31992D0157

92/157/CEE: Décision de la Commission, du 17 février 1992, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.370 et 31.446 - UK Agricultural Tractor Registration Exchange) (Le texte en langue anglaise est le seul faisant foi)

Journal officiel n° L 068 du 13/03/1992 p. 0019 - 0033


DÉCISION DE LA COMMISSION du 17 février 1992 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.370 et 31.446 - UK Agricultural Tractor Registration Exchange) (Le texte en langue anglaise est le seul faisant foi.) (92/157/CEE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté économique européenne,

vu le règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment son article 3,

vu la demande d'attestation négative et la notification présentées le 4 janvier 1988 par l'Agricultural Engineers Association Ltd concernant un accord d'échange d'informations (« UK Agricultural Tractor Registration Exchange ») conclu entre huit entreprises du secteur des tracteurs agricoles,

vu la décision de la Commission du 11 novembre 1988 d'engager la procédure dans cette affaire,

après avoir donné aux entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement no 17 et au règlement no 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement no 17 du Conseil (2),

après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes,

considérant ce qui suit:

I. LES FAITS

Introduction

(1) Le 4 janvier 1988, l'Agricultural Engineers Association Ltd (« AEA »), association britannique des fabricants et importateurs de machines agricoles, a notifié un accord d'échange d'informations intitulé « UK Agricultural Tractor Registration Exchange ». Cet accord prévoit un échange d'informations sur le volume des ventes au détail et les parts de marché de huit constructeurs et importateurs de tracteurs agricoles sur le marché britannique. Il est géré par l'AEA avec l'aide de la société informatique Systematics International Group of Companies Ltd (« SIL »).

(2) Cet échange d'informations existe au moins depuis novembre 1975. La Commission a commencé à enquêter à son sujet en 1984. C'est en instruisant des plaintes pour entraves aux importations parallèles déposées par des constructeurs non membres de l'accord que la Commission a découvert l'existence de cet échange lors d'inspections menées dans les bureaux de certaines des sociétés membres et dans ceux de l'AEA et de la SIL. À la suite de cette enquête, l'AEA a notifié l'accord en question et a introduit une demande d'attestation négative ou d'exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité. La Commission a formulé un certain nombre d'objections à l'encontre de cet échange d'informations dans une communication des griefs datée du 11 novembre 1988, laquelle a été suivie d'une audition, du 25 au 28 avril 1989.

(3) Les parties à cet accord sont huit constructeurs ou importateurs exclusifs de tracteurs agricoles au Royaume-Uni, à savoir:

- Ford (Ford New Holland Ltd, qui a été repris récemment par Fiat),

- Massey Ferguson (Massey Ferguson United Kingdom Ltd),

- Case (J.I. Case Europe Ltd),

- John Deere (John Deere Ltd),

- Renault (Renault Agriculture Ltd),

- Watveare Ltd (importateur de Deutz),

- Fiat (Fiatagri UK Ltd),

- Same-Lamborghini (Same-Lamborghini UK Ltd).

Structure du marché

(4) Le volume du marché britannique des tracteurs est d'environ 20 000 nouveaux engins par an. Les tracteurs agricoles vendus au Royaume-Uni sont en grande partie produits dans d'autres États membres de la Communauté économique européenne (CEE), en particulier en Allemagne, en Belgique, en France et en Italie. Les importations de tracteurs en provenance de pays de la CEE au Royaume-Uni représentent plus de 50 % du volume total du marché britannique.

(5) Le marché des tracteurs au Royaume-Uni est dominé par quatre fournisseurs qui détenaient à eux seuls entre 76 et 77 % du marché. Ces fournisseurs sont: Ford, Case, Massey Ferguson et John Deere. Depuis la reprise de Ford New Holland par Fiat, ces quatre fournisseurs détiennent au Royaume-Uni une part de marché totale d'environ 80 %. Derrière ces quatre gros fournisseurs, qui détiennent chacun entre 15 et 25 % du marché britannique, viennent des fournisseurs dont la part de marché au Royaume-Uni se situe entre 2 et 3 %. Il s'agit de Renault, Deutz et Same-Lamborghini.

Désormais au nombre de sept, les membres de l'accord détiennent ensemble environ 87 à 88 % du marché britannique des tracteurs, plusieurs petits constructeurs non membres se partageant les 12 % restants.

(6) Cette forte concentration se trouve encore accrue par le fait qu'au niveau local, notamment au niveau des concessionnaires, les fournisseurs ne vendent pas tous directement et ne sont même pas tous représentés. Le réseau de distribution des trois « petits » fournisseurs du marché britannique, c'est-à-dire Renault, Deutz et Same-Lamborghini, n'est pas aussi étendu que celui des quatre « grands ». Le volume de leurs ventes ne leur permet pas, en effet, de mettre en place le réseau de cent vingt concessionnaires considéré comme nécessaire pour couvrir le marché britannique.

L'accord prévoit un système commun de découpage des territoires des concessionnaires pour toutes les entreprises participantes, fondé sur un regroupement des 8 250 circonscriptions postales du Royaume-Uni.

La concentration déjà élevée (quatre sociétés = ± 80 %) est également renforcée par le fait que, dans les catégories de puissance supérieures, le nombre de fournisseurs tombe parfois à trois ou quatre seulement, ce qui, s'ajoutant à l'insuffisance du réseau de distribution de certaines marques, peut aboutir à des situations où la concurrence, dans certaines zones et pour certaines catégories de puissance, se joue entre deux ou trois fournisseurs seulement.

(7) Les fournisseurs du marché britannique sont également de gros fournisseurs des autres marchés communautaires, ce qui fait qu'ils contrôlent dans une large mesure les importations au Royaume-Uni de tracteurs provenant de ces autres marchés.

