9.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 67/3


RÈGLEMENT DÉLÉGUÉ (UE) 2018/344 DE LA COMMISSION

du 14 novembre 2017

complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation précisant les critères relatifs aux méthodes de valorisation de la différence de traitement dans le cadre de la procédure de résolution

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

vu la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (1), et notamment son article 74, paragraphe 4,

considérant ce qui suit:

(1)

Il convient de fixer des règles qui établissent une méthode pour réaliser les valorisations destinées à déterminer s'il existe une différence entre le traitement réel des actionnaires et créanciers à l'égard desquels des mesures de résolution ont été exécutées et le montant que ces actionnaires et créanciers auraient reçu si l'entité ou l'établissement visé à l'article 1er, paragraphe 1, point b), c) ou d), de la directive 2014/59/UE (ci-après l'«entité») avait été soumis à une procédure normale d'insolvabilité à la date à laquelle la décision de procéder à une résolution de cette entité a été adoptée conformément à l'article 82 de la directive 2014/59/UE.

(2)

Toute différence de traitement se traduisant, pour certains actionnaires et créanciers, par des pertes plus lourdes dans le cadre de la procédure de résolution devrait donner droit à ces actionnaires et créanciers à être indemnisés au moyen du dispositif de financement pour la résolution, conformément à l'article 101, paragraphe 1, point e), de la directive 2014/59/UE.

(3)

La valorisation ex post doit être effectuée par une personne indépendante remplissant les conditions fixées à l'article 38 du règlement délégué (UE) 2016/1075 de la Commission (2) (ci-après l'«évaluateur»), dans les meilleurs délais après que la ou les mesures de résolution ont été exécutées, même si un certain temps peut être nécessaire pour la mener à bien. Cette valorisation devrait se fonder sur les informations disponibles à la date à laquelle a été adoptée la décision de procéder à la résolution de l'entité, afin de refléter comme il se doit les circonstances spécifiques qui prévalaient à cette date, par exemple une situation de crise sur les marchés financiers. Les informations obtenues après la date de la décision de résolution ne devraient être utilisées que s'il eût été raisonnablement possible de les connaître à cette date.

(4)

Afin de garantir qu'une valorisation complète et crédible soit effectuée, l'évaluateur devrait avoir accès à toute documentation juridique appropriée, notamment à une liste de toutes les créances et créances éventuelles à l'égard de l'entité, classées selon leur rang de priorité dans le cadre d'une procédure normale d'insolvabilité. L'évaluateur devrait être autorisé à conclure des accords en vue d'obtenir des conseils de spécialistes ou de bénéficier de leur expertise, si les circonstances le requièrent.

(5)

Pour déterminer le traitement dont les actionnaires et créanciers auraient bénéficié si l'entité avait été soumise à une procédure normale d'insolvabilité, l'évaluateur devrait déterminer le calendrier et le montant des flux de trésorerie nets que chaque actionnaire ou créancier aurait reçus dans le cadre de la procédure d'insolvabilité, sans supposer aucune aide d'État et en actualisant ce montant au moyen des taux d'actualisation pertinents. S'il dispose d'informations pertinentes concernant des cas antérieurs récents d'insolvabilité d'établissements de crédit similaires, l'évaluateur peut également s'appuyer sur celles-ci pour réaliser cette estimation.

(6)

Le traitement réel dont les actionnaires et créanciers ont bénéficié dans le cadre de la procédure de résolution devrait être déterminé en prenant en considération l'indemnisation éventuelle qu'ils ont respectivement reçue sous la forme d'instruments de fonds propres, d'instruments de dette ou d'espèces à la suite de l'adoption de la mesure de résolution.

(7)

Le présent règlement se fonde sur les projets de normes techniques de réglementation soumis à la Commission par l'Autorité bancaire européenne (ci-après l'«ABE»).

