17.1.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 15/5


RÈGLEMENT D'EXÉCUTION (UE) 2019/67 DE LA COMMISSION

du 16 janvier 2019

instituant des mesures de sauvegarde en ce qui concerne les importations de riz Indica originaire du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

vu le règlement (UE) no 978/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées et abrogeant le règlement (CE) no 732/2008 du Conseil (1), et notamment son article 26,

considérant ce qui suit:

1.   PROCÉDURE

1.1.   Ouverture

(1)

Le 16 février 2018, la Commission a reçu une demande de l'Italie, présentée au titre de l'article 22 du règlement (UE) no 978/2012 (ci-après le «règlement SPG»), par laquelle l'État membre sollicitait l'adoption de mesures de sauvegarde concernant le riz du type «Indica» originaire du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie. D'autres États membres producteurs de riz, à savoir l'Espagne, la France, le Portugal, la Grèce, la Roumanie, la Bulgarie et la Hongrie, ont soutenu la demande de l'Italie.

(2)

Ayant conclu que la demande contenait suffisamment d'éléments de preuve attestant que le riz Indica originaire du Myanmar/de la Birmanie et du Cambodge était importé dans des volumes et à des prix causant de graves difficultés à l'industrie de l'Union, la Commission a publié, le 16 mars 2018, un avis annonçant l'ouverture d'une enquête de sauvegarde (2), après en avoir informé les États membres.

(3)

Afin de recueillir les informations nécessaires à la réalisation d'une évaluation approfondie, la Commission a informé les producteurs connus (ci-après les «usiniers de riz» ou «usiniers») de produits similaires ou directement concurrents dans l'Union et leur association, ainsi que les usiniers-exportateurs connus et leurs fédérations, y compris leurs gouvernements, et les a invités à participer à l'enquête.

1.2.   Échantillonnage

(4)

Compte tenu du nombre important de producteurs de l'Union, d'usiniers-exportateurs et d'importateurs concernés par la procédure et, dans le souci d'achever l'enquête dans les délais prescrits, la Commission a décidé de limiter à un nombre raisonnable les usiniers individuels de l'Union couverts par l'enquête. Conformément à l'article 11, paragraphe 6, du règlement délégué (UE) no 1083/2013 de la Commission (3), la Commission a sélectionné un échantillon représentatif aux fins de l'enquête.

(5)

Dans l'avis d'ouverture, la Commission a annoncé qu'elle avait provisoirement sélectionné un échantillon de producteurs de l'Union sur la base du plus grand volume représentatif de la production du produit similaire, tout en garantissant la répartition géographique. Alors que le riz est cultivé dans huit États membres, la production est pratiquement concentrée en Italie et en Espagne: à eux deux, ces pays représentent 80 % de la production totale de riz dans l'Union (environ 50 % en Italie et 30 % en Espagne) et sont donc représentatifs de l'industrie de l'Union. Sur cette base, la Commission a estimé qu'il était justifié d'envoyer des questionnaires à trois usiniers de riz italiens et à un usinier espagnol.

(6)

La représentativité de l'échantillon a été mise en cause par une partie, laquelle a demandé à la Commission de confirmer la part de la production que représentaient les usiniers retenus dans l'échantillon par rapport à la production totale de l'Union, ainsi que l'évolution de leur situation par rapport à celle de l'industrie de l'Union. Comme il est expliqué au considérant 5, l'échantillon a été sélectionné sur la base du plus grand volume représentatif de la production sur lequel l'enquête pouvait raisonnablement porter compte tenu du temps disponible. Les trois usiniers italiens inclus dans l'échantillon totalisaient 50 % de la production italienne au cours de la campagne de commercialisation 2016/2017, et l'usinier espagnol retenu 17 % de la production espagnole pour cette même campagne. Ensemble, ils représentent 26 % de la production totale de l'Union. En outre, au cours de la période couverte par l'enquête, c'est-à-dire du 1er septembre 2012 au 31 août 2017, la production des sociétés retenues dans l'échantillon a évolué parallèlement à celle de la branche d'activité dans son ensemble. La production a diminué de 36 % dans le cas des producteurs de l'échantillon et de 38 % pour l'ensemble de l'industrie de l'Union. Ces éléments confortent encore la conclusion selon laquelle l'échantillon est bel et bien représentatif.

(7)

Des questionnaires ont en outre été envoyés à certains riziculteurs (ci-après les «agriculteurs») mais, du fait de la fragmentation importante du secteur (environ 4 000), les résultats ne brossent qu'un tableau très imparfait de la situation (4).

(8)

En ce qui concerne la sélection des exportateurs, la Commission a, au total, reçu 13 réponses à la procédure d'échantillonnage de la part d'usiniers-exportateurs du Cambodge et 15 réponses d'usiniers-exportateurs du Myanmar/de la Birmanie. L'échantillonnage était donc nécessaire et toutes les parties en ont été informées. Sur la base des informations communiquées par les usiniers-exportateurs, la Commission a initialement sélectionné un échantillon comportant trois exportateurs du Cambodge et trois exportateurs du Myanmar/de la Birmanie. Ils ont été retenus sur la base du plus grand volume d'exportations à destination de l'Union. Toutefois, à la suite d'une analyse plus approfondie et d'observations reçues de la Fédération du secteur du riz du Cambodge, il s'est avéré que deux exportateurs de ce pays n'étaient pas en mesure de coopérer à l'enquête et ont donc été remplacés. Une seule société a en fin de compte répondu au questionnaire. En ce qui concerne le Myanmar/la Birmanie, les trois sociétés sélectionnées ont répondu au questionnaire.

(9)

Quatre importateurs indépendants se sont fait connaître à la suite de la publication de l'avis d'ouverture. Vu le nombre limité d'importateurs acceptant de coopérer, il n'a pas été jugé nécessaire de procéder à un échantillonnage. La Commission a adressé un questionnaire aux quatre sociétés, qui n'ont cependant pas toutes fourni une réponse complète.