(8) En outre, le marché des tracteurs agricoles est d'un accès difficile, et ce pour les raisons suivantes:

- la vente des tracteurs exige un réseau de service après-vente et de distribution très dense: les concessionnaires doivent être installés dans un rayon de vingt-cinq à trente-cinq kilomètres de l'agriculteur, car il est essentiel pour celui-ci de pouvoir faire réparer son tracteur immédiatement ou presque. Pour couvrir suffisamment le marché britannique, un constructeur a besoin d'environ cent vingt points de vente. Or, plus le volume des ventes est réduit, plus il est difficile de financer un réseau optimal. Les réseaux de distribution représentent à la fois un investissement considérable et un risque élevé sur le plan commercial,

- le marché des tracteurs est un marché étroit en stagnation ou en régression et qui souffre d'une surcapacité généralisée; dans ces conditions, il ne faut pas s'attendre à de nouveaux investissements des constructeurs ni des concessionnaires. Ces derniers, en particulier, ne sont pas prêts à investir dans de nouveaux points de vente où les perspectives sont limitées,

- sur le marché des tracteurs, la fidélité à la marque joue un rôle important dans le choix final des consommateurs: les agriculteurs donnent généralement la préférence à une marque connue, gage de qualité et de valeur accrue en cas de revente.

Les membres de l'accord représentent des marques qui jouissent toutes d'une excellente réputation; en acquérir une semblable demanderait beaucoup de temps et des investissements considérables à un nouveau venu.

Cette difficulté se trouve accentuée par le fait que les huit - désormais sept - membres de l'accord détiennent près des neuf dixièmes du marché. Leur part est pratiquement constante depuis 1976, de sorte que près de neuf tracteurs sur dix actuellement utilisés au Royaume-Uni ont été achetés à des membres de l'accord. Un tel acquis est un atout décisif sur un marché qui est principalement un marché « de remplacement » (c'est-à-dire sur lequel les clients n'en sont pas à leur premier achat mais remplacent un équipement existant),

- enfin, l'accord d'échange d'informations lui-même rend l'accès à ce marché bien plus difficile encore car il permet aux fournisseurs en place de repérer immédiatement toute nouvelle pénétration ou toute augmentation des ventes de fournisseurs ne participant pas à l'accord et donc de réagir et de défendre leurs positions. De fait, on constate qu'il n'y a pas de changement substantiel dans la part de marché globale de ces autres fournisseurs depuis la mise en place de l'accord.

(9) Le marché des tracteurs au Royaume-Uni et, de manière générale, dans la Communauté se caractérise également par le fait que, contrairement à celui de l'automobile, il ne doit faire face à aucune concurrence sérieuse, sur le plan des prix ou de la qualité, de la part d'importations extracommunautaires. Les importations de tracteurs agricoles en provenance de pays tiers se limitent aux engins de faible puissance (inférieure à trente chevaux), principalement utilisés pour des tâches autres qu'agricoles, et aux marques d'Europe de l'Est qui n'atteignent pas le haut niveau de qualité des marques communautaires. Cela est particulièrement vrai au Royaume-Uni, dont le marché consiste essentiellement en tracteurs de forte puissance, secteur dans lequel les marques est-européennes sont encore plus désavantagées.

Échange d'informations sur le marché des tracteurs au Royaume-Uni

(10) Les sept - anciennement huit - principaux fournisseurs du marché britannique ont mis en place, avec l'aide de l'AEA et de la SIL, un système d'échange d'informations sur le volume des ventes et la part de marché au Royaume-Uni de chaque membre de l'accord, avec ventilation par produit, par zone géographique et par période.

(11) Depuis sa notification le 4 janvier 1988, l'accord est sous le contrôle direct de l'AEA. Avant cela, l'AEA ne se considérait que comme le secrétariat du « Tractor Registration Exchange Committee » créé en son sein par les huit fournisseurs. Ce « Tractor Registration Exchange Committee » (comité pour l'échange d'informations sur les immatriculations de tracteurs), dont l'existence est confirmée par l'accord qui a été notifié, se compose d'un représentant de chacun des huit membres et est chargé de l'administration de l'accord. Il se réunit au moins une fois par an sous la présidence de l'un de ses membres.

(12) Les informations échangées entre les membres de l'accord par l'intermédiaire de l'AEA et de la SIL proviennent principalement des formulaires V55 que le ministère britannique des transports utilise pour l'immatriculation des tracteurs. Lorsque l'immatriculation n'est pas nécessaire (par exemple dans le cas des tracteurs qui ne sont pas destinés à circuler sur la voie publique), le distributeur doit envoyer un exemplaire du formulaire V55 directement à la SIL qui l'inclura dans la base de données avec ceux relatifs aux tracteurs immatriculés.

(13) Le ministère des transports a accepté de mettre les documents d'immatriculation en sa possession à la disposition de l'AEA à des fins d'analyse sectorielle. Cependant, rien n'indique que le ministère des transports aurait accepté de communiquer ces documents à des sociétés prises individuellement, sachant que cela leur permettrait de connaître le volume des ventes et la part de marché de leurs concurrents avec la même précision que les informations transmises par l'AEA aux membres de l'accord. Une note interne de l'AEA datée du 31 août 1979 semble même indiquer le contraire: il est dit que « il n'est pas certain que les renseignements concernant l'immatriculation des véhicules seraient mis par le ministère des transports à la disposition de sociétés considérées individuellement sans l'influence unificatrice d'une association professionnelle censée représenter des intérêts commerciaux plus larges. . . »

(14) Les formulaires d'immatriculation V55 utilisés par la SIL pour ses analyses contiennent les renseignements suivants:

- marque (constructeur),

- numéro de modèle,

- numéro de série/numéro de châssis,

- concessionnaire initial (numéro de code, nom, adresse et code postal),

- vendeur (numéro de code, nom, adresse et code postal),

- code postal du détenteur déclaré (cinq chiffres),

- nom et adresse du détenteur déclaré (cette information est facultative et est demandée à des fins statistiques).

(15) Ces informations sont communiquées par l'AEA et la SIL aux huit membres de l'accord sous la forme de rapports et d'analyses décrits ci-après ou par l'octroi d'un accès informatique direct aux renseignements spécifiques dont chacun d'eux a besoin.