(8)

L'ABE a procédé à des consultations publiques ouvertes sur les projets de normes techniques de réglementation sur lesquels se fonde le présent règlement, analysé les coûts et avantages potentiels qu'ils impliquent et sollicité l'avis du groupe des parties intéressées au secteur bancaire institué en application de l'article 37 du règlement (UE) no 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil (3),

A ADOPTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

Article premier

Dispositions générales

1.   Pour déterminer le traitement des actionnaires et des créanciers dans le cadre d'une procédure normale d'insolvabilité, la valorisation se fonde uniquement sur des informations concernant des faits et des circonstances qui existaient, et qu'il eût été raisonnablement possible de connaître, à la date de la décision de résolution et qui, s'ils avaient été connus de l'évaluateur, auraient influé sur l'évaluation des actifs et des passifs de l'entité à cette date.

Aux fins du présent règlement, on entend par «date de la décision de résolution», la date à laquelle la décision de procéder à la résolution d'une entité est adoptée en vertu de l'article 82 de la directive 2014/59/UE.

2.   Pour déterminer le traitement réel des actionnaires et des créanciers dans le cadre de la résolution, l'évaluateur s'appuie sur les informations disponibles concernant des faits et circonstances existant à la date ou aux dates du traitement réel auxquelles les actionnaires et les créanciers reçoivent une indemnisation (la ou les «date ou dates du traitement réel»).

3.   La date de référence de la valorisation est la date de la décision de résolution, qui peut différer de la date du traitement réel. Dans la mesure où l'évaluateur estime que l'incidence de toute actualisation du produit est négligeable, le produit non actualisé à la date à laquelle la mesure de résolution a été mise en œuvre peut être directement comparé au montant actualisé du produit hypothétique que les actionnaires et les créanciers auraient reçu si l'entité avait été soumise à une procédure normale d'insolvabilité à la date de la décision de résolution.

Article 2

Inventaire des actifs et des créances

1.   L'évaluateur établit un inventaire de tous les actifs identifiables et éventuels détenus par l'entité. Cet inventaire comprend les actifs pour lesquels l'existence de flux de trésorerie associés est démontrée ou peut raisonnablement être attendue.

2.   Une liste de toutes les créances et créances éventuelles sur l'entité est mise à la disposition de l'évaluateur. Cette liste classe toutes les créances et créances éventuelles selon leur rang de priorité dans le cadre d'une procédure normale d'insolvabilité. L'évaluateur est autorisé à conclure des accords en vue d'obtenir des conseils ou l'expertise de spécialistes concernant la conformité du classement des créances au droit applicable en matière d'insolvabilité.

3.   Les actifs grevés et les créances garanties par ces actifs sont identifiés séparément par l'évaluateur.

Article 3

Étapes de la valorisation

Pour déterminer s'il existe une différence de traitement telle que visée à l'article 74, paragraphe 2, de la directive 2014/59/UE, l'évaluateur évalue:

a)

le traitement dont auraient bénéficié les actionnaires et créanciers à l'égard desquels des mesures de résolution ont été exécutées, ou le système de garantie des dépôts concerné, si l'entité avait été soumise à une procédure normale d'insolvabilité à la date de la décision de résolution, sans tenir compte de l'apport éventuel d'un soutien financier public exceptionnel;

b)

la valeur des créances restructurées à la suite de l'application de l'instrument de renflouement interne ou d'autres pouvoirs et instruments de résolution, ou la valeur d'autres produits reçus par les actionnaires et les créanciers à la date ou aux dates de traitement réel, actualisée à partir de la date de la décision de résolution si cela est jugé nécessaire pour permettre une comparaison équitable avec le traitement visé au point a);

c)

si le résultat du traitement visé au point a) dépasse le résultat obtenu pour la valeur visée au point b), pour chaque créancier et selon les rangs de priorité de la procédure normale d'insolvabilité identifiés conformément à l'article 2.

Article 4

Détermination du traitement des actionnaires et des créanciers dans le cadre d'une procédure normale d'insolvabilité

1.   La méthode pour réaliser la valorisation en application de l'article 3, point a) consiste uniquement à déterminer le montant actualisé des flux de trésorerie attendus dans le cadre d'une procédure normale d'insolvabilité.

