52005PC0006

Proposition de décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre la criminalité organisée /* COM/2005/0006 final - CNS 2005/0003 */


Bruxelles, le 19.1.2005

COM(2005) 6 final

2005/0003 (CNS)

Proposition de

DÉCISION-CADRE DU CONSEIL

relative à la lutte contre la criminalité organisée

(présentée par la Commission)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Au cours de la décennie écoulée, les groupes criminels organisés ont construit des réseaux internationaux de grande envergure et enregistré de vastes profits. Des fortunes se sont construites grâce au trafic illicite des drogues, au trafic d’êtres humains, en particulier de femmes et d’enfants, au commerce illégal d’armes et de munitions, à la contrefaçon et au piratage de produits, et de manière générale, aux fraudes à l’échelle internationale[1]. D’énormes capitaux provenant de ces crimes sont blanchis et réinjectés dans l’économie. La criminalité organisée connaît ainsi un essor considérable.

L’Union européenne a été le fer de lance de la lutte contre la criminalité organisée depuis le traité d'Amsterdam et le Conseil européen d'Amsterdam des 16 et 17 juin 1997 qui a adopté le premier Plan d'action de lutte contre le crime organisé.

En 1998, une action commune sur la participation à une organisation criminelle a été adoptée par le Conseil[2]. Aujourd'hui, il est cependant nécessaire de doter l'Union d'un texte plus contraignant et plus ambitieux aux fins d’opérer un véritable rapprochement des législations pénales des Etats membres et d'améliorer la coopération pour lutter plus efficacement contre la criminalité organisée, entre autres par l'harmonisation des seuils minimaux des sanctions pénales.

Déjà, le Conseil européen, réuni à Vienne au mois de décembre 1998, demandait, compte tenu des nouvelles possibilités offertes par le traité d’Amsterdam, un renforcement de l’action menée par l’Union européenne contre la criminalité organisée.

Aux termes du point 6 des conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, « les citoyens sont en droit d’attendre de l’Union qu’elle réagisse à la menace que représente la grande criminalité pour leur liberté et les droits que leur reconnaît la loi. Pour contrer ces menaces, il est nécessaire d’agir de concert, dans toute l’Union, en matière de prévention et de lutte contre la criminalité et les organisations criminelles… ». Le point 40 ajoute que « le Conseil européen est fermement décidé à renforcer la lutte contre les formes grave de criminalité organisée et transnationale».

En outre, la stratégie de l’Union européenne pour le prochain millénaire sur la prévention et le contrôle de la criminalité organisée (2000/C 124/01) indique que le niveau de la criminalité organisée est dynamique par nature. Elle n’est pas confinée dans des structures rigides. Elle a démontré une capacité à prendre une apparence entrepreneuriale ou commerciale, ainsi qu’à s’adapter avec une grande souplesse à l’évolution des forces et des situations de marché. Les frontières nationales n’arrêtent généralement pas les organisations de malfaiteurs, qui établissent souvent des partenariats tant sur le territoire de l’Union qu’en dehors de l’Union, que ce soit avec des individus ou avec d’autres réseaux, pour commettre une ou plusieurs infractions. Ces groupes semblent être de plus en plus actifs sur les marchés, licites ou illicites ; ils utilisent les services de spécialistes en affaires non criminels ainsi que des structures commerciales légales pour mener à bien leurs activités criminelles. En outre, ils tirent parti de la liberté de circulation des capitaux, des biens, des personnes et des services dans l’Union européenne. La sophistication croissante de nombreuses organisations criminelles leur permet, en exploitant les anomalies des différents systèmes, de tirer avantage des lacunes de la loi et des différences juridiques entre les Etats membres. Bien que la menace que constituent les organisations de malfaiteurs extérieures au territoire de l’Union européenne semble s’aggraver, ce sont les groupes originaires d’Europe et opérant à travers tout le continent, composés majoritairement de ressortissants de l’Union européenne et de résidents, qui semblent représenter la menace la plus sérieuse. Ces groupes renforcent leurs contacts criminels internationaux et s’attaquent à la structure sociale et économique de la société européenne à travers le blanchiment de capitaux, le trafic de drogue et la criminalité économique, par exemple. Ils semblent disposer d’une capacité à opérer facilement et efficacement, que ce soit sur la scène européenne ou en d’autres endroits du monde, répondant à la demande illicite par l’acquisition et la fourniture de biens et de services qui vont de la drogue à l’armement en passant par les véhicules volés et le blanchiment des capitaux. Leurs efforts concertés visant à influencer et à entraver l’application des lois et le système judiciaire, illustrent l’envergure et le professionnalisme de ces organisations criminelles. Cette situation requiert une riposte énergique et coordonnée de tous les Etats membres.

