32002D0185

2002/185/CE: Décision de la Commission du 12 juin 2001 relative à une aide d'État accordée par l'Allemagne en faveur de Technische Glaswerke Ilmenau GmbH (Allemagne) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) [notifiée sous le numéro C(2001) 1549]

Journal officiel n° L 062 du 05/03/2002 p. 0030 - 0043


Décision de la Commission

du 12 juin 2001

relative à une aide d'État accordée par l'Allemagne en faveur de Technische Glaswerke Ilmenau GmbH (Allemagne)

[notifiée sous le numéro C(2001) 1549]

(Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2002/185/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2,

vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations(1) conformément à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE et à l'article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE(2), et après considération des observations reçues,

considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) Par lettre du 1er décembre 1998 enregistrée le 4 décembre 1998, l'Allemagne a notifié à la Commission, conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité CE, des mesures de restructuration en faveur de la société Technischen Glaswerke Ilmenau GmbH (TGI). Les aides ayant déjà été versées, les mesures ont été enregistrées sous le numéro NN 147/98. Par lettres des 23 décembre 1998 et 29 mars 1999, la Commission a invité l'Allemagne à lui fournir des renseignements complémentaires, lesquels lui ont été communiqués par lettre du 18 février 1999 arrivée le 19 février 1999 et par lettre du 31 mai 1999 arrivée le 1er juin 1999. Par la suite, l'Allemagne a fourni un complément d'information par lettre du 15 septembre 1999 arrivée le 20 septembre 1999, par lettre du 4 octobre 1999 arrivée le 5 octobre 1999 et par lettre du 29 octobre 1999 arrivée le 3 novembre 1999.

(2) Par courrier du 4 avril 2000, la Commission a fait part à l'Allemagne de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE, en raison des aides à la restructuration. Par la même occasion, la Commission a invité l'Allemagne à lui fournir des renseignements.

(3) La décision de la Commission relative à l'ouverture de la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes(3) et la Commission a invité tous les intéressés à lui présenter leurs observations.

(4) Par lettre du 3 juillet 2000 arrivée le 7 juillet 2000, l'Allemagne a réagi à l'ouverture de la procédure et à la demande de renseignements. En date du 7 novembre 2000, une réunion a eu lieu avec des représentants de l'Allemagne. Par lettre du 27 février 2001 arrivée le 1er mars 2001, l'Allemagne a communiqué des renseignements complémentaires.

(5) La Commission a reçu des observations de deux intéressés et les a transmises à l'Allemagne pour observations. L'Allemagne a présenté ses observations par lettre du 13 décembre 2000 dont l'arrivée a été enregistrée le 15 décembre 2000.

II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE

2.1. Bénéficiaire de l'aide

(6) La société TGI a son siège à Ilmenau en Thuringe, une région assistée en vertu de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE. Elle a été créée en 1994 par deux particuliers, monsieur et madame Geiß, en vue de la reprise de quatre des douze chaînes de fabrication de la société Ilmenauer Glaswerke GmbH (IGW), dont la liquidation avait été décidée en 1994 par la Treuhandanstalt (THA) en sa qualité de propriétaire unique. Les huit chaînes de fabrication restantes ont été arrêtées et démontées.

(7) L'entreprise poursuit ses activités dans les domaines du verre technique, de la verrerie de laboratoire, de la verrerie à usage domestique, du verre-regard, des tubes et des baguettes. En 1997, TGI a employé 226 salariés et a réalisé un chiffre d'affaires de 28048000 marks allemands.

(8) L'associé principal (99 % des parts sociales) et gérant de l'entreprise, Monsieur Geiß, était également l'associé unique et le gérant de deux autres entreprises présentes sur le même marché que TGI:

- Laborbedarf Stralsund GmbH (LS) à Güstrow (Mecklembourg-Poméranie-Occidentale)

et

- Paul F. Schröder & Co. Technische Glaswaren GmbH & Co. KG (PFS) à Ellerau près de Hambourg.

(9) Alors que LS n'avait que deux salariés, PFS en comptait 74 et a réalisé en 1997 un chiffre d'affaires de 9711000 marks allemands. LS a cessé son activité en 1999, tandis que PFS a déposé son bilan en janvier 2000.

2.2. Mesures financières antérieures

(10) La vente des quatre chaînes de fabrication (cuves) d'IGW à TGI a eu lieu dans le cadre de deux asset-deals.

2.2.1. Asset-deal 1 (contrat du 26 septembre 1994)

(11) Au mois de septembre 1994, à l'issue de négociations infructueuses avec d'autres investisseurs potentiels, les trois premières chaînes de fabrication ont été vendues à TGI. Cette vente a été définitivement approuvée par la THA, associée unique d'IGW, au mois de décembre 1994.

(12) Le prix d'achat total s'est élevé à 5800000 marks allemands et devait être payé en trois versements jusqu'à la fin de 1999. Le paiement a été garanti par une dette foncière d'un montant de 4 millions de marks allemands et une caution bancaire de 1800000 marks allemands. Cette dernière a été garantie par des arrière-cautions et des placements à terme.

(13) Dans le cadre de cet asset-deal, l'Allemagne a accordé les aides suivantes d'un montant de 58500000 marks allemands:

>TABLE>

(14) Indépendamment des crédits d'équipement de la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) d'un montant de 17100000 marks allemands, des subventions d'équipement et des primes fiscales à l'investissement d'un montant de 7900000 marks allemands, TGI a obtenu de la Bundesanstalt für vereinigungsbedingte Sonderaufgaben (BvS) des subventions d'un montant de 16500000 marks allemands pour la restructuration d'une usine pilote et des subventions de la THA et de la BvS d'un montant de 17 millions de marks allemands pour la résorption des pertes des exercices 1994 à 1997.

2.2.2. Asset-deal 2 (contrat du 11 décembre 1995)

(15) Au mois de décembre 1995, la quatrième chaîne de fabrication a été vendue à TGI, aucun autre investisseur n'ayant pu être trouvé. Le prix d'achat s'est élevé à 50000 marks allemands.

(16) Dans le cadre de l'asset-deal 2, l'Allemagne a accordé les aides suivantes d'un montant total de 8925000 marks allemands:

>TABLE>

(17) Indépendamment des primes fiscales à l'investissement d'un montant de 425000 marks allemands et d'un prêt de la Thüringer Aufbaubank (TAB) d'un montant de 2 millions de marks allemands, TGI a obtenu des subventions BvS d'un montant de 4 millions de marks allemands pour la restructuration de la quatrième chaîne de fabrication, des subventions à l'investissement BvS d'un montant d'un million de marks allemands et des subventions THA/BvS d'un montant de 1500000 marks allemands pour la résorption des pertes des exercices 1996 à 1998.

