15.10.2019   

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Journal officiel de l’Union européenne

L 262/58


DÉCISION (PESC) 2019/1720 DU CONSEIL

du 14 octobre 2019

concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Nicaragua

LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur l’Union européenne, et notamment son article 29,

vu la proposition du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité,

considérant ce qui suit:

(1)

Le 21 janvier 2019, le Conseil a adopté des conclusions dans lesquelles il condamne fermement la répression exercée à l’encontre de la presse et de la société civile ainsi que le recours à des lois de lutte contre le terrorisme pour réprimer la contestation au Nicaragua. Le Conseil a souligné que, depuis avril 2018, les forces de sécurité et des groupes armés progouvernementaux répriment brutalement les manifestations, ce qui a conduit à des centaines de morts et de blessés et entraîné l’arrestation de centaines de citoyens, des irrégularités de grande ampleur et des situations d’arbitraire ayant par ailleurs été constatées dans les procédures de détention et les procédures judiciaires. Il a rappelé la nécessité de veiller à ce que les auteurs, quels qu’ils soient, de tous les crimes commis depuis avril 2018 répondent de leurs actes. Il a demandé instamment au gouvernement nicaraguayen de s’engager à nouveau dans un processus de dialogue national constructif et axé sur les résultats, notamment en ce qui concerne l’adoption de réformes électorales.

(2)

Les conclusions du Conseil soulignaient que l’Union est prête à recourir à tous les moyens d’action dont elle dispose pour contribuer à une sortie pacifique et négociée de la crise actuelle et pour répondre à de nouvelles détériorations des droits de l’homme et de l’état de droit au Nicaragua.

(3)

Le Conseil reste vivement préoccupé par la détérioration persistante des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit au Nicaragua.

(4)

Dans ce contexte, des mesures restrictives ciblées devraient être imposées aux personnes et entités qui sont responsables de violations graves des droits de l’homme ou d’atteintes graves à ceux-ci, d’actes de répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique au Nicaragua, ainsi qu’aux personnes et entités dont les actions, les politiques ou les activités portent atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Nicaragua, et aux personnes qui leur sont associées.

(5)

Une nouvelle action de l’Union est nécessaire pour mettre en œuvre certaines mesures,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes physiques:

a)

qui sont responsables de violations graves des droits de l’homme ou d’atteintes graves à ceux-ci ou d’actes de répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique au Nicaragua;

b)

dont les actions, les politiques ou les activités portent atteinte d’une quelconque autre manière à la démocratie ou à l’état de droit au Nicaragua;

c)

associées à celles visées aux points a) et b);

dont la liste figure en annexe.

2.   Un État membre n’est pas tenu, en vertu du paragraphe 1, de refuser à ses propres ressortissants l’entrée sur son territoire.

3.   Le paragraphe 1 s’applique sans préjudice des cas où un État membre est lié par une obligation de droit international, à savoir:

a)

en tant que pays hôte d’une organisation intergouvernementale internationale;

b)

en tant que pays hôte d’une conférence internationale convoquée par les Nations unies ou tenue sous leurs auspices;

c)

en vertu d’un accord multilatéral conférant des privilèges et immunités; ou

d)

en vertu du traité de réconciliation (accords du Latran) conclu en 1929 par le Saint‐Siège (État de la Cité du Vatican) et l’Italie.

4.   Le paragraphe 3 est considéré comme applicable également aux cas où un État membre est pays hôte de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

5.   Un État membre qui accorde une dérogation en vertu du paragraphe 3 ou 4 informe dûment le Conseil de tous ces cas.

6.   Les États membres peuvent accorder des dérogations aux mesures imposées au titre du paragraphe 1 lorsque le déplacement d’une personne se justifie pour des besoins humanitaires urgents, ou lorsque la personne se déplace pour assister à des réunions intergouvernementales et à des réunions dont l’initiative a été prise par l’Union ou qu’elle organise, ou à des réunions organisées par un État membre exerçant la présidence de l’OSCE, lorsqu’il y est mené un dialogue politique visant directement à promouvoir les objectifs stratégiques des mesures restrictives, y compris les droits de l’homme et l’état de droit au Nicaragua.

7.   Tout État membre souhaitant accorder des dérogations visées au paragraphe 6 en informe le Conseil par écrit. La dérogation est réputée accordée sauf si un ou plusieurs membres du Conseil s’y opposent par écrit dans les deux jours ouvrables qui suivent la réception de la notification de la dérogation proposée. Si un ou plusieurs membres du Conseil s’y opposent, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut décider d’accorder la dérogation proposée.

