3.2.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 28/42


Avis du Comité économique et social européen sur «La période de réflexion: la structure, les sujets et le cadre pour une évaluation du débat sur l'Union européenne»

(2006/C 28/08)

Le 6 septembre 2005, le Parlement européen a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen, en vertu de, sur «La période de réflexion: la structure, les sujets et le cadre pour une évaluation du débat sur l'Union européenne».

Conformément à l'article 19, paragraphe 1 de son règlement intérieur, le Comité a décidé de créer un sous-comité chargé de préparer ses travaux en la matière.

Le sous-comité «Réflexion: débat sur l'Union européenne», chargé de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 13 octobre 2005 (rapporteuse: Mme Jillian VAN TURNHOUT).

Lors de sa 421ème session plénière des 26 et 27 octobre 2005 (séance du 26 octobre 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 130 voix pour, 3 voix contre et 3 abstentions.

1.   La logique et les analyses sous-jacentes restent inchangées

1.1

La logique et les analyses qui ont conduit le CESE à adopter, à une très large majorité, son avis en faveur du traité constitutionnel (le 28 octobre 2004) n'ont pas changé, et les arguments et recommandations présentés n'ont donc pas changé non plus. En effet, le Comité estime que les péripéties du processus de ratification du traité constitutionnel confirment la validité des positions qu'il a adoptées.

1.2

Par exemple, les résultats des referendums en France et aux Pays-Bas outre qu'ils démontrent la défaillance des États membres et des institutions européennes pour communiquer l'Europe pour ce qu'elle est, pour la façon dont elle construit des compromis, témoignent d'un fossé entre les citoyens et le projet européen. Ce fossé n'est certainement pas spécifique à ces seuls pays, n'est pas d'ordre uniquement communicationnel et conjoncturel, mais interroge la nature du compromis lui-même et, donc, sa méthode de construction.

1.3

Il est utile de rappeler quels étaient les messages clairs que, dans son avis d'octobre 2004, le Comité jugeait souhaitable de faire passer à la société civile:

l'utilisation de l'instrument de la «Convention», un «pas en avant dans la démocratisation de la construction européenne»;

une Constitution, «révolution» dans l'histoire de la construction européenne;

une union plus démocratique qui reconnaîtrait les citoyens comme souverains de la construction de l'Europe;

une union qui protégerait mieux les droits fondamentaux des citoyens européens;

une Union qui grâce à sa méthode et à ses politiques communautaires pourrait répondre aux aspirations des citoyens.

1.4

Malgré une série de points faibles du traité constitutionnel, qu'il a également mis en lumière, le Comité a plaidé fortement pour une mobilisation de la société civile européenne en faveur des aspects positifs du traité constitutionnel afin de remédier à ces points faibles.

1.5

Les points faibles mis en évidence par le Comité étaient notamment les suivants:

L'insuffisance de dispositions opérationnelles pour mettre en oeuvre le principe de démocratie participative;

l'absence de dispositions reconnaissant le rôle de la société civile organisée dans la mise en œuvre du principe de subsidiarité;

la faiblesse de la gouvernance communautaire en matière de politique économique et de l'emploi ainsi que l'absence de règles prévoyant de consulter le Parlement européen et le CESE dans ces domaines qui concernent au premier chef les acteurs de la société civile.

1.6

Le Comité estime que toutes ces observations restent pertinentes et valables. Dans son avis d'octobre 2004, le Comité non seulement a plaidé avec force en faveur de la ratification du traité constitutionnel, mais a également fait valoir qu'il fallait sensibiliser les citoyens de l'UE aux progrès démocratiques que représentait le projet de Constitution et aux avantages de ce projet.

1.7

Les débats qui ont eu lieu autour du processus de ratification ont démontré encore une fois que l'un des principaux défis auxquels se trouve confrontée l'Union européenne est la question de savoir comment préserver et garantir la croissance, les emplois et la prospérité pour les générations actuelles et futures. Le dernier sondage Eurobaromètre (Eurobaromètre 63, septembre 2005) montre que cette question se situe au coeur des préoccupations des citoyens européens.