Enfin, dans sa Communication du 29 mars 2004 relative à certaines actions à entreprendre dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et d’autres formes graves de criminalité[3], la Commission a estimé que le dispositif de lutte contre la criminalité organisée au sein de l’Union européenne doit être renforcé. Elle indique qu’elle élaborera une décision-cadre ayant pour objet de remplacer l’action commune 1998/733/JAI et que ce texte devrait notamment :

- opérer un rapprochement effectif dans la définition des incriminations et des sanctions concernant les personnes physiques et morales,

- prévoir une incrimination spécifique pour la "direction d'une organisation criminelle",

- définir, le cas échéant, des circonstances particulières aggravantes (commission d'une infraction en lien avec une organisation criminelle) et atténuantes (diminution de peine pour les "repentis"),

- inclure des dispositions aux fins de faciliter la coopération entre les autorités judiciaires et la coordination de leur action.

Ce "reformatage" de l'action commune sur la participation à une organisation criminelle en une décision-cadre permettra ainsi d'opérer un certain parallélisme nécessaire dans la lutte contre les groupes criminels, qu'il s'agisse des organisations terroristes ou de la criminalité organisée.

Par ailleurs, le nouveau texte tient compte des paramètres qui ont changé depuis 1998 :

- Le traité d'Amsterdam qui a succédé au traité de Maastricht, a introduit de nouveaux instruments plus efficaces que "l'action commune" ; la décision-cadre constitue l'instrument adéquat pour procéder à un rapprochement des législations pénales au sein de l'Union dans ce domaine.

- La convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée dite "Convention de Palerme"[4] constitue désormais un cadre international qui détaille les incriminations liées à la participation à un groupe criminel organisé. Cette convention a été approuvée par la Communauté européenne le 21 mai 2004.

- La décision-cadre 2002/475/JAI du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme[5] constitue un élément de référence qui doit être pris en considération. Ce texte définit notamment "le groupe terroriste" en s'inspirant de la définition de "l'organisation criminelle" contenue dans l’action commune 1998/733/JAI, mais constitue un instrument beaucoup plus complet[6].

Article premier (définitions)

L’article premier, 1er alinéa reprend en partie la définition de « l’organisation criminelle » qui figure dans le premier paragraphe de l’article 1er de l’action commune 98/733/JAI.

Il s’agit d’une association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des infractions punissables d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’un maximum d’au moins quatre ans ou d’une peine plus grave.

Comme cela est précisé dans la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, l’objectif de l’organisation est de tirer un avantage financier ou un autre avantage matériel. L’idée selon laquelle l’incrimination de la participation à un groupe criminel organisé suppose que l’objectif poursuivi soit de commettre une « infraction grave » est maintenue. Le critère retenu, comme dans l’action commune, est celui de l’infraction punissable d’une peine de liberté dont le maximum ne doit pas être inférieure à 4 ans ou d’une peine plus lourde.

Cette méthode est jugée préférable à celle qui aurait conduit à établir une liste des infractions concernées. Le seuil de quatre ans d’emprisonnement correspond aussi à celui retenu par la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. De même, l’objectif de l’organisation qui est de tirer un avantage financier ou un autre avantage matériel correspond aux critères retenus par la convention des Nations unies.

Aux termes de l’article 2 b) de cette convention, l’expression « infraction grave » désigne un acte constituant une infraction passible d’une peine privative de liberté dont le maximum ne doit pas être inférieur à quatre ans ou d’une peine plus lourde.