1.3.   Visites de vérification

(10)

La Commission a recherché et vérifié toutes les informations jugées nécessaires aux fins de l'enquête. Des visites de vérification ont été effectuées dans les locaux des sociétés ci-après, conformément à l'article 12 du règlement délégué (UE) no 1083/2013:

a)

usiniers de riz:

Riso Scotti SpA et la société liée (Riso Scotti Danubio), Italie;

Curti Srl et la société liée (Riso Ticino Soc. Coop.), Italie;

Riso Viazzo Srl, Italie;

Herba Ricemills S.L., Espagne;

b)

association:

Ente Nazionale Risi (Enterisi), Italie.

1.4.   Période d'enquête

(11)

L'enquête a porté sur les cinq dernières campagnes de commercialisation, c'est-à-dire sur la période comprise entre le 1er septembre 2012 et le 31 août 2017 (ci-après la «période d'enquête»).

1.5.   Communication des constatations

(12)

À la suite de la communication des constatations, huit parties, dont l'Italie et l'Espagne, ont adressé des commentaires à la Commission. La Commission a également reçu des observations de trois sociétés et d'une association qui n'étaient pas des parties intéressées. Bien que ces parties n'aient pas été enregistrées en tant que parties intéressées, leurs commentaires ont, dans une large mesure, été examinés et pris en compte dans les conclusions de la Commission, car ils correspondent pour l'essentiel à des observations formulées par des parties intéressées enregistrées.

2.   PRODUIT CONCERNÉ ET PRODUIT SIMILAIRE OU DIRECTEMENT CONCURRENT

2.1.   Produit concerné

(13)

Le «produit concerné» est le riz Indica blanchi ou semi-blanchi originaire du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie, bénéficiant d'une exemption de droits de douane au titre du règlement SPG et relevant actuellement des codes NC 1006 30 27, 1006 30 48, 1006 30 67 et 1006 30 98.

(14)

Le produit concerné est importé dans l'Union soit en vrac en vue de sa transformation (usinage, nettoyage et emballage), soit en petits sacs de 5 kilogrammes (kg) au plus ou de 5 kg à 20 kg, qui peuvent être vendus directement en l'état par les détaillants.

2.2.   Produit similaire ou directement concurrent

(15)

Les deux principales sous-espèces de riz sont dénommées Indica et Japonica. La première désigne du riz aux grains longs, qui ne s'agglutinent pas à la cuisson. La seconde (Japonica) est un type de riz de forme plus arrondie. Celui-ci s'agglutine à la cuisson et est utilisé pour des plats tels que la paella ou le risotto.

(16)

Le riz juste moissonné est entouré de son écorce extérieure (appelée «balle»); il s'agit du «riz paddy». Après la récolte, le riz fait l'objet d'une série de procédés d'usinage. Une fois débarrassé de la balle, le riz est dit «décortiqué». D'autres procédés de transformation sont nécessaires pour obtenir le «riz semi-blanchi» ou le «riz blanchi».

(17)

Dans son évaluation, la Commission a établi que le riz Indica blanchi ou semi-blanchi produit dans l'Union et le produit concerné sont similaires ou directement concurrents.

(18)

Le riz Indica blanchi ou semi-blanchi qui est produit dans l'Union et celui qui est importé présentent en effet les mêmes caractéristiques physiques, techniques et chimiques essentielles. Ils sont destinés aux mêmes utilisations et vendus, par l'intermédiaire de circuits de vente similaires ou identiques, au même type de clients. Lesdits clients sont soit des détaillants soit des transformateurs établis dans l'Union.

2.3.   Observations des parties

(19)

À la suite de la communication des constatations, plusieurs parties intéressées (5) ont fait valoir qu'il fallait exclure le riz Indica aromatique du champ de l'enquête au motif que celui-ci a des caractéristiques différentes de celles des autres types de riz Indica et n'est pas concurrent du riz produit dans l'Union. Elles soutiennent en outre que, depuis 2017, le riz aromatique est classé sous un code NC différent, ce qui tendrait à conforter la position selon laquelle ce type de riz est différent des autres.

(20)

Premièrement, ainsi que l'ont confirmé différentes parties intéressées, le riz Indica recouvre une large gamme de variétés et de sous-espèces de riz spécifiques, dont le riz naturellement parfumé ou aromatique. Malgré les légères différences qui existent entre tous ces types, par exemple sur les plans du goût et de la structure, tous ont néanmoins en commun les mêmes caractéristiques physiques, techniques et chimiques essentielles.

(21)

En outre, tous ces types différents servent aux mêmes utilisations finales, sont usinés par les mêmes opérateurs, sont vendus par l'intermédiaire des mêmes circuits commerciaux et sont en concurrence les uns avec les autres. L'existence, depuis 2017, d'un code NC spécifique pour le riz aromatique n'est pas pertinente puisque, comme le précise l'avis d'ouverture, les codes NC ne sont donnés qu'à titre indicatif et ne constituent pas un facteur décisif pour la définition d'un produit dans le cadre d'une enquête de défense commerciale. Ces arguments ont donc été rejetés.

3.   EXISTENCE DE DIFFICULTÉS GRAVES

3.1.   Définition de l'industrie de l'Union

(22)

Conformément au règlement SPG, il convient de prendre en compte les usiniers de produits similaires ou directement concurrents. En l'espèce, la Commission considère que l'industrie de l'Union se compose des usiniers de riz. Les usiniers de riz transforment le riz cultivé/produit dans l'Union, qui est en concurrence directe avec le riz Indica blanchi ou semi-blanchi exporté par le Myanmar/la Birmanie ou le Cambodge.

(23)

Dans sa demande, l'Italie a fait valoir qu'en raison de la corrélation étroite qui existe entre les riziculteurs et les usiniers, ces deux types d'opérateurs devaient être pris en compte aux fins de l'évaluation du préjudice. Même s'il est possible que les importations de riz en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie aient aussi des répercussions importantes sur la situation des riziculteurs, ces derniers devraient plutôt être considérés comme des fournisseurs de matières premières, et non comme des usiniers de produits similaires ou directement concurrents.

3.2.   Consommation de l'Union

(24)

La consommation de riz Indica dans l'Union a été établie sur la base des données collectées auprès des États membres par la Commission et des statistiques sur les importations mises à disposition par Eurostat (6).

