2.3.1998   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 66/5


COMMUNICATION DE LA COMMISSION

concernant la notion de concentration au sens du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises

(98/C 66/02)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

I.

INTRODUCTION

II.

FUSIONS ENTRE ENTREPRISES ANTÉRIEUREMENT INDÉPENDANTES

III.

ACQUISITION DU CONTRÔLE

1.

Contrôle unique

2.

Contrôle en commun

2.1.

Parité des droits de vote ou de représentation dans les organes de décisions

2.2.

Droits de veto

2.3.

Exercice commun des droits de vote

2.4.

Autres considérations relatives au contrôle en commun

2.5.

Contrôle en commun pour une période limitée

3.

Contrôle par un actionnaire unique sur la base de droits de veto

4.

Changements dans la structure du contrôle

IV.

EXCEPTIONS

V.

REMARQUE FINALE

I.   INTRODUCTION

1.

Dans la présente communication, la Commission entend donner des indications sur l'interprétation qu'elle donne de la notion de concentration au sens de l'article 3 du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) no 1310/97 (2) (ci-après dénommé «règlement sur les concentrations»). Cette communication, sur l'interprétation à donner à l'article 3, devrait permettre aux entreprises de déterminer, avant même de prendre contact avec les services de la Commission, si, et dans quelle mesure, le contrôle communautaire sur les concentrations leur est applicable.

La présente communication remplace la précédente communication concernant la notion de concentration (3).

Elle porte sur l'article 3, paragraphes 1, 3, 4 et 5, du règlement sur les concentrations. L'interprétation qu'il convient de donner de l'article 3 dans le contexte des entreprises communes, qui sont notamment visées au paragraphe 2 dudit article, est précisée dans la communication de la Commission sur les entreprises communes de plein exercice.

2.

Les indications apportées par la présente communication sont le fruit de l'expérience que la Commission a acquise depuis l'entrée en vigueur, le 21 décembre 1990, du règlement sur les concentrations. Les principes qui y sont énoncés seront appliqués et développés par la Commission dans sa pratique décisionnelle.

3.

Aux termes du considérant 23 du règlement (CEE) no 4064/89, «il est indiqué de définir le concept de concentration de telle manière qu'il ne couvre que les opérations qui aboutissent à une modification durable de la structure des entreprises concernées». L'article 3, paragraphe 1, ajoute que cette modification de structure résulte soit de la fusion de deux entreprises antérieurement indépendantes, soit de l'acquisition du contrôle de l'ensemble ou de partie(s) d'une autre entreprise.

4.

Pour déterminer si une opération constitue une concentration au sens du règlement, la Commission applique des critères qualitatifs, plus que quantitatifs, en mettant l'accent sur la notion de contrôle. Ces critères comportant des arguments de fait et de droit, il s'ensuit qu'il peut y avoir concentration de fait ou de droit.

5.

À l'article 3, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations sont définis deux types de concentration:

les concentrations résultant de la fusion entre des entreprises antérieurement indépendantes [point a)]

et

les concentrations dues à l'acquisition du contrôle [point b)].

Les deux types de concentration sont examinés successivement aux sections II et III.

II.   FUSIONS ENTRE DES ENTREPRISES ANTÉRIEUREMENT INDÉPENDANTES

6.

Au sens de l'article 3, paragraphe 1, point a), du règlement sur les concentrations, une concentration est réalisée lorsque deux ou plusieurs entreprises indépendantes fusionnent en créant une nouvelle entreprise et disparaissent en tant que personnes morales distinctes. Une fusion peut également avoir lieu lorsqu'une entreprise est absorbée par une autre, perdant ainsi la personnalité morale.

7.

Il y a également concentration au sens de l'article 3, paragraphe 1, point a), du règlement sur les concentrations lorsque, même en l'absence de concentration sur le plan juridique, la combinaison des activités d'entreprises antérieurement indépendantes aboutit à la création d'une unité économique (4). Il en est ainsi, notamment, lorsque deux ou plusieurs entreprises, tout en conservant leur personnalité juridique propre, établissent, sur une base contractuelle, une gestion économique en commun (5). Si cette opération entraîne une fusion de fait entre les entreprises concernées avec création d'une véritable unité économique commune, il s'agit d'une concentration. Une condition préalable pour déterminer s'il y a création d'une unité économique commune, est l'existence d'une direction économique unique et permanente. D'autres facteurs tels qu'une compensation des profits et des pertes entre les différentes entreprises à l'intérieur du groupe et une responsabilité solidaire peuvent entrer en considération. La fusion de fait peut être renforcée par des participations croisées entre les entreprises qui constituent l'unité économique.

