3.2.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 28/47


Avis du Comité économique et social européen sur «La mobilité des personnes dans l'Europe élargie et son impact sur les moyens de transport»

(2006/C 28/09)

Le 10 février 2005, le Comité économique et social européen a décidé, en vertu de l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le thème: «La mobilité des personnes dans l'Europe élargie et son impact sur les moyens de transport».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 octobre 2005 (rapporteur: M. LEVAUX).

Lors de sa 421ème session plénière des 26 et 27 octobre 2005 (séance du 26 octobre 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 74 voix pour et 4 abstentions.

1.   Objet de l'avis d'initiative

1.1

À l'horizon 2020/2030 l'Union Européenne, qui comporte aujourd'hui 25 États membres, sera certainement élargie avec l'adhésion de nouveaux États à commencer par la Roumanie, la Turquie, la Bulgarie, la Croatie etc. Sans préjuger d'éventuelles adhésions supplémentaires, il est probable qu'en termes de coopération et d'échanges, les limites d'influence de proximité de l'UE s'étendront aux États périphériques comme l'Ukraine, la Géorgie et la Russie.

1.2

Dans ce vaste espace territorial à la dimension d'un continent, qui s'inscrira dans un rectangle de 6 000 km d'Est en Ouest et de 4 000 km du Nord au Sud, de nouveaux besoins se feront sentir concernant le transport des personnes pour permettre la libre circulation en application des principes de liberté, pour développer une forme de démocratie européenne qui suppose les échanges culturels et pour favoriser le développement économique.

1.3

C'est en référence à l'objectif fixé lors du Sommet de Lisbonne en l'an 2000 que doit s'envisager le développement des moyens de transport correspondant aux besoins de mobilités probables dans les 2 ou 3 prochaines décennies:

«L'Europe doit devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale».

1.4

Ainsi l'ensemble des propositions visant à développer les moyens de transport des personnes, collectifs et individuels, devra tenir compte:

des plus récentes études prospectives concernant les besoins quantitatifs et qualitatifs de déplacement des personnes à l'horizon 2020/2030,

du comportement plus réactif des citoyens européens, stimulés par les objectifs de compétitivité préconisés par l'Union Européenne en ce début du 21e siècle,

du changement de comportement des citoyens européens plus respectueux de l'environnement,

des besoins d'échanges dans les domaines de la culture, des patrimoines (artistiques, architecturaux, etc.), de l'éducation, de la connaissance scientifique,

d'une population européenne plus cosmopolite, sur un territoire dont la surface aura plus que doublé,

de l'apparition et de l'extension de nouvelles technologies, permettant d'envisager de nouveaux moyens de déplacements (pour autant que les réglementations, les crédits de recherche et les modes de financements des investissements nécessaires à leur émergence et à leur réalisation soient rapidement décidés),

d'une augmentation des échanges et du tourisme en provenance de l'extérieur de l'Europe, en particulier du Sud-est asiatique, de la Chine et de l'Inde.

1.5

Toutes réflexion et mesures relatives au développement des moyens de transport des personnes devront, dans un souci d'inclusion et d'égalité des chances, tenir compte des passagers à mobilité réduite (PMR), telles que les personnes handicapées, âgées et les très jeunes enfants. Pour assurer aux PMR une mobilité indépendante et sans entraves, il conviendra de mettre en place des dispositions réglementaires, garantissant que les futurs moyens de transport et infrastructures connexes leur seront accessibles, comme dans les transports aériens pour lesquels la Commission propose un règlement précisant les droits des PMR (1).

1.6

Le Comité constate que depuis plusieurs décennies l'Union Européenne s'est activement préoccupée du transport des marchandises et a multiplié les initiatives pour augmenter les capacités de transport de fret afin de favoriser les échanges européens, et donc le développement économique. Les réalisations d'infrastructures de transport se sont ainsi multipliées principalement dans le domaine des infrastructures routières, plus rarement dans le domaine ferroviaire et exceptionnellement dans le domaine fluvial.

