32000Y0419(01)

Rapport spécial nº 4/2000 relatif aux actions de réhabilitation en faveur des États ACP en tant qu'instrument de préparation à l'aide au développement normale, accompagné des réponses de la Commission

Journal officiel n° C 113 du 19/04/2000 p. 0001 - 0032


Rapport spécial no 4/2000

relatif aux actions de réhabilitation en faveur des États ACP en tant qu'instrument de préparation à l'aide au développement normale, accompagné des réponses de la Commission

(présenté en vertu de l'article 248, paragraphe 4, deuxième alinéa, du traité CE)

(2000/C 113/01)

TABLE DES MATIÈRES

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Synthèse

En 1993, un concept a été élaboré pour la réhabilitation de pays ayant connu des situations de guerre ou de catastrophe naturelle. La réhabilitation devrait former le lien entre aide humanitaire et aide au développement à long terme. Ce dispositif, conçu pour être temporaire, est devenu quasi permanent, les actions prenant beaucoup plus de temps que prévu. Au début de 1998, les décisions prises dans le cadre des différents programmes financés par le Fonds européen de développement et le budget représentaient 1065 Mio ECU. Les paiements atteignaient seulement 486 Mio ECU, ce qui traduit une mise en oeuvre lente.

Même si les actions de réhabilitation ont abouti à certaines réalisations concrètes, l'incidence globale et l'incidence au niveau des pays bénéficiaires ne sont pas connues, soit parce qu'aucune information complète n'était disponible sur la teneur des réalisations, soit parce que les objectifs assignés aux actions étaient souvent imprécis.

En règle générale, la programmation et la planification ne reposaient pas sur un examen approfondi des besoins et des possibilités d'actions de réhabilitation. Dans un certain nombre de pays, ces dernières ont été lancées alors que les conditions d'une stabilité relative n'étaient pas encore réunies. En conséquence, le développement durable des actions n'était pas assuré. Dans de nombreux cas, elles n'étaient que la poursuite d'actions d'aide humanitaire existantes et, même si l'on peut leur reconnaître une certaine valeur, il n'est pas toujours facile de voir en quoi ces actions de réhabilitation se distinguent de l'aide humanitaire.

Pour l'essentiel, la coordination de programmes et d'actions de réhabilitation avec d'autres donateurs (États membres et Nations unies) s'est limitée à l'échange d'informations. Si le contenu de cette activité échappe dans une certaine mesure au contrôle de la Commission, cette dernière aurait dû en revanche assurer une coordination plus rigoureuse de ses propres services.

Les activités de suivi et d'établissement de rapports ont été insuffisantes. Au cours de la mise en oeuvre d'une action, il était presque impossible de suivre les progrès réalisés à partir des rapports sur les activités et les dépenses. Il était donc extrêmement difficile pour les délégations de prendre une part active au processus. Cette situation a été aggravée par le fait que les délégations ne disposaient pas d'effectifs suffisants pour faire face à la charge de travail supplémentaire constituée par les actions de réhabilitation.

En dépit du caractère limité des informations disponibles, la Commission devrait évaluer de manière approfondie l'expérience acquise concernant l'instrument de réhabilitation, afin de décider s'il convient de poursuivre les programmes de réhabilitation et sous quelle forme.

Introduction

Historique

1. En 1993, à la suite des conflits en Éthiopie, en Érythrée, au Mozambique, en Angola et en Somalie, un instrument spécial a été créé pour contribuer à la réhabilitation de ces pays. Par la suite, d'autres pays ont été intégrés au programme (voir point 16).

2. La réhabilitation dans le contexte de l'aide au développement a été définie comme étant la phase intermédiaire entre une situation de catastrophe ou d'urgence et une situation stable dans laquelle des activités de développement à long terme normalement programmées peuvent être mises en oeuvre. Selon la Commission, un programme de réhabilitation est "le lien entre les aides à caractère humanitaire et la reprise des programmes d'appui au développement à long terme, pour ceux des pays en développement qui émergent d'une situation de crise ou de guerre ou dont l'économie a été gravement affectée par d'autres facteurs"(1).

3. L'Union européenne avait déjà réalisé, avant 1993, des programmes de réhabilitation s'inscrivant dans le cadre de la convention de Lomé, mais ce n'est qu'en 1993 que la notion de réhabilitation a été inscrite dans un cadre spécifique et qu'en 1994 que des dotations particulières ont également été prévues dans le budget général. Le nouveau concept a été mis en place sous l'appellation d'"Initiative spéciale pour l'Afrique (ISA)"(2).

4. Le programme a démarré le 25 mai 1993, date des conclusions du Conseil, et il se poursuit. Dans une résolution du 4 novembre 1993(3), le Parlement européen a globalement approuvé la communication présentée par la Commission. À la fin du mois de décembre 1998, les décisions relatives à l'ensemble des programmes ISA représentaient 1065 Mio ECU [Fonds européen de développement (FED) et budget]. À cette date, les paiements ne s'élevaient qu'à 486 Mio ECU, ce qui traduit un avancement très lent par rapport à la mise en oeuvre rapide qui était escomptée. La situation financière est résumée aux tableaux I et II.

Tableau I

Décisions et paiements relatifs au FED et budget par pays

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Tableau II

Décisions et paiements relatifs au FED et budget de la période 1993 - 1998

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L'audit de la Cour

5. L'audit a été réalisé dans le but d'examiner, de vérifier et d'apprécier:

a) s'il existe une politique claire formant un lien logique entre l'aide humanitaire et l'aide au développement, et si l'utilisation de différents instruments de financement de l'Union européenne est aussi cohérente;

b) si l'identification des pays et des actions éligibles est justifiée et coordonnée avec les autres donateurs, en particulier avec les États membres de l'Union européenne;

c) si les procédures et systèmes mis en place par la Commission pour garantir un suivi systématique et permanent sont efficaces et transparents;

d) si les actions ont été mises en oeuvre dans un laps de temps limité et s'il en a été rendu compte de manière transparente;

e) si les résultats sont durables et s'ils contribuent à améliorer la situation de l'économie et des institutions locales, ainsi que la stabilité politique et sociale, permettant par là même la mise en oeuvre de l'aide au développement classique.

6. L'audit a été effectué au niveau des services centraux à Bruxelles et dans un certain nombre de pays (Éthiopie, Érythrée, Mozambique, Madagascar, Zaïre et Haïti). Au départ, la Cour a centré son examen sur les actions financées par le Fonds européen de développement. Lorsqu'il est apparu clairement que, pour un certain nombre de pays ACP, une part importante des actions de réhabilitation était financée par le budget, ces actions ont également été incluses dans l'audit.

Le cadre

Le concept

7. Le concept de réhabilitation défini dans la communication de la Commission a été développé plus avant par le Parlement européen dans une résolution du 4 novembre 1993. Dans ses conclusions du 2 décembre 1993, le Conseil a approuvé la poursuite du programme de réhabilitation. Cependant, la Commission n'avait pas établi de synthèse en vue d'inscrire la réhabilitation dans un cadre conceptuel clair.

8. Après quelques années d'expérience concernant le programme de réhabilitation, la Commission a produit un document sur les liens entre l'aide d'urgence, la réhabilitation et le développement (LRRD) formant la pierre angulaire du concept(4). Dans ce document, approuvé par la conclusion du Conseil du 28 mai 1996, la Commission formulait des propositions et des recommandations sur la façon de renforcer ces liens. Il était recommandé de réaliser un exercice pilote, avec les États membres intéressés, en vue de préparer des cadres globaux de politique pour un certain nombre de pays et de régions particulièrement exposés aux risques de tensions politiques et économiques ou aux catastrophes naturelles. Des task-forces devaient être créées à la fois au niveau central, au sein des services de la Commission, et localement, dans les pays concernés, pour les pays/régions choisis pour la phase pilote. À cet effet, l'Angola, le Liberia, Haïti, la Somalie et la régions des Grands Lacs ont été retenus.

9. À ce jour, le résultat réel de ces efforts est difficilement perceptible. En particulier, le lien entre l'aide d'urgence déjà mise en oeuvre par l'Office humanitaire de la Communauté européenne (ECHO) et la réhabilitation dans le cadre de l'ISA aurait naturellement dû être établi, mais l'audit n'a permis de relever que trois projets seulement en Somalie et quelques-uns en Haïti qui ont été lancés par ECHO et repris dans le cadre de l'ISA. Même s'il est évident que certaines task-forces ont été actives, la Commission n'a toujours pas présenté de description/documentation complète sur les résultats.

Le cadre juridique

10. Comme la Cour l'a déjà signalé dans son rapport spécial sur l'aide humanitaire(5), en relation avec le règlement (CE) n° 1257/96 du 20 juin 1996 dans ce domaine(6), aucun règlement global applicable à l'aide humanitaire ou à la réhabilitation n'a encore été arrêté. Les décisions et les procédures sont déterminées par l'origine des ressources financières et par l'organisation interne de la Commission, et non par la nature des actions.

11. Sur la base des deux documents établis par la Commission et le Conseil en mai 1993 (voir point 3), des actions gérées dans le cadre de la convention de Lomé ont été financées par le FED, mais sans qu'aucun principe directeur spécifique ait été défini concernant la réhabilitation. Au départ, les actions financées par le budget ont été couvertes par des règlements existants qui ne traitaient pas expressément de problèmes de réhabilitation. Beaucoup plus tard, le règlement (CE) n° 2258/96 du Conseil, du 22 novembre 1996(7), a été adopté pour mettre en oeuvre, à partir du budget général, des actions de réhabilitation et de reconstruction en faveur des pays en développement. En conséquence, il a été fait appel à une diversité de sources de financement, ayant chacune ses règles particulières de gestion et d'exécution, si bien qu'aucune approche cohérente n'a pu être assurée à l'intérieur du budget ou entre le budget général et le FED (voir points 42 - 46).

Les ressources financières

12. Dans ses conclusions du 25 mai 1993, le Conseil indiquait, concernant les ressources financières, qu'un minimum de 100 Mio ECU devrait être fourni immédiatement à partir des ressources FED existantes. Ce montant de 100 Mio ECU a ensuite été déclaré disponible sur les ressources du FED au cours d'une phase de programmation initiale avec les organisations non gouvernementales (ONG) (voir point 31). Les propositions présentées par les ONG à cette époque dépassaient largement 100 Mio ECU. Cependant, la plupart des projets qui n'ont pu être intégrés dans cette première tranche ont été financés au cours d'une phase ultérieure au moyen de fonds provenant de sources existantes (FED ou budget général). Après cinq ans, le total des engagements (FED et budget) était légèrement supérieur à 1000 Mio ECU.

13. À l'origine, les États membres étaient censés mettre des fonds spécifiques à la disposition du programme, mais cela n'a jamais été fait. Dans certains pays concernés par l'ISA, les États membres ont exécuté leurs propres programmes bilatéraux de réhabilitation. Cette situation rend plus complexe encore la coordination, la programmation et l'exécution globales et cohérentes des programmes.

14. Parallèlement à sa décision de 1993 sur les 100 Mio ECU mis à disposition à l'origine, le Conseil concluait également que la Commission devrait évaluer sans délai les ressources nécessaires. Cependant, aucune évaluation de ce type n'a été réalisée. Néanmoins, des fonds supplémentaires ont été mis à disposition, et les montants ainsi atteints ne pouvaient être absorbés rapidement. En Angola et au Mozambique, en particulier, de nombreux programmes et projets ont fait l'objet de décisions et de contrats leur attribuant des budgets beaucoup plus élevés que nécessaire pour les actions prévues, soit parce que la mise en oeuvre effective de certaines d'entre elles s'est heurtée à des problèmes, soit en raison d'estimations de coûts insuffisantes. Les partenaires chargés de la mise en oeuvre ont eu fortement tendance à suggérer des extensions et, dans certains cas, au lieu de clore les programmes et les projets, de nouvelles activités ont été financées au moyen des fonds restants.

15. Pour la plupart des pays, les fonds déjà mis à disposition par le FED étaient relativement abondants pour permettre des actions de réhabilitation dans le cadre de l'ISA. Cependant, la Commission a continué d'affecter des fonds provenant du budget général sans d'abord analyser si les fonds du FED pouvaient être utilisés (voir tableau III). C'est ainsi que dans le programme indicatif national pour l'Érythrée, 20 % des fonds, soit 7 Mio ECU du FED, devaient être affectés à des objectifs de réhabilitation. Dans la pratique, ces fonds n'ont absolument pas été utilisés pour la réhabilitation, mais quelque 12 Mio ECU supplémentaires ont été attribués à partir du budget.

Tableau III

Ajout de crédits budgétaires malgré l'existence de fonds PIN restants

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Programmation globale

Éligibilité

16. Dans une annexe à la proposition de la Commission(8), dix pays étaient présentés comme susceptibles, en mai 1993, d'être ou de devenir éligibles au programme (Somalie, Éthiopie, Érythrée, Mozambique, Angola, Rwanda, Zaïre, Liberia, Haïti et Soudan). Les cinq premiers de ces pays ont été inclus dans la première partie du programme, tandis que les quatre suivants ont été intégrés plus tard. À ce jour, le Soudan n'a pas encore fait l'objet d'un programme. De plus, Madagascar a été intégré en 1994, après avoir été gravement touché par une tornade, tandis que l'Ouganda, le Burundi, le Malawi et la Tanzanie (réfugiés de la région des Grands Lacs), la Sierra Leone et la Namibie ont été successivement ajoutés au programme.

17. Pour chacun des dix pays figurant dans l'annexe, une synthèse de la situation était présentée, la Commission donnant les informations essentielles à prendre en considération pour décider de l'éligibilité des pays concernés.

Critères

18. La Commission a fixé les conditions suivantes à l'éligibilité d'un pays à l'aide offerte dans le cadre de l'ISA:

a) demande formulée par les autorités;

b) situation de sinistre économique ou de détérioration grave des infrastructures de base;

c) arrêt des hostilités ou des troubles;

d) volonté des autorités d'engager un processus de transition économique et sociale respectueux des valeurs démocratiques et des droits de l'homme, et de s'orienter vers un programme de réforme structurelle.

De plus, selon la proposition, les pays bénéficiant d'un appui à l'ajustement structurel ne sont pas éligibles à l'initiative, parce que cela montre qu'ils ont déjà franchi avec succès la phase de réhabilitation.

19. Si tous les pays répondaient bien au critère de "sinistre économique", nombre d'entre eux ne satisfaisaient pas à un ou à plusieurs autres critères. Certains pays connaissaient encore une situation d'urgence. Mettre en oeuvre des programmes de réhabilitation dans ces conditions fait forcément courir le risque de retards importants et même d'échec.

Somalie

20. En ce qui concerne la Somalie, l'accord intervenu à Addis-Abeba en mars 1993 entre les principales factions aurait dû ouvrir la voie à un règlement politique. L'initiative pour la réhabilitation a été mise en oeuvre immédiatement et s'est poursuivie de manière ininterrompue depuis 1993, même si, après six ans, le règlement politique n'est toujours pas intervenu. Cependant, les problèmes de sécurité ont rendu les opérations difficiles, et aucune activité (à l'exception des opérations d'urgence) n'a été possible dans la région de Muqdisho. L'absence de gouvernement reconnu dans plusieurs régions contrôlées par des clans compromet la transparence et le respect de l'obligation de rendre compte tout en jetant un doute sur le développement durable des actions entreprises. Fin 1998, les engagements effectués pour la Somalie dans le cadre de l'ISA représentaient 95 Mio ECU.

21. En raison des incidents qui se sont produits dans la région de Middle Shebell en Somalie en novembre 1997, la décision a été prise d'exclure cette région de l'éligibilité aux activités de réhabilitation. Des populations expatriées ont quitté cette zone et tous les investissements dans les infrastructures et l'approvisionnement ont cessé (les paiements effectués à cet égard représentaient déjà 440000 ECU). Dans le domaine de la santé, cinq projets ont connu des interruptions temporaires au cours de la période allant de juin 1994 à mars 1998. L'un des projets a été achevé et l'ONG est définitivement partie parce que le "ministère" régional ne coopérait pas comme prévu (paiements effectués: 322000 ECU). Dans les quatre autres cas, l'interruption a été utilisée "comme une tactique de négociation avec la Somalie et de renforcement de la position des organismes extérieurs dans la négociation"(9).

Angola

22. En 1993, la reprise des négociations permettait d'espérer un retour à la paix, mais l'environnement est resté en permanence impropre à la réhabilitation en Angola, et il est encore loin d'être satisfaisant. Tous les programmes, les anciens comme les nouveaux, mis en oeuvre dans le cadre de l'ISA (soit quelque 150 Mio ECU) ont souffert d'interruptions et de retards conséquents. Plutôt que de s'engager dans l'ISA, l'aide humanitaire aurait dû être maintenue.

République démocratique du Congo (ancien Zaïre)

23. En ce qui concerne la République démocratique du Congo, la Commission indiquait que l'administration était paralysée depuis 1990 et que le pays était totalement délabré. La note d'information(10) conclut ainsi: "Une action de réhabilitation nécessiterait cependant que plusieurs conditions préalables soient remplies, et qu'il existe notamment un compromis politique entre le président et l'opposition permettant la poursuite du processus de démocratisation et le lancement d'un programme d'urgence de redressement économique".

24. Malgré cela, la Commission a décidé d'entreprendre en faveur du Congo des actions comportant des engagements d'un montant supérieur à 200 Mio ECU. L'environnement, que la Cour a pu apprécier dans le cadre de son contrôle sur place en octobre 1996, n'était absolument pas favorable à une ISA à cette époque. À la fin de 1996, il a fallu mettre fin à toutes les activités dans l'est du Congo en raison de problèmes de sécurité. De même, un grand programme, commencé en 1996, a dû être abandonné à la fin de cette même année, alors que l'intégralité du budget couvrant l'assistance technique (9 Mio ECU) avait été utilisée sans que la préparation eût été achevée.

