52003AE0586

Avis du Comité économique et social européen sur:la Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1255/1599 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (2003/0011 (CNS)), etla Proposition de règlement du Conseil établissant un prélèvement dans le secteur du lait et des produits laitiers (2003/0012 (CNS))(COM(2003) 23 final — 2003/0011 + 0012 (CNS))

Journal officiel n° C 208 du 03/09/2003 p. 0045 - 0049


Avis du Comité économique et social européen sur:

- la "Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/1599 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers" (2003/0011 (CNS)), et

- la "Proposition de règlement du Conseil établissant un prélèvement dans le secteur du lait et des produits laitiers" (2003/0012 (CNS))

(COM(2003) 23 final - 2003/0011 + 0012 (CNS))

(2003/C 208/12)

Le 10 février 2003, le Conseil, conformément à l'article 37, paragraphe 1 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur les propositions susmentionnées.

La section spécialisée "Agriculture, développement rural, environnement", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 25 avril 2003 (rapporteur: M. Voss).

Lors de sa 399e session plénière des 14 et 15 mai 2003 (séance du 14 mai), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 77 voix pour, 13 voix contre et 17 abstentions.

1. Introduction

1.1. Le règlement (CEE) n° 804/68 du Conseil a introduit une organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers. Les principaux instruments de marché sont les prix communs, l'intervention publique et le stockage privé, les aides nationales à la consommation et les restitutions à l'exportation, ainsi que le régime des quotas laitiers, introduit en 1984, à une époque où la production communautaire de lait était très excédentaire, dans le but de soutenir les prix à la production tout en limitant la production et les dépenses.

1.2. Malgré une diminution du nombre d'exploitations laitières, l'élevage de bétail laitier a pu être maintenu dans les régions défavorisées depuis l'introduction du régime des quotas. Selon Eurostat, la proportion d'exploitations laitières situées dans les régions défavorisées avoisine les 50 %, et la proportion de vaches laitières les 38 %.

1.3. Dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune adoptée par le Conseil européen de Berlin en mars 1999, il a été décidé, pour le secteur laitier, de prolonger le régime des quotas laitiers jusqu'en 2008, de réduire les prix d'intervention de 15 % et d'introduire les paiements directs à partir de la campagne 2005/2006, ainsi que de relever les quotas d'environ 2,4 % à partir de 2005. En 2000, une distribution de 0,9 % des quotas UE a déjà été opérée dans certains États membres de l'UE. Par ailleurs, la Commission européenne a été chargée, dans le contexte de la révision à mi-parcours, d'élaborer un rapport sur l'impact du processus de réforme et de soumettre des propositions portant sur l'évolution du secteur laitier après 2008.

1.4. Le 10 juillet 2002, dans son Rapport sur les quotas laitiers (SEC(2002) 789 final), la Commission a présenté quatre options pour la révision à mi-parcours.

Option 1: reconduction pure et simple des mesures prévues par Agenda 2000 jusqu'en 2015 (pas d'autres réformes).

Option 2: répétition de l'approche Agenda 2000 (abaissement du prix d'intervention et relèvement des quotas de 3 %).

Option 3: introduction d'un double régime de quotas (réduction du quota visant le marché intérieur (quota dit "A") et quota illimité pour la production aux conditions du marché (quota "C").

Option 4: élimination des quotas en 2008 et nouvelle baisse du prix d'intervention de 25 %.

1.5. Plus de la moitié des 1,7 million d'exploitations agricoles pratiquant l'élevage de bovins dans l'UE sont consacrées au bétail laitier (chiffre de 1997). Le secteur laitier, industries de transformation incluses, emploie quelque 2 millions de personnes. Dans la plupart des États membres et dans l'UE d'une manière générale, la production laitière est la principale activité agricole. Au sein de l'UE, le seul secteur laitier représente environ 14 % de la valeur globale de la production agricole, ce qui équivaut à quelque 38 milliards d'EUR au niveau de la production et quelque 80 milliards d'EUR au niveau de la transformation. Dans les zones de pâturage, jusqu'à 80 % de la valeur ajoutée de l'agriculture provient de la production laitière.

