32003D0601

2003/601/CE: Décision de la Commission du 17 février 2003 concernant le régime d'aide C 54/2001 (ex NN 55/2000) Irlande — revenus étrangers (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) [notifiée sous le numéro C(2003) 569]

Journal officiel n° L 204 du 13/08/2003 p. 0051 - 0059


Décision de la Commission

du 17 février 2003

concernant le régime d'aide C 54/2001 (ex NN 55/2000) Irlande - revenus étrangers

[notifiée sous le numéro C(2003) 569]

(Le texte en langue anglaise est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2003/601/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations conformément aux dispositions susmentionnées(1),

considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) En 1997, le Conseil Ecofin a adopté un code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises(2) destiné à lutter contre les mesures fiscales dommageables; il a ensuite créé un groupe afin d'évaluer les mesures fiscales pouvant rentrer dans le champ d'application de ce code. À la suite de l'engagement qu'elle avait pris en adoptant ce code, la Commission a publié en 1998 une communication sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises(3), dans laquelle elle insistait sur sa détermination à l'appliquer de manière rigoureuse et de respecter le principe de l'égalité de traitement. C'est dans ce cadre qu'elle a entamé l'examen des mesures qualifiées de dommageables par le groupe du code de conduite. Dans ce contexte, elle note le parallélisme existant entre les travaux de ce groupe et la politique de la Communauté en matière d'aides d'État, qui ont pour objectif commun d'éliminer les mesures qui faussent ou menacent de fausser la concurrence dans le marché unique. Elle prend également acte des progrès réalisés dans la voie de l'objectif ultime qui est d'éliminer la concurrence fiscale dommageable et plus particulièrement des mesures prises par les États membres pour abroger les mesures fiscales qualifiées de dommageables ou pour en éliminer les caractéristiques qui motivent cette qualification.

(2) Par lettre du 29 mai 2000 (D/53182), la Commission a demandé des informations sur ce qu'on appelle le régime des revenus étrangers. Après une prorogation du délai, l'Irlande a répondu par lettre du 19 juillet 2000 (A/36170). Une seconde demande d'informations a été envoyée le 8 août 2000, et un rappel le 13 septembre 2000. L'Irlande a répondu le 20 septembre 2000 (A/37792).

(3) Par lettre du 11 juillet 2001 [SG(2001) D/289754], la Commission a informé l'Irlande qu'elle avait décidé d'engager la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE à l'encontre dudit régime des revenus étrangers. Par lettre du 4 octobre 2001 (A/37839), l'Irlande a présenté ses observations.

(4) La décision de la Commission d'engager la procédure formelle d'examen, qui invite les parties intéressées à présenter leurs observations(4), a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes. La Commission n'a pas reçu d'observations.

(5) Par lettre du 24 janvier 2002 (D/50287), la Commission a demandé de plus amples informations. Après une prorogation du délai, l'Irlande a répondu le 26 mars 2002 (A/32369).

II. DESCRIPTION DE L'AIDE

(6) En Irlande, pour éviter la double imposition, un allégement est normalement accordé aux sociétés sous la forme d'un système de crédit d'impôt en vertu duquel l'impôt irlandais sur les bénéfices et les plus-values soumis à une double imposition est diminué de l'impôt étranger payé sur ceux-ci. Le crédit d'impôt ne peut dépasser le montant de l'impôt dû en Irlande sur ces bénéfices et plus-values étrangers. Toutefois, en vertu du régime des revenus étrangers, l'allégement est accordé sous la forme d'une exonération des bénéfices ou plus-values d'origine étrangère de l'impôt irlandais sur les sociétés. Le régime irlandais des revenus étrangers consiste en deux mesures séparées: une pour les dividendes étrangers, l'autre pour les bénéfices et plus-values des succursales étrangères. Ces mesures sont prévues par les articles 222 et 847 du code des impôts consolidé de 1997 (Taxes Consolidation Act 1997).

Article 222

(7) L'exonération des dividendes étrangers a été instituée à l'origine par l'article 41 de la loi de finances de 1988 (Finance Act 1988), en vertu de laquelle les dividendes versés à une société irlandaise résidente par ses filiales étrangères sont exonérés de l'impôt irlandais sur les sociétés lorsque ces dividendes sont liés à un plan d'investissement. Par "filiale étrangère", on entend une société résidente d'un État avec lequel l'Irlande a signé une convention de double imposition et qui est une filiale à 51 % de la société résidente irlandaise qui demande l'exonération. Le plan d'investissement doit être soumis à l'avance aux autorités irlandaises qui délivrent une attestation permettant de bénéficier d'une exonération sur un montant déterminé de dividendes lorsqu'il est établi que l'investissement est destiné à maintenir ou à accroître l'emploi en Irlande. Les dividendes exonérés doivent être utilisés aux fins du plan dans un délai de trois ans commençant à courir un an avant leur réception en Irlande et se terminant deux ans après celle-ci.

(8) L'article 40 de la loi de finances de 1991 (Finance Act 1991) a modifié la mesure pour permettre la soumission d'un plan d'investissement dans un délai d'un an à compter de sa mise en oeuvre et pour permettre aux autorités irlandaises d'étendre la période de trois ans au cours de laquelle les dividendes doivent être utilisés.

