3.2.2023   

FR

Journal officiel de l’Union européenne

C 41/1


RECOMMANDATION DU CONSEIL

du 30 janvier 2023

relative à un revenu minimum adéquat pour garantir une inclusion active

(2023/C 41/01)

LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 292, en liaison avec l’article 153, paragraphe 1, point j),

vu la proposition de la Commission européenne,

considérant ce qui suit:

(1)

Afin de garantir une vie dans la dignité à tous les stades de la vie, la présente recommandation vise à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale et à atteindre des niveaux d’emploi élevés en promouvant une aide au revenu adéquate, en particulier au moyen d’un revenu minimum et d’un accès effectif aux services de soutien et aux services essentiels pour les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes et en favorisant l’intégration sur le marché du travail des personnes qui sont en mesure de travailler, conformément à l’approche d’inclusion active.

(2)

En vertu de l’article 151 du TFUE, l’Union et les États membres ont pour objectifs, entre autres, la promotion de l’emploi, l’amélioration des conditions de vie et de travail, une protection sociale adéquate et la lutte contre les exclusions.

(3)

L’article 34 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (1) dispose que l’Union reconnaît et respecte les droits aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux. Elle prévoit également que toute personne qui réside et se déplace légalement à l’intérieur de l’Union a droit aux prestations de sécurité sociale et aux avantages sociaux et que, afin de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté, l’Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une existence digne à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes.

(4)

La recommandation 92/441/CEE du Conseil (2) portant sur les critères communs relatifs à des ressources et prestations suffisantes dans les systèmes de protection sociale recommande aux États membres de reconnaître, dans le cadre d’un dispositif global et cohérent de lutte contre l’exclusion sociale, le droit fondamental de la personne à des ressources et prestations suffisantes pour vivre conformément à la dignité humaine, et d’adapter, en conséquence, en tant que de besoin, leur système de protection sociale. Étant donné le contenu de la présente recommandation, celle-ci est à même de remplacer la recommandation 92/441/CEE.

(5)

La recommandation 2008/867/CE de la Commission (3) relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail définit une stratégie globale visant à faciliter l’intégration des personnes capables de travailler dans un emploi durable et de qualité, et apporter aux autres des ressources suffisantes pour vivre dans la dignité ainsi qu’une aide à la participation sociale. Cette approche intégrée – qui repose sur une combinaison de trois volets d’action, à savoir un complément de ressources adéquat, des marchés du travail favorisant l’insertion et l’accès à des services de qualité – est particulièrement importante pour les personnes les plus éloignées du marché du travail ou exclues de la société.

(6)

En novembre 2017, le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont proclamé le socle européen des droits sociaux (4), qui consiste en vingt principes destinés à favoriser le bon fonctionnement et l’équité des marchés du travail et des systèmes de protection sociale. Le principe 14 indique que toute personne ne disposant pas de ressources suffisantes a droit à des prestations de revenu minimum adéquates pour vivre dans la dignité à tous les stades de sa vie, ainsi qu’à un accès efficace à des biens et des services de soutien et que pour les personnes qui sont en mesure de travailler, les prestations de revenu minimum devraient être combinées à des incitations à (ré)intégrer le marché du travail.

(7)

Dans sa communication du 4 mars 2021 intitulée «Le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux» (5), la Commission énonce l’ambition d’une Europe sociale forte. En juin 2021, le Conseil européen s’est félicité de l’objectif social de l’Union de réduire la pauvreté conformément à la déclaration de Porto signée par les chefs d’État ou de gouvernement le 8 mai 2021, selon lequel le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale devrait être réduit d’au moins 15 millions d’ici à 2030, par rapport à 2019, dont au moins cinq millions d’enfants. Le Conseil européen s’est également félicité du grand objectif en matière d’emploi, à savoir au moins 78 % de la population âgée de 20 à 64 ans devrait avoir un emploi, et au moins 60 % de tous les adultes participant à une formation chaque année. Un tableau de bord social révisé et un cadre d’évaluation comparative sur le revenu minimum, approuvés par le Comité de la protection sociale, viennent renforcer le fondement analytique du semestre européen, du rapport conjoint sur l’emploi et des recommandations par pays.

(8)

Le programme de développement durable à l’horizon 2030 et ses objectifs soulignent que la croissance économique durable doit aller de pair avec l’élimination complète de la pauvreté et d’autres privations, la réduction des inégalités et l’amélioration de l’accès aux soins de santé, à l’éducation et à l’emploi.

(9)

Dans sa résolution du 24 octobre 2017 (6) sur les politiques en matière de revenu minimum en tant qu’instrument de lutte contre la pauvreté, le Parlement européen a invité les États membres à instaurer un revenu minimum adéquat, en mettant en évidence le rôle de la protection du revenu minimum en tant qu’instrument de lutte contre la pauvreté. Dans ses conclusions du 12 octobre 2020 sur le «renforcement de la protection du revenu minimum pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et au-delà» (7), le Conseil a invité la Commission à lancer une mise à jour du cadre de l’Union en vue de soutenir et de compléter efficacement les politiques des États membres relatives à la protection du revenu minimum national. Lors de la conférence sur l’avenir de l’Europe, les citoyens ont plaidé en faveur de la mise en place d’un cadre commun de l’Union en matière de revenu minimum.

(10)

La présente recommandation s’appuie sur les conclusions des évaluations de la Commission relatives aux progrès accomplis dans la mise en œuvre de la recommandation 2008/867/CE. Les évaluations ont confirmé la validité de l’approche d’inclusion active, mais ont mis en évidence des problèmes spécifiques concernant le caractère peu adéquat, l’utilisation limitée et la couverture étroite du revenu minimum, les freins éventuels découlant des systèmes d’imposition et de prestations sociales ainsi que l’accès problématique à des services de qualité favorisant l’inclusion sociale et l’intégration sur le marché du travail, entre autres. Les évaluations ont également constitué un appel à mettre davantage l’accent sur un soutien adéquat à l’inclusion sociale des personnes qui ne sont pas en mesure de travailler.