Données agrégées au niveau du secteur

(16) Chaque membre peut obtenir des informations sur les ventes globales du secteur avec ou sans ventilation par puissance ou par type de transmission. Ces chiffres agrégés peuvent en outre être ventilés par zone géographique, c'est-à-dire pour l'ensemble du Royaume-Uni, sur la base des dix régions MAFF (ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation), selon le mode d'utilisation des terres (culture/horticulture, élevage, polyculture, polyélevage, pâturage, urbanisation), ainsi que sur la base des counties, des territoires des concessionnaires et des circonscriptions postales. Ces informations sont disponibles en séries annuelles, trimestrielles, mensuelles et hebdomadaires.

La Commission n'a pas contesté le principe de la mise à disposition de ces données sectorielles agrégées, étant donné qu'elles ne font pas apparaître séparément les ventes de chacun des membres de l'accord. Elle a contesté l'échange de données sectorielles agrégées pour autant que les données, fournies par le SIL, ventilées par zone géographique, par type de produit ou par période, font apparaître, dans l'une quelconque de ces rubriques, des volumes de ventes inférieurs à dix unités. Or, on peut raisonnablement craindre que, au-dessous de ce nombre minimal, des données même agrégées permettent, directement ou indirectement, d'établir avec certitude le volume des ventes de chaque concurrent.

Données concernant les ventes de chaque concurrent

(17) Outre les données agrégées susmentionnées, chaque membre de l'accord peut obtenir des informations sur le volume des ventes et les parts de marché de chacun des autres membres ventilés par modèle, par groupe de produits (puissances et transmissions), par zone géographique (y compris par county, par territoire de concessionnaire et par circonscription postale), ainsi que par période d'un an, d'un trimestre, d'un mois ou d'un jour.

(18) Les données échangées entre les membres par l'intermédiaire de l'AEA et de la SIL contiennent les renseignements suivants:

- pour chaque membre, le volume exact de ses ventes et sa part de marché sur le marché britannique, au niveau du pays, mais aussi par région, par county, par territoire de concessionnaire et par circonscription postale, ce qui permet de comparer les performances de chaque fournisseur et sa pénétration du marché jusqu'à l'échelon le plus bas. Outre les résultats des constructeurs, on peut aussi apprécier ceux de leurs concessionnaires à l'intérieur des territoires qui leur sont concédés,

- pour chaque membre, le volume exact des ventes et les parts de marché correspondant à chaque modèle: on peut ainsi comparer les résultats de chaque membre-concurrent pour les différents modèles. Cette comparaison est également réalisée à l'échelle (counties, territoires de concessionnaires, circonscriptions postales, . . .) souhaitée par chaque membre,

- pour chaque membre, le volume exact des ventes et les parts de marché correspondant aux différentes catégories de puissance: cela permet de comparer les résultats (pénétration du marché) de chaque membre-concurrent dans des fourchettes de puissances bien précises (généralement dix par catégorie de puissance). Une ventilation des données par type de transmission (deux roues/quatre roues/articulée) existe également,

- pour chaque membre, les ventes quotidiennes et mensuelles et les parts de marché au niveau national: cela permet de comparer les résultats les plus récents de chaque fournisseur participant à l'accord sur le marché britannique et de les évaluer dans le mois en cours.

(19) Les informations susmentionnées sont disponibles par tranches d'un an (année civile, exercice, glissement annuel, dernière période de douze mois), d'un trimestre et d'un mois; on dispose même, pour le marché britannique pris dans son ensemble, de chiffres de vente quotidiens. De cette façon, chaque membre de l'accord peut surveiller les performances en matière de ventes et de pénétration du marché de ses concurrents sur une base annuelle, trimestrielle, mensuelle et quotidienne, et ce non seulement pour l'ensemble des produits mais aussi par produit et à l'intérieur de la zone géographique la plus petite.

(20) En outre, les membres transmettent à leurs concessionnaires tous ces renseignements, considérés sous l'angle du territoire de chaque concessionnaire, ainsi que les informations concernant les ventes réalisées par chaque membre et leur part de marché au niveau national. Ainsi, ces renseignements précieux sur le plan commercial sont non seulement échangés entre les constructeurs de tracteurs, mais aussi communiqués à ceux qui en assurent la vente sur le marché. Il en résulte une situation de transparence totale entre concurrents tant au niveau des constructeurs qu'au niveau des concessionnaires à l'intérieur du territoire qui leur est concédé.

(21) Enfin, chaque membre reçoit des données agrégées sur les ventes et les parts de marché des concurrents extérieurs à l'accord (dénommés « autres »), qui détiennent environ 12 % du marché britannique. Bien que les ventes individuelles de chacun de ces concurrents extérieurs ne soient pas identifiées, les membres de l'accord ont néanmoins accès à des données récentes concernant l'évolution des parts de marché de ces « autres » concurrents. Les périodes couvertes (année, trimestre, mois et jour) sont les mêmes.

(22) Il ressort des documents cités ci-après que les membres de l'accord qualifient les informations qu'ils échangent par l'intermédiaire de l'AEA et de la SIL de confidentielles lorsqu'elles indiquent le volume exact de leurs ventes et qu'ils considèrent que cet échange est fondé sur la seule réciprocité.