(25)

La consommation dans l'Union a évolué comme suit:

 

2012/2013

2013/2014

2014/2015

2015/2016

2016/2017

Consommation totale de l'Union (en tonnes)

1 061 793

1 146 701

1 090 662

1 040 969

993 184

Indice (2012/2013 = 100)

100

108

103

98

94

Source: chiffres établis par la Commission sur la base des données reçues des États membres et d'Eurostat (en équivalent de riz Indica blanchi).

(26)

La consommation de riz Indica dans l'Union a reculé de 6 % au cours de la période d'enquête. Elle a atteint son plus haut niveau en 2013/2014 (+ 8 %), parallèlement à une forte augmentation des importations de riz Indica en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie, laquelle a entraîné une saturation du marché. Au cours des campagnes de commercialisation suivantes, la consommation a évolué à la baisse.

3.3.   Évolution des importations

(27)

Les importations dans l'Union du produit concerné en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie ont évolué comme suit:

 

 

2012/2013

2013/2014

2014/2015

2015/2016

2016/2017

Cambodge

tonnes

163 337

228 878

251 666

299 740

249 320

indice

100

140

154

184

153

Myanmar/Birmanie

tonnes

2 075

28 856

52 680

36 088

62 683

indice

100

1 391

2 539

1 739

3 021

Total

tonnes

165 412

257 734

304 346

335 828

312 003

indice

100

156

184

203

189

Source: statistiques d'Eurostat (riz semi-blanchi converti en équivalent blanchi [Pour convertir les quantités correspondant aux différents stades de la transformation du riz (riz paddy, décortiqué, semi-blanchi ou blanchi), un taux de conversion a été fixé par la Commission dans le règlement (CE) no 1312/2008 du 19 décembre 2008 fixant les taux de conversion, les frais d'usinage et la valeur des sous-produits afférant aux divers stades de transformation du riz (JO L 344 du 20.12.2008, p. 56). Par exemple, le taux de conversion du riz Indica décortiqué en riz Indica blanchi est de 0,69. Il s'applique aussi bien au riz importé qu'à celui qui est produit dans l'Union]), et chiffres établis par la Commission sur la base des données reçues des États membres.

(28)

Le volume des importations en provenance du Cambodge est passé de 163 000 à 249 000 tonnes. Il a augmenté de manière significative jusqu'en 2015/2016, puis a légèrement fléchi, parallèlement au repli de la consommation en 2016/2017. Malgré cette baisse, les importations étaient toujours supérieures de 50 % à leur niveau de 2012/2013. À la fin de la période d'enquête, le Cambodge totalisait 25 % de l'ensemble des importations.

(29)

En ce qui concerne les importations en provenance du Myanmar/de la Birmanie, elles ont également grimpé en flèche au cours de la période d'enquête, passant de 2 000 à 62 000 tonnes. Leur niveau est toutefois resté inférieur à celui des importations venant du Cambodge. Les importations en provenance du Myanmar/de la Birmanie représentaient 6,3 % du total des importations de riz de l'Union à la fin de la période d'enquête (voir tableau sur les parts de marché ci-après).

(30)

Sous l'angle des parts de marché, les importations ont connu l'évolution suivante:

 

2012/2013

2013/2014

2014/2015

2015/2016

2016/2017

Part de marché du Cambodge (en %)

15,4

20,0

23,1

28,8

25,1

Part de marché du Myanmar/de la Birmanie (en %)

0,2

2,5

4,8

3,5

6,3

Total

15,6

22,5

27,9

32,3

31,4

Source: Eurostat et chiffres établis par la Commission sur la base des données reçues des États membres (en équivalent de riz blanchi).

(31)

Le Cambodge affiche une augmentation notable de sa part de marché, qui est passée de 15,4 % à 25,1 %, tandis que celle du Myanmar/de la Birmanie s'est accrue de 0,2 % à 6,3 %.

(32)

Les prix ont évolué de la façon suivante:

 

2012/2013

2013/2014

2014/2015

2015/2016

2016/2017

Prix des importations en provenance du Cambodge (en EUR/tonne)

588,4

512,8

562,6

547,4

552,2

Indice (2012/2013 = 100)

100

87

96

93

94

Prix des importations en provenance du Myanmar/de la Birmanie (en EUR/tonne)

420,0

366,5

414,7

410,1

405,4

Indice (2012/2013 = 100)

100

87

99

98

97

Moyenne pondérée

586,3

496,2

536,7

532,6

523,1

Indice (2012/2013 = 100)

100

85

92

91

89

Source: Eurostat.

(33)

Dans l'ensemble, les prix des importations venant du Cambodge ont diminué de 6 %, et ceux des importations du Myanmar/de la Birmanie de 3 %. Même si les prix des importations en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie n'ont que légèrement baissé, une comparaison entre le prix moyen à l'importation et les prix de vente unitaires de l'industrie de l'Union (voir considérant 64) a mis en évidence une sous-cotation importante des prix de l'Union par les prix desdites importations (sur la base des données d'Eurostat), correspondant à, respectivement, 22 % et 43 %.

(34)

À la suite de la communication des constatations, le ministère du commerce du Cambodge (ci-après le «Cambodge») a contesté la méthode employée par la Commission pour calculer les marges de sous-cotation. Selon ses allégations, les coûts postérieurs à l'importation n'ont pas été ajoutés pour calculer le prix à l'exportation pour le Cambodge, et la sous-cotation des prix a été déterminée en se fondant sur une comparaison entre les prix moyens, sans tenir compte des différences de stade commercial. Le Cambodge a également émis des doutes quant à la question de savoir si les données fournies par les exportateurs ayant coopéré avaient été utilisées pour déterminer le préjudice.

(35)

Compte tenu des arguments reçus après la communication des constatations, la Commission a décidé de revoir ses calculs de la sous-cotation afin de tenir compte des coûts postérieurs à l'importation ou des coûts de transport pertinents, de même que des différences de stade commercial ayant une incidence sur la comparabilité des prix; elle a aussi décidé d'utiliser, dans la mesure du possible, les données fournies par les exportateurs ayant coopéré à l'enquête.

