28.12.2010   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 354/16


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Intégration des travailleurs immigrants» (avis exploratoire)

2010/C 354/03

Rapporteur: M. Luis Miguel PARIZA CASTAÑOS

Par un courrier en date du 23 juillet 2009 et au titre de l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, M. Diego LÓPEZ GARRIDO, secrétaire d'État pour l'Union européenne auprès du ministère des affaires étrangères et de la coopération, a demandé, au nom de la future présidence espagnole, que le Comité économique et social européen élabore un avis exploratoire sur le thème

«Intégration des travailleurs immigrants».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 février 2010.

Lors de sa 461e session plénière des 17 et 18 mars 2010 (séance du 17 mars 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 138 voix pour, 5 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE souligne la valeur ajoutée européenne des politiques en matière d'emploi, d'immigration et d'intégration. Les politiques exclusivement nationales ne fonctionnent pas, il sera donc nécessaire de renforcer l'assise européenne de ces politiques.

1.2   Les travailleurs et travailleuses immigrants apportent une contribution positive au développement économique et au bien-être de l'Europe. En raison de sa situation démographique, l'UE devra accueillir davantage de nouveaux immigrants.

1.3   Il est nécessaire d'améliorer les processus d'intégration tant à des fins d'efficacité économique qu'à des fins de cohésion sociale. L'emploi est un aspect fondamental de l'intégration.

1.4   L'intégration est un processus social à double sens de compromis réciproque qui doit être facilité au moyen d'une bonne gouvernance et d'une bonne législation. Le CESE demande au Conseil d'adopter la directive devant garantir un cadre commun de droits pour les immigrants et l'amélioration de la législation relative à la lutte contre la discrimination.

1.5   L'intégration sur le lieu de travail dans des conditions d’égalité des chances et de traitement constitue également un défi pour les partenaires sociaux, qui doivent la promouvoir dans les négociations collectives et le dialogue social, également au niveau européen. Les travailleuses et travailleurs immigrants doivent adopter une attitude favorable à l'intégration.

1.6   Les entreprises déploient leurs activités dans des environnements dont la diversité ne cesse de croître. Il est nécessaire qu'elles adoptent une approche positive de la diversité culturelle afin d'améliorer l'intégration et aussi d'élargir les opportunités.

1.7   Le CESE propose à la Commission de demander l'élaboration d'un avis exploratoire dans le cadre de la création d'une plateforme européenne de dialogue pour la gestion de l'immigration professionnelle qui est prévue dans le programme de Stockholm.

2.   Champ de l'avis

2.1   La présidence espagnole a demandé au CESE d'élaborer un avis exploratoire afin que l'Union européenne puisse améliorer l'intégration des travailleurs immigrants. Le présent avis du Comité va dès lors se centrer sur l'intégration des travailleurs immigrants dans le monde de l'emploi et sur d'autres aspects liés directement et indirectement au marché du travail.

2.2   Les aspects généraux de la politique en matière d'immigration et d'intégration ne seront examinés que dans la mesure où ils relèvent directement de l'avis. Le Comité a adopté plusieurs avis sur l'intégration (1) qui présentent une approche plus générale et il a élaboré un avis d'initiative visant le renforcement de l'intégration dans le nouvel agenda de politique sociale de l'UE, pour des thèmes tels que l'éducation et la formation, l'égalité entre les femmes et les hommes, la santé, le logement, la politique de la famille et de la jeunesse, la pauvreté et l'exclusion sociale, etc.

2.3   L'Europe doit renforcer l'approche d'intégration dans la politique commune de l'immigration. Le Comité a constitué un groupe d'étude permanent «Intégration» dans le but de participer aux travaux du Forum européen de l'intégration.

2.4   Le traité de Lisbonne bénéficie d'une base juridique plus solide (2) qui permet à l'UE d'«appuyer l'action des États membres en vue de favoriser l'intégration des ressortissants des pays tiers en séjour régulier».

3.   Les immigrants contribuent au développement économique et au bien-être de l'Europe

3.1   Au cours de ces dernières années, l'Europe a accueilli de nombreux immigrants issus de pays tiers, venus à la recherche de nouvelles opportunités. Néanmoins, les politiques restrictives appliquées par de nombreux gouvernements européens limitent le recrutement légal de travailleurs immigrants par les entreprises.

3.2   Dans son rapport «L'emploi en Europe» de 2008 (3), la Commission affirmait que «Les immigrants (…) ont joué un rôle important dans la croissance globale de l'économie et de l'emploi dans l'Union depuis 2000, en contribuant à faire face aux pénuries de main-d'œuvre et de compétences et à accroître la flexibilité du marché du travail».

