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Avis du Comité économique et social sur "L'immigration, l'intégration et le rôle de la société civile organisée"

Journal officiel n° C 125 du 27/05/2002 p. 0112 - 0122


Avis du Comité économique et social sur "L'immigration, l'intégration et le rôle de la société civile organisée"

(2002/C 125/21)

Le 31 mai 2001, conformément à l'article 23, paragraphe 3 de son règlement intérieur, le Comité économique et social a décidé d'élaborer un avis sur "L'immigration, l'intégration sociale et le rôle de la société civile organisée"

La section de l'emploi, des affaires sociales et de la citoyenneté, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 27 février 2002 (rapporteur: M. Pariza Castaños, corapporteur: M. Melícias).

Lors de sa 389e session plénière des 20 et 21 mars 2002 (séance du 21 mars), le Comité économique et social a adopté le présent avis à l'unanimité.

1. Intégration et citoyenneté

1.1. Pendant les années soixante et soixante-dix, au cours desquelles l'immigration a été encouragée par les pays récepteurs, l'idée selon laquelle les migrations qui se produisaient en Europe avaient un caractère temporaire a prévalu, mais il s'est avéré que les populations immigrées s'établissaient de manière plus stable et les institutions publiques ont peu à peu admis que le destin des immigrés était, majoritairement, l'intégration dans notre société. C'est ce concept qui doit présider, sans aucune forme de réticence, aux nouvelles politiques(1) de l'immigration(2).

1.2. La Communication de la Commission européenne sur la politique communautaire de l'immigration indiquait que les perspectives économiques et l'évolution démographique de l'Europe faisaient de l'immigration un facteur fondamental de notre développement et une nécessité pour celui-ci. Aussi, les politiques publiques doivent s'adapter au fait que la société européenne actuelle et future est une société à forte composante d'immigrés, et qu'il faut par conséquent des politiques claires et efficaces d'intégration sociale de la population immigrée. Nous faisons référence à l'ensemble de la population immigrée, c'est-à-dire pas seulement à l'immigration pour recherche d'emploi mais également au regroupement familial, aux réfugiés et aux personnes qui relèvent d'autres formes de protection humanitaire.

1.3. Il faut bien définir le concept d'intégration pour qu'il puisse être utile dans tous les pays de l'Union européenne, car en effet les concepts d'intégration sociale (et pas seulement ceux qui concernent les immigrants et les réfugiés) varient selon les pratiques et les traditions culturelles de ces pays.

1.4. Le concept d'intégration que nous proposons dans cet avis se définit comme une "intégration civique" et il est basé, essentiellement, sur la mise sur un pied d'égalité des immigrants avec le reste de la population, en termes de droits et de devoirs, ainsi que d'accès aux biens, aux services et aux canaux de participation citoyenne, dans des conditions d'égalité des chances et de traitement. La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est une base solide et positive qui doit servir de guide pour la nouvelle législation européenne ainsi que pour les législations nationales.

1.5. L'élément principal de l'intégration civique que nous proposons ne réside pas tant dans le traitement qu'il faut accorder aux aspects culturels, que dans le concept de citoyenneté. La diversité culturelle fera l'objet d'un traitement spécifique dans chaque pays, conformément au modèle qui aura été développé à cette fin, mais cela ne doit pas compromettre le principe d'égalité des droits et des devoirs. Autrement dit, les modèles culturels des immigrés, quels qu'ils soient, ne doivent pas être prétexte à réduire l'importance de leur condition de personnes qui doivent avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs que le reste de la population.

1.6. Les droits des immigrés ne peuvent être remis en cause sur la base de la diversité culturelle. Le Comité rejette totalement toute approche qui nierait les droits des immigrés en raison de leurs différences culturelles. La liberté de culte, par exemple, est un droit à leur garantir comme pour les autres citoyens. Tous les droits fondamentaux des personnes, ainsi que tous les droits que les lois garantissent, sont également des droits pour les immigrés, indépendamment de leurs caractéristiques culturelles. À l'instar des droits, les devoirs légaux ne peuvent pas être éludés sur base d'arguments culturels. Les immigrés ne peuvent se soustraire au respect des lois et à l'acceptation des normes de la société d'accueil pour des raisons culturelles. Les immigrés doivent respecter les valeurs démocratiques des sociétés européennes et passer par les canaux démocratiques existants pour leur intégration sociale.

1.7. Les aspects culturels sont très importants. La diversité culturelle est une caractéristique propre à l'Europe démocratique pluraliste. L'immigration en provenance de pays tiers apporte des éléments majeurs à notre diversité, et enrichit culturellement nos sociétés. La culture ne saurait être comprise comme quelque chose de statique, mais doit être vue comme une réalité en constante évolution, qui s'enrichit avec les apports les plus variés. C'est avec cette vision dynamique de notre développement culturel qu'il faudrait intégrer les apports culturels des personnes immigrées.

1.8. Le Comité souhaite par conséquent souligner la contribution positive de l'immigration au développement culturel de l'Europe, et rejette énergiquement toute approche fondamentaliste qui parlerait de "risque de contamination culturelle" ou de défense de l'essence des cultures européennes face aux caractéristiques culturelles étrangères. De telles conceptions sont contraires au principe du pluralisme démocratique et pernicieuses pour le progrès socioculturel des sociétés européennes.

1.9. L'intégration sociale est très liée aux politiques en matière d'immigration et d'asile. Le processus d'intégration sociale doit coïncider dans le temps avec celui de l'immigration même, raison pour laquelle le mode d'entrée des immigrés ou des demandeurs d'asile et les droits qui leur sont accordés dès les premiers moments revêtent une grande importance. Le recours aux canaux irréguliers d'entrée et l'insertion dans le marché du travail via l'économie souterraine entravent leur insertion sociale. En ce sens, il importe d'élaborer des politiques d'immigration qui rendent accessibles les canaux réguliers d'entrée et définissent largement les droits des personnes immigrées. Sur ces questions, la Commission a élaboré des projets de directives(3) et le Comité s'est prononcé dans des avis y relatifs(4).

1.10. Les personnes immigrées doivent adopter une attitude positive, favorable à leur intégration, raison pour laquelle il conviendrait qu'elles connaissent la langue, les lois et les coutumes du nouveau pays de résidence.

1.11. La connaissance des langues des pays d'accueil est un aspect fondamental pour l'intégration des personnes immigrées, raison pour laquelle il faut offrir à celles-ci la possibilité de les étudier.

2. Le chemin parcouru par les institutions européennes en matière de politique d'intégration sociale des immigrés

2.1. La Commission européenne, conformément aux dispositions du Traité sur l'Union et en accord avec le cadre politique défini lors du Conseil de Tampere, mène à l'heure actuelle une activité politique intense, adoptant diverses initiatives législatives que le Comité estime positives. Toutefois, il s'avère qu'au Conseil en revanche, les travaux avancent très lentement et selon des approches politiques trop restrictives. Le Conseil européen de Laeken s'est engagé à adopter une nouvelle approche et à imprimer un nouvel élan à la politique commune en matière d'asile et d'immigration. Le Comité souhaite voir cet engagement se traduire par des progrès concrets au sein du Conseil et par un ferme soutien aux initiatives de la Commission.