III.   ACQUISITION DU CONTRÔLE

8.

L'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations prévoit qu'une opération de concentration est réalisée par l'acquisition du contrôle d'une autre entreprise, soit par une entreprise agissant seule, soit par deux ou plusieurs entreprises agissant conjointement.

La prise de contrôle peut aussi être réalisée, soit par une ou plusieurs personnes, contrôlant déjà au moins une entreprise, soit par la combinaison d'une ou plusieurs personnes et d'une ou plusieurs entreprises. La notion de «personne», dans ce contexte, englobe les organismes de droit public (6), les organismes de droit privé et les personnes physiques.

Telle qu'elle est définie, la notion de «concentration» au sens du règlement sur les concentrations est limitée aux changements intervenant dans la structure du contrôle. La restructuration interne d'un groupe d'entreprises ne saurait par conséquent constituer une concentration.

Il peut arriver, à titre exceptionnel, que l'entreprise qui acquiert le contrôle et l'entreprise cible soient toutes deux des entreprises publiques dont le capital est détenu par un même État (ou par un même organisme de droit public). Pour pouvoir répondre à la question de savoir si, dans le cas d'espèce, l'opération doit être considérée comme une restructuration interne, il faut déterminer si les deux entreprises faisaient antérieurement partie d'un même ensemble économique au sens du considérant 12 du règlement sur les concentrations. En effet, si les entreprises faisaient partie, auparavant, d'entités économiques indépendantes dotées d'un pouvoir de décision autonome, l'opération devrait être considérée comme une concentration et non comme une restructuration interne (7). Il convient néanmoins de noter que ce pouvoir de décision autonome fait défaut, en règle générale, lorsque les entreprises dépendent d'un même holding  (8).

9.

Pour savoir si une opération entraîne une prise de contrôle, il faut tenir compte d'un certain nombre d'éléments de fait et/ou de droit. L'acquisition de droits de propriété et les pactes d'actionnaires sont des éléments importants, mais qui ne suffisent pas toujours, les relations purement économiques pouvant également être un élément déterminant. Il se peut ainsi que, dans des cas exceptionnels, une situation de dépendance économique aboutisse à un contrôle de fait, notamment lorsque d'importants accords de fourniture à long terme ou d'importants crédits à long terme octroyés par des fournisseurs ou des clients, couplés avec d'autres liens structurels, permettent d'exercer une influence déterminante (9).

Il peut aussi y avoir prise de contrôle même si ce n'est pas l'intention déclarée des parties (10). En outre, le règlement définit sans ambiguïté le contrôle comme «la possibilité d'exercer une influence déterminante», plus que comme l'exercice effectif de cette influence.

10.

Néanmoins, en règle générale, les prises de contrôle sont réalisées par des personnes ou des entreprises titulaires ou bénéficiaires de droits qui confèrent un contrôle [article 3, paragraphe 4, point a)]. Il peut arriver, exceptionnellement, que le détenteur de droit d'une participation de contrôle ne soit pas la personne ou l'entreprise qui détient, de fait, le pouvoir réel d'exercer les droits que confère cette participation. Tel peut être le cas, par exemple, si une entreprise utilise un tiers ou une autre entreprise pour acquérir une participation de contrôle et exerce les droits qui y sont attachés par l'intermédiaire de ce tiers ou de cette autre entreprise, tout en n'étant pas juridiquement détenteur de ces droits. La prise de contrôle serait alors effectuée par l'entreprise sous-jacente à l'opération qui exerce, de fait, le pouvoir de contrôler l'entreprise cible [article 3, paragraphe 4, point b)]. Parmi les éléments de preuve nécessaires pour démontrer l'existence de ce type de contrôle indirect peuvent figurer notamment les sources de financement ou les liens familiaux.

11.

Le contrôle peut porter sur une ou plusieurs entreprises dotées de la personnalité morale, sur des actifs de ces personnes morales ou sur certains éléments de ces actifs (11). Les actifs concernés, qui peuvent être des marques ou des licences, doivent constituer une activité à laquelle on puisse rapporter un chiffre d'affaires déterminé.

12.

La prise de contrôle peut revêtir la forme d'un contrôle exclusif ou d'un contrôle en commun. Dans les deux cas, le contrôle se définit comme la possibilité d'exercer sur une entreprise une influence déterminante découlant de droits, de contrats ou de tout autre moyen (article 3, paragraphe 3).

1.   Contrôle unique

13.

Un contrôle exclusif est normalement acquis de droit lorsqu'une entreprise acquiert une majorité des droits de vote d'une société. Il n'importe pas en soi que la prise de participation atteigne 50 % du capital plus une action (12) ou 100 % du capital social (13). En l'absence d'autres éléments, l'acquisition qui ne comprend pas une majorité des droits de vote ne confère normalement pas le contrôle de la société même si elle entraîne la détention d'une majorité du capital social.