1.8

Un élément essentiel de la réponse à ce défi se trouve dans les objectifs que fixe la stratégie de Lisbonne, telle que l'ont présentée les chefs d'État ou de gouvernement en 2000, stratégie qui propose une vision concrète de l'avenir de la société européenne.

1.9

Il est nécessaire de reconnaître néanmoins que malgré cinq ans de débats et d'activités intenses au niveau européen, les résultats ont jusqu'ici été décevants et la mise en oeuvre insuffisante.

1.10

«À côté de progrès indéniables, il y a des lacunes et des retards évidents», a observé le Conseil européen en mars 2005. Il y a peut-être beaucoup de raisons qui expliquent ces lacunes et ce retard, mais presque tout un chacun peut souscrire aux deux remarques suivantes:

la stratégie est trop abstraite. Il n'y a pas de conséquences visibles pour les personnes et les entreprises. L'opinion publique ne fait pas de distinction entre les effets de la mondialisation, ceux de la politique de l'UE et ceux de la politique nationale sur leurs conditions de vie et de travail;

la stratégie reste un processus «descendant». La participation de la société civile organisée est insuffisante. Dans certains États membres la stratégie est plus ou moins inconnue d'un grand nombre d'intervenants. Aucune véritable consultation ne semble avoir eu lieu, en particulier dans le cadre de la méthode ouverte de coordination pour la recherche et l'éducation.

1.11

Ainsi, le Conseil européen de mars 2005 a notamment souligné la nécessité pour la société civile de s'approprier les objectifs de la stratégie de Lisbonne et de participer activement à leur réalisation.

1.12

Il est particulièrement clair dans ce contexte que l'avenir du modèle européen de la société, y compris son modèle social, qui est une part fondamentale de l'identité collective des citoyens européens et avec lequel ils s'identifient fortement, dépendra de la réalisation des objectifs de la stratégie de Lisbonne. Ainsi, le défi ne tient pas tant à l'avenir du traité constitutionnel, si important qu'il soit, mais à la création des conditions qui permettront aux citoyens européens de se réapproprier le projet européen sur la base d'une vision globale partagée quant au type de société qu'ils désirent.

1.13

C'est pourquoi, dans son avis d'octobre 2004, le Comité a également établi un lien entre le traité constitutionnel et la stratégie de Lisbonne, faisant valoir que:

«La stratégie de Lisbonne devrait être présente dans les débats parce qu'elle apporte la vision d'un avenir pour chaque citoyen européen: la compétitivité, le plein emploi, le partage des connaissances, l'investissement dans le capital humain, la croissance mais aussi la préservation du cadre et de la qualité de vie par un développement durable …».

2.   «Redresser la barre» — une vision partagée grâce à la démocratie participative

2.1

Pour relever avec succès les défis auxquels est confrontée l'Union européenne, il faut «relégitimer» le processus d'intégration européenne sur la base d'une nouvelle conception de l'action démocratique qui attribue un rôle déterminant à la société civile et à ses institutions représentatives.

2.2

Dans ce but, la participation de la société civile au processus décisionnel public est un instrument essentiel du renforcement de la légitimité démocratique des institutions européennes et de l'action européenne. Elle joue un rôle encore plus essentiel dans l'encouragement à la genèse d'une conception partagée de la finalité et de la direction de «l'Europe», et donc d'un nouveau consensus, sur la base duquel il devrait être possible de poursuivre le processus d'intégration européenne et de définir et de mettre en oeuvre un projet pour l'Europe de demain qui répondra plus pleinement aux attentes de ses citoyens.

2.3

Les institutions de l'Union européenne et les gouvernements des États membres doivent encourager une véritable culture de la subsidiarité qui englobe non seulement les différents niveaux de pouvoir, mais aussi les différentes composantes de la société, de manière à démontrer au citoyen européen que l'UE n'agira que lorsque son action fournit une valeur ajoutée indéniable et toujours dans le respect du principe consistant à mieux légiférer.