2.2. Les institutions publiques des États de l'Union européenne ont progressivement mis en oeuvre au cours des dernières décennies des politiques d'intégration sociale à destination des populations immigrées. Ces politiques ont accumulé d'importants retards en raison des hypothèses qui avaient prévalues antérieurement quant au caractère temporaire de l'immigration.

2.3. Les institutions communautaires, pour leur part, mettent également en oeuvre depuis plusieurs années des politiques favorables à l'intégration sociale des immigrés. Ces politiques se sont concrétisées par des initiatives favorables à l'insertion sur le marché du travail, dans le système éducatif, etc. ainsi que dans les politiques mises en oeuvre sur le terrain en matière de lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination.

2.4. La communication de la Commission européenne de 1994(5) sur les politiques d'immigration et d'asile indiquait déjà que l'intégration sociale devait être l'un des trois axes centraux de la politique d'immigration (les deux autres axes étant la coopération avec les pays de départ et le contrôle des flux). Les propositions contenues dans la proposition de la Commission(6) sur la nouvelle politique d'immigration concernant l'intégration sociale des ressortissants des pays tiers sont basées sur l'égalité de droits, des progrès en matière de libre circulation, le développement de mesures visant à améliorer leur situation économique et socioculturelle et des mesures contre la xénophobie et la discrimination raciale.

2.5. Les initiatives communautaires mises en oeuvre sur le terrain sont diverses, mais il y a lieu de mentionner le programme Integra relatif à l'intégration sur le marché du travail des groupes menacés d'exclusion, qui a permis de réaliser un grand nombre de projets centrés sur l'immigration, ainsi que le programme actuel Equal(7) qui poursuit des objectifs similaires. La stratégie européenne en faveur de l'emploi, définie lors du sommet de Luxembourg de 1997, mérite également, de par ses approches de la lutte contre la discrimination sur le terrain de l'emploi, d'être mentionnée.

2.6. La lutte contre la xénophobie et la discrimination raciale, aspect qui revêt une énorme importance pour l'intégration sociale, a été développée par les institutions communautaires, en particulier à partir de l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam. Deux directives sont déjà en vigueur, l'une sur l'égalité de traitement de toutes les personnes, indépendamment de leur origine ethnique, et l'autre sur l'égalité de traitement au travail, sans oublier le programme d'action pour leur mise en oeuvre, qui sont autant d'instruments qui constituent une base solide pour le développement de politiques anti-discrimination. Le Comité constate néanmoins avec préoccupation les retards injustifiables qui se produisent dans la transposition des directives dans les législations nationales dans certains États membres.

2.7. La création en 1997 de l'Observatoire européen sur le racisme et la xénophobie est très importante, en ce qu'il constitue un instrument de l'Union européenne pour l'élaboration d'analyses et de propositions en vue de rendre plus efficace la lutte contre le racisme et d'autres formes de discrimination dans tout l'espace communautaire.

2.8. S'il est clair que les institutions publiques ont résolument misé sur l'intégration sociale, il n'en est pas moins vrai que les politiques mises en oeuvre jusqu'ici sont nettement insuffisantes. La discrimination dont continue de souffrir la population immigrée, et qui se manifeste par des aspects aussi importants qu'un accès au travail en position de désavantage, la ségrégation dans l'espace urbain et dans d'autres aspects de la vie sociale ainsi que les conflits de cohabitation qui se font jour en différents points de la géographie européenne, etc., témoignent clairement de l'insuffisance du travail accompli jusqu'ici sur ce terrain.

2.9. Il faut donner une grande impulsion aux politiques d'intégration sociale, effort dans lequel s'impliqueraient toutes les institutions, européennes, nationales, régionales et locales. Devrait également y participer de manière résolue la société civile organisée car c'est le seul moyen de conférer à ces politiques le degré d'efficacité dont elles ont besoin. Le Comité économique et social affirme sa volonté de contribuer activement à la mise en oeuvre de nouvelles pratiques d'intégration sociale et à ce que la société civile soit associée au processus.

3. Les politiques d'intégration

3.1. Les politiques pour l'intégration des immigrants doivent être mises en oeuvre par les institutions publiques et privées, avec une large participation et implication des organisations sociales. Ces politiques doivent viser l'élimination des obstacles auxquels sont confrontés les immigrants en matière d'accès aux biens, aux services et aux canaux de participation dans notre société, de même que l'insertion sur le marché du travail, l'accès au logement, la formation de base, professionnelle et universitaire, etc.

3.2. Ces politiques d'intégration doivent également s'adresser à la société d'accueil, pour réduire les attitudes discriminatoires qu'elle peut avoir et favoriser la communication et la bonne entente entre immigrants et société hôte, et promouvoir les échanges culturels, la connaissance mutuelle et la participation réciproque aux espaces de la vie sociale les plus divers. Aussi, les politiques d'intégration doivent-elles comporter des actions destinées tant à la population immigrée qu'à la population autochtone.

3.3. Les politiques favorables à l'intégration sociale des immigrants ne doivent pas conduire à un traitement social spécifique de ceux-ci. Il faudra prévoir des actions publiques spécialement destinées à ceux-ci, mais dans leur majorité, les actions devront encourager les immigrants à utiliser les canaux et les services ordinaires, et à accéder aux biens offerts par la société, dans des conditions d'égalité avec le reste de la population.

3.4. L'impulsion politique que l'intégration des immigrants nécessite doit se traduire par une augmentation des budgets des administrations publiques. Il faut à tous les niveaux, institutionnel, Union européenne, État, régional et local, élaborer des plans d'actions pour l'intégration. Il faut reconnaître que ce qui a été fait jusqu'à présent est nettement insuffisant car en effet, nous ne pouvons considérer comme satisfaisant le niveau actuel d'intégration sociale des populations immigrées. Cette demande aux États membres relative à un effort accru en matière de politiques d'intégration s'adresse également aux pays candidats à l'élargissement de l'Union européenne.

3.5. Le Comité est en train d'élaborer un avis(8) sur la méthode ouverte de coordination pour les politiques de l'immigration.

3.6. Un programme-cadre communautaire

3.6.1. Pour promouvoir de nouvelles politiques d'intégration sociale, il faut une initiative européenne le plus rapidement possible et qui soit la plus large possible et intégrée à l'ensemble des politiques communautaires. Dans le contexte communautaire, il faut que la Commission européenne prenne l'initiative d'élaborer un vaste programme-cadre communautaire pour promouvoir l'intégration sociale des immigrés et des réfugiés. Le programme doit servir de catalyseur pour que les autres institutions, à tous les niveaux, renforcent leur politique d'intégration. Ce programme-cadre doit pouvoir s'appuyer sur un engagement le plus large possible des organisations de la société civile, et à cet égard, le Comité économique et social européen peut jouer un rôle très important.