(11)

Malgré les progrès réalisés en matière de réduction de la pauvreté et d’exclusion sociale dans l’Union ces dix dernières années, en 2021, plus de 95,4 millions de personnes risquaient toujours de tomber dans la pauvreté ou l’exclusion sociale, et ce risque était plus élevé pour les femmes. L’augmentation du risque de pauvreté pour les personnes vivant dans des ménages (quasi) sans emploi ainsi que l’aggravation de la pauvreté dans de nombreux États membres, accompagnées d’une baisse de l’incidence des transferts sociaux sur la réduction de la pauvreté, suscitent des inquiétudes. L’Union et ses États membres devraient faire davantage d’efforts pour aider efficacement les personnes les plus vulnérables et les plus défavorisées.

(12)

Les emplois durables et de qualité sont les meilleurs remèdes contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Dans le même temps, assurer la présence d’un plus grand nombre de personnes sur le marché du travail contribue à financer les systèmes de protection sociale et renforce leur viabilité financière, ce qui contribue à l’équité intergénérationnelle et favorise la cohésion sociale. Afin d’augmenter les niveaux d’emploi, il est primordial d’aider les personnes à réussir leur transition sur le marché du travail.

(13)

Les avantages sociaux et économiques qui vont de pair avec des filets de protection sociale adéquats et ciblés ont pris encore plus d’importance pendant les confinements liés à la pandémie de COVID-19. Les mesures de confinement liées à la COVID-19 ont eu une incidence disproportionnée sur les femmes et les groupes défavorisés, notamment en ce qui concerne l’accès aux soins de santé tant physique que mentale, à l’éducation et aux services pertinents, ce qui a aussi aggravé les limitations qui existaient déjà en matière d’accès à l’emploi (8). Les enseignements tirés de la crise de la COVID-19 ont également montré combien il est important de disposer de systèmes de protection sociale adéquats, complets et résilients qui soient des instruments préventifs capables de réagir aux chocs pour soutenir la reprise.

(14)

Les tendances macroéconomiques en rapport avec la mondialisation, les transitions écologique et numérique, l’évolution démographique et dans les modèles de travail continuent de façonner l’Union. Des filets de protection sociale complets et solides, qui garantissent une aide au revenu adéquate et facilitent les transitions sur le marché du travail, y compris un soutien à la reconversion et au perfectionnement professionnels, peuvent contribuer à rendre ces processus justes et inclusifs. L’évolution des profils de carrière, conjuguée à une multiplication des formes d’emploi atypiques, peut compliquer l’accès des personnes à faibles revenus aux systèmes de protection sociale fondés sur l’assurance et faire augmenter la demande d’autres mesures de soutien, telles que le revenu minimum. En outre, à la suite de la guerre d’agression injustifiée et illégale menée par la Russie contre l’Ukraine, les ménages à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure pâtissent de la forte hausse des prix de l’énergie et donc de l’inflation. Les mesures axées sur les revenus peuvent viser les groupes vulnérables et sont compatibles avec le maintien des incitations à réduire la demande d’énergie et à améliorer l’efficacité énergétique.

(15)

La présente recommandation met l’accent sur les «personnes ne disposant pas de ressources suffisantes», c’est-à-dire les personnes vivant dans des ménages dont les ressources monétaires et matérielles, qui sont indispensables à leur santé et à leur bien-être ainsi qu’à leur participation à la vie économique et sociale, sont insuffisantes, irrégulières ou incertaines. Pour les personnes à même de travailler, des filets de protection sociale solides doivent faciliter la (ré)intégration sur le marché du travail au moyen de mesures de soutien spécifiques associant mesures actives du marché du travail, soutien à la recherche d’emploi, éducation et formation. Pour ceux qui en ont besoin, y compris ceux qui ne sont pas en mesure de travailler, ils garantissent une aide au revenu adéquate et des services de soutien. Ainsi, loin d’être un outil passif, les filets de protection sociale servent, autant que faire se peut, de tremplin pour l’intégration socio-économique et la mobilité sociale ascendante, en améliorant l’inclusion et les perspectives d’emploi.

(16)

Les filets de protection sociale comprennent un ensemble de prestations pécuniaires et en nature qui fournissent une aide au revenu et un accès aux services de soutien et aux services essentiels. Parmi les composantes importantes de l’aide au revenu figurent les prestations de revenu minimum, définies comme des prestations pécuniaires non contributives de dernier recours et soumises à condition de ressources qui visent à combler les écarts afin de permettre aux ménages d’atteindre un certain niveau global de revenu lorsqu’ils ont épuisé les autres sources de revenu ou les autres prestations, ou lorsque celles-ci ne sont pas appropriées pour leur permettre de vivre dans la dignité. Dans certains États membres, les prestations de revenu minimum peuvent être combinées à d’autres prestations pécuniaires versées au ménage et à ses membres, telles que les allocations pour enfant à charge et les allocations familiales, les allocations de logement, les prestations de chômage, les prestations d’invalidité, les prestations de vieillesse ou les prestations liées à l’emploi. Elles peuvent également compléter les pensions minimales et le revenu du travail. La présente recommandation porte principalement sur le revenu minimum et est sans préjudice de la recommandation du Conseil relative à l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale (9).

(17)

Le revenu minimum est un élément clé des stratégies de sortie de la pauvreté et de l’exclusion et peut servir de stabilisateur automatique. En période de crise économique, il peut contribuer à soutenir une reprise durable et inclusive, à atténuer la baisse des revenus des ménages et à contenir le nombre de personnes exposées au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Pour les personnes qui sont en mesure de travailler, le revenu minimum devrait comprendre des incitations adéquates et des conditions proportionnées et adaptées permettant de (ré)intégrer le marché du travail. Dans le même temps, il convient de concevoir le revenu minimum parallèlement à des mesures d’incitation au travail, afin d’éviter les effets d’hystérèse sur le marché du travail et de favoriser des niveaux d’emploi élevés, une intensité de travail importante, une transition durable vers le marché du travail et une mobilité ascendante des revenus.