25. Juste après l'accession au pouvoir du président Kabila, la Commission a relancé les programmes existants alors que la plus grande incertitude pesait sur leurs possibilités de développement durable ou sur leur rapport coût/efficacité.

26. Un nouveau programme (30 Mio ECU) consistait à soutenir les élections organisées au Congo après le changement de pouvoir. Lorsque la proposition a été présentée au comité du FED en mars 1997, plusieurs représentants d'États membres ont exprimé des doutes quant à la situation concernant le processus de démocratisation. Dans le même temps, la Commission affirmait la nécessité de pouvoir utiliser ces fonds dès que cela était nécessaire. Étant donné que la guerre se poursuit encore maintenant, il est peu probable que des élections puissent être organisées à brève échéance. La pertinence et l'urgence du programme proposé à l'époque de la réunion du comité FED peuvent être mises en doute. La Commission a pris conscience de ces problèmes plus tard et le programme a été clôturé en août 1999.

Rwanda/Liberia

27. S'agissant du Rwanda, auquel ont été affectés 153 Mio ECU, les conditions pour la réhabilitation n'étaient pas réunies, car la sécurité minimale n'était pas assurée et aucune administration capable de mettre en oeuvre les actions n'était en place.

28. Malgré la situation difficile au Liberia, les actions entreprises par la Commission depuis 1994 ont été plutôt couronnées de succès. Cela est dû en partie aux mesures organisationnelles très particulières prises au niveau central et au Liberia pour élaborer et mettre en oeuvre les actions. La création d'un point central solide à Bruxelles et d'un autre au Liberia a permis de réagir rapidement à chaque étape du processus de paix. Le travail accompli dans le cas du Liberia est à juste titre considéré par la Commission comme une expérience pilote des programmes de réhabilitation.

Éthiopie

29. Pour ce qui concerne l'Éthiopie, un vaste programme de reconstruction soutenu par une multitude de donateurs avait été mis en oeuvre dès 1991 dans le cadre de l'aide d'urgence. Dans sa proposition, la Commission concluait que les besoins de l'Éthiopie en matière de réhabilitation et de reconstruction étaient donc déjà couverts par ce programme. En outre, l'Éthiopie est devenue éligible à l'aide à l'ajustement structurel en 1992. En dépit de cela, elle a reçu une aide de quelque 25 Mio ECU au titre de l'ISA.

Mozambique/Haïti

30. Le Mozambique n'aurait pas dû être éligible aux programmes de l'ISA (plus de 170 Mio ECU) puisqu'il a continué de bénéficier de l'aide à l'ajustement structurel. Haïti ne bénéficiait pas du soutien à l'ajustement structurel au départ, mais a commencé à le recevoir en 1995. Malgré cela, Haïti a continué de bénéficier du soutien de l'ISA depuis.

Considérations relatives au processus de programmation

31. Presque immédiatement après l'approbation de l'ISA par le Conseil (mi-juin 1993), la Commission a organisé une réunion avec des représentants des ONG européennes pour leur donner des informations sur l'initiative et les inviter à formuler leurs idées et leurs contributions pays par pays. À la suite de cela, au cours de la première moitié du mois de juillet, des réunions ont été organisées individuellement pour les cinq pays retenus au départ (Angola, Mozambique, Somalie, Éthiopie et Érythrée). Un nombre limité d'ONG (choisies par le comité de liaison ONG) a participé à ces réunions. Elles devaient indiquer les secteurs prioritaires, décrire la situation générale du pays et fixer un délai pour la présentation des propositions de projet. De plus, une note relative aux procédures a été élaborée. Cette note était comparable à un règlement donnant des orientation pour l'identification et la planification initiale des programmes dans les cinq pays. Elle restait muette sur la coordination avec les États membres, et ce malgré l'accent qui était placé sur ce point dans les conclusions du Conseil de mai 1993.

32. Dès lors que les ONG auraient préparé et transmis à la Commission les dossiers relatifs aux projets, la communauté des ONG devait désigner une ou deux d'entre elles par pays pour assumer sur place un rôle pivot pour les délégations communautaires, les gouvernements et les ONG. Cette coordination ne s'est jamais concrétisée comme cela était envisagé. Au Mozambique, la tâche de l'ONG "pivot" s'est limitée à rassembler des propositions pour un programme. En dehors de cela, l'ONG n'a pas eu d'autre rôle. S'agissant des autres pays que la Cour a étudiés, rien n'indique que des activités de coordination aient été assurées par une ONG, et aucun document ne souligne le rôle des ONG en matière de coordination.

33. En Érythrée, les ONG se sont plaintes de n'avoir pas eu assez de temps pour préparer leurs projets, parce que la Commission les pressait d'utiliser les fonds. À la fin de 1993, la délégation leur a demandé de transmettre des propositions de projet en moins d'une semaine.

34. Il aurait été utile que la Commission élabore, à l'attention du comité FED, un document décrivant le programme de réhabilitation global pour chaque pays. En réalité, de tels programmes globaux n'ont jamais été établis. Au lieu de cela, des programmes ou des projets ont été présentés selon les procédures normales, c'est-à-dire sous forme de propositions de financement individuelles ou de notes d'information pour les projets ne dépassant pas 2 Mio ECU.

35. Après la phase initiale décrite ci-dessus, des programmes et des projets ont été définis de manière plus ponctuelle pour les cinq premiers pays comme pour les suivants. Dans certains cas, l'Union européenne a contribué à un programme élaboré par l'Organisation des Nations unies (ONU) ou par la Banque mondiale. Dans d'autres cas, il n'y a pas eu d'actions coordonnées de ce type. Dans un cas, le pays lui-même avait présenté aux donateurs un programme de réhabilitation à l'échelle du pays (Érythrée). À l'origine, il était prévu que l'Union européenne participerait à ce programme, mais cette idée a été abandonnée. En Haïti, la phase finale de l'identification des actions est intervenue cinq mois après la signature de la convention de financement.

36. Au Mozambique, deux contrats avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ont été signés à une époque où le programme de l'ISA aurait en fait dû être terminé. Dans une large mesure, les actions ont été convenues et ont même démarré dans le cadre de contrats passés entre le HCR et un certain nombre d'ONG et d'autorités locales du Mozambique. Ces accords de sous-traitance n'ont pas été communiqués à la délégation, et la Commission a donc accepté des actions sans effectuer une évaluation adéquate. Il s'agissait dans tous les cas d'actions d'urgence qui, en tant que telles, n'étaient pas éligibles à l'aide dans le cadre de l'ISA. Le même problème concernant des accords de sous-traitance passés dans le cadre de contrats avec le HCR était déjà signalé dans le rapport spécial de la Cour relatif à la reconstruction en ex-Yougoslavie(11).

Coordination

Coordination des donateurs

37. La coordination étroite des actions financées par les donateurs revêt une importance cruciale. Sa nécessité était soulignée dans la proposition initiale de la Commission et dans les conclusions du Conseil. Il était indiqué que la coordination devait faire intervenir les autorités locales du pays, tous les donateurs (États membres, organes des Nations unies et autres), de même que les partenaires chargés de la mise en oeuvre (en particulier les ONG). Les services de la Commission ont déclaré qu'une coordination étroite avait été systématiquement assurée pour tous les pays soumis à l'audit, mais la Cour a éprouvé des difficultés à vérifier cette affirmation, en raison du manque de documentation et du caractère sporadique du suivi et des rapports sur la plupart des aspects du programme (voir également points 102 - 107 concernant le suivi).

38. En Somalie, un organisme somalien de coordination de l'aide (Somalia Aid Coordination Body) a été mis en place à Nairobi en 1994. Cet organisme a été longtemps présidé par la Commission. Cependant, l'intérêt du donateur a fléchi depuis, du fait que tous les donateurs agissent par l'intermédiaire d'organismes chargés de la mise en oeuvre qui appliquent leurs propres méthodes opérationnelles.

39. Même en ce qui concerne les pays "pilotes" pour la coordination de l'UE(12), où la Commission a été chargée de coordonner ses propres activités et celles des États membres, la documentation fait défaut. Dans l'un des pays en question (Mozambique), les États membres se sont d'ailleurs plaints de ce que la coordination n'avait guère été efficace. La Cour a également déjà formulé des observations sur le manque de coordination avec les États membres dans son rapport spécial n° 2/97 relatif à l'aide humanitaire.

40. Les activités de coordination ont surtout visé à échanger des informations. Il n'y a jamais eu de véritable coordination telle que des opérations, des procédures, des évaluations, des contrôles et un suivi communs. Dans ces conditions, il n'était pas possible d'apprécier l'incidence de l'ensemble des actions soutenues par la communauté des donateurs dans aucun des pays concernés par l'ISA.

41. Dans certains de ces pays, le HCR a été le chef de file au cours de la phase d'urgence et a continué de jouer un rôle prédominant pendant quelque temps ensuite, coordonnant et levant les fonds destinés aux activités de réhabilitation. Cette coordination comportait la mise en place de fonds communs de placement auxquels les autres donateurs apportaient leur contribution, en transférant au HCR les activités relatives à la mise en oeuvre et à l'établissement de rapports. La politique de la Commission ne consiste pas à transférer ses responsabilités financières à d'autres instances, pour quelque raison que ce soit. La Communauté ne participe jamais à un instrument de fonds commun de placement. Cette absence de mesures de coordination n'est pas justifiée.

Coordination au sein de la Commission

42. Dans la pratique et pour la majorité des pays et des programmes, la séparation des responsabilités de programmation, d'exécution et de suivi au sein des services centraux a été opérée en fonction de l'origine des fonds (budget ou FED). De même, s'agissant de lignes distinctes du budget général (par exemple cofinancement et réhabilitation), les responsabilités ont été réparties en fonction de l'attribution des compétences budgétaires au sein de l'organisation. Même s'il y a eu échange d'informations entre les différents services, une coordination plus poussée eût été justifiée. Les délégations elles-mêmes manquent parfois d'informations sur certaines activités financées, par exemple, dans le cadre d'un cofinancement, les services centraux ne leur ayant délégué aucune responsabilité de gestion à cet égard.

43. En Haïti, une unité de gestion technique a été créée pour les projets FED. Aucun assistant technique n'était prévu sur la ligne budgétaire correspondante en 1995 et en 1996 (montant des engagements pour ces exercices: 12,8 Mio ECU). Étant donné que le contrôle sur place de ces projets était insuffisant, le chef de l'unité a également essayé, dans la mesure du possible, de suivre certains d'entre eux. En 1997, une unité technique a été mise en place, qui couvre également les dépenses relevant du budget général.

44. Comme cela est indiqué dans une évaluation de la Commission relative à l'Angola(13), la DG VIII et ECHO agissent davantage comme des donateurs séparés que comme des unités complémentaires au sein de la même organisation.

45. Le problème de la coordination interne ou du manque de cohérence est décrit dans une évaluation financée par la Commission et concernant les actions de réhabilitation entreprises en vertu de l'article 255 de la convention de Lomé (aide aux réfugiés)(14). Comme l'indique ce rapport d'évaluation: "Il n'y a pas de raison que la réhabilitation soit traitée séparément par différents services de la CE. La situation actuelle est due au chevauchement des objectifs de la stratégie de sécurité alimentaire, de certains projets ECHO, de lignes du budget communautaire et de l'article 255. C'est en partie parce que les partenaires sont souvent les mêmes que les discussions politiques sur les décisions concernant l'article 255 sont analogues à celles relatives à d'autres instruments de financement".

46. Le tableau suivant montre les instruments financiers utilisés pour les activités de l'ISA depuis 1993 et met en relief le problème de la coordination des responsabilités des différents départements/services de la Commission.

Le manque de coordination au sein des services de la Commission a déjà fait l'objet d'observations dans un rapport spécial de la Cour relatif à l'aide humanitaire en général et plus particulièrement pour l'Angola(15). À la fin de 1998, les responsabilités au sein du service commun pour les relations extérieures (SCR), nouvellement créé, manquaient encore de clarté.

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Ressources humaines

47. Dans sa résolution du 4 novembre 1993, le Parlement européen exprimait des doutes quant à la capacité de la Commission de gérer des programmes aussi vastes, dans un si grand nombre de pays, sans personnel supplémentaire et dans des délais très courts. C'est pourquoi il soulignait la nécessité de faire appel à du personnel supplémentaire et à de nouvelles compétences techniques pour permettre la coordination adéquate des politiques et garantir le caractère durable des actions. En réalité, aucun agent permanent supplémentaire n'a été affecté ni même demandé par les services de la Commission. Le besoin de ressources humaines supplémentaires pour l'ISA a été satisfait par le biais de la création d'unités de soutien technique formées d'assistants techniques. Ces unités ont souvent réalisé un bon travail, mais l'expansion et la complexité du programme auraient justifié de tenir en réserve (même temporairement) des ressources spécifiques au sein des services de la Commission, afin de garantir la cohérence et la coordination de la programmation, du suivi, de l'évaluation et de l'établissement des rapports. Le manque de ressources humaines, en particulier sur le terrain, a déjà fait l'objet d'observations de la Cour, par exemple dans son rapport annuel relatif à l'exercice 1997(16).

48. Au sein de la délégation au Mozambique, la situation était particulièrement mauvaise, car les vacances d'emploi et le manque général de ressources ne lui permettaient pas de gérer le volume des fonds et le nombre de projets prévus. De plus, l'administration de cette délégation était généralement déficiente. La répartition des responsabilités n'était pas clairement établie et a été souvent remaniée de manière préjudiciable à la cohérence et à la continuité des activités. C'est pourquoi il s'est avéré pratiquement impossible de trouver des documents et de rendre compte correctement des actions mises en oeuvre.

Information de l'autorité budgétaire

49. Les informations disponibles sur la façon dont le Conseil a été tenu au courant des progrès réalisés sont rares, tant pour ce qui concerne les actions financées par le FED que celles financées par le budget. S'agissant de ces dernières, le règlement (CE) n° 2258/96 prévoit l'élaboration de rapports annuels. Un seul rapport a été présenté en 1997.

50. Il ne s'agit cependant pas là d'un rapport d'évaluation tel que le prévoit l'article 9 du règlement. En effet, il se borne à donner une description et la liste des actions entreprises pour chaque pays l'année précédente et mentionne brièvement les actions proposées pour l'année suivante. Il n'est pas fait état de l'expérience acquise, des enseignements tirés du passé ou des problèmes rencontrés, que ce soit à partir des quelques évaluations réalisées pour des projets individuels ou du suivi assuré par la Commission elle-même. En dehors de ce rapport, la Commission a dressé une liste récapitulative de toutes les décisions et de tous les paiements relevant du FED et des lignes budgétaires consacrées à la réhabilitation. Mais cette liste ne couvre pas toutes les activités de réhabilitation de l'ISA. En revanche, elle contient des actions relevant purement de l'aide alimentaire. La finalité opérationnelle de ces listes reste peu claire.

51. Dans sa résolution de novembre 1993, le Parlement invitait la Commission à lui soumettre, pour chaque pays bénéficiaire de l'aide à la réhabilitation, un rapport sur la réalisation des actions comportant une évaluation des résultats atteints. Cela n'a pas été fait de manière systématique. Le rapport requis aurait dû être présenté avant que le programme ne soit élargi.

52. L'évaluation des résultats qui était demandée ne pouvait être réalisée sans disposer d'informations résultant d'un suivi attentif. Mais les activités de suivi ont été assurées presque exclusivement par des assistants techniques ou par les agences chargées de la mise en oeuvre elles-mêmes.

53. La Commission devrait contrôler les activités de suivi et documenter ce qui a été réalisé au niveau de la délégation, tout en tenant les services centraux informés. Le suivi qui relève de la Commission est essentiel si l'on considère en particulier les déficiences et la qualité souvent médiocre du "suivi du premier niveau" assuré par les agents chargés de la mise en oeuvre (comme cela ressort des rapports financiers et des rapports sur les progrès accomplis). Cependant, pour la plupart des pays examinés, aucune documentation n'était disponible sur le suivi assuré par les agents de la Commission, de nombreux projets n'ayant pas du tout été examinés sur place par ces derniers. Malheureusement, aucune trace documentaire de la vérification ou d'un quelconque examen des rapports de suivi établis par ces agents n'a été trouvée. Cela signifie que, en général, les services de la Commission n'étaient pas régulièrement informés du déroulement des programmes mis en oeuvre dans le cadre de l'ISA. Il faut convenir que dans certains cas tels que la Somalie, l'Angola et le Congo, bien souvent les rapports n'avaient pas été établis parce que les problèmes de sécurité rendaient difficile, voire impossible, la réalisation de contrôles sur place.

Mise en oeuvre des actions

Introduction

54. Selon la communication de la Commission au Conseil, les programmes devraient être rapidement mis en oeuvre et être achevés dans un délai maximal de deux ans. Ils devraient être axés sur la remise en état rapide des infrastructures de base sans nouvel investissement. En réalité, les programmes n'ont été que très rarement réalisés en moins de deux ans et, bien souvent, il aura fallu quatre ans ou plus. Cette lenteur s'explique par le fait que la planification des programmes et des projets n'a pas été correctement effectuée, du moins au départ (voir points 55 - 63).

Programmation et établissement du budget

55. La majorité des projets ISA avait été élaborée et proposée par des ONG qui étaient intéressées à participer aux programmes de réhabilitation dans les différents pays. La relative abondance des fonds disponibles et la promotion du nouveau concept ont, dès le départ, suscité la présentation de centaines de propositions pour les cinq pays éligibles à cette époque.

56. Les propositions de projets étaient examinées par la Commission, en particulier par les délégations dans les pays concernés. Ces dernières discutaient des activités proposées par les ONG, de leur localisation et des budgets correspondants avec les autorités locales. Mais, en raison de ressources humaines insuffisantes, la plupart des délégations et des gouvernements n'étaient pas en mesure d'accomplir cet énorme travail de manière appropriée. De plus, il a souvent fallu beaucoup de temps pour recruter et mettre en place l'assistance technique chargée d'évaluer et de suivre les programmes.