(18) Pour l'asset-deal 2, TGI devait produire une caution bancaire, mais comme celle-ci n'a pas été fournie, cet asset-deal est resté en suspens et sans effet jusqu'en février 1998.

2.3. Plan de restructuration et les mesures financières

(19) D'après les renseignements fournis par l'Allemagne, les difficultés de TGI ont commencé en raison du retard de six mois pour le début des investissements, la THA n'ayant approuvé l'asset-deal 1 qu'en décembre 1994.

(20) Les investissements n'ont donc pu commencer qu'au mois d'avril 1995, alors que l'entreprise avait tablé sur un démarrage des investissements au quatrième trimestre de 1994. Cette situation a eu pour conséquence le retardement des investissements ultérieurs.

(21) En outre, TGI n'a pas été en mesure de justifier en temps utile du cautionnement exigé pour l'exécution de l'asset-deal 2. Ce fait a eu, à son tour, pour conséquence que la BvS n'a pas fourni ses subventions d'un montant de 4 millions de marks allemands pour la restructuration de la quatrième chaîne de fabrication, de sorte que les investissements nécessaires n'ont pas pu être effectués. Comme, de surcroît, TGI souffrait depuis le début d'une insuffisance chronique de trésorerie, l'ensemble du projet a menacé d'échouer et la trésorerie de l'entreprise s'est trouvée quasiment épuisée en 1997.

(22) Pour rétablir sa viabilité, TGI a été contrainte de résoudre ses problèmes de trésorerie et de se constituer un capital et des réserves. À cet effet, la BvS, le Land de Thuringe et l'investisseur privé ont arrêté une action concertée en février 1998.

(23) En même temps que sa notification, l'Allemagne a communiqué son plan de restructuration exposé dessous. La période prévue pour cette restructuration allait de 1998 à 2000:

>TABLE>

(24) Le prix d'achat des trois premières chaînes de fabrication n'était toujours pas payé. En outre, il fallait 4 millions de marks allemands pour la restructuration de la quatrième chaîne de fabrication et 6 millions de marks allemands pour les investissements connexes. Pour les projets visant à l'augmentation de la productivité et à la remise en état générale des chaînes de fabrication, une somme de 4500000 marks allemands était prévue. Enfin, pour les dettes envers les fournisseurs provenant de l'exercice 1997 et les loyers initialement exigibles en 1997, une somme de 1925000 marks allemands était nécessaire.

(25) Les coûts de restructuration susmentionnés devaient être financés comme suit:

>TABLE>

(26) La BvS a renoncé au paiement de 4 millions de marks allemands sur le prix d'achat initial. En outre, pour améliorer la situation de la trésorerie de l'entreprise, la caution bancaire d'un montant de 1800000 marks allemands prévue à l'asset-deal 1 a été transformée en dette foncière.

(27) La BvS a finalement approuvé l'asset-deal 2 sans exiger la caution bancaire qui constituait une condition préalable en raison de laquelle le contrat est resté en suspens et sans effet jusqu'en février 1998. Grâce à cela, les subventions d'un montant de 4 millions de marks allemands destinées à la restructuration de la quatrième chaîne de fabrication ont finalement pu être versées. Par ailleurs, l'entreprise a obtenu des subventions THA/BvS d'un montant de 1325000 marks allemands pour la résorption des pertes.

(28) Dans le cadre de la restructuration, l'entreprise s'est vu accorder des primes fiscales à l'investissement d'un montant de 475000 marks allemands.

(29) Conformément à l'accord conclu dans le cadre de l'asset-deal 2, l'entreprise a obtenu de la TAB un prêt de 2 millions de marks allemands provenant du fonds de consolidation de Thuringe.

(30) D'après le plan de restructuration, une part de 4175000 marks allemands du coût de la restructuration est financée au moyen de ressources propres de l'entreprise sous forme de marge brute d'autofinancement. Il n'a pas été indiqué si cette marge brute d'autofinancement avait déjà été dégagée ou quand elle allait l'être. Un investisseur privé, qui restait à trouver, devait apporter une contribution de 3850000 marks allemands à la restructuration.

(31) En outre, le personnel a renoncé aux primes de fin d'année pour un montant de 650000 marks allemands.

(32) Grâce à la mainlevée du cautionnement pour la garantie de l'emploi, une somme de 250000 marks allemands a été libérée pour la restructuration. La Commission ne dispose pas d'autres renseignements sur ce cautionnement.

(33) D'après le compte de résultat provisoire, il avait été tablé sur un résultat d'exploitation positif de TGI pour 1999, mais ces attentes ont été déçues. Le tableau qui suit donne l'évolution prévisionnelle et réelle:

>TABLE>

(34) D'après les derniers renseignements fournis par les autorités allemandes, il n'a pas été possible de trouver un nouvel investisseur apportant une contribution de 3850000 marks allemands, comme prévu dans le plan de restructuration. La Commission ne dispose pas d'un ajustement du plan de restructuration.

2.4. Étude du marché

(35) En ce qui concerne les produits fabriqués par TGI, il s'agit de verre spécial. Le verre spécial, qui a représenté en 1997 environ 6 % de la production totale de verre de la Communauté, est un secteur où l'on trouve une multitude de produits différents et un nombre restreint de producteurs. TGI est l'une des dix entreprises de la Communauté qui fabriquent du verre technique pour l'éclairage.

(36) D'après les renseignements dont la Commission dispose(4), le secteur du verre spécial faisait partie en 1997 des secteurs en expansion avec une augmentation de la production de plus de 5 % par rapport à l'année précédente. Toujours en 1997, le marché du verre technique pour l'éclairage a enregistré une progression d'environ 4 %. Contre toute attente, cette évolution positive ne s'est pas poursuivie en 1998 en raison de la crise asiatique. Depuis fin juin 1999, le marché connaît une reprise et le chiffre d'affaires du verre spécial en Allemagne a progressé de 3,4 %. Les perspectives globales sont favorables.