8.   Lorsque, en application du paragraphe 3, 4, 6 ou 7, un État membre autorise des personnes inscrites sur la liste figurant en annexe à entrer ou à passer en transit sur son territoire, cette autorisation est strictement limitée à l’objectif pour lequel elle est accordée et aux personnes qu’elle concerne directement.

Article 2

1.   Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes ci-après, de même que tous les fonds et ressources économiques possédés, détenus ou contrôlés par les personnes physiques ou morales, entités ou organismes ci-après:

a)

qui sont responsables de violations graves des droits de l’homme ou d’atteintes graves à ceux‐ci ou d’actes de répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique au Nicaragua;

b)

dont les actions, les politiques ou les activités portent atteinte d’une quelconque autre manière à la démocratie ou à l’état de droit au Nicaragua;

c)

qui sont associés aux personnes physiques ou morales, aux entités ou aux organismes visés aux points a) et b),

dont la liste figure en annexe.

2.   Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est mis à la disposition, directement ou indirectement, des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure en annexe, ni n’est dégagé à leur profit.

3.   L’autorité compétente d’un État membre peut autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques, dans les conditions qu’elle juge appropriées, après avoir établi que les fonds ou les ressources économiques concernés sont:

a)

nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure en annexe et des membres de la famille de ces personnes physiques qui sont à leur charge, y compris pour couvrir les dépenses consacrées à l’achat de vivres, au paiement de loyers ou au remboursement de prêts hypothécaires, à l’achat de médicaments et au paiement de soins médicaux, d’impôts, de primes d’assurance et de redevances de services publics;

b)

exclusivement destinés au règlement d’honoraires d’un montant raisonnable et au remboursement de dépenses engagées pour s’assurer les services de juristes;

c)

exclusivement destinés au règlement de frais ou de commissions liés à la garde ou à la gestion courante de fonds ou de ressources économiques gelés;

d)

nécessaires pour couvrir des dépenses extraordinaires, pour autant que l’autorité compétente concernée ait notifié aux autorités compétentes des autres États membres et à la Commission, au moins deux semaines avant l’autorisation, les motifs pour lesquels elle estime qu’une autorisation spéciale devrait être accordée; ou

e)

destinés à être versés sur ou depuis le compte d’une mission diplomatique ou consulaire ou d’une organisation internationale bénéficiant d’immunités conformément au droit international, dans la mesure où ces versements sont destinés à être utilisés à des fins officielles par la mission diplomatique ou consulaire ou l’organisation internationale.

L’État membre concerné informe les autres États membres et la Commission de toute autorisation accordée en vertu du présent paragraphe.

4.   Par dérogation au paragraphe 1, les autorités compétentes d’un État membre peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, pour autant que les conditions suivantes soient réunies:

a)

les fonds ou ressources économiques font l’objet d’une décision arbitrale rendue avant la date à laquelle la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme visé au paragraphe 1, a été inscrit sur la liste figurant en annexe, ou d’une décision judiciaire ou administrative rendue dans l’Union, ou d’une décision judiciaire exécutoire dans l’État membre concerné, avant ou après cette date;

b)

les fonds ou ressources économiques seront exclusivement utilisés pour faire droit aux demandes garanties par une telle décision ou dont la validité a été établie par une telle décision, dans les limites fixées par les lois et règlements applicables régissant les droits des personnes admises à présenter de telles demandes;

c)

la décision n’est pas prise au bénéfice d’une personne physique ou morale, d’une entité ou d’un organisme inscrit sur la liste figurant en annexe; et

d)

la reconnaissance de la décision n’est pas contraire à l’ordre public de l’État membre concerné.

L’État membre concerné informe les autres États membres et la Commission de toute autorisation accordée en vertu du présent paragraphe.

5.   Le paragraphe 1 n’interdit pas à une personne physique ou morale, à une entité ou à un organisme inscrit sur la liste figurant en annexe d’effectuer un paiement dû au titre d’un contrat ou d’un accord conclu, ou d’une obligation contractée, avant la date à laquelle cette personne physique ou morale, cette entité ou cet organisme a été inscrit sur ladite liste, dès lors que l’État membre concerné s’est assuré que le paiement n’est pas reçu, directement ou indirectement, par une personne physique ou morale, une entité ou un organisme visé au paragraphe 1.

6.   Le paragraphe 2 ne s’applique pas aux majorations de comptes gelés effectuées sous la forme:

a)

d’intérêts ou d’autres rémunérations de ces comptes;

b)

de paiements dus en vertu de contrats ou d’accords conclus ou d’obligations contractées avant la date à laquelle ces comptes ont été soumis aux mesures prévues aux paragraphes 1 et 2; ou

c)

de paiements dus en vertu de décisions judiciaires, administratives ou arbitrales rendues dans l’Union ou exécutoires dans l’État membre concerné,

à condition que ces intérêts, autres rémunérations et paiements continuent de faire l’objet des mesures prévues au paragraphe 1.