(9) Aucune catégorie particulière d'investissement ou d'emploi n'est spécifiée; il suffit que les activités commerciales concernées et les emplois eux-mêmes se situent en Irlande. L'investissement peut être effectué soit directement dans ses propres activités, soit indirectement, par exemple par la souscription d'actions d'une autre société qui procédera alors à l'investissement. L'emploi peut consister soit en nouveaux emplois dans une entreprise nouvelle ou en expansion, soit en emplois existants dans une entreprise qui, sans cet investissement, devrait sans doute fermer ou réduire l'effectif de son personnel. Il n'y a aucune exigence quant au nombre d'emplois créés ou maintenus. Le montant pouvant bénéficier de l'exonération peut être réduit lorsque le montant total des dividendes n'est pas dépensé aux fins du plan d'investissement approuvé.

Article 847

(10) L'exonération des bénéfices et des plus-values a été instituée à l'origine par l'article 29 de la loi de finance de 1995 (Finance Act 1995). Les directives ont été publiées en 1995.

(11) Pour être admise au bénéfice de l'exonération, une société doit soumettre un plan d'investissement à l'avance dans lequel elle expose en détail l'investissement qu'elle envisage de réaliser elle-même ou qu'envisage une société associée. Les informations soumises avec le plan doivent comprendre, notamment, une note d'information générale sur la société, une description détaillée de ses activités, tant initiales que prévues, et de leur nature, le niveau et le type d'investissement, un calendrier, les modalités de financement, les prévisions de financement, l'emploi prévu et la localisation des activités envisagées.

(12) Les autorités irlandaises peuvent reconnaître la société en tant que "société qualifiée" (et peuvent donc lui accorder l'exonération) s'il est établi que le plan vise à créer "de nouveaux emplois substantiels" en Irlande, que l'investissement sera effectué, que la création d'emplois sera réalisée et que le maintien de l'emploi en Irlande dépend de la poursuite des activités de commerce extérieur. Les bénéfices et plus-values provenant des activités de commerce extérieur sont exonérés de l'impôt uniquement lorsque ces activités sont exercées d'exonération. Par capital permanent substantiel, il faut entendre le montant considéré comme "approprié" par les autorités irlandaises et qui est spécifié dans l'attestation d'exonération. Les bénéfices et plus-values provenant des activités de commerce extérieur sont exonérés de l'impôt uniquement lorsque ces activités sont exercées dans le pays indiqué dans l'attestation d'exonération.

III. MOTIFS D'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE

(13) Dans son évaluation des informations soumises par l'Irlande au cours de son examen préliminaire, la Commission a considéré que les autorités irlandaises avaient conféré un avantage à certaines sociétés déterminées en exonérant de l'impôt irlandais certains dividendes de filiales étrangères ou certains bénéfices et certaines plus-values de succursales étrangères. Elle a considéré que cet avantage était accordé aux moyens de ressources d'État, qu'il affectait les échanges entre États membres et qu'il était sélectif. Elle a estimé également qu'aucune des dérogations à l'interdiction générale des aides d'État prévues à l'article 87, paragraphe 2, et à l'article 87, paragraphe 3, du traité CE, n'étaient applicables. Pour ces motifs, la Commission a eu des doutes sur la compatibilité de la mesure avec le marché commun et a donc décidé d'engager la procédure formelle d'examen.

IV. OBSERVATIONS DE L'IRLANDE

(14) Dans leur lettre du 4 octobre 2001, qui contenait également un résumé des exigences respectives des articles 222 et 847 du code des impôts consolidé (voir considérants 7 à 12), les autorités irlandaises ont formulé quelques observations générales, ont ajouté de plus amples commentaires sur les deux mesures, et se sont efforcées de corriger des erreurs dans les descriptions et les interprétations contenues dans la lettre de la Commission du 11 juillet 2001. Elles ont également avancé certains arguments relatifs aux attentes légitimes possibles des sociétés qui avaient bénéficié d'un allégement au titre des régimes. Dans leur lettre du 26 mars 2002, les autorités irlandaises ont donné de nouvelles informations sur l'application pratique des deux mesures. Ces commentaires peuvent se résumer comme suit.

Commentaires généraux:

(15) L'article 86 de la loi des finances de 2001 a supprimé l'allégement fiscal en faveur des dividendes étrangers institué par l'article 222, en limitant cet allégement aux dividendes attestés avant le 15 février 2001. L'article 89 de ladite loi disposait qu'une société ne pouvait prétendre au bénéfice de l'allégement au titre de l'article 847 sauf si elle détenait une attestation d'exonération délivrée avant le 15 février 2001.

(16) Dans son évaluation(5) par le groupe du code de conduite, la mesure (les deux allégements considérés ensemble) n'était pas considérée comme enfreignant aucun des critères énumérés au paragraphe B du code(6). Le raisonnement du groupe ne concerne pas l'exonération des bénéfices commerciaux des succursales étrangères.