2.5. Ouverture de la procédure formelle d'examen

(37) La Commission a ouvert la procédure formelle d'examen au sujet de l'abandon de la créance de 4 millions de marks allemands sur le prix d'achat initialement fixé dans l'asset-deal 1, car elle n'était pas absolument persuadée que cet abandon correspondait, comme le prétendaient les autorités allemandes, au comportement d'un créancier privé. Cette mesure a donc été considérée comme une aide d'État en faveur de TGI.

(38) En outre, la Commission a nourri des doutes sérieux quant à la compatibilité de l'aide avec le marché commun en vertu des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté du 23 décembre 1994(5) (ci-après dénommées: "lignes directrices"). Elle a douté que l'entreprise fût en difficulté au moment de l'abandon de la créance. S'il est vrai que l'entreprise affichait des pertes, elle a cependant bénéficié manifestement d'une résorption de ses pertes. Du reste, même si l'entreprise était en difficulté, la Commission a émis des doutes quant à la capacité du plan de restructuration à rétablir sa viabilité. La condition de la proportionnalité de l'aide n'était pas remplie, puisqu'il n'y a pas eu la moindre contribution d'un investisseur privé. Étant donné qu'une partie du financement des mesures n'était pas assurée, force fut de douter que le plan de restructuration pût être exécuté.

(39) Par ailleurs, les autorités allemandes ont prétendu que plusieurs mesures avaient été accordées au titre de régimes d'aide approuvés. Or, d'après les renseignements en sa possession, la Commission n'a pas pu établir si trois crédits d'équipement de la KfW, d'un montant total de 17100000 marks allemands, étaient effectivement couverts par les régimes d'aide au titre desquels ils ont été prétendument accordés, car ni les conditions des prêts ni les régimes d'aide correspondants n'ont été précisés.

(40) En outre, la Commission a nourri des doutes sérieux quant à la conformité du prêt de 2000000 de marks allemands de la TAB avec les dispositions du régime d'aide approuvé par la Commission, au titre duquel le prêt a prétendument été accordé. Comme on l'a vu plus haut, la Commission n'était absolument pas convaincue que l'entreprise fût en difficulté à la date de l'octroi de l'aide.

(41) La Commission a émis une demande de renseignements, afin d'être en mesure d'établir si les crédits accordés par la KfW et le prêt de la TAB répondaient effectivement aux dispositions des régimes d'aide au titre desquels ils ont prétendument été approuvés.

(42) Pour éviter de retarder davantage la décision relative à l'abandon de la créance de 4 millions de marks allemands sur le prix d'achat, la Commission va clore la procédure formelle d'examen avec une décision finale concernant cette mesure. Le cas échéant, elle ouvrira une procédure séparée pour les mesures d'aide qui n'ont pas fait l'objet de la présente procédure et qui, au vu des indications obtenues en réponse à la demande de renseignements, devront être considérées comme de nouvelles aides.

III. OBSERVATIONS DE TIERS INTÉRESSÉS

(43) La Commission a reçu des observations d'un concurrent de l'entreprise, mais aussi de TGI. Ces observations ont été transmises aux autorités allemandes, respectivement par lettres des 20 octobre 2000 et 6 novembre 2000, pour qu'elles présentent leurs propres observations. Le 15 décembre 2000, la Commission a reçu des autorités allemandes une réponse aux explications du concurrent. En revanche, elle n'a obtenu aucune réaction de ces autorités aux observations de TGI.

(44) Dans ses observations relatives à l'ouverture de la procédure, le concurrent a exposé que le bénéficiaire de l'aide vendait systématiquement ses produits au-dessous du prix du marché, voire au-dessous du prix de revient, et a affirmé que cela n'était possible que grâce aux aides d'État accordées en faveur de TGI. Le concurrent a ajouté que, à son avis, il existait des surcapacités structurelles sur certains marchés de produits où TGI est présente, et notamment celui du verre à usage domestique, du verre-regard et des tubes de verre. En outre, il a exprimé des doutes sur l'identité du bénéficiaire de l'aide en rappelant les liens étroits qui existent entre TGI et les autres entreprises qui appartiennent à l'associé principal et gérant de TGI.

(45) Dans ses observations relatives à l'ouverture de la procédure, TGI a déclaré que la renonciation au paiement d'une partie du prix d'achat, de même que le prêt de la TAB, ne constituaient pas des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE. L'entreprise a prétendu que, dans le cadre de la privatisation der trois premières chaînes de fabrication, l'État libre de Thuringe avait promis de verser des subventions à l'investissement d'un montant de 10750000 marks allemands, mais qu'il n'avait finalement versé que 6750000 marks allemands. C'est pourquoi il fallait considérer le prix initial de 4800000 marks allemands comme trop élevé. La renonciation au prix d'achat représentait donc une correction du contrat de privatisation initial à laquelle TGI avait légalement droit. En ce qui concerne le prêt de la TAB, TGI a exposé qu'il s'agissait d'une compensation pour la démolition de certains bâtiments en raison du projet de l'État libre de Thuringe de construire un pôle technologique. Enfin, l'entreprise a déclaré que si la Commission devait continuer à considérer ces deux mesures comme des aides d'État, elles pouvaient être exemptées en vertu des lignes directrices.

IV. OBSERVATIONS DE L'ALLEMAGNE

(46) Dans leur réponse à l'ouverture de la procédure, les autorités allemandes ont réitéré leur point de vue selon lequel l'abandon de la créance du prix d'achat ne constituait pas une aide d'État, mais pouvait être considéré comme une mesure d'un créancier privé. Elles ont en outre déclaré que si la Commission devait considérer l'abandon de la créance comme une aide d'État, celle-ci pouvait être approuvée comme aide à la restructuration.

(47) Les autorités allemandes ont fourni des renseignements destinés à prouver que les trois crédits de la KfW ne sont pas des aides d'État ou qu'ils relèvent d'un régime d'aide approuvé par la Commission.

(48) Les autorités allemandes ont également fourni des renseignements destinés à prouver que le bénéficiaire de l'aide est une petite ou moyenne entreprise (PME). Elles ont fait valoir que TGI et les autres entreprises qui appartiennent au même associé ne constituent pas un groupe économique et que les opérations réciproques sont réalisées aux conditions usuelles du marché et ne représentent qu'une infime partie du chiffre d'affaires des entreprises.