Par ailleurs, il n’a pas paru utile de reprendre le second alinéa de l'article premier de l’action commune dans la présente décision-cadre qui vise les infractions pour lesquels Europol a compétence car le seuil de peine d’emprisonnement encourue est aussi applicable pour celles-ci. Le maintien de ce seuil paraît nécessaire. L’abandon de cette condition pour retenir toutes les infractions visées par la convention Europol élargirait de façon considérable la notion d’organisation criminelle au risque d’atténuer la portée du concept. La notion d’organisation criminelle doit, en effet, rester liée à la notion d’infraction grave. Ceci est en parfaite conformité avec la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

En revanche, le texte reprend la définition de l’association structurée qui est incluse dans l’article 2 de la décision-cadre 2002/475/JAI. L'expression « association structurée » désigne une association qui ne s’est pas constituée au hasard pour commettre immédiatement une infraction.

Article 2 (infractions relatives à la participation à une organisation criminelle)

L’article 2 impose aux États membres l'obligation d’incriminer les différentes formes de participation à une organisation criminelle.

Il incrimine certaines formes de participation qui n’avaient pas été expressément prévues par l’action commune 98/733/JAI mais qui, sous une formulation identique ou voisine, pour l’essentiel, figurent dans la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée.

Ainsi, chaque Etat membre devra prendre les mesures nécessaires pour que soit rendu punissable le fait de diriger une organisation criminelle. De plus, chaque Etat membre devra considérer comme infraction le comportement de toute personne qui, d’une manière intentionnelle, participe activement aux activités criminelles de l’organisation, ou aux autres activités de l’organisation, y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, en recrutant de nouveaux participants ainsi que par toute forme de financement de ses activités, en ayant connaissance que cette participation contribuera à la réalisation des activités criminelles de cette organisation.

Article 3 (sanctions)

L'article 3 concerne les sanctions. Il consiste à opérer un véritable rapprochement des législations pénales au sein de l’Union.

Contrairement à l’action commune qui n’engageait seulement les Etats membres qu’à prévoir des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives, il est nécessaire d’aller plus loin et de fixer des seuils minimaux de peine d’emprisonnement encourue en fonction des différents degrés de participation à l’organisation criminelle.

Le paragraphe 1er fixe la peine encourue pour les infractions liées à la participation à une organisation criminelle conformément à la méthode du « minimum du maximum » utilisée jusqu’à maintenant dans les décisions-cadres : Pour le fait de diriger une organisation criminelle, la peine privative de liberté maximale ne doit pas être inférieure à 10 ans. Pour les autres infractions, la peine privative de liberté maximale ne doit pas être inférieure à 5 ans.

Le paragraphe 2 prévoit une aggravation de la peine encourue pour un certain nombre d’infractions commises dans le cadre d’une organisation criminelle.

Ce paragraphe vise les actes de participation à une organisation criminelle qui consistent en tant que tels en la commission d’infractions et non pas les autres actes qui peuvent prendre diverses formes : création, direction, recrutement, aide matérielle ou financière. Il a pour objectif de prévoir des peines plus sévères pour les infractions graves lorsque celles-ci sont commises dans le cadre d’une association structurée agissant de façon concertée. Il met l’accent sur la particulière dangerosité de la commission d’infraction dans ces circonstances.

Ainsi, il est prévu que les Etats membres doivent prendre les mesures nécessaires pour que les infractions visées à l’article 1er, pour autant qu’elles se rapportent à la participation à une organisation criminelle, soient passibles de peines privatives de liberté plus sévères que celles prévues par le droit national pour de telles infractions quand elles sont commises en dehors du cadre d’une organisation criminelle , sauf dans les cas où les peines prévues sont déjà les peines maximales possibles en vertu du droit national (Paragraphe 1er).

Il s’agit là d’un type de circonstance aggravante qui consiste à prendre en compte dans la répression de la commission d’infractions graves, la dangerosité particulière des individus agissant dans le cadre d’une organisation criminelle, qu’il s’agisse d’une association de type « mafieux » ou d’une bande organisée.

Cette méthode d’aggravation de la peine encourue a, par ailleurs, été retenue dans la décision-cadre 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme mais pour le cas du terrorisme, la peine est aggravée pour une liste d’infractions alors que pour le cas présent, la circonstance aggravante s’applique à toutes les infractions dès lors que le seuil d’emprisonnement encourue est au moins de quatre ans.