- Orientation définie par l'AEA le 12 janvier 1979:

« L'association entendant respecter les intérêts des sociétés, aucune analyse permettant l'identification d'un produit particulier d'une société ne sera réalisée sans l'autorisation expresse de celle-ci. . . En outre, les sociétés peuvent autoriser l'association à procéder à une analyse plus approfondie de leurs propres informations en les regroupant avec celles d'autres sociétés. Les informations relatives aux membres d'un tel groupe sont analysées en fonction de critères spécifiques et en application du principe de réciprocité. À aucun moment, les membres d'un groupe ne peuvent avoir accès à des renseignements détaillés (marque ou modèle), soit directement soit par déduction, concernant les produits de sociétés extérieures au groupe. »

- Notes de l'AEA du 12 janvier 1979 concernant l'accord d'échange d'informations sur les immatriculations de tracteurs agricoles au Royaume-Uni:

« Le bureau informatique analyse ensuite les formulaires des sociétés participant au système, conformément aux instructions desdites sociétés. Les informations qui sont jugées confidentielles (marque et modèle) ne sont donc disponibles qu'en ce qui concerne les tracteurs vendus par les sociétés qui participent à l'échange. . . Ils (les membres) ne reçoivent pas d'informations de nature confidentielle concernant les sociétés extérieures au groupe. »

- Procès-verbal, du 8 novembre 1979, d'une réunion des membres de l'accord,

dans lequel les informations échangées sont classées en deux catégories selon leur degré de confidentialité (informations sensibles et non sensibles). Par exemple, le nombre total des immatriculations par catégorie de puissance mais sans identification des constructeurs ou des modèles n'est pas considéré comme une information de nature confidentielle s'il est fourni pour l'ensemble du marché britannique ou pour une région MAFF et sur une base annuelle ou trimestrielle. En revanche, les données identifiant les constructeurs ou les modèles sont jugées confidentielles et susceptibles d'être échangées uniquement si cette confidentialité et le principe de réciprocité sont respectés.

- Procès-verbal, du 24 juin 1980, d'une réunion des membres de l'accord,

dans lequel la diffusion des informations aux concessionnaires fait l'objet de la mise au point suivante: « Les membres reconnaissent la nécessité d'attirer l'attention des concessionnaires sur le fait que les renseignements détaillés concernant les immatriculations ne sont disponibles que grâce à l'étroite coopération qui s'est instaurée entre les constructeurs. Leur utilisation abusive pourrait aboutir à une remise en cause de ces arrangements. Les informations communiquées doivent donc rester confidentielles. »

- Procès-verbal, du 28 octobre 1980, d'une réunion des membres de l'accord:

« Deutz a également été informé que l'accord était entièrement fondé sur le principe de l'échange mutuel d'information. . . »

- Lettre de Massey Ferguson, du 30 avril 1981, à l'ensemble de ses concessionnaires britanniques:

« Nous obtenons les informations par un échange mutuel et confidentiel de données avec les autres constructeurs qui participent à l'accord. Un participant a le droit de se retirer si, par exemple, l'obligation de confidentialité n'est pas respectée. Se procurer ces données coûte cher en raison des frais que représente leur traitement informatique; aussi leur diffusion est-elle limitée aux constructeurs qui paient pour ce service. . . Il vous est demandé par conséquent de continuer à traiter les informations concernant votre propre territoire et celles relatives à l'ensemble du Royaume-Uni qui vous sont communiquées comme des données strictement confidentielles. »

- Lettre de Ford à tous les membres de l'accord:

« Je ne dois pas vous rappeler la valeur qu'ont pour nous ces statistiques. Elles sont strictement confidentielles et ne peuvent être obtenues que parce que chaque participant a confiance dans le respect, par tous les autres, de cette confidentialité. »

- Lettre, du 22 avril 1981, d'International Harvester à ses concessionnaires:

« . . . les chiffres communiqués sont strictement confidentiels et à usage interne exclusivement. Tous formulaires faisant apparaître des volumes de vente unitaires et des parts de marché doivent être considérés comme des documents secrets et traités comme tels. Leur divulgation à la presse ou à toute personne extérieure pourrait entraîner l'effondrement du système, dont vous bénéficiez comme nous-mêmes. »

- Procès-verbal d'une réunion (20 avril 1983) des membres de l'accord:

il y est dit que le président de la réunion est opposé à la diffusion de données concernant les marques en particulier pour les raisons suivantes:

- « On a récemment assisté, dans le secteur de l'automobile, à une guerre des statistiques; le fait de publier les parts de marché ne peut qu'accroître ce risque, et l'accord ne survivra qu'aussi longtemps que les participants entretiendront des relations amicales. »

- « L'accord est fondé et repose encore sur l'idée que, par exemple, MF (Massey Ferguson) et IH (International Harvester, racheté par Case en 1985) échangeront leurs chiffres en matière d'immatriculations. L'accord peut ainsi être considéré comme un ensemble de décisions d'échange. »

- Lettre de l'AEA, du 27 mai 1983, à la National Farmers' Union:

« Pour ce qui est de fournir des informations plus détaillées, nous nous heurtons à une difficulté qui pourrait être insurmontable. Les statistiques commerciales qui nous sont fournies sont strictement confidentielles et il nous est interdit de les communiquer à qui que ce soit sans l'aval de tous les participants. »

(23) Les membres ont examiné la possibilité de communiquer à la presse les données relatives au marché. Cependant, jusqu'en avril 1987, seules ont été publiées les statistiques concernant le Royaume-Uni dans son ensemble et les régions MAFF. Entre avril 1987 et octobre 1988, lorsque les membres ont décidé, à la suite de l'ouverture de la procédure par la Commission, de suspendre la mise en oeuvre de l'accord, des chiffres relatifs aux parts du marché britannique détenues par les différents membres ont été publiés sur une base annuelle et trimestrielle avec un décalage de trois mois. Les autres renseignements communiqués aux membres de l'accord restent confidentiels.

Données concernant les ventes des propres concessionnaires de chaque membre

(24) Outre les données relatives aux ventes des concurrents, l'AEA et la SIL fournissent à chaque constructeur des renseignements sur les ventes réalisées par ses propres concessionnaires.

(25) Ces informations sont également extraites des formulaires V55 utilisés pour l'immatriculation des tracteurs agricoles. Ces formulaires permettent de déterminer la destination de chaque tracteur par une simple comparaison livraison/immatriculation. Les informations qu'ils contiennent concernent le numéro de série et le numéro de châssis, le concessionnaire initial, le vendeur (s'il est différent du précédent) et le code postal à cinq chiffres de l'acheteur final.

(26) Le formulaire V55 existe essentiellement sous deux formes: le modèle pré-rempli V55/1-4, que les concessionnaires doivent utiliser pour l'immatriculation de tous les nouveaux tracteurs qu'ils reçoivent de leurs fournisseurs au Royaume-Uni, et le modèle V55/5, qui doit être rempli par les importateurs indépendants pour l'immatriculation des nouveaux tracteurs qu'ils importent au Royaume-Uni.

