52005DC0459

Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, Comité économique et social européen et au Comité des régions - Réduction de l’impact de l’aviation sur le changement climatique {SEC(2005) 1184} /* COM/2005/0459 final */


[pic] | COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES |

Bruxelles, le 27.9.2005

COM(2005) 459 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS

Réduction de l’impact de l’aviation sur le changement climatique

{SEC(2005) 1184}

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS

Réduction de l’impact de l’aviation sur le changement climatique

1. INTRODUCTION

Le transport aérien qui permet le permet le déplacement des passagers et des marchandises sur de grandes distances en temps record fait désormais partie intégrante de la société du 21e siècle. Cependant l’aviation contribue également au changement climatique. Bien que le rendement énergétique des aéronefs ait augmenté de plus de 70% au cours des 40 dernières années, la consommation totale de carburant s'est tout de même accrue en raison d’une croissance encore plus importante du trafic aérien.

En conséquence, l'aviation a un impact de plus en plus marqué sur le climat : alors que les émissions totales de l’UE, réglementées par le protocole de Kyoto, ont diminué de 5,5% (-287 Mte CO2) entre 1990 et 2003[1], les émissions de gaz à effet de serre dues au trafic aérien international ont augmenté de 73% (+47 Mte CO2) dans l’UE, ce qui correspond à une croissance annuelle de 4,3% par an.

Bien que la part de l’aviation dans les émissions globales de gaz à effet de serre soit encore modeste (environ 3%), sa croissance rapide nuit aux progrès réalisés dans les autres secteurs. Si la croissance se poursuit comme jusqu’à présent, les émissions provenant des vols internationaux à partir des aéroports de l’UE auront augmenté en 2012 de 150 % depuis 1990. Cette augmentation des émissions provenant du transport aérien international de l’UE compenserait plus d’un quart des réductions requises par l'objectif de la Communauté en vertu du protocole de Kyoto . À plus long terme, si les tendances actuelles se confirment, les émissions de l’aviation deviendront une des principales sources de gaz à effet de serre.

2. LE CONTEXTE POLITIQUE ACTUEL

La présente communication représente une base de discussion avec les autres Institutions européennes et les parties intéressées sur l’internalisation des coûts environnementaux des émissions de l’aviation au sein du schéma européen du marché des droits d’émissions. Même si le secteur de l’aviation est confronté avec les prix historiquement les plus élevés des carburants, ce qui a des conséquences économiques importantes pour les compagnies aériennes, plusieurs événements climatiques dramatiques récents en Europe et ailleurs ont mis en lumière les coûts potentiellement élevés associés à une augmentation de la fréquence et de la gravité de tels événements provoqués par les changements climatiques attendus.

Même si le contexte économique est difficile, le problème du changement climatique reste urgent et les discussions doivent être lancées maintenant afin de fournir dans les temps des contributions en vue de la révision prévue en juin 2006 du schéma européen de marché des émissions.

La stratégie présentée dans cette communication doit être comprise dans le contexte des orientations politiques existantes décrites ci-dessous.

Sur la base de la communication de la Commission « Gagner la bataille contre le changement climatique global », le Parlement européen et le Conseil européen au printemps 2005 ont réaffirmé l’objectif de l’UE de limiter la hausse globale des températures de surface à 2°C par rapport aux niveaux préindustriels afin d’empêcher un changement climatique dangereux et irréversible. Le Conseil européen a également pris les positions suivantes :

- pour les pays développés, une réduction de l’ordre de 15 à 30% en 2020 par rapport au scénario de base repris dans le Protocole de Kyoto devrait être envisagée ;

- la Commission devrait poursuivre ses analyses de coûts/bénéfices des stratégies de réduction des émissions de CO2 ;

- les négociations internationales devraient être relancées par l’exploration d’options en vue d’un accord post-2012 dans le cadre des procédures des NU sur le changement climatique, en veillant à assurer une coopération la plus large possible de tous les pays et leur participation à une réponse internationale effective et appropriée.

Sur base de ces orientations, des mesures doivent être prises pour faire en sorte que l’aviation ne nuise pas à la réalisation de cet objectif global, mais plutôt qu’elle y contribue.

La présente communication propose une stratégie qui vise à compléter l’action existante par la mise en place d’un nouvel instrument fondé sur le marché au niveau de l’Union européenne. Cette stratégie s’appuie sur des concertations avec les parties prenantes et sur une évaluation des incidences, qui font l’objet de rapports séparés.

