26.7.2013   

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Journal officiel de l'Union européenne

L 201/60


RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

du 11 juin 2013

relative à des principes communs applicables aux mécanismes de recours collectif en cessation et en réparation dans les États membres en cas de violation de droits conférés par le droit de l’Union

(2013/396/UE)

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 292,

considérant ce qui suit:

(1)

L’Union s’est donné pour objectifs de maintenir et de développer un espace de liberté, de sécurité et de justice, notamment en facilitant l’accès à la justice, ainsi que d’assurer un niveau de protection élevé des consommateurs.

(2)

L’économie moderne engendre parfois des situations dans lesquelles une même pratique illicite constituant une violation des droits conférés par le droit de l’Union et suivie par un ou plusieurs opérateurs économiques, ou d’autres personnes, est susceptible de léser un grand nombre de personnes («préjudice de masse»). Ces dernières peuvent ainsi être fondées à demander la cessation de cette pratique ou à réclamer des dommages et intérêts.

(3)

La Commission a adopté, en 2005, un livre vert sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante (1) et, en 2008, un livre blanc sur le même thème qui suggérait notamment des mesures concernant les recours collectifs dirigés contre les pratiques anticoncurrentielles (2). En 2008, elle a publié un livre vert sur les recours collectifs pour les consommateurs (3). En 2011, la Commission a lancé une consultation publique intitulée «Renforcer la cohérence de l’approche européenne en matière de recours collectifs» (4).

(4)

Le 2 février 2012, le Parlement européen a adopté une résolution intitulée «Vers une approche européenne cohérente en matière de recours collectif» dans laquelle il demandait que toute proposition en matière de recours collectif prenne la forme d’un cadre horizontal comprenant un ensemble de principes communs garantissant un accès uniforme à la justice au sein de l’Union par la voie du recours collectif et traitant spécifiquement mais non exclusivement des infractions aux droits des consommateurs. Le Parlement européen soulignait également la nécessité de tenir dûment compte des traditions du droit et des ordres juridiques des différents États membres et de renforcer la coordination et l’échange des bonnes pratiques entre États membres (5).

(5)

Le 11 juin 2013, la Commission a publié une communication intitulée «Vers un cadre horizontal européen pour les recours collectifs» (6) dans laquelle elle dresse le bilan des actions menées jusque-là, expose les points de vue exprimés par les parties prenantes et le Parlement européen, et présente sa position sur certains aspects fondamentaux du recours collectif.

(6)

L’une des missions essentielles des autorités publiques lorsqu’elles contrôlent le respect du droit est de prévenir et de sanctionner la violation des droits conférés par le droit de l’Union. La possibilité donnée aux personnes privées d’intenter des actions pour violation de ces droits complète le contrôle exercé par les autorités publiques. Les références faites dans la présente recommandation à la violation de droits conférés par le droit de l’Union visent toutes les situations dans lesquelles une infraction aux règles établies à l’échelle de l’Union lèse ou est susceptible de léser des personnes physiques ou morales.

(7)

Il est des domaines où l’intervention des personnes privées sous la forme d’un recours collectif complète utilement le contrôle public du respect des droits conférés par le droit de l’Union: la protection des consommateurs, la concurrence, la protection de l’environnement, la protection des données à caractère personnel, la réglementation des services financiers et la protection des investisseurs, notamment. Les principes énoncés dans la présente recommandation devraient s’appliquer de manière horizontale et identique dans ces domaines, mais également dans tout autre domaine où des demandes collectives en cessation ou en dommages et intérêts en cas de violation des droits conférés par le droit de l’Union présenteraient un intérêt.

(8)

Les actions individuelles, telles que les procédures de règlement des petits litiges en matière de consommation, sont les outils utilisés habituellement pour régler les différends, prévenir les préjudices ou encore demander réparation.

(9)

Outre les recours individuels, différents mécanismes de recours collectif ont été mis en place par les États membres. Ces dispositifs sont conçus pour prévenir et mettre un terme à des pratiques illicites, mais aussi pour garantir qu’il y aura réparation en cas de préjudice de masse. La possibilité de joindre des prétentions individuelles et de les faire valoir collectivement peut constituer une amélioration de l’accès à la justice, en particulier lorsque le coût des actions individuelles risque de dissuader les particuliers lésés de saisir la justice.

