16.5.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 115/42


Avis du Comité des régions sur la «Coopération décentralisée dans la réforme de la politique du développement de l'UE»

(2006/C 115/09)

LE COMITÉ DES RÉGIONS,

VU la décision de son Bureau, en date du 5 juillet 2005, de confier à la commission des relations extérieures (RELEX) l'élaboration d'un avis d'initiative, en vertu de l'article 265 alinéa 5 du traité CE, sur «la Coopération décentralisée dans la réforme de la politique du développement de l'UE»;

VU «la stratégie des relations extérieures du CdR: lignes directrices» (DI CdR 8/2005) adopté le 30 juin 2005 par la commission RELEX pour transmission au Bureau;

VU le programme de travail de la commission RELEX (CdR 62/2005 pt 8 annexe 6) adopté par le Bureau lors de sa réunion du 12 avril 2005, et notamment son point 1.3;

VU son avis du 23 février 2005 sur la Communication de la Commission sur «La dimension sociale de la mondialisation» (CdR 328/2004 fin) (1);

VU son avis du 9 octobre 2003 sur la communication de la Commission «Commerce et développement — Comment aider les pays en développement à tirer parti du commerce» (CdR 100/2003 fin) (2);

VU son avis du 3 juillet 2003 sur «L'impact pour les autorités locales et régionales des négociations sur l'accord général des services (AGCS) au sein de l'OMC» (CdR 103/2003 fin) (3);

VU les articles du 177 à 181 du Traité instituant la Communauté européenne;

VU les conclusions du Conseil des 23 mai et 24 mai 2005 adoptant notamment les Communications de la Commission du 12 avril 2005;

VU la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social: «Accélérer les progrès vers la réalisation des objectifs du Millénaire pour le Développement: la contribution de l'Union européenne», COM(2005) 132 final du 12 avril 2005;

VU les résultats de la consultation sur le futur de la politique de développement de l'UE lancée par la Commission le 7 janvier 2005;

VU les conclusions du Conseil européen de Bruxelles des 16 et 17 juin 2005, (10255/05) notamment le point IV;

VU l'Accord de Cotonou révisé signé le 25 juin 2005;

VU la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, «Proposition de Déclaration conjointe du Conseil, du Parlement européen et de la Commission, La Politique de Développement de l'Union européenne “Le Consensus européen”», COM(2005) 311 final du 13 juillet 2005;

VU le rapport présenté le 21 mars 2005 par le Secrétaire général des Nations Unies sur l'état et les perspectives de réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement examinés lors du Sommet de New York de septembre 2005;

VU son projet d'avis (CdR 224/2005) adopté le 15 septembre 2005 par sa commission des relations extérieures (rapporteur: Mme Juliette SOULABAILLE, Maire de Corps-Nuds, FR/PSE).

CONSIDÉRANT

1)

qu'il lui appartient de se faire la voix institutionnelle de la spécificité des projets de coopération décentralisée portés par les collectivités territoriales européennes en faveur du développement;

2)

que, pour la pertinence et l'efficacité de l'action de l'UE en faveur de la réalisation des objectifs mondiaux en matière de lutte contre la pauvreté, il importe de considérer l'apport spécifique d'acteurs qui, par nature, ont une expérience du développement et de l'organisation de la démocratie proche des besoins et des attentes de la population;

3)

que la Commission lui a transmis la Proposition de Déclaration conjointe du Conseil, du Parlement européen et de la Commission, La Politique de Développement de l'Union européenne «Le Consensus européen», COM(2005) 311 final;

a adopté à l'unanimité, lors de sa 62ème session plénière des 16 et 17 novembre 2005 (séance du 16 novembre), le présent avis.

1.   Points de vue du Comité des régions

1.1   Concernant la politique européenne de développement

Le Comité des régions

1.1.1

rappelle que la politique de développement de la Communauté est inscrite dans les articles 177 à 181 du Traité, et qu'elle constitue l'une des composantes principales de l'action extérieure de l'Union européenne;

1.1.2

approuve la réforme de la politique de développement européenne adoptée en novembre 2000 se donnant pour objectif principal la lutte contre la pauvreté dans le monde et réaffirmant son engagement en faveur de la démocratie et des droits de l'homme, et conçue dans un esprit de partenariat avec les pays bénéficiaires; souligne l'importance des Objectifs du Millénaire des Nations unies et le fait que ces objectifs privilégient la lutte contre la pauvreté; insiste sur le fait qu'il n'est pas possible d'atteindre ces objectifs ambitieux sans la collaboration active des collectivités territoriales. Cela doit apparaître de manière claire et il convient de reconnaître à ces objectifs un rôle explicite et important dans la coopération en faveur du développement;