3. LES INCIDENCES DU TRANSPORT AÉRIEN SUR LE CLIMAT

Les avions commerciaux volent à une altitude de croisière comprise entre 8 et 13 km, et c’est à cette altitude qu’ils rejettent des gaz et des particules qui modifient la composition de l’atmosphère et contribuent au changement climatique.

Le dioxyde de carbone (CO 2 ) est le principal gaz à effet de serre étant donné les grandes quantités rejetées et le temps de séjour prolongé de ce gaz dans l’atmosphère. L’augmentation des concentrations de CO2 a un effet direct bien connu qui est le réchauffement de la surface de la terre.

Les oxydes d'azote (NOx) ont deux effets indirects sur le climat. Ils produisent de l’ozone sous l'effet du rayonnement solaire, mais ils diminuent également la concentration atmosphérique ambiante de méthane. L’ozone comme le méthane sont de puissants gaz à effet de serre. Le résultat net est que l’ozone l’emporte sur l'effet méthane, et l’effet observé est donc un réchauffement de la planète.

La vapeur d’eau rejetée par les aéronefs a un effet direct de gaz à effet de serre, mais minime dans la mesure où elle est rapidement éliminée par les précipitations. Toutefois, la vapeur d’eau émise à haute altitude déclenche souvent la formation de traînées de condensation qui ont tendance à réchauffer la surface de la terre. De surcroît, ces traînées peuvent donner naissance à des nuages de type cirrus (formés de cristaux de glace). Ceux-ci sont également soupçonnés d'avoir un effet de réchauffement notable, mais cela reste très hypothétique.

Par rapport aux autres émissions des aéronefs, les particules de sulfate et de suie ont un effet direct beaucoup moins important. La suie absorbe la chaleur et a un effet de réchauffement; les particules de sulfate réverbèrent les rayonnements et ont un léger effet de refroidissement. En outre, elles peuvent influer sur la formation des nuages et sur les propriétés de ceux-ci.

En 1999, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a estimé que l'impact global actuel de l'aviation était 2 à 4 fois plus important que l’effet résultant de ses seules émissions antérieures de CO2. De récents résultats de recherches communautaires indiquent que ce rapport pourrait être un peu plus faible (environ 2 fois). Aucune de ces estimations ne tient compte des effets très mal connus des nuages cirrus.

4. NÉCESSITÉ D'AGIR À TOUS LES NIVEAUX

4.1. Les émissions du transport aérien dans la CCNUCC et le protocole de Kyoto

Le transport aérien international ne bénéficie pas du même traitement que la plupart des autres secteurs pour ce qui est de la comptabilisation de ses émissions de gaz à effet de serre au titre de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Faute d’un consensus pour savoir à qui et comment faire assumer la responsabilité de ces émissions, seules les émissions domestiques de CO2 sont incluses dans le total national des émissions des parties. Les émissions provenant des vols internationaux sont simplement enregistrées «pour mémoire». En conséquence, elles ne sont pas comptabilisées dans les quotas d’émissions auxquels se plient les pays développés qui ont ratifié le protocole de Kyoto. Un élément essentiel de la pression politique qui pousse les États à mettre en œuvre des mesures de réduction des émissions pour les autres secteurs est donc absent dans le cas du transport aérien international.

La Commission a indiqué, dans sa communication de février 2005[2], que le transport aérien international devrait être pris en compte dans toute stratégie post-2012 sur le changement climatique , afin d'inciter davantage les États à agir par eux-mêmes et en coopération avec les autres.

4.2. Mesures prises par l’OACI pour lutter contre les émissions du transport aérien

Faute d’avoir pu trouver un accord sur la question de la répartition, les parties qui ont négocié le protocole de Kyoto sont convenues de prévoir l'obligation expresse pour les pays développés d’œuvrer pour la limitation ou la réduction des émissions de l’aviation, en coopération avec l’organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

Les mesures prises jusqu’à présent dans le cadre de l'OACI ont surtout permis de mieux comprendre les incidences du transport aérien sur le climat de la planète. Les 188 pays membres de l’OACI n’ont pas réussi à s’entendre sur des normes internationales ou des redevances applicables aux émissions de CO2, et une tentative visant à définir et à adopter un indicateur d’efficacité pour les aéronefs a échoué. L’OACI a néanmoins approuvé le principe de l’échange des droits d’émission internationaux et ouverts à réaliser au travers de schémas volontaires de marché de droit d’émissions ou par l’intégration du transport aérien international dans les systèmes existants des États.