3.6.2. Les politiques publiques doivent couvrir toutes les phases du processus d'immigration, depuis le premier accueil des personnes immigrées jusqu'à leur mise sur un pied d'égalité intégrale et effective en termes de droits et de devoirs avec le reste de la population. Cela suppose de réaliser des actions dans de nombreux espaces. Dans cet avis, nous ne pouvons nous référer à toutes, mais nous en signalerons certaines, parmi celles qui nous paraissent les plus importantes.

3.6.3. Le premier accueil doit se faire avec les moyens nécessaires pour permettre que lorsqu'une personne immigrée s'installe dans n'importe quelle localité européenne, elle puisse le faire dans des conditions favorables à son intégration. Le Comité a élaboré un avis(9) sur le projet de directive relative aux conditions d'entrée et de séjour des immigrés pour raisons économiques, proposant d'assurer aux immigrants économiques un accueil dans des conditions favorables. Le Comité a également analysé les conditions d'accueil des demandeurs d'asile(10). Il faudra en la matière engager des actions pour leur assurer un logement digne; des services de consultation quant aux questions légales concernant les ressortissants des pays tiers; des services d'information en plusieurs langues, des cours de langues accessibles à toutes les personnes récemment arrivées; des services d'orientation en matière d'emploi; etc.

3.6.4. L'insertion dans le marché du travail est, sans aucun doute, un des axes de l'intégration sociale, car sans celle-ci il ne saurait y avoir d'insertion dans de nombreux autres domaines de la vie sociale. Les politiques de l'emploi doivent prendre en considération la nouvelle politique de l'immigration et faciliter l'accès à l'emploi des personnes immigrées(11).

3.6.5. Le logement et l'environnement urbain sont révélateurs de la situation réelle en matière d'intégration ou d'exclusion sociale. Dans de nombreuses localités, le logement et l'environnement urbain sont des signes alarmants du degré de dégradation des conditions de vie et d'exclusion sociale dont souffre la population immigrée, non seulement les résidents récents mais également les résidents de longue durée.

3.6.6. Le plein accès à l'éducation dans des conditions non discriminatoires et garantissant une qualité d'éducation est un autre aspect qui revêt une extrême importance pour le présent et l'avenir de l'intégration sociale des populations immigrées. Par les instruments européens appropriés, les autorités concernées reconnaîtront les titres universitaires et les qualifications professionnelles acquis dans le pays d'origine, en évitant toute forme de discrimination.

3.6.7. La santé et les autres services sociaux publics doivent être accessibles aux personnes immigrées sur un pied d'égalité avec le reste de la population. Cela implique d'éliminer toute situation discriminatoire et d'adapter les services et les prestations en vue de garantir cette égalité de traitement.

3.6.8. Il faut des programmes d'action à tous les niveaux, pour protéger les personnes immigrées du racisme, de la xénophobie, de la violence et de toute forme de discrimination. Il est indispensable que les pouvoirs publics, les entreprises, les institutions privées, les partenaires sociaux et l'ensemble de la société civile s'associent à ces programmes de manière préventive. La prévention de ces problèmes sociaux est sans aucun doute la meilleure façon d'éviter leur extension.

3.6.9. Promouvoir chez les Européens la communication entre différentes cultures et les valeurs positives de la pluralité culturelle doit être l'une des tâches des institutions publiques et des organisations de la société civile. L'intégration culturelle des immigrés et de leurs descendants devra se faire dans le respect de la diversité de leurs valeurs et traditions culturelles, et il faut faire en sorte que l' "interculturalité" soit la forme de développement culturel normalement acceptée par la société d'accueil.

3.6.10. La participation citoyenne doit pouvoir s'appuyer sur des mécanismes appropriés pour s'ouvrir à la population immigrée. La vie associative, culturelle et citoyenne en générale, doit être accessible aux personnes immigrées dans des conditions d'égalité avec le reste de la population. Cet objectif doit être abordé à partir de plusieurs volets. D'une part, il faut que les associations existantes dans la société hôte accueillent les personnes immigrées: associations de quartiers, associations du monde éducatif, organisations patronales, syndicats, partis et mouvements politiques, instances sportives, instances professionnelles, ONG, etc., doivent compter en leur sein des personnes immigrées. Pour ce faire, les associations elles-mêmes doivent éliminer toute attitude discriminatoire et promouvoir des actions favorisant la participation des personnes immigrées sur un pied d'égalité.

3.6.11. Il faut tenir compte, dans la conception des activités citoyennes, qu'elles soient culturelles, sportives, religieuses ou festives, etc., de la composition actuelle de la population de nos communautés, de manière à ce que les personnes immigrées puissent facilement participer à ces activités.

3.6.12. Les organisations de l'économie sociale sont très utiles pour l'intégration sociale des personnes immigrées. La participation sur un pied d'égalité aux côtés d'autres citoyens facilite le dialogue et l'interaction entre toutes les personnes.

3.6.13. L'intégration des personnes immigrées requiert des politiques et des actions soutenues dans le temps, si l'on veut éviter les situations d'exclusion et de ségrégation sociale qui se produisent aujourd'hui dans de nombreuses localités européennes et qui touchent les descendants des familles d'immigrés. Des personnes qui sont ressortissants des États membres, descendants de deuxième ou troisième génération de ces familles, font en effet parfois l'objet d'un traitement discriminatoire, à caractère xénophobe et raciste.

3.7. Système d'observation et d'évaluation des résultats

3.7.1. Le programme-cadre communautaire doit s'accompagner d'un système d'observation permettant d'évaluer les résultats qui viendraient à être obtenus dans la mise en oeuvre des politiques d'intégration sociale. Ce système, qui doit s'appuyer sur des indicateurs qualitatifs et quantitatifs pour l'analyse des résultats, doit définir des objectifs précis et des plans d'action concrets, assortis de recommandations à l'adresse des institutions publiques et de la société civile, tant au niveau communautaire que dans chacun des États membres.

3.7.2. Le système d'observation et d'évaluation que nous proposons doit faire partie de la Méthode ouverte de coordination que le Conseil approuvera pour la politique européenne en matière d'immigration.

3.7.3. Le système proposé doit pouvoir compter sur la participation active des organisations de la société civile, et en particulier sur l'engagement du Comité économique et social européen.

4. Le rôle de la société civile dans l'intégration sociale

4.1. Le travail et les relations de travail

4.1.1. Disposer de ressources économiques appropriées est une condition préalable pour que les personnes ne tombent pas dans l'exclusion sociale. C'est le plus souvent par le travail que les ressources économiques peuvent être obtenues et que les capacités professionnelles peuvent être développées. En outre, le travail constitue un lien fondamental dans les relations sociales entre les personnes, tant dans le cadre d'une activité professionnelle indépendante que dans le cadre d'un statut de salarié.