(36)

Afin de garantir une comparaison équitable, la Commission a décidé d'ajuster les prix à l'importation comme le demandait le Cambodge, à savoir en tenant compte des coûts postérieurs à l'importation. Par ailleurs, la Commission a estimé que les prix de l'industrie de l'Union devaient également être ajustés pour tenir compte des coûts de transport du riz entre le sud (l'Italie et l'Espagne en l'occurrence) et le nord de l'Europe, étant donné que la concurrence relative au riz Indica semi-blanchi et blanchi s'exerce essentiellement dans le nord de l'Europe. Se fondant sur les informations à sa disposition (données obtenues dans le cadre d'une enquête antérieure concernant un autre produit alimentaire, à savoir les satsumas), la Commission a estimé les coûts postérieurs à l'importation à environ 2 % du prix à l'importation, et les coûts de transport dans l'Union à 49 EUR/tonne, sur la base des informations contenues dans la plainte et vérifiées lors de l'enquête sur place.

(37)

En outre, afin de tenir compte des différences de stade commercial, la Commission a comparé les prix de vente du riz blanchi commercialisé en vrac à ceux du riz vendu en petits conditionnements. Il convient de noter que, d'après les statistiques établies à partir des codes NC, le Cambodge exporte du riz en vrac et en petits conditionnements, tandis que le Myanmar/la Birmanie exporte presque exclusivement le riz en vrac.

(38)

Enfin, il a été décidé de déterminer le prix à l'exportation sur la base des réponses au questionnaire reçues des producteurs-exportateurs. Dans le cas du Cambodge, puisqu'un seul exportateur cambodgien a répondu au questionnaire, l'opération d'échantillonnage a échoué. Étant donné que l'exportateur ayant coopéré ne représente qu'une très petite part des importations en provenance du Cambodge, la Commission a dû se fonder sur les meilleures données factuelles disponibles, conformément à l'article 13 du règlement délégué (UE) no 1083/2013. Les chiffres d'Eurostat sur les prix ont dès lors été utilisés en ce qui concerne le Cambodge. S'agissant du Myanmar/de la Birmanie, les prix tirés des réponses au questionnaire ont été utilisés.

(39)

Compte tenu de tous ces éléments, la Commission est parvenue à la conclusion que la sous-cotation des prix pour les ventes en vrac était de 13 % dans le cas du Cambodge et de 43 % dans le cas du Myanmar/de la Birmanie. En ce qui concerne la comparaison des prix du riz vendu en conditionnements, la sous-cotation constatée était de 14 % pour le Cambodge.

(40)

La différence de prix entre le riz importé et le riz produit dans l'Union est donc importante, en particulier si l'on considère que le riz est un produit globalement sensible aux variations des prix. De manière générale, les consommateurs ne font pas de distinction entre les différentes origines.

(41)

Le Cambodge a également soutenu que la conclusion, par la Commission, de l'existence de difficultés graves était fondée sur une évaluation cumulative des effets des volumes et des prix des importations de riz en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie. Cet argument est toutefois rejeté car l'analyse exposée ci-dessus fait clairement la distinction entre la situation relative au Cambodge et celle relative au Myanmar/à la Birmanie.

(42)

En conclusion, les importations en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie ont considérablement augmenté en chiffres absolus ainsi qu'en parts de marché au cours de la période d'enquête. Même si le volume cumulé des importations a légèrement fléchi en 2016/2017, il est resté globalement bien supérieur au niveau observé au début de la période d'enquête. En outre, le prix à l'importation moyen pondéré combiné des deux pays a diminué au cours de la période d'enquête et dénote une sous-cotation importante par rapport aux prix de l'Union.

3.4.   Situation économique de l'industrie de l'Union

3.4.1.   Observations générales

(43)

Aux termes de l'article 23 du règlement SPG, il est considéré qu'il existe des difficultés graves lorsque les producteurs de l'Union subissent une détérioration de leur situation économique et/ou financière. Lorsqu'elle examine l'existence éventuelle d'une telle détérioration, la Commission doit prendre en compte les facteurs visés à l'article 23, dans la mesure où ils sont disponibles, concernant les usiniers de l'Union.

(44)

Comme indiqué au considérant 5, la Commission a recouru à l'échantillonnage en vue de déterminer l'existence de difficultés graves subies par l'industrie de l'Union. Aux fins de l'analyse du préjudice, la Commission a fait une distinction entre les indicateurs de préjudice macroéconomiques et les indicateurs de préjudice microéconomiques.

(45)

La Commission a évalué les indicateurs macroéconomiques (part de marché, production et stocks, les importations étant analysées ci-dessus) en se fondant sur les données générales du marché collectées sur une base mensuelle, la production de riz étant convertie en équivalent de riz blanchi. Faute de données fiables sur les faillites et l'emploi dans l'industrie de l'Union, ces éléments n'ont pas pu être pris en considération dans l'analyse.

(46)

La Commission a évalué les indicateurs microéconomiques (prix et rentabilité) sur la base des données vérifiées au niveau de l'échantillon. Faute de données au niveau macroéconomique, les capacités de production ont également été analysées au niveau de l'échantillon.

3.4.2.   Indicateurs macroéconomiques

(47)

Pendant la période d'enquête, la part de marché de l'industrie de l'Union a évolué comme suit:

 

2012/2013

2013/2014

2014/2015

2015/2016

2016/2017

Part de marché (en %)

61,4

54,8

46,7

40,5

39,3

Indice (2012/2013 = 100)

100

101

80

66

62

Source: chiffres établis par la Commission sur la base des données reçues des États membres.

(48)

Les parts de marché se sont également tassées de manière significative, passant de 61 % à 39 %, soit une diminution de plus de 20 points de pourcentage.

(49)

La production de riz Indica par l'industrie de l'Union a aussi nettement baissé au cours de la période d'enquête:

 

2012/2013

2013/2014

2014/2015

2015/2016

2016/2017

Volume de production (en tonnes)

685 183

692 740

547 908

449 313

423 962

Indice (2012/2013 = 100)

100

101

80

66

62

Source: chiffres établis par la Commission sur la base des données reçues des États membres.

(50)

La production a chuté de près de 40 %, passant de 685 000 à 424 000 tonnes.

(51)

Les stocks de riz blanchi dans l'Union ont augmenté de 4 % sur la période d'enquête, passant de 255 000 à 265 000 tonnes. Ils ont d'abord connu un accroissement notable de 11 %, avant de diminuer légèrement.