4.3. Nécessité d'agir au niveau communautaire

L’UE participe régulièrement et supporte les activités de la CCNUCC et de l’OACI, activités qui contribuent à renforcer la cohérence et à optimiser la participation aux efforts de réduction des émissions au niveau mondial. Toutefois, comme c’est reconnu explicitement dans les déclarations politiques acceptées par ses Parties contractantes, il n’est pas réaliste d’escompter que l’OACI prendra des décisions de portée globale concernant des mesures spécifiques uniformes applicables par tous les pays. Dans la mesure où les pays en développement hésitent à s’engager sur la voie de mesures plus exigeantes en l’absence d’impulsion claire de la part des pays industrialisés, et compte tenu de l’inertie de certains partenaires industriels importants qui ne sont pas parties au protocole de Kyoto, cela a peu de chances de se produire.

L’Union européenne joue un rôle majeur dans le trafic aérien international, puisqu’elle est responsable d'environ la moitié des émissions de CO2 provenant du transport aérien international communiquées par les pays développés[3]. Dans le même temps, en tant qu'organisation de pays développés et en tant que parties signataires, la Communauté européenne et les États membres de l’UE ont des obligations spécifiques au titre de la CCNUCC et du protocole de Kyoto.

En conséquence, dans le 6 e programme d’action communautaire pour l’environnement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé d'arrêter et de mettre en oeuvre des mesures spécifiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant de l'aviation, si de telles mesures n'étaient pas adoptées au niveau de l'OACI d'ici 2002. Depuis lors, le Conseil a rappelé à maintes reprises qu’il importait de prendre rapidement des mesures pour réduire les émissions provenant du transport aérien international et a invité la Commission à présenter des propositions dans ce sens.

Dans ces circonstances, la Commission a examiné les différentes options possibles. Il n’existe pas de solution technique simple et immédiate. Il convient donc d’envisager une approche globale, de manière à renforcer l’action existante tout en explorant de nouvelles pistes.

5. EXPLOITER LES POSSIBILITÉS OFFERTES PAR LES MESURES EXISTANTES

Plusieurs mesures communautaires et nationales sont susceptibles de contribuer davantage à l'atténuation de l’impact climatique de l'aviation, mais seulement dans une certaine mesure ou bien uniquement à long terme. Outre la sensibilisation de l’opinion publique et l’amélioration des performances et de la compétitivité des autres modes de transport, ces mesures comprennent la recherche, la gestion du trafic aérien et la fiscalité de l’énergie.

5.1. Davantage de recherche pour des transports aériens moins polluants

L’UE a fait de l’aéronautique l’une de ses priorités de recherche et développement dans le but de réduire au minimum l'impact environnemental des avions. Depuis la phase pilote en 1990-1991 au titre du second programme-cadre, plus de 350 projets de recherche ont été financés pour un coût total de 4 milliards d’euros. 30% environ de ces travaux de recherche ont pris la forme d’activités visant à réduire l’impact environnemental des avions, en particulier des émissions de CO2 et de NOx. En outre, des recherches visant à mieux comprendre l'impact des transports aériens sur le climat ont été menées dans le cadre du programme sur les changements planétaires et les écosystèmes du 6e programme-cadre. L’une des priorités du 7e programme-cadre récemment proposé par la Commission sera «l‘écologisation» des transports aériens, et l’accent sera mis sur l’impact de ce secteur sur le changement climatique . D’autres recherches futures sur les fuels alternatifs peuvent révéler des possibilités supplémentaires de réduction des gaz à effet de serre émis par l’aviation.

5.2. Améliorer la gestion du trafic aérien

La recherche permettra certainement d’offrir davantage de possibilités à l'avenir, mais une gestion plus efficace du trafic aérien offre des perspectives prometteuses à plus court terme. La consommation de carburant, par exemple, pourrait être réduite en minimisant le temps d’attente avant décollage, en recourant à des routes optimales et en limitant les périodes durant lesquelles les avions doivent rester en trajectoire d’attente avant d’atterrir dans des aéroports saturés. Les initiatives Ciel unique européen et SESAME [4] ont initié les réformes nécessaires pour bénéficier de ces avantages. Leur mise en œuvre en temps utile doit à présent représenter une priorité.