1.7

Fin 2005, la Commission va présenter une communication sur les résultats obtenus à mi-parcours des propositions faites dans le Livre Blanc sur «La politique européenne des transports Horizon 2010: l'heure des choix». Il sera alors possible de vérifier l'évolution de la place des usagers au cœur de la politique des transports et de vérifier si la prise en compte du développement durable s'est traduite par un réel transfert de l'augmentation du transport de fret vers des modes de transport alternatif à la route (rail, voies navigables et maritimes …). Le Comité, sur la base de ce bilan et le moment venu, présentera dans les formes habituelles un avis approprié qu'il ne convient pas d'anticiper ici.

1.8

En attendant ce bilan, le Comité constate que si, en nombre total de passagers-km dans l'Ouest de l'Europe, des projections de l'Union Internationale des Chemins de fer existent pour 2010/2020 (2), il manque une réflexion globale concernant le transport des personnes. Depuis plusieurs décennies, il semble admis qu'en satisfaisant les exigences et les besoins concernant le transport de fret, on apportera des solutions suffisantes au transport des personnes. Ce constat est une évidence pour le développement des infrastructures routières qui sont utilisées indifféremment pour le transport de fret et pour les déplacements individuels ou collectifs des personnes (automobile, autocar). Les routes ont eu de tout temps cette double vocation. Aujourd'hui le développement du trafic rend la coexistence du transport de fret et des déplacements des personnes difficile, voire dangereuse, sur de nombreux axes routiers. Ce besoin prioritaire en faveur du seul transport de fret a eu pour effet de privilégier les infrastructures routières, utilisables à la fois par le fret et les personnes, au détriment des autres modes de transport.

1.9

Le Comité estime que cet état de fait:

est éloigné de la priorité fixée par le Livre blanc qui place l'usager au cœur de la politique des transports,

est difficilement compatible avec la volonté réaffirmée de prise en compte des principes du Développement durable,

est peu favorable au regard de la nécessaire recherche de cohésion européenne qui passe par la facilitation des échanges de toute nature, donc de la mobilité des personnes,

ne tient pas compte du bénéfice que l'Union Européenne peut recevoir grâce au développement du tourisme international en provenance de la Chine et de l'Inde qui, à l'horizon 2030, devraient atteindre un niveau de vie suffisant pour permettre à plusieurs centaines de millions de leurs ressortissants de voyager chaque année dans le monde.

1.10

Dans ces conditions, le Comité, dont la vocation n'est pas d'engager des études, demande que la Commission engage rapidement une réflexion globale pour:

évaluer à l'horizon 2020/2030 l'importance des déplacements des personnes au sein de l'UE et de sa zone d'influence de proximité,

estimer à l'horizon 2020/2030 l'importance des mouvements des Européens qui sortiront de l'espace européen pour des destinations internationales et l'importance des étrangers à l'UE qui entreront et circuleront dans l'espace européen pour affaire, pour tourisme ou pour d'autres raisons,

vérifier à partir de ces évaluations prospectives que les capacités existantes ou actuellement planifiées dans les différents programmes sont compatibles pour satisfaire les besoins exprimés en matière de transport des personnes à l'horizon de 2020/2030,

proposer, dans un nouveau Livre blanc 2010 dédié à la politique des transports, une place plus importante sur «le déplacement des personnes dans l'Europe élargie et son impact sur les moyens de transport à l'horizon 2020/2030», avec un programme d'action en cohérence avec les ambitions et les intérêts de l'UE et de ses citoyens.

2.   Orientations et champ d'investigation d'une réflexion globale dédiée au déplacement ou à la mobilité des personnes

2.1   Les nouvelles dimensions de l'Espace européen: distance et temps

2.1.1

Le Comité souhaite que la Commission intervienne pour que les décideurs et les citoyens européens prennent conscience des dimensions géographiques de l'espace européen tel qu'il est aujourd'hui et tel qu'il sera dans un avenir proche. En effet en une génération, l'UE qui comporte actuellement 25 États membres, aura à l'horizon 2020/2030 sans doute accueilli de nouveaux États, élargi sa zone d'influence du fait de la proximité (ou compte tenu de coopération avec des États voisins) pour couvrir tout le continent européen au sein duquel les problèmes de transport de personnes, comme d'ailleurs de fret, doivent s'envisager à une échelle différente.

2.1.2

A ce jour trop peu d'Européens ont conscience que l'UE, et sa zone d'influence, couvrira un territoire qui s'étend d'Est en Ouest de l'Océan Atlantique au cœur de la Russie par la Mer Noire et la Volga ou par la Mer Baltique, et du Nord au Sud jusqu'au bord de la Méditerranée et, donc, du continent africain.