1.1.3

apprécie les mesures prises pour renforcer la visibilité et l'efficacité de l'aide européenne, ainsi que son appropriation par les pays bénéficiaires (élaboration de véritables stratégies de développement dans une perspective pluriannuelle, création d'EuropeAid, déconcentration, aujourd'hui effective, des programmes européens auprès des Délégations de la Commission);

1.1.4

constate que la politique de développement de l'Union européenne s'adresse aujourd'hui à 151 pays et territoires dont la liste est établie au niveau international, et s'exerce à travers de multiples programmes géographiques et thématiques, ainsi qu'à travers l'Accord de Cotonou pour ce qui concerne les pays ACP;

1.1.5

regrette que, dans sa volonté de favoriser l'appropriation de ses programmes de développement par la population des pays concernés, la Commission, dans sa Communication de 2002 sur la Participation des acteurs non étatiques (ANE) à la politique communautaire de développement  (4), ait essentiellement pris en compte les organisations de la société civile sans considérer l'apport des collectivités territoriales;

1.1.6

se félicite en conséquence de l'inflexion apportée à cette approche à travers les modifications récemment apportées à l'Accord de Cotonou lors de sa révision à mi- parcours (5), notamment dans son article 4 qui étend désormais aux «autorités locales décentralisées» les dispositions prises jusque là au seul bénéfice des ANE.

1.2   Concernant la place donnée à la coopération décentralisée

Le Comité des régions

1.2.1

entend par «coopération décentralisée» la coopération internationale menée par les collectivités territoriales européennes (telles que définies par la législation respective des États membres) sous la conduite de leur exécutif démocratiquement élu et mobilisant les forces vives de leur territoire, entités distinctes à la fois du pouvoir central de l'État et de la société civile;

1.2.2

regrette que l'apport des collectivités territoriales européennes à la politique de développement européenne, comme à d'autres politiques d'aide extérieure, soit aujourd'hui encore largement méconnu;

1.2.3

constate que cette méconnaissance se traduit en particulier par la place fluctuante faite aux collectivités locales selon différents programmes qui relèvent de la politique de développement, et qui fait que

a)

certains programmes, comme URB-AL ou Asia-Urbs (désormais intégré dans Asia Pro Eco II) leur font une place spécifique,

b)

dans la Communication de la Commission de 2002 sur la Participation des acteurs non-étatiques à la politique communautaire de développement, tout comme dans l'Accord de Cotonou signé en juin 2000, les «autorités» locales sont mentionnées parmi les acteurs étatiques, distincte des ANE (acteurs non-étatiques),

c)

alors que dans le règlement concernant la ligne «coopération décentralisée», les mêmes «autorités locales (municipalités comprises)» figurent parmi une longue énumération d'acteurs émanant de la société civile;

1.2.4

souhaite que, dans la prise en considération d'acteurs du développement autres que les gouvernements, un meilleur équilibre soit établi entre les diverses formes d'organisation de la société civile désignées comme «acteurs non-étatiques» et les collectivités territoriales. Ce souhait ne s'oppose en rien aux partenariats qu'établissent souvent les collectivités avec des ANE pour mener leur coopération décentralisée.

1.3   Concernant les collectivités locales acteurs de la politique de développement

Le Comité des régions

1.3.1

souligne que les collectivités locales européennes entretiennent depuis de nombreuses années, dans le cadre des dispositions nationales des États membres, des relations de coopération avec des homologues de pays extérieurs à l'Union européenne, en particulier des pays en développement;

1.3.2

observe que, quel que soit le degré d'initiative donné aux collectivités, les États membres leur offrent souvent, de diverses manières, des appuis visant à renforcer l'efficacité de leur coopération décentralisée, et à encourager l'articulation de celle-ci avec celle qu'ils mènent au niveau de l'État en matière de développement, reconnaissant ainsi l'apport complémentaire des collectivités;

1.3.3

rappelle que les collectivités apportent à la coopération décentralisée le savoir-faire et l'expérience tirés de l'exercice de compétences variées: services à la population en matière de santé et d'éducation, services urbains (eau, déchets), développement économique du territoire, y compris à travers le commerce, mais aussi appui institutionnel pour la gestion locale, expérience de la démocratie locale et régionale et d'institutions démocratiques fonctionnelles, valorisation du patrimoine, sans compter le rôle qu'elles peuvent jouer en faveur de la paix («diplomatie des villes»). Leur action est donc particulièrement précieuse pour que les «autorités locales décentralisées» des pays en développement, puissent mieux faire face aux responsabilités que leur confie la décentralisation;