4.1.2. Faciliter l'accès des immigrants à la formation professionnelle, au travail et aux prestations sociales correspondantes est essentiel pour parvenir à l'intégration sociale. Toutefois, on ne peut parler d'intégration au travail si les personnes immigrées sont soumises à des situations de discrimination.

4.1.3. En règle générale, la population immigrée a plus de difficultés que les ressortissants du pays d'accueil pour constituer et gérer une entreprise, de même que pour accéder dans des conditions d'égalité au marché du travail et pour obtenir un emploi de qualité. Il est vrai que trouver un emploi de qualité est une difficulté à laquelle sont confrontés différents groupes sociaux et de nombreuses personnes, mais cette difficulté est considérablement accentuée dans le cas des immigrés, non seulement pour les personnes peu qualifiées mais également pour celles qui le sont davantage. Les ordres professionnels doivent promouvoir l'exercice d'une activité professionnelle par les immigrés dans les mêmes conditions que celles dont bénéficient les autres professionnels, sans aucune discrimination.

4.1.4. Les services publics de l'emploi, en collaboration avec les partenaires sociaux, doivent se baser sur des critères utiles pour une gestion appropriée des flux migratoires. Les immigrés demandeurs d'emploi doivent s'inscrire auprès des services publics et il faut donc mettre à leur disposition l'information y relative. Les syndicats et les autres organisations sociales peuvent jouer un rôle très important dans la transmission de l'information. Dans les localités et les régions où la population immigrée est confrontée à des problèmes spécifiques pour accéder à l'emploi, les services publics de l'emploi doivent prévoir des politiques spécialisées pour faciliter l'intégration effective de toutes les personnes au marché du travail, sans aucune forme de discrimination.

4.1.5. Les partenaires sociaux, qui gèrent dans une large mesure le fonctionnement du marché du travail et qui constituent des piliers essentiels de la vie économique et sociale européenne, ont un rôle important à jouer pour favoriser l'intégration des personnes immigrées. Toutefois, il s'est avéré que sur le marché du travail et en termes de conditions de travail, les immigrés sont soumis à des conditions qui vont à l'encontre des normes professionnelles et sociales en vigueur ainsi qu'à des situations inacceptables de discrimination.

4.1.6. Les partenaires sociaux doivent, dans le cadre des négociations collectives et des relations de travail, assumer la responsabilité qui leur revient en matière d'intégration des immigrants. Ils devront pour cela promouvoir l'élimination dans les conventions collectives et dans les législations et les pratiques professionnelles de toute forme directe ou indirecte de discrimination. La discrimination peut être liée au genre, à l'origine ethnique ou à la nationalité, à la culture, à la religion, à l'âge, etc. et dans de nombreux cas, les personnes immigrées cumulent plusieurs facteurs de discrimination.

4.1.7. Le Comité économique et social propose aux partenaires sociaux, dans le contexte européen, d'étudier, dans le cadre du dialogue social, la possibilité de promouvoir des accords sociaux et des initiatives afin de favoriser l'intégration des immigrants à travers une amélioration des relations de travail et des conditions de travail et l'élimination de toute forme de discrimination.

4.1.8. Il faut toujours tenir compte des différents systèmes de négociation collective, de relations de travail et de sécurité sociale existant dans les États membres. Toutefois, à l'intérieur de tous ces systèmes, il faut que les partenaires sociaux à différents niveaux - État, région, secteur, entreprise - créent des instruments d'évaluation et de négociation pour promouvoir l'intégration des immigrants dans le monde du travail.

4.1.9. La formation continue est un instrument essentiel pour promouvoir une égalité réelle des personnes sur le marché du travail. Les partenaires sociaux doivent renforcer leur action pour que les personnes immigrées aient accès à la formation continue dans des conditions égales à celles qui sont réservées aux ressortissants des pays d'accueil. Le fait de ne pas connaître les langues de la société d'accueil est un facteur aggravant pour l'accès des personnes immigrées à la formation continue et à l'emploi, raison pour laquelle il faut prévoir des actions spécifiques de formation continue à l'intention des immigrés allophones.

4.1.10. De nombreuses personnes rencontrent, dans le déroulement de leur carrière professionnelle, des difficultés dues à leur condition d'immigrée. Aussi, les partenaires sociaux doivent s'efforcer, dans les différents domaines, de favoriser une égalité réelle dans le déroulement des carrières professionnelles et dans l'évolution des salaires de toutes les personnes, sans aucune forme de discrimination.

4.1.11. Le programme-cadre communautaire que nous avons proposé dans l'objectif d'améliorer l'intégration des personnes immigrées doit comporter des objectifs et des actions destinés spécialement aux partenaires sociaux qu'il conviendrait d'associer à ce programme.

4.1.12. Il faut inclure dans les lignes directrices pour l'emploi(12) qui sont élaborées tous les ans dans le cadre de la Méthode ouverte de coordination, des critères pour la gestion des flux migratoires, ainsi que des objectifs et des actions en vue de favoriser l'intégration via l'emploi des personnes immigrées.

4.2. La communauté locale

4.2.1. Il arrive parfois que les personnes immigrées habitent dans des ghettos urbains dégradés et abandonnés par les autorités publiques. C'est un phénomène d'exclusion sociale qui se produit malheureusement dans de nombreuses localités européennes et qui est source de nombreux conflits. L'on peut parler de ghetto lorsqu'il y a une forte concentration urbaine de personnes originaires d'un même pays ou d'une même culture, souvent assortie d'un désintérêt des pouvoirs publics et d'une dégradation de l'environnement urbain et social. Ce n'est pas tant la concentration qui génère le ghetto que le manque d'attention de la part des pouvoirs publics et la discrimination dans l'accès aux biens et aux services publics, ainsi qu'à la vie sociale et civique de la Communauté.

4.2.2. Les personnes qui vivent dans ces conditions souffrent de situations extrêmes d'inégalité et de discrimination. Toutefois, l'intégration sociale des personnes immigrées dans la communauté locale doit être un objectif prioritaire de la société civile européenne et des autorités publiques.

4.2.3. Les personnes immigrées doivent s'inscrire au recensement des habitants de la localité dans laquelle ils résident car de cette démarche administrative dérivent certains droits et certaines obligations liés à la condition de citoyen, qui constituent un premier pas vers l'intégration.

4.2.4. Dans la plupart des localités européennes, il existe différentes associations civiques qui travaillent en collaboration avec les autorités locales à l'amélioration de la qualité de vie des personnes et à la promotion de bonnes relations sociales de voisinage. En fonction des traditions de chaque pays, ces associations présentent des caractéristiques différentes, mais remplissent une fonction très importante en tant que facteur d'organisation de la société civile au niveau local.

