9.12.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 362/17


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 7 avril 2004

relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE concernant l’affaire COMP/A.38284/D2

Société Air France/Alitalia Linee Aeree Italiane SpA (1)

[notifiée sous le numéro C(2004) 1307]

(Le texte en langue anglaise est le seul faisant foi.)

(2004/841/CE)

La Commission a adopté le 7 avril 2004 une décision qui accorde, en application de l'article 81, paragraphe 3, du traité, une exemption individuelle à un accord de coopération entre Air France et Alitalia. Une version non confidentielle de cette décision est disponible en anglais, français et allemand sur le site Internet de la DG «Concurrence» à l’adresse suivante: http://europa.eu.int/comm/competition/index_en.html

1.   RÉSUMÉ DES PROCÉDURES

(1)

Le 12 novembre 2001, Air France (AF) et Alitalia (AZ) ont notifié à la Commission une série d'accords de coopération et demandé une attestation négative en application de l'article 3, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 3975/87 et/ou une exemption au titre de l'article 5 de ce même règlement (2).

(2)

Le 8 mai 2002, un résumé des accords notifiés a été publié au Journal officiel des Communautés européennes invitant les intéressés à présenter leurs observations dans un délai de 30 jours, conformément à l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 3975/87 (3). En réponse à cette publication, plusieurs compagnies aériennes ont fait savoir qu'elles seraient intéressées pour démarrer des activités sur les liaisons en question, pour autant que les barrières à l'entrée soient levées par des mesures correctives appropriées.

(3)

Le 1er juillet 2002, la Commission avait notifié aux parties une lettre dans laquelle elle exprimait des doutes sérieux sur leurs accords de coopération, les informant que ceux-ci ne pourraient être approuvés dans leur forme actuelle.

(4)

Sur la base des réserves exprimées par la Commission et après des discussions approfondies, les parties ont proposé des engagements qui ont été publiés au Journal officiel le 9 décembre 2003 dans une communication publiée conformément à l'article 16, paragraphe 3, du règlement (CEE) no 3975/87, pour permettre aux tiers intéressés de lui communiquer leurs observations (4). À la lumière des observations reçues, les parties ont accepté d'améliorer leurs engagements.

(5)

Les engagements, sous leur forme améliorée, conjugués au fait qu'il existe plusieurs nouveaux entrants sur les marchés concernés, sont satisfaisants d'un point de vue de la politique de concurrence. Pour autant que les parties respectent ces engagements, la Commission a décidé d'exempter leur coopération pour une période de six ans.

2.   L'ACCORD DE COOPÉRATION

(6)

Les parties cherchent, par leur coopération, à mettre sur pied une alliance bilatérale stratégique à long terme, de grande envergure, dont les principaux objectifs sont:

la création d'un système «multi-hub» européen, articulé autour des plateformes de correspondances («hubs») des parties dans les aéroports de Paris Charles de Gaulle, Rome Fiumicino et Milan Malpensa, afin d'interconnecter leurs réseaux mondiaux,

la coordination des services passagers exploités par les parties, ce qui inclut le recours étendu au partage de code, la coordination de leur réseau de transport régulier de passagers, la vente, la gestion des recettes, la reconnaissance mutuelle de leurs programmes de fidélisation respectifs, la coordination de leurs activités commerciales et l'utilisation commune des salons d'attente,

la coopération dans d'autres domaines, tels que le transport de fret, l'assistance au sol, la maintenance, les achats, la restauration, les systèmes informatiques, le développement de la flotte et l'acquisition de nouveaux appareils, la formation des équipages et la comptabilité des revenus.

(7)

Étant donné que l'alliance entre Air France et Alitalia a pour objectif de créer un système «multi-hub» destiné à interconnecter les réseaux mondiaux des deux parties, un partenariat plus étroit sera mis en place pour les vols entre la France et l'Italie, ce qui comprend l'ensemble des liaisons aériennes entre les deux pays exploitées par Air France et/ou Alitalia, à l'exclusion des vols qui précèdent («behind») et qui suivent («beyond»), qu'ils soient intérieurs ou internationaux. S'agissant des vols entre la France et l'Italie, en plus de la coordination générale de leurs services passagers telle que décrite ci-dessus, les parties se sont également mises d'accord sur les fréquences et le partage de leurs capacités et de leurs recettes.

3.   APPRÉCIATION

(8)

Les activités concernées par l'accord sont les services réguliers de transport aérien de passagers, le transport aérien de fret et les services d'assistance en escale. Le projet de décision d'exemption ne traite que du premier volet de la coopération, à savoir des services réguliers de transport aérien de passagers. Le transport aérien de fret est exclu du champ d'application du projet de décision, car les parties sont toujours en train de négocier la portée de leur coopération dans ce secteur. Le projet de décision ne porte pas non plus sur les services d'assistance en escale, qui n'entrent pas dans le champ d'application du règlement (CEE) no 3975/87 (5).