5.3. Vers une application plus cohérente de la taxation de l’énergie

Bien que la taxation de l’énergie soit généralement imposée par les États membres à des fins fiscales, son extension aux carburants utilisés par l'aviation commerciale pourrait également contribuer à l'internalisation des coûts environnementaux et à la réduction des émissions de CO2. À de multiples occasions, la Commission a fait état de sa préférence pour une normalisation aussi rapide que possible du traitement du carburant d’aviation, et ce, dans le cadre juridique international régissant l’aviation, arguant du fait que, par principe, le carburant d’aviation devrait être soumis aux taxes sur l’énergie au même titre que les autres carburants.

À la suite de l’adoption de la directive 2003/96/CE du Conseil restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, les États membres peuvent déjà instaurer la taxation du carburant pour les vols intérieurs. Le carburant utilisé sur les vols intérieurs est déjà taxé dans certains pays tiers comme les USA, le Japon et l’Inde, mais au sein de l’Union européenne, seuls les Pays-Bas jusqu’ici ont décidé d’en faire autant.

Sous réserve d’un accord mutuel, la taxation du carburant peut également être instaurée pour les vols entre deux États membres au titre de la législation communautaire en vigueur. En pareil cas, elle s’appliquerait à tous les transporteurs communautaires. Toutefois, il est d’usage que le carburant d’aviation destiné aux vols internationaux soit exempté de toutes taxes (à l’origine cette pratique était destinée à promouvoir l’aviation civile qui en était alors à ses balbutiements). Les exemptions juridiquement contraignantes figurent dans les accords bilatéraux relatifs aux services aériens[5]. Il pourrait donc s’avérer difficile d’éviter une discrimination à l'encontre des transporteurs communautaires sur les routes sur lesquelles les transporteurs non communautaires jouissent de droits de trafic et continuent de bénéficier d’exemptions fiscales en vertu des accords bilatéraux en vigueur[6].

À cet égard, les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 5 novembre 2002 dans les affaires dites «ciel ouvert»[7] sont importants. Ils ont entraîné une réforme globale des relations extérieures de l’UE dans le domaine de l’aviation. Dans le cadre de ce processus, plus de 200 accords bilatéraux relatifs aux services aériens liant des États membres de l’UE et des pays tiers ont déjà été modifiés pour permettre une éventuelle taxation sur une base égalitaire du carburant fourni aux transporteurs communautaires et aux transporteurs non communautaires. Néanmoins, même si le processus doit et va se poursuivre, il faudra nécessairement du temps pour qu’il parvienne à son terme. En conséquence de cette spécificité unique au secteur de l’aviation, il n’est pas possible à court ou moyen terme de s’en remettre à l’élargissement à l’aviation de la taxation de l’énergie pour constituer le pilier essentiel d’une stratégie destinée à lutter contre l’impact de l’aviation sur le changement climatique. Cette option n’a en conséquence pas été examinée plus avant dans le présent contexte.

6. INSTRUMENTS ÉCONOMIQUES UTILISABLES POUR INITIER DES CHANGEMENTS DE MANIÈRE RENTABLE

L’effet combiné des mesures existantes susmentionnées ne sera pas suffisant pour compenser la croissance des émissions dues du trafic aérien. De nouvelles approches allant au-delà des normes techniques traditionnelles et des démarches spontanées s'imposent. Comme cela a déjà été reconnu dans la stratégie de la Commission relative au transport aérien et à l’environnement de 1999, la nécessité de disposer d’approches efficaces par rapport aux coûts plaide en faveur d'instruments économiques flexibles. Il s’agit notamment d’appliquer le principe du «pollueur-payeur» et d’exploiter la multitude de réductions possibles, dont l’industrie connaît bien les coûts, en envoyant des signaux en matière de prix qui tiennent compte des objectifs de la politique de l’environnement.

Plusieurs types d’instruments fondés sur le marché ont été envisagés (voir évaluation des incidences). Cependant, des instruments tels que la taxe sur les titres de transport ou la taxe de départ n’auraient d’effet que moyennant une compression de la demande et n’inciteraient donc pas les opérateurs à améliorer leurs performances environnementales. Bien que l’échange des droits d’émission et les redevances liées aux émissions soient potentiellement utiles pour la poursuite d’autres objectifs stratégiques[8], l’accent a donc été mis sur ces méthodes qui sont considérées comme les plus prometteuses par rapport au problème de l’impact de l’aviation sur le climat.

6.1. Évaluation des différentes options

L’échange des droits d’émission consiste tout d'abord à fixer une limite pour les émissions totales d’un groupe d'entités, puis à laisser le marché déterminer le coût de chaque tonne d’émissions. En revanche, les redevances fixent le coût correspondant à une tonne d’émissions, mais ce sont ensuite les entités concernées qui déterminent dans quelle mesure les émissions seront réduites en réaction.

