20.5.2021   

FR

Journal officiel de l’Union européenne

L 179/10


RECOMMANDATION (UE) 2021/801 DE LA COMMISSION

du 18 mai 2021

en ce qui concerne le traitement fiscal des pertes pendant la crise de la COVID-19

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 292,

considérant ce qui suit:

(1)

La pandémie de COVID-19 a donné lieu à l'adoption, à l’échelon des États comme à l'échelon de l’Union, de mesures sans précédent tendant à soutenir l’économie de l’UE et à faciliter sa reprise. La majorité des mesures de crise à court terme visent à ce que les entreprises disposent de flux de trésorerie suffisants.

(2)

Les petites et moyennes entreprises (PME) (1) ont été particulièrement durement touchées par les mesures de santé publique, car leur capacité d'absorber ou de financer des pertes est souvent moindre que celle des entreprises de plus grande taille. Les PME sont également plus susceptibles d’être actives dans des secteurs qui ont dû fermer en raison des mesures de santé publique, comme les hôtels, restaurants, cafés et bars.

(3)

De nombreux pays et territoires ont agi rapidement pour alléger la charge fiscale immédiate des entreprises au moyen de mesures de soutien appropriées, dont une part notable sont soumises aux règles de l’Union en matière d'aides d’État, et notamment au nouvel encadrement temporaire des aides d'État (2). Le report d'imposition est le type le plus courant de mesures fiscales destinées à améliorer les flux de trésorerie des entreprises, mais les modifications des dispositions en matière de compensation des pertes constituent également un outil important de politique fiscale.

(4)

Les États membres autorisent habituellement trois types principaux de traitement des pertes à des fins fiscales. Les pertes peuvent normalement être a) utilisées lors de l’exercice comptable au cours duquel elles surviennent, de sorte que l’impôt ne soit pas dû pour cet exercice. En outre, les pertes excédentaires peuvent: b) être reportées en avant et déduites des prochains bénéfices futurs disponibles afin de réduire l’impôt à verser; ou, dans certains États membres, c) être reportées en arrière et déduites des bénéfices totaux de l’exercice fiscal précédent ou de plusieurs exercices précédents afin de générer un remboursement d’impôts précédemment versés.

(5)

En tant que mesure des pouvoirs publics, le report en avant des pertes est moins utile pour aider immédiatement des entreprises en difficulté, car le contribuable n’obtiendra un avantage en liquidités que lorsqu'il sera à nouveau rentable et imposable. Les pertes des exercices antérieurs peuvent être utilisées lors de l’exercice comptable en cours, mais cela ne libérerait de liquidités que si le contribuable réalise des bénéfices. Le report en arrière de pertes est beaucoup plus pertinent pour les entreprises touchées par la crise, car il entraîne un remboursement d'impôts versés lors d’exercices antérieurs et apporte des liquidités supplémentaires aux entreprises. Il serait avantageux en particulier pour les PME.

(6)

Le report en arrière de pertes présente l’avantage de ne bénéficier qu’aux entreprises qui étaient rentables au cours des années précédant la pandémie, ce qui signifie qu’il soutiendrait en principe des entreprises saines. En pratique, seules les entreprises qui réalisaient des bénéfices et payaient des impôts au cours des exercices antérieurs à 2020 pourront déduire leurs pertes de 2020 et 2021 de ces impôts. Ainsi, la mesure vise les entreprises qui souffrent directement en raison de la pandémie, et l'argent public n’est pas dépensé pour tenter d'aider des entreprises privées qui sont en difficulté pour des raisons non liées à la crise.

(7)

Pour que la mesure soit ciblée, les États membres qui décident d'autoriser le report en arrière sur plus d'un exercice devraient le limiter aux entreprises qui n'affichaient pas de pertes au cours des exercices précédents. Ainsi, si un report en arrière des pertes est autorisé sur deux ou trois exercices, cela devrait être destiné aux entreprises qui n’étaient pas déficitaires ni en 2019, ni en 2018, ni en 2017.

(8)

Le coût de telles mesures dépendrait principalement de leur calendrier: les entreprises reçoivent l’argent maintenant, alors qu’elles en ont le besoin le plus urgent, et ne devront pas attendre d’être en mesure de déduire leurs pertes de leurs futurs impôts à verser. Les États membres renonceront à des recettes fiscales sur le moment, mais recevront à l’avenir des recettes fiscales d’entreprises qui seront restées à flot et renoueront avec les bénéfices. En outre, le recours au report de pertes sur des exercices antérieurs réduira les reports de pertes sur des exercices futurs, ce qui atténue encore les incidences sur les recettes fiscales.