14.

Le contrôle exclusif peut également être acquis avec une «minorité qualifiée», ce qui peut être établi par les circonstances de droit ou de fait.

De droit, la prise de contrôle peut être réalisée lorsque des droits particuliers sont attachés à la participation minoritaire. Il peut s'agir d'actions préférentielles qui confèrent une majorité des droits de vote ou d'autres droits qui donnent à l'actionnaire minoritaire la possibilité de déterminer la stratégie commerciale de l'entreprise cible, tel le pouvoir de nommer plus de la moitié des membres du conseil de surveillance ou du conseil d'administration.

Un actionnaire minoritaire peut aussi être considéré comme détenant un contrôle exclusif de fait. C'est le cas, par exemple, lorsque l'actionnaire a la quasi-certitude d'obtenir la majorité à l'assemblée générale parce que le reste des actionnaires est très dispersé (14). Il est alors peu probable que tous les petits porteurs puissent être présents ou représentés à cette occasion. C'est sur la présence des actionnaires au cours des années antérieures que l'on se fondera pour apprécier s'il y a exercice d'un contrôle exclusif ou non. Si, sur la base du nombre d'actionnaires participant à l'assemblée générale, un actionnaire minoritaire obtient une majorité stable dans cette assemblée, l'actionnaire minoritaire en question est considéré comme exerçant un contrôle exclusif (15) sur l'entreprise.

Un contrôle exclusif peut aussi être exercé par un actionnaire minoritaire qui a le droit de gérer les activités de la société et d'en déterminer la politique commerciale.

15.

Une option pour acheter ou convertir des actions ne peut pas en soi conférer un contrôle exclusif à moins que cette option ne s'exerce dans un proche avenir, conformément à des accords juridiquement contraignants (16). L'exercice vraisemblable de l'option peut néanmoins être pris en considération comme un élément d'appréciation qui s'ajoutera à d'autres considérations pour conclure, le cas échéant, à l'existence d'un contrôle exclusif.

16.

Le changement du contrôle commun en contrôle exclusif est considéré comme une opération de concentration au sens du règlement sur les concentrations parce que l'influence déterminante exercée seule est substantiellement différente de l'influence déterminante exercée à plusieurs (17). Pour la même raison, une opération qui comprend la prise du contrôle commun d'une partie d'une entreprise et du contrôle exclusif d'une autre partie de la même entreprise sera, en principe, considérée comme donnant lieu à deux concentrations distinctes au sens du règlement sur les concentrations (18).

17.

La notion de contrôle au sens du règlement sur les concentrations peut être différente de celle qui s'applique dans des domaines législatifs particuliers: règles prudentielles, fiscalité, transports aériens, médias, etc. Par ailleurs, il arrive que la législation nationale applicable dans un État membre prévoie des règles particulières concernant la structure des organes de décision dans une entreprise et en particulier les droits de représentation des travailleurs. Si ces règles confèrent parfois un certain pouvoir de contrôle à des personnes autres que les actionnaires, la notion de contrôle au sens du règlement sur les concentrations ne porte que sur les moyens d'influence normalement mis en œuvre par les propriétaires d'une entreprise. Enfin, les prérogatives, exercées par un État en tant que puissance publique et non en tant qu'actionnaire, lorsqu'elles sont limitées à la seule défense de l'intérêt public, ne constituent pas un contrôle au sens du règlement sur les concentrations en ce qu'elles n'ont ni pour objet, ni pour effet de mettre ledit État en mesure d'exercer une influence déterminante sur l'activité de l'entreprise (19).

2.   Contrôle en commun

18.

À l'instar du contrôle exclusif, la prise de contrôle en commun (qui inclut le passage d'un contrôle unique à un contrôle en commun) peut être établie sur la base de circonstances de droit ou de fait. Il y a contrôle en commun lorsque les actionnaires (les entreprises fondatrices) doivent s'entendre sur les grandes décisions concernant l'entreprise contrôlée (l'entreprise commune).

19.

Il y a contrôle en commun lorsque deux ou plusieurs entreprises ou personnes ont la possibilité d'exercer une influence déterminante sur une autre entreprise. Par influence déterminante on entend habituellement le pouvoir de bloquer les décisions qui déterminent la stratégie commerciale d'une entreprise. Contrairement au contrôle exclusif qui accorde à un actionnaire donné le pouvoir de déterminer les décisions stratégiques d'une entreprise, le contrôle en commun se caractérise par la naissance possible d'une situation de blocage par le fait que deux ou plusieurs entreprises fondatrices ont le pouvoir de rejeter les décisions stratégiques proposées. Ces actionnaires doivent donc nécessairement s'entendre sur la politique commerciale de l'entreprise commune.