Article 4 (circonstances particulières)

L'article 4, qui prend en considération la résolution du Conseil du 20 décembre 1996 relative aux collaborateurs à l'action de la justice dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, fait référence à des circonstances atténuantes lorsque l'auteur d'infractions renonce à ses activités criminelles et fournit certaines informations utiles aux autorités administratives ou judiciaires.

Le texte reprend les termes de l’article 6 de la décision-cadre 2002/475/JAI. Cet article met en œuvre des mesures propres à renforcer la coopération avec les services de détection et de répression telles qu’elles sont prévues par l’article 26 de la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

Par ailleurs, la recommandation n° 25 de la stratégie de l’Union européenne pour le prochain millénaire sur la prévention et le contrôle de la criminalité organisée (2000/C 124/01) prévoit l’élaboration d’un instrument relatif aux personnes qui participent ou ont participé à des organisations criminelles et qui sont disposées à coopérer à l’action de la justice en fournissant des informations utiles aux fins des enquêtes et de l’établissement des preuves ou des informations susceptibles de contribuer à priver les organisations criminelles de leurs ressources ou des produits du crime. Cette proposition devrait notamment prévoir, lorsque c’est envisageable, de réduire la peine infligée à une personne accusée lorsque celle-ci coopère de manière importante dans le cadre d’affaires de cette nature.

Article 5 (responsabilité des personnes morales)

Conformément à l'approche d'un certain nombre d'instruments juridiques adoptés au niveau de l'UE pour combattre différents types de criminalité, il convient de couvrir le cas où des personnes morales sont impliquées dans la criminalité organisée. A cet égard, la recommandation n° 9 de la stratégie de l’Union européenne pour le prochain millénaire sur la prévention et le contrôle de la criminalité organisée (2000/C 124/01) énonce que la Commission est invitée à élaborer une proposition visant à la création d’un instrument concernant l’institution d’une responsabilité pénale, civile ou administrative des personnes morales qui sont impliquées dans des faits relevants de la criminalité organisée.

L'article 5 contient donc des dispositions permettant de tenir une personne morale pour responsable des infractions ou des comportements visés à l’article 2, lorsque ces infractions sont commises ou ces comportements sont adoptés pour leur compte par toute personne, agissant soit individuellement, soit en tant que membre d'un organe de la personne morale en cause, qui exerce un pouvoir de direction (de fait ou de droit) en son sein. Le terme "responsabilité" devrait être interprété de manière à couvrir tant la responsabilité pénale que la responsabilité civile.

En outre, selon une pratique habituelle, le paragraphe 2 prévoit qu'une personne morale peut être tenue pour responsable lorsque le défaut de surveillance ou de contrôle de la part d'une personne habilitée à exercer un contrôle a rendu possible la commission d'infractions pour le compte de la personne morale. Il est indiqué au paragraphe 3 qu'une procédure engagée contre une personne morale n'exclut pas qu'une procédure soit parallèlement engagée contre une personne physique.

Cet article reprend les termes de l’article 7 de la décision-cadre 2002/475/JAI et non ceux de de l’article 3 de l’action commune 98/733/JAI afin de calquer le régime de la responsabilité des personnes morales sur le texte le plus récent et d’opérer un parallélisme avec le texte relatif à la lutte contre le terrorisme.

Article 6 (sanctions à l'encontre des personnes morales)

Des sanctions doivent être prévues à l'encontre des personnes morales déclarées responsables des infractions ou des comportements visés à l’article 2. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives et doivent consister au minimum en des amendes pénales ou non pénales.

D'autres sanctions habituellement susceptibles de s'appliquer aux personnes morales sont également mentionnées.

Cet article reprend les termes de l’article 8 de la décision-cadre 2002/475/JAI et non ceux de de l’article 3 de l’action commune 98/733/JAI pour les mêmes raisons que l’article qui précède.

Article 7 (compétence et coordination des poursuites)

Il s’agit d’un article nouveau par rapport à l’action commune 98/733/JAI. Cet article reprend certains principes retenus dans la décision-cadre 2002/475/JAI.