(10)

L’objectif de la présente recommandation est de faciliter l’accès à la justice en cas de violation de droits conférés par le droit de l’Union; à cette fin, il est recommandé que tous les États membres disposent de mécanismes nationaux de recours collectif reposant sur des principes fondamentaux identiques dans toute l’Union, compte tenu des traditions juridiques propres aux États membres et de la nécessité de prévenir les abus.

(11)

Pour ce qui est des mesures d’injonction, le Parlement européen et le Conseil ont déjà adopté la directive 2009/22/CE relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs (7). Cependant, la procédure instaurée par cette directive ne permet pas à ceux qui prétendent avoir subi un préjudice du fait d’une pratique illicite d’obtenir réparation.

(12)

Des procédures permettant d’engager une action collective en réparation ont été introduites dans certains États membres à des degrés divers. Toutefois, les procédures existantes pour l’introduction de recours collectifs diffèrent largement selon les États membres.

(13)

La présente recommandation expose un ensemble de principes régissant les recours collectifs tant judiciaires qu’extrajudiciaires qui devraient être communs à tous les États membres de l’Union, tout en respectant leurs traditions juridiques propres. Ces principes devraient permettre de garantir que les droits procéduraux fondamentaux des parties sont préservés et d’éviter les abus moyennant des garde-fous appropriés.

(14)

La présente recommandation porte à la fois sur les recours collectifs en réparation et — dans la mesure où cela est approprié et pertinent pour chaque principe — sur les recours collectifs en cessation. Elle s’applique sans préjudice des mécanismes sectoriels d’injonction actuellement prévus par le droit de l’Union.

(15)

Les mécanismes de recours collectif devraient préserver les garanties procédurales que se voient accorder les parties aux actions civiles. Afin d’éviter les abus dans le contentieux relatif au préjudice de masse, les mécanismes nationaux de recours collectif devraient intégrer les garde-fous essentiels recensés dans la présente recommandation. Il convient, en règle générale, d’éviter les éléments tels que les dommages et intérêts punitifs, les procédures intrusives de communication de pièces préalablement au procès («pre-trial discovery») et les dommages et intérêts octroyés par les jurys («jury awards»), qui sont pour la plupart étrangers aux traditions juridiques de la majorité des États membres.

(16)

Les modes alternatifs de règlement des conflits peuvent constituer un moyen efficace d’obtenir gain de cause dans des cas de préjudice de masse. Ils devraient toujours être prévus en parallèle ou comme complément facultatif au recours collectif judiciaire.

(17)

La qualité pour agir aux fins de l’exercice d’une action collective devant les juridictions des États membres dépend du mécanisme de recours collectif concerné. Pour certains types d’actions collectives, telles que les actions de groupe, dans lesquelles le recours peut être formé conjointement par des personnes alléguant avoir subi un préjudice, la question de la qualité pour agir est plus simple à régler que dans le contexte des actions en représentation, où elle nécessite une clarification.

(18)

Dans le cas d’une action en représentation, la qualité pour agir devrait être limitée à des entités agréées au cas par cas, à des entités représentatives désignées satisfaisant à un certain nombre de critères fixés par la loi ou à des autorités publiques. Les entités représentatives devraient être tenues de justifier de la capacité administrative et financière nécessaire pour représenter l’intérêt des demandeurs de façon adéquate.

(19)

Les arrangements appropriés devraient être pris pour que le financement d’une procédure de recours collectif n’aboutisse pas à un usage abusif du système ou à des conflits d’intérêts.

(20)

Afin d’éviter un usage abusif du système et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, aucune action collective en justice ne devrait pouvoir être poursuivie si les conditions de recevabilité légalement définies ne sont pas remplies.

(21)

Les juridictions devraient se voir confier un rôle clé dans la protection des droits et des intérêts de toutes les parties concernées par une action collective, ainsi que dans la gestion efficace de ce type de recours.

(22)

Lorsque, dans une matière juridique, une autorité publique est habilitée à arrêter une décision constatant une violation du droit de l’Union, il importe de veiller à la cohérence entre la décision définitive concernant la violation et la solution à laquelle le recours collectif aboutit. En outre, lorsqu’une action collective fait suite à une décision prise par une autorité publique (action de suivi), il peut être présumé que l’intérêt général et la nécessité d’éviter les abus ont déjà été pris en compte par l’autorité publique dans le cadre de la constatation d’une violation du droit de l’Union.