(49) Dans leur réponse aux observations d'un concurrent de TGI, les autorités allemandes ont réfuté les allégations de dumping. Selon elles, le fait que les prix de TGI sont, dans certains cas, inférieurs à ceux du concurrent ne prouve pas que TGI fasse du dumping, mais est le signe d'une concurrence normale dans une économie de marché. Les autorités allemandes ont ajouté que la comparaison établie par le concurrent entre les prix de TGI et les siens n'était pas pertinente. Le concurrent a également fait valoir que TGI accordait de fortes remises sur les prix de son tarif de gros. Les autorités allemandes ont indiqué que ces prix étaient destinés au consommateur final, mais que TGI ne vendait presque jamais directement à celui-ci. Lorsque des produits sont vendus à un revendeur, des remises pouvant atteindre 80 % sont usuelles sur le marché en cause. C'est pourquoi il faut prendre les prix nets si l'on veut comparer les prix.

(50) Quant à la question des surcapacités potentielles qui, d'après le concurrent, existent sur certains marchés de produits où TGI est présente, les autorités allemandes ont déclaré que le concurrent avait donné une définition trop restreinte du marché en se concentrant dans son analyse sur le marché de certains produits isolés, sans tenir compte de la substituabilité du côté de l'offre. Les autorités allemandes ont déclaré qu'il n'existait pas de surcapacités sur le marché en cause.

V. APPRÉCIATION

(51) TGI a obtenu un soutien financier provenant de fonds publics et a donc bénéficié d'avantages par rapport à ses concurrents. Étant donné que des concurrents établis dans la Communauté sont présents sur le marché de produits en cause et que des échanges sont effectués sur ce marché, cela risque de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.

(52) Dans un premier temps, la Commission doit vérifier si ces mesures provenant de fonds publics constituent ou non des aides d'État. Dans l'affirmative, elle doit examiner leur compatibilité avec le marché commun.

5.1. Entreprise bénéficiaire

(53) Pour les autorités allemandes, c'est TGI qui est bénéficiaire de l'aide et, selon elles, il s'agit d'une PME au sens de l'encadrement communautaire des aides d'État aux petites et moyennes entreprises(6) (ci-après dénommé "l'encadrement PME").

(54) Lors de l'ouverture de la procédure formelle d'examen, la Commission a soulevé la question de savoir si l'entreprise en cause pouvait être plus grande que TGI. En effet, l'associé principal et gérant de TGI est également associé unique et gérant de deux autres entreprises, PFS et LS. À elles trois, TGI, PFS et LS emploient plus de 250 salariés et dépassent donc le seuil fixé dans l'encadrement PME.

(55) Étant donné que la question de savoir si TGI est ou n'est pas une PME est sans objet pour l'appréciation de la compatibilité de l'abandon de la créance du prix d'achat, ce problème ne sera pas traité plus avant dans le cadre de la présente procédure.

5.2. Aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE et conformité avec les régimes d'aide approuvés

5.2.1. Concours de la THA et de la BvS dans le cadre de l'asset-deal 1

(56) Les mesures prévues dans le cadre de l'asset-deal 1 entraient dans le champ d'application du régime d'aide THA E 15/92(7). Étant donné que la fermeture de l'entreprise aurait été la solution la plus économique, mais que l'État a quand même décidé sa privatisation au moyen d'aides d'État, le coût s'est élevé pour lui à 33500000 marks allemands. En conséquence, le prix de 5800000 marks allemands à payer pour l'entreprise est un prix négatif. Comme l'entreprise avait moins de 1000 salariés, ce concours accordé à TGI par la THA et la BvS est couvert par le régime d'aide THA E 15/92.

5.2.2. Concours de la THA et de la BvS dans le cadre de l'asset-deal 2

(57) Les mesures prévues dans le cadre de l'asset-deal 2 entraient dans le champ d'application du régime d'aide THA N 768/94(8). Étant donné que la fermeture de l'entreprise aurait été la solution la plus économique, mais que l'État a quand même décidé sa privatisation au moyen d'aides d'État, le coût s'est élevé pour lui à 6500000 marks allemands. En conséquence, le prix de 50000 marks allemands à payer pour l'entreprise est un prix négatif. Comme l'entreprise avait moins de 250 salariés, ce concours accordé à TGI par la THA et la BvS est couvert par le régime d'aide THA N 768/94.

5.2.3. Crédits d'équipement de la KfW dans le cadre de l'asset-deal 1

(58) La KfW a accordé trois crédits pour un montant total de 17100000 marks allemands soi-disant en vertu de régimes d'aide approuvés par la Commission à une date antérieure. La Commission ne disposant pas de renseignements suffisants pour établir si ces crédits relevaient effectivement d'un régime d'aide de ce type, elle a émis une demande de renseignements.

(59) Le premier crédit de 10 millions de marks allemands a été accordé dans le cadre d'un programme de la KfW pour les moyennes entreprises, tandis que le deuxième crédit de 5100000 marks allemands a été accordé par la KfW dans le cadre d'un programme communautaire de promotion de l'emploi pour les moyennes entreprises. D'après les renseignements fournis par les autorités allemandes, ces deux crédits ont été octroyés aux conditions du marché avec un taux d'intérêt supérieur au taux de référence. Comme l'entreprise n'était pas en difficulté à la date de ces mesures, la Commission a conclu que, en l'occurrence, il ne s'agissait pas d'aides d'État.

(60) Le troisième crédit d'un montant de 2 millions de marks allemands a été accordé dans le cadre du programme PRE pour la reconstruction, c'est-à-dire un régime d'aide approuvé par la Commission à une date antérieure(9). Ce crédit remplit les conditions du régime d'aide au titre duquel il a prétendument été accordé, et se trouve donc effectivement couvert par ce régime. En conséquence, il s'agit là d'une aide existante qui n'a pas besoin d'être réappréciée dans le cadre de la présente procédure.

5.2.4. Subventions à l'investissement et primes fiscales à l'investissement

(61) Au titre de l'asset-deal 1, TGI a bénéficié de subventions à l'investissement d'un montant de 9750000 marks allemands sur la base du vingt-troisième plan-cadre de la tâche d'intérêt commun "amélioration de la structure économique régionale", l'un des régimes d'aide à finalité régionale approuvé par la Commission(10).

(62) Dans le cadre des deux asset-deals, des primes fiscales à l'investissement d'un montant de 1575000 marks allemands ont été accordées. En outre, TGI a obtenu, en dehors de l'asset-deal, des primes fiscales à l'investissement d'un montant de 876000 marks allemands en 1996 et des primes d'un montant de 748000 marks allemands en 1997. Tous les paiements ont été effectués en vertu de la loi sur les primes fiscales à l'investissement, c'est-à-dire l'un des régimes d'aide à finalité régionale approuvé par la Commission(11).