1.6. D'un point de vue historique, la diversité des paysages culturaux d'Europe résulte pour une grande part de l'élevage de bétail et de l'utilisation des pâturages. Les différents types de sols et de conditions climatiques au niveau régional, mais aussi les diverses pratiques agricoles et formes d'utilisation sont à l'origine de la grande variété d'espèces que présente le paysage cultural. Malgré l'utilisation de plus en plus fréquente de fourrage concentré, les vaches laitières sont les principales utilisatrices des pâturages d'Europe centrale. La grande importance de l'élevage de bétail laitier sur le plan écologique est également illustrée par le pourcentage élevé d'exploitations laitières écologiques.

1.7. Une autre caractéristique européenne est la grande diversité et l'exceptionnelle qualité des produits laitiers régionaux issus de l'élevage de bétail laitier. La production et la transformation du lait en Europe répondent à des normes technologiques élevées.

1.8. L'élevage de bétail laitier et la production de viande bovine sont étroitement liés sur le plan économique. Si l'intérêt pour l'engraissement des bovins devait diminuer (notamment en raison d'une baisse des prix ou du découplage des primes), les prix du veau seraient mis sous pression, ce qui entraînerait une baisse des revenus des producteurs laitiers.

2. Contenu des propositions de réforme

2.1. La Commission propose de maintenir le système de quotas laitiers existant au-delà de 2008, jusqu'à la campagne 2014/2015.

2.2. La méthode adoptée en 1984 consistant à instaurer un prélèvement à payer sur les quantités de lait collectées (115 % du prix indicatif) ou vendues directement, au-delà d'un seuil de garantie (quota), doit être maintenue. On établit à cette fin pour chaque État membre une quantité globale garantie assortie d'une teneur en matière grasse laitière de référence.

2.3. À la suite de la disponibilité non prévue de ressources budgétaires pour la réforme du secteur des produits laitiers, les réformes décidées dans le cadre de l'Agenda 2000 devront être avancées d'un an et réalisées en 2004/2005.

2.4. En outre, conformément à l'option 3 du Rapport sur les quotas laitiers, il faudra augmenter les quotas laitiers nationaux de 1 % par an en 2007 et 2008.

2.5. La réduction uniforme prévue de 15 % (réduction de 5 % par an en trois phases) sera remplacée par des baisses du prix d'intervention asymétriques sur une période de cinq ans. Au total, cette réduction de 17,5 % du prix du lait écrémé en poudre et de 35 % du prix du beurre correspond à une réduction globale de 28 % du prix indicatif du lait dans l'UE sur cinq ans (de 30,98 centimes/kg aujourd'hui à 22,21 centimes/kg).

2.6. La Commission propose un plafond de 30000 tonnes pour les achats à l'intervention de beurre. Au-delà de cette limite, les achats peuvent être effectués dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres.

2.7. Une compensation partielle des baisses de prix sera octroyée en 2007 et 2008 sous la forme de paiements directs aux producteurs laitiers. Cette compensation de la baisse de prix augmentera au cours de la période 2004-2008, de 0,575 centimes/kg à 2,874 centimes/kg.

2.8. Les plafonds nationaux supplémentaires pour le lait pourront être répartis entre les quantités de référence individuelles ou être payés sous une autre forme. Dans l'ensemble, en 2008, les paiements compensatoires s'élèveront donc à environ 4,17 centimes/kg de lait, ce qui représente une compensation partielle d'un peu moins de 50 %.

2.9. Dès le début de la réforme (2004), les paiements directs seront découplés et versés sous la forme d'un paiement à l'exploitation, calculé selon la superficie, et basé sur la somme historique des paiements individuels.

2.10. Contrairement aux autres secteurs du marché, la date d'échéance pour le calcul du montant de la prime relative aux produits laitiers n'est pas passée mais future (31 mars 2004).

3. Observations générales

3.1. Au sein de l'UE, les coûts de production moyens du secteur laitier avoisinent les 30-35 centimes/kg de lait mais peuvent dépasser sensiblement 45 centimes/kg, en fonction de facteurs liés au site d'implantation, au climat, à la structure agricole et des coûts liés aux quotas. Depuis 1992, les subventions unilatérales des coûts de l'alimentation animale dans les exploitations agricoles entraînent des distorsions de la concurrence. Les primes à la culture de plantes fourragères en vue de l'ensilage de plantes entières (maïs) défavorisent les exploitations herbagères sur le plan des coûts de l'alimentation animale.