(18)

Les prestations en nature peuvent compléter des prestations pécuniaires et faciliter l’accès à des services spécifiques tels que l’éducation et l’accueil de la petite enfance conformément à la recommandation (UE) 2021/1004 du Conseil (10) établissant une garantie européenne pour l’enfance, les soins de santé et les soins de longue durée, les logements sociaux, l’emploi et la formation, ainsi qu’à des services essentiels. L’octroi de ces prestations en nature peut aider à contextualiser l’évaluation de l’adéquation de l’aide au revenu. Pour évaluer l’adéquation de l’aide au revenu, il est possible de prendre en compte certaines prestations en nature fournies par des régimes ciblés et soutenant la consommation générale (par exemple, des bons alimentaires ou la compensation des coûts directement liés au logement, notamment une réduction des tarifs énergétiques) aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où ces prestations contribuent directement à améliorer le niveau de revenu des bénéficiaires du revenu minimum.

(19)

En redoublant d’efforts pour mettre en œuvre des filets de protection sociale solides et intégrés, il est possible non seulement d’améliorer les résultats sociaux et en matière de santé pour les personnes les plus éloignées du marché du travail, mais aussi de procurer des avantages sociaux et économiques durables à l’Union, de stimuler la cohésion économique, sociale et territoriale et d’aboutir à des sociétés plus équitables, cohésives et résilientes. Des efforts continus sont nécessaires pour améliorer l’accès des personnes à faibles revenus au système de protection sociale fondé sur l’assurance afin de les aider à acquérir des droits à la protection sociale, notamment en proposant des emplois de qualité, et pour coordonner la fourniture d’une aide au revenu dans le cadre des régimes respectifs. Ces filets de protection sociale devraient également contribuer à améliorer l’accès aux soins de santé et à une alimentation saine pour les personnes démunies. Il convient que les États membres s’efforcent d’accroître l’efficacité et l’efficience de leurs systèmes de protection sociale, y compris en soutenant l’accès au marché du travail dans son ensemble afin d’éviter que les personnes ne tombent dans la pauvreté ou ne dépendent du revenu minimum à long terme.

(20)

Bien que tous les États membres aient mis en place des filets de protection sociale, les progrès réalisés pour les rendre accessibles et adéquats ont été inégaux. Leur conception varie d’un État membre à l’autre, en fonction des différentes traditions nationales, de l’architecture générale des systèmes de protection sociale et de l’interaction entre prestations pécuniaires et prestations en nature. Malgré les points susmentionnés, les États membres sont confrontés à des défis similaires. Malgré un certain degré de convergence, les réformes adoptées jusqu’ici n’ont pas toujours été suffisantes ou leur mise en œuvre a été lente, comme en témoignent certaines recommandations par pays formulées de longue date dans le cadre du processus du semestre européen. Les plans nationaux relevant de la facilité pour la reprise et la résilience prévoient un soutien aux réformes et aux investissements dans les États membres concernés afin de renforcer l’efficacité, la conception et la résilience de leurs systèmes de protection sociale, y compris grâce à un revenu minimum mieux conçu et à une convergence ascendante en ce qui concerne son caractère adéquat et sa couverture. Plusieurs investissements sont également axés sur la lutte contre la précarité énergétique et l’amélioration de l’accès des ménages vulnérables aux services essentiels.

(21)

L’aide au revenu est considérée comme adéquate lorsqu’elle garantit une vie dans la dignité à tous les stades de la vie. Pour que l’aide globale au revenu soit adéquate, il faut la fixer, la revoir à intervalles réguliers et, le cas échéant, adapter annuellement le revenu minimum, en appliquant une méthode rigoureuse et transparente, fondée sur des indicateurs pertinents et tenant compte des besoins spécifiques des ménages. L’évaluation du caractère adéquat peut reposer sur des valeurs de référence, telles que le seuil national de risque de pauvreté ou des méthodes fondées sur un panier de biens et de services défini au niveau national et reflétant le coût de la vie et les besoins des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes dans un État membre ou une région donnés. Le caractère adéquat peut également être évalué à l’aune des revenus du travail, tels que le revenu d’un travailleur à bas salaire ou d’un travailleur percevant un salaire minimum, tout en respectant le seuil de risque de pauvreté ou en tenant compte du coût de la vie et des besoins des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes. S’il est évident que le revenu du travail (au niveau du salaire minimum) devrait être plus élevé que le revenu des prestations, rien n’indique que les personnes qui touchent une aide au revenu minimum aient, en moyenne, nettement moins de chances de décrocher un emploi. Compte tenu des disparités entre pays en termes d’adéquation, il convient que les États membres atteignent progressivement des niveaux adéquats d’aide globale au revenu. Lorsqu’ils déterminent et ajustent le niveau du revenu minimum, les États membres devraient tenir compte du niveau de l’inflation (en particulier dans les secteurs de l’alimentation et de l’énergie), de l’augmentation du coût de la vie et de l’évolution des salaires.

(22)

Les critères ouvrant droit au revenu minimum peuvent empêcher certains groupes d’y accéder. En principe, les enfants sont couverts en tant que membres du ménage. Or, la limite d’âge fixée pour les demandeurs peut limiter l’accès des jeunes adultes de plus de 18 ans. Les restrictions liées à la durée minimale de séjour légal peuvent limiter l’accès des étrangers, tandis que l’absence d’adresse permanente rend difficile pour les sans-abri ou les personnes vivant dans des zones défavorisées (par exemple dans les campements roms) la possibilité de bénéficier d’un revenu minimum. Bien que la condition de ressources soit un élément essentiel afin de garantir le ciblage approprié du revenu minimum, la couverture peut également se révéler insuffisante si le seuil relatif à la valeur totale maximale des revenus et des actifs pris en compte dans l’examen de la condition de ressources est fixé à un niveau faible, excluant ainsi certains ménages même s’ils sont pauvres. L’introduction de critères non discriminatoires pour l’accès à un revenu minimum est sans incidence sur les exceptions à l’égalité de traitement prévues ou autorisées par le droit de l’Union, et notamment par la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil (11).