57. Entre-temps, de fortes pressions politiques étaient exercées pour que les programmes démarrent, de nombreuses propositions de projets ayant de ce fait été acceptées plus ou moins telles qu'elles avaient été présentées par les ONG, sans évaluation critique suffisante. Bien souvent, les spécifications techniques et financières de ces projets n'étaient pas fondées sur des faits constatés sur place. C'est pourquoi, dans de nombreux cas, il a fallu apporter des modifications touchant à la nature des actions, à leur localisation, aux groupes cibles et aux budgets. Dans d'autres cas, les projets ont été interrompus de temps à autre, voire totalement arrêtés. Quelques projets n'ont même pas démarré du tout alors que les contrats avaient déjà été conclus.

58. Un projet de lutte contre la malaria en Érythrée comportait un budget de 125000 ECU pour les médicaments. Alors que le projet avait déjà démarré, on s'est aperçu que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait prévu suffisamment de médicaments dans son propre programme. Les dossiers ne contenaient aucune demande d'utilisation des 125000 ECU à d'autres fins, mais en fait quelque 80000 ECU ont servi à couvrir d'autres dépenses. Toujours en Érythrée, un autre projet visait la réinstallation de réfugiés. Après la signature du contrat (1,7 Mio ECU), il a été constaté que le territoire retenu pour la réinstallation était déjà occupé par d'autres populations. Or, des agents expatriés avaient déjà été recrutés et quelques véhicules et autre matériel achetés. Il a fallu mettre fin au projet alors que 287000 ECU avaient été dépensés. Une demande de remboursement d'une ONG doit encore être réglée. Au Congo, un projet d'infrastructure sociale comportait un élément important pour les actions rurales. Lorsqu'on s'est aperçu ensuite que la priorité devait être accordée aux produits chimiques permettant de purifier l'eau à Kinshasa, il ne restait aucun fonds pour les actions rurales.

59. En Angola, des sommes importantes ont été affectées à des projets d'ONG dont les objectifs n'étaient pas clairs. Les ONG disposaient de ce fait d'une autonomie considérable et des modifications ont été apportées ultérieurement sans justification conséquente de la part de la délégation ni réaménagement du budget. Un projet qui devait porter sur deux municipalités à été réduit à une seule en raison de problèmes de sécurité, et le nombre de bénéficiaires est passé de 23000 familles à 8000 familles. Bien que ces changements aient été communiqués à la délégation, le budget de 810000 ECU n'a pas été revu.

60. Au Mozambique, un montant de 1,95 Mio ECU a été affecté à la "Réinsertion de jeunes dans trois provinces" en août 1994. La convention de financement a été signée en juin 1995. Le projet visait à trouver des emplois pour de jeunes chômeurs. À ce jour, aucun engagement n'a été effectué. Finalement, le gouvernement considère que ce projet n'est plus pertinent, mais aucune proposition de réorientation du projet n'a été présentée. L'engagement devrait être annulé.

61. Même si beaucoup d'ONG ont accompli leurs tâches de manière satisfaisante, bon nombre d'entre elles ne possédaient pas les ressources ou l'expérience suffisantes dans les secteurs qui leur étaient confiés pour établir des propositions de projet adéquates ou pour recruter facilement la main-d'oeuvre requise, qu'il s'agisse d'expatriés ou d'experts locaux. De plus, elles étaient trop souvent orientées vers l'aide d'urgence et n'avaient guère d'expérience dans le domaine du développement. C'est pourquoi des projets de qualité médiocre ont été entrepris, à partir d'hypothèses erronées sur la participation de la population locale et sur la capacité de l'administration du pays à prendre ensuite le contrôle des opérations. Il est peu probable que le développement durable de tels projets puisse être assuré.

62. Dans d'autres cas, la programmation et l'instruction des dossiers ont été de bonne qualité. Il s'agissait souvent des projets les moins complexes, tels que l'équipement de points d'eaux en pompes manuelles, qui constituaient la suite ou le développement de projets déjà commencés/mis en oeuvre avant l'ISA, dans le cadre de programmes de réhabilitation existants et d'un cofinancement. L'évaluation à moyen terme pour Haïti décrivait la sélection d'actions comme étant "exemplaire".

63. En raison du recours à de nombreuses ONG, de la participation de plusieurs donateurs et du manque de véritable coordination dans tous les pays, le système de programmation et de localisation des projets était plutôt fragmenté et insuffisamment intégré. Cela a entraîné l'existence de structures de mise en oeuvre, de procédures d'achats et marchés et de systèmes d'établissement de rapports parallèles au niveau national. De plus, les projets étaient souvent trop dispersés pour avoir une incidence sur l'ensemble du pays.

Participation des bénéficiaires

64. La participation locale des bénéficiaires (populations) dans le processus de décision et dans la mise en oeuvre est une condition préalable pour la plupart des programmes d'aide. Pour que cette participation ait une chance d'être fructueuse et de connaître un développement durable, il faut lui accorder le temps nécessaire. Malheureusement, la pression exercée, tant par les donateurs et les États membres que par le pays bénéficiaire, pour que les fonds soient utilisés et que des résultats soient rapidement obtenus, a été si forte que ces aspects ont été souvent omis ou négligés. En Éthiopie et en Érythrée, les gouvernements et les autorités locales ont davantage participé aux processus de mise en oeuvre et de suivi. Les délégations ont parfois estimé que la participation du gouvernement exigeait trop de temps.

65. Le rôle généralement reconnu des ONG qui travaillent dans les pays en voie de développement consiste à faciliter la mise en oeuvre de projets. La mise en oeuvre proprement dite devrait être assurée, autant que possible, par les bénéficiaires eux-mêmes, le cas échéant avec l'aide d'experts locaux. Au lieu de cela, nombre d'ONG ont assuré la mise en oeuvre elles-mêmes en faisant largement appel à du personnel expatrié. Le transfert du savoir et le développement durable des actions sont de ce fait moins sûrs. Il en résulte également des tensions avec les autorités locales qui, normalement, préfèrent recourir au moins grand nombre d'expatriés possible. Ce problème illustre le conflit entre "mise en oeuvre rapide" et "développement durable des actions".

66. En Haïti, les bénéficiaires de certains projets agricoles ont été invités à participer à des projets dont ils ignoraient l'objectif final, les résultats escomptés, les modalités de gestion et les dispositions financières. La participation de la population au processus de décision et à la réception/l'évaluation des résultats n'a pas été établie et les propositions de projets des ONG sont trop souvent vagues à cet égard(17).

67. Quelles que soient les raisons, un suivi et une compréhension adéquates complétées par un soutien ou des mesures correctrices suffisantes doivent normalement compenser de telles déficiences et devraient être perçues comme faisant partie intégrante des efforts de remise en état du pays. C'est pourquoi toute participation locale devrait être considérée comme un facteur positif, à condition qu'elle soit transparente et que l'on puisse en rendre compte.

Développement durable

68. Dès le lancement d'un projet, la participation des autorités locales devrait comprendre un accord prévoyant le transfert des structures et de la responsabilité du fonctionnement des écoles, des cliniques, etc., auxdites autorités. Cette responsabilité devrait être précisée dans toutes les conventions de financement et, le cas échéant, dans tous les contrats. Trop souvent, des certificats de transfert n'avaient pas été délivrés et la poursuite du financement des infrastructures n'était pas clairement déterminée à l'achèvement des projets. Au Mozambique, par exemple, le ministère de la santé refusait les structures et la responsabilité de leur fonctionnement parce qu'il n'avait pas participé à la programmation. Il a été constaté que les bâtiments ne répondaient pas aux normes gouvernementales et/ou qu'ils n'avaient pas été réalisés là où le ministère l'aurait souhaité. En conséquence, deux rapports d'évaluation(18) indiquent que plusieurs cliniques et établissements de santé ont été fermés ou qu'ils ont continué de fonctionner, mais au-dessous des normes applicables en la matière.

69. Il est particulièrement difficile d'assurer le développement durable de projets ayant un caractère novateur et qui sont situés dans des régions où les ONG et les autres organisations n'ont pas ou n'ont guère d'expérience. On constate une tendance, par exemple, à créer des systèmes de crédit et des fonds renouvelables dans le cadre de projets dits "générateurs de revenus" tels que l'exploitation agricole, l'élevage, l'artisanat ou d'autres activités de fabrication, dont les groupes cibles n'ont aucune expérience préalable. Les régimes à frais partagés pour les médicaments, le matériel scolaire et le traitement des enseignants, de même que la tarification de l'eau, destinés à permettre les travaux d'entretien, constituent d'autres exemples où les bénéficiaires ont rarement l'habitude de payer et ont très peu de moyens pour le faire. Si la plupart de ces projets n'ont pas déjà plus ou moins échoué, on peut douter du succès de leur réalisation. Ceux qui, dès les premières phases, font appel aux bénéficiaires eux-mêmes, ont de plus grandes chances de succès, comme l'illustre un projet microhydrologique à Madagascar. Les entreprises locales ont aussi participé avec succès à ce projet.

70. Dès lors que les projets achevés, tels que des écoles ou des cliniques, sont repris par les instances locales, le personnel perçoit normalement un traitement conforme aux barèmes établis pour la fonction publique du pays. Les ONG et les autres partenaires chargés de la mise en oeuvre versent toujours au personnel local des traitements supérieurs à ceux offerts par l'État. Il est donc difficile de retenir le personnel après le transfert du projet aux autorités locales. Soit le personnel réussit à trouver un nouvel emploi, par exemple auprès d'un organisme international ou dans le secteur privé, soit il reste, mais en ressentant une certaine démotivation.

71. En Angola, une secrétaire travaillant pour une ONG percevait un salaire mensuel de 1000 USD et un chauffeur 300 USD. Dans le même temps, un docteur travaillant pour le ministère de la santé gagnait 10 - 20 USD. Les salaires offerts dans le cadre de contrats financés par l'ISA étaient sans rapport avec les conditions locales et ne pouvaient être maintenus lors de la reprise des projets par le gouvernement.

72. De telles situations s'expliquent en partie par le manque ou la rareté des ressources humaines. Non seulement cela a allongé les opérations de recrutement d'experts par les ONG, mais, du fait de la concurrence entre ces dernières, des salaires élevés ont dû être offerts (plus ou moins équivalents à ceux offerts aux assistants techniques "commerciaux"); malgré cela, il n'a pas toujours été possible de trouver des personnes possédant l'expérience et les qualifications suffisantes pour les tâches visées. Il est arrivé que des personnes recrutées quittent le pays avant l'échéance du contrat ou qu'elles ne renouvellent pas leur contrat en raison de difficultés à faire face aux conditions de travail locales.

73. En Haïti, ni l'État ni les parents n'ont les moyens financiers d'assurer l'entretien des écoles. De même, il n'existe pas de système garantissant le paiement de la redevance pour l'eau potable(19). Dans ces conditions, le développement durable de l'activité est entièrement subordonné à l'existence d'un financement extérieur permanent.

Exécution et résultats des programmes

74. La Cour reconnaît les résultats obtenus dans le cadre des programmes réalisés dans les différents pays sous la forme de création ou de remise en état d'écoles, d'équipement sanitaire, de points d'eaux, de plans d'irrigation, etc., qui étaient opérationnels et bien utilisés par les groupes cibles. Plusieurs rapports d'évaluation donnent aussi des exemples d'actions couronnées de succès.

75. Cependant, l'insuffisance des rapports (voir points 88 - 99) fait que l'on ne dispose guère d'informations sur le résultat global des actions ou sur le degré de réalisation des objectifs fixés. Mais il a été constaté que des projets avaient parfois été mal réalisés et que certains étaient d'un mauvais rapport coût/efficacité.

76. Comme cela est indiqué dans la proposition de la Commission et dans les conclusions du Conseil, les objectifs immédiats de l'ISA consistaient à remettre en état les secteurs sociaux, à établir ou à relancer les activités du secteur de l'alimentation et celles génératrices de recettes aussi vite que possible, tout en ouvrant la voie au développement durable et à long terme.

77. Le démarrage de nombreux projets a été sensiblement retardé en raison de la lenteur avec laquelle les premiers versements ont été effectués. La lourdeur des procédures suivies au sein des services de la Commission pour transférer les fonds aux agents chargés de la mise en oeuvre a retardé à différer les opérations de plusieurs mois après la signature des contrats. Les paiements ultérieurs ont aussi fréquemment souffert de retards. Dans plusieurs cas, les ONG ont versé des avances sur leurs propres fonds pour commencer ou poursuivre les actions.

78. La longueur des délais est également due au fait que les autorités locales devaient approuver les rapports financiers souvent peu clairs et de mauvaise qualité présentés par les ONG et par d'autres agents.

79. En Somalie, le coût de l'assistance technique dans le cadre du premier programme de réhabilitation a été très élevé. Environ 9 Mio ECU sur un montant total de 38 Mio ECU ont été utilisés pour l'assistance technique et les consultants (études). Si l'on ajoute à l'assistance technique les frais de transport (1,1 Mio ECU pour les vols), les frais administratifs et les autres frais généraux de tous les projets, la moitié seulement du budget total a été utilisée pour des services ou des travaux profitant directement aux bénéficiaires.

80. Les frais administratifs pouvaient être pris en compte s'ils étaient justifiés, mais non forfaitairement comme la Commission a en réalité souvent accepté de le faire. Au Mozambique, la pratique la plus couramment suivie voulait qu'un taux forfaitaire de 6 % des frais administratifs soit ajouté à tous les autres postes budgétaires. Le traitement des frais administratifs était clairement défini dans les lignes directrices (voir point 31), mais les dispositions en question ont été totalement ignorées par la délégation.

81. Il était prévu à l'origine que seules les structures existantes seraient remises en état, et ce sans nouvel investissement. Cette restriction imposée pour promouvoir une mise en oeuvre rapide des projets ayant été perçue comme contre-productive, de tels investissements ont été effectués dans la plupart des pays (nouvelles installations hydrauliques, écoles et structures de santé). C'est pourquoi, à l'exception de l'acquisition d'immeubles, l'exclusion de nouveaux investissements n'a pas été reprise dans le règlement (CE) n° 2258/96.

82. Les normes en matière d'équipement et de construction ne devraient pas être trop rigoureuses par rapport à celles en vigueur dans le pays, de manière à éviter des coûts de construction et d'entretien trop élevés. Au Mozambique, le gouvernement s'est plaint du coût excessif de la construction de cliniques et de pompes à eau faisant partie d'un projet évalué par des consultants indépendants. Il a affirmé que ces coûts étaient si élevés qu'il serait difficile d'assurer l'entretien et, ultérieurement, le remplacement de ces installations. En Haïti, en revanche, tous les contrats relatifs aux infrastructures routières ont été confiés à des entreprises locales, lesquelles ont bien réalisé les travaux qui leur étaient confiés.

83. En Somalie, un soutien a été accordé à de nouvelles structures génératrices de recettes (par exemple, droit d'importation), la plus importante étant le port de Berbera. Bien que la Commission ait soutenu l'instauration de systèmes de contrôle financier, des doutes subsistent quant à la transparence et à l'obligation de rendre compte. La Commission aurait dû faire preuve d'une plus grande prudence avant de s'engager dans des projets générateurs de recettes dans les conditions actuelles, car le Somaliland, où se trouve le port, n'a pas été reconnu par la communauté internationale comme un État autonome.

Procédures simplifiées

84. S'agissant de la mise en oeuvre des programmes, des procédures simplifiées analogues à celles utilisées par la Commission en matière d'aide d'urgence devaient être utilisées pour la passation des contrats. En conséquence, les contrats ont souvent été passés de gré à gré, même si cela n'a pas été suffisant pour permettre la mise en oeuvre rapide qui était requise. Au contraire, tant les agences chargées de la mise en oeuvre que les autorités locales se sont souvent plaintes de ce qu'elles considèrent comme des procédures beaucoup trop lentes et bureaucratiques de la Commission. Cela s'appliquait en particulier aux procédures d'appel à la concurrence et d'attribution de marchés dont l'approbation par Bruxelles était longue à obtenir.

85. Un projet au Mozambique concernait la réhabilitation de routes pour un coût de 30 Mio ECU, faisant partie intégrante d'un vaste programme de réhabilitation du réseau routier financé par plusieurs donateurs. À l'époque de la visite de contrôle, en octobre 1996, presque trois ans s'étaient écoulés depuis la signature de la convention de financement, et la plupart des routes financées par d'autres donateurs étaient déjà terminées alors que les entreprises retenues pour le projet en question venaient de commencer à travailler. Plusieurs raisons ont été invoquées pour justifier ce retard considérable, telles que des études quantitatives insuffisantes et le manque de connaissance des procédures du FED de la part des consultants retenus comme du département ministériel responsable. Ces problèmes ont entraîné le rejet des offres pour des raisons administratives. Finalement, l'évaluation des offres a été effectuée à Bruxelles, ce qui n'a pas contribué à accélérer les opérations. Le projet a encore connu des problèmes après son démarrage et, à la fin de décembre 1998, soit cinq ans après la décision initiale, il n'était toujours pas terminé (20,4 Mio ECU seulement sur les 25,7 Mio ECU avaient été payés). Entre-temps, des réparations urgentes avaient dû être effectuées sur les mêmes routes.

86. En Angola, un contrat d'assistance technique a été établi en mars 1995 pour la supervision d'un programme de réhabilitation dans le secteur de la santé, d'un montant de 15 Mio ECU, dont la décision remontait à 1993. Aucune activité n'a véritablement commencé avant juillet 1995. La mise en oeuvre du programme a été extrêmement lente (50 % de la dotation étaient engagés à la fin de 1998 et 25 % avaient été déboursés après environ quatre ans). La Commission a reproché à l'ordonnateur national d'être en partie la cause de cette lenteur affectant le traitement des propositions de projets et l'obtention de l'approbation des rapports/paiements concernant les ONG. Dans le même temps, la Cour a constaté qu'environ 1 Mio ECU avait été dépensé dans le cadre d'un programme distinct sous la forme d'une assistance technique pour l'ordonnateur national. Il semble que ces efforts n'ont pas donné de résultats satisfaisants et qu'ils n'étaient pas fondés sur une évaluation solide de la faisabilité de cette opération.