(17) Les deux allégements constituent une aide à l'investissement parce qu'ils contiennent tous les deux des plans d'investissement. La majeure partie des sommes ayant bénéficié de l'allégement fiscal ont été investies dans des usines, des machines, des terrains, des constructions et dans le capital circulant. À l'époque, toute l'Irlande constituait une région rentrant dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité. Les aides sont donc compatibles avec le marché commun. La majorité des sociétés auxquelles une attestation d'exonération a été délivrée étaient situées dans la région de Dublin, mais les investissements étaient réalisés à la fois à Dublin et dans d'autres parties du pays. Les autres étaient situées dans les régions du sud-est ou du centre-ouest. Avant le 1er janvier 2000, l'intensité maximale des aides d'État en faveur de ces régions était de 57 %. Étant donné que le taux maximal de l'impôt sur les sociétés était de 43 % au cours de la période considérée (1989), ce plafond ne pouvait pas avoir été dépassé, même s'il n'y a pas eu de contrôle spécifique. Le taux de l'impôt sur les sociétés ayant diminué, il n'y aurait guère eu d'allégement fiscal au cours des dernières années, voire pas du tout.

Article 222

(18) Lorsque l'allégement a été instauré en 1988, l'économie irlandaise traversait une phase très difficile et souffrait d'un taux de chômage élevé qui atteignait 16,3 %. Des mesures radicales étaient prises pour corriger le grave déséquilibre des finances publiques. L'allégement avait pour objectif de ramener des dividendes en Irlande afin d'aider l'emploi irlandais. Il ne visait pas à promouvoir les opérations commerciales des filiales étrangères. Au total, 12 attestations ont été délivrées à des sociétés irlandaises pour le rapatriement de dividendes déterminés. Dans deux cas, le plan n'a finalement pas été mis en oeuvre et aucun allégement fiscal n'a été demandé, et dans un troisième cas, il est possible que l'allégement n'ait en fait jamais été réclamé. Dans un autre, moins de 20 % de l'allégement approuvé a été réclamé. La première attestation a été délivrée le 1er février 1989 et la dernière le 5 décembre 1996. Tous les investissements effectués sur la base de plans approuvés ont été exécutés avant fin 1999, époque à laquelle toute l'Irlande était considérée comme une région couverte par l'article 87, paragraphe 3, point a).

(19) Si les dividendes n'étaient pas rapatriés en Irlande, aucun impôt irlandais ne serait dû sur les filiales étrangères. La mesure d'incitation était qu'aucun impôt supplémentaire ne serait dû si les dividendes étaient rapatriés.

(20) La majorité des sociétés bénéficiaires de l'allégement appartenaient au secteur manufacturier et la majeure partie des dividendes rapatriés ont été investis dans des usines, des machines, des constructions, des terrains et dans le capital circulant. L'une des sociétés était une grande banque irlandaise. Dans ce cas, les dividendes ont été utilisés pour financer des investissements productifs dans les secteurs de la pêche, de l'agriculture, du tourisme, de la santé et des PME et investis dans des cours de formation et du capital-risque.

(21) Seules trois sociétés ont finalement réclamé un allégement pour les dividendes rapatriés afin de financer des plans d'investissement pour lesquels une attestation avait été délivrée.

(22) La pratique antérieure des sociétés concernées en matière de rapatriement de dividendes n'a pas été examinée au moment où les allégements ont été accordés. On ne sait pas si les dividendes exonérés auraient été rapatriés en absence d'allégement.

(23) Un grand groupe multinational irlandais, actif dans les secteurs de la sylviculture, du tourisme et des services financiers, s'est vu délivrer des attestations à sept occasions entre 1989 et 1996, portant au total sur 99 millions de livres irlandaises (IEP) de dividendes rapatriés de filiales situées aux États-Unis. Les plans approuvés prévoyaient des investissements notamment:

a) pour l'achat de machines, d'usines, d'équipements, de véhicules et de logiciels;

b) dans la sylviculture;

c) sous la forme d'injections de capital dans certaines sociétés du groupe;

d) dans un nouvel hôtel avec un club de golf;

e) dans un club de golf;

f) pour l'aménagement d'un hôtel et d'un club de golf, pour compenser les pertes de départ;

g) dans une usine de transformation du bois, pour compenser les pertes d'exploitation;

h) dans des sociétés de services financiers du groupe (plusieurs sociétés existantes et une nouvelle);

i) dans un fonds spécial pour la création d'emplois;

j) dans les logiciels;

k) pour l'amélioration d'usines, d'équipements, de machines et de logiciels;

l) dans l'informatisation.

(24) Un autre groupe de sociétés du secteur manufacturier s'est vu délivrer un certificat pour 10 millions d'IEP de dividendes provenant d'une filiale située aux États-Unis. Le plan approuvé prévoyait les investissements suivants: la construction d'une nouvelle laiterie pour lait de consommation, la construction d'une nouvelle fromagerie, le réaménagement complet d'installations d'abattage et de désossement pour mise en conformité avec les réglementations communautaires et irlandaises, et le réaménagement d'une fromagerie.