Les formulaires d'immatriculation V55/1-4 sont analysés par la SIL pour fournir au constructeur qui le demande les données ci-après sur les ventes réalisées par ses concessionnaires:

- analyse de tendance: comparaison des ventes de la société avec les ventes totales du secteur au niveau du pays, des régions MAFF, des counties, des territoires des concessionnaires et des circonscriptions postales, avec ventilation par produit (catégorie de puissance) sur une base mensuelle; au niveau des territoires des concessionnaires et des circonscriptions postales, ces rapports mensuels peuvent porter sur des volumes de ventes tellement réduits pour certaines catégories de produits qu'il n'est pas exclu que l'on puisse connaître les ventes réalisées par les concurrents à ce niveau;

- analyse des importations des concessionnaires: cette analyse permet de déterminer le nombre de tracteurs importés par d'autres concessionnaires sur le territoire d'un concessionnaire donné et de comparer ces importations avec les ventes réalisées sur son territoire par le concessionnaire maison;

- analyse des exportations des concessionnaires: cette analyse permet de calculer le nombre de tracteurs exportés par un concessionnaire donné sur le territoire d'autres concessionnaires et de comparer ces exportations avec ses ventes sur son propre territoire;

- analyse des ventes des concessionnaires: cette analyse permet aux constructeurs d'identifier les concessionnaires ayant réalisé des ventes dans une circonscription postale donnée et de comparer ces ventes avec celles de l'ensemble du secteur dans cette circonscription.

(27) Enfin, jusqu'au 1er septembre 1988, les formulaires d'immatriculation V55/5 utilisés pour l'importation de nouveaux tracteurs au Royaume-Uni étaient transmis par la SIL aux différents constructeurs. Ces derniers pouvaient ainsi connaître l'importateur, le modèle et le numéro de série du tracteur importé et, munis de ces informations, déterminer l'origine du tracteur en question et repérer le vendeur installé dans tel ou tel autre pays de la Communauté si les importations venaient de la CEE. Les documents V55/5 permettent donc aux constructeurs de connaître l'origine des tracteurs importés parallèlement sur le marché britannique. La SIL a cessé de transmettre ces documents aux constructeurs le 1er septembre 1988.

(28) La SIL décrit le système mis en place dans une télécopie adressée à John Deere en 1984: « Tous les tracteurs immatriculés de manière à pouvoir circuler sur les routes du Royaume-Uni (soit 98 % des tracteurs de plus de trente chevaux) figurent dans notre base de données, d'où qu'ils proviennent. Pour les sociétés qui participent à l'accord, nous stockons également des données concernant les points de vente effectifs des tracteurs et nous renvoyons à chaque société les documents d'immatriculation de base. Ainsi, si un tracteur John Deere est importé par un concessionnaire de la Communauté, la société John Deere Royaume-Uni verra passer la documentation afférente à ce tracteur: numéro de série, etc. »

(29) Massey Ferguson décrit le système dans un mémorandum du 4 mai 1981: « Ce système nous permet de retrouver et de vérifier les données concernant l'immatriculation de tous les tracteurs Massey Ferguson et de certains autres produits livrés par Massey Ferguson (Royaume-Uni) Ltd à ses distributeurs britanniques. Les données relatives à l'immatriculation de tracteurs expédiés il y a déjà quelque temps apparaissent clairement aussi, de même que celles concernant la première immatriculation de tracteurs livrés plus récemment. Mais le plus important, eu égard au récent développement des importations parallèles, est que nous aurons connaissance de toutes les immatriculations sur formulaires V55/5 de produits Massey Ferguson ainsi que des numéros de série. »

(30) Un certain nombre de documents découverts au cours de l'enquête montrent clairement que certains membres ont effectivement utilisé les formulaires V55/5 transmis par la SIL pour remonter à la source des importations parallèles et arrêter ces importations en provenance d'autres pays de la Communauté. Ces documents sont ceux qui figurent à l'annexe 3 de la communication des griefs de la Commission et ceux fournis aux parties après l'audition par une lettre de la Commission du 22 mai 1989 (documents nos 1, 5 à 8, 16 et 28 à 48).

Suspension de l'accord

(31) Le 24 novembre 1988, les membres de l'accord ont décidé de suspendre leur échange d'informations en raison des objections formulées par la Commission dans sa communication des griefs du 11 novembre 1988. La société Watveare, importatrice des tracteurs Deutz, s'est retirée de l'accord en décembre 1988.

(32) Après l'audition, la Commission a informé les parties de sa position par lettre du 25 octobre 1989. Cette position, affinée le 28 novembre 1989, a été acceptée dans son principe par deux parties: Watveare et Case.

(33) Le 12 mars 1990, cinq membres de l'ancien accord, à savoir Ford, Fiat, John Deere, Renault et Massey-Ferguson, ont notifié un accord d'échange d'informations modifié dénommé « UK Tractor Registration Data System ». Le 9 juillet 1990, Massey-Ferguson a informé la Commission qu'elle acceptait elle aussi la position de la Commission du 28 novembre 1989 et que, par conséquent, elle retirait sa demande d'attestation négative et/ou d'exemption introduite le 12 mars 1990.

Les quatre - désormais trois - parties restantes ont notifié un système d'échange d'informations qu'elles n'ont pas mis en oeuvre. Dans ce nouveau système, les informations transmises aux participants sont un peu plus limitées, mais elles contiennent encore des indications précises sur le volume des ventes et les parts de marché des sociétés membres pour des périodes d'une durée inférieure à un an puisqu'il s'agit de données mensuelles au niveau du Royaume-Uni, ou ventilées sur la base des régions MAFF, selon le mode d'utilisation des terres ou sur la base des counties, des territoires des concessionnaires et des circonscriptions postales. Ces données sont également ventilées par modèle. Enfin, dans le nouveau système, chaque participant reçoit des informations détaillées concernant le numéro de châssis et la date d'immatriculation de ses propres tracteurs qui ont été vendus. Le détail de l'accord modifié figure à l'annexe 2 de la nouvelle notification.