Comptes bancaires séparés

87. En règle générale, les contrats précisaient que les fonds accordés par la Commission devaient être conservés sur un compte bancaire distinct et que les intérêts devaient être comptabilisés séparément. Ils exigeaient aussi des ONG qu'elles recherchent un accord sur les modalités d'utilisation des intérêts, qui devaient être soit affectés au même projet, soit remboursés à la Commission. Le plus souvent, ces clauses n'ont pas été respectées et le montant des intérêts perçus n'est pas connu, la Commission n'ayant pas suivi cette question de près bien que des sommes non négligeables aient pu être gagnées. Par exemple, dans le cadre d'un projet de 12 Mio ECU au Mozambique, environ 20 contrats ont été signés avec des ONG. Les intérêts n'ont pas été comptabilisés séparément dans aucun des rapports financiers correspondants, et la délégation ne s'en est pas aperçue.

Établissement de rapports

Obligations

88. En général, les obligations d'établissement de rapports imposées aux agents chargés de la mise en oeuvre n'ont pas été établies et définies avant l'initiative ou au moment de son démarrage, et ce malgré l'obligation expresse d'information à tous les niveaux mentionnée dans les propositions de la Commission et les conclusions du Conseil de mai 1993.

89. Cette omission a été à l'origine de nombreux problèmes. Dans les cas où des unités de soutien technique ont été progressivement créées, des procédures d'établissement de rapports par les partenaires chargés de la mise en oeuvre ont été finalement établies. Mais de telles unités n'ont pas été mises en place dans tous les pays ni pour tous les programmes ISA d'un pays donné. Dans la plupart de ces cas, les délégations ont dû définir, avec ou sans l'aide des services centraux, la forme de tous ces rapports.

90. Les dispositions en matière d'établissement de rapports pour les projets financés par le FED, l'aide alimentaire, le cofinancement et d'autres lignes budgétaires relevaient de différentes unités de la Commission, si bien que différentes modalités ont été adoptées, tant pour ce qui concerne le contenu que la fréquence des rapports. Cela peut expliquer en partie pourquoi il n'y a pas eu à ce jour de rapport de suivi global de l'ISA, que ce soit pour l'ensemble des actions entreprises dans ce cadre ou pour un pays donné.

91. En l'absence de dispositions précises, les ONG ont décidé elles-mêmes de la forme de leurs rapports, parfois déjà acceptée pour des actions d'urgence antérieures, financées dans le cadre du FED et/ou du budget général, ou ont essayé d'adopter la forme utilisée au stade de la proposition. En raison de l'existence de dispositions différentes correspondant aux divers instruments de financement (ISA, aide alimentaire, autres actions des ONG), certaines ONG ont dû se conformer à plusieurs formes de rapports. Cela a également compliqué la tâche de l'ordonnateur national, qui a dû approuver les rapports relatifs aux projets financés par le FED avant que d'autres paiements ne puissent être effectués.

92. Dans certains cas, la Commission a demandé que les factures et les autres pièces justificatives soient jointes aux rapports, tantôt sous forme d'originaux, tantôt de copies. Dans d'autres cas, les pièces justificatives n'étaient pas requises. Parfois encore, ces obligations ont changé pendant la durée du contrat. Ces exigences différentes ont engendré une certaine confusion et un travail administratif superflu, tant pour les partenaires chargés de la mise en oeuvre que pour la Commission.

Règles contradictoires

93. Au Mozambique, le HCR et certaines ONG ont fait valoir que leurs propres règles internes en matière d'audit et la conservation des factures originales et d'autres pièces justificatives les empêchaient de respecter les obligations imposées par la Commission. Les tentatives visant à résoudre ces problèmes n'ont pas été menées à terme.

94. S'agissant du HCR au Mozambique, la même forme de contrat que celle utilisée pour les contrats passés directement avec les ONG a été utilisée. Le HCR n'a pas communiqué de rapport à la délégation comme l'exigeait le contrat, car ses propres contrats avec les sous-traitants n'étaient pas conçus en conséquence et ses propres procédures comptables n'étaient pas compatibles avec les dispositions contractuelles. Les rapports du HCR font apparaître des écarts non négligeables entre les budgets (3 Mio ECU au total) et les actions prévues entre la Commission et lui-même, d'une part, et les réalisations effectives, d'autre part. Cependant, ni le HCR ni les agents chargés de la mise en oeuvre n'ont à aucun moment demandé l'approbation de la Commission. Ce problème était en partie imputable au fait que certaines ONG avaient fusionné les fonds reçus de l'Union avec ceux du HCR et d'autres donateurs et/ou ses propres fonds pour le même projet. À la fin du premier semestre 1998, lorsque le paiement final a été effectué, un certain nombre de questions n'avaient toujours pas été clarifiées. Dans ces conditions, les procédures financières et administratives relatives à ces contrats manquent de transparence sur les points suivants:

a) suivi des aspects financiers et des réalisations par le HCR et par la délégation;

b) rapport à la délégation et au NAO;

c) approbation définitive et paiement final autorisé par le NAO et par la délégation.

En ce qui concerne le HCR, les mêmes problèmes de contrats, de sous-traitance, de rapports et de suivi ont été signalés dans le rapport spécial de la Cour relatif à la reconstruction dans l'ex-Yougoslavie(20).

95. Les procédures d'approbation des contrats et des paiements diffèrent également puisque les opérations ont été financées à la fois par le FED et par le budget. Cela a eu un effet négatif sur la transparence pour le pays bénéficiaire, la participation de l'ordonnateur national à ces procédures n'étant pas obligatoire pour les actions financées par le budget. Parfois, mais pas toujours, l'ordonnateur national a cependant reçu toutes les informations.

Respect des délais de communication des rapports

96. Les rapports ont rarement été reçus à la date prévue et il a souvent fallu adresser des rappels pour les obtenir. Cependant, s'agissant des actions de réhabilitation financées dans le cadre de l'aide alimentaire et du régime de cofinancement, la situation est encore plus grave, tant pour les rapports financiers que pour les rapports sur les progrès réalisés. Pour certains pays, les dossiers consultés par la Cour concernant ces instruments ne contenaient aucun rapport de ce type et ne comportaient même souvent aucune trace des rappels adressés.

97. En Angola, une action devait être achevée en mars 1996. Un rapport final n'a été présenté par l'ONG qu'en octobre 1996, mais il n'a pas été accepté. Le rapport corrigé n'a pas été représenté avant mars 1997, soit six mois plus tard. Le paiement final a ensuite été effectué au cours du second semestre de 1997.

98. La Commission a décidé de financer un projet d'approvisionnement en eau (750000 ECU) en juillet 1994. Le premier rapport a été présenté en décembre 1995, après un premier report de délai. Une seconde prorogation a été demandée et approuvée pour six mois en avril 1996. Le second rapport a été communiqué en juillet 1996 et le rapport final en mars 1997. Le rapport financier a été rejeté et renvoyé. Un an plus tard (mars 1998), le rapport revu n'avait pas encore été transmis.

99. Dans certains pays, les autorités nationales ou locales participaient directement à la mise en oeuvre, soit seules, soit en coopération avec les ONG. En conséquence, les fonds étaient reçus ou transitaient par elles. Naturellement, il est également important que la transparence et l'obligation de rendre compte soient respectées dans ces cas. Dans ces pays, il a souvent fallu plus longtemps et davantage d'efforts de la part des délégations pour obtenir ces rapports, si elles les ont jamais obtenus.

Audits

100. Dans certains cas où des irrégularités étaient suspectées, des contrôles ont été entrepris par des cabinets d'audit et les problèmes ont été signalés à l'UCLAF en 1996. Ils n'avaient toujours pas été réglés à la fin de 1998. Dans un cas, il s'agissait d'une ONG ayant signé un contrat avec la Commission en 1994. Après le versement de la première tranche (183000 ECU), le "propriétaire" avait disparu sans qu'aucune activité ait démarré. Le contrat est encore ouvert dans les comptes, mais la Cour n'est informée d'aucune mesure récente visant à recouvrer le montant qui avait été demandé et payé. En dehors de cela, très peu d'audits ont été effectués, bien que leur réalisation régulière ait été considérée comme un élément important dès le lancement de l'ISA et qu'elle soit prévue par le règlement (CE) n° 2258/96. Les services de la Commission n'avaient aucune trace ou connaissance globales du nombre d'audits qu'ils avaient eux-mêmes effectué dans les programmes de l'ISA. Les informations sont encore plus rares en ce qui concerne les audits relatifs aux ONG et aux autres instances chargées de la mise en oeuvre. Dans un cas, l'ONG chargée de la mise en oeuvre indiquait dans un rapport qu'elle avait elle-même fait opérer un audit. La délégation concernée n'avait pas demandé le rapport correspondant et ne pouvait en fournir une copie à la demande de la Cour. En tout état de cause, prévoir des audits pour chaque programme ou pour la plupart d'entre eux eût été conforme aux procédures habituelles de bonne gestion financière.

101. Dans quelques cas en Érythrée et en Somalie, une ONG ou la délégation ont également constaté que les fonds n'avaient pas été utilisés aux fins prévues. Même s'il faut reconnaître qu'un suivi était difficilement réalisable, il convient d'essayer de clarifier ces cas sur la base d'éléments probants suffisants.

Suivi

102. La responsabilité première du suivi des programmes incombe à la Commission, c'est-à-dire normalement à ses délégations.

103. Au départ, les délégations n'étaient pas bien préparées ni dotées de moyens suffisants pour suivre les actions mises en oeuvre dans le cadre de l'ISA. Des procédures de suivi n'ont été progressivement mises en place dans les pays concernés par l'ISA qu'après le démarrage des programmes. En l'absence d'agents de la Commission en nombre suffisant, le suivi a été assuré par l'assistance technique, le plus souvent au sein d'unités de soutien distinctes, mais parfois intégrées dans la délégation. En Angola, les ONG se sont plaintes de n'avoir pas eu de visite de la Commission pendant dix-huit mois après le démarrage des activités.

104. La Commission a rarement prévu un suivi a posteriori systématique des projets, à l'exception de l'Érythrée, où tous les contrats avec les ONG stipulent que ces dernières doivent présenter à la Commission un "rapport opérationnel" dans un délai d'un ou de deux ans.

105. S'agissant de la Somalie, le suivi a été confié aux assistants techniques de l'unité somalienne attachée à la délégation à Nairobi. Mais les rapports établis peuvent difficilement être considérés comme de véritables rapports de suivi: ils ne font pas référence aux objectifs spécifiques des projets et les problèmes abordés ou résolus au cours de missions n'y sont que brièvement mentionnés.

106. Au Mozambique, la Commission avait prévu de mettre en place une unité spéciale pour coordonner et suivre toutes les opérations de réhabilitation financées par elle. Cela était mentionné dans la proposition présentée par la Commission au Conseil et au Parlement en mai 1993. Cette unité n'a jamais été créée. Au lieu de cela, plusieurs contrats d'assistance technique ont été établis pour le suivi de l'énorme programme de l'ISA (quelque 180 Mio ECU à la fin de 1998). Le suivi assuré dans ce cadre n'a jamais été étayé par une quelconque documentation, et plusieurs projets n'avaient jamais été contrôlés sur place à l'époque de la mission de la Cour, en septembre 1996. Le personnel permanent de la Commission n'a jamais participé de quelque façon que ce fût au suivi, en dehors des agents comptables locaux qui vérifiaient les rapports financiers. La Commission a indiqué que le suivi n'avait pas besoin d'être attesté par des documents, puisque l'assistance technique se trouvait au sein de la délégation proprement dite. S'agissant du Mozambique, la Commission ne suivait pas du tout l'état d'avancement des projets financés par le FED, mais se concentrait sur les projets financés dans le cadre du budget général.

107. En Érythrée, la délégation de la Commission avait documenté ses activités de suivi, régulières et plutôt fréquentes, comprenant des visites sur la plupart des sites du projet. Parallèlement, de véritables rapports de suivi ont été régulièrement communiqués par une assistance technique spécialement recrutée pour le programme. Cependant, les rapports de suivi établis par la délégation n'étaient pas communiqués aux services centraux.

Évaluations

108. L'évaluation de l'incidence d'une mesure de développement est un élément essentiel à la bonne gestion financière, et en particulier à l'élaboration de futurs programmes. Si les programmes entrepris font appel à des concepts nouveaux ou originaux, comme dans le cas de l'ISA, il est d'autant plus important que les évaluations soient effectuées dès que possible et que des décisions soient prises pour corriger toute déficience ou pour résoudre les problèmes ainsi détectés. L'importance des évaluations a été reconnue dès le départ par le Conseil et la Commission.

109. Le manque d'objectifs mesurables dans bon nombre des documents relatifs au programme est un facteur qui rend les évaluations difficiles. Au départ, la plupart des propositions de projets et des conventions de financement correspondantes ne définissaient aucun cadre logique et clair pour les objectifs, les résultats escomptés et les activités nécessaires pour les atteindre. La situation s'est améliorée au cours des dernières années.

110. Un certain nombre d'évaluations a été réalisé, mais plusieurs d'entre elles, portant sur des projets individuels, ont été effectuées par les agences chargées de la mise en oeuvre elles-mêmes ou par des consultants locaux qui se sont contentés de citer les rapports sur les progrès réalisés, sans y ajouter de valeur supplémentaire. Des évaluations complètes et globales des actions de réhabilitation entreprises par la Commission n'ont été effectuées qu'en ce qui concerne le Liberia et le Mozambique. La Commission estime que le budget affecté à cette fin n'était pas assez important, mais elle devrait considérer ces évaluations comme prioritaires et demander les fonds nécessaires à leur exécution.

111. Des évaluations ou des revues à moyen terme sont parfois, mais pas toujours, stipulées dans les conventions de financement. Cependant, même lorsqu'elles sont exigées, il est rare qu'elles soient effectuées. De plus, en règle générale, les évaluations qui ont été opérées ne couvraient pas l'intégralité d'un programme, mais seulement un ou plusieurs projets ou éléments d'un programme, c'est-à-dire des contrats individuels et non l'ensemble du programme présenté dans la convention de financement. En l'occurrence, il est très difficile de tirer des conclusions sur la réalisation ou non des objectifs, puisque les indicateurs de performance et les finalités visées sont normalement définis pour le programme dans sa globalité.

112. En Angola, par exemple, trois programmes du FED devaient faire l'objet d'évaluations pour le début de 1998. À ce jour, aucun document n'a été présenté. Selon la délégation en Éthiopie, deux évaluations prévues pour des programmes dans ce pays ne seront pas réalisées. Au Mozambique, en dehors de l'évaluation globale (voir point 110), aucune évaluation spécifique d'un projet faisant partie du programme de 180 Mio ECU n'a été exécutée.

113. Une véritable évaluation doit être effectuée par un organisme indépendant autre que l'agent chargé de la mise en oeuvre ou que la Commission. Lorsqu'ils ont demandé des rapports d'évaluation, pour certains projets les contrôleurs de la Cour ont reçu des documents élaborés par les agents chargés de la mise en oeuvre eux-mêmes. Ces rapports étaient généralement de qualité médiocre et n'étaient pas centrés sur les problèmes.

114. Parfois, des évaluations ont été confiées à des consultants locaux. En théorie, et pourvu qu'ils possèdent des compétences suffisantes, les consultants locaux devraient être utilisés le plus souvent possible puisqu'ils coûtent moins cher et qu'ils sont censés avoir une meilleure connaissance de l'environnement local. En Éthiopie, l'évaluation d'un certain nombre de projets dans le cadre d'un programme a été confiée à un cabinet de consultants local. Cependant, ces évaluations ne faisaient que reprendre les conclusions formulées par les agents chargés de la mise en oeuvre dans leur rapport final. C'est pourquoi elles n'ont pas contribué à améliorer à l'avenir la réalisation de projets analogues ou les performances de l'agent qui était soumis à l'évaluation.

Conclusion

Concept

115. Les activités de réhabilitation déployées dans le cadre du concept de l'ISA sont avant tout censées constituer un maillon solide dans la chaîne liant les actions d'urgence et le développement à long terme. Cependant, aucun critère n'a été clairement défini permettant de distinguer l'aide à la réhabilitation de l'aide d'urgence, et aucune structure de gestion adaptée à ce type d'aide n'a été mise en place (voir points 1 - 4).

116. Dans la pratique, un grand nombre d'actions de réhabilitation ne se distinguent pas de l'aide humanitaire et, bien souvent, des actions menées dans le cadre de l'aide d'urgence ont été poursuivies sous le nom de programmes de réhabilitation. Étant donné qu'au sein de la Commission d'autres services sont devenus responsables des actions de réhabilitation, une documentation complète sur les mesures antérieures eût été utile. Pour aucun des pays concernés une telle documentation n'a cependant pu être fournie (voir point 9).

117. La structure de financement devrait être adaptée aux besoins du programme. Il n'y a aucune cohérence entre les différentes sources de financement, à savoir le budget général et le FED. La législation de base et la réglementation financière sont différentes, et la marge de manoeuvre des bénéficiaires est beaucoup plus importante dans le cadre du FED que dans celui du budget général. Les règles régissant les contrats et les autres procédures telles que l'établissement des rapports, sont très dissemblables, et les structures organisationnelles au sein de la Commission sont différentes. Dans ces conditions, le financement conjoint par le budget et par le FED n'est pas efficace (voir points 10 - 11).

Identification et coordination

118. Des pays qui ne répondaient pas au critère d'un minimum de stabilité, de sécurité et n'ayant pas de gouvernement légitime ont cependant été considérés par la Commission comme éligibles à l'aide à la réhabilitation (par exemple, l'Angola, le Congo et la Somalie). En l'occurrence, les activités de réhabilitation ne reposaient sur aucun fondement (voir points 16 - 30).

