31.1.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 24/12


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les droits des personnes à mobilité réduite lorsqu'elles font des voyages aériens»

[COM(2005) 47 final — 07/2005 (COD)]

(2006/C 24/03)

Le 8 avril 2005, le Conseil, conformément aux dispositions de l'article 71 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er septembre 2005 (M. CABRA DE LUNA, rapporteur).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 28 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 160 voix pour, 2 voix contre et 1 abstention.

1.   Introduction

1.1

La Commission a présenté une proposition de règlement concernant les droits des personnes à mobilité réduite lorsqu'elles font des voyages aériens afin de garantir aux personnes handicapées et à mobilité réduite une égalité des chances dans le domaine du transport aérien par rapport au reste de la population.

1.2

La Commission considère les voyages aériens comme l'un des outils permettant l'intégration et la participation active des personnes handicapées à la vie économique et sociale.

1.3

La Commission inscrit cette initiative dans le contexte de ses politiques de non-discrimination, qui se fondent sur le principe général exprimé dans l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. En outre, l'article 13 du traité CE permet à la Communauté européenne de combattre toute discrimination fondée notamment sur un handicap.

1.4

Le règlement vise à faire bénéficier tous les citoyens des possibilités offertes par le marché unique des services de transport aérien.

1.5

La proposition de la Commission constitue la première législation visant spécifiquement les personnes handicapées dans le droit communautaire européen, même si elle a des retombées positives pour bon nombre de personnes âgées, ainsi que pour les passagers à mobilité temporairement réduite.

1.6

La proposition, qui vise à empêcher tout traitement inéquitable, est basée sur quelques principes fondamentaux:

les passagers à mobilité réduite ne peuvent se voir refuser le transport, sauf lorsque des raisons de sécurité justifient le refus d'embarquement;

une assistance spécifique doit être apportée gratuitement aux passagers à mobilité réduite;

les passagers à mobilité réduite doivent bénéficier d'un service de qualité tout au long du voyage, depuis un point de départ donné jusqu'à un point d'arrivée donné;

un système d'assistance centralisé;

des sanctions effectives en cas de non-respect du règlement.

1.7

Les engagements volontaires pris ces dernières années par les transporteurs aériens et les aéroports doivent être considérés comme un premier pas encourageant vers la suppression des traitements inéquitables et l'assurance d'une assistance de qualité pour les personnes à mobilité réduite. Ces engagements se sont toutefois avérés insuffisants et il convient de définir des règles et responsabilités précises dans ce domaine clé.

2.   Observations générales

2.1

Le Comité se félicite de l'initiative de la Commission et souscrit pleinement aux principes fondamentaux de la proposition.

2.2

Le règlement contribue clairement à supprimer les obstacles au transport aérien des personnes à mobilité réduite. Il se rattache également au récent règlement communautaire relatif à l'indemnisation et à l'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol (1) qui contribue à renforcer les droits des passagers.

2.3

Par ailleurs, dans ses avis récents (2), le Comité insiste sur la nécessité d'adopter une législation qui va au-delà de l'emploi, qui traite des obstacles rencontrés par les personnes handicapées dans d'autres domaines. La mobilité est un facteur clé de l'intégration sociale des personnes handicapées.

2.4

Le CESE regrette que la législation ne contienne aucune disposition relative à l'accessibilité aux personnes handicapées des infrastructures aéroportuaires, des véhicules utilisés pour le transport des passagers et des avions. Le CESE note que seules de telles dispositions garantiront une égalité des chances dans le domaine du transport aérien. Le Comité invite la Commission européenne à présenter une nouvelle législation garantissant l'accessibilité de tout nouveau matériel de transport et toute nouvelle infrastructure, ainsi que la suppression progressive des obstacles existants.

2.5

Le Comité souscrit au cadre général du règlement et adhère en particulier au principe d'une entité gestionnaire des services unique et centralisée dans les aéroports, ce système constituant le moyen le plus sûr de garantir la responsabilité, ainsi qu'une assistance de qualité et cohérente aux passagers à mobilité réduite.

2.6

Le Comité estime toutefois que certaines dispositions doivent être renforcées afin de réaliser au mieux l'objectif général.

2.7

Le Comité insiste également sur la nécessité de procéder à une consultation étendue des organisations représentatives de la société civile afin de garantir les droits de tous les citoyens, et notamment des personnes à mobilité réduite, dans le secteur du transport aérien. Par ailleurs, en vue de garantir une mise en œuvre optimale du règlement, il est important de veiller à établir un dialogue — notamment sur les normes de sécurité — entre les aéroports, les prestataires de services, les compagnies aériennes et les organisations représentatives des personnes handicapées, y compris des personnes à mobilité réduite au sein du comité des usagers de l'aéroport.

