14.10.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 255/52


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'instrument financier pour l'environnement (LIFE+)»

[COM(2004) 621 final — 2004/0218 COD]

(2005/C 255/09)

Le 16 novembre 2004, le Conseil a décidé, conformément à l'article 175 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 17 mars 2005 (rapporteur: M. RIBBE).

Lors de sa 416ème session plénière des 6 et 7 avril 2005 (séance du 7 avril 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 128 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions.

1.   Observations préalables

1.1

Les perspectives financières de l'UE 2007–2013, actuellement en cours de préparation, prévoient également des changements dans le domaine de la promotion de l'environnement.

1.2

Le programme LIFE, institué en mai 1992 par le règlement (CEE) no1973/92 portant création d'un «instrument financier pour l'environnement (Life)», a sans conteste été jusqu'ici le principal instrument communautaire de financement en faveur de l'environnement. L'objectif de LIFE a été et reste de contribuer à la mise en œuvre et au développement de la politique et de la législation de la Communauté en matière d'environnement.

1.3

LIFE I, doté d'une enveloppe de 400 millions d'euros (soit 100 millions d'euros par an), a couvert la période de 1992 à 1995. Compte tenu du succès rencontré par cet instrument, le règlement (CE) no 1404/96 a lancé une deuxième phase (LIFE II), dotée d'un budget total de 450 millions d'euros (112,5 millions par an), pour la période comprise entre 1996 et 1999. Life est actuellement dans sa troisième phase (LIFE III), dont la durée a été fixée par le règlement (CE) no 1655/2000 pour la période 2000-2004 (128 millions d'euros par an) et prolongée jusqu'en 2006 par le règlement (CE) no 1682/2004.

1.4

LIFE se composait jusqu'ici de trois volets: LIFE-Environnement, LIFE-Nature et LIFE-Pays tiers. Ce programme a permis à la fois de soutenir des projets d'investissement novateurs et de promouvoir le développement et la mise en œuvre de la politique et de la législation communautaires en matière d'environnement. LIFE-Nature a contribué de manière déterminante à l'établissement du réseau NATURA 2000.

1.5

Le budget alloué par la Commission à l'environnement (titre budgétaire B 3 — 4; titre 07 depuis 2004) a permis dans le passé de financer d'autres programmes dans ce domaine, parmi lesquels on peut notamment mentionner un programme en faveur du développement urbain durable, un programme «ONG», «Forest Focus», un mécanisme général de développement et de mise en œuvre des politiques (qui possède une dimension interne et une dimension externe) et un transfert budgétaire vers l'Agence européenne pour l'environnement.

1.6

Le nouvel instrument de financement LIFE+ proposé pour l'environnement vise à restructurer radicalement les aides accordées jusqu'ici. Cet instrument regroupera d'une part les volets des programmes d'aide actuels relevant du titre budgétaire 07 («Forest Focus», aide aux ONG, URBAN, élaboration de nouvelles initiatives politiques, éléments de la «mise en œuvre de la politique d'environnement», éléments de LIFE-Environnement et de LIFE-Nature). D'autre part, il ne soutiendra plus de projets d'investissement traditionnels et concrets en faveur de l'environnement. À l'avenir, la rubrique 1A sera consacrée à LIFE-Environnement, la rubrique 1B ainsi que certaines parties de la rubrique 2 couvriront LIFE-Nature. L'aide actuelle aux activités internationales sera financée par la rubrique 4, la protection civile par les rubriques 3 et 4, et l'environnement marin par la rubrique 3.

1.7

LIFE+ se concentrera donc sur les mesures destinées à soutenir la politique de l'environnement (et présentant une dimension exclusivement européenne), telles que l'échange de meilleures pratiques, le développement des capacités des autorités locales et régionales et le soutien aux ONG à vocation paneuropéenne.

1.8

La Commission prévoit ainsi avant tout, pour les projets d'investissement, la mise à contribution future des nouvelles rubriques 1A, 1B, 2 et 4. Elle avance l'argument selon lequel il a été décidé d'intégrer l'environnement dans tous les domaines politiques. En conséquence, des aides à l'investissement cohérentes et adaptées à la protection de l'environnement doivent être encouragées, au moyen de ces rubriques financièrement bien dotées, dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de développement durable et de la stratégie de Lisbonne, à forte connotation environnementale.