(52)

À la suite de la communication des constatations, le Cambodge a fait valoir que les chiffres sur la production de l'Union étaient erronés car lorsqu'on soustrait les données des ventes de ces chiffres, on n'obtient pas les chiffres des stocks de clôture mentionnés ci-après. En effet, la Commission n'a fourni qu'un calcul partiel, car les données ne reflètent pas le stock d'ouverture, l'utilisation du riz en tant que semences, etc. Toutefois, le calcul est conforme au calcul du bilan utilisé par la Commission (voir considérant 24).

 

2012/2013

2013/2014

2014/2015

2015/2016

2016/2017

Stocks de clôture (en tonnes)

255 301

280 507

283 126

272 136

264 766

Indice (2012/2013 = 100)

100

110

111

107

104

Source: chiffres établis par la Commission sur la base des données reçues des États membres.

(53)

Faute de données sur les capacités de production au niveau macroéconomique, la Commission a analysé cette variable au niveau de l'échantillon. La superficie consacrée à la culture de riz Indica dans l'Union donne toutefois une indication assez bonne des quantités de riz Indica disponibles pour les usiniers, et donc de leur utilisation potentielle des capacités. D'une manière générale, cette superficie s'est réduite de 37 % au cours de la période d'enquête et a évolué comme suit:

 

2012/2013

2013/2014

2014/2015

2015/2016

2016/2017

Superficie (hectares)

145 781

145 783

124 270

101 865

91 685

Indice (2012/2013 = 100)

100

100

85

70

63

Source: chiffres établis par la Commission sur la base des données reçues des États membres.

3.4.3.   Indicateurs microéconomiques

(54)

Les réponses au questionnaire fournies par les usiniers de l'Union mettent en lumière l'évolution suivante des prix et de la rentabilité:

 

2012/2013

2013/2014

2014/2015

2015/2016

2016/2017

Prix (en EUR/tonne)

667,3

649,5

693,3

728,3

711,5

Indice (2012/2013 = 100)

100

97

104

109

107

Rentabilité (en %)

1,4

0,1

1,5

4,3

1,2

Indice (2012/2013 = 100)

100

8

107

312

88

Source: réponses au questionnaire (les données fournies par les usiniers sont basées sur les années civiles et non sur les campagnes de commercialisation. Compte tenu de l'important chevauchement entre ces périodes, les tendances demeurent néanmoins représentatives de la période d'enquête).

(55)

Les prix unitaires des usiniers inclus dans l'échantillon ont augmenté de 7 % sur la période d'enquête. Il ressort des résultats des vérifications effectuées par la Commission que, compte tenu de la pression croissante exercée par les importations à bas prix, les usiniers de l'Union retenus dans l'échantillon ont décidé, lorsque cela était possible, de concentrer leurs ventes sur des volumes moins importants de riz Indica blanchi et semi-blanchi et de mettre l'accent sur les produits de marque plutôt que sur la vente sous marque de distributeur.

(56)

En modifiant leur gamme de produits initiale, les usiniers de l'Union ont donc été en mesure de préserver un niveau de rentabilité stable au détriment de leur part de marché, laquelle s'est fortement réduite. Si cette évolution de la gamme de produits a pu être bénéfique, en particulier en 2015/2016 (période durant laquelle la rentabilité a même augmenté), les niveaux des bénéfices sont cependant repartis à la baisse en 2016/2017. Dans un contexte de sous-cotation importante des prix de l'Union, en 2016/2017, par les prix des importations (respectivement de 22 % et de 43 %), une telle stratégie n'est viable qu'à court terme. À brève échéance, les usiniers seront confrontés à des pressions de plus en plus fortes en raison des prix bas du riz importé. De fait, le Cambodge a déjà, en partie, basculé une partie de ses ventes des produits en vrac aux petits conditionnements destinés au commerce de détail. Ce circuit de vente est plus rémunérateur que la vente en gros, et il est probable que le Cambodge fera de plus en plus concurrence à l'industrie de l'Union par des ventes à ce niveau, y compris sur les marchés de niche.

(57)

La rentabilité s'est maintenue à un niveau relativement stable, quoique faible, puisque l'augmentation des prix a pu compenser les volumes moins importants. Un niveau de rentabilité de 1 à 2 % est en outre nettement inférieur aux 6 % qui sont considérés comme le niveau de rentabilité nécessaire pour couvrir l'ensemble des coûts et investissements, la recherche et le développement (R & D) et l'innovation.

(58)

À la suite de la communication des constatations, une partie a demandé un complément d'explication sur le taux de 6 % utilisé au paragraphe précédent. Depuis la modernisation des instruments de défense commerciale de l'Union en 2018, chaque acte réglementaire en la matière prévoit que, pour calculer la marge de préjudice, le niveau de bénéfice escompté dans des conditions normales de concurrence ne doit pas être inférieur à 6 % (7). Cette valeur de référence utilisée dans les enquêtes en matière de défense commerciale est également pertinente dans le cadre d'une enquête de sauvegarde. C'est la raison pour laquelle la Commission l'a également utilisée en l'espèce.

(59)

Les capacités de production de l'industrie de l'Union pour les produits similaires, c'est-à-dire le riz Indica, sont difficiles à évaluer, étant donné que les entreprises de transformation peuvent utiliser leurs capacités d'usinage indifféremment pour les variétés Indica et Japonica, que le riz soit importé ou cultivé dans l'Union. En outre, des données à ce sujet ne sont pas disponibles au niveau macroéconomique (voir ci-dessus). Sur la base de l'échantillon, l'utilisation des capacités a diminué, passant de 22 % à 14 %, comme indiqué ci-dessous. Ces pourcentages peuvent sembler relativement faibles car ils reposent sur une comparaison entre la production du produit similaire (le riz Indica) et les capacités de production installées pour tous les types de riz.

 

2012/2013

2013/2014

2014/2015

2015/2016

2016/2017

Capacité — taux d'utilisation (%)

22,1

21,1

19,0

13,0

14,0

Indice (2012/2013 = 100)

100

96

86

59

64

Source: réponses au questionnaire.