2.1.   Parité des droits de vote ou de représentation dans les organes de décision

20.

La forme la plus évidente de contrôle en commun est celle où il n'y a que deux entreprises fondatrices qui se partagent à parité les droits de vote dans l'entreprise commune. Dans ce cas, il ne leur est pas nécessaire de passer un accord formel. En revanche, lorsqu'elles ont passé un accord formel, celui-ci doit être conforme au principe d'égalité entre les entreprises fondatrices, en établissant, par exemple, que chacune d'elles a droit au même nombre de représentants dans les organes de direction et qu'aucun des membres n'a de voix prépondérante (20). La parité peut aussi être obtenue en donnant aux deux entreprises fondatrices le droit de nommer un nombre égal de représentants dans les organes de décision de l'entreprise commune.

2.2.   Droits de veto

21.

Il peut y avoir un contrôle en commun alors même qu'il n'y a pas de parité entre les entreprises fondatrices en ce qui concerne les votes ou la représentation dans les organes de décision ou lorsqu'il y a plus de deux entreprises fondatrices. Il en est ainsi lorsque des actionnaires minoritaires ont des droits additionnels qui leur permettent de s'opposer à des décisions qui sont capitales pour la stratégie commerciale de l'entreprise commune (21). Ces droits de veto peuvent être inscrits dans les statuts de l'entreprise commune ou être établis par un accord passé entre les entreprises fondatrices. Ils peuvent revêtir la forme d'un quorum à atteindre pour adopter certaines décisions en assemblée générale, ou au conseil d'administration dès lors que les entreprises fondatrices y sont représentées, ou, lorsque des décisions stratégiques sont soumises à l'autorisation d'un organisme particulier, du conseil de surveillance par exemple, et que les actionnaires minoritaires y sont représentés et font partie du quorum exigé pour prendre les décisions en question.

22.

Il faut que ces droits de veto portent sur des décisions stratégiques concernant l'activité de l'entreprise commune et aillent au-delà des droits de veto normalement consentis aux actionnaires minoritaires pour protéger leurs intérêts financiers en tant qu'investisseurs dans l'entreprise commune. La protection normale des droits des actionnaires minoritaires vise les décisions sur la vie même de l'entreprise commune: modification des statuts, augmentation de capital, réduction de capital, liquidation, etc. C'est ainsi qu'un droit de veto sur la vente ou la faillite de l'entreprise commune ne confère pas le contrôle en commun à l'actionnaire minoritaire concerné (22).

23.

En revanche, les droits de veto qui donnent lieu à un contrôle en commun portent habituellement sur des décisions et questions comme le budget, le plan d'entreprise (business plan), les grands investissements ou encore la nomination de l'encadrement supérieur. La prise de contrôle en commun ne suppose pas en tout état de cause que l'acquéreur ait le pouvoir d'exercer une influence déterminante sur la gestion courante d'une entreprise. Ce qui compte c'est que les droits de veto soient suffisants pour permettre aux entreprises fondatrices d'exercer une telle influence sur la stratégie commerciale de l'entreprise commune. Qui plus est, il n'est pas nécessaire d'établir qu'un de ceux qui acquièrent le contrôle en commun de l'entreprise commune va véritablement faire usage de son influence déterminante. Il suffit qu'il ait la possibilité d'exercer cette influence et, partant, qu'il dispose des droits de veto nécessaires.

24.

Pour prendre le contrôle en commun, un actionnaire minoritaire n'a pas nécessairement besoin de détenir tous les droits de veto évoqués précédemment. Il peut suffire qu'il en détienne une partie, ou même un seul. Afin d'apprécier si c'est le cas ou non, on examinera le contenu exact du droit de veto lui-même et l'importance de ce droit dans le contexte de l'activité exercée par l'entreprise commune.

Nomination du personnel d'encadrement et établissement du budget

25.

D'une manière générale, les droits de veto les plus importants sont ceux qui portent sur la nomination du personnel d'encadrement et sur le budget. Le pouvoir de participer aux décisions relatives à la structure de l'encadrement donne à son titulaire le pouvoir d'exercer une influence déterminante sur la politique commerciale d'une entreprise. Il en est de même des décisions relatives au budget, car celui-ci délimite le cadre des activités de l'entreprise commune et, en particulier, les investissements qu'elle peut faire.

Plan d'entreprise (business plan)

26.

