31994H1069

94/1069/CE: Recommandation de la Commission, du 7 décembre 1994, sur la transmission des petites et moyennes entreprises (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

Journal officiel n° L 385 du 31/12/1994 p. 0014 - 0017


RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

du 7 décembre 1994

sur la transmission des petites et moyennes entreprises (*)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(94/1069/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

vu le traité instituant la Communauté européenne,

considérant que le Conseil a adopté la décision 89/490/CEE (1) en ce qui concerne entre autres l'amélioration de l'environnement des entreprises; que le programme de soutien aux petites et moyennes entreprises prévu par ladite décision a été révisé par la décision 91/319/CEE (2); que le Conseil a confirmé son engagement à soutenir la consolidation des actions menées en faveur des entreprises par sa résolution du 17 juin 1992 (3);

considérant que, par sa décision 93/379/CEE (4), le Conseil a arrêté, avec effet au 1er juillet 1993, un programme destiné à renforcer les actions prioritaires et à assurer la continuité de la politique d'entreprise; que ce programme porte prioritairement sur l'amélioration de l'environnement juridique, fiscal et administratif des entreprises et prévoit l'examen spécifique de la transmission d'entreprise;

considérant que le Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l'emploi mentionne la transmission des entreprises comme un des domaines prioritaires nécessitant des mesures d'amélioration (5);

considérant que le programme intégré en faveur des PME et de l'artisanat du 3 juin 1994 (6) prévoit une recommandation de la Commission sur la transmission des entreprises, au titre des contributions communautaires pour améliorer l'environnement des entreprises;

considérant que la Commission, dans sa communication sur l'amélioration de l'environnement fiscal des petites et moyennes entreprises (7), annonce une initiative qui vise à alléger le régime fiscal applicable aux successions et aux donations;

considérant que, dans sa résolution du 10 octobre 1994 (8), le Conseil invite les États membres et la Commission à examiner les dispositions en vigueur qui font obstacle à la création, à la croissance et à la transmission des entreprises;

considérant que la Commission a procédé à cet examen et a constaté que plusieurs milliers d'entreprises par an sont obligées de cesser leurs activités à cause de difficultés insurmontables inhérentes à leur transmission; que ces liquidations ont des répercussions négatives sur le tissu économique des entreprises ainsi que sur leurs créanciers et travailleurs;

considérant que cette perte d'emploi et de richesse économique est d'autant plus regrettable qu'elle n'est pas la conséquence de forces du marché, mais d'une insuffisante préparation de la succession et de l'inadéquation de certaines parties du droit des États membres, notamment en matière de droit de sociétés, droit de succession et droit fiscal;

considérant que des efforts visant à sensibiliser, informer et former le chef d'entreprise pour qu'il prépare efficacement sa succession de son vivant contribueraient à augmenter les chances de réussite de la transmission;

considérant cependant qu'un certain nombre de modification apportées au droit des États membres permettraient d'augmenter considérablement le nombre d'entreprises transmises avec succès;

considérant que l'un des obstacles à la réussite de la transmission est la difficulté pour les successeurs de financer les compensations pour les cohéritiers sortants et que des instruments de financement adéquats devraient être disponibles dans tous les États membres;

considérant qu'il peut être nécessaire de changer la forme juridique de l'entreprise pour préparer la transmission en adoptant la forme la plus appropriée à la réussite de cette opération; que les entreprises ne disposent pas, dans tous les États membres, d'un droit de transformation leur permettant de changer leur forme juridique sans procéder à la dissolution et à la création d'une nouvelle entité; que ces opérations entraînent des coûts et des démarches administratives et une période d'insécurité pour les associés et les tiers;

considérant que la forme de la société anonyme apparaît comme une de celles qui répondent le mieux aux exigences de l'opération de transmission; que, cependant, la société anonyme pose des conditions exigeantes du point de vue création et gestion quotidienne; que ces conditions ont généralement été conçues dans l'optique d'une société anonyme ayant beaucoup d'actionnaires pour viser la protection des associés et des tiers; que certaines d'entre elles ne semblent pas nécessaires dans le cas d'un entrepreneur qui cherche à créer, dans le cadre de sa famille, une société anonyme dans le but de faciliter sa transmission;

considérant que certaines techniques ou formes juridiques facilitent la transmission en permettant une distinction entre le pouvoir de gestion et la propriété de l'entreprise;

considérant que l'adoption par une entreprise de la forme juridique la plus appropriée pour réussir sa transmission ne devrait pas être entravée par les modalités de la fiscalité; qu'il en est de même pour toutes les autres opérations de préparation à la transmission, telles que l'apport d'actifs, la fusion, la scission et l'échange de parts sociales;

considérant que, dans la plupart des États membres, une société de personnes est dissoute lors de la mort d'un associé, sauf si le contrat en dispose autrement; que, en outre, les actes unilatéraux d'un associé peuvent être en opposition avec le contrat de société et que les législations n'indiquent pas quelle disposition prime; que cette discordance peut créer, lors du décès d'un tel associé, un conflit qui met en danger la continuité de la société et peut même engendrer sa liquidation;