4.2.5. Ces associations doivent ouvrir leur porte à la participation des immigrés, afin d'intégrer leurs inquiétudes, leurs problèmes et leurs points de vue aux programmes et aux activités développés. L'objectif doit être que toutes les personnes, y compris les immigrés, participent activement à la vie de la communauté locale sur un pied d'égalité. L'action des volontaires sociaux, en encourageant la collaboration entre les immigrés et le reste de la population, contribue utilement à l'intégration sociale.

4.2.6. Dans de nombreuses localités, les immigrés rencontrent d'énormes difficultés pour accéder à un logement décent. Ils sont parfois contraints de s'entasser dans des logements de très basse qualité et de vivre dans des banlieues dégradées. Faciliter à ces personnes l'accès à un logement approprié est la responsabilité première des autorités publiques, en particulier, des collectivités locales. Pour y parvenir, il est indispensable que les administrations locales disposent de logements sociaux et d'aides publiques pour le loyer, pour les personnes qui en ont besoin (autochtone ou immigré), sur un pied d'égalité et sans aucune forme de discrimination. Une bonne gestion urbaine et une politique du logement efficace ont toujours constitué un instrument nécessaire à l'intégration sociale.

4.2.7. Il arrive que les propriétaires de logements se refusent à les louer à des personnes immigrées, dans une attitude clairement discriminatoire et répréhensible, inspirée par un sentiment xénophobe et raciste. Les autorités locales doivent agir fermement pour prévenir et mettre fin à ce type de conduite, qui rend encore plus difficile l'accès des immigrés à un logement approprié.

4.2.8. Un bon accueil des personnes immigrées de la part de la communauté locale est nécessaire pour leur intégration. Or, parfois, une partie du voisinage les accueille avec réticence et méfiance, voire avec des attitudes xénophobes et d'exclusion. De nombreuses associations des droits de l'Homme agissent pour favoriser l'accueil des personnes immigrées dans la communauté hôte, réalisant un travail très important de solidarité et d'intégration sociale. Ces associations lancent également des campagnes d'information au sein du voisinage afin de prévenir les attitudes minoritaires xénophobes qui pourraient se manifester. Elles informent également les immigrés de leurs droits et de leurs obligations dans la nouvelle société d'accueil.

4.2.9. Ces associations représentatives de la société civile doivent être consultées par les autorités publiques à l'occasion de l'élaboration et de l'évaluation des programmes d'intégration. Leurs activités doivent également faire l'objet d'un soutien.

4.3. Le système éducatif

4.3.1. Dans nos sociétés, c'est dans le système éducatif que les enfants non seulement acquièrent des connaissances et des aptitudes mais entament et développent également leur processus de socialisation et font l'apprentissage de la citoyenneté. C'est également à travers celui-ci que se transmettent les valeurs sociales et culturelles. De plus, en tant qu'instrument essentiel pour favoriser l'égalité des chances, il revêt une très grande importance politique.

4.3.2. Garantir l'accès au système éducatif dans des conditions d'égalité, dès la phase préscolaire, aux enfants d'immigrés est une priorité pour progresser sur la voie de l'intégration sociale. Toutefois, ces enfants rencontrent parfois de nombreuses difficultés concrètes pour accéder à la formation, et ce dans des conditions d'égalité, faisant parfois l'objet de discriminations évidentes: centres d'éducation de niveau inférieur, textes et matériel pédagogique à contenu propice à l'exclusion, et parfois traitement discriminatoire de la part des professeurs et d'autres enfants. Les autorités publiques doivent concevoir des politiques appropriées pour éviter ces situations inacceptables dans les démocraties européennes. De même, le corps enseignant et les organisations et associations de la communauté éducative ont un rôle très important à jouer en la matière.

4.3.3. Il faut attacher une importance particulière à la formation des femmes immigrées. L'apprentissage de la langue, la connaissance des droits de l'Homme, des droits civiques et sociaux existants dans la société d'accueil et la formation professionnelle sont des outils essentiels pour l'intégration sociale de celles-ci et de leurs familles, en raison de l'effet multiplicateur de l'éducation des femmes.

4.3.4. Les syndicats et les associations d'enseignants, les employeurs et l'initiative sociale doivent assumer la responsabilité de la promotion de l'égalité des chances pour tous les enfants au sein du système éducatif, quelle que soit leur origine, leur ethnie, leur religion, leur langue ou leur culture. De même, ils doivent veiller, aux côtés des autorités publiques, à ce que les systèmes éducatifs servent de vecteurs pour la transmission des valeurs de tolérance et de pluralité.

4.3.5. Il faut analyser les contenus des textes et des autres matériels pédagogiques pour en éliminer toute considération négative vis-à-vis des immigrés et toute considération directe ou indirecte à contenu raciste ou xénophobe, même de nature subliminale, ainsi que toute appréciation dévalorisante des cultures différentes.

4.3.6. Les associations de parents d'élèves ont un rôle très important à jouer dans la participation de la société au sein des écoles. Ces associations peuvent jouer un rôle très positif dans l'intégration des enfants immigrés et contribuer ainsi à ce que ceux-ci fassent l'objet d'une égalité de traitement au sein du système éducatif. Ces associations doivent s'ouvrir à la participation des immigrés afin que leurs inquiétudes et les problèmes de leurs enfants soient pris en considération comme il se doit.

4.3.7. L'un des problèmes les plus importants que les enfants d'immigrés doivent affronter à l'école est le passage à l'enseignement professionnel et universitaire. Les pouvoirs publics et les organisations de la société civile doivent s'engager dans l'élimination de tous les obstacles existants et mettre en oeuvre des politiques positives pour parvenir à une égalité réelle au sein du système éducatif.

4.3.8. La formation des adultes dans le système éducatif revêt une grande importance dans les politiques d'intégration sociale. Les pouvoirs publics, les associations des droits de l'Homme et les organisations qui interviennent dans le système éducatif, doivent collaborer activement pour élargir la formation, tous niveaux confondus, à la population immigrée.

4.3.9. La langue maternelle des personnes immigrées est une valeur culturelle pour ceux qui l'utilisent comme pour la société réceptrice, raison pour laquelle il faut que les pouvoirs publics encouragent son enseignement et son utilisation dans le système éducatif. Les accords passés avec les autorités des pays d'origine des immigrés pour la promotion de leur langue et de leur culture constituent une démarche positive.