1.3.4

Souligne en même temps que les collectivités territoriales sont un lieu de sensibilisation privilégié pour attirer l'attention des citoyens européens sur la problématique de l'aide au développement et les encourager à agir dans ce sens;

1.3.5

reconnaît que la diversité des dispositifs nationaux, la variété des domaines dans lesquels s'exerce la coopération des collectivités locales, les caractéristiques de chaque collectivité et les moyens humains et financiers d'importance variable qu'elle consacre à sa coopération décentralisée constituent jusqu'ici un paysage à la fois riche et complexe;

1.3.6

considère que la lisibilité est un élément essentiel pour la reconnaissance de l'apport des collectivités dans la lutte contre la pauvreté et en faveur de l'exercice de la démocratie, car elle permet de considérer la coopération décentralisée non plus comme une simple multiplication d'actions ou de programmes, mais en tant que dimension locale d'une stratégie globale en faveur du développement à l'échelon d'un pays ou d'une région;

1.3.7

salue les initiatives prises par les collectivités locales, tant européennes que des pays en développement pour structurer leur coopération sur des bases thématiques ou géographiques;

1.3.8

se félicite de la création en 2004 de l'organisation mondiale «Cités et Gouvernements Locaux Unis» (CGLU), désormais reconnue comme interlocuteur par les Nations Unies, fondée sur des valeurs de paix, d'autonomie locale et de solidarité, et rassemblant les collectivités de toutes les régions du monde autour de la problématique de la coopération internationale.

1.4   Concernant la Proposition de Déclaration conjointe du Conseil, du Parlement européen et de la Commission, La Politique de Développement de l'Union européenne «Le Consensus européen», COM(2005) 311 final

Le Comité des régions

1.4.1

remercie la Commission de l'avoir fait destinataire de sa proposition de Déclaration conjointe, d'une haute portée politique;

1.4.2

s'en félicite car il considère que cette transmission est en soi un élément de la reconnaissance des collectivités locales en tant qu'acteurs de la politique européenne de développement;

1.4.3

partage l'optique générale du texte qui vise à ce que «la mondialisation soit une force positive pour l'humanité tout entière», position qu'il a lui même développée dans l'un de ses précédents avis (6);

1.4.4

apprécie la volonté de doter l'action de l'Union européenne en faveur du développement d'une cohérence plus forte: à travers la définition d'un «cadre thématique» pour guider le choix des priorités, entre les politiques internes et externes (particulièrement nécessaire en matière de commerce international et d'agriculture), entre l'action de la Commission et celle des États membres;

1.4.5

se félicite de voir le rôle des collectivités locales explicitement mentionné dans plusieurs des thèmes d'actions retenus, en tant qu'acteurs de gouvernance locale et de développement décentralisé, tout en estimant qu'il pourrait également être mentionné dans d'autres domaines (accès à l'eau notamment);

1.4.6

attend avec intérêt le texte spécifique à la situation et l'aide en faveur de l'Afrique annoncé par la Commission.

2.   Recommandations du Comité des régions

Le Comité des régions

2.1

recommande de considérer la place de la coopération décentralisée selon les principes suivants:

a)

l'approche globale de la lutte contre la pauvreté dans le monde et les activités visant à la réalisation des Objectifs du Millénaire des Nations unies doivent comporter une reconnaissance explicite de la dimension locale aussi bien en termes de besoins qu'en termes de possibilités de satisfaire ces besoins;

b)

il importe donc de reconnaître que les collectivités disposent, aux côtés d'autres acteurs, de savoir-faire et d'expérience spécifiques tenant à l'exercice de leurs compétences et de leurs responsabilités vis-à-vis de la population de leur territoire;

c)

pour améliorer son impact, la politique européenne de développement doit intégrer dans ses stratégies la contribution d'acteurs qui sont à la fois porteurs de démocratie et de développement et partagent les principes de partenariat et d'appropriation qui sont ceux de l'Union;

d)

Reconnaît que le développement international est un processus à double sens et que si les collectivités locales et régionales européennes ont beaucoup à lui apporter en termes d'idées et de meilleures pratiques, elles bénéficieront également elles-mêmes d'une plus grande interaction avec les gouvernements ainsi que les collectivités et les communautés locales dans le monde et d'une association accrue à ces instances en tirant les enseignements de leur travail et de leurs expériences;

e)

Reconnaît qu'une meilleure gouvernance est la clé d'une politique de développement réussie et estime que l'élément clé de cette bonne gouvernance est la reconnaissance du fait que c'est au niveau le plus proche possible des citoyens que les meilleures décisions sont prises;