(25) Une attestation a été délivrée à une banque irlandaise pour 125 millions d'IEP rapatriés d'une filiale située aux États-Unis. Le plan approuvé prévoyait l'octroi de prêts bonifiés à divers secteurs des affaires au titre de différents régimes, à savoir:

a) programme opérationnel pour les PME: sur la base de ce programme, des prêts ont été accordés à des PME dans les secteurs des services, de la transformation, de l'industrie alimentaire et dans le secteur du tourisme pour la construction ou le réaménagement de locaux, l'achat d'usines et d'équipements neufs et d'occasion, et l'apport de capital circulant à long terme;

b) prêts en faveur de projets situés dans certaines stations balnéaires: prêts destinés à financer les investissements dans des logements et pour la construction, la rénovation et l'aménagement d'équipements collectifs;

c) prêts spéciaux pour l'achat de contingents laitiers: prêts accordés en 2000 pour l'achat de contingents laitiers par les exploitants agricoles au titre du programme de restructuration des quotas laitiers de l'UE mis en oeuvre par le ministère irlandais de l'agriculture;

d) prêts aux entreprises: prêts aux entreprises en phase de lancement et en phase de démarrage au cours de la période 1994-2001;

e) prêts pour différentes initiatives des pouvoirs publics: renouveau rural de la région du Upper Shannon (construction et réaménagement d'immeubles résidentiels et commerciaux), construction ou réaménagement d'établissements de soins et développement de la flotte irlandaise de pêche du poisson blanc;

f) deux fonds de capital-risque.

(26) La société pour laquelle il n'a pas été possible d'établir si l'allégement accordé avait effectivement été réclamé est une société de loisirs. Le plan d'investissement prévoyait le développement d'un club de golf et de villas de vacances. L'exonération couvrait seulement 0,15 million d'IEP de dividendes: l'essentiel du financement du projet provenait d'autres sources.

Article 847

(27) Seules trois attestations ont été délivrées. Dans un cas, l'allégement concernait en principe des succursales situées dans un grand nombre de pays, mais en fait, des succursales n'ont été établies que dans quatre pays: Allemagne, Italie, Afrique du Sud et Japon. L'attestation a été délivrée en juillet 1999 et prenait effet à compter de septembre 1996.

(28) Dans les deux autres cas, l'allégement n'a jamais été réclamé, dans un cas parce qu'aucun supplément d'impôt irlandais n'aurait été dû, et dans l'autre, parce que les succursales étrangères concernées n'ont jamais été établies.

Attentes légitimes

(29) Les sociétés pourraient faire valoir qu'elles pouvaient légitimement s'attendre à bénéficier des allégements pour lesquels elles satisfaisaient aux conditions fixées dans la législation, étant donné qu'elles ignoraient jusqu'à récemment que ces aides d'État n'avaient pas été autorisées. Elles ont soumis des plans, elles ont reçu des attestations, et elles ont effectué des dépenses pour mettre leurs plans en oeuvre en pensant que, puisque les autorités irlandaises leur avaient délivré l'attestation, elles pourraient bénéficier de l'allégement conformément à la législation. Les sociétés ne pouvaient raisonnablement prévoir une situation dans laquelle, après des investissements substantiels et des créations d'emplois, l'allégement ne serait finalement pas autorisé. La manière dont les aides ont été modifiées par la loi des finances de 2001 - exclusion des nouveaux arrivants du bénéfice de l'allégement au titre de l'article 847 et suppression effective de l'allégement au titre de l'article 222 - témoigne de l'existence de ces attentes légitimes des sociétés.

V. APPRÉCIATION DE L'AIDE

(30) Après avoir examiné les observations présentées par les autorités irlandaises, la Commission maintient sa position, qu'elle a exprimée dans sa lettre du 11 juillet 2001(7) adressée à l'Irlande concernant l'ouverture de la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité, à savoir que le régime examiné constitue une aide d'État au fonctionnement illégale, rentrant dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité. Dans l'évaluation ci-après, la Commission examine explicitement le régime constitué par les deux mesures prévues aux articles 222 et 847 du Code des impôts consolidé de 1997. Cet examen n'a pas pour objet de donner une appréciation portant sur des cas individuels d'octroi d'une aide à des entreprises déterminées au titre de ces articles. Aucun cas individuel n'a été notifié à la Commission avec toutes les informations nécessaires pour permettre à celle-ci de l'apprécier. En raison de la nature même des deux mesures, la Commission doit procéder à un examen général et abstrait afin de déterminer l'existence éventuelle d'une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, et, le cas échéant, d'établir si cette aide est compatible. Ainsi, tous les éléments nécessaires pour apprécier si le régime des revenus étrangers contient ou non une aide d'État et s'il est compatible avec le marché commun peuvent être trouvés dans le régime lui-même. Le traité, le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE(8) et la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes(9) habilitent la Commission à effectuer cet examen. La Commission n'examinera donc pas formellement l'application des aides dans chaque cas individuel. Elle ne connaît pas l'identité des bénéficiaires du régime, et ne dispose pas des informations nécessaires dans les cas individuels.

Existence d'une aide d'État

(31) La Commission prend acte des observations des autorités irlandaises sur l'évaluation du régime des revenus étrangers par le groupe du Code de conduite. Toutefois, cette évaluation n'a aucune incidence sur l'appréciation objective de l'existence éventuelle d'une aide d'État.

(32) Pour être considérée comme une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, une mesure doit satisfaire aux quatre critères suivants.

(33) En premier lieu, la mesure doit procurer aux bénéficiaires un avantage qui allège les charges qui grèvent normalement leur budget. Tant les crédits d'impôt que les exonérations fiscales sont des mécanismes qui permettent d'éviter la double imposition des revenus des sociétés. Lorsqu'un crédit d'impôt étranger est accordé, l'impôt payé sur le revenu dans le pays étranger est déduit de l'impôt dû à l'administration fiscale domestique, jusqu'à concurrence de l'impôt domestique dû. En revanche, lorsque le revenu étranger est exonéré, aucun impôt domestique sur les sociétés n'est dû. Par conséquent, lorsque l'impôt domestique dû est supérieur à l'impôt payé dans le pays étranger, dans un système de crédit, il reste un impôt à payer, alors que dans un système d'exonération, il n'y a plus d'impôt à payer. Donc, lorsqu'une exonération spécifique d'un revenu étranger est accordée dans un système où la règle générale prévoit un crédit, cette exonération constitue un avantage fiscal et réduit la charge fiscale de la société bénéficiaire.