Le plan d'entreprise détaille ordinairement les buts d'une société avec les mesures à prendre pour atteindre les buts fixés. Un droit de veto sur ce type de plan peut suffire à conférer un contrôle en commun en l'absence même de tout autre droit de veto. En revanche, si le plan d'entreprise ne contient que des déclarations générales sur les buts de l'entreprise commune, l'existence d'un droit de veto ne sera qu'un élément d'appréciation générale du contrôle en commun, et non une preuve de l'existence d'un contrôle en commun.

Investissements

27.

Lorsque le droit de veto porte sur les investissements, la portée de ce droit dépendra, en premier lieu, du niveau des investissements soumis à l'approbation des entreprises fondatrices et, en second lieu, du rôle essentiel ou non des investissements sur le marché sur lequel l'entreprise commune est présente. En ce qui concerne le premier critère, lorsque le niveau des investissements soumis à l'approbation des entreprises fondatrices est extrêmement élevé, le droit de veto tient davantage de la protection normale des intérêts d'un actionnaire minoritaire que d'un droit conférant un pouvoir de codécision sur la politique commerciale de l'entreprise commune. Pour ce qui est du second critère, la politique d'investissement d'une entreprise constitue habituellement un élément important pour apprécier l'existence ou non d'un contrôle en commun. Il y a en tout état de cause des marchés où les investissements ne jouent pas un rôle important dans le comportement concurrentiel d'une entreprise.

Droits particuliers à un marché donné

28.

En dehors des droits de veto classiques évoqués précédemment, il y a un certain nombre d'autres droits de veto attachés à des décisions particulières qui sont importants dans le cadre du marché où l'entreprise commune opère. Un exemple en est la décision concernant la technologie que l'entreprise commune va utiliser lorsque la technologie est un aspect fondamental des activités de cette entreprise. On citera encore les marchés qui se caractérisent par la différenciation des produits et un degré élevé d'innovation. Sur ces marchés, un droit de veto sur les décisions relatives aux nouvelles lignes de produits que l'entreprise commune va mettre au point peut constituer un élément important pour établir l'existence d'un contrôle en commun.

Appréciation globale

29.

Pour apprécier la portée relative des droits de veto, lorsqu'il y en a plusieurs, on se gardera de les prendre en considération chacun isolément. Au contraire, la détermination de l'existence ou non d'un contrôle commun repose sur une appréciation de ces droits globalement considérés. Toutefois, un droit de veto qui ne porte pas sur la politique commerciale et la stratégie, sur le budget ou sur le plan d'entreprise ne peut être considéré comme de nature à conférer un contrôle commun à son titulaire (23).

2.3.   Exercice commun des droits de vote

30.

Même en l'absence de droits de veto spécifiques, deux ou plusieurs entreprises, qui acquièrent une participation minoritaire dans une autre entreprise, peuvent en prendre le contrôle en commun. Cela peut être le cas lorsque ajoutées les unes aux autres, les participations minoritaires offrent les moyens de contrôler l'entreprise cible. Autrement dit, les actionnaires minoritaires possèdent ensemble une majorité des droits de vote, et se concertent pour les exercer. Cette concertation peut découler d'un accord juridiquement contraignant ou peut être démontrée sur la base de circonstances de fait.

31.

Le moyen juridique de garantir l'exercice commun des droits de vote peut revêtir la forme d'un holding auquel les actionnaires minoritaires cèdent leurs droits, ou d'un accord par lequel ceux-ci s'engagent à agir dans le même sens (contrat de mise en commun des voix).

32.

À titre très exceptionnel, une action collective peut être démontrée sur la base des circonstances de fait lorsque les intérêts communs qui unissent les actionnaires minoritaires sont si puissants qu'ils ne vont pas s'opposer les uns aux autres dans l'exercice de leurs droits dans l'entreprise commune.

33.

Dans le cas d'acquisition de participations minoritaires, l'existence antérieure de liens entre les actionnaires minoritaires ou l'acquisition de participations au moyen d'une action concertée sera susceptible d'indiquer un intérêt commun de cette nature.

34.

Dans le cas de la création d'une nouvelle entreprise commune, il existe une plus forte probabilité que lors de l'acquisition de participations minoritaires dans une entreprise préexistante, pour que les entreprises fondatrices mènent, de propos délibéré, une politique commune. Cela est surtout vrai lorsque chaque entreprise fondatrice fait à l'entreprise commune un apport qui est vital pour son exploitation (des technologies particulières, du savoir-faire sur place, des contrats d'approvisionnement, etc.). Dans ce cas de figure, les entreprises fondatrices peuvent gérer en étroite association l'entreprise commune en se mettant d'accord sur les décisions stratégiques les plus importantes sans avoir à se ménager des droits de veto. Mais plus le nombre d'entreprises fondatrices est grand, moins cette situation a de chances de se produire.