2.1.3

Dans ce nouvel espace, les distances et les durées nécessaires aux déplacements ne peuvent plus s'envisager comme un prolongement ou dans une simple continuité de la situation que nous avons connue précédemment, compte tenu des limites technologiques et des vitesses prévisibles à moyen terme.

2.1.4

De même la mondialisation et l'élévation recherchée et probable des niveaux de vie de certains pays à forte population favoriseront l'émergence de besoins quantitatifs en déplacement de centaines de millions de personnes vivant à l'extérieur de l'UE et qui, chaque année, auront le désir ou la nécessité d'entrer dans l'espace européen pour y circuler à l'occasion de déplacements successifs de durée relativement courte. Le Comité estime en conséquence que la prise en compte des nouvelles dimensions de l'Europe doit se faire tant au niveau des distances (au sein de l'espace européen lui-même, de sa zone d'influence de proximité, et de ses relations internationales), qu'au niveau du temps (durée des déplacements, vitesse des moyens de transport, optimisation du temps consacré aux déplacements selon les souhaits et les contraintes des utilisateurs).

2.2   Les champs possibles d'une réflexion globale dédiée à la mobilité des personnes

2.2.1

Les principales raisons qui justifient le besoin de déplacement des personnes:

 

La libre circulation des personnes et des biens est un principe fondamental au cœur de la construction européenne. Le Comité estime qu'il faut en permanence vérifier que ce principe est convenablement appliqué, notamment aujourd'hui avec le double effet de l'élargissement et de la mondialisation. Le respect de ce principe constitue un enjeu majeur pour la démocratie et la cohésion européennes.

 

La libre circulation des personnes implique de fixer des règles (juridiques, judiciaires, protection contre le terrorisme, transport des personnes à mobilité réduite, etc.). Ce n'est pas l'objet du présent avis d'initiative consacré aux moyens et aux équipements qu'il convient de réunir pour satisfaire ce principe de libre circulation de personnes donc de leur mobilité.

 

Identifier les raisons pour lesquelles les personnes souhaitent ou doivent se déplacer est un préalable indispensable car en fonction de ces raisons et de leurs importances qualitatives et quantitatives respectives, les moyens à mettre en œuvre seront différents.

2.2.2

Le Comité suggère, sans être exhaustif, d'explorer les raisons suivantes:

déplacements pour affaires (échanges commerciaux, professionnels …);

déplacements liés à la formation et aux échanges de savoirs (étudiants, colloques, coopération en matière de recherche …);

déplacements pour raisons professionnelles (emploi avec détachement, exercice d'un métier, ...);

déplacements pour découvertes et échanges (tourisme, culture, patrimoine …);

etc.

2.2.3

Le Comité suggère que la réflexion globale dont il demande l'ouverture se limite à des déplacements qui génèrent des flux répétitifs ou continus d'une certaine ampleur.

2.2.4   Deux façons de se déplacer

Il conviendra de prendre en compte les façons dont les personnes souhaitent se déplacer car elles déterminent pour partie les moyens qui seront utilisés.

On peut distinguer deux grandes catégories:

Le déplacement individuel ou en très petits groupes (quelques personnes, couple, famille, …)

Nota: On pourrait, par exemple, retenir pour la dimension d'un petit groupe le nombre de passagers autorisés par les codes de la route à circuler dans un véhicule conduit par un particulier.

Le déplacement en groupe d'importance diverse (professionnels, touristes, retraités, vacanciers, etc.).

2.2.5   Les distances parcourues

Le Comité souhaite limiter le champ de la réflexion globale en précisant que la limitation de ce champ nécessite en elle-même une réflexion particulière. En effet il est à priori évident que, selon les distances à parcourir, les moyens qui peuvent être utilisés seront multiples, différents, complémentaires et coordonnés. De même les temps que les usagers souhaitent consacrer aux déplacements sont fonction des distances à parcourir, des moyens utilisés ou des raisons pour lesquelles ils se déplacent. De même s'agissant de définir les moyens à mettre œuvre il faut tenir compte des structures qui en auront la responsabilité (État, collectivités locales, communes…).

