51996AC1266

Avis du Comité économique et social sur: - la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant la révision du règlement sur les concentrations», - la «Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement du Conseil nº 4064/89 du 21 décembre 1989 sur le contrôle des concentrations entre entreprises», et - la «Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement du Conseil nº 4064/89 du 21 décembre 1989 sur le contrôle des concentrations entre entreprises - articles 87 et 235»

Journal officiel n° C 056 du 24/02/1997 p. 0071


Avis du Comité économique et social sur:

- la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant la révision du règlement sur les concentrations»,

- la «Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement du Conseil n° 4064/89 du 21 décembre 1989 sur le contrôle des concentrations entre entreprises», et - la «Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement du Conseil n° 4064/89 du 21 décembre 1989 sur le contrôle des concentrations entre entreprises - articles 87 et 235»

(97/C 56/13)

Le 8 octobre 1996, le Conseil a décidé, conformément aux dispositions de l'article 198 du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur la communication et les propositions susmentionnées.

Le Comité économique et social a désigné M. Bagliano comme rapporteur général, en le chargeant d'élaborer le présent avis.

Lors de sa 339e session plénière des 30 et 31 octobre 1996 (séance du 31 octobre 1996), le Comité économique et social a adopté l'avis suivant par 70 voix pour, 2 voix contre et 2 abstentions.

1. Introduction

1.1. La communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concerne deux propositions de règlement portant modification du règlement n° 4064 du 21 décembre 1989:

a) la base juridique de la première proposition est l'article premier, paragraphe 3, du règlement n° 4064, qui prévoit (pour 1993, délai prorogé jusqu'à la fin de 1996) la révision des seuils de chiffre d'affaires servant de base à la définition de la dimension communautaire d'une opération de concentration et par voie de conséquence du champ d'application de ce règlement;

b) la seconde proposition se fonde sur les articles 235 et 87 du Traité de Rome, qui autorisent la Commission et le Conseil à adopter des règlements ou des directives afin de faire appliquer les principes prévus en matière de concurrence. Cette seconde proposition concerne d'autres aspects du règlement n° 4064 (dispositions de renvoi et collaboration avec les autorités des États membres, entreprises communes et autres améliorations de procédure).

1.2. La phase préliminaire à la révision du règlement n° 4064 semble ainsi enfin arrivée à son terme. Cette communication est en effet le fruit d'un long et vaste débat, résumé dans le Livre vert du 31 janvier dernier, sur lequel le Comité économique et social a adopté un avis le 10 juillet dernier. Cet effort appuyé et soutenu de la Commission mérite sans aucun doute d'être reconnu et salué.

1.3. Il s'agit à présent d'évaluer les choix opérés par la Commission parmi les différentes options décrites dans le Livre vert, en se référant également pour ce faire aux indications du Comité figurant dans l'avis déjà mentionné de cette année ainsi que dans deux avis précédents, de 1994 et 1995 ().

2. Proposition de règlement modifiant le règlement n° 4064/89 sur la base de l'article 1er, paragraphe 3, dudit règlement

2.1. La Commission propose d'abaisser de 5 à 3 milliards d'ECU (chiffre d'affaires mondial) et de 250 à 150 millions d'ECU (chiffre d'affaires communautaire) les seuils servant de référence pour la définition de la dimension communautaire d'une concentration.

Le Comité appuie cette proposition.

Il s'agit d'une solution intermédiaire et réaliste qu'il avait lui-même suggérée (les seuils inférieurs préconisés à l'origine étaient respectivement de 2 milliards et de 100 millions). Avec cette modification, un nombre accru de concentrations «ayant des effets transfrontaliers significatifs» seront considérées comme ayant une dimension communautaire et, ainsi, entreront dans le champ d'application du règlement n° 4064, c'est-à-dire qu'elles relèveront d'une juridiction communautaire unique, avec tous les avantages du «guichet unique» qui en résultent.

2.2. La règle des deux tiers, qui exclut dans tous les cas l'application du règlement n° 4064 lorsque les entreprises concernées réalisent dans la Communauté, au sein d'un seul et même État membre, plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires total, ne fait pas l'objet de modification.

La Commission estime en effet que sa suppression (voire son atténuation) éventuelle ferait probablement rentrer dans le champ d'application du règlement «des affaires ayant un impact essentiellement national».

Le Comité avait émis un avis divergent en faisant valoir qu' «une "part nationale" élevée de chiffre d'affaires est un critère qui ne suffit pas toujours pour affirmer qu'une concentration est dépourvue d'importance au niveau communautaire». Il faut toutefois reconnaître qu'une autorité nationale est la mieux à même d'évaluer l'impact sur la structure du marché d'une concentration présentant ces caractéristiques. Dès lors, sa compétence apparaît justifiée par le principe de subsidiarité.