(63) La question de la compatibilité des subventions à l'investissement et des primes fiscales à l'investissement avec le régime d'aide au titre duquel elles ont été prétendument accordées, ne sera pas appréciée dans le cadre de la présente procédure, mais dans une procédure ultérieure, si besoin est.

5.2.5. Novation de garanties pour 1800000 marks allemands sur le prix d'achat et report de remboursement

(64) Dans le cadre de l'action concertée, la BvS a donné son accord pour la transformation de la caution bancaire de 1800000 marks allemands constituée dans le cadre du premier contrat en dette foncière de rang inférieur, laquelle est une garantie de moindre valeur que la caution bancaire. D'après les renseignements communiqués par les autorités allemandes, le remboursement du solde du prix d'achat a également été reporté et est désormais prévu à partir de 2003. Étant donné que ces mesures confèrent à l'entreprise des avantages qu'un créancier privé d'une entreprise en difficulté n'aurait probablement pas accordés, elles constituent elles aussi manifestement des aides d'État.

(65) La novation des garanties et le report de paiement ne seront pas appréciés dans le cadre de la présente procédure. Si besoin est, ces deux opérations feront l'objet d'une procédure séparée.

5.2.6. Abandon de la créance de 4 millions de marks allemands sur le prix d'achat (février 1998)

(66) L'Allemagne déclare que, du point de vue économique, cet abandon de créance était plus intéressant pour la BvS que d'insister sur le paiement du prix d'achat intégral. C'est pourquoi cet abandon ne constitue pas, soi-disant, une aide d'État.

(67) D'après la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes, pour la question de savoir si une mesure d'un établissement public constitue une aide d'État, il faut déterminer si l'entreprise bénéficiaire obtient un avantage économique qu'elle n'aurait pas obtenu dans des conditions normales du marché.(12) C'est pour cette raison que les autorités allemandes présentent une analyse visant à démontrer que l'abandon de créance par la BvS avait pour objectif de maximiser le paiement du prix d'achat convenu dans l'asset-deal 1 et de réduire les coûts y afférents.

(68) Les autorités allemandes ont déclaré que, en 1997, TGI se trouvait au bord de la faillite. Ses fonds propres avaient diminué de façon dramatique et l'entreprise connaissait de sérieux problèmes de trésorerie. Le prix d'achat total de 5800000 marks allemands n'était toujours pas payé. Les autorités allemandes exposent que l'entreprise aurait probablement fait faillite si la BvS avait insisté sur le paiement du prix d'achat intégral.

(69) Les autorités allemandes font valoir que, en cas de faillite, la BvS n'aurait fort probablement retiré de la masse de la faillite qu'une partie du prix d'achat, à savoir les 1800000 marks allemands qui étaient garantis par une caution bancaire. Les 4 millions de marks allemands restants étaient garantis pas une dette foncière de rang inférieur. D'après les renseignements fournis par les autorités allemandes, cette somme aurait été perdue, car les créances d'autres créanciers étaient prioritaires.

(70) En outre, les autorités allemandes ont déclaré que l'asset-deal 2 n'aurait pas pris effet si la BvS avait insisté sur le paiement du prix d'achat total. La réalisation de l'asset-deal 2 avait été provisoirement reportée à février 1998, car TGI n'avait pu produire la caution bancaire à laquelle était subordonnée l'approbation du contrat par la BvS. Au mois de février 1998, TGI a été libérée de cette obligation. Si l'asset-deal 2 n'avait pas pris effet, la BvS aurait dû supporter des frais supplémentaires pour l'arrêt de la quatrième chaîne de fabrication, la remise en état du terrain où se trouvait cette chaîne et les frais de gestion jusqu'à la vente du terrain, puisque aucun autre investisseur n'avait pu être trouvé.

(71) D'après les autorités allemandes, la BvS s'est donc trouvée devant l'alternative de renoncer à une partie du prix d'achat ou d'insister sur le paiement du prix intégral, sachant que cette dernière solution aurait mené l'entreprise à la faillite.

(72) Dans une comparaison de ces deux solutions, les autorités allemandes ont tenté de démontrer à la Commission que l'abandon de la créance du prix d'achat constituait la solution la plus avantageuse du point de vue économique.

(73) D'après les indications des autorités allemandes, l'abandon de la créance et donc l'exécution de l'asset-deal 2 aurait coûté à la BvS 1811000 marks allemands au final. Cette somme représente la différence entre des recettes d'un montant de 2847000 marks allemands (1800000 marks allemands du prix d'achat dans le cadre de l'asset-deal 1 et 1047000 marks allemands pour la vente à TGI du terrain sur lequel se trouvait la quatrième chaîne de fabrication) et des frais d'un montant de 4658000 marks allemands (subventions de restructuration de 4 millions de marks allemands et résorption de pertes de 658000 marks allemands conformément à l'asset-deal 2).

(74) En cas de faillite et de non-exécution de l'asset-deal 2, la BvS aurait dû supporter des frais de 2590000 marks allemands au final, pour des recettes de 2270000 marks allemands (1800000 marks allemands sur le prix d'achat dans le cadre de l'asset-deal 1 et un montant estimé à 470000 marks allemands pour la vente du terrain sur lequel se trouvait la quatrième chaîne de fabrication). Les frais relatifs à l'arrêt de la quatrième chaîne de fabrication et à la remise en état du terrain sur lequel se trouvait cette chaîne ainsi que les frais de gestion jusqu'à vente du terrain se seraient élevés pour la BvS à 4860000 marks allemands.

(75) Comme, d'après les indications des autorités allemandes, la BvS aurait dû faire face à des frais de 1811000 marks allemands en cas d'abandon de la créance contre des frais finals de 2590000 marks allemands en cas de faillite, l'abandon s'est révélé être la solution la plus favorable sur le plan économique.

(76) La Commission ne peut adhérer à ce raisonnement, et ce pour trois raisons. En premier lieu, rien n'indique que l'asset-deal 2 n'aurait pas pris effet si la BvS n'avait pas abandonné une partie de sa créance. En effet, l'asset-deal 2 avait été initialement convenu au mois de décembre 1995. Il est resté en suspens et sans effet jusqu'en février 1998, parce que TGI n'avait pu produire la caution bancaire à laquelle était subordonnée la réalisation du contrat. Faute de ce cautionnement, les deux parties, TGI et BvS, avaient le droit de se retirer du contrat jusqu'au 31 mars 1996. Aucune des parties n'a exercé ce droit. Étant donné que la BvS avait subordonné la réalisation de l'asset-deal 2 à la fourniture de la preuve d'une caution bancaire, l'efficacité du contrat dépendait de la BvS. Si elle avait renoncé à la production de la caution bancaire, la BvS aurait pu donner effet au contrat à tout moment. Par conséquent, la réalisation de l'asset-deal 2 est manifestement indépendante de l'abandon du prix d'achat. L'asset-deal 2 a finalement pris effet au mois de février 1998, lorsque la BvS a cessé d'exiger la caution bancaire.