2.2.6

C'est la raison pour laquelle le Comité propose de distinguer les distances de:

0 à 100 km: exclu du champ de la réflexion globale à engager car il s'agit de déplacements urbains ou périurbains, qui relèvent de l'organisation des villes ou des groupements de villes, donc d'un sujet particulier à traiter séparément. Les difficultés rencontrées partout en Europe pour développer en matière de transports urbains des offres de services adaptées et cohérentes (sécurité, confort, respect de l'environnement, pollution, qualité et continuité du service…) imposent la mise en commun des expériences pour en tirer le meilleur profit pour les usagers;

100 à 250 km: avec des déplacements allers-retours journaliers de plus en plus fréquents, inclus pour les frontaliers. Par exemple pour des trajets «domicile-lieu de travail» grâce à des moyens de transport rapides et peu coûteux permettant à ceux qui résident loin des grands centres urbains de se rendre quotidiennement sur leur lieu de travail;

250 à 750 km: distances pour lesquelles il convient d'examiner les conditions dans lesquelles peut s'exprimer une concurrence entre la route (véhicules privés ou cars) et le ferroviaire (classique ou grande vitesse);

750 à 1.500 km: distances pour lesquelles il convient d'examiner les conditions dans lesquelles peut s'exprimer une concurrence entre le ferroviaire (grande vitesse) et l'aérien;

Supérieures à 1.500 km: distances à l'échelle du continent européen pour lesquelles plus que pour des distances inférieures la contrainte temps est prioritaire et rend incontournable le redéploiement du transport aérien.

2.2.7

Enfin dans ce chapitre consacré aux distances, il conviendra d'intégrer les déplacements internationaux ou transcontinentaux pour prendre en compte les flux entrants et sortants de l'espace européen.

2.2.8

Le Comité souhaite évidemment que la réflexion globale qu'il demande porte sur les moyens de transport et les infrastructures utilisables pour les déplacements des personnes. Dans ce domaine, il faut non seulement identifier, évaluer et optimiser les moyens existants qui sont déjà largement connus, mais il faut aussi explorer sans à priori des voies nouvelles susceptibles d'intégrer rapidement les techniques et des technologies qui apparaîtront dans ce domaine au cours des prochaines décennies. Cela suppose à la fois que la Commission fasse des propositions pour favoriser, organiser et coordonner des programmes de recherche sur l'évolution des moyens de transport et anticiper les besoins du futur tout en permettant d'intégrer les opportunités.

2.2.9

Les moyens de transport actuels pour les personnes pourraient, dans le cadre de cette réflexion globale, être répertoriés comme suit:

Le transport routier: les déplacements se font en véhicules privés et en cars. Rien ne permet aujourd'hui d'anticiper une remise en cause de ces modes de transport (bien au contraire) qui devront bénéficier des avancées technologiques en matière de moteurs et de carburants moins polluants. Deux attitudes sont possibles:

Laisser faire, attendre et constater les évolutions en espérant pouvoir corriger les effets les plus néfastes,

Définir les axes d'une politique volontariste par exemple en préparant les réseaux de maintenance et d'alimentation des futurs véhicules utilisant des nouveaux carburants, en créant et en entretenant des infrastructures uniquement dédiées à certains véhicules et usagers de la route, en reprenant les recherches sur les autoroutes intelligentes les dispositifs d'assistance et de prise en charge de la conduite sur de longues distances.

Le transport ferroviaire: semble aujourd'hui privilégier le transport à grande vitesse en occultant parfois malheureusement l'insuffisance du réseau traditionnel.

Le transport aérien, compte tenu des conditions nouvelles dans lesquelles évolue l'UE, est un moyen incontournable à la fois sur les grandes distances et pour les échanges internationaux. Face aux évolutions constatées et au programme de commercialisation rapide de l'Airbus A 380, très rapidement les infrastructures aéroportuaires européennes (incluses les liaisons avec les centres urbains à desservir) doivent être aménagées pour recevoir ces avions «gros-porteurs» et absorber les augmentations de trafic qu'ils anticipent.

Le transport par voies maritimes en mer du Nord, en mer Baltique ou en Méditerranée, assure localement et régulièrement le transport des personnes sur des distances plus ou moins grandes. Ce mode de transport peut notamment sur les lignes des «autoroutes de la mer» être développé et compléter d'autres modes de transport.