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE

A. Appréciation juridique, au regard de l'article 85 paragraphe 1, de l'accord tel qu'il était appliqué avant la notification et tel qu'il a été notifié le 4 janvier 1988

(34) L'AEA et les huit - désormais sept - sociétés membres de l'accord d'échange d'informations sont (3) partie à un accord au sens de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE. Les parties se sont mises d'accord sur un système commun d'organisation des territoires des concessionnaires [voir le considérant (6) ci-dessus] et l'AEA est seulement habilitée à diffuser les informations concernant les ventes de chaque membre sur la base d'une acceptation mutuelle et réciproque de chaque membre de l'accord. Cet accord a vu le jour de manière formelle avec la notification par l'AEA, en janvier 1988, d'un accord d'échange d'informations. Quant à la communication à chaque membre d'informations relatives aux ventes de ses propres concessionnaires, elle est également fondée sur un accord passé entre chaque membre et l'AEA et la SIL. Toutes ces données sont communiquées par l'AEA et la SIL moyennant le paiement d'honoraires.

Le rôle de la SIL est celui d'une société informatique fournissant ses services à l'AEA et aux huit membres de l'accord moyennant le paiement d'honoraires. Toutefois, la responsabilité de l'échange d'informations incombe surtout à l'AEA et aux membres de l'accord. C'est pourquoi la Commission ne juge pas nécessaire de continuer à inclure la SIL dans la présente procédure.

Données concernant les ventes de chaque

concurrent

(35) Dans son appréciation de la partie de l'échange d'informations qui permet de constater les ventes de chaque participant, la Commission tient compte:

- de la structure du marché:

- forte concentration: quatre sociétés détiennent à elles seules environ 80 % du marché, sept sociétés en contrôlent 87 à 88 %, la concentration est encore plus forte dans certaines zones géographiques plus petites ou pour certains types de produits, les membres sont en même temps de gros fournisseurs sur les autres marchés communautaires, et l'écart avec les parts de marché (environ 12 % seulement au total) éparpillées entre tous les fournisseurs extérieurs à l'accord est considérable,

- obstacles qui rendent l'accès au marché très difficile: nécessité de disposer d'un réseau de distribution et de service après-vente étendu, faible volume et stagnation/contraction du marché, avantage de fidélité à la marque dont profitent les fournisseurs établis et effets de l'accord d'échange d'informations

et

- volume très limité des importations provenant de pays tiers pour les tracteurs agricoles d'une puissance supérieure à trente chevaux;

- de la nature des renseignements échangés: volume exact des ventes et parts de marché précises de chacun; entre concurrents authentiques sur un marché très concentré, de telles informations constituent des secrets d'affaires,

- du caractère détaillé des informations échangées: ventilation détaillée par produits, par petites zones géographiques et par périodes d'une durée inférieure à un an, c'est-à-dire informations sensibles par jour, par mois et par trimestre sur les concurrents,

- du fait que les membres se réunissent régulièrement au sein du comité de l'AEA, qui devient pour eux un lieu de contacts.

(36) L'accord d'échange d'informations a pour effet de restreindre la concurrence, et ce pour deux raisons:

a) Prévention de la concurrence cachée sur un marché fortement concentré

(37) L'accord d'échange d'informations restreint la concurrence parce qu'il pousse la transparence entre fournisseurs à un point tel que ce qui reste de concurrence cachée entre eux sur ce marché très concentré risque de disparaître en raison de la facilité avec laquelle il devient possible de repérer tout acte de concurrence indépendant. Sur ce marché très concentré, la « concurrence cachée » tient essentiellement à la part d'incertitude et de secret qui entoure l'état du marché et sans laquelle il n'est plus possible de livrer une concurrence efficace.

Préserver une part d'incertitude et de secret entre les fournisseurs est essentiel au maintien sur ce type de marché d'une concurrence active qui n'est possible que si chaque entreprise peut tenir son action secrète, voire entraîner ses concurrents sur une fausse piste.

Ce raisonnement, pour autant, n'ôte rien aux avantages de la transparence dans une situation de concurrence caractérisée par un grand nombre d'acheteurs et de vendeurs. Lorsque le degré de concentration est faible, la transparence du marché peut accroître la concurrence dans la mesure où les consommateurs peuvent choisir en parfaite connaissance de cause. Or, il faut souligner ici que le degré de concentration du marché des tracteurs au Royaume-Uni est non pas faible mais élevé, et que les consommateurs ne sont ni les destinataires ni les bénéficiaires de sa transparence. Au contraire, la grande transparence entre fournisseurs qui résulte de l'accord d'échange d'informations rend impossible tout effet de surprise et réduit le temps de réaction des autres fournisseurs, ce qui limite considérablement les avantages temporaires qu'un concurrent peut espérer tirer de son action. Toute initiative pouvant être immédiatement repérée grâce à l'augmentation du volume des ventes, les fournisseurs peuvent réagir aussitôt à la baisse des prix ou autre action commerciale décidée par l'un d'eux et réduire à néant les bénéfices que ce dernier comptait tirer de l'opération. En l'occurrence, la situation est propice à ce type de neutralisation et donc de stabilisation des positions de chaque membre de l'oligopole, car aucune concurrence extérieure ne menace ceux-ci hormis quelques importations parallèles, d'ailleurs surveillées elles aussi comme on l'a expliqué plus haut.