(77) Il n'existe aucun indice montrant que TGI aurait eu le droit, à la date de la renonciation au paiement du prix d'achat intégral (février 1998), de se retirer du contrat et que cela aurait été dans l'intérêt de l'entreprise. Les autorités allemandes indiquent que la réalisation de l'asset-deal 2 a même contribué à stabiliser la situation financière difficile de TGI, car les subventions d'un montant de 4 millions de marks allemands destinées à la restructuration de la quatrième chaîne de fabrication ont enfin pu être versées. Rien n'indique que l'abandon de la créance était nécessaire ni qu'il était une condition préalable à l'entrée en vigueur de l'asset-deal 2 et dans quelle mesure il y avait un rapport entre les deux.

(78) C'est pourquoi aucun créancier privé n'aurait accepté de subordonner la réalisation de l'asset-deal 2 à l'abandon du paiement d'une partie du prix d'achat. Si l'asset-deal 2 avait pris effet, quand bien même la BvS aurait insisté sur le paiement du prix d'achat intégral, il ne doit pas être pris en considération dans la comparaison des deux solutions, puisque dans les deux scénarios (abandon du prix d'achat et faillite), la BvS aurait eu à supporter les mêmes frais en relation avec l'asset-deal 2. Par conséquent, seul le paiement du prix d'achat doit entrer dans la comparaison. En cas d'abandon de la créance, la BvS aurait perçu 1800000 marks allemands sur le prix d'achat. En cas de faillite, ce paiement de 1800000 marks allemands aurait été assuré, mais il y avait aussi une possibilité que la BvS pût percevoir une partie du solde de 4 millions de marks allemands du prix d'achat. Par conséquent, l'abandon de créance ne se révèle pas être la solution la plus favorable et ne correspond donc pas au comportement d'un créancier privé.

(79) En second lieu, même si l'asset-deal 2 n'avait pas pris effet en raison de l'insistance de la BvS sur le paiement du prix d'achat intégral, alors qu'il aurait pris effet en cas d'abandon de cette créance, rien n'indique qu'en prenant la décision d'abandonner une partie du prix d'achat la BvS s'est comportée comme un créancier privé. Les autorités allemandes indiquent qu'en cas de faillite et d'inefficacité de l'asset-deal 2, la BvS aurait dû faire face à des frais d'un montant de 4860000 marks allemands pour l'arrêt de la quatrième chaîne de fabrication, la remise en état du terrain et les frais de gestion jusqu'à la vente du terrain. La Commission estime que ces frais élevés ne sont pas comparables avec les obligations qu'un créancier privé devrait assumer dans la même situation. Pour la remise en état des terrain sur lequel se trouve la quatrième chaîne de fabrication, les autorités allemandes indiquent des frais d'un montant de 2200000 marks allemands. Cette remise en état est nécessaire en raison du projet de l'État libre de Thuringe de créer un pôle technologique. La Commission considère qu'un créancier privé n'aurait pas cette obligation. Il n'a pas été expliqué pourquoi, en cas de faillite, la quatrième chaîne de fabrication n'aurait pas la moindre valeur. Par ailleurs, pour le produit de la vente du terrain de la quatrième chaîne de fabrication, les autorités allemandes indiquent un montant de 1047000 marks allemands, montant qu'elles ramènent à 470000 marks allemands seulement en cas de faillite. La différence entre ces deux prix n'a pas fait l'objet de plus amples explications.

(80) En troisième lieu, la BvS s'est déclarée disposée dans le cadre de l'asset-deal 2 à fournir une subvention à l'investissement d'un montant de 1 million de marks allemands. Ce montant n'a pas été pris en considération dans la comparaison des deux solutions. Cette obligation augmenterait encore les frais supplémentaires de la BvS lors de l'entrée en vigueur de l'asset-deal 2. Par conséquent, dans l'hypothèse de l'abandon de la créance et de l'entrée en vigueur de l'asset-deal 2, les frais définitifs de la BvS s'élèveraient non pas à 1811000 marks allemands, comme le prétendent les autorités allemandes, mais à 2811000 marks allemands et seraient donc supérieurs aux frais de 2590000 marks allemands dans l'hypothèse de la faillite.

(81) Même si la réalisation de l'asset-deal 2 était subordonnée à l'abandon de la créance du prix d'achat, la Commission ne peut accepter l'analyse présentée par les autorités allemandes. En effet, comme on l'a vu plus haut, rien n'indique qu'en cas d'abandon de la créance et de réalisation de l'asset-deal 2, la BvS aurait eu à supporter des frais moindres que si elle avait insisté sur le paiement du prix d'achat intégral, ce qui aurait eu pour conséquence la non-exécution de l'asset-deal 2.

(82) TGI indique que l'abandon de créance par la BvS ne constitue pas une aide d'État, mais un ajustement du contrat de privatisation, car l'État libre de Thuringe a accordé moins de subventions à l'investissement que ce qui avait été convenu à propos de la privatisation des trois premières chaînes de fabrication. Mais comme la BvS et l'État libre de Thuringe sont des personnes morales différentes, la Commission ce peut en aucun cas accepter cet argument. Les droits que TGI pourrait éventuellement revendiquer vis-à-vis de l'État libre de Thuringe et de la BvS doivent être traités séparément les uns des autres.

(83) L'objectif de l'abandon par la BvS de la créance de 4 millions de marks allemands était donc d'assurer l'existence de l'entreprise, mais non de réduire la charge financière. De ce fait, la BvS ne s'est pas comportée comme un créancier privé et l'abandon de créance constitue une aide d'État qui doit être appréciée comme une aide ad hoc.

5.2.7. Prêt de la TAB d'un montant de 2 millions de marks allemands provenant du fonds de consolidation thuringien (février 1998)

(84) D'après les renseignements fournis par les autorités allemandes, ce prêt a été accordé sur le fonds de consolidation thuringien pour les entreprises en difficulté, un régime d'aide approuvé par la Commission(13). La Commission a nourri de sérieux doutes quant à la conformité du prêt au régime et a donc demandé des renseignements.