Le transport par voies navigables est considéré aujourd'hui comme marginal, sauf dans quelques capitales construites sur un fleuve, où les personnes se rendent à leur travail ou font du tourisme (croisière fluviale ou «bateaux-bus»). Il doit pouvoir être envisagé dans le domaine des «possibles» et non systématiquement rejeté (desserte de l'aéroport de Venise, etc.).

2.3   L'évaluation des besoins de déplacement des personnes à l'horizon 2020/2030.

2.3.1

Le Comité en recherchant des données chiffrées sur les prévisions disponibles en matière de déplacements des personnes dans les prochaines décennies a fait le constat d'une réelle insuffisance dans ce domaine. Les constats réalisés sur le passé sont relativement nombreux, mais ils ne permettent pas de faire des projections suffisamment fiables sur l'avenir. Ils ne prennent en compte ni les évolutions récentes comme l'élargissement de l'UE à 25 États membres, ni les perspectives à moyen terme des nouvelles adhésions envisagées, ni les évolutions au sein des pays situés dans la zone d'influence de proximité de l'UE.

2.3.2

Le CESE n'a pas eu connaissance d'enquête disponible sur les conséquences et l'impact potentiel pour l'UE de l'évolution des niveaux de vie dans des pays émergents permettant de faire circuler plusieurs centaines de millions de leurs ressortissants à l'extérieur de leurs frontières chaque année et, dès 2020 pour la Chine et probablement 2030 pour l'Inde (prévisions convergentes émanant de sources distinctes). Le chiffre avancé et souvent repris de 100 millions de Chinois pouvant chaque année voyager en touristes hors de leurs frontières en 2020 paraît aujourd'hui irréaliste. Cela ne représente cependant que 8 % de la population chinoise. Un pourcentage inférieur à celui des Japonais voyageant actuellement hors de leurs frontières (environ 12 millions de personnes). Une étude récente affirme que dès aujourd'hui 4 % de la population chinoise dispose en moyenne du même niveau de vie que la moyenne des Européens. 4 % c'est peu, mais à l'échelle de la Chine cela représente plus de 50 millions de personnes !

2.3.3

Par comparaison, en supposant que seulement 50 millions de Chinois choisissent de venir en Europe et adoptent un comportement touristique les conduisant à utiliser l'avion pour visiter plusieurs pays de l'UE pour des séjours relativement courts (une dizaine de jours en moyenne), le Comité souhaite que l'UE s'interroge sur l'évolution nécessaire des capacités, après vérification des hypothèses prévisionnelles. Il incite les États à se doter de moyens adaptés pour bénéficier de l'apport économique qu'une telle évolution du tourisme peut lui apporter. A défaut, le besoin de mobilité ayant atteint les Chinois et les Indiens, ceux-ci iront, le moment venu, là où on sera en mesure de les accueillir.

2.3.4

Le Comité à pris connaissance avec intérêt du dossier publié par la Commission intitulé: «European energy and transport: Scenario on key drivers», en septembre 2004. Ce document, auquel il convient de se référer, fourni les résultats d'une enquête prospective dans de nombreux domaines en visant trois horizons: 2010/2020/2030. L'objectif est principalement tourné vers les besoins énergétiques et les possibilités d'utilisation d'énergies moins polluantes et/ou renouvelables. Le chapitre VI est consacré dans cette perspective au transport et permet certaines projections qu'il conviendrait de pouvoir recomposer pour extraire et isoler les données propres au transport des personnes actuellement présentées en parallèle avec le transport de fret qui conserve une position dominante dans ces statistiques.

2.3.5

L'annexe de ce rapport (3) fournit quelques indications sur les évolutions envisagées.

On notera que ces projections sont établies pour 30 pays (les 25 États membres auxquels la Commission a ajouté la Roumanie, la Bulgarie, la Suisse, la Norvège et la Turquie). Globalement l'activité transport de personnes croît dans ces 30 pays sur une période de 40 ans. (Gpkm = Gigapassenger-kilomètre)

4.196 Gpkm en 1990 à 5.021 en 2000 (+ 20 % en 10 ans)

5.817 Gpkm en 2010 (+ 16 % en 10 ans)

6.700 Gpkm en 2020 (+ 15 % en 10 ans)

7.540 Gpkm en 2030 (seulement 12,5 % en 10 ans)

2.3.6

Le Comité note que, de façon intéressante, les prévisions de croissance pour les décennies à venir sont inférieures à la croissance constatée pour la période 1990/2000. Cela laisserait supposer que la mobilité des personnes n'est plus un critère de vitalité économique.