considérant que, lorsque l'un des associés d'une société de personnes ou l'entrepreneur individuel décède, les cohéritiers sont, dans la plupart des États membres, tenus de se prononcer sur le sort de l'entreprise à l'unanimité; que, par conséquent, la vie de l'entreprise peut être mise en péril par la simple volonté de blocage d'un des héritiers;

considérant que l'un des principaux obstacles à la réussite de la transmission familiale est la charge fiscale qui y est liée; que le paiement des droits de succession ou de donation risque de remettre en question l'équilibre financier de l'entreprise et par conséquent sa survie; que ce régime d'imposition place les entreprises européennes dans une situation désavantageuse par rapport à la concurrence mondiale;

considérant que l'exigence du paiement immédiat des droits de succession ou de donation peut contraindre les héritiers de l'entreprise à réaliser une partie des actifs ou à vendre l'entreprise tout entière, voire à la mettre en liquidation;

considérant que, pour l'évaluation de la valeur de l'entreprise, il convient de tenir compte de l'éventuelle diminution de la valeur de l'entreprise du fait de la transmission;

considérant qu'il est plus difficile qu'auparavant de trouver un successeur au sein de la famille; que la vente de l'entreprise est un mode de transmission qui doit être facilité pour assurer la survie de l'entreprise principalement lorsqu'elle ne peut se faire dans le cadre familial; qu'il est indispensable d'inciter l'entrepreneur à organiser sa transmission de son vivant;

considérant que le rachat de l'entreprise par les employés est un mode de transmission qui doit être encouragé; qu'il permet de préserver la continuité de l'entreprise ainsi que le transfert du savoir-faire et de l'expérience acquise;

considérant que certains États membres ont déjà mis en oeuvre des mesures pour faciliter la transmission des entreprises; que certaines pratiques pourraient être transposées dans d'autres États membres,

FORMULE LA PRÉSENTE RECOMMANDATION:

Article premier

Objectifs

Les États membres sont invités à prendre les mesures nécessaires pour faciliter la transmission des petites et moyennes entreprises dans le but d'assurer la survie des entreprises et le maintien des emplois qui y sont attachés.

En particulier, ils sont invités à prendre les mesures les plus appropriées, de manière à compléter leur cadre juridique, fiscal et administratif, afin de:

- sensibiliser le chef d'entreprise aux problèmes de la transmission et, par là, l'inciter à préparer cette opération de son vivant,

- créer un environnement financier favorable à la réussite de la transmission,

- permettre à l'entrepreneur de pouvoir préparer efficacement sa transmission en lui offrant les instruments appropriés,

- assurer la continuité des sociétés de personnes et des entreprises individuelles en cas de décès d'un des associés ou de l'entrepreneur,

- assurer la réussite de la transmission familiale en évitant que l'imposition de la succession et de la donation ne mette en péril la survie de l'entreprise,

- encourager fiscalement l'entrepreneur à transmettre son entreprise par vente ou à la faire reprendre par les salariés, principalement lorsqu'il n'y a pas de successeur au sein de sa famille.

Article 2

Information

Il convient d'encourager les initiatives publiques ou privées visant la sensibilisation, l'information, la formation des chefs d'entreprise et, partant, la préparation de leur succession, de manière à assurer la réussite de la transmission des petites et moyennes entreprises.

Article 3

Environnement financier

Il convient d'offrir aux petites et moyennes entreprises un environnement financier qui favorise la réussite de la transmission.

Article 4

Préparation de la transmission

Il convient de permettre une préparation adéquate de la transmission en offrant aux entrepreneurs les instruments appropriés. À cette fin, les États membres sont invités à:

a) prévoir un droit de transformation pour les entreprises, leur permettant de passer, tout en tenant compte des droits des tiers et des associés, d'une forme juridique vers une autre, sans dissolution ni création d'une nouvelle entité;

b) permettre aux petites et moyennes entreprises de pouvoir s'organiser sous la forme d'une société anonyme n'ayant qu'un nombre très limité d'actionnaires dont la création et la gestion seraient simplifiées par rapport à celles des sociétés anonymes dont les titres sont largement répandus dans le public;

c) permettre la création de la société anonyme avec un seul associé, dans les termes prévus à l'article 6 de la douzième directive 89/667/CEE du Conseil (1);

d) lors de l'imposition des transactions visant à séparer le pouvoir de gestion et la propriété de l'entreprise, admettre la nécessité économique des opérations juridiques dans les cas précis où elles sont réalisées dans le but de faciliter la transmission et, le cas échéant, prendre les mesures pour les autoriser et les promouvoir;

e) indépendamment des obligations résultant du droit communautaire, appliquer le principe de la neutralité fiscale aux opérations de préparation de la transmission telles que l'apport d'actifs, la fusion, la scission et l'échange de parts sociales. Le principe de la neutralité fiscale devrait s'appliquer également aux droits de timbres, droits d'enregistrement et autres taxes similaires.