119. Du fait des pressions politiques exercées en faveur d'un prompt démarrage des projets et de l'octroi rapide des fonds, la phase de programmation a manqué d'efficacité au point que cela a même compromis l'objectif d'une mise en oeuvre rapide. La Commission aurait dû maintenir les actions relevant de l'aide d'urgence jusqu'à ce que l'environnement soit plus favorable (voir points 31 - 36).

120. La coordination entre la Commission et les autres donateurs s'est limitée à l'échange d'informations (voir points 37 - 41). Même si ce problème échappe dans une certaine mesure au contrôle de la Commission, cette dernière aurait dû instaurer une coordination rigoureuse entre ses propres services. Dans la pratique, chaque service de la Commission participant aux actions de réhabilitation ne s'occupait que des actions dont il avait la responsabilité directe (voir points 42 - 46).

Programmation et suivi

121. La programmation financière initiale et globale de la Commission n'est pas transparente, ni fondée sur une analyse approfondie des besoins. Les contrats avec les partenaires existants ont été souvent prorogés sans véritable évaluation de la situation financière et de la nécessité d'étendre les activités (voir points 12 - 15).

122. En ce qui concerne en particulier les projets adoptés au départ, il n'est même pas possible de vérifier que les programmes ont été fondés sur des évaluations des besoins réels en matière de réhabilitation. Les projets ont été souvent fondés sur les activités existantes, par exemple sur le fait qu'une ONG travaillait déjà dans une région et dans un secteur particuliers. Dans ces conditions, les résultats risquent d'être dispersés et incohérents (voir points 55 - 63).

123. Les pressions exercées pour une présentation rapide des propositions de projet ont pratiquement empêché toute participation des autorités locales et des bénéficiaires. Cela s'est traduit par des investissements dont la viabilité était douteuse (voir points 56 - 73).

124. Les activités de suivi et d'établissement de rapports ont été insuffisantes. En particulier, aucun rapport complet et régulier couvrant à la fois l'aide financée par le budget et celle relevant du FED n'a été communiqué au Parlement européen et au Conseil par la Commission. En général, le manque d'informations sur l'exécution des actions n'a pas permis un suivi adéquat (voir points 90 - 95). En outre, les délégations ne disposaient pas d'effectifs suffisants pour suivre les activités (voir points 102 - 107).

125. Le défaut d'instructions concernant l'établissement de rapports et le manque de suivi par la Commission ont permis à certaines ONG de présenter des actions sans objectifs ou groupes cibles précis (voir points 59 - 61). En règle générale, la communication de rapports par les ONG a été tardive et, bien souvent, leur qualité était si médiocre qu'il était extrêmement difficile de savoir ce qui avait été réalisé et à quel coût (voir points 96 - 98).

Mise en oeuvre et obligation de rendre compte

126. Le programme de réhabilitation a été conçu comme un dispositif temporaire, les actions devant être exécutées rapidement. En fait, il est devenu quasiment permanent et les actions ont exigé beaucoup plus de temps que prévu. Bien souvent, il n'était pas possible de distinguer ce programme des programmes de développement traditionnels.

127. Certaines actions ont connu des retards en raison des difficultés de recrutement de personnel local adéquat (voir point 72). La mise en oeuvre a été lente, en partie en raison de la lourdeur des procédures d'octroi des fonds et de la lenteur du processus de prise de décision par l'intermédiaire de la Commission à Bruxelles (voir points 77 - 78 et 84).

128. Les rapports financiers ont été insuffisants et il n'y a pas eu de suivi financier permanent. La Commission ne pouvait présenter un aperçu global de la situation financière des actions de réhabilitation soutenues par le FED et le budget général (voir points 12 - 15).

Résultats

129. Un certain nombre d'actions de réhabilitation se sont concrétisées par la construction/réhabilitation de routes, d'écoles, de centres de santé et d'installations d'approvisionnement en eau. Mais aucune information n'est disponible sur l'incidence globale des activités de réhabilitation, que ce soit au niveau du programme ou au plan national, et bien souvent il n'a pas été possible d'établir dans quelle mesure les objectifs des actions individuelles avaient été atteints (voir points 74 - 75).

130. En ce qui concerne les bénéficiaires, la condition minimale de tout développement durable est l'existence d'un véritable cadre institutionnel. Le rétablissement des capacités institutionnelles devrait à l'avenir occuper une meilleure place dans la hiérarchie des priorités définies pour les actions de réhabilitation.

131. Sur la base de l'expérience acquise, la Commission devrait procéder à un examen approfondi du programme de réhabilitation. Cet examen devrait porter sur toutes les phases du programme, à savoir la planification, l'exécution, le suivi et l'évaluation, ainsi que la coordination des actions, et tenir compte des expériences positives enregistrées dans le cas du Liberia. Il conviendrait de revoir le concept de réhabilitation en tant que programme et de le remplacer par des programmes distincts et complets, établis par pays sur la base d'analyses approfondies de la situation spécifique dans laquelle chacun d'entre eux se trouve à la suite d'une crise.

Le présent rapport a été adopté par la Cour des comptes à Luxembourg en sa réunion des 26 et 27 janvier 2000.

Par la Cour des comptes

Jan O. Karlsson

Président

(1) Source: COM(93) 204 final.

(2) L'ISA a été établie dans les conclusions du Conseil du 25 mai 1993, à la suite d'une proposition présentée par la Commission dans sa communication du 12 mai 1993; COM(93) 204.

(3) PE 205.689 final.

(4) COM(96) 153 du 30 avril 1996.

(5) Rapport spécial n° 2/97, point 2.4 (JO C 143 du 12.5.1997).

(6) JO L 163 du 2.7.1996.

(7) JO L 306 du 28.11.1996.

(8) COM(93) 204.

(9) Réponse de la Commission (13 mai 1998) à l'examen documentaire FD 3009 effectué par la Cour le 16 mars 1998.

(10) COM(93) 204.

(11) Rapport spécial n° 5/98, point 3.55 (JO C 241 du 31.7.1998).

(12) Résolution du Conseil du 3 décembre 1993, à la suite de laquelle six pays ont été sélectionnés par le Conseil en mai 1994 (Côte d'Ivoire, Mozambique, Éthiopie, Pérou, Costa Rica et Bangladesh).

(13) Rapport COWI, Angola Country Case Study, juillet 1997.

(14) Résolution du Conseil du 3 décembre 1993, à la suite de laquelle six pays ont été sélectionnés par le Conseil en mai 1994 (Côte d'Ivoire, Mozambique, Éthiopie, Pérou, Costa Rica et Bangladesh).

(15) Rapport spécial n° 2/97, points 3.8 - 3.12 (JO C 143 du 12.5.1997).

(16) JO C 349 du 17.11.1998, points 5.28 - 5.31.

(17) Rapport d'évaluation relatif à Haïti, DRN, septembre 1997.

(18) Évaluation, article 255 Mozambique, Cowi, juillet 1997; Phase II Country Report Mozambique, APT Consult, septembre 1998.

(19) JO C 349 du 17.11.1998, points 5.28 - 5.31.

(20) Rapport spécial n° 5/98, points 3.55 et 5.7 (JO C 241 du 31.7.1998).

Réponses de la Commission

Synthèse

Aux yeux de la Commission, la communication [COM(93) 204 final] de 1993, qui soulignait la nécessité de procéder avec flexibilité et réalisme, constitue l'une des clés de voûte de sa politique et de son action, et en particulier du caractère évolutif de celle-ci; la communication n'a pas mis en place un "instrument" doté d'une enveloppe déterminée, pas plus qu'elle n'a arrêté une liste de pays à couvrir (elle en a simplement cité quelques-uns à titre d'exemple).

Le taux de déboursement après cinq ans d'intervention n'est relativement faible qu'à première vue. En effet, ceci mériterait d'être relativisé en tenant compte des conditions particulièrement difficiles des interventions dans les pays en réhabilitation qui sortent de crises durables et très profondes. Seraient également à prendre en considération: le rythme - et la concentration sur certains pays "à risque" - des engagements, la tendance à l'accélération des taux de déboursement ainsi que les taux de déboursement généralement atteints pour l'ensemble des instruments d'aide au développement.

En ce qui concerne l'observation selon laquelle "ces dernières (actions) ont été lancées alors que les conditions de stabilité relatives n'étaient pas encore réunies", ce constat est exact, mais normal. La communication LRRD de 1995 sur les liens entre l'aide d'urgence, la réhabilitation et le développement et les évaluations faites par la Commission et d'autres bailleurs de fonds avait souligné que le processus ne procédait pas d'un continuum linéaire mais plutôt d'un contiguum; ainsi, les diverses régions d'un pays peuvent se trouver dans diverses phases de ce contiguum et la stabilité politique et militaire de ces régions peut évoluer. L'approche de la Commission n'a pas toujours été de décider de mettre en oeuvre un projet dès lors qu'il y a une "stabilité relative" dans une région. Les fonds de réhabilitation visent à consolider le processus de paix, mais rien ne peut garantir que la paix, une fois installée, sera durable et ne cédera pas à nouveau la place à la guerre. La Commission ne partage pas l'opinion de la Cour selon laquelle l'aide aurait dû prendre la forme d'une aide d'urgence plutôt que d'une aide à la réhabilitation, notamment compte tenu du fait que l'aide d'urgence constitue une forme d'aide relativement coûteuse.

Les montants attribués pour la réhabilitation budgétaire en faveur des pays ACP, en moyenne 40 Mio EUR par an, ne permettaient pas, à l'évidence, de répondre à tous les besoins des populations affectées. Sur la base des conclusions du Conseil du 2 décembre 1993, dès l'exercice budgétaire débutant en janvier 1995, la programmation en début d'année des crédits budgétaires a visé à répondre, pour un certain nombre de pays, à des besoins dans des secteurs déterminés comme prioritaires, en tenant compte des autres sources de financement disponibles (programmes indicatifs nationaux, article 255 de la convention de Lomé IV). Après l'adoption du règlement (CE) n° 2258/96 du Conseil du 22 novembre 1996(1), la pratique antérieure a été formalisée, selon les dispositions de son article 8, par la présentation aux États membres réunis au sein d'un comité conjoint, des orientations générales devant guider les actions financées au cours de l'exercice budgétaire considéré: les principes généraux de la réhabilitation, les pays éligibles et les secteurs d'intervention prioritaires, notamment, y ont été examinés. Dans ce cadre, et conformément aux stipulations des textes, a été pris en compte le rôle spécifique de la réhabilitation: prendre progressivement le relais de l'aide humanitaire et intervenir en prenant en considération, dans la mesure du possible, l'existence d'un niveau minimal de sécurité. Il y a donc bien eu, régulièrement, programmation, coordination et définition du champ d'action de la "réhabilitation budgétaire"(2).

La coordination de la mise en oeuvre de la "réhabilitation budgétaire" a été étroite au niveau des services du siège, via une unité chargée, entre autres activités, à partir d'octobre 1995 de la programmation et de la préparation des décisions à prendre sur la base des propositions des partenaires opérationnels transmises par les services géographiques et les délégations. En notant le rôle central des services géographiques du siège et des délégations dans la programmation et la transmission des projets et programmes, il est possible de constater la coordination existant entre les diverses sources de financement disponibles. Une coordination très étroite a aussi eu lieu avec ECHO (European Community Humanitarian Office).

La quasi-totalité des interventions de "réhabilitation budgétaire" a été effectuée par des ONG (organisations non gouvernmentales) dont les projets financés comportaient un budget détaillé et des objectifs définis. Les contrats régissant ces opérations spécifiaient les modalités de reporting, notamment à l'occasion des demandes de versement des tranches financières et du solde. Par ailleurs, une assistance technique spécifique a été mise en place dans plusieurs pays bénéficiant des fonds de réhabilitation pour assurer un suivi précis de l'exécution, sur place, des projets et programmes qui a fait l'objet de rapports réguliers. Cependant, la Commission note et partage l'opinion de la Cour selon laquelle le manque de personnel, notamment dans les délégations, a rendu plus difficile le suivi des opérations.

La Commission a mis en place une task-force pour examiner les résultats déjà obtenus, depuis 1996, dans le domaine du lien entre l'aide humanitaire, la réhabilitation et le développement, en vue de définir les modalités d'une approche intégrée renforcée en réponse aux situations de crise et de "post crises".

Introduction

Historique

4. La capacité d'absorption de l'aide par les pays en développement est un problème général et reconnu. Il est rendu plus aigu encore, dans les pays en réhabilitation, du fait des destructions et des déstructurations qui y ont eu lieu. Les conditions d'intervention dans ces pays sont donc particulièrement difficiles: les besoins sont très importants et parfois pressants, les moyens d'y répondre sont plus difficiles à mettre en oeuvre. Cette réalité de terrain, qui se traduit par une période de mise en oeuvre plus longue, constatée par les partenaires de la Commission, affecte les indicateurs financiers. Néanmoins, globalement, comparée à l'ensemble des taux de déboursement de l'aide, la performance financière spécifique des actions de réhabilitation n'est pas défavorable. On peut ajouter que la période a montré une montée en puissance continue des déboursements dans ce domaine et noter également que la "réhabilitation budgétaire", mise en oeuvre par des organisations non gouvernementales et répondant à des besoins de base prioritaires des populations affectées (santé, accès à l'eau, éducation), a connu un rythme de mise en oeuvre encore plus soutenu. Cela résulte d'un effort réel et spécifique dans la mise en oeuvre de ce type d'assistance.

Le cadre

Le concept

7. La communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen(3), la résolution du Parlement mentionnée par la Cour et les conclusions adoptées par le Conseil des ministres, le 2 décembre 1993, sur l'aide à la réhabilitation composent une base solide pour cadrer la mise en oeuvre de ce type d'assistance.

9. Les task-forces constituées, par pays et/ou secteurs, ont permis d'analyser conjointement les situations complexes et évolutives des pays concernés et d'assurer ainsi une programmation et une coordination plus étroites dans le cadre d'une approche globale. La "remise-reprise" de plusieurs projets et programmes entre ECHO et la direction générale du développement ne constitue donc qu'un des aspects du travail effectué en commun.

Le cadre juridique

10. Le fait que différents règlements régissent l'aide humanitaire et l'aide à la réhabilitation ne constitue pas une entrave à la mise en oeuvre efficace de l'aide dès lors qu'elles font l'objet d'une coordination étroite. De plus, dans l'organigramme de la nouvelle Commission, ces deux domaines de compétences ont été attribués à un seul et même commissaire.

11. La Commission souhaite faire une présentation plus détaillée du processus continu qui, à son initiative, de mai 1993 à novembre 1996, a conduit les diverses instances communautaires à approfondir le concept de réhabilitation et à en déterminer les modalités d'exécution, tout en tenant compte des diverses sources financières dont la Commission devait assurer simultanément la mise en oeuvre.

La convention de Lomé IV (1990 - 1995), prévoit, dans sa section 6 "Aides d'urgence", article 257, la possibilité d'effectuer des aides à la réhabilitation dans les pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique/African, Caribbean and Pacific) à partir de diverses sources financières du premier protocole financier, les projets et programmes étant à mettre en oeuvre selon les principes et règles du FED/EDF (Fonds européen de développement/European Development Fund).

Des besoins de réhabilitation accrus existant aussi hors de la zone ACP, la Commission a présenté, pour y faire face de façon cohérente, une communication au Conseil et au Parlement européen en mai 1993 dans ce domaine.

Avec la résolution du Parlement européen, les conclusions du Conseil de décembre 1993 servent de cadre à la mise en oeuvre des premières actions de réhabilitation financées à partir de la ligne budgétaire (B7 - 5076) inscrite dans le budget général des Communautés pour 1994 et complètent celui existant déjà pour celles financées à partir des fonds du FED.

À la mi-1995, la Commission a soumis une proposition de règlement du Conseil relatif à des actions de réhabilitation et de reconstruction en faveur des pays en voie de développement(4), qui donnera lieu à un premier avis du Parlement européen en date du 15 décembre 1995 et à une position commune le 29 janvier 1996. Après un second avis du Parlement européen, le 21 mai 1996, le règlement sera finalement adopté le 22 novembre 1996.

Entre-temps, pour favoriser une approche globale, la Commission a soumis une communication au Conseil et au Parlement européen sur les liens entre l'aide d'urgence, la réhabilitation et le développement (LRRD)(5), conduisant notamment aux conclusions du Conseil du 28 mai 1996 et à l'avis du Parlement européen du 21 février 1997. La création des task-forces, notamment, en résulte.

Dans un tel contexte, il est difficile de considérer que les éléments de cohérence dans l'approche de la réhabilitation n'ont pas existé, aussi bien pour les fonds du FED que pour les crédits budgétaires, dont les caractères complémentaires ont été, à plusieurs reprises, mentionnés. Par contre ce qui est vrai, et ce depuis le lancement de l'initiative spéciale pour l'Afrique, c'est que la réhabilitation n'a pas été considérée comme un nouvel instrument unique mais comme l'utilisation flexible et coordonnée de divers instruments déjà disponibles, et dont les éléments de cohérence ont été précisés peu à peu comme cela a été indiqué ci-dessus.

Les ressources financières

14. À ce sujet il convient, néanmoins, de noter que la nécessité d'interventions très rapides a été particulièrement reconnue - voir point 7 des conclusions du Conseil du 2 décembre 1993. Il convient aussi de prendre en compte, outre l'importance des besoins, la difficulté de la mise en oeuvre sur le terrain occasionnant délais et imprévus ainsi que l'évolution parfois soudaine des situations exigeant une adaptation des actions.