3.2.1   Dans son rapport conjoint sur l'emploi (2009-2010) (4), la Commission indique que bien que l'UE traverse une crise de perte d'emploi, certains États membres et certaines catégories professionnelles connaissent des pénuries de main-d'œuvre. Par ailleurs, la Commission propose de renforcer l'intégration des immigrants déjà installés et qui sont particulièrement touchés par la crise; elle recommande également que l'on encourage les entreprises à diversifier leur main-d'œuvre et à mettre en œuvre les «chartes de la diversité».

3.3   Dans l'UE, depuis 2000, 21 % de croissance du PIB et 25 % de nouveaux emplois ont été créés grâce à la contribution des immigrants, à tel point que la croissance de certains secteurs économiques aurait stagné ou ralenti s'ils n'avaient pas été composés en grande partie par des travailleurs et travailleuses immigrants.

3.4   Il y a lieu de garder à l'esprit que les restrictions concernant les citoyens des nouveaux États membres travaillant dans l'UE ont été supprimées dans plusieurs pays dont le Royaume-Uni, l'Irlande et la Suède.

3.5   Le CESE souhaite souligner l'importance de l'esprit d'entreprise de nombreux immigrants, qui créent des entreprises en Europe et contribuent ainsi à la création d'emploi et de richesse, malgré que les législations en matière d'immigration présentent souvent des obstacles très difficiles à surmonter.

3.6   Bien que l'intensité des flux migratoires ait varié dans les États membres de l'UE, il apparaît que les pays qui ont admis le plus d'immigrants ont enregistré une plus forte croissance de l'économie et de l'emploi. Dans certains États membres dont l'Espagne, le Royaume-Uni, l'Irlande et l'Italie, le pourcentage est plus élevé (5).

3.7   La progression de l'immigration dans les sociétés européennes pose aussi de nouveaux problèmes et constitue un défi important pour la cohésion sociale. Les sociétés européennes sont confrontées à de nombreux problèmes sociaux liés à l'immigration qui doivent faire l'objet d'une approche intégrale ainsi que proposé par le CESE dans des avis précédents.

3.8   Le Comité estime que nombre de problèmes sociaux (racisme, délinquance, violence liée au genre, marginalisation, échec scolaire, etc.) mettent en évidence la nécessité d'améliorer l'intégration. Très souvent, les gouvernements, surtout à l'échelon local, sont dépassés par les problèmes.

3.9   Les médias versent parfois dans le sensationnalisme lorsqu'ils traitent les problèmes d'immigration générant ainsi une inquiétude au sein de la population. Certains responsables politiques utilisent également ces problèmes de manière opportuniste et irresponsable.

3.10   Le Comité constate avec inquiétude que le racisme et la xénophobie se répandent dans de nombreux pans de la société. Les partis et les mouvements extrémistes se servent des problèmes liés à l'immigration pour nourrir un sentiment de crainte au sein de la population et promouvoir des politiques intolérantes, violentes et contraires aux droits de l'homme.

3.11   Le racisme est considéré comme un délit dans le droit pénal. Néanmoins à maintes occasions, les autorités politiques et les responsables sociaux manifestent une attitude de tolérance envers ce phénomène qui est inacceptable. Il est impératif que la police et la justice, les faiseurs d’opinion, les médias et les responsables politiques changent d'attitude et combattent le racisme avec plus de détermination et de pédagogie sociale.

4.   L'immigration vers l'Europe augmentera à l'avenir

4.1   La situation démographique de l'UE est telle que, du fait du vieillissement de la population et de la faible natalité, les marchés de l'emploi nécessiteront la participation de nombreux travailleurs et travailleuses immigrants. Selon les prévisions démographiques les plus récentes d'Eurostat, la population en âge de travailler va commencer à décliner après 2012, même si au cours de cette décennie les flux d'immigration sont de 1,5 million de personnes par an. Si ces flux n'augmentent pas durant la prochaine décennie, la population en âge de travailler diminuera de 14 millions.

4.2   Par ailleurs, il est clair que la mobilité internationale des travailleurs va s'accroître dans le monde, étant donné que de nombreuses personnes se voient obligées d'émigrer en raison du manque d'emplois décents dans leur pays d'origine, et certaines d'entre elles viennent en Europe afin d'y chercher de nouvelles opportunités professionnelles et personnelles.

4.3   Le CESE estime que le désir des nouveaux immigrants de réaliser leur projet de migration en Europe représente une grande opportunité.