2.   Les flux de trésorerie attendus sont actualisés au taux ou aux taux reflétant, le cas échéant, l'échéancier des flux de trésorerie attendus, les circonstances prévalant à la date de la décision de résolution, les taux d'intérêt sans risque, les primes de risque pour des instruments financiers similaires émis par des entités similaires, les conditions du marché ou les taux d'actualisation appliqués par les acquéreurs potentiels et les autres caractéristiques pertinentes du ou des éléments à valoriser («taux d'actualisation pertinent»). Le taux d'actualisation pertinent n'est pas appliqué lorsque des taux particuliers, s'ils sont pertinents aux fins de la valorisation, sont spécifiés dans le droit applicable ou les pratiques en vigueur en matière d'insolvabilité.

3.   Pour déterminer le montant actualisé des flux de trésorerie attendus dans le cadre d'une procédure normale d'insolvabilité, l'évaluateur prend en compte:

a)

le droit applicable et les pratiques en vigueur en matière d'insolvabilité dans la juridiction concernée, qui peuvent influer sur des facteurs tels que le délai de cession ou les taux de recouvrement;

b)

les coûts raisonnablement prévisibles d'administration, de transaction, de maintenance, de cession et autres qui auraient été supportés par un administrateur ou un praticien de l'insolvabilité, ainsi que les coûts de financement;

c)

les informations sur des cas antérieurs récents d'insolvabilité d'entités similaires, lorsque ces informations sont disponibles et pertinentes.

4.   Pour les actifs négociés sur un marché actif, l'évaluateur utilise le prix observé, sauf lorsque la négociabilité des actifs de l'entité est restreinte par des circonstances spécifiques, telles que la concentration, la saturation et la profondeur du marché.

5.   Pour les actifs non négociés sur un marché actif, l'évaluateur prend en considération différents facteurs pour déterminer le montant et l'échéancier des flux de trésorerie attendus, notamment:

a)

les prix observés sur des marchés actifs où se négocient des actifs similaires;

b)

les prix observés dans le cadre de procédures normales d'insolvabilité, ou d'autres transactions en situation de crise, qui portent sur des actifs de nature et de condition similaires;

c)

les prix observés dans le cadre de transactions impliquant la cession d'activités ou le transfert à un établissement-relais ou à une structure de gestion des actifs dans un contexte de résolution concernant des entités similaires;

d)

la probabilité qu'un actif génère des entrées nettes de trésorerie dans le cadre d'une procédure normale d'insolvabilité;

e)

les conditions de marché attendues dans un délai de cession donné, y compris la profondeur du marché et la capacité du marché à échanger le volume d'actifs concerné dans ce délai; et

f)

la durée d'un délai de cession donné reflète les implications du droit applicable en matière d'insolvabilité, y compris la durée prévisible de la procédure de liquidation, ou les caractéristiques des actifs concernés.

6.   L'évaluateur examine si la situation financière de l'entité aurait affecté les flux de trésorerie attendus, notamment du fait de restrictions de l'aptitude de l'administrateur à négocier les conditions avec des acquéreurs potentiels.

7.   Si possible, et sous réserve de toute disposition applicable du régime d'insolvabilité pertinent, les flux de trésorerie reflètent les droits légaux contractuels, statutaires ou autres des créanciers ou les pratiques normales en matière d'insolvabilité.

8.   Le produit hypothétique résultant de la valorisation est réparti entre les actionnaires et les créanciers en fonction de leur rang de priorité en vertu du droit applicable en matière d'insolvabilité, conformément à l'article 3.

9.   Pour déterminer tout montant non garanti de créances découlant de produits dérivés dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité, l'évaluateur applique les méthodes définies dans le règlement (UE) 2016/1401 (4), dans la mesure où elles sont compatibles avec le droit et les pratiques en matière d'insolvabilité.