2.2

propose, en s'appuyant sur les organisations déjà mises en place par les collectivités pour structurer leur coopération décentralisée en faveur du développement, notamment dans le cadre de Cités et Gouvernements Locaux Unis, ainsi que sur les organismes concourant à valoriser la coopération décentralisée, de retenir les modalités suivantes:

2.2.1

en direction des collectivités locales européennes:

a)

mener une identification des opérations de coopération décentralisée, condition première pour que sa richesse soit appréciée par les interlocuteurs communautaires, et pour favoriser les échanges d'expérience et les synergies entre collectivités. L'exemple de l'observatoire des relations de coopération décentralisée Europe/Amérique latine (suite à un appel à projets lancé dans le cadre d'Urb-Al) doit être salué et envisagé pour d'autres régions du monde;

b)

encourager la création d'une plate-forme analogue à celle dont disposent les ONG (CONCORD) de manière à instaurer un dialogue politique entre institutions communautaires et collectivités locales tournées vers le développement;

c)

faciliter les échanges d'informations et de réflexion, de manière à les partager entre collectivités, y compris en prévoyant le financement de programmes de jumelage entre collectivités de l'UE et celles de pays en développement;

d)

examiner dans le cadre d'une étude les différents dispositifs législatifs et réglementaires qui, dans les différents États membres conditionnent les actions de coopération internationale menées par les collectivités territoriales;

2.2.2

en direction des collectivités des pays en développement, décliner les principes généraux de l'aide au développement européenne selon une approche décentralisée:

a)

en relation avec la déconcentration de l'action de la Commission: les Délégations de la Commission devraient être sensibilisées à la dimension locale, en mettant l'accent sur la complémentarité de la coopération décentralisée par rapport à celle qui est menée au niveau de l'État, ainsi que sa pertinence face aux besoins des collectivités locales des pays concernés, pour une avancée de la démocratisation et de la décentralisation. Des lignes directrices pourraient être élaborées en ce sens, afin d'en tenir compte dans tous les stades de l'élaboration des programmes, dès leur conception et jusqu'au financement de leur réalisation;

b)

pour le renforcement de l'intégration régionale, l'émergence d'associations et de réseaux d'élus locaux de pays en développement pourrait être encouragée, et bénéficier du concours de leurs homologues européens;

c)

pour l'harmonisation de l'aide, des «Forums pays» rassemblant les collectivités européennes intervenant dans un même pays en développement pourraient être organisés; ils pourraient être envisagés sur les quatre pays où, suite aux décisions du Conseil de Barcelone de mars 2002, l'harmonisation de l'aide entre États Membres est elle-même testée;

2.3

recommande d'inclure les collectivités locales dans l'animation de la politique européenne de développement souhaitée par la Commission; elles savent déjà jouer, très souvent en relation avec des ONG, un rôle dans la sensibilisation du public aux enjeux de la lutte contre la pauvreté dans le monde par des actions spécifiques auprès de leurs administrés, et notamment les jeunes;

2.4

Concernant la Proposition de Déclaration conjointe du Conseil, du Parlement européen et de la Commission, La Politique de Développement de l'Union européenne «Le Consensus européen», COM(2005) 311 final.

Le Comité des régions

2.4.1

s'interroge, vu l'attention marquée pour les pays ayant un «partenariat difficile» avec l'Union européenne, sur les transformations dont fera l'objet à partir de 2007 la ligne «coopération décentralisée» qui leur est aujourd'hui (7) spécifiquement réservée, alors qu'elle est dotée d'un montant notoirement insuffisant;

2.4.2

souhaite que l'aide budgétaire, qui devrait prendre une importance croissante dans les modalités de l'aide européenne, soit l'occasion pour les gouvernements bénéficiaires de transférer du budget national aux collectivités locales des fonds en rapport avec les responsabilités qui leur sont confiées par les mesures de décentralisation en cours;

2.4.3

demande à la Commission, à la faveur de cette nouvelle étape de la politique de développement de l'Union européenne, de prendre en considération les recommandations exprimées dans le présent avis.

Bruxelles, le 16 novembre 2005.

Le Président

du Comité des régions

Peter STRAUB


(1)  JO C 164 du 5.7.2005, p. 82

(2)  JO C 23 du 27.1.2004, p. 8

(3)  JO C 256 du 24.10.2003, p. 83

(4)  COM(2002) 598 final.

(5)  COM(2005) 185 final.

(6)  CdR 328/2004 fin.

(7)  Règlement 625/2004 du Conseil portant sur les années 2004-2006 — ligne budgétaire 21 02 13.