12.2009, p. 80.

(2)  JO C 161, 13.7.2007, p. 89. JO C 27, 3.2.2009, p. 49. JO C 228, 22.9.2009, p. 78.