3.2. Le Comité a déjà souligné l'importance de la production laitière dans plusieurs avis sur la multifonctionnalité et sur le modèle européen d'agriculture(1). Les exigences de la société et notamment des consommateurs communautaires en ce qui concerne la qualité du produit et les conditions de production du lait, mais aussi la garantie du lieu de production, exigent un soutien particulier de la production laitière au moyen d'une protection extérieure.

3.3. Le Comité soutient la proposition de la Commission, de poursuivre le régime de quotas laitiers au-delà de 2008. L'abandon du système de quotas entraînerait une augmentation de la production et une chute des prix incalculable. Le revenu des producteurs diminuerait considérablement malgré une réduction partielle des charges financières (pour la location des quotas) et un nombre croissant d'exploitations cesseraient l'activité dans la mesure où, surtout dans les régions à zones d'herbages, il n'y a pas d'alternatives économiquement viables à la production laitière. Cela aurait des conséquences désastreuses pour l'objectif d'une agriculture étendue sur de vastes territoires et pour la conservation de surfaces d'herbage intéressantes d'un point de vue environnemental.

3.4. Le Comité constate que 6 % seulement de la production mondiale de lait est écoulée sur lesdits "marchés mondiaux". Il est vrai que la demande globale de lait et de produits laitiers ne s'accroît que légèrement chaque année. Pourtant, avec un volume d'échanges annuel de quelque 30 millions de tonnes, ledit "marché mondial" a dès à présent une capacité d'absorption très limitée. La diversité des coûts et des contraintes de production défavorise nettement la production de lait européenne par rapport à celle d'autres régions (telles que l'Océanie ou l'Amérique latine), si bien que le marché mondial s'approvisionnera de manière croissante en produits de masse dans ces régions. En revanche, il reste pour l'UE des marchés en puissance dans des segments de qualité plus noble.

3.5. Le Comité ne partage pas la conception de la Commission dans son rapport sur les quotas laitiers, selon laquelle il y aurait une croissance de la capacité d'absorption des marchés nationaux et internationaux vis-à-vis des produits laitiers communautaires. Contrairement à l'évaluation faite par la Commission, le marché est fortement limité par:

- une offre accrue de produits laitiers au niveau mondial;

- une faiblesse de la demande imputable au ralentissement de la hausse du pouvoir d'achat;

- la normalisation de l'augmentation de la demande de fromage suite à l'atténuation de la crise de l'ESB;

- l'évolution négative de la demande induite par les turbulences de l'économie mondiale depuis le 11 septembre 2001;

- le développement des exportations américaines favorisé par la faiblesse du dollar par rapport aux autres monnaies;

- les exportations subventionnées en provenance de régions excédentaires;

- les restrictions aux importations de partenaires commerciaux importants comme la Russie et les États-Unis;

- les distorsions de la concurrence dues à des organisations nationales du commerce laitier (Nouvelle-Zélande) ainsi qu'à des mesures de droit fiscal (États-Unis).

4. Observations particulières

4.1. La baisse du prix indicatif de 28 % justifie aux yeux de la Commission une augmentation de la quantité totale de référence du lait après chacune des baisses de prix, afin de garder la production en équilibre avec la tendance prévue de la consommation et d'éviter de perturber le marché des produits laitiers.

Le CESE constate à cet égard:

- Dans le passé, les prix payés pour le lait étaient déterminés en fonction du prix d'intervention du lait. Ils étaient en moyenne de 10 % supérieur au niveau de ce prix d'intervention. La demande des consommateurs en produits laitiers est constante. Il n'est pas réaliste de penser que dans le cas d'une nette augmentation quantitative des droits de livraison, de 4,4 % au total, la baisse des prix ne représenterait que la moitié de la baisse du prix d'intervention.