15. Les pays ACP en phase de réhabilitation ont pu disposer de sources financières spécifiques dont l'utilisation se justifiait par les besoins des populations particulièrement affectées: réfugiés, personnes déplacées ou rapatriées pour l'article 255 de Lomé IV, par exemple. Ils ont pu aussi disposer de financements additionnels, à partir du budget général des Communautés, arrêté par l'autorité budgétaire, en accord avec les termes de la résolution du Parlement européen du 16 novembre 1993(6) qui a souligné l'ampleur des besoins d'aide à la réhabilitation et a estimé souhaitable la création d'un cadre spécifique doté de moyens financiers importants pour faire face à ces besoins.

Les fonds des programmes indicatifs nationaux (PIN)/National Indicative Programmes (NIP) ne suivent pas les mêmes critères et modalités de mise en oeuvre que les crédits budgétaires qui sont gérés de façon plus autonome. Du point de vue de la programmation des fonds, la nature des actions envisagées a joué un rôle important. En effet, il convient de souligner que les crédits budgétaires ont été essentiellement utilisés via des organisations non gouvernementales pour des interventions rapides dans des secteurs de base prioritaires pour les populations affectées, permettant aux fonds éventuellement encore disponibles des programmes indicatifs nationaux de financer, quand cela était possible, notamment du point de vue politique, d'autres types de projets et programmes, notamment dans le domaine de la reprise de développement.

Programmation globale

Critères

19. La Commission est d'avis que les critères d'éligibilité des pays au financement de la réhabilitation sont définis dans deux documents principaux: les conclusions du Conseil du 2 décembre 1993, point 6, et le règlement (CE) n° 2258/96 du Conseil du 22 novembre 1996. Chacun de ces textes mentionne le critère "d'un niveau minimal de sécurité" mais l'assortit des formules suivantes: "tout en faisant preuve de toute la souplesse nécessaire" et "dans la mesure du possible". Ce faisant, ils permettent de concilier la nécessité d'actions rapides et reprenant des opérations humanitaires avec la constatation pertinente que le processus complexe de sortie de crise, de réhabilitation et de reprise du développement n'est ni linéaire dans le temps, ni uniforme dans l'espace. Certaines périodes ou régions sont stables, d'autres troublées, et parfois alternativement; d'où la flexibilité voulue par les textes s'agissant, en outre, de répondre à des besoins prioritaires des populations affectées.

En outre, l'éligibilité des pays à la réhabilitation, ainsi que les interventions à financer ont été établies en liaison étroite avec le Conseil, via le comité conjoint, le comité du FED et l'information ex ante.

Enfin, plus particulièrement en ce qui concerne la réhabilitation budgétaire, la mise en oeuvre par des organisations non gouvernementales dans des conditions très difficiles et parfois dangereuses, a permis de maintenir un appui à des populations terriblement affectées. Cela a conduit effectivement à la suspension ou à l'interruption de certains projets - peu nombreux globalement - contrepartie réelle à une attitude qui ne pouvait être, dans ce domaine, celle de l'abstention.

Somalie

20. L'accord intervenu à Addis-Abeba en mars 1993 entre les chefs des factions somaliennes a été suivi par la déclaration d'Addis-Abeba du 1er décembre 1993, à laquelle ont souscrit aussi bien la Communauté des bailleurs de fonds internationaux (États, agences des Nations unies et ONG internationales) que les représentants des différentes régions somaliennes. Cette déclaration a échafaudé une stratégie de reconstruction et de réhabilitation pour la Somalie, fondée sur la situation existante, c'est-à-dire l'absence de gouvernement central, et qui est désormais connue sous le nom de stratégie de dividende de la paix. La Communauté européenne a fait sienne cette approche depuis le milieu de 1994, c'est-à-dire lors du lancement du premier programme de réhabilitation. La Communauté des bailleurs de fonds internationaux est parfaitement consciente qu'il n'existe actuellement aucune alternative à cette stratégie sous peine d'abandonner à son sort la Somalie.

21. Les activités financées par la Communauté européenne dans la région de Middle Shebell s'étaient considérablement développées lorsque la SACB (instance de coordination de l'aide à la Somalie) avait déclaré la région éligible à la réhabilitation. La dégradation ultérieure de la situation en raison de conflits opposant différents clans locaux était imprévisible. Indépendamment des problèmes ayant conduit à la cessation des projets d'infrastructure, les investissements déjà effectués peuvent être considérés comme fondamentalement utiles. La suspension de cinq projets dans le domaine de la santé durant la période 1994 - 1998 se justifie par les modifications intervenues sur le plan de la sécurité. En fait, comme l'a indiqué la Commission, seul un projet a été fermé prématurément, la suspension ayant été levée dans les autres cas après que des améliorations ont été apportées.

Angola

22. Malgré les difficultés de mise en oeuvre du protocole de Lusaka signé en novembre 1994, l'Angola a vécu jusqu'à 1998 une période de "ni guerre - ni paix", période dans laquelle la communauté internationale a appuyé le pays dans une perspective d'établissement de la paix et de réconciliation nationale. Dans cette période, la Commission a continué à octroyer de l'aide d'urgence en faveur de l'Angola. En même temps, en vue d'appuyer ce processus de réconciliation, la communauté internationale s'est engagée au cours de la table ronde de Bruxelles (1995) à appuyer le travail de reconstruction du pays. Les aides à la réhabilitation de la Commission s'insèrent dans ce contexte.

République démocratique du Congo (ancien Zaïre)

23 - 24. La Commission ne partage pas la remarque de la Cour au sujet de l'opportunité de lancer des programmes de réhabilitation en République démocratique du Congo. Il est exact que dans son document COM(93) 204, la Commission préconisait un compromis politique et la relance du processus de transition. Ce document confirme l'analyse qui avait amené en janvier 1992 la Communauté et ses États membres à suspendre leurs programmes de coopération, à l'exception de l'aide humanitaire. Dans sa déclaration du 27 juillet 1994, l'Union européenne prenait acte du tournant représenté par l'installation du gouvernement Kengo et de la nouvelle assemblée (Haut Conseil de la République - parlement de transition: HCR - PT).

En attendant que les conditions soient réunies pour reprendre une coopération au développement de type classique, la Commission a financé des programmes visant à améliorer les conditions de vie de la population. Cet enchaînement, qui paraît correct dans sa conception "humanitaire - réhabilitation - coopération au développement" a été partiellement interrompu par le conflit surgi à l'Est du pays à la fin de 1996 et qui s'est élargi en 1997. Or, le conflit qui a mené au pouvoir le président Kabila n'avait pas été prévu et n'était pas prévisible.

25. La décision qui a été prise a été de compléter et démarrer les programmes déjà décidés. Avec l'arrivée d'un nouveau pouvoir, les possibilités d'une transition n'étaient pas compromises a priori et les besoins des populations étaient les mêmes ainsi que les conditions de mise en oeuvre des projets de réhabilitation. Un abandon de ces derniers dans ce contexte aurait été autrement plus critiquable.

26. Le programme de préparation des élections (PAPE) auquel la Cour fait référence n'a impliqué aucune dépense et l'engagement a été clôturé dans sa totalité.

Ce programme envisageait de participer à un recensement de la population, outil essentiel pour la préparation des élections prévues par le gouvernement Kengo et aussi pour préparer de plus vastes programmes de réhabilitation et développement sur des bases d'analyse des priorités dans les besoins d'une population dont le nombre et la localisation sont encore aujourd'hui seulement estimés.

Quand il a été clair que, sous les nouvelles autorités, la perspective des élections s'éloignait, l'engagement a été clôturé sans avoir dépensé un seul euro, en parallèle avec la clôture de l'engagement sur la ligne budgétaire PESC concernant la création d'une unité électorale européenne de suivi et d'observation des élections et de leur préparation. La Commission précise que les élections n'étaient pas prévues spécialement après le changement de pouvoir mais pour appuyer un changement de pouvoir dans les règles de la démocratie: le programme a été décidé à l'époque du gouvernement de Kengo qui avait prévu un financement d'environ 150 Mio USD de sa part, et attendait des contributions des Nations unies. Le programme de la Commission était donc complémentaire à ces engagements et a été maintenu ouvert car le nouveau président avait promis les élections dans les deux ans à compter de sa prise de pouvoir.

La Commission est de l'avis qu'une complémentarité entre les différentes ressources disponibles (FED et budget) ainsi qu'une coordination étroite avec les autres bailleurs est plus que jamais nécessaire dans ce type d'opérations.

Rwanda/Liberia

27. La Commission est d'avis qu'une aide à la réhabilitation dans le cas du Rwanda était tout à fait appropriée.

Tout en maintenant une aide humanitaire, la Commission a considéré que celle-ci ne permettait pas de répondre pleinement aux besoins de la population traumatisée par le génocide. La Commission a jugé nécessaire de commencer le plus vite possible des actions de reconstruction des infrastructures détruites et de relance de l'économie afin de contribuer à la réconciliation nationale.

De tels types d'action ne peuvent être entreprises par l'aide humanitaire, qui ne peut financer par exemple des infrastructures importantes.

La logique et la nécessité du lien entre urgence, réhabilitation et développement n'excluent pas l'existence concomitante des trois types d'intervention dans un pays donné.

28. Le succès des opérations menées au Liberia a également été confirmé récemment par deux rapports d'évaluation indépendants, qui sont parvenus aux conclusions suivantes.

- Les objectifs, résultats et impacts des actions de réhabilitation ont été conformes en tous points avec les objectifs poursuivis par l'Union européenne et ont permis d'améliorer la complémentarité de toutes les initiatives de l'Union européenne et de la Commission(7).

- La Commission européenne a démontré qu'elle dispose d'une capacité de réponse opérationnelle beaucoup plus grande qu'on ne le pense généralement(8).

- La CE a eu une incidence considérable, tant sur le processus de paix que durant les premières phases de redressement après la guerre civile(9).

- Depuis que cette évaluation a été réalisée, la Commission continue à se profiler comme le principal bailleur de fonds au Liberia, grâce à la mise en oeuvre du deuxième programme de réhabilitation. Cette primauté est largement reconnue par la communauté des bailleurs de fonds(10).

Éthiopie

29 et 30. Cette limitation qui figurait, à titre de proposition, dans la communication de la Commission n'a pas été retenue dans les conclusions du Conseil du 2 décembre 1993. Elle ne figure d'ailleurs pas non plus dans le règlement relatif à la "réhabilitation budgétaire". L'observation formulée en ce qui concerne l'aide fournie par la Commission à l'ISA doit être mise en perspective. Dès l'année 1991, la Commission a commencé à financer un grand nombre d'actions d'urgence en faveur des victimes de la guerre, de la sécheresse et de la famine. Le projet de réhabilitation sociale lancé en 1994 - qui s'inscrivait dans le prolongement de l'aide d'urgence octroyée précédemment - procède du "continuum". On se souviendra également que, au lendemain de l'accession de l'Érythrée au statut d'État à part entière, 20 millions EUR provenant des fonds éthiopiens du FED ont été transférés à l'Érythrée afin de financer des activités analogues dans des régions appartenant précédemment à l'Éthiopie. Les données disponibles montrent qu'un montant de 14834739 EUR a été affecté au financement de projets dans le cadre du programme de réhabilitation sociale pour l'Éthiopie. Ce montant se subdivise comme suit: FED: 2,7 Mio EUR, article 255: 4,1 Mio EUR et 8 Mio EUR au titre de la ligne budgétaire B7 - 6410 (5076).

La période 1994 - 1999 en Haïti est caractérisée par une crise politique et institutionnelle. Dans ce cadre, il était aussi important d'appuyer les efforts de réhabilitation après la période d'embargo que de maintenir l'économie sous contrôle pour éviter que ne s'ajoute à la crise politique et sociale une crise due à l'instabilité et la dégradation de l'environnement économique et financier. Le financement des programmes d'ajustement en complément des actions et programmes de réhabilitation s'inscrivent dans cette stratégie.

Le continuum "urgence - réhabilitation - développement" n'implique pas une succession dans le temps mais plutôt la complémentarité entre ces instruments. Dans le cas d'Haïti particulièrement, la stratégie de développement devait et doit encore inclure des actions d'urgence ou de réhabilitation. C'est la cohérence entre une action de renforcement et de décentralisation de l'État à travers l'aide budgétaire et des actions de réhabilitation et de structuration de la société civile qui est recherchée.

Considérations relatives au processus de programmation

33. Il peut arriver que la programmation budgétaire de la Commission qui doit être appliquée en vertu de la réglementation existante ne coïncide pas avec le rythme de préparation des projets par les ONG. D'une manière générale, les ONG sont informées très rapidement des délais, mais elles ne les respectent pas toujours. Dans la mesure du possible, une chance ultime leur est accordée pour respecter un délai donné qu'elles risquent de dépasser, mais cela peut parfois être une question de jours.

34. La Commission tient à souligner que dans le cadre du règlement (CE) n° 2258/96 un échange de vues sur les orientations générales pour les actions à mener dans l'année à venir a lieu au sein d'un comité conjoint spécifique des États membres. En outre, la Commission rappelle que chaque projet de réhabilitation supérieur à 2 Mio EUR fait l'objet d'une proposition de financement détaillée pour avis au comité du FED, qui est l'occasion de réexaminer le contexte du projet au programme de réhabilitation.

36. Le HCR était solidement implanté au Mozambique et il disposait d'une équipe importante, d'une logistique de qualité et d'une présence dans les districts. Il était donc mieux placé que la délégation pour sélectionner et surveiller les sous-projets. Le HCR gérait ses opérations par l'entremise de bureaux provinciaux autonomes. Ces bureaux disposaient de crédits accordés selon les disponibilités et les besoins et s'adjoignaient les services d'ONG partenaires. Leurs systèmes administratifs étaient beaucoup plus souples que ceux de la CE et permettaient un déboursement rapide des crédits et des modifications des résultats attendus des projets.

Compte tenu de ces avantages comparatifs, il valait la peine de participer au financement du programme global du HCR, sans affectation précise des crédits de la CE à des projets individuels. D'autres États membres entretenaient des relations analogues avec le HCR, ce qui offrait, au demeurant, l'avantage de libérer l'équipe dirigeante de la délégation pour d'autres tâches.

Dans ce contexte, le HCR a utilisé les crédits de la CE comme contribution à son programme de travail global.

Dès octobre 1995, le HCR a identifié des projets entrant en ligne de compte pour un financement spécifique de la CE au titre du programme de l'article 255 (7 ACP 080). Toutefois, ce programme n'ayant été approuvé qu'en mars 1996, ces projets ont soit été supprimés soit canalisés vers d'autres donateurs.

Coordination

Coordination des donateurs

37. La Commission a mis en oeuvre, en particulier, pour "la réhabilitation budgétaire", les divers moyens d'assurer une coordination tant au niveau du siège qu'au niveau des délégations avec les partenaires intervenant dans le processus de la réhabilitation, notamment les ONG. Avec ECHO aussi, qui, dès 1994 a été informé officiellement et préalablement de toutes les interventions envisagées; avec les États membres, également, consultés au sein du comité conjoint établi par le règlement (CE) n° 2258/96 sur les orientations générales et informés ex ante et ex post de tous les projets. En outre, des task-forces ont été établies pour certains pays et/ou secteurs d'intervention.

La Commission est d'avis qu'une coordination suffisante a eu lieu, ce qui a permis d'éviter le double emploi dans la mise en oeuvre des fonds.

38. Rien n'indique un fléchissement de l'intérêt des donateurs envers le SACB (organisme somalien de coordination de l'aide), dont la tâche spécifique est d'assurer un maximum d'harmonisation des méthodes opérationnelles utilisées par les agences chargées de la mise en oeuvre des projets, qui sont elles-mêmes virtuellement toutes membres du SACB, avec les donateurs et les agences des Nations unies. D'autre part, un certain fléchissement de l'intérêt manifesté par les donateurs envers la Somalie a, il est vrai, été constaté en raison du manque de progrès accomplis sur la voie du rétablissement de la paix et de l'ordre dans le pays.

39 et 40. La Commission prend note de l'observation de la Cour des comptes qu'elle met, toutefois, en perspective avec l'observation introductive: "Si le contenu de cette activité échappe dans une certaine mesure au contrôle de la Commission...".

41. Les modalités du financement des organisations internationales de la "famille des Nations unies" ont fait longtemps l'objet d'un certain nombre de discussions, en particulier sur le point relatif au contrôle des fonds par des organismes de contrôle extérieurs. Pendant la période considérée, dans le cadre des actions de réhabilitation financées à partir du budget général des Communautés mais surtout à partir de l'article 255 de Lomé IV, la Commission a appuyé le rôle de l'UNHCR en finançant plusieurs projets ou programmes de cette organisation ayant des objectifs spécifiques et des budgets déterminés, certains sur la base d'une "remise-reprise" d'interventions au moment du retrait programmé de cette organisation.

Coordination au sein de la Commission

42. La coordination a eu lieu au niveau des délégations lors de la programmation de la réhabilitation budgétaire qui est effectuée en prenant en compte les autres interventions prévues à effectuer dans le domaine de la réhabilitation et de l'aide humanitaire.

Une autre coordination a lieu également au siège par l'intermédiaire des responsables géographiques qui assurent la mise en oeuvre de l'ensemble de la politique de développement.

Cette coordination s'effectue dans le cadre du choix des secteurs prioritaires et lors de l'instruction de projets.

En ce qui concerne la coordination avec ECHO tous les projets de la réhabilitation budgétaire sont soumis au visa de ce service.

À partir de 1996 les task-forces ont systématisé cette coordination.

43. Dès le départ, et en accord avec la délégation de l'UE, le suivi technique a été assuré par l'unité technique de réhabilitation FED, le suivi financier étant assuré par le siège et par la délégation. Dans le rapport annuel 1995 - 1996 le recrutement d'un assistant technique/Technical Assistant (TA) spécifique est déjà mentionné; les procédures de recrutement ont été plus longues que prévu.

44. Le rapport d'évaluation auquel on se réfère dans ce paragraphe concerne globalement l'article 255 de la convention de Lomé, avec l'Angola comme un des cas étudiés. La coordination et complémentarité entre la DG VIII et ECHO a été assurée en premier lieu par une programmation conjointe des financements des projets ONG dans le domaine sanitaire (domaine appuyé en priorité par ECHO). Une étude à cet effet a été réalisée fin 1996. La coordination et complémentarité est également assurée par le travail de la task-force LRRD établie à Luanda et par les réunions de coordination réalisées au siège.