4.4   Le Comité est d'avis que des politiques améliorant l'intégration sociale sont nécessaires pour que les travailleurs immigrants aient leur chance et que les sociétés européennes améliorent la cohésion sociale, étant donné que la réussite des projets de migration dépend, tant pour les travailleurs immigrants que pour les sociétés d'accueil, de la manière dont se déroule le processus d'intégration.

4.5   La crise économique et l'augmentation du chômage concernent tous les secteurs sociaux, les travailleurs autochtones et les travailleurs immigrants. Les chiffres des marchés de l'emploi en Europe indiquent que les travailleurs immigrants peu qualifiés et qui occupent des emplois d'une moindre qualité sont les premières victimes de la crise et que les femmes immigrantes sont plus touchées par le chômage.

4.6   Malgré la récession actuelle et l'augmentation du chômage en Europe, les prévisions démographiques indiquent, qu'une fois la crise surmontée et les niveaux de croissance économique et d'emploi rétablis, la contribution de nouveaux immigrants sera nécessaire pour satisfaire aux besoins des marchés de l'emploi européens, compte tenu des caractéristiques propres à chacun des États membres.

5.   La législation européenne en matière d'admission: un défi à relever

5.1   Depuis qu'il y a dix ans, l'UE a ouvert la voie menant vers une politique commune d'immigration, la plus grande difficulté réside dans l'élaboration de la législation concernant l'admission de nouveaux immigrants, étant donné que chaque État membre a sa propre législation et des approches très différentes.

5.2   Les politiques et les législations en matière d'immigration ainsi que l'accès à l'emploi sont liées à l'évolution des marchés du travail. Il convient donc que les partenaires sociaux participent activement, mais que ces processus reposent sur le respect des droits humains des immigrants.

5.3   Le Comité estime que la législation en matière d'immigration doit favoriser l'intégration et considérer les travailleurs immigrants comme de nouveaux citoyens, comme des personnes dont les droits doivent être protégés, et pas seulement comme de la main-d'œuvre destinée à satisfaire les besoins des marchés du travail.

5.4   Les partenaires sociaux doivent participer aux différents échelons. Le Comité observe avec intérêt la proposition de la Commission de créer une plateforme européenne du dialogue pour la gestion de la migration professionnelle, à laquelle les partenaires sociaux pourraient participer.

5.5   Le Comité a proposé une politique commune de l'immigration et une législation harmonisée pour que les immigrants puissent arriver par des voies légales et être traités de manière équitable, que leurs droits fondamentaux soient protégés et leur intégration améliorée.

5.6   Or l'Europe n'a pas accueilli les immigrants avec des politiques et des législations appropriées; en raison du caractère restrictif de la plupart des politiques et législations nationales, de nombreux immigrants sont arrivés en suivant des canaux d'immigration irréguliers, se voyant contraints de travailler dans l'économie informelle. Le Comité estime que l'UE doit adopter de nouvelles initiatives qui visent à transformer le travail informel en travail légal.

5.7   Le Comité est d'avis que le fait de faciliter les procédures d'immigration légale aura pour effet de réduire l'immigration irrégulière et le risque que certains immigrants en situation irrégulière soient victimes des réseaux criminels de trafics illicites et de traite des êtres humains. Le programme de Stockholm inclut de nouveaux engagements de l'UE à combattre ces réseaux criminels.

5.8   Le CESE considère que les politiques restrictives ont un impact très négatif sur les processus d'intégration puisqu'elles donnent aux immigrants une image de personnes qui ne sont ni bienvenues ni bien acceptées.

5.9   Ces politiques s'accompagnent parfois de discours politiques et sociaux qui criminalisent l'immigration, génèrent l'exclusion et promeuvent la xénophobie et la discrimination.

5.10   Le Pacte européen sur l'immigration et l'asile sera mis en œuvre au cours des prochaines années à travers le programme de Stockholm. L'on peut s'attendre à ce que le traité de Lisbonne permette de conclure plus facilement des accords au sein du Conseil, et que le pouvoir de codécision du Parlement, favorise l'harmonisation de la législation.

5.11   Le Comité aurait préféré une législation horizontale, mais le Conseil et la Commission ont choisi d'élaborer des directives sectorielles. La directive sur la carte bleue (6) a été adoptée récemment dans le but de faciliter l'admission de travailleurs hautement qualifiés. La Commission prévoit d'élaborer au cours des prochains mois de nouvelles propositions de directive.