Article 5

Continuité des sociétés de personnes et des entreprises individuelles

Il convient d'assurer la continuité des sociétés de personnes et des entreprises individuelles en cas de décès de l'un des associés ou de l'entrepreneur. À cette fin, les États membres sont invités à:

a) prévoir le principe de la continuité d'une société de personnes, en cas de décès d'un associé, en permettant aux associés restants de décider de la continuité de la société avec ou sans la participation des héritiers de l'associé décédé, moyennant, le cas échéant, le remboursement de la part du défunt; le contrat de société peut déroger au principe de la continuité de la société;

b) lorsque la contradiction possible entre le contrat de société et les dispositions testamentaires ou les donations n'a pas été tranchée, introduire une disposition dans la législation nationale prévoyant que le contrat de société prévaut sur les actes unilatéraux d'un des associés;

c) veiller à ce que, en cas de décès d'un associé d'une société de personnes ou d'un entrepreneur individuel, le droit de la famille, le droit successoral et, en particulier, la règle de l'unanimité pour les décisions prises dans le cadre de l'indivision, ne puissent mettre en cause la continuité de l'entreprise;

d) veiller à ce que le remboursement de la part du défunt, prévu au point a), ainsi que le paiement de la compensation aux héritiers minoritaires, découlant du point c), ne puissent mettre en péril la survie de l'entreprise. À cet effet, il devrait être prévu que si les parties optent pour un paiement échelonné, la compensation sera calculée sur la base de la valeur vénale de l'entreprise, y compris la clientèle (goodwill), tandis que, si une partie exige le paiement immédiat, la compensation sera seulement calculée sur la base de la valeur comptable.

Article 6

Fiscalité de la succession et de la donation

Il convient d'assurer la survie de l'entreprise par un traitement fiscal approprié de la succession et de la donation. À cette fin, les États membres sont invités à prendre une ou plusieurs des mesures suivantes:

a) alléger, à condition d'une poursuite crédible de l'activité de l'entreprise pour une durée minimale, l'imposition des actifs strictement professionnels en cas de transmission par voie de donation ou de succession, y compris les droits de succession, de donation et d'enregistrement;

b) offrir aux héritiers la possibilité d'échelonner ou de reporter le paiement des droits de donation ou de succession, à condition qu'ils poursuivent l'activité de l'entreprise, et accorder des exonérations d'intérêts;

c) veiller à ce que l'évaluation fiscale de l'entreprise puisse tenir compte de l'évolution de sa valeur jusqu'à quelques mois après le décès de l'entrepreneur.

Article 7

Transmission aux tiers

Il convient d'encourager l'entrepreneur à envisager de son vivant la transmission aux tiers lorsqu'elle ne peut se faire dans le cadre familial. À cette fin, les États membres sont invités à:

a) exempter de l'imposition au moins une partie du revenu des plus-values ou des gains en capital sur les actifs d'une entreprise en cas de vente, notamment lorsque l'entrepreneur vendeur a atteint l'âge de 55 ans; encourager fiscalement le réinvestissement des revenus de la vente d'une entreprise dans une autre entreprise non cotée en bourse et activement engagée dans la production ou la vente de biens ou services;

b) faciliter fiscalement la reprise de l'entreprise par les salariés par un allégement de l'imposition des plus-values sur la cession des parts aux salariés, par l'exonération des droits d'enregistrement, par des avantages fiscaux liés à l'octroi de moyens financiers aux salariés pour réaliser l'acquisition ou par un report de l'imposition jusqu'au moment où le salarié vend ses parts; ces mesures devraient s'appliquer également à une entreprise ou à une société coopérative créée par les salariés.

Article 8

Concertation mutuelle

Les États membres sont invités à s'informer et se consulter mutuellement, en liaison avec la Commission, en vue de profiter des échanges d'expériences et des meilleures pratiques en matière de transmission des petites et moyennes entreprises et en particulier, pour la mise en oeuvre des mesures préconisées par la présente recommandation.

Article 9

Rapport

Afin de permettre à la Commission d'évaluer les progrès accomplis, les États membres sont invités à communiquer, au plus tard le 31 décembre 1996, le texte des principales dispositions législatives, réglementaires et administratives qu'ils adoptent pour donner effet à la présente recommandation et à informer la Commission de toute modification ultérieure dans ce domaine.

Article 10

Destinataires

Les États membres sont destinataires de la présente recommandation.

Fait à Bruxelles, le 7 décembre 1994.

Par la Commission

Raneiro VANNI d'ARCHIRAFI

Membre de la Commission

(*) L'exposé des motifs de cette recommandation est publié sous forme de communication dans le JO n° C 400 du 31. 12. 1994, p. 1.

(1) JO n° L 239 du 16. 8. 1989, p. 33.

(2) JO n° L 175 du 4. 7. 1991, p. 32.

(3) JO n° C 178 du 15. 7. 1992, p. 8.

(4) JO n° L 161 du 2. 7. 1993, p. 68.

(5) Livre blanc, partie A, «Une économie plus compétitive», p. 14, et partie B, point 2.7 «Propositions et remèdes» p. 90.

(6) COM(94) 207 final du 3. 6. 1994.

(7) JO n° C 187 du 9. 7. 1994, p. 5.

(8) JO n° C 296 du 22. 10. 1994, p. 6.

(1) JO n° L 395 du 30. 12. 1989, p. 40.