45. Depuis juillet 1999 il a été créé une task-force interservices regroupant les différentes DG RELEX ayant pour objectif la rationalisation des lignes budgétaires et la simplification des modes de faire.

Ressources humaines

48. Les ressources humaines, d'une part, et le volume et le financement des projets, d'autre part, ne sont que deux éléments de l'équation. D'autres variables cruciales sont le niveau d'expérience et de familiarisation avec le concept et l'instrument financier, la capacité de l'administration nationale et le régime de propriété qui lui est applicable ainsi que l'organisation de la société civile.

Dans la situation existante lors de la phase de réhabilitation au Mozambique, l'instrument et le concept étaient neufs, l'administration locale et la société civile inexistantes et les ressources disponibles abondantes. Dans ce contexte, la délégation a toujours reconnu que l'efficacité du programme de réhabilitation de la Commission était largement compromis par le manque de ressources humaines dont elle disposait pour gérer un programme complexe et diffus.

La gestion du programme a été assurée par un conseiller, avec l'aide, selon le cas, d'un ou de deux AT expatriés. Compte tenu du fait que le concept de réhabilitation était nouveau, rares étaient ceux qui pouvaient s'appuyer sur une expérience préalable ou qui étaient censés disposer d'un éventail aussi large de connaissances professionnelles. Dans cette situation, ce déséquilibre entre l'importance des ressources financières disponibles et le personnel appelé à gérer le programme a fait que ce dernier s'est progressivement mué en un programme fondé sur la demande, dénué de toute stratégie clairement articulée.

Dans ces circonstances, il n'a pas été facile pour la délégation de procéder à une analyse plus rigoureuse des capacités institutionnelles et de la situation, couvrant l'ensemble de l'intervention ainsi que chaque projet et partenaire en particulier. En conséquence, il a fallu plus de temps pour intégrer les "enseignements" dans la stratégie de la délégation.

En revanche, la délégation a été en mesure, sur la base d'évaluations internes et externes, d'intégrer les enseignements dans le processus de décision.

- La capacité des partenaires et les activités susceptibles d'être lancées sont désormais beaucoup mieux comprises. Grâce aux orientations définies à Bruxelles, il a été possible d'appliquer les pratiques d'interventions optimales, notamment en ce qui concerne les microfinancements.

- Le conseiller au développement rural est désormais secondé par deux AT et un agent local basé à Maputo. Un AT sera bientôt basé dans la province septentrionale de Zambézie. Cela tranche avec la situation qui a prévalu de 1994 à 1996, durant laquelle un seul AT était chargé de gérer tout un portefeuille de projets. Dans le prochain programme de développement rural, il est prévu de détacher des experts dans le domaine du contrôle et de l'évaluation, de l'analyse de la pauvreté ainsi que des problèmes sociosexuels et économiques.

- L'administration financière dispose de deux agents locaux spécialisés. Les recommandations de la Cour des comptes ont été institutionnalisées.

- La diminution du montant des fonds a permis une approche plus raisonnée du développement rural. Les nouvelles initiatives prévues dans le cadre du huitième FED sont sectoriellement et géographiquement concentrées. L'analyse de la capacité d'absorption institutionnelle et l'analyse financière constituent désormais des routines appliquées lors de chaque projet.

- Le processus de sélection des projets est aujourd'hui systématique et transparent. La délégation a été la première à recourir à l'appel à propositions afin de mieux programmer les ressources de la Commission.

- La stratégie de développement rural adoptée par la délégation met l'accent sur les synergies entre la CE, les États membres et les programmes des autres donateurs.

Information de l'autorité budgétaire

49. Le Conseil a été, pendant les premières années du lancement de l'initiative spéciale pour l'Afrique, régulièrement informé, au minimum chaque semestre, de l'évolution de l'effort global de réhabilitation tant en termes de décisions que de déboursements. Il a, semble-t-il, jugé l'information reçue satisfaisante.

50. Sur la base des stipulations de l'article 9 du règlement (CE) n° 2258/96, adopté le 22 novembre 1996, les services de la Commission ont préparé un rapport d'exécution de l'exercice budgétaire 1997, premier exercice budgétaire suivant l'adoption du règlement. Pour ce qui est des pays ACP il comporte toutes les informations requises par l'article 9 du règlement dans le domaine de la mise en oeuvre des lignes budgétaires relatives à la réhabilitation. La conception du rapport est conforme à ce qui est prévu par le règlement.

51. La Commission souligne que les discussions continues sur les documents relatifs à la réhabilitation [projet de règlement du Conseil, communication sur les liens entre l'aide d'urgence, la réhabilitation et le développement (LRRD)], ont permis d'informer les diverses instances communautaires à de nombreuses reprises de l'état d'avancement de l'effort global de réhabilitation. De plus, l'autorité budgétaire, informée de l'exécution des crédits de l'exercice précédent, a confirmé régulièrement les crédits des lignes budgétaires relatives à la réhabilitation, au cours des divers exercices budgétaires successifs.

52 et 53. La Cour des comptes a déjà noté les conséquences que le manque de ressources humaines, notamment au niveau des délégations, a pu avoir dans le domaine de l'évaluation des interventions. Les modalités mises en oeuvre pour le suivi des actions par l'intermédiaire de l'assistance technique, en complément de celui effectué par les partenaires opérationnels eux-mêmes, pour la plupart du temps, en ce qui concerne la "réhabilitation budgétaire", des ONG très expérimentées, ont permis de réaliser des évaluations spécifiques d'un certain nombre de projets particuliers, ainsi que les deux importantes évaluations d'ensemble, exécutées par des bureaux indépendants: COWI et APT Consult. Il convient de noter que ces évaluations ont été effectuées, dès 1996/1997 et 1997/1998, dans le cadre de la politique d'évaluation menée par la Commission, et qu'elles sont publiques.

Mise en oeuvre des actions

Introduction

54. Les conclusions du Conseil du 2 décembre 1993 ne spécifient pas les deux limitations énoncées par la Cour des comptes: durée de deux ans et pas de nouveaux investissements. Elles ne figurent d'ailleurs pas non plus dans le règlement relatif à la "réhabilitation budgétaire"; les deux textes normatifs précités ne mentionnant, sans autre précision, que la durée limitée.

Ces limitations figuraient, toutefois, dans la communication de la Commission. Par ailleurs, la Commission constate, comme la Cour des comptes, que la mise en oeuvre des projets et programmes de réhabilitation a demandé, dans nombre de cas, une période parfois sensiblement plus longue que celle initialement prévue. Sans exclure la raison avancée par la Cour des comptes, elle doit souligner que le contexte, les circonstances et les conditions très difficiles de la mise en oeuvre des actions de réhabilitation sont certainement plus souvent la cause de l'allongement de la période d'exécution des interventions qui sont, toutefois, généralement restées dans des délais raisonnables.

Programmation et établissement du budget

56. Les conditions difficiles, notamment en terme de ressources humaines au niveau des délégations, de la mise en oeuvre des activités de réhabilitation sont reconnues.

57. Le fait qu'un nombre limité, par rapport à la totalité des actions entreprises, de projets ait dû être modifié, suspendu ou arrêté ne résulte pas systématiquement et uniquement d'une préparation insuffisante. Il résulte surtout des situations complexes et parfois aléatoires de sortie de crises profondes que connaissent les pays considérés comme éligibles à la réhabilitation.

58. La demande de remboursement introduite par le consultant, relative à un projet annulé de réinstallation de réfugiés, est en cours d'examen au sein de la Commission.

59. La situation changeante sur le plan de la sécurité a souvent contraint à la suspension des actions menées dans certaines régions. Au moment de la suspension, la durée de l'insécurité est généralement inconnue. Cette difficulté n'est pas propre à l'Angola.

60. Lors des discussions qui se sont tenues en mars 1999 avec l'Ordonnateur national (ON) et de l'analyse de la situation au Mozambique (Country Review), il a été décidé que ce projet n'était pas prioritaire pour le Mozambique et qu'il ne serait dès lors pas mis en oeuvre. Le 28 septembre 1999, la délégation a demandé l'annulation de ce projet, compte tenu notamment de l'absence de consensus entre les parties concernées sur la redéfinition et la formulation des principaux objectifs. Dans une réaction récente (15 octobre 1999), l'ON a estimé que le projet devait malgré tout être mis en oeuvre tel quel étant donné que le protocole de financement avait déjà été signé et qu'il ne figurait dès lors pas dans la liste des projets (priorités) arrêtée de commun accord par l'ON et la délégation en mars 1999. La Commission proposera la clôture du projet et le désengagement des fonds.

61. La Commission a pris en compte l'expérience des ONG, notamment lors de situations de crise, afin d'assurer la continuité des interventions dans les secteurs prioritaires pour la population affectée. L'importance des besoins, la variété des situations et l'étendue des pays concernés a parfois conduit à la diversification et à la multiplication d'opérations avec plusieurs partenaires différents. Cela est cohérent avec les conclusions du Conseil du 2 décembre 1993, point 5: "Il est souhaitable que les ONG jouent un rôle actif dans la mise en oeuvre et, le cas échéant, dans la conception des programmes communautaires d'aide à la réhabilitation" à diversifier et à multiplier les interventions à travers plusieurs partenaires différents. Il convient toutefois de noter que, pour la réhabilitation budgétaire, dès la programmation pour 1995, afin d'assurer une plus grande cohérence, il a été prévu de définir des secteurs et des zones prioritaires en tenant compte de divers éléments comme les interventions effectuées sur d'autres sources de financement ou par d'autres donateurs. Cette approche a été poursuivie et même renforcée au fur et à mesure de la mise en oeuvre de la "réhabilitation budgétaire".

Participation des bénéficiaires

66. Le choix des projets s'est fait sur la base de la connaissance, l'expérience et la réputation d'ONG travaillant sur place et souvent déjà pour des projets financés par l'UE. La contractualisation avec ces ONG a amélioré la transparence et le suivi des actions. Il ne faut pas oublier le contexte politique difficile après l'embargo et la dictature et les aspects d'urgence qui persistaient à ce moment. La participation des bénéficiaires est souhaitable à tous les niveaux mais dans l'esprit de la réhabilitation où il s'agit plus d'une remise à niveau de services de bases, elle n'a sans doute pas la même importance que dans un projet de développement à plus long terme. De plus, certaines ONG ont eu tendance à continuer à travailler dans le même esprit que pendant l'embargo où l'urgence et la réponse aux besoins immédiats prévalaient.

Développement durable

68. En ce qui concerne la Commission, celle-ci a toujours réclamé des déclarations fermes selon lesquelles les homologues marquaient leur accord sur les investissements d'infrastructures, même si une telle déclaration ne saurait, à elle seule, suffire à justifier la viabilité de l'action.

D'autre part, en l'absence d'une programmation à plus long terme dans le chef de l'administration mozambicaine, la seule alternative était d'investir dans la réhabilitation du réseau d'infrastructures sans (guère de) garanties quant à la viabilité des projets ou d'abandonner à son sort la population. À l'heure actuelle, pratiquement aucune infrastructure n'est encore dans un état d'abandon.

69. La Commission veillera à ce que les ONG opérant sur le terrain aient les compétences techniques et les ressources humaines nécessaires pour intervenir dans des domaines spécifiques évitant autant que possible les sous-traitances. Il est à signaler par ailleurs, que pour assurer la durabilité d'un projet, il faudra veiller à ce que les ministères compétents soient associés dès le début du projet afin d'inscrire les dépenses futures de l'action sur le budget de l'État une fois terminé l'appui communautaire.

70 - 72. Le faible niveau des traitements de la fonction publique et la démotivation du personnel sont naturellement un dénominateur commun dans tous les pays en développement. L'approche générale de la Commission repose sur deux axes:

i) tenter de régler les problèmes de ressources humaines par des programmes de réforme sociale

et

ii) octroyer des avantages extra-salariaux qui optimisent la plus-value sociale, tels que le financement d'écoles, l'amélioration des logements, etc.

73. Dans certains cas, le critère de la viabilité peut être moins prioritaire que la satisfaction des besoins immédiats de la population.

Exécution et résultats des programmes

75 - 76. En ce qui concerne les cas cités par la Cour, la Commission tient à souligner que la fourniture ininterrompue de services de base aux populations touchées dans un contexte d'après-crise a constitué une tâche particulièrement difficile à mettre en oeuvre.

"Dans bien des cas, les projets ont contribué à la remise en route de services minimaux dans le secteur social et au rétablissement de l'infrastructure dans les domaines prioritaires. En ce qui concerne l'incidence des projets, ceux-ci ont, les premières années, largement contribué au processus de paix au Mozambique, et plus particulièrement empêché la poursuite de la violence au Liberia"(11).

77. La Commission s'est engagée à liquider le poids du passé et a entamé un exercice pour accélérer les délais de paiement et le rattrapage du retard cumulé. Il a été constaté également que ce sont souvent les ONG qui ne respectent pas leurs engagements contractuels en retardant l'exécution des paiements (notamment, non-déclaration d'intérêts, retard dans la soumission des rapports, rapports peu détaillés, modification du budget initial, etc.).

78. La Commission admet que les rapports produits par les ONG peuvent avoir manqué de clarté, mais a pris les mesures appropriées pour améliorer les rapports financiers.

79. Les difficultés à recruter des AT disposés à travailler dans des pays instables ou en crise sont réelles et ont déjà été expliquées au paragraphe 72.

Procédures simplifiées

84. Il y a lieu de noter que la convention de Lomé prévoit les indispensables procédures simplifiées, permettant une accélération des procédures d'appel à la concurrence et d'attribution des marchés ainsi qu'une exécution rapide des projets. Comme l'explique le rapport, d'autres facteurs expliquent les retards encourus, et notamment la préparation inadéquate des projets dans le chef des autorités locales.

85. Le programme d'ouverture d'urgence des routes dans deux provinces du centre-nord du Mozambique (Zambézie et Sofala) a été financé dans le cadre du projet 7. ACP. MOZ.47.

Les documents d'appels d'offres pour les travaux et le contrôle dans les deux provinces ont été préparés en 1993 et les appels d'offres respectifs lancés durant le troisième trimestre de 1994. Outre les raisons déjà invoquées, les contraintes liées au déminage, domaine dans lequel aucune expérience préalable n'avait été acquise dans le contexte de la construction routière au Mozambique, a provoqué des retards supplémentaires.

Les marchés relatifs au suivi ont été signés pour les deux provinces fin 1995, alors que les deux marchés de travaux ont été signés en juillet 1996. Toutefois, compte tenu du délai qui s'était écoulé depuis la signature du protocole de financement, il a fallu améliorer les normes techniques adoptées dans un premier temps de manière à assurer une plus grande durabilité des routes couvertes par le projet. Les nouvelles normes techniques ont permis d'améliorer le concept EOR (ouverture d'urgence de routes) appliqué tout au long de la mise en oeuvre du projet.

La date d'achèvement du projet EOR dans la province de Sofala avait été initialement fixée au 25 mars 1998. En raison des modifications approuvées par le ministère des routes et la CE, de la nécessité d'apporter une aide à la réparation des tronçons abîmés par les pluies exceptionnelles et des retards encourus par le contractant, le projet a finalement été achevé le 2 mars 1999.

D'une manière générale, et en dépit du fait que deux tronçons routiers n'ont pu être achevés dans le cadre du premier marché, les différences entre la situation actuelle du réseau routier et celle pré valant avant les travaux de réhabilitation sont considérables. La durée du trajet Save-Inchope a ainsi été réduite de moitié.

La date d'achèvement du projet EOR dans la province de Zambézie avait initialement été fixée au 25 février 1998. En raison des travaux supplémentaires approuvés par le ministère des routes et la Commission, le projet a été achevé le 31 décembre 1998. En dépit des retards initiaux, la réhabilitation des routes a permis d'atteindre un bon niveau de qualité qui fait qu'elles sont à présent considérées comme les meilleures de toutes les routes relevant des projets EOR menés au Mozambique.

En dépit des retards encourus dans la phase initiale du projet, la Commission ne dispose d'aucune information concernant des réparations qui auraient été effectuées par des ONG sur l'une quelconque des routes couvertes par le projet dans la province de Sofala.

Dans la province de Zambézie, des réparations d'urgence ont dû être effectuées localement en raison des retards encourus et de la situation très critique des routes, et ce avant même que les ONG ne puissent commencer les travaux sur les routes couvertes par le projet dans la province de Sofala.

86. La convention de financement du programme santé posturgence a été signée début 1994 pour un montant de 15 Mio ECU. Le démarrage du projet a été effectivement très lent (sur le plan des déboursements). Bien que les dépenses aient pris beaucoup de retard, de nombreuses activités d'appui et de formation sur le terrain ont eu lieu. Le projet a été évalué et renforcé en 1997/1998. Depuis, les principales dépenses ont été engagées.

Comptes bancaires séparés

87. La Commission veille à ce que les ONG, au moment de la clôture d'un projet, effectuent une déclaration d'intérêts sur les avances versées par la Commission en fournissant le détail des frais couverts par ces intérêts.

Établissement de rapports

Obligations

88 - 99. La Commission introduit (à partir du 1er janvier 2000) des procédures contractuelles simplifiées en ce qui concerne l'octroi des aides non remboursables. Le contrat-type contient des dispositions précises en ce qui concerne l'obligation d'établir des rapports, tant en ce qui concerne les aspects techniques que financiers du contrat. Le rapport doit être présenté de telle manière qu'il permette une comparaison des objectifs, des moyens envisagés ou utilisés, des résultats attendus et obtenus et des modalités budgétaires de l'opération.

Afin d'aboutir à une standardisation des procédures, les factures restent en possession des ONG pendant la durée légale, et elles ne sont examinées que par échantillonnage ou lors d'un contrôle effectué par les autorités financières.