Dans le contexte actuel, les deux instruments diffèrent également en termes d’efficacité environnementale, d’efficience économique et de possibilités d’application généralisée .

6.2. Efficacité environnementale et efficience économique

Si l’échange des droits d’émissions ou les redevances liées aux émissions étaient appliquées isolément au secteur de l’aviation, les deux instruments seraient en principe équivalents en termes d’efficacité environnementale et d’efficience économique. Cependant, l’échange des droits d’émission ne doit pas nécessairement être appliqué au secteur de l’aviation isolément. De fait, l’échange des droits d’émissions est déjà utilisé pour lutter contre le changement climatique : les parties soumises à des limitations d’émissions au titre du protocole de Kyoto ont la possibilité de négocier entre elles. En outre, plusieurs de ces parties délèguent ou envisagent de déléguer aux entreprises une partie de leurs propres objectifs en matière de limitation des émissions au moyen d’un système national ou régional d’échange des droits d’émissions.

Avec la directive 2003/87/CE, l’UE a mis en place le plus vaste système multisectoriel et multinational d’échange des droits d’émission jamais instauré jusqu’ici. Le système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) qui s’applique aux émissions de gaz à effet de serre d’environ 12 000 installations grandes consommatrices d’énergie est opérationnel depuis le 1er janvier 2005. D’une manière générale, plus la couverture d'un système d'échange de droits d'émission est large, plus les coûts nécessaires pour atteindre un niveau donné de réduction des émissions sont faibles. Par conséquent, si l’aviation devait atteindre le même objectif environnemental par le système d’échange des droits d’émission et par la méthode des redevances liées aux émissions, les coûts économiques supportés par le secteur et par l’UE dans son ensemble seraient plus faibles si l’on recourait à cet effet au SCEQE plutôt qu' à par un système de redevances applicable uniquement à l'aviation.

6.3. Possibilités d’application généralisée

Pour la Commission, tant les redevances liées aux émissions que l'échange des droits d'émission sont compatibles avec le cadre juridique international applicable à l'aviation. Cependant, le principe des redevances liées aux émissions a été controversé au niveau international et la question de savoir dans quelle mesure les États peuvent appliquer de telles redevances aux transporteurs étrangers est le point qui a suscité de loin le plus de contestation lors de la 35e assemblée de l’OACI en octobre 2004. En revanche, l’idée d’échange des droits d’émission sur base volontaire de même que celle d’intégrer les émissions dues au transport aérien international dans les systèmes existants d’échange des droits d’émission des États a été expressément approuvée par l’OACI. Cette approche cadre bien avec la politique de l’UE sur les changements climatiques comme l’échange des droits d’émission intégré est aussi une caractéristique fondamentale du protocole de Kyoto et un élément essentiel de la future stratégie de l'Union européenne pour lutter contre le changement climatique.

7. CARACTÉRISTIQUES SPÉCIFIQUES DE L’ÉCHANGE DES DROITS D’EMISSION

Étant donné ces différences, l'intégration de l'aviation dans le SCEQE semble la méthode la plus prometteuse. Cependant, un certain nombre d'éléments techniques sont essentiels pour que la mesure donne tous ses effets sur le plan de l’efficacité environnementale et de l’efficience économique. Ces éléments devront encore être examinés par un nouveau groupe de travail à mettre en place et seront également développés dans le cadre de l’étude d’impact. Sur la base de son étude de faisabilité[9], la Commission estime que les quatre questions suivantes seront au centre des débats à venir : le type d’entité chargée de répondre de l’impact de l’aviation sur le climat, la mesure dans laquelle il est tenu compte de toutes les incidences , les types de vols pris en considération et l'approche suivie pour calculer la limitation globale des émissions du secteur et pour allouer les quotas correspondants. En outre, l’impact sur les prix et l’allocation des droits d’émission nécessite un examen plus approfondi.

Il est fondamental que l’entité responsable soit celle qui exerce le contrôle le plus direct sur le type d’avions exploités et sur la manière dont ils sont exploités. Par conséquent, la Commission estime que les exploitants d’aéronefs devraient être les entités responsables au sein du SCEQE.