2.4

Selon les derniers résultats de l'Eurobaromètre, 53 pour cent des personnes interrogées pensaient que leur voix ne comptait pas dans l'Union européenne. 38 pour cent seulement étaient d'un avis opposé.

2.5

Ces résultats montrent qu'il est nécessaire de construire et d'utiliser des outils qui permettront aux citoyens européens d'être vraiment partie prenante du processus consistant à définir un projet pour l'Europe élargie, projet qui devrait posséder un contenu réel et qui les encouragera à soutenir le processus d'intégration européenne et à s'identifier à lui.

2.6

Dans ce contexte il convient de souligner que la légitimité démocratique de l'Union européenne ne repose pas seulement sur une définition précise des pouvoirs et des compétences de ses institutions. La légitimité démocratique suppose également:

que ces institutions jouissent de la confiance du public et qu'elles puissent s'appuyer sur un engagement ferme des citoyens en faveur du projet européen,

que la participation active des citoyens à la vie démocratique de l'Union européenne soit pleinement garantie, et

que des attributs propres à la citoyenneté européenne, qui ne soit pas la simple juxtaposition des citoyennetés nationales, soient recherchés (1).

2.7

Pour le Comité, le fait que le processus de ratification du traité constitutionnel soit actuellement suspendu, ou retardé, comporte une ironie essentielle: l'absence de Constitution, et notamment l'absence des dispositions du titre VI concernant la vie démocratique de l'Union européenne, soulignent encore davantage la nécessité de la Constitution. L'Union doit donc affronter un défi fondamental, qui est la question de savoir comment faire passer ce message élémentaire.

2.8

Pour le Comité, la logique qui sous-tend les dispositions de la Constitution en matière de démocratie participative et de dialogue civil reste totalement valable. C'est pourquoi les institutions européennes doivent investir sans réserves dans la logique du traité constitutionnel et établir une authentique démocratie participative.

2.9

La nécessité d'améliorer la participation est d'autant plus urgente que, malgré tout ce qui s'est produit dans un passé récent, les citoyens de l'Union européenne attendent beaucoup de l'Union. La même enquête Eurobaromètre, déjà citée, indique qu'environ 60 pour cent des citoyens de l'Union européenne sont favorables à une intégration accrue au sein de l'Union (plusieurs autres sondages parviennent à la même conclusion). Les résultats indiquent également que face à des défis urgents, tels que la lutte contre le chômage, la pauvreté et l'exclusion sociale, les citoyens de l'Europe aimeraient voir renforcer le rôle de l'Union.

2.10

Dès le mois d'octobre 2004, le Comité faisait valoir qu'afin de remédier aux points faibles du traité et aussi d'assurer sa ratification par la mobilisation de la société civile, l'on aurait pu adopter un certain nombre de mesures pour développer le cadre institutionnel proposé et pour l'améliorer par des mesures opérationnelles. En particulier, le Comité faisait valoir que:

les dispositions sur la démocratie participative auraient dû faire l'objet d'une série de communications définissant les méthodes de consultation et le rôle du CESE;

le contenu de la loi européenne définissant les procédures de mise en œuvre du droit d'initiative populaire aurait dû faire l'objet de consultations de la société civile. Le CESE aurait ainsi pu en être saisi par une demande d'avis exploratoire;

le principe de la démocratie participative aurait dû s'appliquer aux grandes stratégies de l'Union en faveur de la croissance, de l'emploi et du développement durable.

2.11

Le Comité a ainsi cherché à convaincre les gouvernements de l'UE et les institutions de la nécessité cruciale de mobiliser la société civile et les organisations de la société civile en faveur de l'esprit, autant que de la lettre, de la Constitution.

2.12

Le Comité constate que le «large débat» auquel pensaient les chefs d'État ou de gouvernement dans leur déclaration de juin n'a pas lieu actuellement. Le Comité estime qu'il conviendrait de relancer dès que possible ce large débat. Néanmoins, le Comité estime également que ce débat serait contreproductif si l'on ne rassurait pas d'une manière ou d'une autre l'opinion publique quant à la nature du processus d'intégration européenne et, notamment, quant aux aspects démocratiques de ce processus.