(23)

Il convient de combler les lacunes dans la couverture par le revenu minimum et d’assurer la continuité de la couverture aux différentes phases de la vie en énonçant des critères d’accès transparents et non discriminatoires. L’accès au revenu minimum ne devrait pas être entravé par des questions d’âge ou d’existence d’une adresse permanente ou par l’exigence d’une durée de séjour légal excessivement longue. Les conditions de ressources englobent généralement différents types de revenus (tels que le revenu du travail ou les prestations déjà accordées) et certains actifs (tels que la propriété). Les seuils de la condition de ressources et les types de revenus et d’actifs qui ne sont pas soumis à condition de ressource devraient correspondre aux critères définissant une vie dans la dignité pour différents types et tailles de ménages dans un État membre donné. Les revenus du travail faibles (tels que les revenus ponctuels ou irréguliers) devraient être traités de manière proportionnée dans le cadre de la condition de ressources, de manière à préserver les incitations au travail pour les personnes qui peuvent travailler et à ne pas empêcher les demandeurs de percevoir des prestations (éventuellement moins élevées). Il convient que l’accès au revenu minimum soit accordé rapidement, sans retard injustifié, et que le droit soit illimité à condition que les demandeurs continuent de remplir les critères d’éligibilité et de conditionnalité spécifique, sous réserve de réexamens périodiques. Le délai de trente jours envisagé pour traiter la demande à compter de la date à laquelle elle est présentée peut être interrompu en cas de nécessité afin d’établir tous les faits, à condition que, dans la mesure du possible, les personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes bénéficient d’une assistance provisoire appropriée.

(24)

En temps de récession économique et dans diverses situations de crise, la flexibilité dans la conception du revenu minimum, y compris sous la forme d’un accès temporairement simplifié, l’assouplissement des critères d’éligibilité ou la prolongation de la durée des prestations peuvent jouer un rôle important pour atténuer les conséquences sociales négatives et faire office de stabilisateur au sein de l’économie. Les mesures d’assainissement budgétaire qui aboutissent à une réduction des niveaux de protection plutôt qu’à une amélioration de l’efficacité des programmes ne devraient être utilisées qu’en dernier recours et devraient être assorties d’une évaluation des effets distributifs visant à atténuer les conséquences négatives sur les plus défavorisés; le niveau de protection devrait en tout état de cause rester adéquat.

(25)

Il peut arriver que les personnes ayant droit à un revenu minimum ne le sollicitent pas, parce que cela représente une charge administrative trop importante, parce qu’elles ignorent que ce revenu existe ou parce qu’elles craignent d’être stigmatisées ou discriminées. Il est possible d’accroître l’utilisation du revenu minimum en évitant la fragmentation des systèmes, en garantissant l’accessibilité globale et la simplicité des procédures de demande et en offrant un soutien administratif aux demandeurs potentiels. Il est nécessaire de prendre des mesures supplémentaires pour faciliter l’utilisation du revenu minimum par les ménages monoparentaux, qui sont principalement dirigés par des femmes. En outre, dans le respect des règles en matière de protection des données, les actions proactives d’information devraient cibler en particulier les zones socialement défavorisées et les ménages les plus marginalisés, y compris les Roms. La faible accessibilité des outils numériques ou le manque de compétences pour les utiliser peuvent également entraver l’accès effectif, notamment celui des personnes handicapées. Le fait de suivre et d’analyser régulièrement les données pertinentes peut aider à comprendre les causes de non-utilisation et à améliorer la réponse stratégique.

(26)

Si la condition de ressources est examinée au niveau du ménage, il arrive souvent qu’elle ne tienne pas compte de la situation des individus au sein du ménage, du partage potentiellement inégal des revenus familiaux et du désir d’autonomie. Les femmes sont particulièrement concernées, car elles sont plus susceptibles d’avoir des revenus moins élevés, un salaire plus faible et des responsabilités familiales plus importantes. Sans nécessairement modifier la pratique de la condition de ressources ni augmenter le niveau global des prestations perçues par le ménage, des solutions adoptées conformément au droit et aux pratiques nationaux facilitant la perception, par les membres du ménage pris individuellement, de leur quote-part de l’aide au revenu peuvent contribuer à l’égalité entre les hommes et les femmes, à l’indépendance économique et à la sécurité du revenu des femmes, des jeunes adultes et des personnes handicapées.

(27)

Il est important de consolider des marchés du travail qui soient inclusifs et accessibles à tous pour atténuer la dépendance à long terme envers l’aide au revenu. Les exigences en matière d’activation et les politiques actives du marché du travail peuvent stimuler les efforts de recherche d’emploi et l’acceptation des offres d’emploi, lorsque des services de soutien tels que le conseil, l’accompagnement et l’aide à la recherche d’emploi, ainsi que les mesures visant à assurer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée sont prévus. Conformément à la recommandation du Conseil du 30 octobre 2020 relative à «Un pont vers l’emploi — Renforcer la garantie pour la jeunesse» (12), il convient d’accorder une attention particulière aux jeunes ne travaillant pas, ne suivant pas d’études ou de formation (NEET) exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale en les ramenant au plus vite dans le système d’éducation ou de formation ou sur le marché du travail, et d’assortir la perception d’une aide au revenu de mesures d’activation particulièrement fortes. Conformément à la stratégie de la Commission en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030 (13), il convient également d’accorder une attention particulière aux besoins des personnes handicapées. Les possibilités de perfectionnement et de reconversion professionnels, le soutien et les orientations personnalisés qui répondent à des besoins spécifiques ainsi que le fait de garantir des emplois de qualité, de favoriser le maintien de l’emploi et de permettre la promotion professionnelle peuvent soutenir la transition vers l’emploi à tout âge. En réexaminant régulièrement les incitations et les freins résultant des systèmes d’imposition et de prestations sociales, en supprimant progressivement l’aide au revenu lors de l’entrée en activité ou en offrant la possibilité de combiner cette aide avec les revenus, il est possible d’augmenter le revenu disponible du ménage, ce qui permet de rendre le travail financièrement attrayant, de réduire la pauvreté des travailleurs et d’encourager l’emploi formel. Dans le même temps, il faut concevoir avec soin les prestations liées à l’emploi, de manière à éviter les pièges des bas salaires.