Afin de minimiser les corrélations négatives potentielles entre les différentes incidences et de préserver l’intégrité environnementale du système, il convient de tenir compte dans toute la mesure du possible tant des incidences en termes d’émissions de CO2 que des autres incidences. Ainsi, les incertitudes entourant certaines incidences devraient être pondérées en fonction des risques qu'elles représentent pour le climat. En attendant que le progrès scientifique débouche sur un système de mesure plus adapté pour comparer les différentes incidences, une approche pragmatique serait nécessaire. À court terme, deux options sont possibles:

- soit le transport aérien serait tenu de céder certains quotas correspondant à ses émissions de CO2 multipliées par un facteur de précaution moyen tenant compte des autres incidences, soit

- l’approche retenue ne tiendrait compte au départ que du CO2, mais en parallèle seraient mis en œuvre des instruments auxiliaires comme la différentiation des taxes d’aéroport en fonction des émissions de NOx.

La Commission estime que l’objectif à atteindre devrait être de réaliser un modèle praticable pour le marché des émissions en Europe qui pourrait être étendu ou recopié au niveau mondial. L’étendue précise sera analysée dans le groupe de travail à mettre en place tel que mentionné en annexe. En termes environnementaux, l’option préférée est de couvrir tous les vols au départ des aéroports de l’UE, car en se limitant aux seuls vols «intracommunautaires» au départ et à destination de l’UE, on ne tiendrait compte que de moins de 40%[10] des émissions de tous les vols au départ de l’UE. Pour ce qui concerne la compétitivité de l’industrie aérienne, l’impact sur les parts relatives de marché des compagnies intra et extra communautaire fera l’objet d’une analyse plus approfondie.

En ce qui concerne le calcul de la limitation globale des émissions de l’aviation et l’allocation des quotas correspondants, les règles déjà en place pour les participants au système d’échange ne sont pas nécessairement adaptées au secteur de l’aviation. Seules les émissions de CO2 des vols intérieurs sont prises en compte au titre du protocole de Kyoto et par conséquent, des arrangements spéciaux seraient nécessaires pour s’assurer que cela ne perturbe pas le système comptable[11] qui fait le lien entre le SCEQE et le protocole de Kyoto. En outre, étant donné le niveau d’intégration du marché communautaire des transports aériens, il conviendrait d’adopter une méthode harmonisée d'allocation .

8. CONSÉQUENCES DE L’INTÉGRATION DU SECTEUR DES TRANSPORTS AÉRIENS DANS LE SCEQE

Dans tous les scénarios envisagés par l'évaluation des incidences accompagnant la présente communication et dans l'étude de faisabilité réalisée pour la Commission, les transporteurs communautaires et les transporteurs non-communautaires seraient traités exactement de la même manière sur les liaisons auxquelles s’applique le système. En conséquence, le fait de tenir compte de l'impact de l'aviation sur le climat dans le SCEQE ne risque pas d’amoindrir de manière significative la position concurrentielle des compagnies aériennes de l’UE par rapport aux compagnies non communautaires. D’après l’étude de la Commission, des effets moins importants tels que la subsidiation croisée par des transporteurs utilisant les profits générés sur les routes non couvertes par les mesures, vers les routes concernées par les mesures, pourraient se produire mais seraient limité. Néanmoins, cette question de la compétitivité sera examinée plus en détail dans le cadre du suivi de la présente communication.

Une autre conséquence est que les augmentations de coûts résultant de l'intégration du secteur dans le SCEQE pourraient être répercutées sur les usagers des transports aériens. Cependant la modélisation de certains scénarios suggère que les augmentations de prix des billets seraient modérées et varieraient suivant les paramètres spécifiques choisis (voir évaluation des incidences). La demande de transport aérien ne baisserait pas, mais se contenterait d’augmenter à un rythme légèrement plus faible (diminution relative comprise entre 0,2 et 2,1% sur une période de cinq ans (2008-2012) par rapport à une croissance de plus de 4% par an dans un scénario de statu quo).

Compte tenu de la faiblesse des estimations concernant les augmentations de prix des billets, tout effet sur le tourisme ou sur des régions périphériques pour lesquelles le transport aérien est un mode de transport fondamental serait limité et devrait faire l’objet d’analyses complémentaires compte tenu également du cadre existant des obligations de service public.

9. CONCLUSIONS ET ÉTAPES SUIVANTES

Jusqu’à présent, les mesures mises en place aux niveaux international, régional et national pour lutter contre les effets du changement climatique n’ont pas nécessité de contribution notable de la part du secteur des transports aériens. Compte tenu de la croissance prévisible du trafic aérien, de nouvelles mesures doivent être prises pour éviter un impact de plus en plus marqué de l’aviation sur le climat.