(9)

La Commission convient que, dans l'ensemble, l'alliance contribue à améliorer la production et la distribution de services de transport et à promouvoir le progrès technique et économique. L'accord de coopération devrait générer des bénéfices en termes de création d'un réseau mondial plus étendu qui offrirait aux clients de meilleurs services sous forme d'une augmentation du nombre de vols directs et indirects. Si un accroissement de la taille des compagnies aériennes n'entraîne pas nécessairement de réduction de coût en raison de rendements d’échelle constants, il est possible de réaliser des économies par une expansion du trafic dans l'ensemble du réseau, une meilleure planification des fréquences, un coefficient d'occupation plus élevé, etc.

(10)

Toutefois, le consommateur ne recevra qu'une partie équitable des réductions de coût attendues sous la forme d'une diminution des prix que si les parties restent soumises à une contrainte concurrentielle suffisante sur les marchés où l'alliance limite la concurrence.

(11)

Il résulte de l'appréciation de la Commission au titre de l'article 81 que l'alliance risque d'éliminer la concurrence sur une partie substantielle des services de transport aérien de passagers sur sept combinaisons entre un point d'origine et un point de destination (6), c'est-à-dire Paris–Milan, Paris–Rome, Paris–Venise, Paris–Florence, Paris–Bologne, Paris–Naples et Milan–Lyon. Avant la création de l'alliance, Air France et Alitalia constituaient les deux principaux opérateurs concurrents sur les liaisons qu’elles exploitaient toutes les deux. Au moment de la notification, ils détenaient des parts de marché très élevées sur ces sept combinaisons O & D Cela vaut pour les passagers sensibles au facteur temps et exigeant une certaine souplesse ainsi que pour les passagers sensibles au facteur prix (7).

(12)

En outre, la forte position détenue globalement par les parties est protégée de toute entrée potentielle par d'importantes barrières à l'entrée, dues par exemple à la pénurie de créneaux dans les aéroports concernés, au nombre de fréquences exploitées par les parties, à leur part élevée de clients sensibles au facteur temps et à la mise en commun de leurs programmes de fidélisation.

(13)

Par conséquent, l'accord de coopération ne peut être accepté que sur la base de mesures correctives appropriées, qui visent essentiellement à lever les barrières existantes à l'entrée pour les concurrents et à veiller à ce que les consommateurs concernés reçoivent une partie équitable des profits résultant de la coopération.

4.   ENGAGEMENTS

(14)

À partir des réserves exprimées par la Commission dans la lettre exposant ses doutes sérieux sur les accords, les parties ont proposé des engagements qui ont été publiés le 9 décembre 2003 afin que les tiers intéressés communiquent leurs observations. Plusieurs compagnies aériennes, ainsi que l'Office of Fair Trading britannique, ont transmis des observations à ce sujet. À la lumière de ces observations, les parties ont accepté d'améliorer leurs engagements. En particulier, les conditions de l'étalement des créneaux à l'aéroport de Paris CDG ont été sensiblement modifiées et la limitation du nombre de créneaux devant être libérés à l'aéroport d'Orly a été supprimée. Les principes fondamentaux de ces engagements sont résumés ci-dessous.

(15)

Afin de trouver une solution à la pénurie de créneaux horaires dans les aéroports saturés, les parties sont tenues de mettre à la disposition de leurs concurrents un certain nombre de créneaux destinés à accueillir de nouveaux services sur les sept liaisons où la Commission a constaté des problèmes de concurrence. Le nombre maximal de créneaux que les parties devront libérer est précisé liaison par liaison dans l'annexe à la décision.

(16)

Sur la base de l'enquête approfondie menée par la Commission sur le marché France-Italie et après avoir apprécié les observations faites par les tiers en réponse à la publication de la communication de la Commission conformément à l'article 16, paragraphe 3, du règlement (CEE) 3975/87, le nombre de créneaux que les parties ont accepté de libérer sur chacune des liaisons en cause est considéré comme suffisant pour permettre aux transporteurs de point à point de concurrencer effectivement les parties sur ces liaisons. Les mesures correctives sont destinées à permettre aux concurrents de transporter des passagers de point à point et, notamment, de concurrencer les parties pour le transport des passagers O & D ayant des contraintes de temps et exigeant une certaine souplesse.

(17)

Considérant qu'il est plus efficace d'ajouter des fréquences à un service existant que de lancer un nouveau service à partir de rien et que les passagers sensibles au facteur temps et exigeant une certaine souplesse ont besoin d'un nombre suffisant de fréquences journalières, les créneaux seront mis à disposition, à titre préférentiel, du concurrent qui exploitera au total le nombre le plus élevé de fréquences sur la liaison (y compris ses services existants).