(38) Le marché des tracteurs au Royaume-Uni est visiblement un marché très concentré où la concurrence se trouve déjà atténuée par le fait que:

- quatre entreprises dominent le marché, dont elles détiennent ensemble environ 80 %,

- ces quatre entreprises ont mis en place un accord d'échange d'informations avec quatre autres fournisseurs bien connus qui constituaient une menace potentielle pour leurs parts de marché. Une situation d'oligopole s'est ainsi artificiellement créée entre les huit - désormais sept - concurrents les mieux établis sur le marché par l'échange d'informations sur l'évolution des volumes des ventes et des parts de marché au niveau tant des constructeurs que des concessionnaires,

- ces sept - anciennement huit - fournisseurs sont présents sur tous les autres marchés de la Communauté et ont une longue expérience du commerce et des produits offerts sur le marché britannique. En particulier, connaître les prix pratiqués par chaque membre de l'accord ne présente aucune difficulté, étant donné qu'il existe des prix de catalogue et qu'un simple coup de téléphone renseignera sur le niveau général des rabais consentis par le réseau de concessionnaires de chaque constructeur. Ces informations peuvent aussi être recueillies auprès des clients qui renseignent les concessionnaires sur les prix de leurs concurrents sur un territoire donné,

- le marché est à l'abri de la concurrence étrangère du fait que l'accès à celui-ci est très difficile et que les importations de pays tiers sont insignifiantes.

(39) De surcroît, la demande est très dispersée. Les acheteurs sont nombreux et n'ont pas, dans leur majorité, la possibilité d'acheter leur tracteur dans un autre État membre (expéditions difficiles, formalités à l'importation, immatriculation, service après-vente, reprise des anciennes machines, etc.). La transférabilité de la demande sur ce marché est donc très faible, ce qui gêne les acheteurs pour faire jouer la concurrence vis-à-vis du petit groupe de fournisseurs établis au Royaume-Uni et consolide par conséquent la position de force que ceux-ci occupent sur le marché.

(40) En conséquence, les seules données difficiles à obtenir, mais qui sont très importantes, sur le marché britannique du tracteur sont celles qui concernent le volume exact des ventes de chaque constructeur/concessionnaire et qui permettent de repérer immédiatement toute variation du volume des ventes et de la part de marché d'un membre de l'oligopole ou d'un concessionnaire au niveau local. Cette connaissance du marché permet à chaque membre et à chaque concessionnaire de réagir aussitôt et donc de neutraliser toute initiative que l'un d'entre eux, membre ou concessionnaire, pourrait avoir prise pour accroître ses ventes [voir le considérant (37) ci-dessus]. En pratique, le résultat est toutefois que de telles initiatives sont peu nombreuses, précisément parce que chaque fournisseur sait parfaitement quelle est la position des sept - six - autres et que toute initiative de sa part peut être aussitôt détectée en raison de la transparence du système.

(41) Les informations très précises par produit et par marché géographique concernant les ventes [voir les considérants (17) à (23) ci-dessus] donnent à chaque constructeur et à chaque concessionnaire une image très précise du marché (couverture et précision totales), accessible à l'instant même ou à très court terme (jour, mois ou trimestre). Cela leur permet:

- de connaître avec précision les positions sur le marché et les performances de leurs concurrents et de suivre en permanence l'évolution de ces positions,

- de constater immédiatement si les ventes d'un concurrent ont augmenté, de voir sur quel territoire cette augmentation a eu lieu, d'identifier les modèles qui ont contribué à cette augmentation et, enfin, de surveiller si les stratégies commerciales des concurrents, notamment en matière de prix, donnent des résultats et de quelle ampleur,

- de limiter autant que possible la concurrence par les prix, les fournisseurs et les concessionnaires pouvant réagir à toute baisse des prix ou autre stratégie commerciale de manière sélective, en limitant leur réaction à ce qui est strictement nécessaire en termes de produit et de territoire et en étant sûrs d'atteindre le bon objectif,

- de réagir plus rapidement si les positions sur le marché viennent à changer.

(42) L'accord aide en outre les sociétés et les concessionnaires établis qui détiennent des parts de marché considérables (c'est-à-dire les quatre plus gros fournisseurs, qui contrôlent à eux seuls 80 % environ du marché britannique) à défendre leur position sur le marché plus efficacement qu'ils ne pourraient le faire sans les informations détaillées dont ils disposent sur les ventes de leurs concurrents et l'évolution de celles-ci. Grâce à leur couverture plus complète du marché et à leur volume de ventes supérieur, ces sociétés et ces concessionnaires ont déjà l'avantage d'une meilleure connaissance du marché, qui se trouve encore renforcé par le fait qu'ils peuvent réagir plus efficacement à toute augmentation des ventes de leurs concurrents plus petits. Les faits sont là pour le prouver: pendant leur participation à l'accord, les quatre principaux fournisseurs ont pour l'essentiel maintenu leur part de marché globale par rapport aux autres membres de l'accord sur le marché britannique.

(43) En l'absence de l'accord, les sociétés seraient obligées de livrer bataille sur un marché où régnerait une certaine incertitude quant à l'endroit exact, la force et la nature des attaques que peuvent porter les concurrents. Cette incertitude fait partie du jeu normal de la concurrence et la renforce, car la riposte et la réduction des prix ne peuvent dans ce cas se limiter au minimum absolument nécessaire pour défendre une position établie. L'incertitude incite les entreprises à réagir plus fermement qu'elles ne le feraient si elles savaient que telle réponse minimale est suffisante pour faire pièce à la concurrence. Elles sont donc amenées à dépasser cette réponse minimale, par exemple en offrant des rabais plus favorables afin d'écouler leurs stocks ou des remises sur un plus grand nombre de produits et dans un plus grand nombre de points de vente. L'accord réduit l'incertitude en révélant les actions et les réactions de tous les participants, lesquels représentent ensemble 87 à 88 % du marché britannique. De ce fait, il a nécessairement pour effet de prévenir la concurrence cachée.

b) Renforcement des obstacles à l'accès de non-membres au marché

(44) Outre qu'il réduit la concurrence entre les sociétés membres et entre leurs concessionnaires, l'accord la restreint aussi entre membres et non-membres même si, en principe, tout constructeur importateur peut y adhérer.

(45) Un fournisseur qui choisit de ne pas adhérer se trouve désavantagé par le fait qu'il ne dispose pas des renseignements détaillés et précis concernant les autres fournisseurs que reçoivent les membres de l'accord. La connaissance détaillée de la structure des ventes de tracteurs sur le marché britannique aide les membres à mieux défendre leur position contre les sociétés extérieures à l'accord.

