7.10.2017   

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Journal officiel de l'Union européenne

L 259/25


RECOMMANDATION (UE) 2017/1804 DE LA COMMISSION

du 3 octobre 2017

sur la mise en œuvre des dispositions du code frontières Schengen relatives à la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures de l'espace Schengen

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 292,

considérant ce qui suit:

(1)

Dans un espace sans contrôle aux frontières intérieures, la réintroduction temporaire du contrôle à ces frontières ne peut être décidée que dans des circonstances exceptionnelles afin de répondre à des situations portant gravement atteinte à l'ordre public ou à la sécurité intérieure de cet espace, de certaines parties de celui-ci, ou d'un ou de plusieurs États membres. Compte tenu de l'incidence qu'une telle réintroduction peut avoir sur toutes les personnes et les marchandises ayant le droit de circuler librement au sein de l'espace sans contrôle aux frontières intérieures, elle ne peut être qu'une mesure de dernier recours soumise à des conditions strictes quant à sa portée et à sa durée.

(2)

Les dispositions en vigueur du code frontières Schengen prévoient la possibilité de réintroduire rapidement un contrôle aux frontières intérieures temporaire lorsqu'une menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure exige une action immédiate dans un État membre, pendant une durée ne pouvant excéder deux mois (article 28). Le code prévoit également la réintroduction d'un contrôle aux frontières pour répondre à une menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure en cas d'événements prévisibles, pendant une durée ne pouvant excéder six mois (article 25). L'application combinée des articles 28 et 25 du code frontières Schengen permet de maintenir un tel contrôle pendant une durée pouvant aller jusqu'à huit mois au total. En outre, une nouvelle menace pour l'ordre public ou la sécurité intérieure entraîne une nouvelle application des règles (et, partant, un nouveau calcul de la durée de réintroduction du contrôle).

(3)

L'article 29 du code frontières Schengen prévoit une procédure exceptionnelle permettant de réintroduire le contrôle aux frontières intérieures pendant une durée pouvant aller jusqu'à deux ans lorsque le fonctionnement global de l'espace sans contrôle aux frontières intérieures est mis en péril du fait de manquements graves persistants liés au contrôle aux frontières extérieures, constatés lors d'une évaluation de Schengen. À la suite de l'adoption du règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil (1), cette procédure peut également être appliquée dans le cas où un État membre ne prend pas les mesures nécessaires après une évaluation de la vulnérabilité ou ne coopère pas avec cette agence, lorsque la situation aux frontières extérieures nécessite une action urgente.

(4)

Alors que, dans la grande majorité des cas, les délais actuellement en vigueur se sont révélés suffisants, il a été constaté récemment que certaines menaces graves pour l'ordre public ou la sécurité intérieure, telles que les menaces terroristes ou d'importants mouvements secondaires incontrôlés au sein de l'Union, pouvaient persister bien au-delà des durées précitées.

(5)

Une proposition visant à modifier les dispositions concernées du code frontières Schengen, pour répondre à ces menaces persistantes à l'avenir, a été adoptée par la Commission. Elle modifie les délais fixés à l'article 25 du code frontières Schengen en cas d'événements prévisibles et reconnaît ainsi qu'il peut être justifié de prolonger la réintroduction du contrôle aux frontières intérieures au-delà des délais en vigueur pendant une durée ne pouvant excéder deux ans. En outre, la proposition prévoit également la possibilité de prolonger encore ce contrôle lorsque la menace spécifique pour l'ordre public ou la sécurité intérieure persiste même au-delà de ce délai.