- Le fait que l'augmentation des quantités de référence et la baisse des prix d'intervention interviennent parallèlement aux négociations annuelles des prix entre les laiteries et les distributeurs de denrées alimentaires ne fait que favoriser la stratégie de dumping des prix pratiquée par les "discounters". Le prix d'intervention devient ainsi la règle pour opérer des baisses de prix et ne remplit plus son rôle officiel de filet de sécurité.

- Le paiement compensatoire applicable à compter de 2004/2005 ne peut compenser qu'à peu près la moitié de la baisse de prix. Cette situation est à rejeter, à la lumière notamment des nombreux emplois fournis par les établissements de production laitière (PME) et de l'importance de ce secteur en termes de multifonctionnalité. Il faut impérativement que le niveau des paiements compensatoires dans le secteur laitier soit aligné sur celui en vigueur pour les céréales et la viande bovine (environ 90 %).

4.2. Le stockage à l'intervention des excédents de produits laitiers et les exportations subventionnées vers des pays tiers entraînent des coûts et sont remis en question par la société. En même temps, le marché intérieur communautaire est caractérisé par la stagnation de la demande de beurre et par une légère augmentation de la demande de fromage et de produits frais. Aussi le Comité est-il d'avis que la proposition de la Commission d'étendre les quotas laitiers de 1 % par an en 2007 et 2008 n'est aucunement justifiée. De même, l'anticipation de l'augmentation des quotas décidée dans le cadre de l'Agenda 2000 n'est pas justifiée du point de vue d'une politique de marché. L'augmentation des quotas, déjà prévue sur la base des décisions de Berlin, ne devrait au contraire intervenir que lorsque le marché sera en mesure d'absorber de telles quantités sans subventions.

4.3. En raison de la limite de 30000 tonnes prévue pour les achats de beurre à l'intervention, restreinte dans le temps, et de la possibilité de procéder à des stockages privés supplémentaires, l'intervention ne satisfait plus aux exigences d'un soutien des prix. Cela risque d'entraîner une baisse des prix à la production bien au-dessous du niveau du prix d'intervention. Par ailleurs, une intervention illimitée dans des conditions de marché défavorables comme les conditions actuelles conduit à l'accumulation d'immenses stocks d'intervention qui pèsent sur le marché pendant des années. Aussi le Comité invite-t-il la Commission à introduire une adaptation souple des quotas comme faisant partie intégrante de sa politique dans le secteur laitier. En cas d'augmentation des stocks à l'intervention, il doit y avoir automatiquement une adaptation, alors qu'en cas d'épuisement des stocks à l'intervention, on peut procéder à une augmentation des quotas. Les seuils de prix d'importants produits de référence du lait devraient également constituer un indicateur pour l'adaptation des quotas laitiers. De cette façon, il est possible de concilier les intérêts des producteurs de lait, des consommateurs, des contribuables et de l'industrie laitière.

4.4. Le Comité constate que si les projets de la Commission (relèvement des quotas et baisse des prix) sont mis en application, les dépenses budgétaires liées aux paiements compensatoires pour le lait atteindront probablement 4,895 milliards d'EUR d'ici à 2013. S'agissant des mesures de marché, c'est-à-dire les restitutions à l'exportation, le stockage public et privé et les aides internes, la Commission calcule qu'elles s'élèveront en 2013 à 1,328 milliard d'EUR contre 2,36 milliards actuellement. Le marché réformé du lait coûterait environ 4 milliards d'EUR de plus à l'UE en 2013. De plus, les producteurs laitiers européens perdraient de 4 à 5 milliards d'EUR par an sur le revenu généré par le lait.

4.5. Le Comité fait remarquer non sans inquiétude la période de référence (1999-2001) proposée dans le document Harbinson(2) pour le démantèlement de la Blue box souhaité par l'OMC. Étant donné qu'à l'époque les paiements compensatoires pour le lait n'existaient pas et qu'ils ne seront payés que dans le futur, ils sont particulièrement menacés par ce démantèlement.

4.6. Le Comité rejette les baisses de prix radicales prévues et la compensation d'environ 50 % à l'aide de primes. Il fait observer que les baisses de prix sont compensées à concurrence d'environ 90 % dans le cas d'autres paiements compensatoires. Une égalité de traitement lui semble justifiée, notamment en raison de l'importance de la production laitière en termes de multifonctionnalité. Dans les zones extrêmement défavorisées (telles que les zones de montagne), une compensation est à prévoir par le biais du deuxième pilier.