5.12   Le Comité considère qu'il est essentiel que l'UE dispose d'une législation adéquate en matière d'admission étant donné que l'intégration est étroitement liée à l'égalité de traitement et à la non-discrimination. C'est pourquoi le CESE a soutenu (7) (tout en proposant quelques améliorations) la directive-cadre sur les droits des travailleurs immigrants proposée par la Commission (8) et qui est encore débattue au Conseil. La version actuellement à l'examen au Conseil part d'une approche insuffisante et inacceptable pour la société civile et pour le Comité.

5.13   Le Conseil doit approuver la directive cadre afin de garantir un niveau de droits adéquat pour tous les travailleurs immigrants et d'éviter des situations de discrimination. Le Comité propose que la présidence espagnole de l'UE réoriente les débats au Conseil sur la directive-cadre en vue d'une adoption rapide pour autant qu'elle inclue un système approprié de droits communs dans toute l'UE qui se fonde sur l'égalité de traitement notamment en matière de droits du travail et droits sociaux des travailleurs immigrants.

5.14   Le Comité a adopté récemment un avis d'initiative plaidant pour que la législation en matière d'immigration respecte les droits fondamentaux (9). Il y propose un cadre avancé de droits et d'obligations. Par ailleurs, il est nécessaire de réformer la directive sur le regroupement familial.

6.   L'emploi est un aspect fondamental du processus d'intégration

6.1   L'intégration est un processus social à double sens de compromis réciproque qui concerne non seulement les immigrants mais aussi la société d'accueil. C'est le premier des principes de base communs concernant l'intégration adoptés par le Conseil en 2004.

6.2   L'intégration nécessite que les autorités, les partenaires sociaux et les organisations exercent une autorité forte. Les politiques publiques peuvent favoriser ces processus sociaux et la participation active de la société civile est également essentielle. Dans un avis précédent (10), le CESE a souligné l'importance du rôle des collectivités locales et régionales.

6.3   Par ailleurs, les travailleurs et travailleuses immigrants doivent adopter une attitude favorable à l'intégration en s'attachant à apprendre la langue, les lois et les coutumes de la société d'accueil.

6.4   Le Comité participe aux côtés de la Commission aux activités du Forum européen de l'intégration et souhaite souligner encore une fois le fait qu'il importe que les organisations de la société civile participent et soient consultées à tous les niveaux de gouvernance.

6.5   L'intégration des personnes d'origine immigrée va au-delà du domaine professionnel auquel se réfère le présent avis, étant donné qu'elle est particulièrement importante en ce qui concerne le domaine familial, les écoles et les universités, les villages et les quartiers, les institutions religieuses, les organisations sportives et culturelles, etc.

6.6   L'emploi est un aspect fondamental du processus social d'intégration, dans la mesure où un emploi exercé dans des conditions décentes constitue la clé de l'autosuffisance économique des immigrants et favorise les relations sociales et la connaissance mutuelle entre la société d'accueil et les immigrants.

6.7   L'Europe sociale repose sur le travail et l'intégration est essentielle pour le développement de cette Europe sociale. Les entreprises européennes sont des acteurs sociaux indispensables qui sont à la fois concernés par et engagés dans l'intégration.

6.8   La crise économique et l'augmentation du chômage affaiblissent les processus d'intégration et alimentent certains conflits dans la société et dans le marché du travail. Le CESE estime, qu'en ces circonstances, il est nécessaire que tous les acteurs (les immigrants, les pouvoirs publics, les partenaires sociaux et la société civile) redoublent les efforts d'intégration.

6.9   Les travailleurs immigrants, qui sont couverts par les conventions internationales des droits de l'homme ainsi que par les principes et les droits consacrés par les conventions de l'OIT, ont droit à bénéficier d'un traitement équitable en Europe. Dans un avis précédent (11), le CESE a indiqué les droits et les obligations que la législation européenne doit garantir aux travailleurs et aux travailleuses immigrants.

6.10   Le Comité considère qu'il y a lieu de compléter la législation et les politiques publiques avec la collaboration des partenaires sociaux, car l'insertion professionnelle est également liée au comportement social et aux engagements syndicaux et patronaux.

6.11   Les services publics de l'emploi doivent encourager des programmes visant à améliorer l'accès à l'emploi des immigrants en facilitant la reconnaissance des qualifications professionnelles, en améliorant sans discrimination la formation linguistique et professionnelle et en fournissant une information appropriée sur les systèmes d'emploi du pays d'accueil.

6.12   Les syndicats, les organisations patronales, les associations d'immigrants et les autres organisations de la société civile jouent un rôle très important pour transmettre l'information et faciliter l'accès à l'emploi des immigrants.