4.4. Les services sanitaires et les autres services sociaux publics

4.4.1. Dans l'Union européenne, le droit de toutes les personnes aux soins de santé et à certains services sociaux et prestations sociales est partie intégrante de l'acquis communautaire et les pouvoirs publics sont par conséquents tenus de le faire appliquer, dans le cadre des systèmes de santé et de protection sociale de chaque État membre. Les immigrés doivent avoir le droit de recourir aux services de santé publics ainsi qu'aux autres services et prestations à caractère social dans les mêmes conditions que les ressortissants des pays d'accueil, sans aucune forme de discrimination. Lorsque les personnes se trouvent exclues du système sanitaire et qu'elles ne peuvent utiliser les services sociaux dont elles ont besoin, nous nous trouvons alors devant un scénario de discrimination et d'exclusion sociale.

4.4.2. Pour faire tomber les barrières discriminatoires qui souvent rendent difficile l'accès des immigrés aux services publics, les associations de professionnels et d'usagers de ces services ainsi que les ONG ont un rôle important à jouer.

4.4.3. Dans certains cas, de nombreux immigrants ne savent pas qu'ils ont le droit d'utiliser les services publics. De même, ils ignorent les règles de fonctionnement de ceux-ci. Les pouvoirs publics nationaux, régionaux, locaux, doivent lancer des campagnes d'information, dans les langues appropriées, à l'intention des personnes immigrées dans le but de leur faire connaître les caractéristiques des services de santé publics et des autres services sociaux. Les associations d'immigrées, les ONG et les organisations de la société civile, qui interviennent dans le cadre de ces services, s'associeront aux pouvoirs publics dans ces campagnes d'information.

4.4.4. Nombreuses sont les associations, les communautés religieuses ainsi que les ONG qui, dans les États membres, oeuvrent à la promotion de la santé et des autres services sociaux. Ces associations doivent compter parmi leurs membres des personnes immigrées, de même qu'elles doivent élaborer des programmes destinés à favoriser l'utilisation des services publics par les immigrés. Elle veilleront également à ce que ces services publics disposent de personnel spécialisé pour s'occuper des immigrés lorsque nécessaire. Dans certains cas, il faudrait lancer des campagnes de formation sanitaire destinées spécialement à la population immigrée.

4.4.5. Ces associations et ces ONG doivent promouvoir des activités en vue de garantir que les pouvoirs publics, dans la gestion des services de santé et des autres services sociaux, prennent en compte les besoins spécifiques des personnes immigrées et adaptent en conséquence les services dans la mesure où cela est nécessaire, en particulier pour résoudre les problèmes linguistiques de communication entre les professionnels et les usagers, sans oublier la prise en considération des aspects culturels et religieux dans le rapport entre ceux-ci.

4.4.6. Les syndicats et les organisations professionnelles des travailleurs des services publics doivent être associés activement aux programmes mis en oeuvre pour rapprocher les services de santé et les autres services publics de la population immigrée. Ces professionnels devront parfaire leur formation pour faciliter l'utilisation de ces services publics par les personnes immigrées.

4.4.7. Les autorités publiques et les organisations de la société civile doivent mener des campagnes d'information à grande échelle pour porter à la connaissance de la population immigrée l'existence et le fonctionnement des services sanitaires et des autres services sociaux publics afin qu'elle puisse les utiliser dans les mêmes conditions que le reste de la population.

4.5. Les institutions et les organisations religieuses

4.5.1. Les religions ne constituent pas seulement des systèmes de croyances individuelles et de pratiques collectives mais elles véhiculent également des morales et des codes de conduite qui orientent dans une large mesure la vie des individus et, en particulier, celle des membres des différentes communautés religieuses. En règle générale, les institutions et les organisations d'origine confessionnelle promeuvent des activités et des valeurs à caractère humanitaire et de solidarité et contribuent ainsi à promouvoir la participation civique ainsi que des attitudes favorables à l'intégration des immigrés.

4.5.2. Toutefois, dans certaines circonstances, des approches religieuses caractérisées par l'extrémisme et l'intolérance peuvent favoriser la xénophobie et l'exclusion. Dans l'histoire - même de l'Europe, il existe des exemples que nous ne devrions jamais oublier. Les institutions d'origine confessionnelle doivent extirper de leur sein tout ferment d'exclusion, surtout ceux qui ont un fondement religieux.

4.5.3. Nombreuses sont les organisations et les institutions promues à partir des différentes religions et Églises, à caractère humanitaire et éducatif, qui interviennent dans notre société dans divers domaines de la vie sociale. Ces associations et ces institutions réalisent un travail important en faveur de l'intégration sociale des personnes immigrées.

4.5.4. Ces associations et ces institutions peuvent mener à bien des campagnes d'information auprès de leurs fidèles et collaborer avec les autorités publiques et d'autres organisations de la société civile pour favoriser l'entente entre les personnes de religion et de culture d'origine différente. De même, elles peuvent encourager la collaboration interconfessionnelle entre les différentes Églises ou confessions.

4.6. Les associations sportives

4.6.1. Le sport est aujourd'hui plus qu'une activité individuelle. Souvent, et dans les sports de masse plus particulièrement, il suppose des liens d'identification collective et un système de références en termes de conduite pour les enfants et les jeunes.

4.6.2. Si parfois, derrière les amateurs des grands sports de masse se cachent des groupes racistes, xénophobes et violents qui doivent être combattus, il n'en est pas moins vrai qu'en Europe, de nos jours, le sport remplit une fonction très importante pour favoriser l'égalité ethnique et culturelle et promouvoir l'intégration sociale.

4.6.3. Les associations, les institutions et les sponsors qui interviennent dans les grands sports de masse, doivent très rigoureusement condamner les comportements xénophobes et racistes, afin d'exclure les groupes extrémistes et promouvoir la réprobation par la société de telles conduites en diffusant à travers leurs actions dynamiques des messages clairs d'égalité. L'énorme écho social que leurs activités peuvent avoir les investit d'une responsabilité en la matière.

4.6.4. Au-delà du respect des lois, il conviendrait qu'au niveau européen, les grandes institutions et organisations de sport de masse élaborent un code éthique de conduite pour éliminer de leur sphère des attitudes et des groupes offensant la dignité des personnes, et qu'elles favorisent des comportements humanitaires et intégrateurs envers les individus.

4.6.5. Il faut faire en sorte, qu'au sein des associations et des équipes sportives, la participation des personnes immigrées ou appartenant à des minorités ethniques se fasse sans aucune forme de discrimination, ces personnes ne devant faire l'objet d'aucun type d'exclusion des activités y relatives.

4.7. Les organisations des droits de l'Homme et des droits civils

4.7.1. De nombreuses associations et organisations sont actives dans les États membres dans le domaine de la défense des droits de l'Homme et des droits civils de toutes les personnes. Nombre de ces organisations ont une grande expérience de la lutte pour l'égalité sociale et les droits civiques.

4.7.2. Dans la société européenne, les atteintes aux droits de l'Homme et aux droits civiques touchent de plus en plus, et gravement, les immigrants, raison pour laquelle ces associations et les ONG ont depuis longtemps intégré cette question tant dans leur philosophie que dans leurs activités.