Après avoir analysé plusieurs options, la Commission estime que la meilleure solution, sur les plans économique et environnemental, consiste à tenir compte de l’impact des transports aériens sur le climat dans le système d’échange des droits d’émissions de l'Union européenne . L’échange de droits d’émissions restera probablement un élément essentiel de toute nouvelle stratégie de lutte contre le changement climatique, et le SCEQE contribuera au développement d'un véritable marché international du carbone, capable d'exploiter toutes les possibilités de réductions des émissions partout dans le monde. Afin de préparer le terrain des décisions à prendre, la Commission :

- instituera un groupe de travail «Aviation» au titre du programme européen sur le changement climatique [12]. Ce groupe sera chargé d’envisager des méthodes pour intégrer l’aviation dans le SCEQE conformément au mandat annexé à la présente communication. Les résultats seront utilisés aux fins du réexamen du cadre existant pour le SCEQE[13], qui doit faire l’objet d’un rapport d'ici au 30 juin 2006. L’objectif de la Commission est de présenter une proposition législative pour la fin de l’année 2006 ;

- invite le Conseil et le Parlement européen à examiner les mesures et les recommandations formulées dans la présente communication, y compris les questions de calendrier, en vue d'une future décision législative.

Parallèlement, plusieurs des mesures et actions existantes devront être poursuivies et renforcées , en tant qu’éléments d’une approche globale cohérente:

- Tout en poursuivant la recherche visant à réduire les incertitudes qui subsistent et à mieux comprendre l’impact de l’aviation sur le climat, la priorité doit aller à la recherche aéronautique communautaire afin de limiter réellement les effets négatifs des transports aériens sur le changement climatique, et ce recentrage doit transparaître dans le septième programme-cadre[14].

- Il faut progresser sans tarder dans les processus engagés avec le ciel unique européen afin d'optimiser le fonctionnement du système européen de gestion du trafic aérien.

- Pour ce qui concerne la taxation de l’énergie au carburant d’aviation, la suppression de toutes les entraves juridiques contenues dans les accords bilatéraux relatifs aux services aériens reste essentielle et se poursuivra.

- La Commission prendra les mesures nécessaires, sur les plans européen et international, pour préserver toutes les possibilités d’instruments économiques au cas où des mesures complémentaires s'avéreraient nécessaires parallèlement à l'échange des droits d'émission, afin de tenir compte de toutes les incidences de l'aviation sur le climat.

- La Commission, en collaboration avec les États membres de l’UE au sein de l’OACI, s’efforcera d’améliorer en permanence les normes techniques et le cas échéant d’élaborer de nouvelles normes visant à limiter à la source les émissions des aéronefs.

Annexe : Mandat du groupe de travail «Aviation» institué au titre du programme européen sur le changement climatique

L’objectif du groupe de travail est de conseiller les services de la Commission. Il sera constitué d’experts des Etats membres et des principales parties intéressées, en ce compris l’industrie, les consommateurs et les organisations environnementales.

Le groupe de travail évaluera les méthodes requises, énumérées ci-après, pour tenir compte de l'impact de l'aviation sur le climat dans le système communautaire d'échange de quotas d'émission (SCEQE)[15] dans le plein respect du principe de précaution.

Prise en compte de l’impact de l’aviation sur le climat

Le groupe:

- étudiera la manière de surveiller et de rendre compte de l'impact de l'aviation sur le changement climatique par l'ajout de nouvelles annexes à la décision 2004/156/CE, en s’appuyant sur les méthodes utilisées dans cette dernière comme référence et en notant les possibilités d‘amélioration de la précision au fil du temps;

- examinera si la flexibilité du système de niveaux instauré par la décision 2004/156/CE conviendrait pour le secteur de l’aviation ou si une nouvelle harmonisation s'impose;

- évaluera la possibilité qu’une prise en compte incomplète de l’impact de l’aviation sur le climat puisse inciter à une réduction d’une incidence prise en compte dans le système au détriment d’une autre incidence non prise en compte;

- étudiera l’utilisation, en complément, de redevances ou d’autres mesures d’accompagnement permettant de tenir compte de l’impact global de l’aviation sur le climat, afin d’éviter les effets négatifs mis en évidence d’une prise en compte partielle.