(34) Conformément au point 9 de la communication de la Commission sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises(10) (dénommée ci-après: "la communication"), l'avantage fiscal peut être procuré par une réduction de la charge fiscale de l'entreprise sous différentes formes et notamment par une réduction du montant de l'impôt. Le régime des revenus étrangers satisfait manifestement à ce critère. Du fait de l'exonération des revenus et plus-values étrangers de toute imposition en Irlande, les sociétés concernées et les groupes auxquels elles appartiennent sont exonérés, dans la mesure où ils auraient autrement dû le payer, de l'impôt restant dû après l'application du crédit d'impôt généralement applicable. Le régime n'est pas une mesure technique applicable à toutes les entreprises sans distinction du type visé au point 13 de la communication.

(35) L'argument selon lequel aucun impôt irlandais ne serait dû sur les filiales étrangères si les dividendes n'étaient pas rapatriés en Irlande ne change rien au fait que l'aide confère un avantage fiscal aux bénéficiaires. Même si cet avantage est accordé dans le but d'encourager un comportement déterminé, cela ne saurait affecter l'analyse objective de la question de savoir si cette aide constitue ou non une aide d'État.

(36) Deuxièmement, l'avantage doit être octroyé par l'État ou au moyen de ressources d'État. L'octroi d'une réduction d'impôt telle que celle accordée aux sociétés par les autorités irlandaises au titre du régime des revenus étrangers entraîne une perte de recettes fiscales qui, conformément au point 10 de la communication, équivaut à la consommation de ressources d'État sous la forme de dépenses fiscales.

(37) Troisièmement, la mesure en cause doit affecter la concurrence et les échanges entre États membres. Comme il est expliqué au point 11 de la communication, ce critère suppose que le bénéficiaire de la mesure exerce une activité économique qui fait l'objet d'échanges entre les États membres. Les sociétés bénéficiaires d'un avantage fiscal au titre du régime des revenus étrangers font nécessairement partie de groupes internationaux ayant des filiales ou des succursales à l'étranger. Sur la base des informations fournies par les autorités irlandaises, il est manifeste que certaines au moins des sociétés concernées, ou des groupes auxquels elles appartiennent, étaient actives dans des secteurs faisant l'objet d'échanges intracommunautaires.

(38) Enfin, la mesure doit être spécifique ou sélective au sens qu'elle favorise "certaines entreprises ou certaines productions". Les bénéficiaires de la mesure sont uniquement les sociétés qui ont obtenu une attestation d'exonération conformément aux exigences spécifiques prévues soit à l'article 222, soit à l'article 847 (voir considérants 7 à 12). Les conditions fixées dans la législation sont très restrictives. Par conséquent, le régime des revenus étrangers ne peut être considéré comme une mesure générale, mais constitue un avantage sélectif pour les quelques sociétés qui satisfont à ses exigences et il constitue donc une aide d'État.

(39) Toutefois, malgré cette évaluation générale du régime, la Commission prend acte des commentaires des autorités irlandaises qui ont indiqué que de nouvelles attestations d'exonération ne peuvent être délivrées et qu'une seule des trois sociétés ayant obtenu une attestation d'exonération en vertu de l'article 847 a effectivement réclamé une exonération fiscale. La Commission note également qu'à partir de l'exercice courant, l'impôt sur les sociétés est de 12,5 % et qu'en principe, ce taux est inférieur à ceux qui sont appliqués dans les pays où les succursales de la société sont établies. Par conséquent, la Commission accepte de considérer que dans la situation actuelle, l'exonération au titre de l'article 847 ne confère plus aucun avantage aux sociétés auxquelles des attestations ont été délivrées. Par conséquent, en ce qui concerne ces sociétés, la mesure ne rentre plus dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

Compatibilité

(40) Dans la mesure où le régime des revenus étrangers constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité, sa compatibilité doit être appréciée à la lumière des dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 2, et à l'article 87, paragraphe 3.

(41) Les dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 2, qui concernent les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires et les aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne, ne sont pas applicables en l'espèce.

(42) La dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point a, prévoit que peuvent être autorisées les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi.

(43) La Commission prend note des observations des autorités irlandaises selon lesquelles le régime des revenus étrangers constitue une aide à l'investissement et non pas une aide au fonctionnement, que tous les investissements ayant bénéficié de l'aide au titre de l'article 222 ont été effectués avant la fin de 1999, à une époque où l'ensemble de l'Irlande était considérée comme une région au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), aux fins des aides d'États, et que toutes les demandes et attestations au titre de l'article 847 avaient elles aussi été finalisées avant la fin de 1999.