4.7.3. Les organisations qui luttent contre le racisme et la xénophobie sont particulièrement utiles à cet égard. Elles réalisent un travail très important de dénonciation de la violation des droits de l'Homme ainsi que d'information et de mobilisation sociale. Leur travail de prévention pour éviter les comportements racistes et xénophobes mérite d'être souligné. Ces comportements affectent également les descendants d'immigrés, de deuxième ou de troisième génération, ce qui est le signe de l'échec des politiques d'intégration.

4.7.4. Les associations représentatives qui agissent dans ce domaine doivent être consultées par les pouvoirs publics lors de l'élaboration des politiques d'intégration et doivent être associées aux programmes correspondants.

4.8. Les associations d'immigrés

4.8.1. Souvent, les immigrés eux-mêmes créent des associations spécifiques de types divers: d'accueil, culturelles, religieuses, etc., qui sont très importantes pour l'identité sociale des personnes et pour faciliter l'intégration sociale de celles-ci.

4.8.2. Les pouvoirs publics et les organisations de la société civile doivent coopérer avec les associations d'immigrés, qui jouent un rôle important de médiation sociale et qui constituent un instrument privilégié pour la transmission de l'information parmi les immigrés.

4.8.3. Il est souhaitable que les associations d'immigrés comptent parmi leurs objectifs l'intégration sociale de leurs membres et qu'elles mettent en place des réseaux de coopération.

4.9. Les organisations de femmes

4.9.1. Les organisations de femmes qui oeuvrent en faveur de l'égalité des personnes revêtent une importance particulière. Dans la population immigrée, ce sont souvent les femmes qui rencontrent des difficultés spécifiques: dans l'accès au travail, dans la formation, dans l'utilisation des services sociaux de même qu'en ce qui concerne les droits fondamentaux. Ces organisations méritent de faire l'objet d'un intérêt particulier et d'aides concrètes de la part des autorités publiques.

4.9.2. Les femmes jouent un rôle particulier dans le processus d'intégration sociale, tant du fait qu'elles doivent surmonter les obstacles spécifiques qu'elles rencontrent, qu'en raison de leur aptitude à transmettre à leurs descendants les valeurs de nature à rendre compatibles l'intégration sociale avec la préservation des aspects concrets de leur culture d'origine.

4.10. Les moyens de communication

4.10.1. Dans la société actuelle, les médias de masse sont les grands véhicules, non seulement d'informations, mais également de valeurs et de conduites sociales ainsi que d'attitudes morales et politiques. Concernant le thème de l'immigration, ils versent parfois dans un sensationnalisme peu véridique et peu responsable.

4.10.2. Nombre de professionnels de la communication et médias font leur travail comme il convient, en faisant passer dans l'opinion publique des messages favorables à l'intégration. D'autres cependant contribuent à éveiller au sein de la population des sentiments de crainte et d'inquiétude, qui sont le terreau de la xénophobie et du racisme.

4.10.3. Il conviendrait que, dans le plein respect des principes de liberté d'expression et d'information, consubstantiels au système démocratique, les grands médias s'entendent sur l'adoption de conduites contraires au racisme et à la xénophobie et favorables à l'intégration des immigrants.

4.10.4. Les moyens de communication de masse doivent collaborer avec les pouvoirs publics dans le développement de campagnes d'information qui font la promotion parmi les citoyens des valeurs de tolérance, de diversité culturelle et d'égalité entre les être humains.

4.11. Les partis politiques

4.11.1. Il est très important qu'un consensus existe entre les différentes forces politiques en faveur d'une équivalence des droits et de l'intégration sociale de la population immigrée pour que l'ensemble de la société se mette au diapason de la classe politique. Le message des partis, notamment lors des campagnes électorales, doit être favorable à l'intégration.

4.11.2. L'accord des partis politiques européens, signé à Utrecht, pour prévenir le racisme et la xénophobie offre un cadre exemplaire qui doit être suivi à d'autres niveaux, nationaux, régionaux et locaux.

4.11.3. Les personnes immigrées ou appartenant à des minorités ethniques doivent s'intégrer et participer à la vie des partis et des mouvements politiques. Ceux-ci doivent exclure toute forme de discrimination dans cette participation. Il conviendrait que les partis politiques lancent des mesures positives pour favoriser la participation des minorités à l'activité politique et leur présence sur les listes électorales, dans tous les domaines et en particulier, dans les élections locales.

5. Les mêmes droits, les mêmes devoirs. Citoyenneté et droit de vote

5.1. Il est essentiel pour le développement de l'Union européenne en tant qu'espace de liberté, de sécurité et de justice, tel que défini à Tampere(13), de garantir un traitement équitable aux ressortissants de pays tiers qui résident légalement dans les États membres. Pour cela, une politique d'intégration visant à leur accorder des droits et des obligations comparables à ceux des autres citoyens de l'Union européenne est indispensable.

5.2. Dans un régime démocratique, il est inacceptable que de nombreuses personnes immigrées vivent en permanence dans une situation d'infériorité en termes de droits. Il est raisonnable que l'acquisition des mêmes droits et le respect des mêmes obligations dont le reste de la population fait l'objet se fasse progressivement, à mesure que la personne immigrée accroît la durée de son séjour dans l'État membre où elle a établi sa résidence, mais passé un certain temps, l'équivalence doit être totale.

5.3. Un pas important est en train d'être accompli dans cette direction avec la directive proposée par la Commission européenne sur le statut des résidents de longue durée(14). Ce statut serait acquis au terme d'un séjour de cinq ans et inclurait des droits comparables à ceux des citoyens communautaires, parmi lesquels celui de circuler librement et de s'établir librement dans tout l'espace de l'Union européenne. Le Comité économique et social a élaboré un avis(15) dans lequel il marque son soutien à ces aspects de la directive et propose quelques modifications. Lorsque cette directive aura été adoptée, un pas important aura été franchi mais l'égalité des droits restera encore à réaliser.

5.4. L'accès à la nationalité et à la citoyenneté de l'État dans lequel la personne immigrée réside consiste en une pleine équivalence des droits et des obligations. Il est par conséquent très important que les lois nationales favorisent l'octroi de la nationalité et de la citoyenneté aux immigrés qui les demandent et que les procédures soient transparentes. Au cours de ces dix dernières années, certains pays ont avancé sur cette voie, mais dans la majorité des États membres, les délais d'obtention de la nationalité sont encore trop longs et les difficultés bureaucratiques excessives. Les législations relatives à l'accès à la nationalité relèvent de la compétence des États membres et compte tenu du principe de subsidiarité, il doit continuer à en être ainsi. Il serait toutefois souhaitable de procéder à une certaine harmonisation de celles-ci et de faire en sorte que dans toute l'Union européenne l'obtention de la nationalité et de la citoyenneté par les personnes qui le souhaitent soit facilitée. Les législations des États membres qui autorisent l'octroi de la double nationalité aux personnes qui veulent l'obtenir sont positives pour l'intégration.