Il est par ailleurs vrai que si l'on abolissait la règle des deux tiers, le volume de travail à accomplir augmenterait sensiblement, ce qui risquerait peut-être d'en compromettre l'efficacité. C'est pourquoi le Comité n'entend pas insister, désirant avant tout privilégier la qualité de travail de la Commission ainsi que le respect du principe de subsidiarité.

2.2.1. La Commission propose en outre de considérer également comme étant de dimension communautaire les concentrations soumises à des notifications nationales dans au moins trois États membres (notifications multiples), lorsque le chiffre d'affaires total se situe entre 3 et 2 milliards d'ECU et le chiffre d'affaires communautaire entre 150 et 100 millions d'ECU (la règle des deux tiers restant d'application), une vérification étant toutefois préalablement requise au niveau des États membres.

Cette option qui était présentée dans le Livre vert comme une alternative à la réduction généralisée des seuils, vient au contraire désormais s'ajouter à celle-ci en élargissant encore le champ d'application du règlement.

2.2.2. Certains ajustements appropriés en matière de procédure sont en conséquence proposés par la Commission afin de mettre en place un mécanisme permettant de vérifier si les seuils nationaux sont dépassés (ou si d'autres critères sont remplis).

Les États membres concernés disposent de deux semaines pour réagir après avoir été informés par la Commission des notifications reçues et confirmer ou non le dépassement des seuils nationaux. C'est pourquoi le délai prévu pour les réponses des États membres ainsi que pour la clôture de la première phase a été prolongé de deux semaines.

Le Comité exprime certaines réserves à cet égard.

2.2.2.1. En premier lieu, une concentration soumise à notification dans plusieurs États membres peut avoir un impact significatif dans un État seulement, et secondaire dans les autres, auquel cas c'est l'autorité nationale la plus concernée qui, en vertu du principe de subsidiarité, devrait être en mesure d'apprécier et de contrôler le plus efficacement la situation. Le critère purement formel et quantitatif de la pluralité des notifications ne saurait en soi être suffisant pour donner lieu à une compétence communautaire supposée, ce qui est d'ailleurs la raison pour laquelle la Commission prévoit un mécanisme de vérification au niveau national.

En second lieu, la Commission propose pour la mise en oeuvre de cette vérification un mécanisme en vertu duquel la compétence communautaire est déterminée non seulement par les dispositions nationales, mais aussi par l'interprétation que donneront de celles-ci les autorités nationales dans les cas spécifiques.

2.2.2.2. Sur la base de ces considérations, le Comité propose donc que l'on envisage d'adopter un critère différent de celui du nombre de notifications (d'une opération de concentration dans plusieurs États membres). Il estime à cet égard que le chiffre d'affaires (réalisé individuellement par au moins deux parties dans chacun des États membres - au moins deux - concernés par la concentration) peut constituer, au-delà d'un seuil donné, un critère objectif et autonome (c'est-à-dire rendant superflu tout mécanisme de renvoi aux systèmes nationaux) plus adéquat.

Dans l'avis sur le Livre vert, le Comité avait recommandé «des procédures rapides, des formulaires simples et des délais abrégés, afin que les coûts restent effectivement en deçà des niveaux prévus pour une notification à plusieurs États membres». La procédure proposée par la Commission pour faire rentrer dans la compétence communautaire les opérations de concentration soumises à notifications multiples ne semble ni pratique, car plus lente, bureaucratique et coûteuse, ni juridiquement adéquate, car elle ne tient pas compte des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

2.2.3. En ce qui concerne le nombre d'États membres, le Comité avait au contraire fait observer dans son avis sur le Livre vert qu'«il n'y a pas de raison de limiter la notion d'"effets transfrontaliers significatifs" en la limitant aux seuls cas où trois États membres au moins sont concernés». Tout en admettant que, «même si une opération relevant de la compétence de deux systèmes nationaux présente probablement, en règle générale, des aspects transfrontaliers», la Commission estime toutefois que «la coordination bilatérale entre les autorités nationales concernées doit suffire pour lever en grande partie les problèmes que pose une notification multiple».

Le Comité ne juge pas cet argument convaincant. Il ne s'agit pas d'assurer une coordination plus ou moins efficace, mais de contribuer «à la mise en place de règles du jeu équitables pour tous dans la Communauté», comme il est du reste affirmé au quatrième considérant de la proposition de règlement. Il est également reconnu dans ce considérant que «.... la notification multiple d'une même transaction augmente l'insécurité juridique ... et peut conduire à des appréciations contradictoires».

Le problème n'est donc pas tant d'assurer une coordination entre les administrations nationales que, avant toute chose, de garantir les avantages du «guichet unique».

