51997IP0075

Résolution sur le statut des médecines non conventionnelles

Journal officiel n° C 182 du 16/06/1997 p. 0067


A4-0075/97

Résolution sur le statut des médecines non conventionnelles

Le Parlement européen,

- vu la proposition de résolution de M. Pimenta, M. Dell'Alba, Mme Diez de Rivera Icaza, M. Crowley, M. Ewing, M. Gonzalez Alvarez et Lord Plumb sur la «médecine complémentaire» (ou non traditionnelle) (B4-0024/94),

- vu son avis du 13 juin 1991 sur la proposition de directive élargissant le champ d'application des directives 65/65/CEE et 75/319/CEE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux médicaments et fixant des dispositions complémentaires pour les médicaments homéopathiques ((JO C 183 du 15.7.1991, p. 318.)),

- vu la directive 92/73/CEE du Conseil élargissant le champ d'application des directives 65/65/CEE et 75/319/CEE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux médicaments et fixant des dispositions complémentaires pour les médicaments homéopathiques ((JO L 297 du 13.10.1992, p. 8.)),

- vu la ligne budgétaire B6-8332 du budget de l'Union européenne pour l'exercice 1994, la ligne budgétaire B6-7142, avant-dernier alinéa, du budget de l'Union européenne pour l'exercice 1995, les alinéas 4 et 5 de la ligne budgétaire B6-7142 du budget de l'Union européenne pour l'exercice 1996 qui prévoient 1 million d'écus pour la «Recherche sur l'efficacité des autres méthodes thérapeutiques - chiropraxie, ostéopathie, acupuncture, naturopathie, médecine chinoise, médecine anthroposophique, phytothérapie, etc.»,

- vu le rapport de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la protection des consommateurs et l'avis de la commission juridique et des droits des citoyens (A4-0075/97);

A. considérant qu'une partie de la population des États membres de l'Union a recours à certaines médecines et thérapeutiques non conventionnelles et qu'il serait en conséquence irréaliste d'ignorer cet état de fait,

B. considérant l'opinion répandue, y compris chez certains médecins, selon laquelle différentes méthodes de traitement voire différentes approches de la santé et de la maladie ne s'excluent pas mutuellement mais peuvent au contraire être utilisées de manière complémentaire,

C. considérant l'importance d'assurer aux patients une liberté de choix thérapeutique aussi large que possible, en leur garantissant le plus haut niveau de sécurité et l'information la plus correcte sur l'innocuité, la qualité, l'efficacité et les éventuels risques des médecines dites non conventionnelles, et de les protéger contre les personnes non qualifiées,

D. considérant que l'ensemble des systèmes médicaux et disciplines thérapeutiques couverts par la dénomination «médecines non conventionnelles» ont en commun le fait que leur validité n'est pas reconnue ou n'est que partiellement reconnue; qu'on peut qualifier d'«alternatif» un traitement médical ou chirurgical qui peut être appliqué en lieu et place d'un autre traitement, et de «complémentaire» un traitement donné en supplément d'un autre traitement; qu'il est équivoque de parler de discipline médicale «alternative» ou «complémentaire», dans la mesure où seul le contexte précis dans lequel la thérapie est utilisée permet de déterminer si celle-ci est en l'occurrence alternative ou complémentaire; qu'une discipline médicale alternative peut également être complémentaire; que, dans la présente résolution, le terme «médecines non conventionnelles» recouvre les notions de «médecines alternatives», «médecines douces» et «médecines complémentaires» indistinctement utilisées dans certains États membres pour désigner les autres disciplines médicales que la médecine conventionnelle,

E. considérant que le médecin peut, selon sa compétence et sa conscience, recourir à l'ensemble des moyens et des connaissances que comporte tout type de médecine, afin de préserver au mieux la santé de ses patients,