2.13

Il conviendrait naturellement d'utiliser la période de réflexion décidée par les chefs d'État ou de gouvernement des États membres en juin pour envisager des moyens susceptibles d'apporter une solution à la situation politique et institutionnelle engendrée par les résultats des referendums en France et aux Pays-Bas.

2.14

Mais pour le Comité, il conviendrait surtout de tirer parti de la période de réflexion pour contribuer à établir les fondements d'une vision largement partagée dans la population quant à l'avenir de l'Europe et quant à un nouveau contrat social entre l'Europe et ses citoyens, un nouveau consensus qui établirait aussi le cadre dans lequel pourraient s'inscrire les politiques nécessaires pour garantir la croissance, l'emploi et la prospérité. Dans ce contexte, les gouvernements des États membres devraient ramener l'Union au cœur de leur pays.

2.15

Il est d'une importance cruciale de démontrer que la «démocratie participative» et le «dialogue civil» ne sont pas des slogans vides de sens, mais, au contraire, des principes essentiels dont dépend la réussite des politiques de l'Union européenne, et donc l'avenir de celle-ci.

2.16

C'est pourquoi il est indispensable de faire participer aussi largement que possible la société civile, au niveau national, régional et local, à tous les débats et discussions futurs, d'encourager les citoyens de l'Union à exprimer leurs attentes concrètes et, pour y parvenir, de mettre en place une véritable stratégie d'écoute et de dialogue à propos des politiques de l'Union et de la manière dont ils voient leur avenir partagé.

2.17

Dans ce contexte, le Comité va examiner avec attention le «plan D» de la Commission, d'autant plus qu'il est convaincu que, pour l'instant, rien ne s'est vraiment enclenché en terme de dé bat et que la méthode, le calendrier et les moyens qui vont être consacrés pour impulser le débat dans chaque pays adhérent, mais aussi au niveau intra-communautaire seront décisifs. Le CESE souscrit aux arguments développés à plusieurs reprises par Mme Margot WALLSTRÖM, vice-présidente de la Commission européenne, arguments selon lesquels la communication est un processus à double sens et selon lesquels «l'Europe» doit écouter davantage. Pour le Comité, «écouter» ne signifie pas nécessairement «suivre», mais signifie à coup sûr «associer» et «comprendre».

3.   «Communiquer l'Europe»

3.1

Plus généralement, le Comité a accueilli favorablement l'apparition de l'idée que l'Union européenne devrait se doter d'une véritable stratégie de communication et qu'elle devrait moderniser et améliorer ses outils de communication. Le Comité a accueilli favorablement le rapport du Parlement européen en date du 26 avril 2005 sur la mise en oeuvre de la stratégie d'information et de communication de l'Union européenne, et il a marqué sa satisfaction à propos de l'adoption par la Commission européenne, le 20 juillet 200

3.2

Le Comité a lui-même adopté et régulièrement révisé un plan de communication stratégique. De plus, en décembre 2004, le Bureau du Comité a approuvé une approche stratégique globale par rapport au défi qui consiste à «communiquer l'Europe». Dans l'un et l'autre contextes, le Comité a voulu améliorer la fonction de «vecteurs de communication» qui est celle de ses membres et des organisations qu'ils représentent. Le Comité s'est investi dans la participation à ce que l'on appelle «l'initiative de Wicklow» de 2004, notamment en présentant, à Amsterdam, à la réunion informelle des ministres des Affaires européennes, un document stratégique intitulé «Le projet de Constitution européenne: le CESE comme vecteur de communication» et traitant de la manière dont il conviendrait d'associer plus pleinement au processus de communication la société civile organisée en général et le Comité en particulier.