3.4.4.   Conclusion

(60)

En conclusion, la situation de l'industrie de l'Union s'est détériorée en termes économiques. Alors que les importations en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie ont fortement augmenté en chiffres absolus, l'industrie de l'Union a cédé environ 6 % de sa part de marché au Myanmar/à la Birmanie et 10 % au Cambodge. L'industrie de l'Union a également été soumise à une sous-cotation importante des prix, égale à 22 % et 43 %. La production dans l'Union a poursuivi sa décroissance, reculant de 38 %. Les difficultés économiques se sont donc principalement traduites sur le plan des volumes au cours de la période d'enquête. Les usiniers de l'Union ont décidé de ne pas baisser le niveau de leurs prix malgré la concurrence exercée par les importations à bas prix et ont préservé une certaine marge bénéficiaire. Dans la mesure du possible, les usiniers de l'Union ont en effet décidé de modifier leur gamme de produits et de se concentrer sur des segments de niche et des produits de marque pour préserver leur marge bénéficiaire, malgré le repli de leurs ventes et de leurs volumes de production. Il ne s'agit toutefois que d'une solution temporaire car le Cambodge et le Myanmar/la Birmanie ont déjà basculé, quoique dans une mesure limitée, leurs exportations de la vente en gros à la vente en petits conditionnements, faisant donc aussi concurrence à l'industrie de l'Union au niveau du commerce de détail. On s'attend à ce que les deux pays accroissent leurs importations à bas prix sur ce circuit de vente plus rémunérateur et, par ailleurs, fassent concurrence aux européens sur les marchés de niche et pour les produits de marque, ce qui aura également des conséquences négatives sur la situation financière de l'industrie de l'Union.

4.   LIEN DE CAUSALITÉ

(61)

La Commission a conclu à l'existence d'un lien de causalité entre le volume des importations du produit concerné, d'une part, et les graves difficultés rencontrées par les usiniers de l'Union, d'autre part, sur la base des éléments indiqués ci-après. Elle a en outre examiné si ces graves difficultés n'étaient pas imputables à des facteurs autres que les importations et les prix.

4.1.   Effets des importations en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie

(62)

Le graphique ci-dessous établit clairement une concomitance entre les importations en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie et la situation de l'industrie de l'Union, attestée par une perte substantielle de parts de marché, qui cause de graves difficultés aux usiniers de l'Union.

Image

Cambodge/Myanmar/Birmanie

UE

2015/2016

2014/2015

2013/2014

2012/2013

2016/2017

Parts de marché

70,0 %

60,0 %

50,0 %

40,0 %

30,0 %

20,0 %

10,0 %

0,0 %

Source:

Eurostat et chiffres établis par la Commission sur la base des données reçues des États membres.

(63)

La Commission considère que les importations en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie ont en outre, individuellement, été la source de graves difficultés. En effet, les importations provenant tant du Cambodge que du Myanmar/de la Birmanie ont augmenté individuellement à la fois en volume absolu (de 53 % et de plus de 2 000 %, respectivement) et en parts de marché (de 9,7 et de 6,1 points de pourcentage, respectivement). De plus, les importations en provenance du Cambodge et celles venant du Myanmar/de la Birmanie affichent, indépendamment les unes des autres, des prix inférieurs à ceux pratiqués dans l'Union (la sous-cotation étant de l'ordre de, respectivement, 22 % et 43 %). Ces éléments permettent donc de conclure que les importations en provenance tant du Cambodge que du Myanmar/de la Birmanie ont causé de graves difficultés à l'industrie de l'Union également.

(64)

L'expansion rapide des importations en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie s'explique par le faible niveau de leurs prix, très nettement inférieurs à ceux de l'industrie de l'Union. Le riz Indica est un produit sensible aux variations des prix, notamment parce que les consommateurs ne font généralement pas la différence entre les produits de l'Union et ceux qui sont importés. Les consommateurs qui achètent du riz aux détaillants ne connaissent généralement pas l'origine du produit. C'est notamment le cas lorsque le riz est vendu sous une marque de distributeur. En fournissant du riz à un prix très bas, comme le montrent les niveaux de sous-cotation mentionnés au considérant 33, le Cambodge et le Myanmar/la Birmanie ont réussi une expansion rapide et considérable de leurs exportations de riz vers le marché de l'Union. En outre, le Cambodge, qui exportait habituellement du riz en vrac destiné à être transformé dans l'Union, vend de plus en plus de riz conditionné directement aux détaillants de l'Union, ce qui entraîne une pression supplémentaire sur les prix et une concurrence au niveau des usiniers dans l'Union.

4.2.   Autres facteurs

(65)

D'autres facteurs susceptibles d'avoir joué un rôle dans les graves difficultés rencontrées par l'industrie de l'Union ont également été analysés.

4.2.1.   Importations en provenance d'autres pays tiers

(66)

Les importations en provenance d'autres pays tiers ont aussi augmenté au cours de la période d'enquête, passant de 23 % à 29,3 % (+ 6,3 %) en ce qui concerne les parts de marché.

Parts de marché (en %)

2012/2013

2013/2014

2014/2015

2015/2016

2016/2017

Union

61,4

54,8

46,7

40,5

39,3

Cambodge

15,4

20,0

23,1

28,8

25,1

Myanmar/Birmanie

0,2

2,5

4,8

3,5

6,3

Cambodge et Myanmar/Birmanie

15,6

22,5

27,9

32,3

31,4

Thaïlande

12,2

11,5

11,8

12,9

13,8

Inde

4,7

4,0

5,8

6,8

7,3

Pakistan

2,5

2,9

3,3

3,3

3,2

Autres pays

3,7

4,4

4,5

4,3

5,1

Total des autres pays (à l'exclusion du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie)

23,0

22,8

25,4

27,3

29,3

Source: Eurostat.

(67)

Même si les importations en provenance d'autres pays tiers peuvent expliquer en partie le tassement de la part de marché de l'Union, l'augmentation de la part de marché de ces pays, même de manière cumulée, est bien plus faible que celle du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie (+ 15 %).

(68)

En outre, et plus fondamentalement, les prix moyens pondérés des autres importations ont, comme le montre le tableau ci-dessous, été nettement supérieurs, durant la période d'enquête, à ceux des importations en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie, ainsi qu'aux prix de l'Union (8). La comparaison entre le prix des importations en provenance de Thaïlande et du Myanmar/de la Birmanie montre une différence de prix de 85 %. Lorsque l'on compare les prix des importations en provenance de l'Inde et du Cambodge, la différence de prix est de 72 %. Ces chiffres renforcent également la conclusion susmentionnée selon laquelle les prix bas ont permis au Myanmar/à la Birmanie et au Cambodge d'accroître rapidement leurs exportations à destination de l'Union au cours de la période d'enquête.