35.

En l'absence d'intérêts communs importants tels que décrits ci-dessus, la naissance possible d'alliances fluctuantes entre les actionnaires minoritaires conduit normalement à rejeter l'hypothèse d'un contrôle commun. Dès lors qu'il n'y a pas de majorité stable dans la procédure de prise de décision et qu'une majorité peut se dégager au coup par coup suivant les combinaisons possibles des voix des actionnaires minoritaires, il n'est pas possible de présumer que les actionnaires minoritaires vont contrôler conjointement l'entreprise cible. À cet égard, il ne suffit pas que deux ou plusieurs parties ayant une participation égale au capital de l'entreprise conviennent de droits et de pouvoirs identiques. Par exemple, dans une entreprise qui compte trois actionnaires détenant chacun un tiers du capital social et élisant chacun un tiers des membres du conseil d'administration, les actionnaires n'exercent pas un contrôle en commun sur cette entreprise, puisque les décisions doivent être prises à la majorité simple. Il en va de même dans les constructions plus complexes où le capital d'une entreprise sera, par exemple, réparti également entre trois actionnaires et où le conseil de direction se composera de douze membres dont deux seront élus par chacun des actionnaires A, B et C (soit six membres en tout), deux par A, B et C ensemble, et les quatre restants par les huit autres membres. Il n'y a pas non plus de contrôle commun dans ce cas de figure et donc pas de contrôle au sens du règlement sur les concentrations.

2.4.   Autres considérations relatives au contrôle en commun

36.

Le contrôle commun n'est pas incompatible avec le fait, pour l'une des entreprises fondatrices, d'avoir une connaissance et une expérience poussées de l'activité de l'entreprise commune. Dans un tel cas de figure, l'autre entreprise fondatrice ne peut jouer qu'un rôle modeste, voire inexistant, dans la gestion quotidienne de l'entreprise commune, sa présence n'étant alors justifiée que par des considérations d'ordre financier, de stratégie à long terme, d'image de marque ou de politique générale. Elle doit néanmoins toujours conserver, en fait, la possibilité de contester les décisions prises par la première entreprise fondatrice, faute de quoi le contrôle serait purement exclusif.

37.

L'existence d'un contrôle commun implique qu'aucune voix prépondérante ne soit accordée à une des entreprises fondatrices. Il peut néanmoins y avoir contrôle en commun, lorsque cette voix prépondérante ne peut être exprimée qu'à l'issue d'une longue procédure d'arbitrage et de plusieurs tentatives de conciliation, ou bien lorsqu'elle ne porte que sur un domaine très restreint (24).

2.5.   Contrôle en commun pour une période limitée

38.

Lorsqu'une opération donne lieu à un contrôle en commun pendant une période de démarrage (25), mais que l'existence d'accords juridiquement contraignants indique que, à ce contrôle en commun, sera nécessairement substitué un contrôle exclusif exercé par l'un des actionnaires, l'ensemble de l'opération doit, normalement, être considéré comme une prise de contrôle exclusif.

3.   Contrôle par un actionnaire unique sur la base de droits de veto

39.

Il peut arriver, de manière exceptionnelle, qu'un seul actionnaire soit en mesure de rejeter les décisions stratégiques d'une entreprise, mais qu'il ne puisse, à lui seul, imposer ces décisions. Tel est le cas lorsqu'un actionnaire détient 50 % du capital d'une entreprise, les 50 % restants étant aux mains de deux ou de plusieurs actionnaires minoritaires, ou que l'adoption de décisions stratégiques est soumise à un quorum qui, dans la pratique, confère un droit de veto à un seul actionnaire minoritaire (26). Dans ces circonstances, cet actionnaire dispose, de fait, du pouvoir qui est normalement conféré à plusieurs actionnaires assurant le contrôle en commun d'une entreprise, — c'est-à-dire du pouvoir de bloquer l'adoption de décisions stratégiques — sans toutefois détenir les pouvoirs qui sont normalement conférés sur une entreprise sous contrôle exclusif — c'est-à-dire le pouvoir d'imposer des décisions stratégiques —. Dans la mesure où il peut créer une situation de blocage, comparable à celle existant dans les cas de contrôle commun les plus classiques, il acquiert une influence déterminante et, par conséquent, «contrôle» au sens du règlement sur les concentrations (27).

4.   Changements dans la structure du contrôle

40.