(9)

Certains États membres ont déjà instauré ou annoncé des mesures qui permettent le report en arrière de pertes pour l’exercice fiscal 2020, ce qui permettra aux contribuables de reporter les pertes fiscales subies en 2020 sur les bénéfices réalisés lors d’exercices fiscaux précédents.

(10)

Cependant, les États membres appliquent habituellement des règles divergentes pour le traitement des pertes, ce qui crée souvent des conditions de concurrence inégales.

(11)

La présente recommandation aux États membres sur le traitement national des pertes, qui s'appuie sur les meilleures pratiques, pourrait contribuer à égaliser les conditions de concurrence pour les entreprises dans toute l’Union.

(12)

Il convient que la présente recommandation s'applique pour les exercices fiscaux 2020 et 2021 afin d’aider les entreprises pendant la crise de la COVID-19.

(13)

Les États membres devraient autoriser les entreprises à reporter leurs pertes au moins sur l’exercice fiscal précédent, à savoir 2019. Toutefois, afin de permettre aux contribuables de déduire l’ensemble de leurs pertes des impôts précédemment versés, les États membres peuvent étendre le report en arrière à trois exercices au maximum, soit jusqu’à 2017. Les entreprises de plus petite taille dont les bénéfices sont moindres peuvent bénéficier particulièrement de cette période étendue de report en arrière de trois exercices au maximum.

(14)

La mesure devrait être limitée afin d’éviter des incidences excessives sur les budgets nationaux. Une limite de 3 millions d’EUR par exercice fiscal déficitaire constituerait un soutien précieux pour les petites entreprises en particulier, tout en faisant en sorte que tous les contribuables en bénéficient dans une certaine mesure.

(15)

La Commission rappelle que lorsque les États membres instaurent des mesures qui remplissent les critères pour constituer une aide d’État non exemptée de l’obligation de notification, ils doivent notifier ces mesures à la Commission conformément aux procédures généralement applicables en matière d'aides d’État,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE RECOMMANDATION:

1.   OBJET ET CHAMP D’APPLICATION

Afin d'aider les entreprises à la lumière de la situation économique causée par la pandémie de COVID-19, la présente recommandation énonce une approche coordonnée du traitement des pertes des entreprises encourues au cours des exercices fiscaux 2020 et 2021.

2.   LE TRAITEMENT FISCAL DES PERTES

Étant donné les circonstances économiques exceptionnelles des années 2020 et 2021, en raison de la pandémie de COVID-19, les États membres devraient autoriser les entreprises à reporter leurs pertes au moins sur l’exercice fiscal précédent, à savoir 2019.

Les États membres peuvent étendre cette période et autoriser le report en arrière de pertes sur les trois exercices précédents au maximum, ce qui signifie qu'ils autorisent les entreprises à déduire leurs pertes se rapportant aux exercices fiscaux 2020 et 2021 des bénéfices déjà taxés lors des exercices fiscaux 2019, 2018 et 2017.

Les États membres devraient autoriser les entreprises à demander immédiatement le report en arrière des pertes qu’elles estiment encourir lors de l’exercice fiscal 2021, sans devoir attendre la fin de l’exercice.

3.   LIMITES

Afin de limiter l’incidence sur les budgets nationaux, il convient que les États membres limitent le montant des pertes à reporter en arrière. Le montant maximal du report en arrière de pertes devrait être de 3 millions d’EUR par exercice fiscal déficitaire.

Si les États membres autorisent le report de pertes jusqu'à 2017, les entreprises pouvant en bénéficier ne devraient pas avoir subi de pertes au cours des exercices fiscaux 2019, 2018 et 2017.

4.   SUIVI

Les États membres sont priés d'informer la Commission des mesures prises à la suite de la présente recommandation, ainsi que des modifications apportées à ces mesures.

Les États membres sont invités à discuter avec la Commission de leurs projets en matière de report en arrière des pertes pour les entreprises.

5.   DESTINATAIRES

Les États membres sont destinataires de la présente recommandation.

Fait à Bruxelles, le 18 mai 2021.

Par la Commission

Paolo GENTILONI

Membre de la Commission


(1)  Pour une définition des PME, voir la recommandation 2003/361/CE de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises (JO L 124 du 20.5.2003, p. 36).

(2)  Communication de la Commission – Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 (JO C 91 I du 20.3.2020, p. 1), telle que modifiée par les communications de la Commission C(2020) 2215 (JO C 112 I du 4.4.2020, p. 1), C(2020) 3156 (JO C 164 du 13.5.2020, p. 3), C(2020) 4509 (JO C 218 du 2.7.2020, p. 3), C(2020) 7127 (JO C 340 du 13.10.2020, p. 1) et C(2021) 564 (JO C 34 du 1.2.2021, p. 6).