(44) À première vue, l'article 222 peut être considéré comme une aide à l'investissement. Toutefois, rien dans la législation ni dans les informations fournies par les autorités irlandaises ne démontre que le critère d'octroi de l'allégement fiscal est conforme aux lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale en vigueur à l'époque(11). Dans la mesure où ces lignes directrices concernent les aides ayant pour objet soit l'investissement initial, soit la création d'emplois, la Commission note que, selon l'Irlande, l'allégement fiscal a été octroyé pour, notamment, du capital circulant, des pertes de démarrage et d'exploitation, des injections de capital, l'amélioration d'usines, de machines et de logiciels, et le réaménagement de diverses installations. Comme la Commission l'a constamment indiqué dans ses décisions antérieures, aucune de ces destinations n'est normalement considérée comme un investissement initial ou comme une création d'emplois susceptible de bénéficier d'une aide d'État. De même, la Commission note que l'article 222 prévoit l'octroi d'un allégement fiscal pour le maintien de l'emploi ainsi que pour sa création. C'est ce qui ressort des informations communiquées par l'Irlande concernant l'application pratique de l'article 222. Or, rien dans la législation ni dans les informations fournies par les autorités irlandaises ne démontre que des contrôles étaient en place pour vérifier le respect d'autres règles sur les aides d'État, concernant notamment les aides aux secteurs sensibles, les aides aux entreprises en difficulté et le cumul d'aides. En particulier, la Commission constate que des allégements ont été accordés pour la production et la transformation de biens figurant à l'annexe 1 du traité CE et pour des opérations qui, selon les autorités irlandaises, n'auraient sinon pas été viables.

(45) La Commission en conclut donc que l'article 222 octroie une aide au fonctionnement aux sociétés qui ont bénéficié d'une exonération fiscale sur les dividendes rapatriés de filiales étrangères. Bien qu'une aide au fonctionnement puisse être autorisée dans les régions visées à l'article 87, paragraphe 3, point a, une telle aide est soumise à des conditions strictes. En particulier, elle doit être limitée dans le temps et destinée à surmonter les handicaps structurels des entreprises situées dans ces régions(12). Bien que l'aide accordée au titre de l'article 222 soit, en principe, limitée à une durée de trois ans, rien dans la législation ni dans les informations fournies par l'Irlande ne démontre que l'allégement fiscal est destiné à surmonter les handicaps structurels des entreprises situées en Irlande. À cet égard, la Commission note que la mesure a un champ d'application étroit. Plutôt que d'aider à compenser les handicaps structurels dont souffrent les entreprises situées en Irlande en général, elle est ciblée sur un groupe très restreint de sociétés qui ont des filiales étrangères dans certaines juridictions fiscales dans lesquelles le taux d'imposition général est inférieur à ce qu'il est en Irlande. Il est difficile d'établir quels sont précisément les handicaps structurels, s'il y en a, auxquels ces entreprises doivent faire face. Il apparaît également qu'au moins dans certains cas, l'aide octroyée par le biais de l'allégement fiscal n'était pas déterminante pour la réalisation effective de l'investissement. La Commission note également que l'investissement aidé par l'allégement peut être effectué indirectement par la souscription d'actions dans une société qui procéderait alors à l'investissement. Toutefois, on ne voit pas clairement si ce mécanisme agit comme une incitation à la création ou au maintien de l'emploi. Pour que ce soit le cas, il faudrait que les autorités irlandaises soient certaines qu'en l'absence de souscription spécifique aux actions, l'investissement ne serait pas effectué, et que la souscription ne se concrétise qu'à condition que l'allégement fiscal soit accordé. Rien dans la législation ni dans les informations fournies par l'Irlande ne démontre que de tels mécanismes de contrôle aient été mis en place.

(46) Comme mentionné au paragraphe 30, la Commission ne procède pas à une évaluation spécifique pour déterminer si un élément d'aide est présent ou non dans les allégements fiscaux qui ont été accordés au titre du régime des revenus étrangers, ni si ces allégements sont compatibles. Toutefois, en ce qui concerne la banque qui a obtenu un allégement au titre de l'article 222, la Commission souhaiterait présenter les observations suivantes. Quel que soit le but dans lequel les dividendes rapatriées ont été utilisés, l'allégement fiscal doit être considéré comme une aide au fonctionnement en faveur de la banque. Même si une partie de l'aide a été répercutée par la banque sur sa clientèle dans le cadre de nouveaux prêts, en accroissant les ressources dont la banque dispose pour effectuer des prêts, l'allégement a renforcé la position concurrentielle à la fois de la banque elle-même et du groupe international auquel elle appartient. La Commission note également qu'il n'y a pas eu de contrôle mis en place pour s'assurer que les prêts de la banque dans le cadre du plan d'investissement approuvé satisfaisaient aux conditions prévues par les règles sur les aides d'État. Par exemple, la Commission note que, comme elle l'a toujours considéré dans ses décisions antérieures, une aide d'État pour l'achat de quotas laitiers est incompatible avec le marché commun(13).

(47) La Commission prend acte des commentaires de l'Irlande selon lesquels une fois accordé, l'allégement fiscal au titre de l'article 847 reste applicable aussi longtemps que les conditions continuent à être remplies et qu'il n'y a pas, actuellement, de date d'expiration pour les allégements déjà accordés. La Commission note également que, selon le libellé de l'article 847, l'une des conditions de l'allégement est que le maintien des emplois créés dépende de la poursuite des activités de commerce extérieur pour lesquelles l'exonération a été accordée. Par conséquent, il est clair que plutôt qu'une aide à l'investissement, l'article 847, qui avait été conçu à une époque où le taux de l'impôt sur les sociétés en Irlande était beaucoup plus élevé qu'il ne l'est maintenant, constituait une aide au fonctionnement dont le bénéfice cesserait dès qu'il serait retiré. Étant donné que l'allégement fiscal accordé au titre de l'article 847 s'applique de manière permanente sans date d'expiration, il ne satisfait pas à la condition que l'aide au fonctionnement au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), soit limitée dans le temps(14).