Comme la Commission l'a indiqué, nombre des problèmes mis en évidence par la Cour ne devraient plus se poser avec l'harmonisation et la simplification des procédures d'établissement des rapports et de paiement.

La Commission veille à ce que tout paiement soit fait après soumission d'un rapport intermédiaire et/ou final et après avis de la délégation concernée.

Audits

100. À partir de juillet 1999, il a été inséré dans toute convention de subvention d'un montant égal ou supérieur à 100000 EUR, qu'un rapport d'audit financier sera exigé concernant soit la mise en oeuvre de l'action soit l'ONG. En outre, pour tout paiement d'une avance égale ou supérieure à 1 Mio EUR, une garantie financière est exigée. L'obligation d'une garantie financière ne s'applique pas lorsque l'ONG concernée est internationalement reconnue et à ce titre régulièrement soutenue par d'autres bailleurs de fonds.

Tous les cas signalés par la Cour seront suivis.

101. La Commission est consciente des risques que comporte l'affectation de l'aide à des organisations et des entités dans des situations de conflit et de réhabilitation. Il est de pratique constante que la Commission examine toutes les allégations qui sont portées à sa connaissance, même si bon nombre de ces allégations s'avèrent être inévitablement sans fondement.

Suivi

103. L'insuffisance de ressources humaines à la délégation, ainsi que les difficultés logistiques ont en effet limité, pour un certain temps, la capacité de suivi sur le terrain de l'ensemble des projets réalisées par les ONG.

104 - 107. Comme la Commission l'a expliqué dans sa réponse aux points 88 - 99, le système d'établissement des rapports a été modifié, ce qui devrait faciliter le suivi des projets. De plus, la Commission est en train d'introduire des procédures de suivi plus systématiques et plus globales pour l'ensemble de ses programmes, ce qui devrait assurer une approche plus uniforme et une couverture plus dense.

Évaluations

108. La Commission reconnaît pleinement l'importance de l'évaluation. C'est la raison pour laquelle des experts indépendants ont déjà évalué la plupart des programmes nationaux couverts par le rapport dès 1997, c'est-à-dire à partir du moment où le programme était suffisamment avancé.

109. La Commission admet que, en particulier durant la phase initiale du programme, la préparation des projets n'a pas été satisfaisante, et ce pour les raisons suivantes:

i) les systèmes actuels de gestion du cycle du projet ne sont pas toujours en adéquation avec les actions de réhabilitation compte tenu des différents types de risque à prendre en compte lors de l'octroi d'une aide à la réhabilitation (rapport d'évaluation APT, p. 13);

ii) les structures sociales et économiques se sont profondément modifiées en raison de la situation instable, ce qui signifie que les données et hypothèses existantes risquent de ne plus être fiables.

La Commission examine en ce moment la possibilité de définir des orientations plus spécifiques pour les projets de réhabilitation.

110. Outre les deux évaluations générales mentionnées par la Cour, la Commission a en fait procédé à des évaluations indépendantes couvrant l'ensemble des principaux aspects des programmes menés dans les autres pays et elle estime ainsi avoir réalisé une excellente couverture de ses actions de réhabilitation, en particulier compte tenu des conditions de travail extrêmement difficiles qui prévalent toujours dans la plupart de ces pays. Tous les rapports finaux d'évaluation sont disponibles au public. Pour les projets des ONG, l'évaluation se fait par échantillonnage étant donné qu'il ne serait pas possible, pour des raisons de faisabilité voire de rentabilité économique, d'évaluer un grand nombre de petits projets.

112. Pour ce qui concerne l'Angola, une première évaluation globale des lignes budgétaires a eu lieu en 1994 (avec une étude approfondie aussi des projets en Angola). Dans le cadre de la deuxième évaluation globale (réalisée en 1998) l'Angola a aussi été visité, et l'évaluation a couvert tous les projets financés sur les lignes budgétaires. Deux des évaluations des projets financés sur le FED, prévues en 1998, ont été réalisées en 1999.

En ce qui concerne l'Éthiopie, des évaluations par des consultants locaux des projets achevés dans le cadre du programme de réhabilitation sociale (SRP) ont été initiées par l'unité d'appui technique du SRP sur des ressources budgétaires propres. Après la fermeture de l'unité, l'unité de sécurité alimentaire locale (LFSU) a repris les projets restants. En raison de la fermeture de l'unité d'appui technique, les fonds SRP destinés à l'évaluation des projets SRP n'étaient plus disponibles. Les documents de synthèse concernant les résultats obtenus dans le cadre des projets achevés ont néanmoins été établis par la LFSU (voir également la réponse au point 114).

Enfin, les actions de réhabilitation au Mozambique ont été évaluées comme suit: article 255 (1997), lignes budgétaires (1998), évaluation globale (1999). Une évaluation spécifique des projets réalisés par "Handicap International" a été publiée en janvier 1999.

114. Le consultant local auquel la Cour fait référence s'est exactement conformé aux dispositions du cahier des charges. Compte tenu du nombre important de projets en cours de mise en oeuvre à un moment donné (entre 25 et 30), une évaluation au sens propre du terme n'aurait de sens que si un grand nombre de projets étaient couverts afin d'en tirer des enseignements pour l'avenir. Étant donné que cette démarche n'était pas possible à l'époque, il a été décidé de limiter l'évaluation à la rédaction d'un document de synthèse faisant le point des diverses réalisations et comportant un certain nombre de recommandations pour les actions futures. Dans ces circonstances, le terme d'"évaluation" est peut-être quelque peu trompeur.

Conclusion

Concept

115 à 117. La création d'un nouvel instrument unique de "réhabilitation" n'a pas été retenue. Il n'y a pas de contradiction entre les différents textes (Lomé IV et règlement) régissant la réhabilitation et la complémentarité entre les actions est possible. En conséquence, c'est l'utilisation flexible et appropriée de divers instruments existants (FED et budget général, pour les pays ACP) qui a été mise en oeuvre au cours de la période considérée. Les critères d'utilisation en ont, notamment dans le domaine du "concept", été progressivement précisés par les diverses instances communautaires. Des éléments normatifs définis, assortis de clauses de souplesse, figurent à cet égard dans les conclusions du Conseil du 2 décembre 1993 et dans le règlement (CE) n° 2258/96 du 22 novembre 1996. Cette approche souple est amplement justifiée par les principales considérations qui ont fait l'objet d'un consensus lors des diverses discussions ayant eu lieu dans le domaine de la "réhabilitation": le processus est complexe, progressif et non linéaire et peut engendrer des "zones grises" quand il s'agit d'éviter des solutions de continuité, il ne peut se résumer à un retour à la situation ex ante, il doit donc être adapté à chaque situation et à sa possible évolution: il exige en conséquence une approche flexible et articulée des moyens disponibles.

Par ailleurs, de fait, une harmonisation fonctionnelle a été effectuée: les fonds de la réhabilitation budgétaire ont essentiellement été utilisés pour financer des opérations de "réhabilitation" proposées et mises en oeuvre par des ONG. En outre, la nouvelle Commission a nommé un seul commissaire responsable des deux secteurs.

Enfin la création du service commun Relex a conduit à une harmonisation plus poussée des modes de faire dans ce domaine. Une nette amélioration devrait résulter de la mise en vigueur du nouveau contrat-type de subvention. De même, les disparités dans les méthodes de paiement disparaîtront.

Identification et coordination

118. La Commission rappelle que l'éligibilité des pays à la réhabilitation doit, d'après les textes eux-mêmes, être examinée avec souplesse; qu'elle est, en outre, déterminée en liaison avec les États membres. Elle souligne aussi les risques que peut faire courir à la population et à l'ensemble du processus de retour à la stabilité une attitude trop attentiste dans ce domaine.

En Angola il y a un gouvernement légitime, reconnu par la communauté internationale. Sur la pertinence de développer des actions de réhabilitation, voir le commentaire au point 22.

119. Les contraintes liées à la nécessité "de lancer le plus rapidement possible, sans que la qualité de l'évaluation puisse en pâtir" [article 1er du règlement (CE) n° 2258/96] sont réelles. La conciliation de ces éléments opposés peut, en effet, s'avérer difficile en pratique. La solution qui aurait consisté en la poursuite des actions d'urgence présente autant de difficultés en termes de possibilités administratives et financières et de risques de pérennisation de l'assistance au détriment de la stabilisation des situations.

120. Divers moyens de coordination avec les États membres, les divers donateurs et les autres intervenants dans ce domaine ont été mis en place, tant au siège que sur place, via les délégations et utilisés. Pour la "réhabilitation budgétaire" la programmation et la prise de décision sur les actions impliquent dans ce processus: les États membres, les divers services du siège et les partenaires opérationnels sur place via les délégations. Les divers stades en sont une étape de préprogrammation, une programmation (pays et secteurs) élaborée au sein du comité conjoint avec les États membres, une information ex ante et ex post sur les décisions prises. Les moyens en sont notamment: la préparation annuelle d'orientations générales, l'échange régulier et systématique d'informations, la constitution de task-forces par pays ou secteurs. La coordination avec ECHO est effectuée par l'information préalable à toute décision de "réhabilitation budgétaire". La coordination des ressources provenant du FED et du budget général est effectuée par les délégations et les services géographiques qui participent à la programmation des crédits budgétaires tout en assurant la mise en oeuvre des fonds du FED.

Programmation et suivi

121. La Commission est d'avis que sa programmation est transparente et justifiée par les besoins. En effet, les fonds disponibles chaque année pour la réhabilitation budgétaire ont été arrêtés par l'autorité budgétaire et exécutés par la Commission. Ils ont fait l'objet d'une programmation entre les pays éligibles selon les modalités prévues par le règlement (CE) n° 2258/96. Leur mise en oeuvre a été effectuée sur la base de contrats dont un certain nombre a fait l'objet d'avenants liés aux difficultés de la mise en oeuvre. L'établissement d'un avenant s'accompagne en principe de justifications et d'un point de la situation financière du projet et de ses perspectives.

122. La Commission confirme qu'une programmation a été effectuée pour l'ensemble des actions de réhabilitation avec tous les partenaires concernés (États membres, organisations spécialisées et ONG). Cette programmation a été effectuée aussi bien sur le terrain qu'au siège en mettant en oeuvre plusieurs moyens de coordination afin de répondre de la façon la plus pertinente possible aux besoins des populations affectées.

123. En l'absence fréquente d'une administration nationale ou même locale le meilleur moyen d'assurer l'implication des bénéficiaires a été de collaborer avec des organismes opérationnels et spécialisés.

La mise en oeuvre des crédits annuels de la "réhabilitation budgétaire" essentiellement par l'intermédiaire de plusieurs dizaines d'ONG expérimentées, appartenant à des pays de l'Union et aux pays bénéficiaires, opérant aussi en partenariat, constitue un moyen approprié pour répondre, en les y associant ainsi que leurs représentants, aux besoins prioritaires des populations affectées, limitant ainsi les risques pour la viabilité des projets.

124. Le Conseil en particulier a été régulièrement informé de la mise en oeuvre de l'effort de réhabilitation. Voir aussi les points 88 - 89 sur les suivis obligatoires contenus dans les contrats-types.

125. Les projets financés par les crédits budgétaires ont en principe comporté des objectifs chiffrés et quantifiés (nombre de bénéficiaires par exemple), un budget détaillé ainsi qu'une durée de mise en oeuvre envisagée. Le reporting lié, notamment, à la mise en oeuvre financière des projets prévoit des rapports narratifs et financiers. Des conditions de mise en oeuvre difficiles des projets ont pu allonger sensiblement les délais d'exécution des projets. La Commission a introduit des modifications qui vont améliorer le reporting.

Mise en oeuvre et obligation de rendre compte

126. Selon les dispositions des textes la réhabilitation doit, effectivement, être mise en oeuvre rapidement et avoir une durée limitée. Du fait de sa complexité la phase de réhabilitation peut être prolongée, ainsi d'ailleurs que par là même, l'exécution des projets. Il n'en demeure pas moins que plusieurs pays au cours de la période considérée ont cessé d'être éligibles à la réhabilitation. De façon générale la distinction entre les phases de réhabilitation et de développement peut être assez bien établie; il n'en reste pas moins vrai que la transition est progressive et que l'articulation entre les deux étapes peut conduire à la mise en oeuvre de programmes facilitant le passage de l'une à l'autre.

127. Les difficultés de recrutement de personnel, local ou expatrié, dans des situations de conflit récent ou proche et de manque aigu d'infrastructures de base sont manifestes et ne sauraient être imputées à des problèmes de procédures au sein de la Commission.

La Commission a décidé le 10 novembre 1999 d'approuver un manuel d'instruction à ses services prévoyant de simplifier, rationaliser et rendre plus transparentes les opérations de passation de marchés dans le monde entier. Au terme de cette décision, les procédures actuellement utilisées dans différents programmes d'aide extérieure et dans le cadre du FED diminueront, passant de 40 à 8 au total. Ces nouvelles procédures simplifiées seront mises en oeuvre progressivement à partir du 1er janvier 2000 dans le cadre de l'ensemble des programmes (MEDA, ALA, PHARE, TACIS, OBNOVA etc.) et du FED, au fur et à mesure que les actions de formation préalables nécessaires seront réalisées et que les dispositions particulières visant les marchés existants dans le cadre des règlements et des instruments juridiques couvrant ces différents programmes seront révisées.

Ces nouvelles mesures représenteront un progrès considérable pour l'ensemble des opérateurs économiques européens et des autorités contractantes des pays partenaires. Elles permettront, notamment, d'accélérer et d'améliorer la mise en oeuvre des programmes et des projets d'aide extérieure, tout en assurant une meilleure sécurité et une plus grande transparence des marchés et des appels d'offres.

À cet égard, le recours à des contrats types assurera également une harmonisation des obligations d'établissement de rapports et une accélération des procédures de paiement.

128. L'incidence des actions de réhabilitation financées par l'UE a été examinée par des experts indépendants qui ont souligné la contribution qu'elles ont apportée au processus de paix et à la prévention de la poursuite de la violence.

Résultats

129. Une programmation a été effectuée annuellement pour la "réhabilitation budgétaire" en tenant compte de la nature de transition progressive que doit assumer la réhabilitation. Dans un tel contexte, et en ne disposant que de ressources limitées par rapport aux besoins, l'établissement de secteurs prioritaires, y compris fondés sur la poursuite d'actions déjà entreprises afin d'éviter des ruptures brusques ne semble pas incohérent.

L'ensemble des actions de réhabilitation dont la plus grande majorité provient du FED ont fait l'objet d'une analyse approfondie des besoins et des moyens les plus appropriés pour y répondre. Pour ce qui est des opérations conduites par les ONG elles ont permis sur le terrain d'assurer une continuité dans la réponse aux besoins prioritaires.

Les nombreuses évaluations effectuées fournissent une vue d'ensemble des interventions de réhabilitation, et ne donnent pas une image d'incohérence des activités de la Commission dans ce domaine, conduites en complément d'autres interventions.

130. Il est exact que le rétablissement de l'infrastructure institutionnelle est un élément important de la viabilité des interventions. Mais il dépend d'un certain nombre de facteurs qui dépassent largement l'aide à la réhabilitation, et exigent une approche globale. Les interventions de réhabilitation répondant aux besoins de base des populations y contribuent aussi pour leur part. Il s'agit d'un processus complexe, itératif et progressif.

À cet égard, il y a lieu de souligner que, en ce qui concerne le développement institutionnel, la situation politique et/ou militaire très fluctuante et imprévisible a un impact direct sur les possibilités de développement des capacités, notamment institutionnelles.

131. La mise en place de la réhabilitation dans les années 1993 et 1994 ne présente pas les mêmes caractéristiques que la mise en oeuvre des interventions de réhabilitation en 1997 et 1998. D'ailleurs la Commission poursuit sa réflexion sur le lien entre l'aide humanitaire, la réhabilitation et le développement; dans le cadre de cet exercice elle veillera à ce que les observations pertinentes de la Cour soient prises en compte.

En effet, la Commission a déjà entamé un processus d'examen d'ensemble des activités de réhabilitation avec pour objectif d'une part de tirer les enseignements pratiques des expériences de terrain déjà effectuées et d'autre part de systématiser ces enseignements en directives claires en vue d'une approche globale par les différents services de ces situations. Ce processus se déroule selon les étapes suivantes.

i) Une task-force, mise en place en 1999, étudie les interventions de réhabilitation dans la perspective du document de la Commission de 1996 sur les liens entre l'aide d'urgence, la réhabilitation et le développement sur la base d'une étude méthodologique confiée à un consultant.

ii) En 2000 un système cohérent de guidelines opérationnelles devrait être élaboré, permettant l'analyse des crises et une mise en oeuvre efficace et cohérente de l'aide communautaire avant, pendant et après une crise, selon une vue d'ensemble et dans une perspective à long terme. Les modalités de l'utilisation de ces éléments par les différents services concernés seront également examinées.

iii) Enfin ces éléments devraient être formalisés selon des modalités appropriées en complément des orientations de 1996.

(1) JO L 306 du 28.11.1996, p. 1.

(2) APT Consult, Phase I, Desk Review Report-Final (4th May 1998), p. 21.

(3) COM(93) 204 final du 12.5.1993.

(4) COM(95) 291 final du 26.6.1995.

(5) COM(96) 153 final du 30.4.1996.

(6) JO C 329 du 6.12.1993, p. 77.

(7) Evaluation of the Implementation of the Budget Lines (...) B7 - 6410 Rehabilitation in all Developing Countries, ACP Section - Financial Years 1994 - 1995 - 1996 - 1997 - Country Report Liberia; APT Consult, UK; p. 5.

(8) Ibidem, p. 6.

(9) Evaluation of EU Aid, Field phase; Case Study No 5: Liberia; Investment Development Consultancy, France; August 1998; p. 1.

(10) Ibidem.

(11) APT Consult, rapport de synthèse final (23 septembre 1998), p. 13.