Sans régler l’ensemble des questions relatives à la compétence, le texte prévoit néanmoins une règle minimale qui consiste à ce que chaque Etat membre veille à ce que sa compétence couvre au moins les cas dans lesquels une infraction visée à l’article 2 a été commise en tout ou partie sur son territoire, quel que soit le lieu où l’organisation criminelle est basée ou exerce ses activités criminelles.

Si plusieurs États membres sont compétents, ils doivent coopérer et se consulter en vue de coordonner leur action et de décider quel Etat membre poursuivra les auteurs de l’infraction. A cette fin, ils se servent, le cas échéant, d’Eurojust.

Sont pris en compte, de façon successive, les éléments de rattachement suivants :

- l’Etat membre sur le territoire duquel les faits ont été commis;

- l’Etat membre dont l’auteur est un ressortissant ou un résident ;

- l’Etat membre d’origine des victimes;

- l’Etat membre sur le territoire duquel l’auteur a été trouvé.

Article 8 (protection et assistance aux victimes)

L'Union européenne attache une importance particulière à la protection et à l'assistance aux victimes. Le Conseil a adopté une décision-cadre, le 15 mars 2001, relative au statut des victimes dans le cadre des procédures pénales. En outre, la Commission a élaboré un livre vert concernant l'indemnisation des victimes de la criminalité.

Dans les affaires de criminalité organisée et en particulier de traite des êtres humains, il convient de veiller à ce qu’une plainte ou une déclaration de la victime ne soit pas nécessaire aux poursuites. Nous avons de nombreux cas où les victimes ont peur des représailles des organisations mafieuses sur elles-mêmes ou leurs familles.

Cet article se situe dans le même esprit que l’article 25 de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée relatif à l’octroi d’une assistance et d’une protection aux victimes ainsi que les articles 6 à 8 du protocole additionnel sur la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

Cet article reprend le texte de l’article 10 de la décision-cadre 2002/475/JAI.

Article 9 (abrogation de dispositions existantes)

Cet article abroge l’action commune 98/733/JAI qui est remplacée par la présente décision-cadre et en tire les conséquences quant à la référence à cette action commune qui est faite dans les actes adoptés sur la base du TUE et du TCE. La participation à une organisation criminelle au sens de la présente décision-cadre se substitue aux références dans les actes adoptés en application du titre VI du Traité sur l’Union européenne à la participation à une organisation criminelle au sens de l’action commune.

Article 10 (mise en œuvre et rapports)

L'article 10 concerne la mise en oeuvre et le suivi de la présente décision-cadre. Le paragraphe 1 prévoit la date à laquelle les États membres à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à la présente décision-cadre.

Le paragraphe 2 prévoit que les États membres communiquent, dans les mêmes délais, au secrétariat général du Conseil et à la Commission le texte des dispositions transposant dans leur droit national les obligations que leur impose la présente décision-cadre. Sur cette base, la Commission soumet un rapport au Parlement européen et au Conseil sur la mise en œuvre de la décision-cadre. Enfin, le Conseil vérifie si les États membres ont pris les mesures nécessaires pour se conformer à la décision-cadre.

Article 11 (entrée en vigueur)

2005/0003 (CNS)

Proposition de

DÉCISION-CADRE DU CONSEIL

relative à la lutte contre la criminalité organisée

LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur l’Union européenne, et notamment son article 29, son article 31, paragraphe 1, point e) et son article 34, paragraphe 2, point b)

vu la proposition de la Commission[7],

vu l'avis du Parlement européen[8],

considérant ce qui suit:

(1) L’objectif du programme de La Haye est d’améliorer les capacités communes de l’Union et de ses Etats membres afin, notamment, de lutter contre la criminalité organisée transfrontière. Cet objectif doit être poursuivi en particulier par le rapprochement des législations[9]. La dangerosité et le développement des organisations criminelles nécessitent une réponse efficace aux attentes des citoyens et aux besoins des Etats membres au moyen d’un renforcement de la coopération entre les Etats membres de l’Union européenne. A cet égard le point 14 des conclusions du Conseil européen de Bruxelles des 4 et 5 novembre 2004 indique que les citoyens d’Europe attendent de l’Union européenne que, tout en garantissant le respect des libertés et droits fondamentaux, elle adopte une approche commune plus efficace des problèmes transfrontières tels que la criminalité organisée.