F. considérant qu'il existe un large éventail de disciplines médicales non conventionnelles et que certaines d'entre elles bénéficient d'une forme de reconnaissance légale dans certains États membres et/ou d'une structure organisationnelle au plan européen (formation de base commune, code de déontologie,...) en particulier la chiropraxie, l'homéopathie, la médecine anthroposophique, la médecine traditionnelle chinoise (en ce compris l'acupuncture), le shiatsu, la naturopathie, l'ostéopathie, la phytothérapie, etc.; considérant cependant que seules certaines d'entre elles satisfont de façon cumulative aux critères suivants: bénéficier d'une certaine forme de reconnaissance légale dans certains États membres, disposer d'une structure organisationnelle au plan européen et disposer d'un mécanisme d'auto-réglementation,

G. considérant le traité CE et en particulier son titre III, articles 52 à 66, concernant la libre circulation des personnes et la liberté d'établissement; considérant l'entrave à ces libertés que constitue l'hétérogénéité en matière de statut et de reconnaissance de chacune des disciplines médicales non conventionnelles au sein de l'Union européenne; considérant le fait que la liberté d'exercice dont jouissent actuellement certains praticiens de santé dans leur pays ne devrait en aucun cas se voir restreinte par une modification du statut ou de l'état de reconnaissance de ces disciplines au niveau européen, ni limiter la liberté de choix thérapeutique des patients vis-à-vis des traitements médicaux non conventionnels; considérant les dispositions du traité en ce qui concerne les États membres, et plus précisément, celles prévues à l'article 57, paragraphes 1, 2 et 3, du traité CE,

H. considérant le fait qu'une évolution s'est déjà clairement manifestée soit par l'adoption de législations nationales qui libéralisent l'exercice des médecines non conventionnelles en même temps qu'elles réservent certains actes spécifiques à des praticiens autorisés (loi adoptée le 9 novembre 1993 par le sénat néerlandais intitulée «Beroepen in de Individuele Gezondheidszorg»), soit par l'adoption d'une réglementation spécifique (loi sur les ostéopathes de 1993 et loi sur les chiropracteurs de 1994 au Royaume-Uni, législation sur la chiropraxie au Danemark de 1991, en Suède de 1989 et en Finlande), ou par l'officialisation de la formation (la chiropraxie au Royaume-Uni et dans les pays nordiques) ou encore par l'introduction des médicaments dans la pharmacopée (médecine anthroposophique en Allemagne),

I. considérant qu'une législation européenne en matière de statut et d'exercice des médecines non conventionnelles constituerait une garantie pour les patients; considérant par ailleurs que chaque discipline devrait être à même d'organiser la profession au niveau européen (code de déontologie, registre de la profession, critères et niveau de la formation),

J. considérant le fait qu'il est nécessaire d'identifier clairement chacune des disciplines médicales non conventionnelles; considérant qu'à cette fin, il convient de mener les études cliniques, évaluations des résultats de traitement, études fondamentales (mécanismes d'action) et autres études scientifiques ou recherches académiques pour évaluer l'efficacité des thérapies mises en oeuvre, étant entendu que cette évaluation doit avoir lieu selon les méthodologies courantes en matière de thérapeutique humaine, à savoir celles fondées sur les connaissances scientifiques du moment ressortissant, en particulier, aux sciences biologiques et aux statistiques,

K. considérant le fait que la réglementation et la coordination des critères de formation imposés aux praticiens de disciplines médicales non conventionnelles constitueraient une garantie indispensable pour les citoyens, considérant qu'il est impératif, tant dans l'intérêt des patients que de celui des praticiens, que cette harmonisation s'opère à un haut niveau de qualification, et que soit exigée, dans chaque cas, l'obtention d'un diplôme d'État répondant aux exigences spécifiques de chaque discipline et que les niveaux de formation doivent être conformes aux principes médicaux sanitaires généraux qu'exige tout acte thérapeutique, ainsi qu'aux spécificités des différentes disciplines médicales non conventionnelles,

L. considérant que la formation des praticiens de médecine conventionnelle devrait inclure une initiation à certaines disciplines médicales non conventionnelles,