Article 5

Détermination du traitement réel des actionnaires et des créanciers dans le cadre de la résolution

1.   L'évaluateur identifie toutes les créances restant dues après la dépréciation ou la conversion d'instruments de fonds propres et l'application d'éventuelles mesures de résolution et attribue ces créances aux personnes physiques et morales qui étaient actionnaires ou créanciers de l'entité à la date de la décision de résolution. Sauf dans les cas où les personnes physiques et morales qui étaient actionnaires ou créanciers de l'entité à la date de la décision de résolution reçoivent une indemnisation en espèces par suite de la résolution, l'évaluateur détermine leur traitement réel conformément aux paragraphes 2 à 4.

2.   Lorsque les personnes physiques et morales qui étaient actionnaires ou créanciers de l'entité à la date de la décision de résolution reçoivent une indemnisation en actions par suite de la résolution, l'évaluateur détermine leur traitement réel en fournissant une estimation de la valeur globale des actions transférées ou émises en tant que contrepartie au profit des détenteurs d'instruments de fonds propres convertis ou des créanciers participant au renflouement interne. Cette estimation peut être basée sur l'évaluation du prix de marché résultant des méthodes de valorisation communément admises.

3.   Lorsque les personnes physiques et morales qui étaient actionnaires ou créanciers de l'entité à la date de la décision de résolution reçoivent une indemnisation en instruments de dette par suite de la résolution, l'évaluateur détermine le traitement réel en tenant compte de facteurs tels que la variation des flux de trésorerie contractuels qui résulte de la dépréciation ou de la conversion, ou de l'application d'autres mesures de résolution, ainsi que du taux d'actualisation pertinent.

4.   Pour toute créance restant due, l'évaluateur peut tenir compte, lorsqu'ils sont disponibles, et en combinaison avec les facteurs décrits aux paragraphes 2 et 3, des prix observés sur des marchés actifs pour des instruments identiques ou similaires émis par l'entité soumise à la procédure de résolution ou par d'autres entités similaires.

Article 6

Rapport sur la valorisation

L'évaluateur établit, à l'intention de l'autorité de résolution, un rapport sur la valorisation, qui comporte au moins les éléments suivants:

a)

un résumé de la valorisation, y compris une présentation des fourchettes de valorisation et des sources d'incertitude de la valorisation;

b)

une explication des principales méthodes et hypothèses retenues, et une indication de la sensibilité de la valorisation à ces choix;

c)

une explication, si possible, de la raison pour laquelle la valorisation diffère d'autres valorisations pertinentes, notamment des valorisations avant résolution effectuées conformément au règlement délégué (UE) 2018/345 de la Commission ou d'autres valorisations réglementaires ou comptables.

Article 7

Entrée en vigueur

Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

Fait à Bruxelles, le 14 novembre 2017.

Par la Commission

Le président

Jean-Claude JUNCKER


(1)  JO L 173 du 12.6.2014, p. 190.

(2)  Règlement délégué (UE) 2016/1075 de la Commission du 23 mars 2016 complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation précisant le contenu des plans de redressement, des plans de résolution et des plans de résolution de groupe, les critères minimaux que l'autorité compétente doit prendre en compte pour évaluer les plans de redressement et les plans de redressement de groupe, les conditions préalables à un soutien financier de groupe, les exigences relatives à l'indépendance des évaluateurs, les conditions de la reconnaissance contractuelle des pouvoirs de dépréciation et de conversion, les exigences de procédure et de contenu concernant les notifications et l'avis de suspension ainsi que le fonctionnement des collèges d'autorités de résolution (JO L 184 du 8.7.2016, p. 1).

(3)  Règlement (UE) no 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision no 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission (JO L 331 du 15.12.2010, p. 12).

(4)  Règlement délégué (UE) 2016/1401 de la Commission du 23 mai 2016 complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement par des normes techniques de réglementation relatives aux méthodes et aux principes de valorisation des engagements résultant de produits dérivés (JO L 228 du 23.8.2016, p. 7).