(2) Dans sa Communication du 29 mars 2004 relative à certaines actions à entreprendre dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et d’autres formes graves de criminalité[10], la Commission a estimé que le dispositif de lutte contre la criminalité organisée au sein de l’Union européenne doit être renforcé et indiqué qu’elle élaborerait une décision-cadre ayant pour objet de remplacer l’action commune 1998/733/JAI du 21 décembre 1998 relative à l’incrimination de la participation à une organisation criminelle dans les Etats membres de l’Union européenne[11].

(3) Aux termes du point 3.3.2 du programme de la Haye, le rapprochement du droit pénal matériel concerne les domaines relevant de la criminalité particulièrement grave ayant une dimension transfrontière et il y a lieu d’accorder la priorité aux domaines de criminalité qui sont spécifiquement évoqués dans les traités. La définition des infractions relatives à la participation à une organisation criminelle devrait donc être rapprochée dans tous les Etats membres. D’autre part, des peines et des sanctions correspondant à la gravité de ces infractions devraient être prévues à l’encontre des personnes physiques et morales qui ont commis de telles infractions ou en sont responsables.

(4) Il convient de prévoir une incrimination spécifique pour la "direction d'une organisation criminelle" et d’inclure des dispositions aux fins de faciliter la coopération entre les autorités judiciaires et la coordination de leur action par l’intermédiaire d’Eurojust.

(5) Le Conseil a adopté la décision-cadre 2001/221/JAI du 15 mars 2001 relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales[12]. Les victimes d’infractions commises dans le cadre des organisations criminelles étant particulièrement vulnérables, des mesures spécifiques doivent être adoptées à leur égard.

(6) L’Union doit compléter le travail important réalisé par les organisations internationales, en particulier la convention des Nations-Unies dite "Convention de Palerme"[13] qui a été approuvée par la Décision 2004/579/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée[14].

(7) Etant donné que les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres, et peuvent être mieux réalisés au niveau de l’Union, celle-ci peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du TCE. Conformément au principe de proportionnalité tel qu’énoncé audit article, la présente décision-cadre n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs.

(8) La présente décision-cadre respecte les droits fondamentaux et les principes reconnus par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en particulier ses articles 6 et 49.

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION-CADRE :

Article premier

Définitions

Aux fins de la présente décision-cadre, on entend par « organisation criminelle » l’association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des infractions punissables d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’un maximum d’au moins quatre ans ou d’une peine plus grave pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel.

L'expression « association structurée » désigne une association qui ne s’est pas constituée au hasard pour commettre immédiatement une infraction et qui n’a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure élaborée.

Article 2

Infractions relatives à la participation à une organisation criminelle

Chaque Etat membre prend les mesures nécessaires pour que soient considérés comme infraction :

le fait de diriger une organisation criminelle

le comportement de toute personne qui, d’une manière intentionnelle et en ayant connaissance soit du but et de l’activité criminelle générale de l’organisation, soit de l’intention de l’organisation de commettre les infractions en cause, participe activement aux activités criminelles de l’organisation, y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, en recrutant de nouveaux participants ainsi que par toute forme de financement de ses activités, en ayant connaissance que cette participation contribuera à la réalisation des activités criminelles de cette organisation.

Article 3

Sanctions

1. Chaque Etat membre prend les mesures nécessaires pour que l’infraction visée à l’article 2 a) soit passible d’une peine privative de liberté maximale ne pouvant être inférieure à 10 ans et que les infractions visées à l’article 2 b) soient passibles d’une peine privative de liberté maximale ne pouvant être inférieure à 5 ans.

2. Chaque Etat membre prend les mesures nécessaires pour que les infractions visées à l’article 1er, commise dans le cadre d’une organisation criminelle, soient passibles de peines privatives de liberté plus sévères que celles prévues par le droit national pour de telles infractions , sauf dans les cas où les peines prévues sont déjà les peines maximales possibles en vertu du droit national.

Article 4

Circonstances particulières

Chaque Etat membre peut prendre les mesures nécessaires pour que les peines visées à l’article 3 puissent être réduites lorsque l’auteur de l’infraction :

renonce à ses activités criminelles, et

fournit aux autorités administratives ou judiciaires des informations, qu’elles n’auraient pas pu obtenir autrement, les aidant à :

prévenir ou à limiter les effets de l’infraction;

identifier ou à traduire en justice les autres auteurs de l’infraction ;

trouver des preuves

priver l’organisation criminelle de ressources illicites ou des profits tirés de ses activités criminelles ou

empêcher que d’autres infractions visées à l’article 2 soient commises.