6.13   La majorité des entreprises en Europe sont petites et moyennes et procurent un emploi à la plus grande partie de la population active, en ce y compris aux immigrants. C'est donc au niveau des PME que se déroulent, dans une grande mesure, les processus sociaux d'intégration.

7.   L'égalité de traitement et la non-discrimination comme piliers de l'intégration

7.1   Le CESE considère que l'accueil et le traitement réservé par les autorités et les entreprises aux travailleurs immigrants est fondamental. Ces derniers sont souvent désavantagés par rapport aux travailleurs autochtones.

7.2   Bien sûr, les situations diffèrent d'un État membre à l'autre, tout comme le droit du travail et les pratiques sociales. Toutefois, de nombreux travailleurs immigrants font face à un certain nombre de désavantages et de difficultés pour trouver un emploi et à un manque de reconnaissance de leurs qualifications professionnelles, sans compter que, dans bien des cas, ils ne parlent pas la langue et ne connaissent ni les lois, ni les pratiques, ni les institutions sociales du pays d'accueil.

7.3   Le point de départ est une bonne législation contre la discrimination, néanmoins l'on note toujours l'existence, au niveau national, de législations discriminatoires entre travailleurs autochtones et immigrants et, surtout, de pratiques discriminatoires envers les travailleurs en raison de leur origine nationale, ethnique ou culturelle, qui se manifestent de manière directe ou indirecte.

7.4   L'égalité de traitement et les politiques de lutte contre la discrimination sont les piliers des politiques d'intégration. Adoptant une approche bidirectionnelle de l'intégration, le Comité considère que les entreprises, les syndicats et les autorités doivent garantir l'égalité de traitement aux travailleurs immigrants et éviter tout type de discrimination à leur encontre.

7.5   Les employeurs et les travailleurs immigrants doivent respecter les normes de travail et les conventions collectives en vigueur dans chaque entreprise ou secteur conformément aux lois et pratiques nationales. Le Comité souhaite souligner que le racisme et la discrimination sont des comportements criminels devant également faire l'objet de sanctions dans les entreprises conformément à la législation du travail.

7.6   Afin de faciliter l'intégration dans le marché de l'emploi, il est nécessaire que les travailleurs et travailleuses immigrants soient informés des lois du travail et des conventions collectives qui régissent les droits et les obligations sur le lieu de travail.

7.7   Dans un contexte politique et social favorable à l'intégration, les travailleurs immigrants participeront plus facilement à des itinéraires et des programmes d'intégration (notamment l'apprentissage de la langue, des lois et des coutumes) que les autorités devront d'ailleurs faciliter.

7.8   Les directives de l'UE relatives à l'égalité de traitement en matière d'emploi (12) et à l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique (13) sont des instruments juridiques essentiels pour déterminer la législation et les pratiques dans les États membres en ce qui concerne la lutte contre la discrimination et la promotion de l'insertion professionnelle.

7.9   Le Parlement a récemment approuvé une résolution sur la nouvelle directive contre la discrimination (14), qui vient compléter les directives existantes. Le CESE a aussi rendu un avis dans lequel il soutient la proposition de la Commission et invite à tenir compte de la discrimination multiple. Une fois adoptée, cette nouvelle directive étendra le principe de non-discrimination à des domaines tels que l'éducation, la santé, la protection sociale et l'habitat.

7.10   Le CESE estime que les directives contre la discrimination n'ont pas été transposées de manière appropriée dans les législations nationales. De ce fait, certains États membres ne possèdent pas une bonne législation contre la discrimination. La nouvelle directive, une fois adoptée, constituera un instrument législatif très positif.

7.11   Les partenaires sociaux, acteurs fondamentaux pour le fonctionnement des marchés de l'emploi et piliers de la vie économique et sociale européenne, ont un rôle important à jouer dans l'intégration. Lors des négociations collectives, ils doivent assumer leurs responsabilités en termes d'intégration des immigrants en éliminant des conventions collectives et des réglementations et pratiques professionnelles tout facteur direct ou indirect de discrimination.

7.12   Dans le cadre des négociations collectives et, en particulier, au sein de l'entreprise, il faut établir des mécanismes pour garantir que l'accès au travail et le recrutement soient conformes au principe de l'égalité des chances. Il est particulièrement important, de disposer à cet égard d'instruments qui permettent d'éviter la discrimination directe et indirecte.