(6)

Ces nouveaux délais sont assortis d'exigences procédurales supplémentaires auxquelles les États membres doivent satisfaire avant de réintroduire ou de prolonger des contrôles aux frontières intérieures. En particulier, les États membres sont tenus de fournir, à l'appui de leur notification, une analyse du risque démontrant que la réintroduction ou la prolongation envisagée des contrôles aux frontières intérieures constitue une mesure de dernier recours et expliquant en quoi ces contrôles contribueraient à répondre à la menace constatée. De surcroît, la Commission est désormais tenue de rendre un avis lorsque la durée du contrôle aux frontières intérieures excède six mois. Les dispositions relatives à la «procédure de consultation» faisant suite à l'avis de la Commission sont également modifiées eu égard aux nouveaux rôles assignés au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et à Europol, et de faire en sorte que les résultats de cette consultation, notamment en ce qui concerne la participation des États membres voisins, soient dûment pris en compte. Toutes ces modifications visent à garantir que le contrôle aux frontières intérieures ne sera réintroduit que lorsqu'il sera — et tant qu'il sera — nécessaire et justifié.

(7)

Les modifications qu'il est proposé d'apporter au code frontières Schengen s'appuient sur les dispositions actuelles. Dans l'attente de l'adoption de la proposition de modification du code frontières Schengen, décrite ci-dessus, il est essentiel que tous les États membres ayant l'intention de réintroduire temporairement le contrôle aux frontières intérieures respectent pleinement les exigences des dispositions existantes du code frontières Schengen, qui imposent déjà aux États membres ayant l'intention d'appliquer cette mesure d'en envisager d'autres en premier lieu et de coopérer avec les États membres voisins.

(8)

Conformément à l'article 26 du code frontières Schengen, avant toute décision de réintroduire temporairement le contrôle à ses frontières intérieures ou de prolonger ladite réintroduction, l'État membre concerné évalue la mesure dans laquelle cette réintroduction est susceptible de remédier correctement à la menace pour l'ordre public ou la sécurité intérieure et évalue la proportionnalité de la mesure par rapport à cette menace, en tenant compte, entre autres, de l'incidence probable d'une telle mesure sur la libre circulation des personnes au sein de l'espace sans contrôle aux frontières intérieures. Aussi des contrôles ciblés, fondés sur une analyse du risque constamment actualisée et le renseignement, contribueraient-ils à optimiser le bénéfice des contrôles et à en limiter les effets négatifs sur la libre circulation.

(9)

Les États membres touchés par la réintroduction du contrôle aux tronçons frontaliers correspondants devraient être autorisés à exprimer régulièrement leur position sur la nécessité de ce contrôle, afin d'organiser une coopération mutuelle entre tous les États membres concernés et d'examiner, à des intervalles réguliers, la proportionnalité des mesures par rapport aux événements qui sont à l'origine de la réintroduction du contrôle aux frontières ainsi qu'à la menace pour l'ordre public ou la sécurité intérieure. Il convient que l'État membre ayant décidé de réintroduire ce contrôle prenne ces positions en considération lorsqu'il étudie et réexamine la nécessité de ces vérifications, avec l'objectif de constamment les adapter aux circonstances.

(10)

En vertu de l'article 27, paragraphe 1, point e), du code frontières Schengen, l'État membre qui réintroduit les contrôles aux frontières intérieures ou qui prolonge cette réintroduction devrait fournir, entre autres, des informations sur les mesures que les autres États membres doivent prendre dans le cadre de ces contrôles aux frontières prévus. Par ailleurs, en vertu de l'article 27, paragraphe 5, du code frontières Schengen, des réunions conjointes entre l'État membre prévoyant de réintroduire le contrôle aux frontières intérieures, les autres États membres, en particulier ceux directement concernés par de telles mesures, et la Commission peuvent avoir lieu afin d'organiser, le cas échéant, une coopération mutuelle entre les États membres. Ces contacts avec les États membres voisins devraient servir à limiter l'incidence sur la libre circulation.

(11)

La réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures ne pouvant avoir lieu qu'en cas de circonstances exceptionnelles et qu'à titre de mesure de dernier recours, les États membres devraient d'abord examiner si d'autres mesures, en dehors du contrôle aux frontières, ne pourraient pas être appliquées pour remédier efficacement à la menace constatée, et ils ne devraient décider de réintroduire le contrôle aux frontières intérieures en cause qu'en dernier recours, lorsque ces mesures moins restrictives pour le trafic frontalier ne permettent pas d'apporter une réponse suffisante aux menaces recensées. Les États membres concernés devraient, dans leur notification, communiquer le résultat de cette réflexion et les motifs les ayant poussés à opter pour le contrôle aux frontières, conformément à l'article 27, paragraphe 1, du code frontières Schengen.