 

2012/2013

2013/2014

2014/2015

2015/2016

2016/2017

Union

667,3

649,5

693,3

728,3

711,5

Cambodge

588,4

512,8

562,6

547,4

552,2

Myanmar/Birmanie

420,0

366,5

414,7

410,1

405,4

Thaïlande

946,7

863,5

896,8

825,7

751,1

Inde

925,7

1 054,1

1 061,0

893,0

949,2

Pakistan

924,3

999,7

996,0

846,3

926,3

Source: Eurostat et réponses au questionnaire.

4.2.2.   Difficultés structurelles dans le secteur italien du riz

(69)

Dans ses observations faisant suite à l'ouverture de la procédure, la Fédération du secteur du riz du Cambodge a affirmé que les difficultés rencontrées par le secteur italien du riz étaient généralement plus importantes que dans le reste de l'Union et ne pouvaient donc pas être attribuées à la seule hausse des importations.

(70)

Il est effectivement ressorti des réponses au questionnaire et des vérifications que la situation de l'industrie de l'Union est pire en Italie qu'en Espagne. La raison en est, en partie, que le marché espagnol du riz est organisé différemment, d'une manière qui le rend plus résilient en termes d'offre et de demande, ainsi qu'en termes de prix. Pour autant, la Commission a effectué une enquête à l'échelle de l'Union en se fondant sur la situation de l'ensemble de l'industrie de l'Union et sur un échantillon représentatif. Comme expliqué ci-dessus, l'enquête a mis en lumière l'existence de difficultés globales rencontrées par l'industrie de l'Union.

4.2.3.   Importations de «riz paddy» en provenance du Guyana

(71)

Certaines parties intéressées ont en outre affirmé que l'augmentation des importations de riz en provenance du Guyana a été un facteur des graves difficultés rencontrées. Le riz importé du Guyana n'est pas blanchi (il s'agit de «riz paddy») et n'entre donc pas dans le champ de l'enquête, de sorte qu'il n'a pas été pris en compte dans les statistiques des importations susmentionnées et n'est pas pertinent en l'espèce.

4.2.4.   Exportations réalisées par l'industrie de l'Union

(72)

Le gouvernement cambodgien a fait valoir que l'un des aspects laissés de côté dans l'analyse du lien de causalité est le fait que l'industrie de l'Union est tournée vers l'exportation. Cette allégation n'a toutefois pas été étayée et, bien que les exportations aient effectivement augmenté, passant de 3 % à 7 % de la production totale au cours de la période d'enquête, elles ne représentent toutefois qu'une très faible proportion de la production de l'Union. En outre, l'augmentation des exportations (+ 11 000 tonnes) est nettement inférieure à celle des importations en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie (+ 147 000 tonnes).

4.2.5.   Le recul de la production de riz Indica est dû à l'accroissement de celle du riz Japonica

(73)

Le gouvernement du Cambodge a en outre affirmé que la production de riz Indica dans l'Union n'avait pas souffert du fait des importations, mais avait simplement fait l'objet d'une réorientation cyclique entre le riz Japonica et le riz Indica résultant des décisions des riziculteurs de l'Union.

(74)

Il est vrai que les riziculteurs peuvent basculer leur production du riz Indica au riz Japonica, et inversement. Un tel changement est toutefois motivé par des considérations économiques, notamment la demande et le prix du marché. Dans ce contexte, l'enquête a confirmé que, face à la concurrence accrue des importations à bas prix de riz Indica, certains riziculteurs n'ont effectivement pas eu d'autre choix que de passer à la production de riz Japonica. Il ne s'agit donc ni d'une réorientation cyclique ni d'un choix délibéré, mais bien d'une mesure défensive. Cette solution n'est toutefois pas viable à moyen terme car le passage de du riz Indica au Japonica a entraîné à son tour une offre excédentaire de riz Japonica sur le marché, qui a pesé sur les prix de ce type de riz. Les riziculteurs se trouvent donc, de manière générale, en situation difficile.

(75)

L'argument susmentionné n'a toutefois qu'un poids limité étant donné que ce sont les usiniers de riz qui constituent l'industrie de l'Union, et non les riziculteurs, lesquels fournissent la matière première.

4.2.6.   Conclusion concernant le lien de causalité

(76)

La Commission a établi l'existence d'un lien de causalité entre les graves difficultés rencontrées par l'industrie de l'Union et les importations en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie. La Commission a également mis en lumière certains facteurs qui ont aussi joué un rôle dans cette situation problématique. Il s'agit, en particulier, des importations en provenance de pays tiers et des importations de riz paddy en provenance du Guyana. Il n'a cependant pas été constaté que ces facteurs affaiblissaient le lien de causalité observé, même en tenant compte de leur possible incidence cumulée. Il s'avère en conséquence que toute incidence des facteurs susmentionnés sur la situation de l'industrie de l'Union n'affaiblit pas le lien qui existe entre le volume et les prix des importations en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie, d'une part, et les graves difficultés rencontrées par l'industrie de l'Union, d'autre part.

5.   CONCLUSIONS ET ADOPTION DE MESURES

(77)

Il est conclu que le riz Indica originaire du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie est importé dans des volumes et à des prix qui causent de graves difficultés à l'industrie de l'Union, ce qui justifie l'adoption de mesures de sauvegarde.

(78)

Conformément à l'article 22, paragraphe 1, du règlement SPG, il convient donc de rétablir le droit du tarif douanier commun, égal à 175 EUR/tonne.

(79)

Conformément à l'article 28 du règlement SPG, les mesures de sauvegarde devraient être rétablies aussi longtemps que nécessaire pour lutter contre la détérioration de la situation économique et financière des usiniers de l'Union. La période de rétablissement ne devrait cependant pas être supérieure à trois ans, sauf si elle est prorogée dans des circonstances dûment justifiées.