(48) Selon l'Irlande, le plan d'investissement de la seule société à avoir réclamé l'allégement au titre de l'article 847 "a été élaboré en septembre 1994 et les autorités irlandaises se sont engagées en décembre 1994 à introduire l'allégement fiscal en question". À cet égard, compte tenu des circonstances ainsi que du champ d'application étroit et de l'usage très limité qui a été fait de l'allégement au titre de l'article 847, la Commission note qu'une aide individuelle ad hoc accordée à une seule entreprise ou des aides limitées à un seul secteur d'activité peuvent avoir un effet important sur la concurrence dans le marché concerné, tandis que leurs effets sur le développement régional risquent d'être trop limités, aux fins de ses lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale(15).

(49) Conformément au point 33 de la communication, pour pouvoir être considérées par la Commission comme compatibles avec le marché commun, les aides d'État visant le développement économique de régions déterminées doivent être proportionnelles et ciblées par rapport à l'objectif visé. Les autorités irlandaises n'ont guère fourni d'éléments tendant à démontrer que l'article 222 ou l'article 847 remplissaient ces conditions. Les demandes d'aide ont été très rares. Dans un certain nombre de cas, soit l'allégement fiscal n'a pas été entièrement utilisé, ne jouant qu'un rôle accessoire dans l'exécution du plan d'investissement, soit l'investissement n'a pas été effectué. Les autorités irlandaises ont également admis que bien que des allégements aient été octroyés, ils n'ont pas ou guère été effectivement réclamés au cours des dernières années. La Commission note également que les deux allégements étaient ouverts aux sociétés du secteur des services financiers. Dans ses décisions antérieures, la Commission a eu pour pratique, conformément au point 33 de la communication, d'exclure les services financiers du champ d'application des aides au fonctionnement(16).

(50) Par conséquent, l'allégement fiscal au titre des articles 222 et 847 ne peut être considéré comme compatible avec le marché commun, conformément à l'article 87, paragraphe 3, point a).

(51) Les dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 3, points b) et d), ne sont pas applicables au régime des revenus étrangers. Celui-ci n'a pas pour objectif de promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ni de remédier à une perturbation grave de l'économie de l'Irlande. Il n'est pas destiné non plus à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine.

(52) Enfin, le régime des revenus étrangers doit être examiné à la lumière de l'article 87, paragraphe 3, point c), qui concerne les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Comme on l'a établi aux considérants 43 à 46, les avantages fiscaux accordés par le régime des revenus étrangers constituent une aide au fonctionnement dont les effets bénéfiques cessent dès que l'aide est retirée. Conformément aux décisions antérieures de la Commission, une telle aide ne peut être considérée comme facilitant le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques.

(53) Les autorités irlandaises n'ont pas essayé de faire valoir que le régime des revenus étrangers était conforme aux lignes directrices concernant les aides à l'emploi(17) qui prévoient que certaines aides peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun en vertu de l'article 87, paragraphe 3, point c). Toutefois, la Commission note que dans la mesure où l'article 222 vise à maintenir l'emploi, l'aide n'est pas accordée à une entreprise pour la persuader de ne pas licencier ses travailleurs, puisqu'elle n'est pas calculée sur la base du nombre de personnes employées au moment de son octroi. Dans la mesure où tant l'article 222 que l'article 847 vise à créer des emplois, aucune de ces deux dispositions ne prévoit que le montant d'aide par travailleur doit être justifié, ni qu'il ne doit pas représenter une fraction trop importante des coûts de production de l'entreprise. Le régime des revenus étrangers ne peut donc être considéré comme rentrant dans le champ d'application des lignes directrices concernant les aides à l'emploi.

Attentes légitimes et récupération

(54) Lorsqu'une aide d'État octroyée illégalement est jugée incompatible avec le marché commun, il en résulte naturellement qu'elle doit être récupérée auprès des bénéficiaires(18). La récupération de l'aide doit avoir autant que possible pour effet de rétablir la situation concurrentielle qui existait avant l'octroi de celle-ci. Toutefois, l'article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) 659/1999(19) dispose que "la Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général de droit communautaire". La jurisprudence de la Cour de justice et la pratique de la Commission elle-même ont établi que lorsqu'à la suite des actions de la Commission, le bénéficiaire d'une mesure peut légitimement s'attendre à ce que l'aide ait été accordée conformément au droit communautaire, la récupération de l'aide irait à l'encontre d'un principe général de droit communautaire.

(55) Dans l'arrêt rendu dans l'affaire Van den Bergh en Jurgens(20), la Cour a dit pour droit:

"Il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour que la possibilité de se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique dans le chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées. En outre, lorsqu'un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l'adoption d'une mesure communautaire de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d'un tel principe lorsque cette mesure est adoptée."