(23)

En ce qui concerne le droit de l’environnement, la présente recommandation tient compte des dispositions de l’article 9, paragraphes 3, 4 et 5, de la convention de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (convention d’Aarhus), lesquelles favorisent un accès non restrictif à la justice en matière d’environnement, énoncent les critères que les procédures judiciaires doivent respecter, imposant notamment qu’elles soient rapides sans que leur coût soit prohibitif, et prévoient une information du public et la mise en place de mécanismes d’assistance dans ce domaine, respectivement.

(24)

Les États membres devraient prendre les mesures nécessaires pour que les principes énoncés dans la présente recommandation soient mis en œuvre deux ans au plus tard après sa publication.

(25)

Les États membres devraient faire rapport à la Commission de la mise en œuvre de la présente recommandation. Sur la base de leurs rapports, la Commission devrait suivre et évaluer les mesures arrêtées par les États membres.

(26)

Dans un délai de quatre ans après la publication de la présente recommandation, la Commission devrait évaluer la nécessité d’autres mesures, y compris de mesures législatives, afin de garantir que les objectifs de la présente recommandation sont pleinement atteints. Elle devrait évaluer, en particulier, la mise en œuvre de la présente recommandation et son incidence sur l’accès à la justice, sur le droit d’obtenir réparation, sur la nécessité de prévenir les recours abusifs, ainsi que sur le fonctionnement du marché unique, l’économie de l’Union européenne et le niveau de confiance des consommateurs,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE RECOMMANDATION:

I.   FINALITÉ ET OBJET

1.

La présente recommandation vise à faciliter l’accès à la justice, à mettre un terme à des pratiques illicites et à permettre aux parties lésées d’obtenir réparation dans les cas de préjudices de masse dus à la violation de droits que leur confère le droit de l’Union, tout en prévoyant des garanties procédurales appropriées afin d’éviter les procédures judiciaires abusives.

2.

Tous les États membres devraient disposer, tant pour les actions en cessation que pour les actions en réparation, de mécanismes nationaux de recours collectif qui respectent les principes fondamentaux énoncés dans la présente recommandation. Ces principes devraient être communs à tous les États membres de l’Union, tout en respectant leurs traditions juridiques propres. Les États membres devraient veiller à ce que les procédures de recours collectif soient objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif.

II.   DÉFINITIONS ET CHAMP D’APPLICATION

3.

Aux fins de la présente recommandation, on entend par:

a)

«recours collectif», i) un mécanisme juridique garantissant la possibilité, pour plusieurs personnes physiques ou morales ou pour une entité ayant qualité pour agir en représentation, de demander collectivement la cessation d’un comportement illicite (recours collectif en cessation); ou ii) un mécanisme juridique garantissant la possibilité, pour plusieurs personnes physiques ou morales qui prétendent avoir subi un préjudice dans le cadre d’un préjudice de masse ou pour une entité ayant qualité pour agir en représentation, de demander collectivement réparation (recours collectif en réparation);

b)

«préjudice de masse», une situation dans laquelle plusieurs personnes physiques ou morales prétendent avoir subi un préjudice à l’origine d’une perte en raison d’une même activité illicite menée par une ou plusieurs personnes physiques ou morales;

c)

«action en dommages et intérêts», une action par laquelle une juridiction nationale est saisie d’une demande en dommages et intérêts;

d)

«action en représentation», une action introduite par une entité représentative, une entité agréée au cas par cas ou une autorité publique pour le compte et au nom de plusieurs personnes physiques ou morales qui allèguent le risque de subir un préjudice ou prétendent avoir subi un préjudice dans le cadre d’un préjudice de masse, alors que ces personnes ne sont pas parties à la procédure;

e)

«action collective de suivi», un recours collectif formé après qu’une autorité publique a arrêté une décision définitive constatant une violation du droit de l’Union.

La présente recommandation recense les principes communs qui devraient régir toutes les procédures de recours collectif, ainsi que les principes propres aux recours collectifs en cessation ou aux recours collectifs en réparation.

III.   PRINCIPES COMMUNS AUX RECOURS COLLECTIFS EN CESSATION ET EN RÉPARATION

Qualité pour agir en représentation

4.

Les États membres devraient désigner des entités représentatives susceptibles d’engager des actions en représentation sur la base de conditions d’admission clairement définies. Ces conditions devraient comprendre au moins les exigences suivantes:

a)

il devrait s’agir d’entités à but non lucratif;

b)

il devrait exister un rapport direct entre les principaux objectifs des entités et les droits conférés par le droit de l’Union dont la violation est alléguée dans le cas d’espèce; et

c)

les entités devraient avoir une capacité suffisante, sur le plan des ressources financières, des ressources humaines et de l’expertise juridique, pour représenter plusieurs demandeurs au mieux de leurs intérêts.