1.9

LIFE+ se concentrera à l'avenir sur deux domaines principaux:

a)

LIFE+ «Mise en œuvre et gouvernance», dont l'objectif est de:

contribuer à l'élaboration et à la démonstration d'approches et d'instruments innovants, avec notamment la promotion des résultats de recherche positifs;

contribuer à la consolidation de la base de connaissances pour l'élaboration, la supervision et l'évaluation, notamment l'évaluation ex post de la politique et du droit en matière d'environnement (au moyen, entre autres, d'études, de la modélisation et de l'élaboration de scénarios);

soutenir la conception et la mise en œuvre d'approches de la supervision et de l'évaluation de l'état de l'environnement et des facteurs, des pressions et des réactions ayant des incidences sur l'environnement;

faciliter la mise en œuvre de la politique communautaire en matière d'environnement, en mettant l'accent sur la mise en œuvre aux niveaux local et régional, notamment par la mise en place de capacités, l'échange des meilleures pratiques, ainsi que la mise en réseau, l'élaboration de modules ou de programmes de formation;

fournir un soutien pour une meilleure gouvernance environnementale, une participation accrue des parties intéressées, notamment les organisations non gouvernementales dans le domaine de l'environnement, aux consultations et à la mise en œuvre des politiques;

et

b)

LIFE+ «Information et communication», dont l'objectif est de:

assurer la diffusion des informations et la sensibilisation aux questions environnementales;

soutenir les mesures d'accompagnement (publications, événements, campagnes, conférences, etc.).

1.10

75-80 % des moyens prévus seront consacrés au volet«Mise en œuvre et gouvernance» et 20-25 % au volet«Information et communication».

2.   Observations générales

2.1

Le financement des programmes LIFE était jusqu'ici loin d'être généreux. La portée de ce programme pour l'état de l'environnement et le développement de la politique environnementale doit être vue à la lumière de cette dotation financière relativement modeste; aussi ne doit-elle pas être surestimée, mais pas non plus sous-estimée. Avec une dotation annuelle de 150 millions d'euros — pour désormais 25 États membres! — (en 2005, les volets «Environnement» et «Nature» disposaient chacun de 71 millions d'euros, tandis que 7,5 millions d'euros étaient attribués à LIFE-Pays tiers), quelques grands projets pilotes européens ont au moins pu être financés, projets significatifs pour la protection de l'environnement et de la nature dans l'UE et qui ont permis de faire avancer celle-ci. Il faut particulièrement souligner l'appui majeur de LIFE-Nature à la création du réseau NATURA 2000, faute duquel le réseau serait resté bien plus en retard par rapport au calendrier établi en 1992, d'où l'intérêt de maintenir la possibilité de cofinancement partiel du fonctionnement du réseau NATURA 2000 également au sein du programme LIFE+. On mentionnera également à ce propos les mesures de développement des capacités dans le domaine de la protection de l'environnement et de la nature.

2.2

On peut considérer que les programmes LIFE constituent pour la Commission des instruments politiques de contrôle très performants. Si des succès tout à fait dignes d'attention ont pu être remportés avec des moyens modestes, c'est parce qu'une certaine «concurrence» s'est installée entre États membres pour l'attribution des fonds LIFE. Les États membres (ou plutôt les promoteurs privés et publics de projets dans les États membres) ont dû concevoir et élaborer des projets novateurs s'inscrivant dans le cadre des programmes LIFE. Ceux-ci ont ensuite été soumis à un examen critique au cours d'une procédure de sélection établie, avant d'être approuvés ou refusés en raison de leur mauvaise qualité ou de l'insuffisance de moyens budgétaires. Une transparence européenne a ainsi pu être instaurée quant à l'attribution des fonds.

2.3

La proposition présentée par la Commission s'éloigne considérablement de cette procédure qui a fait ses preuves. Seule une petite partie des ressources prévues devrait être attribuée directement par la Commission (en particulier dans les domaines d'intervention «Forest Focus», URBAN, aide aux ONG). En particulier pour les domaines mis en lumière par le 6ème programme d'action pour l'environnement (climat, biodiversité, environnement et santé ainsi que déchets), il est prévu de répartir les moyens budgétaires entre les États membres, qui seront ensuite responsables en première ligne de la sélection et de la gestion du programme LIFE+. Il est à regretter l'absence à ce jour de critères clairs concernant la répartition des fonds entre les pays et entre les volets du programme.