Article 5

Responsabilité des personnes morales

1. Chaque Etat membre prend les mesures nécessaires pour que les personnes morales puissent être tenues pour responsables de l’une des infractions visée à l’article 2, lorsque ces dernières sont commises pour leur compte par toute personne agissant soit individuellement, soit en tant que membre d’un organe de la personne morale en cause, qui exerce un pouvoir de direction en son sein, sur l’une des bases suivantes :

un pouvoir de représentation de la personne morale ;

une autorité pour prendre des décisions au nom de la personne morale ;

une autorité pour exercer un contrôle au sein de la personne morale.

2. Abstraction faite des cas prévus au paragraphe 1, chaque Etat membre prend les mesures nécessaires pour que les personnes morales puissent être tenues pour responsables lorsque le défaut de surveillance ou de contrôle de la part d’une personne visée au paragraphe 1 a rendu possible la commission d’une des infractions visées à l’article 2, pour le compte de ladite personne morale, par une personne soumise à son autorité.

3. La responsabilité des personnes morales en vertu des paragraphes 1 et 2 n’exclut pas les poursuites pénales contre les personnes physiques auteurs ou complices d’une des infractions visées à l’article 2.

Article 6

Sanctions à l’encontre des personnes morales

Chaque Etat membre prend les mesures nécessaires pour que toute personne morale déclarée responsable au sens de l’article 5 soit passible de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, qui incluent des amendes pénales ou non pénales et éventuellement d’autres sanctions, notamment :

des mesures d’exclusion du bénéfice d’un avantage ou d’une aide public ;

des mesures d’interdiction temporaire ou définitive d’exercer une activité commerciale ;

un placement sous surveillance judiciaire ;

une mesure judiciaire de dissolution ;

la fermeture temporaire ou définitive d’établissements ayant servi à commettre l’infraction.

Article 7

Compétence et coordination des poursuites

Chaque Etat membre veille à ce que sa compétence couvre au moins les cas dans lesquels une infraction visée à l’article 2 a été commise, en tout ou en partie sur son territoire, quel que soit le lieu où l’organisation criminelle est basée ou exerce ses activités criminelles.

Lorsqu’une infraction visée à l’article 2 relève de la compétence de plus d’un Etat membre et que n’importe lequel de ces Etats peut valablement engager des poursuites sur la base des mêmes faits, les Etats membres concernés coopèrent pour décider lequel d’entre eux poursuivra les auteurs de l’infraction avec pour objectif de centraliser, si possible, les poursuites dans un seul Etat membre. A cette fin, les Etats membres se servent, le cas échéant, d’ Eurojust.

Sont pris en compte, de façon successive, les éléments de rattachement suivants :

l’Etat membre sur le territoire duquel les faits ont été commis ;

l’Etat membre dont l’auteur est un ressortissant ou un résident ;

l’Etat membre d’origine des victimes ;

l’Etat membre sur le territoire duquel l’auteur a été trouvé.

Article 8

Protection et assistance apportée aux victimes

1. Les Etats membres s’assurent que les enquêtes ou les poursuites concernant les infractions visées par la présente décision-cadre ne dépendent pas de la déclaration ou de l’accusation émanant d’une personne victime de l’infraction, au moins si les faits ont été commis sur le territoire de l’Etat membre.

2. Outre les mesures prévues par prévues par la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil du 15 mars 2001 relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales[15], chaque Etat membre prend, si nécessaire, toutes les mesures possibles pour garantir une aide adéquate à la famille de la victime dans le cadre de la procédure pénale.

Article 9

Abrogation de dispositions existantes

L’Action commune 98/733/JAI est abrogée. La référence à la participation à une organisation criminelle au sens de la présente décision-cadre se substitue aux références à la participation à une organisation criminelle au sens de l’action commune précitée dans les actes adoptés en application du titre VI du Traité sur l’Union européenne et du Traité instituant la Communauté européenne.