M. considérant le fait que la pharmacopée européenne doit pouvoir inclure toute la gamme des produits pharmaceutiques et d'herboristerie des médecines non conventionnelles afin de donner aux thérapeutes la possibilité d'exercer correctement leur profession et, par la même occasion, de garantir aux patients que l'on procèdera à une évaluation précise des médicaments non conventionnels; considérant que, pour les mêmes raisons, il est nécessaire de revoir les directives 65/65/CEE, 75/319/CEE et 92/73/CEE ainsi que le règlement (CEE) 2309/93 instaurant l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments, garantissant ainsi aux patients la qualité et l'innocuité des médecines non conventionnelles,

N. considérant que le Conseil, dans sa résolution du 20 décembre 1995 sur les préparations à base de plantes médicinales ((JO C 350 du 30.12.1995, p. 6.)), invite la Commission à clarifier le «statut légal des plantes médicinales eu égard aux dispositions communautaires en matière de spécialités pharmaceutiques» et à étudier «les conditions spécifiques à remplir pour assurer la protection de la santé publique»,

O. considérant la nécessité de prouver la qualité, l'efficacité et l'innocuité des produits thérapeutiques à l'examen et de prévoir la publication de monographies sur chacun des produits,

P. considérant le fait qu'une législation en matière de compléments alimentaires (vitamines, oligoéléments, etc...), compte tenu de l'état actuel de la législation, contribuerait à protéger le consommateur sans restreindre sa liberté d'accès et de choix et garantirait au praticien qualifié la liberté de prescrire l'usage de tels produits,

Q. considérant la nécessité d'envisager une phase transitoire permettant à chaque praticien aujourd'hui en activité de se conformer à la nouvelle législation, et de mettre en place une commission d'équivalence qui sera chargée d'examiner, cas par cas, la situation des praticiens concernés;

1. demande à la Commission de s'engager, si les résultats des examens y afférents le permettent, dans un processus de reconnaissance des médecines non conventionnelles et, à cette fin, de prendre les mesures nécessaires pour favoriser la mise en place de comités appropriés;

2. demande à la Commission d'élaborer en priorité une étude approfondie sur l'innocuité, l'opportunité, le champ d'application et le caractère complémentaire et/ou alternatif de chaque discipline non conventionnelle, ainsi qu'une étude comparative entre les modèles juridiques nationaux auxquels sont affiliés les praticiens des médecines non conventionnelles;

3. invite la Commission, lorsqu'elle établira une législation européenne sur les médecines non conventionnelles, à distinguer clairement entre les disciplines non conventionnelles à caractère «complémentaire» et les médecines dites «alternatives», c'est-à-dire celles qui remplacent la médecine conventionnelle;

4. invite le Conseil, à l'issue des travaux préliminaires visés au paragraphe 2 ci-dessus, à favoriser le développement de programmes de recherche dans le domaine des médecines non conventionnelles intégrant l'approche individuelle et holistique, le rôle préventif ainsi que les spécificités des disciplines médicales non conventionnelles; s'engage pour sa part à faire de même;

5. invite la Commission à faire rapport dès que possible au Conseil et à lui- même sur les résultats des études et recherches déjà menées à bien dans le cadre de la ligne budgétaire B-7142, affectée depuis 1994 à la recherche sur l'efficacité de l'homéopathie et autres médecines non conventionnelles;

6. invite la Commission à veiller, lors de l'examen de l'efficacité des thérapies appliquées dans le cadre de la médecine non conventionnelle, à ce que ces thérapies, telles qu'elles sont appliquées dans les États membres, n'utilisent pas comme médicaments des organes d'espèces animales menacées et, partant, ne favorisent pas le commerce illicite de ces organes;

7. invite la Commission à présenter un projet de directive en ce qui concerne les compléments alimentaires qui sont souvent à la frontière entre le produit diététique et le médicament; estime que cette législation devrait permettre de garantir une bonne pratique de fabrication en vue de la protection du consommateur, sans restreindre la liberté d'accès ou de choix et assurer la liberté à tout praticien de recommander de tels produits; invite la Commission à lever les barrières commerciales entre les États membres, accordant aux fabricants de produits de santé la liberté d'accès à tous les marchés de l'Union;

8. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, et aux gouvernements des Etats membres.