(28)

L’emploi dans l’économie sociale pourrait constituer une première étape vers d’autres secteurs du marché du travail. Il convient de soutenir la facilitation de la transition vers l’emploi en prévoyant des mesures spécifiques en faveur des employeurs et en les accompagnant, le cas échéant, d’incitations financières ciblées.

(29)

Pour créer des filets de protection sociale solides, il faut aussi disposer de services d’inclusion sociale, tels que le travail social, le conseil, l’accompagnement, le tutorat, le soutien psychologique et divers programmes de réadaptation, et adopter des mesures facilitant l’accès à d’autres services de soutien ou essentiels. Il convient également de poursuivre les efforts pour améliorer la qualité des services, conformément au cadre volontaire européen pour la qualité des services sociaux élaboré par le Comité de la protection sociale (14), et pour assurer un accès continu aux services essentiels. Il convient en outre de renforcer les mesures visant à lever les obstacles financiers et non financiers qui entravent l’accès égal et universel aux services.

(30)

Un soutien plus individualisé visant à recenser et à combler les besoins complexes des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes et de leurs ménages peut contribuer de manière significative à la réussite de leur intégration sociale et économique. Une évaluation des besoins est une condition préalable à l’élaboration d’un plan d’inclusion sur mesure qui couvre les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes au sein d’un ménage donné (individuellement ou conjointement) et détermine le type de soutien nécessaire et les objectifs convenus. Le soutien devrait comprendre des mesures d’inclusion sociale suffisamment échelonnées ou des politiques actives du marché du travail, en fonction de la situation individuelle et de la disponibilité à travailler, tout en assurant un équilibre entre les incitations positives et les exigences en matière d’activation. Les accords d’intégration professionnelle conclus conformément à la recommandation du Conseil du 15 février 2016 relative à l’intégration des chômeurs de longue durée sur le marché du travail (15) peuvent aussi servir cet objectif et, si nécessaire, être adaptés en conséquence.

(31)

Pour mettre en place des filets de protection sociale solides, il est essentiel de disposer de mécanismes de gouvernance efficaces. La gestion de la fourniture de prestations et de services devrait tirer parti des outils offerts par la transition numérique, tout en évitant l’exclusion du fait de la fracture numérique. Il convient d’œuvrer à la coordination étroite et à l’alignement des régimes et prestations existants, ainsi qu’à leur coordination avec d’autres politiques. Il y a lieu d’accorder une attention particulière au renforcement des capacités opérationnelles de toutes les institutions concernées. L’échange de données et une coopération plus étroite entre les différents niveaux de gouvernance et de services, y compris au moyen d’accords formels ou de guichets uniques, permettent de fournir plus facilement un soutien mieux intégré. Un suivi fiable et une évaluation régulière de l’incidence des politiques, associant toutes les parties prenantes concernées, peuvent améliorer l’efficacité, permettre l’élaboration de politiques en connaissance de cause et accroître la transparence des systèmes nationaux.

(32)

Les organisations de la société civile jouent souvent un rôle complémentaire important dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Leurs activités spécifiques peuvent aider les pouvoirs publics à concevoir et à mettre en œuvre des politiques d’inclusion et d’activation. En apportant un soutien à la fois matériel et psychosocial aux plus vulnérables, les organisations de la société civile contribuent à restaurer la dignité humaine et à encourager l’inclusion sociale, tout en guidant les personnes qui sont en mesure de travailler sur la voie de l’emploi.

(33)

L’apprentissage mutuel et l’échange de bonnes pratiques au niveau de l’Union, ainsi que les travaux d’analyse visant à affiner encore le cadre existant de l’Union en matière d’évaluation comparative du revenu minimum, y compris en améliorant la disponibilité et la comparabilité des indicateurs pertinents et la régularité des données, devraient aider les États membres à concevoir et à mettre en œuvre des réformes nationales.

(34)

Des fonds de l’Union sont disponibles pour soutenir la mise en œuvre de la présente recommandation. Dans le cadre du Fonds social européen plus, institué par le règlement (UE) 2021/1057 du Parlement européen et du Conseil (16), chaque État membre devrait affecter au moins 25 % du Fonds social européen plus à la lutte contre l’exclusion sociale. Le Fonds européen de développement régional et le programme InvestEU peuvent soutenir l’un comme l’autre les investissements dans les infrastructures sociales de soutien, telles que le logement social et l’éducation et l’accueil de la petite enfance, ainsi que dans les équipements et l’accès à des services de qualité. L’instrument d’appui technique et la facilité pour la reprise et la résilience aident déjà les États membres à concevoir et à mettre en œuvre des réformes structurelles dans le domaine du revenu minimum.

(35)

La viabilité globale des finances publiques et le financement adéquat du revenu minimum sont essentiels à leur résilience, leur efficience et leur efficacité. La mise en œuvre de la présente recommandation ne devrait pas affecter sensiblement l’équilibre financier des systèmes de protection sociale des États membres.

(36)

L’évaluation des effets distributifs est utile pour mesurer l’incidence des mesures budgétaires et des autres réformes et investissements sur les différents groupes de revenus, y compris les plus défavorisés. Ainsi, l’évaluation des effets distributifs peut aider à améliorer l’efficience et l’efficacité de la conception des réformes en matière de fiscalité et de prestations sociales, en faisant ainsi en sorte que personne ne soit laissé pour compte. La communication de la Commission du 28 septembre 2022 intitulée «Mieux évaluer les effets distributifs des politiques des États membres» (17) fournit aux États membres des orientations sur la meilleure manière d’intégrer l’évaluation des effets distributifs dans leurs processus d’élaboration des politiques.

(37)

La mise en œuvre de la présente recommandation ne saurait servir à abaisser le niveau de protection prévu par la législation nationale existante ou énoncé dans la recommandation 92/441/CEE. Les États membres sont invités à introduire ou à maintenir des dispositions plus favorables que celles recommandées dans le présent document.