Le Comité adhère pleinement au fait que l'assistance ne sera pas facturée aux personnes handicapées; il désapprouve néanmoins la proposition figurant au 7ème considérant du projet de règlement CE, selon laquelle l'assistance devrait être financée de manière à en répartir la charge équitablement sur tous les passagers. Le Comité réaffirme que la responsabilité de l'assistance doit être répartie entre les transporteurs aériens qui utilisent un aéroport en proportion du nombre de passagers que chacun d'eux transporte au départ et à destination de cet aéroport et que cela ne doit en aucun cas avoir pour conséquence une augmentation des tarifs des transports aériens payés par les passagers.

2.8

Le Comité note que la dérogation au principe général de l'article 3 (interdiction de refuser le transport), prévue à l'article 4, et qui autorise le refus d'embarquement pour raisons de sécurité, doit être clarifiée afin d'empêcher tout refus arbitraire. Il convient de définir au niveau de l'UE un cadre spécifiant et définissant les exigences de sécurité, sous la forme d'une annexe au présent règlement ou d'un règlement d'application. Actuellement, les règles sont définies par les transporteurs ou par la législation et par conséquent, sont très diverses et parfois contradictoires. La proposition de la Commission européenne qui consiste à définir les exigences de sécurité dans la législation nationale ne résoudrait pas cette question. En outre, les informations sur les exigences de sécurité doivent être fournies à l'ensemble des passagers et pas uniquement sur demande.

2.9

De plus, le Comité constate que le règlement n'envisage pas de disposition explicite obligeant la compagnie aérienne à rembourser la personne dont l'embarquement a été refusé ou à la réacheminer sur un autre vol et la prendre en charge, à la manière de la clause qui est prévue dans le règlement relatif à l'indemnisation et à l'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement, d'annulation et de retard important d'un vol.

2.10

Le Comité souligne également le besoin de renforcer les dispositions relatives à l'obligation de fournir une assistance mentionnée à l'article 5. La responsabilité de l'entité gestionnaire de l'aéroport doit être étendue aux passagers en transfert ou en transit dans l'aéroport, à condition que ces derniers aient notifié leur besoin d'assistance 24 heures à l'avance. La formulation actuelle de la proposition («s'efforce») n'est pas satisfaisante. Cependant, il peut être tenu compte de circonstances exceptionnelles indépendantes de la volonté de l'entité gestionnaire.

2.11

Le Comité est d'avis que tous les aéroports européens devraient fixer pour les passagers à mobilité réduite des normes cohérentes et de qualité qui vont plus loin que celles établies à l'annexe 1 du règlement. Le seuil des deux millions de passagers défini dans la proposition actuelle dispenserait bon nombre d'aéroports européens de cette obligation principale. En outre, le Comité estime que pour les petits aéroports accueillant moins d'un million de passagers par an, des normes de qualité (adaptées en fonction de leur taille) doivent également être établies au niveau local, en étroite collaboration avec les organisations représentatives des personnes handicapées, y compris des personnes à mobilité réduite.

2.12

Le Comité souligne également qu'il est nécessaire de prévoir une formation de sensibilisation au handicap pour le personnel concerné afin de garantir une réponse adéquate et de qualité aux besoins des personnes. L'application des nouvelles technologies, telles que les SMS ou pageurs, pourrait également faciliter le transfert des passagers à mobilité réduite (par exemple les personnes malvoyantes et malentendantes).

2.13

Il faudrait envisager l'établissement d'une procédure de notification de l'assistance qui soit simple et gratuite. Cette notification a généralement lieu lors de la réservation des billets et est adressée aux compagnies aériennes. Il est dès lors essentiel qu'un transfert d'informations fiable soit assuré entre les compagnies aériennes et les aéroports afin de garantir des services de la meilleure qualité possible. Lors de la notification du besoin d'assistance, il convient de donner aux passagers un code de confirmation. De plus, en cas de litige, la charge de la preuve concernant l'absence de notification devrait incomber aux transporteurs aériens et/ou à l'organisateur de voyages responsable de la réservation.

2.14

Les procédures de notification doivent également tenir compte des exigences en matière d'accessibilité. D'autres modes de communication (téléphone et internet) doivent être proposés. Les sites web doivent être conformes à l'initiative WAI (3) et la notification par téléphone doit être gratuite.