3.3

Le Comité a accueilli favorablement la demande adressée en novembre 2004 par le Conseil européen à la Commission européenne et visant à l'élaboration d'une stratégie cohérente de communication pour l'Union. Le Comité, en collaboration étroite avec la Commission européenne, organise en ce moment un forum des parties concernées sur le thème du défi de la communication, forum destiné à permettre aux organisations de la société civile de faire apport de leurs idées à la réflexion actuellement en cours, idées que la Commission européenne pourra aussi prendre en considération lors de la rédaction d'un Livre blanc consultatif qui est attendu: ce Livre blanc sera consacré au défi de la communication.

3.4

Le Comité, qui a organisé en avril 2005 un forum de même nature rassemblant les parties concernées pour examiner la question politique du développement durable, est prêt et disposé à organiser de telles opérations de consultation et d'écoute à propos de problèmes politiques importants, de manière à renforcer la voix de la société civile organisée et à aider «Bruxelles» à mieux écouter.

3.5

Dans ce contexte, le Comité souligne le rôle central que joue le Parlement européen (et que le Comité espère le voir continuer à jouer) en tant que premier élément (et élément le plus essentiel) du processus de «mise en communication» démocratique. Le Comité est prêt à agir en tant que partenaire du Parlement européen, comme il l'a fait pendant la Convention, en organisant des auditions et des forums de sa propre initiative ainsi que sur les questions à propos desquelles le Parlement souhaite plus particulièrement consulter la société civile organisée.

3.6

Ces réflexions amènent le Comité à mettre l'accent sur deux considérations fondamentales. Tout d'abord, si le Comité accueille favorablement l'importance croissante accordée aux stratégies de communication et aux outils de communication, il convient néanmoins de rappeler que toute démarche de communication ne vaut que par le contenu du message qu'elle véhicule. Ainsi, la communication est un mécanisme complémentaire, et non une fin en soi. En second lieu, si le Comité s'engage sans réserves vis-à-vis des processus parallèles de mise en place d'une stratégie de communication au niveau européen et d'amélioration des outils de communication, il n'en reste pas moins que l'on se doit de considérer l'activité menée au niveau de l'Union comme complémentaire des activités de communication qui se déploient au sein des États membres. Ainsi, cette stratégie de niveau européen est extrêmement nécessaire, mais elle est loin d'être suffisante.

3.7

Dans ce contexte, il conviendrait de souligner le rôle des institutions représentatives et consultatives au niveau des États membres (notamment des parlements nationaux et des conseils économiques et sociaux), ainsi qu'au niveau régional et local.

4.   Recommandations

Commencer dès maintenant à faire de la démocratie participative une réalité!

4.1

Les motifs et la logique qui ont amené le Comité à voter en faveur du traité constitutionnel à une aussi importante majorité (et plus particulièrement en faveur des dispositions relatives à la vie démocratique de l'Union) demeurent inchangés. Le Comité reste fermement convaincu que la meilleure manière de garantir la vie démocratique de l'Union consiste à fonder ces dispositions dans un système d'organisation constitutionnelle fixe. Toutefois, l'actuelle période d'incertitude ne devrait pas empêcher l'ensemble des intervenants de l'Union européenne de prendre d'ores et déjà des mesures pour commencer à faire de la démocratie participative une réalité. C'est pourquoi il convient que toutes les institutions de l'Union réfléchissent activement à la manière dont elles pourraient:

donner aux citoyens et aux associations représentatives la possibilité de faire connaître et d'échanger publiquement leurs idées dans tous les domaines d'action de l'Union;

maintenir un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et avec la société civile;

procéder à de larges consultations avec les parties concernées afin de faire en sorte que les actions de l'Union soient cohérentes et transparentes.

En outre, il conviendrait que la Commission européenne envisage d'anticiper sur les dispositions de l'article I-47 (4) du traité constitutionnel en consultant la société civile sur le contenu du droit européen définissant les procédures de mise en oeuvre du droit d'initiative des citoyens (le CESE pourrait être saisi d'une demande d'avis exploratoire à ce sujet).