(85) Le prêt de la TAB n'est pas examiné dans le cadre de la présente procédure. En cas de besoin, il fera l'objet d'une procédure séparée.

5.3. Article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE

(86) La Commission doit apprécier l'abandon de créance comme une aide ad hoc. L'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité CE prévoit des dérogations à l'incompatibilité de principe des aides d'État en vertu de l'article 87, paragraphe 1.

(87) En l'espèce, les dérogations de l'article 87, paragraphe 2, du traité CE ne s'appliquent pas, car les aides en cause ne sont pas des aides à caractère social octroyées au consommateur individuel pas plus que des aides destinées à remédier aux dommages causés par des calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires, et il ne s'agit pas non plus d'aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne.

(88) L'article 87, paragraphe 3, points a) et c), du traité CE prévoit d'autres dérogations. Étant donné que l'objectif principal des aides n'est pas le développement régional, mais le rétablissement de la viabilité à long terme d'une l'entreprise en difficulté, seule est applicable la dérogation visée à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE, aux termes duquel peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. La Commission apprécie les aides d'État au sauvetage et à la restructuration sur la base des lignes directrices correspondantes qu'elle a publiées. Un premier examen a montré qu'en l'espèce aucun des autres encadrements communautaires, par exemple pour les aides à la recherche et au développement, les aides pour la protection de l'environnement, les aides aux petites et moyennes entreprises ou les aides à l'emploi et à la formation, n'était applicable.

(89) Étant donné que, d'après les renseignements, les aides ont été octroyées avant le 30 avril 2000, ce sont les lignes directrices de 1994 qui s'appliquent(14).

(90) D'après le point 2.1 des lignes directrices, la fragilité financière des entreprises qui reçoivent une aide pour leur restructuration est généralement imputable aux mauvais résultats enregistrés dans le passé et à leurs perspectives d'avenir assez sombres. Les signes habituels en sont la baisse de rentabilité ou le niveau croissant des pertes, la diminution du chiffre d'affaires, le gonflement des stocks, la surcapacité, la diminution de la marge brute d'autofinancement, l'endettement croissant, la progression des charges financières ainsi que la faible valeur de l'actif net.

(91) Lors de l'ouverture de la procédure, la Commission a nourri des doutes sur le fait que TGI soit une entreprise en difficulté à la date de l'octroi de l'aide. À partir des renseignements fournis par les autorités allemandes, elle parvient maintenant à la conclusion que l'entreprise était en difficulté à la date de l'octroi de l'aide. L'entreprise enregistrait constamment des pertes et ne dégageait pas une marge brute d'autofinancement suffisante pour réaliser les investissements nécessaires. De surcroît, ses fonds propres avaient considérablement diminué.

Retour à la viabilité

(92) La condition sine qua non de l'octroi d'aides à la restructuration est l'existence d'un plan de restructuration réaliste, cohérent et de grande envergure permettant de rétablir dans un délai raisonnable la viabilité à long terme de l'entreprise, sur la base d'hypothèses réalistes.

(93) Les autorités allemandes ont communiqué un plan de restructuration de l'entreprise pour la période de 1998 à 2000, y compris des prévisions de chiffre d'affaires et de résultat d'exploitation pour les exercices 1998 à 2000. La viabilité de l'entreprise devait être rétablie en 1999.

(94) Le plan de restructuration repose sur l'hypothèse qu'un nouvel investisseur ferait un apport de 3850000 marks allemands, ce qui devait permettre de couvrir une très large part des coûts d'investissement prévus dans le plan de restructuration.

(95) Toutefois, il ressort des renseignements fournis en dernier lieu par les autorités allemandes qu'aucun nouvel investisseur privé n'a pu être trouvé. Par conséquent, le financement des mesures de restructuration n'est pas garanti. En outre, la Commission n'est pas en possession d'un nouveau plan de restructuration tenant compte de cette circonstance.

(96) De surcroît, la viabilité devait être rétablie en 1999. Or cette année-là, l'entreprise a encore enregistré des pertes.

(97) La Commission en arrive donc à la conclusion que le plan de restructuration n'a pas permis de rétablir la viabilité de l'entreprise.

Prévention de distorsions de concurrence indues

(98) Le plan de restructuration doit prévoir des mesures pour atténuer autant que possible les conséquences défavorables pour les concurrents, sinon l'aide est contraire à l'intérêt commun et ne peut bénéficier d'une dérogation sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE.

(99) Lorsqu'une évaluation subjective de la situation de l'offre et de la demande montre qu'il existe une surcapacité structurelle sur le marché en cause de la Communauté européenne sur lequel le bénéficiaire de l'aide poursuit ses activités, le plan de restructuration doit contribuer, en proportion de l'aide reçue, à la restructuration du secteur desservant ce marché par une réduction ou une fermeture irréversibles des capacités.

(100) Les autorités allemandes déclarent que TGI ne va ni réduire ni accroître ses capacités de production à l'avenir.

(101) Dans ses observations relatives à l'ouverture de la procédure, un concurrent de TGI a indiqué qu'il existait des surcapacités structurelles sur certains marchés de produits sur lesquels TGI poursuit ses activités. Mais comme on l'a vu aux considérants 35 et 36, il ne semble pas, d'après les renseignements dont dispose la Commission, qu'il existe des surcapacités sur l'ensemble du marché.

Aide proportionnée aux coûts et avantages de la restructuration

(102) Le montant et l'intensité de l'aide doivent être limités au strict minimum nécessaire pour permettre la restructuration et doivent être en rapport avec les avantages escomptés du point de vue communautaire. Pour ces raisons, l'investisseur doit contribuer de manière importante au plan de restructuration sur ses propres ressources. Il faut en outre éviter que l'aide ne soit accordée sous une forme qui amène l'entreprise à disposer de liquidités excédentaires qu'elle pourrait consacrer à des activités agressives susceptibles de provoquer des distorsions sur le marché et qui ne seraient pas liées au processus de restructuration.

(103) Dans ses observations relatives à l'ouverture de la procédure, un concurrent de TGI a fait valoir que TGI vendait ses produits systématiquement au-dessous du prix du marché, voire au-dessous du prix de revient, et que TGI avait constamment bénéficié d'une résorption de ses pertes. Étant donné qu'aucun plan de restructuration réaliste n'a été présenté, la Commission ne peut exclure que l'entreprise ait consacré les fonds perçus à des activités ayant provoqué des distorsions sur le marché et qui n'étaient pas liées avec le processus de restructuration.