5.

Les États membres devraient veiller à ce que l’entité désignée ne bénéficie plus de son statut en cas de non-respect de l’une ou plusieurs des conditions susvisées.

6.

Les États membres devraient veiller à ce que les actions en représentation ne puissent être intentées que par des entités officiellement désignées au préalable conformément au point 4 ou par des entités agréées au cas par cas par les autorités ou les juridictions nationales d’un État membre pour une action en représentation spécifique.

7.

En complément ou en remplacement, les États membres devraient habiliter des autorités publiques à agir en représentation.

Recevabilité

8.

Les États membres devraient prévoir qu’il soit vérifié, au stade le plus précoce possible du contentieux, que les demandes pour lesquelles les conditions d’exercice d’une action collective ne sont pas réunies et les demandes manifestement non fondées sont rejetées.

9.

À cette fin, les juridictions devraient procéder d’office aux examens nécessaires.

Informations concernant les recours collectifs

10.

Les États membres devraient veiller à ce qu’il soit possible, pour l’entité représentative ou pour le groupe de demandeurs, de diffuser des informations sur une violation alléguée de droits conférés par le droit de l’Union et leur intention d’en demander la cessation, ou sur un cas de préjudice de masse et leur intention d’engager une action en dommages et intérêts sous la forme d’un recours collectif. L’entité représentative, l’entité agréée au cas par cas, l’autorité publique ou le groupe de demandeurs devraient jouir des mêmes possibilités d’information en ce qui concerne les actions en réparation pendantes.

11.

Les méthodes de diffusion de l’information devraient prendre en considération les circonstances propres au préjudice de masse en cause, la liberté d’expression, le droit à l’information et le droit à la protection de la réputation ou de la valeur d’entreprise de la partie défenderesse avant que sa responsabilité pour la violation ou le préjudice allégués ne soit établie par un jugement définitif.

12.

Les méthodes de diffusion de l’information s’appliquent sans préjudice des règles de l’Union sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché.

Remboursement des frais de justice à la partie gagnante

13.

Les États membres devraient veiller à ce que la partie qui succombe dans un recours collectif rembourse les frais de justice dûment engagés par la partie gagnante (principe selon lequel le perdant est condamné aux dépens), sous réserve des conditions énoncées par la législation nationale applicable.

Financement

14.

La partie demanderesse devrait être invitée à indiquer, dès l’ouverture de la procédure, à la juridiction saisie l’origine des fonds qu’elle compte utiliser pour financer l’action en justice.

15.

La juridiction saisie devrait être autorisée à surseoir à statuer si, en cas d’utilisation de ressources financières fournies par une tierce partie,

a)

il existe un conflit d’intérêts entre la tierce partie et la partie demanderesse et ses membres;

b)

la tierce partie ne dispose pas des ressources suffisantes pour satisfaire à ses engagements financiers vis-à-vis de la partie demanderesse à la procédure de recours collectif;

c)

la partie demanderesse ne dispose pas des ressources suffisantes pour supporter les dépens de la partie adverse en cas d’échec de la procédure de recours collectif.

16.

Les États membres devraient veiller à ce que, lorsque le financement du recours collectif provient d’une tierce partie privée, il soit interdit au bailleur de fonds:

a)

d’exercer une influence sur les décisions de procédure, y compris en matière de transactions, prises par la partie demanderesse;

b)

de financer une action collective dans le cadre de laquelle la partie défenderesse est un concurrent du bailleur de fonds ou tient ce dernier en dépendance;

c)

de percevoir des intérêts excessifs sur les fonds mis à disposition.

Litiges transnationaux

17.

Les États membres devraient veiller à ce que, lorsqu’un différend concerne des personnes physiques ou morales ressortissantes de plusieurs États membres, les règles nationales en matière de recevabilité ou de qualité pour agir des groupes de demandeurs étrangers ou des entités représentatives relevant d’autres systèmes juridiques nationaux n’empêchent pas l’introduction d’une action collective unique devant une seule et même juridiction.

18.

Toute entité représentative à qui un État membre a, au préalable, officiellement conféré qualité pour agir en représentation devrait être autorisée à saisir la juridiction nationale compétente pour connaître du préjudice de masse.