2.3.7

On remarquera que le transport des personnes par la route en véhicules privés augmentera de 45 % sur la période 2000/2030 et le transport ferroviaire seulement de 30 %. Le transport aérien dans le même temps augmentera de 300 %. Le Comité n'est pas en mesure d'apprécier la cohérence de ces prévisions, mais il note qu'elles doivent faire l'objet d'un examen approfondi pour avoir une vision globale de la situation à moyen et long terme.

2.3.8

Le Comité demande donc qu'une enquête prospective complète et spécifique soit lancée par la Commission pour apprécier aussi complètement que possible les besoins quantitatifs et qualitatifs pour faire face aux besoins de déplacements des personnes aux horizons 2020 et 2030.

2.3.9

Cette enquête devrait porter non seulement sur les 30 pays définis par la Commission elle-même dans le document précité mais encore sur les pays situés dans la zone d'influence et de proximité de l'UE (Croatie, Albanie, Ukraine Russie, Afrique du Nord…) qui dans les 25 ans qui viennent auront, quelque que soient les modalités, des relations renforcées avec l'UE.

2.3.10

L'enquête devrait aussi permettre d'évaluer l'impact des déplacements internationaux notamment ceux du tourisme en provenance des pays émergents (Chine, Inde, …) pour les mouvements d'entrées et de sorties de l'espace européen et les déplacements à l'intérieur de cet espace.

3.   Propositions et conclusions

Le CESE:

3.1

Considère que la mobilité des personnes dans l'Europe élargie doit être impérativement assurée pour renforcer la démocratie et contribuer à la cohésion de l'UE.

3.2

Constate qu'il existe peu d'études prospectives sur la mobilité des personnes à l'horizon 2030, permettant d'évaluer les impacts sur le volume des moyens de transport nécessaires et les infrastructures correspondantes.

3.3

Souligne que toute réalisation d'infrastructures d'envergure à l'échelle du Continent européen nécessite de très longs délais (de l'ordre de deux décennies) avant sa mise en service.

3.4

Estime, sur la base des informations disponibles qui montrent une forte évolution prévisible des besoins de déplacements des personnes, que la Commission devrait engager des études et, ensuite, une réflexion globale et spécifique sur ce sujet, parallèlement aux études et réflexions sur le développement du transport des marchandises.

3.5

Propose que ces réflexions puissent faire l'objet, en 2010, d'un nouveau «Livre blanc: Politique des transports» avec une place plus importante qu'en 2001 pour satisfaire les besoins de transports de personnes à l'horizon 2020/2030. Les critères ci-dessous pourraient y figurer:

raisons principales justifiant le déplacement de la personne,

façons de se déplacer (groupe ou individuel),

classement par distances parcourues,

modes de transport utilisés par les personnes qualités d'accessibilité, de sûreté, de sécurité, etc.

3.6

Suggère à la Commission de mettre en place, avec les États concernés, les moyens nécessaires pour assurer la mobilité des personnes, dans des conditions optimales et conformes aux principes du développement durable, en prenant en compte notamment:

les difficultés et contraintes des personnes handicapées ou âgées, ou des jeunes enfants, en coopération avec les organisations représentant les personnes à mobilité réduite;

les financements nécessaires en termes de recherche et développement de techniques et technologies nouvelles adaptées aux moyens de transport des personnes;

Les dispositions législatives, réglementaires et financières pour permettre aux États de réaliser les projets d'équipement répondant aux besoins.

3.7

Souligne pour terminer que l'Europe Unie doit veiller à ce que les États offrent un service équilibré en matière de transport, tant pour le fret que pour les personnes, et souhaite être informé de l'engagement de cette réflexion globale, y être associé et être consulté sur les conclusions.

Bruxelles, le 26 octobre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les droits des personnes à mobilité réduite lorsqu'elles font des voyages aériens».

(2)  Voir annexe 1.

(3)  Voir annexe 2.