4.2

Pour sa part, le Comité économique et social européen réaffirme sa détermination de jouer un rôle important, même s'il n'est que complémentaire, dans le renforcement du dialogue civil, non seulement par la voie des mécanismes traditionnels de consultation, mais aussi à travers son rôle de passerelle entre l'Europe et la société civile organisée. À cet égard, le Comité attire l'attention sur la nécessité d'une réflexion nouvelle sur les manières d'interagir avec la société civile organisée. Le Comité est prêt et disposé à jouer un rôle de partenaire à part entière dans toutes les activités visant à renforcer le dialogue civil, et il en a aussi la capacité.

Captiver l'imagination de l'opinion publique et faire en sorte que la stratégie de Lisbonne porte ses fruits!

4.3

Les conditions économiques qui règnent en Europe sont un facteur de première importance pour ce qui est de déterminer les réactions de l'opinion publique vis-à-vis du processus d'intégration européenne. Le Comité économique et social européen réaffirme son soutien vis-à-vis de la stratégie de Lisbonne, mais insiste pour que l'Union et ses États membres démontrent qu'ils respectent leurs engagements. Le Comité a la conviction que la stratégie de Lisbonne constitue, par rapport à l'avenir de l'Union, la meilleure garantie possible de prospérité économique et de bien-être social, environnemental et culturel; malgré cela, l'Union a singulièrement échoué lorsqu'il s'est agi de captiver l'imagination de l'opinion publique comme était parvenue à le faire, par exemple, la campagne «1992» pour la création du Marché unique. Il faut que les États membres acceptent et exercent leurs responsabilités à cet égard. Il faut rendre la stratégie de Lisbonne moins abstraite et intégrer ses objectifs (sinon son appellation) dans le langage politique national. Il faut associer la société civile et la société civile organisée.

4.4

Pour sa part, le Comité économique et social européen continuera de travailler dans le cadre du mandat qui lui a été confié par le Conseil européen des 22 et 23 mars, mandat consistant «à établir avec les Comités économiques et sociaux des États membres et d'autres organisations partenaires un réseau interactif d'initiatives de la société civile destiné à promouvoir la mise en oeuvre de la stratégie» (doc. 7619/1/05/rév. 1 Conseil, paragraphe 9).

Combler le fossé — renforcer la communication

4.5

Le Comité a plaidé de manière constante pour la nécessité de renforcer la communication entre l'Union européenne et les citoyens, au nom desquels elle fait profession d'agir. Le Comité reconnaît qu'un travail important a récemment été effectué au niveau des institutions de l'UE, aussi bien dans une dimension individuelle que collective; l'on peut évoquer, pour ne citer que deux exemples récents, la restructuration complète du site Internet du parlement européen et du service «Europe Direct» de la commission européenne. Le Comité est favorable à une étroite coopération interinstitutionnelle dans le domaine de la communication. Il prend note du «Plan D» de la Commission, et aussi de l'intention de celle-ci de publier dans un proche avenir un Livre blanc. Le Comité s'engage sans réserves à jouer un rôle d'appui chaque fois qu'il le pourra lorsqu'il s'agira de combler le fossé, comme le prouve le forum des acteurs concernés qu'il organise sur ce thème les 7 et 8 novembre.

4.6

Toutefois, le Comité est d'avis que la communication ne saurait être meilleur que le message qu'elle véhicule. Renvoyant à ses analyses concernant la stratégie de Lisbonne, le Comité estime que les institutions européennes, mais surtout les États membres, doivent pousser plus avant la réflexion sur la manière de communiquer l'Europe. L'on a déjà beaucoup parlé de la nécessité de mettre fin au jeu du «bouc émissaire», mais il est clair que «l'Europe» est trop souvent perçue dans un sens négatif ou défensif, et que l'on ne fait pas suffisamment d'efforts pour «vendre» les aspects positifs du processus d'intégration.