(56) En l'espèce, la Commission note que le régime introduit en Belgique par l'arrêté royal n° 187 du 30 décembre 1982 relatif au traitement fiscal des centres de coordination(21), comme le régime irlandais des revenus étrangers, est une mesure qui affecte l'imposition des sociétés multinationales et qui concerne les règles destinées à éviter la double imposition. Dans sa décision du 2 mai 1984, la Commission a considéré que le régime belge ne constituait pas une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité (devenu l'article 87, paragraphe 1, du traité CE). Même si cette décision n'a pas été publiée, le fait que la Commission n'ait pas soulevé d'objections à l'encontre du régime belge des centres de coordination a été mentionné à la fois dans le XIVe rapport de concurrence et dans une réponse donnée à une question parlementaire(22). En particulier, dans cette réponse, la Commission a déclaré que de telles règles ne rentraient pas dans le champ d'application des articles 92 et 93 du traité CEE (désormais les articles 87 et 88 du traité CE).

(57) Par conséquent, la Commission admet que les bénéficiaires des mesures étaient en droit de s'attendre légitimement à ce que les mesures ne constituent pas des aides d'État. Ces considérations empêchent donc la Commission d'ordonner la récupération des aides accordées.

VI. CONCLUSIONS

(58) La Commission constate que l'Irlande a mis en oeuvre illégalement le régime des revenus étrangers prévu aux articles 222 et 847 du Code fiscal consolidé de 1997 (Taxes Consolidation Act 1997). Elle conclut que les allégements fiscaux en question constituaient un régime d'aides au fonctionnement qui n'était couvert par aucune des dérogations à l'interdiction des aides d'État prévues à l'article 87, paragraphe 2, et à l'article 87, paragraphe 3, du traité CE et qu'ils sont donc incompatibles avec le marché commun. Elle note que l'article 222 a en fait été abrogé et que depuis l'introduction de l'article 847, le taux de l'impôt sur les sociétés a diminué dans une telle mesure que l'article 847 ne constitue plus une aide d'État pour les sociétés qui en bénéficient actuellement. Elle conclut également que dans la mesure où les aides ont été octroyées par les articles 222 et 847, les bénéficiaires pouvaient légitimement s'attendre à ce que le régime irlandais des revenus étrangers ne constitue pas une aide d'État. Par conséquent, la Commission ne demande pas la récupération des aides octroyées,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Le régime d'aides d'État sous la forme d'exonération fiscale, mis en oeuvre illégalement par l'Irlande, en infraction à l'article 88, paragraphe 3, du traité CE avec l'article 41 de la loi de finances de 1988 (Finance Act 1988) et l'article 29 de la loi de finances de 1995 (Finance Act 1995), consolidés dans les articles 222 et 847 du code des impôts consolidé de 1997 (Taxes Consolidation Act 1997), est incompatible avec le marché commun.

Article 2

Les attestations d'exonération fiscale délivrées au titre de l'article 847 du code des impôts consolidé de 1995 ne sont pas considérées comme des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

Article 3

L'Irlande est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 17 février 2003.

Par la Commission

Mario Monti

Membre de la Commission

(1) JO C 308 du 1.11.2001, p. 2.

(2) JO C 2 du 6.1.1998, p. 1.

(3) JO C 384 du 10.12.1998, p. 3.

(4) Voir note 1 de bas de page.

(5) Rapport du groupe du code de conduite (Impôt des sociétés) au Conseil Ecofin, SN 1401/99, 23.11.1999.

(6) Voir note 2 de bas de page.

(7) Voir note 1 de bas de page.

(8) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(9) Arrêts de la Cour du 14 octobre 1987 dans l'affaire 248/84, Allemagne contre Commission, Rec. 1987, p. 4013, points 17 et 18; du 5 octobre 1994 dans l'affaire C-47/91, Italie contre Commission, Rec. 1994, p. I-4635, points 20 et 21; du 17 juin 1999 dans l'affaire C-75/97, Belgique contre Commission, Rec. 1999, p. I-3671, point 48; du 19 octobre 2000, affaires jointes C-15/98 et C-105/99, Italie et Sardegna Lines contre Commission, Rec 2000, p. I-8855, point 51.

(10) Voir note 3 de bas de page.

(11) Communication de la Commission sur la méthode pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, points a) et c), aux aides régionales (JO C 212 du 12.8.1988, p. 2).

(12) Point 6, premier tiret, de la communication de 1988 sur les aides régionales.

(13) Voir par exemple décisions 1996/616/CE (JO L 274 du 26.10.1996, p. 26) et 2002/411/CE de la Commission (JO L 144 du 1.6.2002, p. 49).

(14) Point 6, premier tiret, de la communication de 1988 sur les aides régionales.

(15) JO C 74 du 10.3.1998, p. 9; voir point 2.

(16) Voir par exemple article 2 de la décision de la Commission sur le régime fiscal des Açores [SG(2002) 233143].

(17) JO C 334 du 12.12.1995, p. 4.

(18) Voir par exemple affaire C-169/1995, Espagne contre Commission, Rec. 1997, p. I-135, point 47.

(19) Voir note 8 de bas de page.

(20) Affaire C-265/85, Van den Bergh en Jurgens BV contre Commission, Rec. 1997, p. 1155, point 44.

(21) Moniteur belge du 13.1.1983 (dossier n° 1982-12-30/69).

(22) Question écrite n° 1735/90 (JO C 63 du 11.3.1991, p. 37).