Une opération doit également être considérée comme une concentration, lorsqu'elle entraîne un changement dans la structure du contrôle, tel que le passage d'un contrôle en commun à un contrôle exclusif, ou une augmentation du nombre d'actionnaires exerçant le contrôle en commun. Les principes qu'il convient d'appliquer pour déterminer si l'opération considérée est une concentration dans ces circonstances sont exposés en détail dans la communication relative à la notion d'entreprises concernées (28).

IV.   EXCEPTIONS

41.

L'article 3, paragraphe 5, définit trois cas particuliers dans lesquels l'acquisition d'une participation de contrôle ne constitue pas une concentration au sens du règlement sur les concentrations.

42.

Premièrement, l'acquisition de titres par des entreprises dont l'activité normale inclut la transaction et la négociation de titres, pour compte propre ou pour compte d'autrui, n'est pas considérée comme une concentration, pour autant que cette acquisition s'effectue dans le cadre de cette activité et que la détention de ces titres présente un caractère temporaire [article 3, paragraphe 5, point a)]. Pour que cette exception s'applique, il faut que les conditions suivantes soient remplies:

l'entreprise qui procède à cette acquisition doit être un établissement de crédit, tout autre établissement financier ou une société d'assurance, dont l'activité normale consiste à réaliser les opérations susmentionnées,

les titres doivent être acquis en vue de leur revente,

l'entreprise qui acquiert les titres ne doit pas exercer les droits de vote attachés à cette acquisition en vue de déterminer la stratégie commerciale de l'entreprise cible ou bien elle n'exerce ses droits de vote qu'en vue de préparer la vente de tout ou partie de cette entreprise, ou la réalisation de ses actifs ou de ces participations,

l'entreprise qui procède à l'acquisition doit réaliser sa participation de contrôle dans le délai d'un an à compter de la date d'acquisition des titres; autrement dit, elle doit, dans ce délai, ramener le nombre de ses actions au moins à un niveau qui ne lui confère plus le contrôle. Ce délai peut, néanmoins, être prorogé par la Commission, lorsque l'entreprise qui a procédé à l'acquisition justifie que cette réalisation n'a pas été raisonnablement possible dans le délai d'un an.

43.

Deuxièmement, l'opération envisagée n'entraîne aucun changement de la structure du contrôle et, partant, ne constitue pas une concentration au sens du règlement, lorsque le contrôle est acquis par une personne mandatée par l'autorité publique en vertu de la législation d'un État membre relative à la liquidation, à la faillite, à l'insolvabilité, à la cessation de paiement, au concordat ou à une autre procédure analogue [article 3, paragraphe 5, point b)].

44.

Troisièmement, ne constitue pas une concentration l'opération par laquelle une société de participation financière au sens de la quatrième directive 78/660/CEE du Conseil (29) acquiert le contrôle d'une entreprise, sous réserve qu'elle n'exerce les droits de vote attachés aux participations qu'elle détient que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et non pour déterminer directement ou indirectement la stratégie commerciale de l'entreprise dont elle prend le contrôle.

45.

Compte tenu des dérogations prévues à l'article 3, paragraphe 5, du règlement sur les concentrations la question peut se poser de savoir si une opération de renflouement constitue ou non une concentration au sens du règlement. En règle générale, une opération de cette nature comporte une conversion de dettes, en une nouvelle entreprise, par le relais de laquelle un consortium bancaire peut prendre le contrôle commun de l'entreprise concernée. Lorsqu'une telle opération remplit les critères qui caractérisent le contrôle commun, tels qu'ils ont été exposés ci-dessus, elle doit normalement être considérée comme une concentration (30). Bien que l'intention première des établissements bancaires soit de procéder à l'assainissement financier de l'entreprise concernée en vue de sa revente ultérieure, la dérogation prévue à l'article 3, paragraphe 5, point a), du règlement sur les concentrations ne s'applique pas, en général, à ce type d'opération. Cela tient au fait que, d'ordinaire, le programme d'assainissement oblige les banques qui assurent le contrôle à déterminer la stratégie commerciale de l'entreprise en difficulté. En outre, il n'est pas réaliste de penser que l'on puisse, généralement, transformer une entreprise en difficulté en une nouvelle entreprise commercialement viable et la revendre dans le délai d'une année imparti. Qui plus est, le délai nécessaire pour atteindre cet objectif peut s'avérer si incertain qu'il peut paraître difficile d'accorder une prorogation du délai de réalisation des titres acquis.

V.   REMARQUE FINALE

46.

Dans la présente communication, la Commission expose son interprétation de l'article 3 sans préjudice de l'interprétation qui pourrait lui être donnée par la Cour de justice ou par le Tribunal de première instance des Communautés européennes.


(1)  JO L 395 du 30.12.1989, p. 1.

JO L 257 du 21.9.1990, p. 13 (rectificatif).