5.5. Cependant, l'équivalence des droits et des devoirs ne doit pas dépendre uniquement de la possibilité d'accéder à la nationalité de l'État de résidence. Pour de nombreuses personnes, cette option ne serait pas la plus appropriée, car elle peut impliquer la perte de leur nationalité d'origine, entre autres raisons. Il faut prévoir une autre voie pour l'équivalence des droits et des devoirs, et cette voie ne peut être que le statut de résident de longue durée. L'acquisition d'un tel statut doit supposer que la différence de statut entre celui de résident de longue durée et celui de résident communautaire est minime et, en tout état de cause, ne touche pas des aspects importants de la vie sociale et citoyenne. Il faut pour cela avancer dans des domaines tels que la citoyenneté et le droit de vote.

5.6. Citoyenneté européenne

5.6.1. Aux articles 17 et suivants du Traité instituant la Communauté européenne, la citoyenneté de l'Union est définie comme une citoyenneté qui complète et non qui remplace la citoyenneté nationale qui est du ressort de chaque État membre. Dans la Charte des droits fondamentaux, il est question d'une "citoyenneté civile" dans l'Union européenne pour les résidents ressortissants de pays tiers, comme l'a indiqué la Commission dans sa communication(16).

5.6.2. L'Europe des citoyens ne saurait compter en son sein une autre Europe composée de non-citoyens. Les personnes résidant de manière stable dans l'espace de l'Union européenne doivent faire l'objet de la même considération et se voir reconnus, dans le contexte communautaire, les mêmes droits et les mêmes obligations que ceux des ressortissants des États membres.

5.6.3. Avec la Convention, un processus pour la réforme des traités et l'élaboration d'un nouveau modèle d'Union européenne a été engagé. La Convention analysera le concept de citoyenneté européenne et le rôle de la Charte des droits fondamentaux.

5.6.4. La proposition de la Commission européenne relative à la "citoyenneté civile" basée sur la Charte des droits fondamentaux, qui est présentée dans la communication de novembre 2000 sur une politique communautaire de l'immigration, est une voie possible pour rendre la citoyenneté européenne accessible aux résidents de longue durée mais elle ne pourra pas être efficace en l'absence d'une base juridique suffisante dans le traité.

5.6.5. Le Comité propose que dans le cadre de la Convention pour la réforme des traités, la possibilité d'accorder la citoyenneté européenne aux ressortissants des pays tiers ayant le statut de résidents de longue durée soit étudiée.

5.7. Droit de vote

5.7.1. Une proposition globale pour l'équivalence des droits et des devoirs et pour l'intégration sociale ne peut être envisagée sans inclusion du droit de vote. C'est un droit d'une extrême importance pour l'intégration sociale car il constitue un signal important lorsqu'il s'agit de savoir qui est à l'intérieur et qui est à l'extérieur d'une communauté. Faire partie d'une communauté ou d'une société implique de pouvoir participer à l'élection des représentants de celle-ci et de pouvoir être élu en tant que tel. Ne pas accorder le droit de vote à une partie de la population revient à lui signifier, d'une certaine façon, qu'elle ne fait pas partie de cette société, ce qui compromet toute approche d'intégration sociale.

5.7.2. Certains États membres ont reconnu le droit de vote aux élections locales aux ressortissants de pays tiers. De même, les ressortissants de n'importe quel État membre peuvent participer aux élections du Parlement européen même s'ils résident dans un État membre distinct de celui de leur nationalité.

5.7.3. Le Comité propose d'envisager, dans le cadre de la convention pour la réforme des traités, la reconnaissance du droit de vote aux élections locales et du Parlement européen pour les ressortissants de pays tiers ayant le statut de résidents de longue durée.

6. Le Comité économique et social européen

6.1. Le Comité économique et social européen, en tant qu'organe représentatif de la société civile organisée, peut jouer un rôle très important dans l'élaboration et l'évaluation d'initiatives législatives européennes favorisant l'intégration sociale des personnes immigrées. Les Conseils économiques et sociaux et les autres institutions similaires dans les États membres, peuvent également jouer, au niveau national, un rôle important dans ce domaine.

6.2. Le Comité économique et social demande à participer activement à tous les forums et à toutes les conférences que les autres institutions communautaires viendraient à organiser pour traiter les questions liées à l'immigration. Le Comité souhaite s'associer très activement à la Commission, au Conseil et au Parlement européen dans tout le processus législatif relatif à l'immigration et à l'asile.

6.3. Le Comité économique et social européen a prévu d'organiser en l'an 2002, avec la Commission, une conférence sur l'immigration et l'intégration sociale, à laquelle participeront les CES des États membres, les partenaires sociaux, d'autres organisations représentatives de la société civile, ainsi que les ONG importantes qui interviennent dans le domaine de l'intégration sociale. Les autres institutions et organes de l'Union européenne participeront également à cette conférence. Les travaux de la conférence apporteront une contribution positive à l'élaboration du Programme-cadre communautaire en faveur de l'intégration sociale des immigrés.

Bruxelles, le 21 mars 2002.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) Voir à ce propos la Communication de la Commission COM(2000) 757 final.

(2) Le concept d'immigration utilisé dans ce document inclut également, dans certains cas, les minorités ethniques.

(3) Voir à ce propos la Proposition de directive sur les conditions d'entrée et de séjour dans le JO C 332 E du 27.11.2001, et la directive sur le statut de réfugié dans le JO C 62 du 27.2.2001.

(4) Voir à ce propos l'avis adopté par le CES le 16 janvier 2002 et l'avis du CES dans le JO C 193 du 10.7. 2001.

(5) Voir à ce propos la Communication de la Commission COM(94) 23 final et l'avis du CES dans le JO C 393 du 31.12.1994.

(6) Voir à ce propos la Communication de la Commission COM(2001) 757 final et l'avis du CES dans le JO C 260 du 17.9.2001.

(7) Voir à ce propos l'avis du CES dans le JO C 75 du 15.3.2000.

(8) Voir à ce propos l'avis sur la "Méthode ouverte de coordination en matière d'immigration et d'asile".

(9) Voir à ce propos l'avis adopté par le CES le 16 janvier 2002.

(10) Voir à ce propos l'avis CES dans le JO C 48 du 21.2.2002.

(11) Voir à ce propos l'avis du CES sur les lignes directrices pour l'emploi pour l'année 2002, JO C 36, du 8.2.2002.

(12) Voir à ce propos l'avis du CES, JO C 36 du 8.2.2002.

(13) Voir à ce propos les conclusions du Conseil européen de Tampere.

(14) Voir à ce propos la proposition de directive dans le JO C 240 E du 28.8.2001.

(15) Voir à ce propos l'avis du CES, JO C 36 du 8.2.2002.

(16) COM(2000) 757 final.