Émissions prises en considération

Le groupe se penchera sur les vols et les émissions pris en considération, en veillant à limiter les différences de traitement entre services aériens à courte distance et services long courrier et à examiner les différences d’accès aux régions périphériques. Il veillera également à mener une réflexion sur la manière d’étendre le modèle communautaire à d'autres pays à mesure que le SCEQE proprement dit s’étendra, et à chercher à supprimer une quantité importante d’émissions conformément aux objectifs environnementaux de la lutte contre le changement climatique.

Approche utilisée pour calculer la limitation globale des émissions du secteur de l’aviation et pour allouer les quotas correspondants

Le groupe :

- examinera les différents modèles utilisés au sein de l’UE et au niveau international pour calculer la croissance et les projections des émissions du secteur de l’aviation, d’une part et des autres secteurs de l’économie, d’autre part, ainsi que les différentes hypothèses utilisées à cet effet;

- évaluera la fourchette de limitation globale des émissions qui devrait être envisagée pour le secteur de l’aviation, compte tenu des différents résultats fournis par les modèles;

- se demandera quels sont les éléments entrant en ligne de compte pour la fixation de la limitation globale des émissions et l’allocation de quotas, qui pourraient être harmonisés au niveau de l’UE.

- évaluera l’impact sur la compétitivité de l’industrie communautaire, sur le prix des tickets (compte tenu entre autres de l’existence de moyens alternatifs de transport) et sur l’allocation et la distribution équilibrée des coûts entre l’industrie et les utilisateurs finaux du transport.

- veillera à faire en sorte que le système comptable instauré par le règlement (CE) n° 2216/2004 de la Commission, qui assure la cohérence entre les échanges au titre du SCEQE et les échanges au titre du protocole de Kyoto, ne soit pas perturbé par l’intégration du secteur de l’aviation. Toute solution devra faire la part des choses entre l'instauration de règles spécifiques au secteur de l'aviation et l'objectif global consistant à intégrer ce secteur dans le SCEQE, c’est-à-dire contribuer à la lutte contre le changement climatique de la manière la plus simple et la plus rentable qui soit.

Conformité

Le groupe examinera la manière dont les mesures de mise en conformité existantes qui sont actuellement appliquées au secteur de l’aviation pourraient être utilisées en complément de celles déjà instaurées au titre du SCEQE pour assurer le respect des obligations imposées par le système.

Gestion

Le groupe recherchera la meilleure façon de gérer l’intégration du secteur de l'aviation dans le SCEQE en tenant compte des conclusions formulées concernant la limitation des émissions, du système de registres et de la nécessité de respecter les obligations.

Le groupe de travail remettra ses conclusions sous la forme d’un rapport au plus tard le 30 avril 2006.

[1] Inventaire annuel 1990-2003 des gaz à effet de serre de la Communauté européenne et rapport d’inventaire 2005.

[2] COM(2005) 35 du 9.2.2005.

[3] 103 411 sur 202 779 MteCO2 – données 2002 communiquées par les parties visées à l’annexe I de la CCNUCC.

[4] La législation sur le ciel unique européen a été adoptée en 2004. Elle fournit la base institutionnelle et réglementaire nécessaire à la mise en place d’un réseau européen intégré et interopérable de gestion du trafic aérien. SESAME concerne la mise en œuvre technique du ciel unique européen.

[5] Contrairement à l’idée reçue, la Convention de Chicago de 1944 n’exclut la taxation du carburant d’aviation qu’en transit, ce qui peut être considéré comme une simple garantie contre une double imposition.

[6] Ces accords régissent les droits de trafic et d’autres questions relatives aux services aériens internationaux.

[7] Dans le cadre desquelles la Commission a entamé des poursuites à l’encontre de huit États membres au sujet des accords bilatéraux relatifs à des services aériens signés avec les États-Unis.

[8] Par exemple, le Conseil ECOFIN a récemment examiné la possibilité de rassembler des fonds pour l'aide au développement via les billets d’avion.

[9] “Giving wings to emission trading”, CE Delft, juillet 2005.

[10] Estimations des émissions de CO2 selon Eurocontrol. D’après les estimations réalisées pour 2004, les vols intracommunautaires ont généré environ 52 MtCO2 contre 130 MtCO2 pour l'ensemble des vols au départ de l'UE.

[11] Règlement (CE) n° 2216/2004 de la Commission.

[12] Le PECC est un processus consultatif multilatéral au sein duquel collaborent la Commission, des experts nationaux, l'industrie et la communauté des ONG.

[13] Voir article 30 de la directive 2003/87/CE.

[14] COM(2005) 119.

[15] Directive 2003/87/CE.