(12)

À cet égard, les États membres devraient déployer tous les efforts nécessaires afin de continuer à mettre en œuvre, intégralement, la recommandation de la Commission du 12 mai 2017 [C(2017) 3349 final] relative à des contrôles de police proportionnés et à la coopération policière dans l'espace Schengen.

(13)

Il convient de mettre en œuvre la présente recommandation dans le respect intégral des droits fondamentaux.

(14)

Il convient d'adresser la présente recommandation à tous les États de l'espace Schengen liés par le titre III du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil (2),

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE RECOMMANDATION:

LIMITER L'INCIDENCE SUR LA LIBRE CIRCULATION

Afin de trouver le juste équilibre entre la nécessité de protéger l'ordre public ou la sécurité intérieure dans les États membres et les avantages de l'espace sans contrôle aux frontières intérieures, les États membres ayant l'intention de réintroduire temporairement le contrôle aux frontières intérieures devraient dûment prendre en compte et évaluer régulièrement les aspects suivants lors de l'évaluation, conformément à l'article 26 du code frontières Schengen, de la nécessité et de la proportionnalité de toute réintroduction temporaire de contrôles aux frontières intérieures en application des articles 25 et 28 du code frontières Schengen:

a)

l'incidence probable de cette réintroduction sur la libre circulation des personnes au sein de l'espace sans contrôle aux frontières intérieures;

b)

l'incidence probable de cette réintroduction sur le marché intérieur.

À cette fin, les États membres ayant l'intention de réintroduire temporairement le contrôle aux frontières intérieures devraient communiquer, dans la notification prévue à l'article 27, paragraphe 1, du code frontières Schengen, le résultat de leur évaluation de l'incidence de la réintroduction ou prolongation envisagée du contrôle aux frontières intérieures sur la libre circulation et le marché intérieur.

Les États membres ayant l'intention de réintroduire temporairement le contrôle aux frontières intérieures devraient s'abstenir de prendre toute mesure qui ne serait pas justifiée par la menace grave constatée pour l'ordre public ou la sécurité intérieure. Par exemple, ils devraient limiter les tronçons frontaliers concernés par la réintroduction temporaire du contrôle à ce qui est strictement nécessaire pour répondre à la menace constatée.

PARTAGE DES RESPONSABILITÉS ET COOPÉRATION

Au vu de l'objectif consistant à limiter l'incidence sur la libre de circulation, les États membres ayant l'intention de réintroduire temporairement le contrôle aux frontières intérieures devraient:

a)

consulter suffisamment à l'avance les États membres qui seraient touchés par la réintroduction envisagée;

b)

maintenir une coopération étroite et permanente, permettant un suivi et une adaptation constants des contrôles afin de tenir compte de l'évolution des besoins et de l'incidence sur le terrain;

c)

se tenir prêts à aider les autres États membres pour assurer la bonne mise en œuvre des contrôles aux frontières, lorsque c'est nécessaire et justifié.

RECOURS À DES MESURES ALTERNATIVES

Afin de garantir que la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures reste une mesure de dernier recours, appliquée uniquement lorsque la menace grave constatée pour l'ordre public ou la sécurité intérieure ne peut être traitée de manière appropriée par d'autres moyens, les États membres devraient mettre en œuvre intégralement la recommandation de la Commission du 12 mai 2017 [C(2017) 3349 final] relative à des contrôles de police proportionnés et à la coopération policière dans l'espace Schengen.

Fait à Bruxelles, le 3 octobre 2017.

Par la Commission

Dimitris AVRAMOPOULOS

Membre de la Commission


(1)  Règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2016 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, modifiant le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (CE) no 863/2007 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (CE) no 2007/2004 du Conseil et la décision 2005/267/CE du Conseil (JO L 251 du 16.9.2016, p. 1).

(2)  Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO L 77 du 23.3.2016, p. 1).