3.   Observations particulières

3.1

Cette proposition apparaît de prime abord logique et cohérente dans son principe: l'intégration de la politique environnementale dans tous les autres domaines politiques implique également de prévoir des investissements pour l'environnement dans les instruments financiers généraux, dans le budget de la recherche et dans le volet «L'Union européenne en tant que partenaire mondial». Le CESE salue cette approche, car les moyens modestes du programme LIFE ne sauraient pas suffire à eux seuls à faire progresser la protection de l'environnement dans l'UE.

3.2

Cependant, le CESE estime que la proposition de la Commission et plus généralement les débats menés actuellement sur les perspectives financières pour 2007-2013, dans le cadre desquelles cette proposition de la Commission doit être envisagée, représentent une menace potentiellement considérable pour le succès futur du programme LIFE.

3.2.1

Tout d'abord il n'existe toujours aucune forme de «garantie» que des mesures financées par exemple jusqu'ici par LIFE-Environnement trouveront bien un financement dans la rubrique 1A. D'autres instances fixeront désormais les modalités et l'ampleur de l'aide, et la motivation qui préside à la prise de décisions peut être complètement différente d'un point de vue politique. Il est par exemple notoire que des personnes et des organisations très influentes défendent parfois l'idée selon laquelle les efforts doivent encore une fois porter avant tout sur la croissance économique avant que l'on puisse de nouveau se consacrer avec une vigueur accrue à la protection de l'environnement. Ces idées sont même véhiculées lors des discussions sur le succès jusque là très discutable de la stratégie de Lisbonne. Tous les appels adressés jusqu'ici aux autres services de la Commission, à prendre suffisamment en compte la protection de l'environnement, étaient certes bien intentionnés, mais n'ont amené pour le moment que peu de résultats. La DG Environnement, qui avait jusqu'à présent pu sélectionner des projets exemplaires dans toute l'Europe grâce à son expertise et sa propre ligne budgétaire, ne sera plus compétente pour décider si des projets environnementaux novateurs et exemplaires seront encore pris en considération.

3.2.2

Il en va de même pour LIFE-Nature, même si le CESE reconnaît bien entendu qu'une grande partie des ressources financières nécessaires à la mise en œuvre de toutes les directives de l'UE relatives à la protection de l'environnement doivent venir des États membres eux-mêmes ainsi que d'autres sources de financement communautaire, comme le deuxième pilier de la PAC et les fonds structurels. Le CESE s'inquiète cependant que les propositions relatives aux nouveaux fonds structurels ne comportent pas de référence indispensable à la possibilité d'un financement de NATURA 2000. Certaines actions autrefois financées par LIFE-Nature ne pourront toutefois plus l'être à l'avenir, comme les mesures mises en œuvres par de non- agriculteurs. Le CESE juge cela inacceptable.

3.2.3

Il est bien que la proposition de règlement sur le «développement rural» fasse explicitement référence à NATURA 2000. Le CESE s'en félicite expressément. Cependant, la discussion sur le plafond financier de 1,24 % risque de mener à des mesures d'économie touchant cet instrument politique absolument primordial pour la protection de la nature. En l'absence de ressources, les plus belles références politiques ne sont d'aucune utilité (1).

3.2.4

Il est à prévoir que les mesures financées à l'avenir via les États membres par le budget du développement rural concerneront principalement les dépenses courantes (telles que les mesures compensatoires). Le CESE considère que ces paiements sont indispensables pour le développement rural en général, pour les revenus agricoles ainsi que pour la réussite de NATURA 2000 (2). Mais LIFE-Nature a également permis de promouvoir des mesures très innovantes en termes de politique environnementale, en rapprochant par exemple des agriculteurs et des défenseurs de l'environnement autour de projets spécifiques. Ces aspects de LIFE-Nature risquent à présent de disparaître.