7.13   Néanmoins actuellement, l'égalité de traitement en termes de salaire et de conditions de travail n'est, dans la pratique, pas garantie pour nombre de travailleurs immigrants. Il appartient aux autorités du travail et aux partenaires sociaux d'élaborer des procédures visant à éviter les discriminations et de promouvoir activement l'égalité des chances.

7.14   En Europe, deux types d'emplois se développent: des emplois de qualité pour la plus grande partie des citoyens européens et les immigrants hautement qualifiés et des emplois de mauvaise qualité pour la majorité des immigrants. Par conséquent, la mauvaise qualité de l'emploi est également un facteur de discrimination lorsque les entreprises ont recours aux immigrés en tant que main-d'œuvre «plus vulnérable».

7.15   Le CESE a proposé dans plusieurs avis que les États membres améliorent leurs systèmes d'homologation de diplômes (15), et que l'UE se dote d'un système de reconnaissance des diplômes pouvant être utilisé par les travailleurs immigrants (16). Dans les entreprises européennes, de nombreux immigrants occupent des postes pour lesquels ils sont surqualifiés.

7.16   Nombre de travailleurs immigrants sont également désavantagés et font l'objet de discrimination en termes d'évolution de carrière et de promotion. Les lois du travail, les conventions collectives et les pratiques au sein des entreprises doivent garantir le principe de l'égalité des chances en ce qui concerne la promotion des travailleurs. Il appartient aux partenaires sociaux d'engager de nouvelles initiatives à cet égard.

7.17   Les formations techniques et professionnelles constituent des instruments très importants pour améliorer l'aptitude à l'emploi des travailleurs immigrants; néanmoins, certaines lois et pratiques nationales empêchent les ressortissants de pays tiers d'y participer ou limitent leur participation. Le CESE estime qu'il appartient aux pouvoirs publics et aux partenaires sociaux de faciliter l'accès des travailleurs immigrants aux formations dans des conditions d'égalité.

7.18   Certains États membres développent, en collaboration avec les entreprises, des programmes de formation dans les pays d'origine qui précèdent l'obtention du permis de séjour afin d'aider les ressortissants des pays tiers à s'intégrer au marché du travail lorsqu'ils arrivent en Europe.

7.19   L'Union européenne n'a pas encore résolu de manière satisfaisante la question de la portabilité des droits de pension pour les travailleurs européens. Les travailleurs immigrants sont également confrontés à de nombreux problèmes découlant des législations nationales qui ne leur garantissent pas valablement les droits à la pension acquis durant leur vie professionnelle en Europe. Les raisons à cela sont très diverses et dépendent des législations nationales et des conventions signées avec les pays tiers.

7.20   Le Comité propose que la Commission européenne adopte une initiative qui peut être législative permettant de garantir les droits à la pension des travailleurs immigrants, lorsque ces derniers changent de résidence au sein de l'UE et lorsqu'ils retournent dans leur pays d'origine ou résident dans un autre pays.

7.21   Les syndicats doivent accueillir des travailleurs immigrés parmi leurs adhérents et faciliter leur accès aux fonctions de représentation et de direction. En Europe, la plupart des syndicats ont établi de bonnes pratiques garantissant à tous les travailleurs les mêmes droits et la lutte contre la discrimination.

7.22   Le CESE estime que des politiques actives et de nouveaux engagements des partenaires sociaux sont nécessaires pour encourager des comportements favorables à l'intégration sociale, à l'égalité de traitement et à la lutte contre la discrimination sur le lieu de travail. Le dialogue social européen peut constituer un cadre approprié pour inciter les partenaires sociaux à prendre de nouveaux engagements au niveau qu'ils jugeront opportun.

7.23   L'Agence européenne des droits fondamentaux a étudié (17) la discrimination au travail fondée sur l'origine ethnique sur les marchés de l'emploi en Europe et a montré qu'elle est très importante en dépit de la législation.

8.   La gestion de la diversité

8.1   Les entreprises européennes sont de plus en plus diverses et cette diversité va s'accroître dans le futur. Il est impossible d'atteindre une bonne intégration des immigrants dans le monde professionnel à défaut d'une approche positive de la diversité culturelle, qui revêt un intérêt croissant pour les entreprises et les travailleurs.

8.2   Les grandes entreprises ont leur propre culture qui s'est développée avec le temps entre les travailleurs, et qui est également fonction de l'environnement social et des relations avec les clients.

8.3   Les entreprises européennes déploient leurs activités dans des villes dont la diversité ne cesse de croître. Le Comité des régions et la fondation de Dublin ont, grâce au réseau CLIP (18), échangé leurs expériences afin de favoriser la diversité dans la fonction publique.