4.7. Le Comité fait observer que les quotas laitiers UE ont déjà été étendus de 0,9 % dans certains pays conformément aux décisions de Berlin. Ces quotas font déjà pression actuellement sur les prix des producteurs sans que ceux-ci ne reçoivent de compensation.

4.8. Le Comité craint que les propositions de la Commission visant à réformer le marché du lait n'entraînent des dommages structurels dans certaines zones rurales de l'UE. Il est impossible de dire comment les dommages occasionnés à l'espace rural par cette réforme du secteur laitier pourront être réparés, ne fût-ce que partiellement, par le second pilier de la PAC. La dotation financière du deuxième pilier ne va certes pas s'améliorer. Ainsi, en 2013 seulement 1,481 milliard d'EUR seront dégagés pour toute l'Europe en faveur du développement rural, grâce à la modulation et la dégressivité. Toutefois, une dotation annuelle supplémentaire de 0,9 milliard d'EUR a été approuvée pour le développement rural de la seule Pologne.

4.9. Selon le CESE, les propositions de la Commission auront pour effet qu'à l'avenir la production laitière dans les surfaces d'herbages et dans les régions défavorisées peu productives subira d'importants désavantages en termes de concurrence. Dans sa proposition de règlement, la Commission constate qu'il faut encourager le maintien des pâturages permanents, en raison de leur impact positif sur l'environnement, afin d'éviter une reconversion massive vers les cultures arables. En interdisant tout changement d'affectation des pâturages après le 31 décembre 2002, la Commission entend imposer dans le cadre des mesures d'écoconditionnalité (cross-compliance) le mode d'utilisation de ces sols. Or, sans valeur ajoutée, même une interdiction de réaffectation ne garantit pas que ces sols continueront d'être utilisés comme pâturages. La possibilité donnée aux États membres par la Commission de niveler les primes au niveau régional constitue une solution. Cependant, le nivellement des primes au niveau régional pourrait avoir comme conséquence que les producteurs laitiers d'une région dans laquelle la superficie des terres arables est supérieure à la moyenne bénéficient d'un avantage concurrentiel par rapport aux producteurs laitiers des régions disposant de peu de terres arables, comme c'est souvent le cas dans les régions alpines. La Commission est en conséquence invitée à adapter sa proposition pour tenir compte de la situation différenciée des États membres, afin de permettre une répartition plus équitable des primes.

4.10. Si l'UE, pour des motifs de politique commerciale globale, doit être obligée à opter pour la réduction des prix et l'application de paiements compensatoires découplés, alors il conviendrait de découpler également les montants compensatoires pour le lait selon les mêmes modalités.

4.11. Le Comité estime que l'instrument d'une réglementation par quotas est particulièrement important pour maintenir la valeur ajoutée au niveau régional. Dans ce contexte, il invite la Commission à spécifier davantage l'annexe IV du règlement horizontal.

4.12. L'objectif de création d'une réserve nationale est approprié. Mais il faut déplorer l'absence de toute exigence minimale concernant son niveau. De même, il y a lieu de définir les "critères objectifs" d'allocation de la réserve nationale, pour que les objectifs de la politique structurelle soient identifiés (par exemple aide aux jeunes agriculteurs).

4.13. La date du 31 mars 2004 retenue pour la fixation des primes pour le lait est encore éloignée. Le Comité fait observer que cette réglementation entraînera des spéculations sur le marché des quotas. Les petits producteurs laitiers, à qui l'annonce de la baisse des prix bloque toute perspective d'avenir, essaieront de vendre leurs droits de livraison à un prix aussi élevé que possible. Les restructurations s'intensifieront. Les petites et moyennes entreprises perdront de précieux emplois.

4.13.1. L'interdiction des aides à l'acquisition de quantités de référence est pertinente du point de vue de la politique structurelle et budgétaire.

4.14. Le Comité juge également opportune la réévaluation, dans le cadre du système des prix, des aides accordées aux matières grasses et aux protéines.