3.2.5

Le transfert des responsabilités en matière de conception et de décision des projets peut également engendrer d'autres problèmes venant de l'intérêt ou du désintérêt de chaque État membre pour la politique environnementale. Il peut par exemple être dans l'intérêt de l'UE que dans un État membre donné les fonds européens soient prioritairement alloués à certains projets de protection de la nature (p.ex. NATURA 2000), parce que d'importantes ressources naturelles doivent y être préservées. Dans le même temps, il peut arriver que cet État membre se fixe des priorités politiques (relatives à l'environnement) complètement différentes et insiste surtout pour développer d'autres domaines de manière prioritaire ou qu'il préfère, dans le domaine de la protection de l'environnement, se consacrer à des questions climatiques ou de politique des déchets et les faire financer par LIFE+.

3.2.6

Il existe un risque non négligeable, compte tenu des difficultés budgétaires de nombreux États membres, que ceux-ci utilisent les ressources de LIFE+, désormais laissées à leur libre usage et pouvoir de décision, pour relayer des dépenses environnementales auparavant supportées par leur propre budget.

3.3

L'UE traverse actuellement une phase très délicate en termes de politique environnementale (élargissements réalisé et à venir, problèmes posés par la politique économique et la mise en œuvre du processus de Lisbonne, établissement définitif du réseau NATURA 2000), étant donné qu'il convient d'une part de faire appliquer toutes les normes relatives à l'environnement — aussi et surtout dans les nouveaux États membres, et qu'il faut d'autre part veiller à dissocier la croissance économique de l'utilisation des ressources et des incidences sur l'environnement. La Commission doit dès lors garder à sa disposition suffisamment d'instruments propres lui permettent de peser sur la définition des politiques.

3.4

Le transfert prévu vers les États membres prive cependant l'UE d'un instrument de contrôle jusqu'ici certes modeste mais tout à fait efficace. Un instrument politique se voit ainsi dégradé au rang de ligne budgétaire à l'usage des États membres. Le CESE ne relève pas pour l'instant le moindre indice concernant les moyens dont dispose la Commission pour veiller aux intérêts européens, condition sine qua non pour que des fonds puissent être attribués sur le budget communautaire. En d'autres termes, il faut empêcher que la valeur ajoutée européenne et le caractère novateur qui caractérisaient jusqu'à présent le programme LIFE ne soient perdus. Après avoir pris connaissance du document à l'examen, le CESE ne voit pas comment la Commission entend y parvenir. Dès lors, il demande que les éléments novateurs de LIFE-Environnement et de LIFE-Nature soient préservés dans un fonds de soutien géré par la Commission elle-même. Ce faisant, il rejoint la demande entre-temps exprimée en ce sens par certains États membres auprès du Conseil.

3.5

L'aide aux mesures de communication ainsi qu'à la mise en œuvre et au suivi de la politique européenne en matière d'environnement et de développement durable, financée grâce à LIFE+ en tant que composante à part entière de la stratégie européenne de cohésion en faveur de la croissance, la cohésion sociale et l'environnement, est extrêmement importante et favorablement accueillie par le CESE. Cette aide inclut aussi clairement le soutien aux ONG environnementales organisées au niveau européen ou (il convient d'insister sur ce point dans le document de la Commission) actives dans les domaines d'intérêt européen. Dans la mesure du possible, les aides devraient toujours être affectées à des projets précis.

4.   Conclusion

4.1

Le CESE est en principe favorable à l'intégration de la politique environnementale dans tous les autres domaines politiques, car les moyens modestes du programme LIFE ne sauraient pas suffire à eux seuls à faire progresser la protection de l'environnement dans l'UE.

4.2

Cependant, le CESE estime que la proposition de la Commission et plus généralement les débats menés actuellement sur les perspectives financières pour 2007-2013 représentent une menace potentiellement considérable pour le succès futur du programme LIFE. D'une part il n'existe aucune forme de «garantie» que les intérêts environnementaux trouveront bien un financement dans d'autres rubriques budgétaires et d'autre part le transfert prévu vers les États membres prive l'UE d'un instrument de contrôle jusqu'ici certes modeste mais tout à fait efficace. Dès lors, le CESE demande que les éléments novateurs de LIFE-Environnement et de LIFE-Nature soient préservés dans un fonds de soutien géré par la Commission elle-même.

Bruxelles, le 7 avril 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Cf. avis du CESE sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen: le financement de Natura 2000».

(2)  Cf. avis du CESE sur le «Développement rural/FEADER».