(18)

Il résulte de l'enquête de la Commission sur le marché France-Italie, que du point de vue de la demande de services de transport par des passagers O & D sur les liaisons en question, les aéroports de Paris Charles de Gaulle (CDG) et d'Orly (ORY) sont substituables entre eux. Cela vaut également pour les aéroports de Milan Linate et de Malpensa.

(19)

L'application du principe de proportionnalité suppose normalement que les parties sont autorisées à choisir l'aéroport auquel elles vont restituer des créneaux horaires, pour autant que cela suffise pour résoudre les problèmes de concurrence. Toutefois, en l'espèce, la Commission a estimé, en ce qui concerne les aéroports parisiens, que pour garantir l'efficacité des mesures correctives proposées, des créneaux devraient également, sous certaines conditions, être restitués à Orly à des concurrents qui proposent déjà des services sur les liaisons en cause au départ de cet aéroport, afin de leur permettre d'augmenter le nombre de services. Cela explique pourquoi les engagements disposent qu'un concurrent est habilité à obtenir des créneaux à Orly s'il exploite déjà des vols sur une liaison en cause à partir d'Orly et s'il exploite tous ses vols desservant Paris à partir de cet aéroport.

(20)

Pour les mêmes raisons, les engagements prévoient que les parties seront tenues de restituer des créneaux horaires à l'aéroport de Milan-Linate uniquement à un concurrent qui exploite déjà des services sur une liaison concernée au départ de Linate et souhaite ajouter des fréquences supplémentaires sur ladite liaison.

(21)

Outre les créneaux horaires, d'autres mesures correctives sont destinées à lever les barrières supplémentaires à l'entrée qui ont été recensées dans le projet de décision.

(22)

Certaines d'entre elles amélioreront l'interchangeabilité du point de vue du client entre les vols exploités par les parties et les vols exploités par des concurrents sur les liaisons en cause et aideront les nouveaux entrants à obtenir le nombre minimal de passagers nécessaires pour démarrer les activités sur ces liaisons. Elles prévoient notamment que les parties devront autoriser les nouveaux arrivants, s'ils le souhaitent, à participer à leurs programmes de fidélisation. Un autre engagement concerne des accords interlignes et des accords spéciaux relatifs à des quotes-parts et permettra aux passagers de voler avec les parties et de revenir avec un concurrent ou inversement sur un voyage donné, avec un seul billet.

(23)

Les parties ont également pris l'engagement de faciliter les accords de transport intermodal de passagers, en fournissant des services de transport aérien en tant que segment d'un itinéraire comprenant également un transport en surface ou par voie maritime, afin de garantir un plus grand choix et de meilleurs services multimodaux aux consommateurs. Cela pourrait, par exemple, permettre aux clients sensibles au facteur temps d'associer un voyage aller en chemin de fer et un vol retour à des conditions intéressantes.

(24)

Enfin, les engagements imposent aux parties l'obligation de maintenir un gel des fréquences (régulation des augmentations de fréquences) pendant une période de démarrage afin de garantir que les nouveaux entrants ne seront pas éliminés du marché peu après y être entrés.

5.   CONCLUSION

(25)

Sur la base de ce qui précède, les engagements présentés par les parties suffisent, car ils permettent et facilitent l'entrée des tiers, et ainsi de résoudre les problèmes de concurrence identifiés au cours de l'enquête sur les marchés en cause.

(26)

Par conséquent, la Commission a décidé, en application de l'article 81, paragraphe 3, du traité CE, et pour autant que les parties respectent les engagements énoncés à l'annexe, de déclarer l'article 81, paragraphe 1, du traité CE inapplicable à l'accord de coopération entre Air France et Alitalia notifié à la Commission le 12 novembre 2001 pour la période comprise entre le 12 novembre 2001 et le 11 novembre 2007.


(1)  Rapport du conseiller-auditeur publié au JO C 305 du 9.12.2004.

(2)  Règlement (CEE) no 3975/87 du Conseil du 14 décembre 1987 déterminant les modalités d'application des règles de concurrence aux entreprises de transports aériens (JO L 374 du 31.12.1987, p. 1). Règlement modifié en dernier lieu par le règlement (CE) no 1/2003 (JO L 1 du 4.1.2003).

(3)  JO C 111 du 8.5.2002, p. 7.

(4)  JO C 297 du 9.12.2003, p. 10.

(5)  La présente décision est donc sans préjudice de toute appréciation concurrentielle supplémentaire de ces aspects en application de l'article 81 du traité.

(6)  Afin de définir le marché en cause dans le transport aérien, la Commission a mis au point la méthode des combinaisons point d'origine/point de destination (O & D). Selon cette méthode, chaque combinaison d'un point d'origine et d'un point de destination doit être considérée comme un marché distinct du point de vue du client.

(7)  En ce qui concerne cette deuxième catégorie de passagers, il existe une exception sur la combinaison des villes Milan–Lyon, en raison des effets de restriction de la concurrence existante exercés par d'autres modes de transport (transport routier).