4.7

Dans le contexte du renforcement de la coordination, le Comité demande que l'on relance l'initiative dite «de Wicklow» (réunions informelles des ministres des affaires européennes), mais que l'on assortisse ce processus d'un mandat précis et permanent qui serait d'examiner les méthodes pouvant permettre de mieux communiquer l'Europe et de fournir aux États membres un contexte informel dans lequel ils pourraient prendre la mesure de l'opinion publique et échanger de bonnes pratiques. Au niveau interinstitutionnel, le Comité demande que l'on confie de même au Groupe interinstitutionnel le mandat de se réunir à des intervalles plus réguliers et plus fréquents pour débattre de questions de communication. Ces mécanismes sont particulièrement importants, compte tenu de la rapidité du rythme des évolutions technologiques (par exemple, les téléphones mobiles, la large bande) ainsi que du développement des nouvelles techniques de communication destinées à en tirer parti.

4.8

Le Comité insiste sur sa conviction que la communication doit être une préoccupation permanente et non pas l'objet d'une campagne occasionnelle consacrée à un problème déterminé.

Reconnaître où se trouve la responsabilité première

4.9

Il faut que les institutions de l'Union européenne se gardent de croire, fût-ce à l'évidence avec les meilleures intentions, que l'actuelle «coupure de communication» est un problème qui peut se résoudre centralement au niveau de «Bruxelles». En réalité, ce que font les institutions européennes en matière de communication ne peut être que complémentaire. C'est ailleurs que se trouve la responsabilité principale. L'issue des élections au Parlement européen et des référendums en France et aux Pays-Bas sur le traité constitutionnel montre clairement que l'Europe suscite le scepticisme de nombre de citoyens, surtout en ce qui concerne les effets de la législation européenne sur leurs conditions de vie et de travail. Il appartient aux États membres d'expliquer à leurs citoyens le sens de l'Union européenne et la nécessité d'une législation européenne spécifique, tout comme ils se doivent de communiquer les effets qui en résultent à chaque sphère nationale pertinente.

4.10

L'opinion publique, y compris la société civile, ne sera convaincue de la légitimité et de la réalité de l'avenir commun de l'Union européenne que si celle-ci suscite une impression de crédibilité et de confiance, qu'elle applique un processus législatif transparent et qu'y règne l'état de droit. C'est en premier lieu aux gouvernements des États membres qu'il appartient de préserver ce type de relation. Il faut que les gouvernements se comportent en véritables copropriétaires de l'Union et s'abstiennent de tomber dans le schéma «eux et nous», ainsi que dans le double discours constant que ce schéma engendre.

4.11

Comme l'a démontré le rôle du forum national irlandais sur l'Europe, la société civile organisée peut parfois apporter des contributions décisives. Il est essentiel de renforcer la communication à un niveau pertinent (local, professionnel, etc.) et d'expliquer en termes appropriés et accessibles à ce niveau en quoi les politiques ou le processus législatif de l'Europe sont une réussite. La société civile organisée est bien placée pour le faire. Ainsi, le CESE et déterminer à soutenir et à encourager la société civile organisée dans les États membres, en particulier à travers la fonction de passerelle à laquelle participent ses membres. De surcroît, si l'on entend, à juste titre, ouvrir un large débat sur le projet européen et sur les politiques européennes, ce débat doit débuter aux niveaux inférieurs de la société civile dans les États membres. Un forum d'ampleur européenne n'a de sens que s'il permet à ce type d'opinions de s'exprimer pour être répercutées vers le haut et aussi vers le bas. De fait, ce qu'il faut en l'occurrence, ce n'est pas tant une démarche «de haut en bas» ou «de bas en haut» qu'une démarche «de bas en bas».

4.12

C'est délibérément que le présent avis évite les longues considérations sur l'avenir du traité constitutionnel et les choix qui s'offrent à l'Union européenne. De toute évidence, le retour permanent au statu quo du traité de Nice ne saurait être un choix envisageable. Mais peut-être le large débat auquel pensent les chefs d'État ou de gouvernement pourrait-il contribuer à éclairer le meilleur chemin à suivre pour progresser. Toutefois, le Comité constate, non sans graves inquiétudes, que ce large débat est dans une grande mesure absent de la réalité de la plupart des États membres. En l'absence d'un tel débat, il est difficile de concevoir comment des progrès pourront se faire jour.

Bruxelles, le 26 octobre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Avis du CESE SOC/203 «Programme d'action citoyenneté active».