IV.   PRINCIPES PROPRES AUX RECOURS COLLECTIFS EN CESSATION

Diligence dans le traitement des demandes d’ordonnance d’injonction

19.

Les juridictions et les autorités publiques compétentes devraient traiter les demandes d’ordonnance d’injonction visant à faire cesser ou à interdire une violation de droits conférés par le droit de l’Union avec toute la diligence requise et, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure simplifiée, afin d’éviter tout préjudice ou tout préjudice supplémentaire à l’origine d’une perte dû à cette violation.

Exécution effective des ordonnances d’injonction

20.

Les États membres devraient établir des sanctions appropriées contre la partie défenderesse qui succombe aux fins de garantir la bonne exécution de l’ordonnance d’injonction par ladite partie; ces sanctions peuvent prendre la forme du versement d’une somme forfaitaire par jour de retard ou toute autre somme prévue par la législation nationale.

V.   PRINCIPES PROPRES AUX RECOURS COLLECTIFS EN RÉPARATION

Constitution en tant que partie demanderesse selon le principe du consentement exprès

21.

Il convient que la partie demanderesse se constitue en tant que telle sur la base du consentement exprès des personnes physiques ou morales qui prétendent avoir subi un préjudice («opt-in»). Toute exception à ce principe, édictée par la loi ou ordonnée par une juridiction, devrait être dûment justifiée par des motifs tenant à la bonne administration de la justice.

22.

Sous réserve des conditions qui s’appliquent aux désistements dans les actions individuelles, un membre du groupe constituant la partie demanderesse devrait être libre de quitter ce groupe à tout moment avant que l’arrêt ne soit prononcé ou que le litige ne soit valablement réglé d’une autre manière, sans que cela ne le prive de la possibilité de faire valoir autrement ses prétentions et si cela ne nuit pas à la bonne administration de la justice.

23.

Les personnes physiques ou morales qui prétendent avoir subi un préjudice en raison du même préjudice de masse devraient être en mesure de se joindre au groupe constituant la partie demanderesse à tout moment avant que l’arrêt ne soit prononcé ou que le litige ne soit valablement réglé d’une autre manière, si cela ne nuit pas à la bonne administration de la justice.

24.

La partie défenderesse devrait être informée de la composition du groupe constituant la partie demanderesse et de tout changement qui pourrait y être apporté.

Modes alternatifs de règlement des conflits collectifs et transactions collectives

25.

Les États membres devraient veiller à ce que les parties à un litige dans le cadre d’un préjudice de masse soient incitées à régler le conflit relatif à la réparation de façon consensuelle ou extrajudiciaire, tant au cours de la phase précontentieuse que durant le procès civil, en tenant également compte des exigences de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (8).

26.

Les États membres devraient veiller à ce que, outre les mécanismes judiciaires de recours collectif, les parties puissent avoir accès, avant et pendant toute la procédure judiciaire, à des voies appropriées relevant des modes alternatifs de règlement des conflits collectifs. Le recours à de telles voies requiert le consentement des parties en litige.

27.

Le délai de prescription éventuellement applicable aux demandes devrait être suspendu pendant le laps de temps qui s’écoule entre le moment où les parties conviennent de tenter de régler leur litige par une procédure alternative de règlement des conflits et, au plus tôt, le moment où au moins l’une des deux parties renonce expressément à poursuivre cette procédure.

28.

Il convient que la légalité des solutions contraignantes issues de transactions collectives soit vérifiée par une juridiction, compte tenu de la protection qu’il est opportun d’accorder aux intérêts et aux droits de toutes les parties concernées.

Représentation en justice et honoraires d’avocats

29.

Les États membres devraient veiller à ce que la rémunération des avocats et son mode de calcul ne créent aucune incitation à engager des procédures judiciaires qui ne soient pas nécessaires dans l’intérêt des parties.

30.

Les États membres ne devraient pas permettre le versement d’honoraires de résultat qui risquent de créer une telle incitation. Les États membres qui, à titre exceptionnel, autorisent des honoraires de résultat devraient prévoir une réglementation nationale appropriée de ces honoraires en cas de recours collectif, compte tenu notamment du droit des membres d’un groupe constituant la partie demanderesse à obtenir une réparation intégrale.

Interdiction des dommages et intérêts punitifs

31.