(80)

La Commission considère que, dans le cas d'espèce, il y a lieu d'adopter des mesures pour une période de trois ans afin de permettre à l'industrie de l'Union de surmonter pleinement les effets des importations en provenance du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie.

(81)

La Commission est toutefois d'avis que les mesures de sauvegarde devraient être libéralisées progressivement durant cette période, pour les raisons exposées ci-après.

(82)

Le règlement SPG a pour objectif premier de soutenir les pays en développement dans leurs efforts pour réduire la pauvreté ainsi que pour promouvoir la bonne gouvernance et le développement durable, en les aidant, en particulier, à créer des emplois, à favoriser l'industrialisation et à générer des recettes additionnelles grâce au commerce international. Le régime spécial «Tout sauf les armes» (TSA), tel que défini dans le règlement SPG, aide les pays les plus pauvres et les plus faibles du monde à tirer parti des perspectives commerciales. Ces pays présentent, dans une large mesure, un profil économique similaire. Ils sont vulnérables en raison du manque de vigueur et de diversification de leurs exportations et bénéficient, par conséquent, de certaines protections au titre du règlement SPG comme, par exemple, l'exemption en ce qui concerne la graduation de produit et l'application de sauvegardes automatiques.

(83)

Par conséquent, la Commission a estimé qu'en principe, une réduction progressive du taux de droit sur la période de trois ans, comme indiqué ci-après, est justifiée pour les bénéficiaires de l'initiative TSA.

(84)

Une réduction progressive serait également suffisante pour lutter contre la détérioration de la situation économique et/ou financière des usiniers de l'Union. Par ailleurs, le Cambodge et le Myanmar/la Birmanie ne seraient pas soumis à la totalité des droits pendant les trois années complètes, qui rendent les exportations plus difficiles, mais seraient progressivement en mesure d'exporter davantage de riz Indica vers l'Union.

(85)

En conséquence, le rétablissement du droit du tarif douanier est prévu pour une période de trois ans selon les modalités suivantes:

 

Année 1

Année 2

Année 3

Droit du tarif douanier (en EUR/tonne)

175

150

125

(86)

Le droit du tarif douanier commun appliqué actuellement, égal à 175 EUR/tonne, peut faire l'objet d'ajustements à la baisse conformément à l'article 180 du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil (9). Par conséquent, si, à la suite de ces ajustements, les droits du tarif douanier commun appliqués deviennent inférieurs aux droits visés au considérant 85, il convient d'adapter ces derniers de sorte qu'ils ne dépassent à aucun moment le droit du tarif douanier commun appliqué au cours de la période d'exécution des mesures. Les mesures de sauvegarde applicables correspondent dès lors soit aux droits de douane ajustés, soit au droit applicable visé au considérant 85, la valeur la plus faible étant retenue.

(87)

Enfin, pour garantir la sécurité juridique à l'intention des importateurs des produits concernés, diverses parties intéressées ont demandé que les produits qui sont déjà en route vers l'Union ne soient pas soumis aux mesures susmentionnées. Conformément à sa pratique actuelle dans les affaires de sauvegarde, la Commission considère qu'une telle «clause d'expédition» est effectivement justifiée en l'espèce, de sorte que la demande en ce sens a été acceptée.

(88)

Les mesures prévues par le présent règlement sont conformes à l'avis du comité des préférences généralisées visé à l'article 39, paragraphe 3, du règlement (UE) no 978/2012,

A ADOPTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

Article premier

1.   Les droits du tarif douanier commun sont rétablis temporairement sur les importations de riz Indica originaire du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie et relevant actuellement des codes NC 1006 30 27, 1006 30 48, 1006 30 67 et 1006 30 98.

2.   Le droit applicable, en euros par tonne, au produit décrit au paragraphe 1 s'élève à 175 pour la première année, 150 pour la deuxième année et 125 pour la troisième année à compter de la date d'entrée en vigueur du présent règlement.

3.   Si la Commission ajuste le droit du tarif douanier commun conformément à l'article 180 du règlement (UE) no 1308/2013, le droit visé au paragraphe 2 est fixé soit au niveau du droit du tarif douanier commun ajusté, soit au niveau du droit visé au paragraphe 2, le niveau le plus bas étant retenu.

Article 2

Les importations des produits visés à l'article 1er qui sont déjà en route vers l'Union à la date d'entrée en vigueur du présent règlement ne sont pas soumises à l'application du droit visé à l'article 1er, paragraphe 2, à condition que la destination de ces produits ne puisse pas être modifiée.

Article 3

Le présent règlement entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

Fait à Bruxelles, le 16 janvier 2019.

Par la Commission

Le président

Jean-Claude JUNCKER


(1)  JO L 303 du 31.10.2012, p. 1.

(2)  JO C 100 du 16.3.2018, p. 30.

(3)  Règlement délégué (UE) no 1083/2013 de la Commission du 28 août 2013 établissant les règles relatives à la procédure de retrait temporaire des préférences tarifaires et à la procédure d'adoption de mesures de sauvegarde générales au titre du règlement (UE) no 978/2012 du Parlement européen et du Conseil appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées (JO L 293 du 5.11.2013, p. 16).

(4)  Des questionnaires ont été envoyés aux riziculteurs suivants, et des visites de vérification ont été effectuées dans leurs locaux: Laguna de Santaolalla S.L. (Espagne), Vercellino Flavio e Paolo S.S. (Italie), Coppo e Garrione Societa' Agricola S.S. (Italie), Maro Giovanni, Paolo e Pietro (Italie) et Locatelli Francesco (Italie).

(5)  Ces parties intéressées sont Hauecœur, Amru Rice, le gouvernement cambodgien et la Fédération du secteur du riz du Myanmar (MRF).

(6)  Ces données sont librement consultables sur le site Europa: https://ec.europa.eu/agriculture/cereals/trade_fr

(7)  Règlement (UE) 2018/825 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant le règlement (UE) 2016/1036 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de l'Union européenne et le règlement (UE) 2016/1037 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de subventions de la part de pays non membres de l'Union européenne (JO L 143 du 7.6.2018, p. 1).

(8)  Ces prix n'incluent ni les coûts postérieurs à l'importation ni les frais de transport.

(9)  Règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO L 347 du 20.12.2013, p. 671).