(104) Les autorités allemandes considèrent la renonciation du personnel aux primes de fin d'année en 1997 comme une contribution de l'investisseur. Or, même si cette renonciation peut être considérée comme une contribution importante du personnel à la restructuration de l'entreprise, elle ne peut être considérée comme une contribution de l'investisseur, puisqu'elle ne comporte aucun risque pour celui-ci.

(105) Par ailleurs, les autorités allemandes considèrent la diminution de la rémunération du gérant (qui est l'associé principal de l'entreprise) comme une contribution de l'investisseur. Mais cette mesure n'a pas été intégrée dans le plan de restructuration et ne peut donc être considérée comme une contribution de l'investisseur sur ses propres ressources.

(106) Les autorités allemandes considèrent également une marge brute d'autofinancement de 4175000 marks allemands comme une contribution de l'investisseur. La Commission ne peut accepter ce financement interne comme faisant partie de la contribution de l'investisseur, car il a été largement rendu possible par des mesures d'aide, directement ou indirectement. Bien que la marge brute d'autofinancement puisse réduire les besoins de financement pour la restructuration de l'entreprise, la Commission ne peut considérer qu'elle fait partie de la contribution de l'investisseur. Par ailleurs, l'Allemagne n'a pas indiqué à quel moment cette marge brute d'autofinancement avait été dégagée ou si elle restait à dégager.

(107) C'est pourquoi la Commission conclut qu'il n'existe aucune contribution de l'investisseur privé au sens des lignes directrices. En conséquence, le critère de la proportionnalité n'est pas satisfait.

Mise en oeuvre complète du plan de restructuration

(108) L'entreprise doit mettre en oeuvre intégralement le plan de restructuration. Le seul plan de restructuration que la Commission a en sa possession présente une insuffisance de financement, puisque aucun nouvel investisseur ne s'est manifesté. Mais comme la contribution de cet investisseur est indispensable à l'exécution du plan de restructuration, et notamment à la réalisation des investissements absolument nécessaires, la Commission doute que le plan soit mis en oeuvre.

VI. CONCLUSIONS

(109) La Commission établit que l'abandon de la créance de 4 millions de marks allemands dont l'entreprise TGI a bénéficié en 1998 constitue une aide d'État. Par ailleurs, l'Allemagne a octroyé l'aide illégalement, en infraction aux dispositions de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE. La mesure ne répond pas aux critères définis dans les lignes directrices et n'est donc pas compatible avec le marché commun en vertu de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE. Le plan de restructuration ne repose pas sur des hypothèses réalistes pour le rétablissement de la viabilité de l'entreprise et le critère de proportionnalité de l'aide n'est pas satisfait. C'est pourquoi la Commission invite l'Allemagne à exiger du bénéficiaire la restitution de l'aide.

(110) En outre, la Commission établit que la novation des garanties et le report du remboursement de 1800000 marks allemands sur le prix d'achat dans le cadre de l'asset-deal 1, ainsi que le prêt de la TAB d'un montant de 2 millions de marks allemands en faveur de TGI, feront l'objet d'une procédure séparée,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L'aide d'État octroyée par l'Allemagne en faveur de la société Technische Glaswerke Ilmenau GmbH sous forme d'abandon d'une créance de 4 millions de marks allemands sur le prix d'achat dans le cadre de l'asset-deal 1 conclu le 26 septembre 1994 est incompatible avec le marché commun.

Article 2

1. L'Allemagne prend toutes les mesures qui s'imposent pour obtenir du bénéficiaire le remboursement de l'aide visée à l'article 1er qui a été octroyée illégalement.

2. Le remboursement de l'aide intervient immédiatement selon les procédures allemandes, pour autant que celles-ci permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision. L'aide à rembourser comprend les intérêts de la date à laquelle le bénéficiaire a eu l'aide illégale à sa disposition jusqu'à la date de son remboursement effectif. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention des aides à finalité régionale.

Article 3

L'Allemagne informe la Commission dans les deux mois suivant la communication de la présente décision des mesures qu'elle a prises pour respecter celle-ci.

Article 4

La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 12 juin 2001.

Par la Commission

Mario Monti

Membre de la Commission

(1) JO C 217 du 29.7.2000, p. 10.

(2) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(3) Voir note 1 de bas de page.

(4) Panorama de l'industrie européenne 1997, Vol. 1, chapitre 9 et le rapport du comité permanent de l'industrie du verre dans la CEE (CPIV) de 1998 ainsi que le rapport annuel 1999 du Bundesverband Glasindustrie und Mineralfaserindustrie.

(5) JO C 368 du 23.12.1994, p. 12.

(6) JO C 213 du 23.7.1996, p. 4.

(7) Régime de la THA E 15/92 SG(92) D/17613 du 8 décembre 1992.

(8) Régime de la THA N 768/94 SG(95) D/1062 du 1er février 1995.

(9) N 562/c/94, SG(94) D/17293 du 1er décembre 1994.

(10) Vingt-troisième plan-cadre de la tâche d'intérêt commun "amélioration de la structure économique régionale". Les mesures accordées dans le cadre de ce régime sont considérées comme des aides à l'investissement à finalité régionale en vertu de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE et ont été approuvées par la Commission en vertu de la dérogation énoncée à l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE [N 157/94, SG(94) D/11038 du 1er août 1994].

(11) Loi sur les primes fiscales à l'investissement [N 494/A/95, SG(95), D/17154 du 27 décembre 1995). Les mesures accordées en vertu de cette loi sont considérées comme des aides à l'investissement à finalité régionale en vertu de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE et ont été approuvées par la Commission en vertu de la dérogation énoncée à l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE.

(12) Par exemple, arrêt du 29 avril 1999 dans l'affaire C-342/96 (Espagne/Commission), point 41, Recueil 1999, p. I-2459.

(13) NN 74/95, SG(96) D/1946 du 6 février 1996.

(14) Le point 7.5 des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (communication aux États membres avec proposition de mesures utiles) de 1999, énonce ceci: "La Commission examinera [...] de toute aide destinée au sauvetage et à la restructuration qui est octroyée sans l'autorisation de la Commission [...] sur la base des lignes directrices en vigueur au moment de l'octroi de l'aide [...]" (JO C 288 du 9.10.1999, p. 2).