(38)

La présente recommandation est sans préjudice de la compétence des États membres pour ce qui est de définir et d’organiser leurs systèmes de protection sociale,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE RECOMMANDATION:

OBJECTIF

1)

Afin de garantir une vie dans la dignité à tous les stades de la vie, la présente recommandation vise à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale en promouvant une aide au revenu adéquate, en particulier au moyen d’un revenu minimum et d’un accès effectif aux services de soutien et aux services essentiels pour les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes et en favorisant l’intégration sur le marché du travail des personnes qui sont en mesure de travailler, conformément à l’approche d’inclusion active.

DÉFINITIONS

2)

Aux fins de la présente recommandation, on entend par:

a)

«personnes ne disposant pas de ressources suffisantes»: les personnes vivant dans des ménages dont les ressources pécuniaires et matérielles, qui sont indispensables à leur santé et à leur bien-être ainsi qu’à leur participation à la vie économique et sociale, sont insuffisantes, irrégulières ou incertaines;

b)

«aide au revenu»: l’ensemble de tous les types de prestations pécuniaires fournies au ménage et à ses membres, y compris les prestations de revenu minimum;

c)

«revenu minimum»: les filets de sécurité de dernier recours à caractère non contributif et subordonnés à des conditions de ressources en faveur des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes, qui fonctionnent dans le cadre des systèmes de protection sociale;

d)

«couverture»: le droit de participer au revenu minimum tel qu’il est défini par la législation nationale;

e)

«utilisation»: la proportion de personnes ne disposant pas de ressources suffisantes qui sont éligibles au revenu minimum et qui y participent effectivement;

f)

«services de soutien»: les services qui ciblent les besoins spécifiques des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes pour faire en sorte qu’elles puissent s’intégrer dans la société et, le cas échéant, sur le marché du travail, y compris les services d’inclusion sociale, par exemple le travail social, le conseil, l’accompagnement, le tutorat, le soutien psychologique, la réadaptation et d’autres services généraux de soutien, dont l’éducation et l’accueil de la petite enfance, les soins de santé, les soins de longue durée, l’éducation et la formation ainsi que le logement;

g)

«services essentiels»: l’eau, l’assainissement, l’énergie, les transports, les services financiers et les communications numériques;

h)

«accès effectif aux services»: une situation dans laquelle les services pertinents sont facilement disponibles, abordables, accessibles, de bonne qualité et fournis en temps utile, et où les utilisateurs potentiels y ont accès sur un pied d’égalité et ont connaissance de leur existence ainsi que de leur droit de les utiliser;

i)

«plan d’inclusion»: un accord ou un ensemble d’accords conclus avec des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes dans le but de favoriser leur inclusion sociale et, dans le cas de celles qui sont en mesure de travailler, leur intégration sur le marché du travail.

CARACTÈRE ADÉQUAT DE L’AIDE AU REVENU

3)

Il est recommandé aux États membres de mettre en place et, si nécessaire, de consolider des filets de protection sociale solides qui garantissent une vie dans la dignité à tous les stades de la vie, en combinant une aide au revenu adéquate — au moyen de prestations de revenu minimum et d’autres prestations pécuniaires connexes — et des prestations en nature, et donnant un accès effectif aux services de soutien et aux services essentiels. L’octroi de prestations en nature peut étayer une aide au revenu solide.

4)

Afin de garantir une aide au revenu adéquate, il est recommandé aux États membres de fixer le niveau du revenu minimum à l’aide d’une méthode transparente et solide définie conformément au droit national et associant les parties prenantes concernées. Il est recommandé que cette méthode tienne compte des sources de revenus globales, des besoins spécifiques et des situations défavorisées des ménages, du revenu d’un travailleur à bas salaire ou d’un travailleur percevant un salaire minimum, du niveau de vie et du pouvoir d’achat, des niveaux de prix et de leurs évolutions connexes ainsi que d’autres éléments pertinents.

5)

Tout en maintenant les incitations à la (ré)intégration et au maintien sur le marché du travail des personnes en mesure de travailler, il est recommandé que l’aide au revenu pour les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes atteigne au moins l’un des niveaux suivants:

a)

le seuil national du risque de pauvreté; ou

b)

la valeur monétaire des biens et services nécessaires, y compris une alimentation, un logement, des soins de santé et des services essentiels adéquats, conformément aux définitions nationales; ou

c)

d’autres niveaux comparables à ceux qui sont visés au point a) ou b), établis par le droit national ou la pratique nationale.

6)

Il est recommandé aux États membres d’atteindre progressivement le niveau adéquat d’aide au revenu prévu au point 5) au plus tard en 2030, tout en préservant la viabilité des finances publiques.

7)

Il est recommandé aux États membres de réexaminer régulièrement et, le cas échéant, d’ajuster le niveau du revenu minimum de sorte que l’aide au revenu reste adéquate, tout en tenant compte des prestations en nature.

8)

En vue de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, la sécurité du revenu et l’indépendance économique des femmes, des jeunes adultes et des personnes handicapées, il est recommandé aux États membres de veiller à ce qu’existe la possibilité de demander que le revenu minimum soit fourni individuellement aux membres du ménage.

COUVERTURE DU REVENU MINIMUM

9)

Il est recommandé aux États membres de faire en sorte que toutes les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes, y compris les jeunes adultes, soient couvertes par le revenu minimum fixé par la loi, en définissant:

a)

des critères d’éligibilité transparents et non discriminatoires, garantissant un accès effectif au revenu minimum, indépendamment de l’existence d’une adresse permanente, tout en veillant à ce que la durée du séjour légal soit proportionnée;

b)

des seuils relatifs à la condition de ressources qui reflètent le niveau de vie dans un État membre pour les différents types et tailles de ménages et qui tiennent compte, de manière proportionnée, des autres types de revenus (et d’actifs) du ménage;

c)

le temps nécessaire pour traiter la demande, tout en veillant à ce que la décision soit rendue sans retard injustifié, et en pratique au plus tard dans les trente jours suivant son dépôt;

d)

la continuité de l’accès au revenu minimum pour autant que les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes remplissent les critères d’éligibilité et les conditions fixées par la loi, ainsi qu’un réexamen périodique de l’éligibilité, tout prévoyant un accès à des mesures d’inclusion active spécifiques et proportionnées pour les personnes en mesure de travailler;

e)

des procédures de réclamation et de recours simples, rapides, impartiales et gratuites, tout en veillant à ce que les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes soient au courant de l’existence de ces procédures et y aient effectivement accès;

f)

des mesures garantissant que les filets de protection sociale répondent aux différents types de crises et sont en mesure d’atténuer efficacement les conséquences socio-économiques négatives de ces crises.