3. Proposition de règlement modifiant le règlement n° 4064/89 sur la base des articles 87 et 235 du Traité de Rome

3.1. Dans cette seconde proposition de règlement, la Commission aborde notamment le problème des entreprises communes et du calcul du chiffre d'affaires des établissements de crédit et financiers et apporte en outre quelques améliorations en termes de procédure, parmi lesquelles les dispositions de renvoi et la coopération avec les États membres, ainsi que les engagements pris lors de la première phase.

3.1.1. Entreprises communes. La modification proposée par la Commission élargit le concept de concentration - défini à l'article 3 du Règlement n° 4064 - en y incluant toutes les entreprises communes de plein exercice, c'est-à-dire également celles de nature coopérative, actuellement exclues, qui bénéficieraient ainsi des avantages, en termes de fond et de procédure, du règlement n° 4064. Dans l'hypothèse toutefois où cela conduirait à une coordination du comportement concurrentiel de sociétés mères qui restent indépendantes, ou de celles-ci et de l'entreprise commune, la Commission - toujours dans le cadre de la procédure prévue par le règlement n° 4064 - a la faculté d'appliquer «les critères de l'article 85, paragraphes 1er et 3, du Traité en vue d'établir si l'opération est ou non compatible avec le marché commun».

3.1.2. Cette solution consistant à appliquer à une même opération soit les critères d'évaluation de l'article 2 du règlement n° 4064, soit les critères de l'article 85, paragraphes 1er et 3, du Traité, à vrai dire profondément différents, soulève de sérieuses réserves. Il s'agit là d'un amalgame de critères et d'objectifs, qui n'est pas de nature à contribuer à la clarté ni à la sécurité du cadre juridique de référence.

Conscient de la complexité du problème, et vu l'urgence, le Comité avait suggéré une solution purement formelle (règlement ad hoc).

3.1.3. En toute hypothèse, l'approche proposée par la Commission ne résout pas les difficultés de procédure de toutes les entreprises communes de nature coopérative.

En effet, les entreprises communes «de plein exercice» prises en considération par la Commission ne sont pas les seules à avoir des retombées structurelles irréversibles sur les entreprises elles-mêmes et/ou sur le marché. Les entreprises communes (e.c.) coopératives de plein exercice représentent peut-être une part réduite des e.c. structurelles, et certainement pas la plus importante. Nombreux sont les exemples, dans les rapports annuels sur la politique de concurrence des années passées, de cas d'application de l'article 85.3 à des e.c. - qui ne sont pas de plein exercice - concernant des productions conjointes, la construction d'un nouvel établissement (investissements considérables) pour la fabrication d'un produit nouveau, la mise en commun de connaissances, etc.

Le Comité considère qu'un règlement ad hoc permettrait d'apporter une meilleure réponse aux problèmes de procédure de cette vaste catégorie d'entreprises communes structurelles qui ne sont pas de plein exercice.

3.2. Le Comité approuve les autres modifications du règlement n° 4064/89, notamment en ce qui concerne les rapports de coopération avec les États membres, la méthode de calcul du chiffre d'affaires des établissements de crédit et financiers et les engagements de la première phase, qui concordent avec les indications données dans l'avis sur le Livre vert.

Le Comité se doit toutefois d'exprimer certaines réserves et préoccupations en ce qui concerne l'intention de la Commission d'envisager «l'éventualité d'imposer (des) droits d'enregistrements. Sur la base d'environ 200 notifications par an, la recette potentielle serait de 1 200 000 ECU (base de 600 ECU par notification)». Ce texte figure dans la «fiche financière», qui ne constitue pas il est vrai une proposition officielle et par conséquent n'obéit pas au critère de transparence qui doit présider à l'élaboration des réglementations.

4. Conclusions

4.1. Le Comité économique et social:

- se rend compte des efforts considérables déployés par la Commission pour proposer des améliorations de l'application du règlement sur le contrôle des concentrations, lequel a du reste jusqu'à présent donné des résultats très appréciables;

- réaffirme sans hésitation son appui à l'abaissement des seuils à 3 milliards et à 150 millions d'ECU, mais émet de sérieux doutes quant à la validité du système proposé pour étendre le champ d'application du règlement aux notifications multiples;

- estime que la solution retenue pour les entreprises communes ne résout pas le problème de la sécurité juridique et de l'égalité de traitement de toutes les entreprises communes de nature coopérative;

- est d'accord avec toutes les autres modifications déjà préconisées dans le Livre vert.

Bruxelles, le 31 octobre 1996.

Le Président du Comité économique et social

Tom JENKINS

() JO n° C 388 du 31. 12. 1994 et JO n° C 18 du 22. 1. 1996.