8.4   La diversité culturelle découlant de l'immigration pose un nouveau défi qu'il est nécessaire de relever pour élargir la culture de l'entreprise en intégrant des nouveaux travailleurs à tous les niveaux: celui des cadres supérieurs, des cadres moyens et celui des autres travailleurs.

8.5   Par ailleurs, la mondialisation permet aux entreprises d'évoluer dans de nouveaux environnements sociaux et culturels et de nouveaux marchés et de rencontrer des nouveaux clients de cultures différentes.

8.6   Nombre d'entreprises reconnaissent d'ailleurs l'intérêt de bien gérer la diversité. L'évolution de ces dernières décennies vers une économie de services a renforcé les contacts entre l'entreprise et le client. Par ailleurs, la mondialisation a poussé les entreprises à rechercher de nouveaux marchés partout dans le monde. La diversité des clients et des utilisateurs auxquels s'adresse l'entreprise est également plus importante.

8.7   Une bonne gestion de cette diversité au sein de l'entreprise permet de mieux tirer parti des capacités de tous les travailleurs d'origines et de cultures diverses et de renforcer l'efficacité dans les relations extérieures de l'entreprise avec un marché lui aussi diversifié.

8.8   Les entreprises qui gèrent bien cette diversité sont mieux placées pour capter des «talents» dans toutes les régions du monde, ainsi que des clients dans les nouveaux marchés. En outre, elles peuvent accroître la créativité et la capacité d'innovation de leurs employés dans la mesure où tous les travailleurs (y compris les travailleurs immigrants) trouvent un climat d'accueil qui y est favorable.

8.9   Souvent, les petites entreprises européennes n'ont pas de département de ressources humaines, il est dès lors nécessaire qu'elles puissent recevoir le soutien de structures spécialisées fournies par les autorités et les organisations patronales.

8.10   La gestion de la diversité est fondée sur une application stricte des mesures d'égalité de traitement et de lutte contre la discrimination. Elle implique en outre la mise sur pied de programmes d'accueil des travailleurs immigrés, de mesures de respect des différences culturelles, de systèmes de communication qui tiennent compte de la diversité linguistique, de formules de médiation pour la résolution de conflits, etc.

8.11   La formation à la gestion de la diversité est nécessaire. Au sein de l'entreprise, cette formation peut s'adresser à différents groupes tels que la direction, les responsables intermédiaires et l'ensemble du personnel, mais aussi aux organisations syndicales et patronales.

8.12   Les entreprises, au même titre que les organisations patronales et syndicales, doivent disposer de départements spécialisés dans la gestion de la diversité pour promouvoir les initiatives, évaluer les résultats et encourager les changements.

8.13   Les pouvoirs publics doivent soutenir la gestion de la diversité au sein de l'entreprise en offrant des incitants économiques et fiscaux aux sociétés qui élaborent des plans en ce sens; ils doivent également favoriser l'échange de bonnes pratiques, le développement de programmes de formation et la réalisation de campagnes de promotion.

9.   Les difficultés de l'intégration dans les cas de l'économie informelle et de l'immigration irrégulière

9.1   Les travailleurs immigrants «sans papiers» et, partant, en situation irrégulière, sont contraints de travailler dans l'économie informelle. Celle-ci est proportionnellement plus importante dans les États membres ayant un plus grand nombre d'immigrants irréguliers. Les immigrants en situation irrégulière sont souvent victimes d'une exploitation extrême sur le marché du travail par certains employeurs.

9.1.1   Les immigrants en situation irrégulière sont souvent victimes d'une exploitation extrême sur le marché du travail par certains employeurs.

9.2   Le CESE a adopté un avis (19) relatif à la proposition de directive qui propose de sanctionner les employeurs exploitant des immigrants en situation irrégulière.

9.3   Les travailleuses «sans papiers» employées à des travaux ménagers se trouvent dans une situation très vulnérable et dans certains cas dans des conditions de semi-esclavage. Certaines législations nationales ne garantissent pas pleinement les droits du travail ni les droits sociaux pour ce type d'activité. Ces problèmes sont encore plus aigus dans le cas des personnes en situation irrégulière et travaillant dans l'économie souterraine. Le Comité propose à la Commission européenne d'adopter de nouvelles initiatives afin de protéger convenablement les droits du travail et les droits professionnels de ces travailleuses.