UTILISATION DU REVENU MINIMUM

10)

Il est recommandé aux États membres d’encourager ou de faciliter la pleine utilisation du revenu minimum en faisant le nécessaire pour:

a)

réduire la charge administrative, notamment en simplifiant les procédures de demande et en guidant pas à pas ceux qui en ont besoin, tout en prêtant attention à la disponibilité d’outils numériques et non numériques;

b)

garantir l’accès à des informations conviviales, gratuites et à jour sur les droits et obligations liés au revenu minimum;

c)

s’adresser aux personnes ne disposant pas de ressources suffisantes afin de leur faire connaître ce revenu et de faciliter son utilisation, en particulier par les ménages monoparentaux, notamment en associant les parties prenantes concernées aux niveaux national, régional et local;

d)

prendre des mesures pour lutter contre la stigmatisation et les préjugés inconscients liés à la pauvreté et à l’exclusion sociale;

e)

prendre des mesures visant à améliorer ou développer des méthodes d’évaluation et évaluer régulièrement la non-utilisation du revenu minimum sur la base de ces méthodes et, le cas échéant, des mesures connexes d’activation du marché du travail, recenser les obstacles et mettre en place des mesures correctives.

ACCÈS À DES MARCHÉS DU TRAVAIL INCLUSIFS

11)

En vue de promouvoir un taux d’emploi élevé et des marchés du travail inclusifs, il est recommandé aux États membres, le cas échéant en coopération avec les partenaires sociaux, de veiller à l’activation du marché du travail, de supprimer les obstacles à l’intégration ou à la réintégration et au maintien sur le marché du travail, d’aider les personnes à même de travailler dans leur parcours vers un emploi de qualité, de prévoir des incitations au travail, de lutter contre la pauvreté des travailleurs et la segmentation du marché du travail, d’encourager l’emploi formel, de combattre le travail non déclaré et de faciliter l’exploitation des possibilités de travail, en faisant le nécessaire pour:

a)

veiller à ce que les exigences en matière d’activation fournissent des incitations suffisantes pour (ré)intégrer le marché du travail, tout en étant progressives et proportionnées; il convient d’accorder une attention particulière aux jeunes adultes afin de les ramener au plus vite dans le système d’éducation ou de formation ou sur le marché du travail;

b)

améliorer l’investissement dans le capital humain grâce à des politiques d’éducation et de formation inclusives, qui soutiennent le perfectionnement et la reconversion professionnels, en particulier ceux des personnes dont les compétences sont faibles ou dépassées, y compris en coopérant avec les partenaires sociaux;

c)

prévoir la possibilité de combiner l’aide au revenu avec les revenus du travail, la suppression progressive de l’aide au revenu ou le maintien du droit à une aide au revenu dans le cadre d’emplois sporadiques ou de courte durée, durant les périodes d’essai ou les stages;

d)

réexaminer régulièrement les incitations et les freins résultant des systèmes d’imposition et de prestations sociales;

e)

soutenir les possibilités d’emploi dans le secteur de l’économie sociale, y compris grâce à la fourniture d’une expérience professionnelle pratique;

f)

faciliter la transition vers l’emploi en proposant des mesures aux employeurs et aux salariés, telles que des incitations à l’embauche, un soutien au placement et après le placement, un tutorat, du conseil et des mesures favorisant le maintien dans l’emploi et la promotion professionnelle.

ACCÈS AUX SERVICES DE SOUTIEN ET AUX SERVICES ESSENTIELS

12)

Il est recommandé aux États membres de faire le nécessaire pour:

a)

assurer un accès effectif et égal aux services de soutien, y compris conformément aux principes de qualité définis dans le cadre volontaire européen pour la qualité des services sociaux;

b)

préserver la continuité de l’accès effectif aux services essentiels, y compris l’énergie;

c)

lever les obstacles financiers et non financiers qui entravent l’accès effectif aux services de soutien et aux services essentiels.

SOUTIEN PERSONNALISÉ

13)

Afin de lever les divers obstacles auxquels les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes se heurtent en matière d’inclusion sociale, ainsi qu’en matière d’emploi dans le cas de celles qui peuvent travailler, il est recommandé aux États membres de développer une approche individualisée et de coordonner la fourniture de services, en faisant le nécessaire pour:

a)

procéder à une évaluation multidimensionnelle des besoins qui passe en revue les obstacles à l’inclusion sociale et à l’emploi, recense les services de soutien et les services essentiels nécessaires pour lever ces obstacles et détermine l’aide nécessaire; et

b)

sur cette base, au plus tard trois mois après l’accès au revenu minimum, élaborer un plan d’inclusion qui:

i)

fixe des objectifs et des calendriers communs;

ii)

définit un ensemble de mesures de soutien adaptées aux besoins individuels, comprenant des mesures actives du marché du travail et/ou des mesures favorisant l’inclusion sociale;

iii)

désigne un gestionnaire de dossier ou un point de contact et de service unique qui assurera un soutien continu, aiguillera le bénéficiaire en temps utile vers les services compétents et supervisera régulièrement l’avancement de la mise en œuvre du plan d’inclusion;

c)

pour les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes qui sont en situation de chômage de longue durée, réexaminer et, le cas échéant, adapter l’accord d’intégration professionnelle existant conformément à la recommandation du Conseil relative à l’intégration des chômeurs de longue durée sur le marché du travail afin de le compléter au moyen d’éléments du plan d’inclusion visé au point b).