(2)  JO L 180 du 9.7.1997, p. 1.

(3)  JO C 385 du 31.12.1994, p. 5.

(4)  Lorsque l'on détermine dans quelle mesure des entreprises étaient antérieurement indépendantes, on regarde si l'une contrôle l'autre. La notion de contrôle est plus généralement abordée aux points 12 et suivants ci-après. Dans le cas d'espèce, des actionnaires minoritaires seront considérés comme ayant le contrôle d'une entreprise s'ils ont obtenu la majorité des voix lors du vote des décisions importantes prises en assemblée générale des actionnaires. La période de référence prise en compte sera normalement de trois années.

(5)  Tel pourait être éventuellement le cas d'un «Gleichordnungskonzern» en droit allemand, de certains «general partner-ships» en droit anglo-saxon, de certains «groupements d'intérêt économique» en droit français.

(6)  Y compris l'État lui-même, comme dans l'affaire no IV/M.157 — Air France/Sabena du 5 octobre 1992 en ce qui concerne l'État belge, ou d'autres organismes de droit public tels que la Treuhand dans l'affaire no IV/M.308 — Kali und Salz/MDK/Treuhand du 14 décembre 1993.

(7)  Affaire no IV/M.097 — Péchiney/Usinor du 24 juin 1991; affaire no IV/M.216 — CEA Industrie/France Telecom/SGS-Thomson du 22 février 1993.

(8)  Voir point 55 de la communication sur la notion d'entreprises concernées.

(9)  Voir, par exemple, la décision Usinor/Bamesa adoptée par la Commission en vertu du traité CECA. Voir également l'affaire no IV/M.258 — CCIE/GTE du 25 septembre 1992 et l'affaire no IV/M.697 — Lockheed Martin Corporation Loral Corporation du 27 mars 1996.

(10)  Affaire no IV/M.157 — Air France/Sabena du 5 octobre 1992.

(11)  Affaire no IV/M.286 — Zurich/MMI du 2 avril 1993.

(12)  Affaire no IV/M.296 — Crédit Lyonnais/BFG Bank du 11 janvier 1993.

(13)  Affaire no IV/M.299 — Sarah Lee/BP Food Division du 8 février 1993.

(14)  Affaire no IV/M.025 — Arjomari/Wiggins Teape du 10 février 1990.

(15)  Affaire no IV/M.343 — Société générale de Belgique/Générale de Banque du 3 août 1993.

(16)  Affaire T-2/93 — Air France contre Commission, décision du 19 mai 1994 CJE 1994 II, p. 323.

(17)  Cet aspect est traité aux paragraphes 30 à 32 de la communication sur la notion d'entreprises concernées.

(18)  Affaire no IV/M.409 — ABB/Renault Automation du 9 mars 1994.

(19)  Affaire no IV/M.493 — Tractebel/Distrigaz du 1er septembre 1994.

(20)  Affaire no IV/M.272 — Matra/CAP Gemini Sogeti du 17 mars 1993.

(21)  Affaire T 2/93 — Air France contre Commission {ibidem). Affaire no.IV/MOIO — Conagra/Idea du 3 mai 1991.

(22)  Affaire no IV/M.062 — Eridania/ISI du 30 juillet 1991.

(23)  Affaire no IV/M.295 — SITA-RPC/SCORI du 19 mars 1993.

(24)  Affaire no IV/M.425 — British Telecom/Banco Santander du 28 mars 1994.

(25)  Cette période de démarrage ne doit pas dépasser trois ans. Affaire no IV/M.425 — British Telecom/Banco Santander du 28 mars 1994.

(26)  Affaire no IV/M.258 — CCIE/GTE du 25 septembre 1992, où les droits de veto d'un seul des actionnaires étaient susceptibles d'exercice par un membre du conseil d'administration nommé par ledit actionnaire.

(27)  Étant donné que cet actionnaire est le seul qui acquiert le contrôle, c'est lui seul qui est obligé de notifier au titre du règlement sur les concentrations.

(28)  Points 30 à 48.

(29)  JO L 222 du 14 août 1978, p. 11. Directive modifiée en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et et la Suède. L'article 5, paragraphe 3, de cette directive définit les sociétés de participation financière comme «les sociétés dont l'objet unique est la prise de participations dans d'autres entreprises ainsi que la gestion et la mise en valeur de ces participations sans que ces sociétés s'immiscent directement ou indirectement dans la gestion de ces entreprises, sans préjudice des droits que les sociétés de participation financière détiennent en leur qualité d'actionnaires ou d'associés».

(30)  Affaire no IV/M.116 — Kelt/American Express du 28 août 1991.