La réparation accordée aux personnes physiques ou morales ayant subi un préjudice en raison d’un préjudice de masse ne devrait pas excéder la réparation qui aurait été accordée si la partie demanderesse avait fait valoir ses droits dans le cadre d’une action individuelle. En particulier, il y a lieu de proscrire les dommages et intérêts à caractère punitif, qui consistent à accorder à la partie demanderesse une réparation excédant le dommage subi.

Financement des recours collectifs en réparation

32.

Les États membres devraient veiller à ce que, outre le respect des principes généraux de financement, dans le cas du financement d’un recours collectif en réparation par une tierce partie privée, il soit interdit de calculer la rémunération accordée au bailleur de fonds ou les intérêts que celui-ci percevra sur le montant atteint dans le cadre de la transaction ou sur la réparation accordée, à moins que cet arrangement financier ne soit réglementé par une autorité publique, afin de protéger les intérêts des parties.

Actions collectives de suivi

33.

Les États membres devraient veiller à ce que, lorsque, dans une matière juridique, une autorité publique est habilitée à arrêter une décision constatant une violation du droit de l’Union, les recours collectifs ne soient, en règle générale, introduits par des personnes privées qu’après que l’autorité publique a définitivement clos la procédure qu’elle avait préalablement engagée. Si la procédure est engagée par l’autorité publique après l’introduction d’un recours collectif, la juridiction saisie du recours devrait éviter de statuer en contradiction avec la décision que l’autorité publique envisage de prendre. À cette fin, la juridiction devrait pouvoir surseoir à statuer jusqu’à ce que l’autorité publique clôture la procédure.

34.

Les États membres devraient veiller à ce que, dans le cas d’actions de suivi, les personnes qui prétendent avoir subi un préjudice ne se voient pas empêchées de demander réparation du fait de l’expiration des délais de prescription avant que l’autorité publique n’ait définitivement clos la procédure.

VI.   INFORMATIONS GÉNÉRALES

Rôle des recours collectifs

35.

Il convient que les États membres établissent un rôle national des recours collectifs.

36.

Le rôle national devrait être accessible gratuitement, par des moyens électroniques ou autres, à toute personne intéressée. Les sites web permettant la consultation des rôles devraient donner accès à des informations exhaustives et objectives sur les voies disponibles pour obtenir réparation, y compris les voies extrajudiciaires.

37.

Les États membres, assistés par la Commission, devraient s’efforcer d’assurer la cohérence des informations consignées dans les rôles et l’interopérabilité de ces derniers.

VII.   SURVEILLANCE ET ÉTABLISSEMENT DE RAPPORTS

38.

Les États membres devraient mettre en œuvre les principes énoncés dans la présente recommandation dans leurs systèmes nationaux de recours collectif d’ici le 26 juillet 2015, au plus tard.

39.

Les États membres devraient recueillir des statistiques annuelles fiables sur le nombre de procédures extrajudiciaires et judiciaires de recours collectif, et des informations concernant les parties, l’objet des litiges et l’issue des affaires.

40.

Les États membres devraient communiquer, chaque année, à la Commission les informations recueillies conformément au point 39, et pour la première fois le 26 juillet 2016, au plus tard.

41.

La Commission devrait évaluer la mise en œuvre de la recommandation sur la base de l’expérience pratique acquise, d’ici le 26 juillet 2017, au plus tard. Dans ce contexte, la Commission devrait en particulier évaluer l’incidence de la recommandation sur l’accès à la justice, sur le droit d’obtenir réparation, sur la nécessité de prévenir les recours abusifs, ainsi que sur le fonctionnement du marché unique, les PME, la compétitivité économique de l’Union européenne et le niveau de confiance des consommateurs. La Commission devrait déterminer également s’il convient de proposer d’autres mesures en vue de consolider l’approche horizontale décrite dans la recommandation.

Dispositions finales

42.

Il convient de publier la recommandation au Journal officiel de l’Union européenne.

Fait à Bruxelles, le 11 juin 2013.

Par la Commission

Le président

José Manuel BARROSO


(1)  COM(2005) 672 du 19.12.2005.

(2)  COM(2008) 165 du 2.4.2008.

(3)  COM(2008) 794 du 27.11.2008.

(4)  COM(2010) 135 final du 31.3.2010.

(5)  2011/2089(INI)

(6)  COM(2013) 401 final.

(7)  JO L 110 du 1.5.2009, p. 30.

(8)  JO L 136 du 24.5.2008, p. 3.