4.15. Les propositions horizontales offrent une possibilité de préserver à la fois les intérêts des fermiers et des propriétaires de terres (suspension allant jusqu'à 5 ans du droit à la prime en cas de désaccord entre fermiers et propriétaires).

5. Conclusions

5.1. L'UE doit donner aux producteurs laitiers la certitude nécessaire en termes de planification quant à ses décisions politiques au-delà de 2008. Aussi le CESE est-il fondamentalement favorable à la prolongation du régime des quotas laitiers jusqu'en 2015. Le Comité perçoit toutefois dans les autres propositions de la Commission une menace pour les objectifs propres à un régime de quotas (régulation quantitative, revenu garanti dans les régions défavorisées, préservation de l'emploi dans le secteur laitier, réduction des charges budgétaires).

5.1.1. Le CESE invite le Conseil et la Commission à développer un nouvel instrument de nature à adapter les quotas en souplesse, pour pouvoir réagir aux situations du marché.

5.1.2. Au stade actuel, compte tenu des conditions qui caractérisent le marché, le CESE rejette l'idée de prévoir une augmentation de la production laitière pour 2007 et 2008.

5.1.3. En outre, le CESE invite la Commission et le Conseil à revoir la décision relative à une augmentation des quotas à hauteur de 1,5 % sur la base des décisions de Berlin, eu égard à l'augmentation des stocks d'intervention. Une extension des quotas ne pourra intervenir que lorsque la situation du marché le permettra.

5.2. Le CESE rejette les propositions de la Commission relatives à une baisse des prix d'intervention ainsi que la limite à 30000 tonnes des quantités présentées à l'intervention pour le beurre. Dans le même temps, il invite la Commission, en cas de baisse inévitable des prix, à garantir les paiements compensatoires à l'instar de ce qui se fait dans les autres organisations de marché (environ 90 %).

5.3. Les instruments de gestion du marché tels que les aides, les restitutions et les interventions, doivent être utilisés de façon ciblée et comme mesures de soutien. Il conviendrait d'évaluer régulièrement leur impact et de les adapter de manière correspondante.

5.3.1. Pour les exploitations subissant de forts préjudices du fait de leur situation géographique, il y a lieu de prévoir dans le cadre du deuxième pilier de la PAC des instruments d'aide supplémentaires qui devront faire l'objet d'une adaptation et d'un développement continus.

5.4. Le CESE attache une importance particulière à la production de lait dans les surfaces d'herbages et dans les régions défavorisées. Il juge urgent de mettre un terme aux désavantages de concurrence que subissent ces régions et ces surfaces depuis la réforme de 1992. À cette fin, il est nécessaire d'introduire une compensation dans le cadre du premier pilier de la PAC.

5.5. Le Comité suggère vivement à la Commission d'imposer dans le cadre des négociations OMC une protection qualitative extérieure pour le lait et les produits laitiers afin de préserver la production indigène de haute valeur et de défendre le modèle européen d'une agriculture multifonctionnelle.

5.6. Le CESE est d'avis que la Commission ne s'est pas suffisamment penchée sur les incidences des propositions relatives au secteur du lait. Elle a notamment omis d'analyser leur impact sur les secteurs concernés ainsi que leur cohérence avec les objectifs des différentes politiques communautaires impliquées. Il convient d'exposer les possibilités existantes de remédier aux effets négatifs de la réforme et les coûts correspondants. Les retombées sur le marché du travail, le nombre et la structure des petites et moyennes exploitations, les secteurs économiques en amont et en aval et l'environnement revêtent une importance particulière dans ce contexte. Les résultats actuellement disponibles des études d'évaluation de l'impact justifient les craintes du CESE.

Bruxelles, le 14 mai 2003.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger Briesch

(1) JO C 368 du 20.12.1999, pp. 76-86.

(2) Session spéciale du Comité agriculture de l'OMC - Négociations sur l'agriculture. Premier projet relatif aux modalités des futurs engagements TN/AG/W/1 - 17 février 2003. Projet révisé le 18 mars 2003 (TN/AG/W/1/rév. 1 - 18 mars 2003 (03-1585)).