GOUVERNANCE, SUIVI ET ÉTABLISSEMENT DE RAPPORTS

14)

En vue de concevoir et mettre en œuvre efficacement des filets de protection sociale solides aux niveaux national, régional et local, il est recommandé aux États membres:

a)

d’éviter les lacunes, les chevauchements et la fragmentation de divers régimes et prestations de manière à fournir un ensemble cohérent d’aides au revenu, de mesures d’activation et de services de soutien;

b)

d’accroître la capacité opérationnelle des autorités responsables de l’aide au revenu, des services de l’emploi et des prestataires de services de soutien et de renforcer leur coopération, notamment par le partage de données et la promotion de modèles de services plus intégrés;

c)

de donner aux parties prenantes concernées, telles que les autorités régionales et locales, les partenaires sociaux, les organisations de la société civile et les acteurs de l’économie sociale, les moyens de participer efficacement à la conception, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des régimes de revenu minimum;

d)

d’assurer un financement adéquat des filets de protection sociale d’une manière qui soit compatible avec la viabilité globale des finances publiques.

15)

Afin de mieux éclairer l’élaboration des politiques, il est recommandé aux États membres:

a)

de suivre en permanence la mise en œuvre des politiques d’aide au revenu, en particulier celles relatives au revenu minimum, et des mesures connexes d’activation du marché du travail, ainsi que de l’accès aux services, notamment en améliorant la disponibilité et la qualité des données pertinentes, ventilées par sexe, par âge et, le cas échéant, par handicap, à tous les niveaux de gouvernance et en réalisant des évaluations régulières, et d’opérer des ajustements pour atteindre les objectifs de la présente recommandation de la manière la plus efficace possible;

b)

d’élaborer ou de renforcer, dans le respect des règles en matière de protection des données, des mécanismes permettant de suivre l’inclusion sociale ou la transition vers l’emploi des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes;

c)

d’informer la Commission à intervalles réguliers de l’ensemble des mesures prises ou prévues pour mettre en œuvre la présente recommandation, en s’appuyant, le cas échéant, sur les stratégies, plans ou rapports nationaux existants, y compris ceux soumis dans le cadre des mécanismes d’établissement de rapports existants, tels que la méthode ouverte de coordination, le semestre européen et d’autres mécanismes pertinents de programmation et d’établissement de rapports de l’Union; le premier rapport devrait contenir les résultats et les recommandations des évaluations visées au point a).

16)

Le Conseil se félicite que la Commission entende:

a)

continuer de travailler de concert avec les États membres au sein du Comité de la protection sociale sur le cadre d’évaluation comparative du revenu minimum et améliorer la disponibilité et la comparabilité des indicateurs et données pertinents;

b)

renforcer l’apprentissage mutuel et la diffusion des résultats et des bonnes pratiques entre les États membres;

c)

examiner régulièrement, sur la base des documents visés au point 15, point c), et au sein du Comité de la protection sociale, en étroite coopération avec le Comité de l’emploi et le réseau des services publics de l’emploi, les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la présente recommandation en ce qui concerne l’accès à des marchés du travail inclusifs, et élaborer tous les trois ans un rapport conjoint de la Commission et du Comité de la protection sociale sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la présente recommandation;

d)

suivre les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la présente recommandation dans le cadre du semestre européen, y compris en coopération avec le Comité de la protection sociale;

e)

faire le point sur les mesures prises en réponse à la présente recommandation, notamment en ce qui concerne l’incidence de celle-ci sur la réduction de la pauvreté et de l’exclusion sociale, l’augmentation des niveaux d’emploi et l’amélioration de la participation à la formation, et faire rapport au Conseil d’ici à 2030.

17)

La recommandation 92/441/CEE est remplacée par la présente recommandation.

Fait à Bruxelles, le 30 janvier 2023.

Par le Conseil

Le président

P. KULLGREN


(1)  JO C 326 du 26.10.2012, p. 391.

(2)  Recommandation 92/441/CEE du Conseil du 24 juin 1992 portant sur les critères communs relatifs à des ressources et prestations suffisantes dans les systèmes de protection sociale (JO L 245 du 26.8.1992, p. 46).

(3)  Recommandation 2008/867/CE de la Commission du 3 octobre 2008 relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail (JO L 307 du 18.11.2008, p. 11).

(4)  Proclamation interinstitutionnelle sur le socle européen des droits sociaux (JO C 428 du 13.12.2017, p. 10).

(5)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, «Plan d’action sur le socle européen des droits sociaux» [COM(2021) 102 final].

(6)  Résolution du Parlement européen du 24 octobre 2017 sur les politiques en matière de revenu minimum en tant qu’instrument de lutte contre la pauvreté [2016/2270(INI)] (JO C 346 du 27.9.2018, p. 156).

(7)  Conclusions du Conseil du 12 octobre 2020 sur le renforcement de la protection du revenu minimum pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et au-delà.

(8)  Commission européenne, direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, Rapport conjoint sur l’emploi 2022, Office des publications de l’Union européenne, 2022.

(9)  Recommandation du Conseil du 8 novembre 2019 relative à l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale (JO C 387 du 15.11.2019, p. 1).

(10)  Recommandation (UE) 2021/1004 du Conseil du 14 juin 2021 établissant une garantie européenne pour l’enfance (JO L 223 du 22.6.2021, p. 14).

(11)  Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158 du 30.4.2004, p. 77).

(12)  Recommandation du Conseil du 30 octobre 2020 relative à «Un pont vers l’emploi — Renforcer la garantie pour la jeunesse» et remplaçant la recommandation du Conseil du 22 avril 2013 sur l’établissement d’une garantie pour la jeunesse (JO C 372 du 4.11.2020, p. 1).

(13)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, «Union de l’égalité: Stratégie en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030» du 3 mars 2021 [COM(2021) 101 final].

(14)  A voluntary European Quality Framework for Social Services (SPC/2010/10 final).

(15)  Recommandation du Conseil du 15 février 2016 relative à l’intégration des chômeurs de longue durée sur le marché du travail (JO C 67 du 20.2.2016, p. 1).

(16)  Règlement (UE) 2021/1057 du Parlement européen et du Conseil du 24 juin 2021 instituant le Fonds social européen plus (FSE+) et abrogeant le règlement (UE) no 1296/2013 (JO L 231 du 30.6.2021, p. 21).

(17)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Mieux évaluer les effets distributifs des politiques des États membres» [COM(2022) 494 final)].