2.15

Le Comité estime par ailleurs que le texte du règlement devrait se référer à la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Cette référence, destinée à garantir le respect de la vie privée, permettrait de préciser que les informations requises servent uniquement à l'exécution des obligations d'assistance fixées dans le règlement et qu'elles ne seront pas exploitées au préjudice des passagers requérant ces services.

2.16

Le Comité est préoccupé par le fait que la désignation de différents organes nationaux responsables des plaintes risque de compromettre l'efficacité des procédures d'infraction et la possibilité pour les passagers d'y accéder. Le Comité insiste sur la nécessité de désigner un organe facilement accessible qui serait chargé d'enregistrer les plaintes, de suivre la mise en œuvre du règlement et son application. Le Comité estime qu'on pourrait, dans chaque État membre, nommer un organe unique afin de simplifier le système actuellement proposé. Étant donné l'internationalisation du secteur des transports aériens et le nombre grandissant de passagers se déplaçant entre des pays autres que leur pays de résidence, le Comité juge adéquat de créer un organe européen.

2.17

Le Comité juge nécessaire d'octroyer aux personnes à mobilité réduite une indemnisation complète en cas d'endommagement ou de perte de l'équipement facilitant leur mobilité. Les importantes conséquences pour la mobilité, l'autonomie et la sécurité des passagers concernés doivent être dûment prises en compte. Le Comité est également d'avis que la responsabilité de la prise en charge au sol de l'équipement de mobilité doit incomber au transporteur aérien, conformément au cadre international de la responsabilité des transporteurs aériens, conformément à la Convention de Montréal.

2.18

Le Comité souhaite également souligner la nécessité de définir clairement dans le règlement les responsabilités en cas d'accident ou de mauvais traitement des passagers requérant une assistance, que ce soit à l'aéroport ou lors de l'embarquement et ce, conformément à la Convention de Varsovie telle que modifiée par les Conventions de La Haye et de Montréal (4). Le Comité souhaite que soient abordées certaines questions relatives à l'assistance à bord des aéronefs.

2.19

Le Comité préconise de supprimer la proposition visant à limiter la durée du transport des chiens guides à cinq heures, étant donné que cette limitation n'existe pas en pratique. Le règlement devrait également contraindre les transporteurs à informer les passagers des restrictions concernant le transport de l'équipement facilitant la mobilité. Les dispositions relatives à l'accessibilité des informations sur les vols doivent être étendues aux mesures de sécurité.

2.20

Le Comité est également préoccupé par le fait que le règlement ne traite pas de tous les obstacles aux voyages aériens. En particulier, il est essentiel que tous les nouveaux aéroports soient accessibles aux personnes à mobilité réduite et que les aéroports existants éliminent progressivement les entraves à l'égalité d'accès.

2.21

Par ailleurs, le Comité souhaiterait recommander aux transporteurs aériens qui achètent ou affrètent de nouveaux aéronefs le choix d' appareils qui répondent aux normes d'accessibilité.

3.   Conclusion

3.1

Le CESE soutient fermement la proposition mais recommande un certain nombre de modifications détaillées au point 2 afin de garantir une cohérence et une efficacité accrues dans la réponse apportée au besoin d'égalité des chances pour les passagers handicapés et les passagers à mobilité réduite lorsqu'ils font des voyages aériens.

Bruxelles, le 28 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 (JO L 40 du 17.2.2004, p. 1) – Avis CESE JO C 241 du 7.10.2002, p.29.

(2)  Voir l'avis du Comité économique et social européen sur L'intégration des personnes handicapées dans la société (JO C 241 du 7.10.2002, p. 89) et l'avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Égalité des chances pour les personnes handicapées: un plan d'action européenJO C 110 du 30.4.2004, p. 26.

(3)  L'initiative pour l'accessibilité du web (WAI - Web Accessibility Initiative) consiste en des directives reconnues internationalement relatives à l'accessibilité des browsers, outils de création et sites web visant à faciliter l'utilisation du web pour les personnes souffrant d'un handicap (physique, visuel, auditif, cognitif ou neurologique). Pour plus d'informations, consultez le site http://www.w3.org/WAI, ainsi que la communication de la Commission européenne du 25 septembre 2001 sur l'amélioration de l'accessibilité des sites Internet publics.

(4)  Voir l'article 7 qui établit les responsabilités des transporteurs aériens en cas d'accident à bord de l'aéronef ou lors de l'embarquement et du débarquement des passagers.