9.4   Depuis ces dernières années, certaines législations nationales criminalisent les associations humanitaires qui aident les personnes en situation irrégulière dans le but d'éviter leur exclusion sociale et de faciliter leur intégration. Le Comité signale que ces législations sont contraires aux droits de l'homme et au principe moral de la solidarité. La Commission européenne et l'agence de Vienne doivent évaluer ces situations et adopter les initiatives nécessaires.

9.5   L'intégration sociale est plus difficile lorsque les immigrants se trouvent en situation irrégulière; aussi, le Comité a-t-il proposé que l'on mène des processus de régularisation individualisés des immigrants en situation irrégulière en tenant compte de leur degré d'enracinement social et professionnel sur la base de l'engagement pris par le Conseil dans le cadre du Pacte européen sur l'immigration et l'asile (20), qui prévoit des régularisations individuelles, dans le cadre des législations nationales, pour raisons humanitaires ou économiques, en particulier dans les secteurs professionnels à forte concentration de personnes en situation irrégulière.

10.   Quelques initiatives du programme de Stockholm

10.1   La Commission a proposé de créer une plateforme européenne du dialogue pour la gestion de la migration professionnelle, à laquelle participeraient des entrepreneurs, des syndicats, des agences pour l'emploi et d'autres parties concernées.

10.2   Le CESE propose à la Commission qu'elle s'inspire de la procédure ayant conduit à la création du forum européen de l'intégration, pour demander au Comité d'élaborer un avis exploratoire en 2010. Ainsi, avec la participation de toutes les parties concernées, le Comité pourrait avancer une proposition pour la création de cette plateforme européenne avec laquelle il souhaite collaborer.

10.3   La Commission a aussi proposé que l'UE se dote d'un code de l'immigration qui garantisse aux immigrants légaux un niveau de droits uniforme et comparable à celui des citoyens européens. Cette codification des textes législatifs existants inclura, si nécessaire, des modifications utiles pour simplifier ou compléter les dispositions existantes et améliorer leur application effective.

10.4   Le CESE considère que la législation européenne de l'immigration doit s'assortir d'un cadre commun des droits (statut européen) horizontal, qui garantisse le respect et la protection des droits et des libertés des immigrants en Europe, indépendamment de leur catégorie professionnelle et de leur statut juridique. La directive-cadre débattue au sein du Conseil, serait, si elle était approuvée, un bon instrument juridique pour protéger les droits des immigrants.

10.5   Le Comité salue l'initiative de la Commission de présenter un code européen de l'immigration, pour autant qu'il s'agisse d'une proposition législative qui garantisse les droits fondamentaux aux immigrants et un niveau de droits uniforme et comparable à celui qui est offert aux citoyens communautaires.

Bruxelles, le 17 mars 2010.

Le Président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  JO C 27 du 3.2.2009; JO C 128 du 18.5.2010, p. 29;

JO C 80 du 30.3.2004;

JO C 318 du 23.12.2006;

JO C 125 du 27.5.2002;

JO C 208 du 3.9.2003.

(2)  Article 79.

(3)  COM(2008) 758 final.

(4)  COM(2009) 674 final.

(5)  «The Economic and Fiscal Impact of Immigrants» (L'impact économique et budgétaire des immigrants), Institut national de recherche économique et sociale, octobre 2007 et «Coyuntura española - Los efectos de la inmigración sobre el empleo y los salarios» Informe Mensual de la Caixa, núm 295, (La conjoncture en Espagne – les effets de l'immigration sur l'emploi et les salaires, rapport mensuel no 295 de La Caixa), octobre 2006.

(6)  Directive CE/2009/50.

(7)  JO C 27 du 3.2.2009, p. 114.

(8)  COM(2007) 638 final.

(9)  JO C 128 du 18.5.2010, p. 29.

(10)  JO C 318 du 23.12.2006.

(11)  JO C 128 du 18.5.2010, p. 29.

(12)  Directive CE/2000/78.

(13)  Directive CE/2000/43.

(14)  P6_TA(2009)0211.

(15)  Voir, en particulier, JO C 162 du 25.6.2008, p. 90.

(16)  Voir, entre autres, JO C 218 du 11.9.2009.

(17)  Enquête EU-MIDIS »Enquête de l’Union européenne sur les minorités et la discrimination»: Rapport sur les principaux résultats, Agence européenne des droits fondamentaux, 9.12.2009.

(18)  Réseau de villes pour une politique locale d'intégration des migrants – réseau de plus de 30 villes européennes sous la gestion d'Eurofound.

(19)  JO C 204 du 9.8.2008.

(20)  Conseil de l'UE, 13440/08, 24.9.2008.