Article 10

Mise en œuvre et rapports

1. Les Etats membres adoptent les mesures nécessaires pour se conformer à la présente décision-cadre au plus tard le (…).

2. Les Etats membres communiquent, au plus tard le (…), au secrétariat général du Conseil et à la Commission le texte des dispositions transposant dans leur droit national les obligations que leur impose la présente décision-cadre. Sur la base d’un rapport établi à partir de ces informations et d’un rapport écrit de la Commission, le Conseil vérifie, pour le (…) au plus tard, si les Etats membres ont pris les mesures nécessaires pour se conformer à la présente décision-cadre.

Article 11

Entrée en vigueur

La présente décision-cadre entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne .

Fait à Bruxelles, le

Par le Conseil

Le Président

[1] Il est cependant difficile de mesurer de façon précise la criminalité organisée dans la mesure où les Etats membres ne publient pas systématiquement des chiffres sur la base d’une définition commune.

[2] JO L 351 du 29.12.1998. Ce texte définit l’organisation criminelle comme « l'association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des infractions punissables d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'un maximum d'au moins quatre ans ou d'une peine plus grave, que ces infractions constituent une fin en soi ou un moyen pour obtenir des avantages patrimoniaux et, le cas échéant, influencer indûment le fonctionnement d'autorités publiques ».

[3] COM(2004) 221 final.

[4] Il s'agit de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée adoptée par la résolution A/RES/55/25 du 15 novembre 2000 à l'occasion de la 55ème Assemblée Générale des Nations Unies. Le 40ème instrument de ratification de cette convention ayant été déposé auprès du Secrétariat Général des Nations Unies le 1er juillet 2003, elle est entrée en application 29 septembre 2003.

[5] JO L 164 du 22.6.2002, p. 3

[6] La Décision-cadre 2002/475/JAI rend punissable la direction d'un groupe terroriste, incrimine les différentes formes de participation aux activités d'un groupe terroriste (qu'il s'agisse de fourniture d'information ou de moyens matériels ou encore de toute forme de financement des activités du groupe terroriste); elle prévoit l'incitation, la complicité et, dans la plupart des cas, la tentative de ces différentes infractions. S'agissant des sanctions, elle introduit un principe de "circonstance aggravante" en prévoyant que les "infractions terroristes" et certaines infractions liées au terrorisme doivent être passibles de peines privatives de liberté plus sévères que celles prévues par le droit national lorsqu'elles sont commises en dehors d'un contexte terroriste; elle fixe le seuil minimal des peines privatives de liberté maximales encourues à 15 ans pour la direction d'un groupe terroriste et à 8 ans pour la participation à un groupe terroriste; elle énumère un certain nombre de sanctions dont peuvent être passibles les personnes morales (en particulier des mesures d'exclusion du bénéfice d'un avantage ou d'une aide public, l'interdiction d'exercer une activité commerciale, le placement sous surveillance judiciaire, la dissolution et la fermeture d'établissement); elle prévoit un système de "repentis" en intègrant des circonstances particulières permettant aux Etats membres de réduire les peines d'emprisonnement lorsque le terroriste renonce à ses activités et fournit certaines informations aux autorités administratives ou judiciaires. Enfin, ce texte établit des règles de compétence et prévoit des dispositions pour faciliter la coordination entre les Etats membres et la centralisation des poursuites.

[7] JO C [] du [], p. [].

[8] JO C [] du [], p. [].

[9] Annexe 1 des conclusions du Conseil européen de Bruxelles des 4 et 5 novembre 2004 (Introduction paragraphe 6).

[10] COM(2004) 221 final.

[11] JO L 351 du 29.12.1998, p.1.

[12] JO L 82 du 22.3.2001, p.1.

[13] La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée a été adoptée par la résolution A/RES/55/25 du 15 novembre 2000 à l'occasion de la 55ème Assemblée Générale des Nations Unies. Le 40ème instrument de ratification de cette convention ayant été déposé auprès du Secrétariat Général des Nations Unies le 1er juillet 2003, elle est entrée en vigueur en application de l'article le 29 septembre 2003.

[14] JO L 261 du 6.8.2004, p. 69.

[15] JO L 82 du 22.3.2001, p. 1.