Article 3

Par dérogation à l’article 2, paragraphes 1 et 2, les autorités compétentes d’un État membre peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés appartenant à une personne physique ou morale, une entité ou un organisme inscrit sur la liste figurant en annexe, ou la mise de certains fonds ou ressources économiques à la disposition d’une personne physique ou morale, d’une entité ou d’un organisme inscrit sur la liste figurant en annexe, dans des conditions qu’elles jugent appropriées, après avoir établi que la fourniture de ces fonds ou ressources économiques est nécessaire à des fins humanitaires, telles que l’acheminement d’une assistance ou la facilitation de cet acheminement, y compris en ce qui concerne les fournitures médicales et les denrées alimentaires ou le transfert de travailleurs humanitaires et de l’aide connexe, ou à des évacuations hors du Nicaragua.

Article 4

1.   Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci-après dénommé "haut représentant"), établit et modifie la liste qui figure en annexe.

2.   Le Conseil communique la décision visée au paragraphe 1 à la personne physique ou morale, à l’entité ou à l’organisme concerné, y compris les motifs de l’inscription sur la liste, soit directement si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

3.   Si des observations sont formulées, ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil réexamine la décision visée au paragraphe 1 et en informe la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme concerné.

Article 5

1.   L’annexe indique les motifs de l’inscription sur la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes visés à l’article 1er, paragraphe 1, et à l’article 2, paragraphe 1.

2.   L’annexe contient aussi les informations disponibles nécessaires à l’identification des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes concernés. En ce qui concerne les personnes physiques, ces informations peuvent comprendre les nom et prénoms, y compris les pseudonymes, la date et le lieu de naissance, la nationalité, les numéros de passeport et de carte d’identité, le sexe, l’adresse (si elle est connue), ainsi que la fonction ou la profession. En ce qui concerne les personnes morales, les entités ou les organismes, ces informations peuvent comprendre la dénomination, le lieu et la date d’enregistrement, le numéro d’enregistrement et l’adresse professionnelle.

Article 6

1.   Le Conseil et le haut représentant traitent les données à caractère personnel afin de s’acquitter des tâches qui leur incombent en vertu de la présente décision, en particulier:

a)

en ce qui concerne le Conseil, pour élaborer des modifications de l’annexe et procéder à ces modifications;

b)

en ce qui concerne le haut représentant, pour élaborer des modifications de l’annexe.

2.   Le Conseil et le haut représentant sont autorisés à traiter, s’il y a lieu, les données pertinentes relatives aux infractions pénales commises par les personnes physiques figurant sur la liste, et aux condamnations pénales ou aux mesures de sûreté concernant ces personnes, dans la seule mesure où ce traitement est nécessaire à l’élaboration de l’annexe.

3.   Aux fins de la présente décision, le Conseil et le haut représentant sont désignés comme "responsable du traitement" au sens de l’article 3, paragraphe 8, du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil (1), pour faire en sorte que les personnes physiques concernées puissent exercer leurs droits au titre dudit règlement.

Article 7

Il n’est fait droit à aucune demande à l’occasion de tout contrat ou toute opération dont l’exécution a été affectée, directement ou indirectement, en tout ou en partie, par les mesures imposées en vertu de la présente décision, y compris à des demandes d’indemnisation ou à toute autre demande de ce type, telle qu’une demande de compensation ou une demande à titre de garantie, notamment une demande visant à obtenir la prorogation ou le paiement d’une obligation, d’une garantie ou d’une contre-garantie, notamment financière, quelle qu’en soit la forme, présentée par:

a)

des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes désignés inscrits sur la liste figurant en annexe;

b)

toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme agissant par l’intermédiaire ou pour le compte d’une des personnes ou entités ou d’un des organismes visés au point a).

Article 8

Afin que les mesures énoncées dans la présente décision aient le plus grand impact possible, l’Union encourage les États tiers à adopter des mesures restrictives analogues à celles prévues dans la présente décision.

Article 9

La présente décision est applicable jusqu’au 15 octobre 2020 et fait l’objet d’un suivi constant. Elle est prorogée, ou modifiée le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints.

Article 10

La présente décision entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Fait à Luxembourg, le 14 octobre 2019.

Par le Conseil

Le président

F. MOGHERINI


(1)  Règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) n° 45/2001 et la décision n° 1247/2002/CE (JO L 295 du 21.11.2018, p. 39).


ANNEXE

Lliste des personnes phisique et morale, Des entités et des organismes visés aux articles 1er et 2

[…]