(46) En revanche, si un fournisseur choisit de devenir membre, il doit communiquer son volume exact de ventes par produit et par territoire, ce qui permet aux fournisseurs établis, qui détiennent des parts de marché considérables et possèdent un réseau très complet de concessionnaires, de prendre conscience de l'existence d'un nouveau venu sur le marché et de détecter immédiatement la percée opérée par celui-ci. Ces renseignements permettront aux fournisseurs établis de défendre leur position en prenant des mesures sélectives visant à contenir la pénétration du nouveau membre.

(47) Dans ces conditions, un petit fournisseur n'a pas intérêt à devenir membre de l'accord, mais ne gagne rien non plus à rester en dehors. Dans les deux cas, le système avantage les gros fournisseurs qui y participent déjà. De fait, les petits fournisseurs qui participent à l'accord n'ont pas réussi à inquiéter les quatre fournisseurs principaux, à savoir Ford, Case, Massey-Ferguson et John Deere, et un accroissement de parts de marché n'est possible que par le rachat d'entreprises - comme l'acquisition récente de Ford par Fiat. La participation des quatre « petits » fournisseurs ne peut donc s'expliquer que par le fait que l'accord concernant le Royaume-Uni fait partie d'un ensemble d'accords similaires dans d'autres pays de la Communauté et que les huit fournisseurs participent à un certain nombre d'entre eux sur une base de réciprocité. Des enquêtes sont en cours en ce qui concerne ces autres accords.

(48) En conséquence, l'accord permet à ses membres de barrer effectivement l'accès du marché et de contenir l'expansion des autres fournisseurs établis au Royaume-Uni et qui n'en font pas partie. Il restreint donc gravement le développement de la concurrence sur un marché très concentré dont l'accès est déjà fortement entravé, ce qui permet à ses membres de réaliser ensemble des profits maximaux au détriment des agriculteurs. Cette restriction de la concurrence nuit en particulier aux fournisseurs de plus petite taille des autres pays de la Communauté qui ne réussiront pas à prendre pied sur le marché britannique s'ils souhaitent vendre ou accroître leurs ventes sur ce marché.

c) Principaux arguments avancés par les parties

(49) Les parties ont fait valoir que l'accord fonctionne grâce à des données concernant l'immatriculation que le ministère britannique des transports met à la disposition des entreprises du secteur et que ces données ne constituent pas des secrets d'affaires. Cet argument ne peut être accepté.

En premier lieu, l'accord concerne, non pas de simples estimations, mais des renseignements très précis sur les quantités vendues et les parts de marché de chaque membre et de ses concessionnaires. Ce type d'informations est normalement considéré comme un secret d'entreprise qui confère à son détenteur des avantages légitimes sur le plan de la concurrence et qui, pour cette raison, ne doit pas être révélé aux concurrents ou partagé avec eux [voir Cour de justice, affaire 236/81, Celanese Chemical Company Inc. (4); affaire T-30/89, Hilti (5); septième rapport sur la politique de concurrence, chapitre I paragraphe 2 points 5-8; décisions de la Commission: Fatty Acids (87/1/CEE) (6), Cobelpa/VNP (77/592/CEE) (7) et White Lead (79/90/CEE) (8)]. À la différence des prix ou d'autres données commerciales qu'une enquête par téléphone ou les informations communiquées en retour par les clients permettent de connaître, le volume exact des ventes et les parts de marché sont les informations les plus difficiles à obtenir et le seul indicateur précis de la structure des échanges sur un marché, et de son évolution.

En deuxième lieu, les parties ont elles-mêmes qualifié les données établissant avec exactitude les volumes de ventes et les parts de marché des divers concurrents de renseignements sensibles et confidentiels qui ne peuvent être partagés que sur une base de réciprocité et avec l'assentiment exprès des entreprises considérées [voir considérant (22)].

En troisième lieu, même si chaque constructeur avait individuellement accès aux données relatives à l'immatriculation que possède le ministère britannique des transports, elles ne pourraient pas être exploitées comme elles le sont dans le cadre de l'accord. Celui-ci procure en effet des informations détaillées, ventilées par produit, par territoire et par période, concernant les ventes et les parts de marché de tous ses membres, ce qui permet aux constructeurs d'exercer une surveillance instantanée et constante sur la manière dont évolue la position de chacun sur le marché.

En outre, les membres ont tous convenu d'organiser leur réseau respectif de concessionnaires sur la base des circonscriptions postales à cinq chiffres, ce qui est indispensable pour pouvoir comparer les données complètes et détaillées relatives à chacun d'eux et à leurs concessionnaires. Enfin, pour les ventes qui n'étaient pas suivies d'une immatriculation, les concessionnaires se sont engagés à renvoyer les formulaires V55 complétés au constructeur, qui les transmet pour traitement à la SIL. On voit donc que, même si les données relatives aux immatriculations étaient accessibles sur une base individuelle, elles ne seraient pas exploitables en l'absence d'un tel accord.

Enfin, le fait qu'un ministère mette à la disposition des entreprises d'un secteur des données permettant de déterminer les ventes des divers concurrents, par opposition à des données agrégées, n'empêche pas que l'article 85 du traité CEE s'applique aux entreprises en question. Au contraire, cela signifie seulement que les pouvoirs publics peuvent aussi, dans certaines circonstances, se voir reprocher une infraction, en l'occurrence à l'article 5 du traité CEE, car il ressort des dispositions combinées de l'article 85, de l'article 3 point f) et de l'article 5 deuxième alinéa du traité CEE que les dispositions ou pratiques administratives nationales ne peuvent pas porter atteinte à la pleine application des règles communautaires de concurrence [voir Cour de justice, Verband der Sachversicherer, affaire 45/85 (9), point 20 des motifs].

(50) Les parties ont par ailleurs fait observer que les informations reçues ne portent que sur les opérations passées et non sur les actions à venir. De leur point de vue, par conséquent, ces données n'ont qu'une valeur de référence et n'influencent pas la concurrence sur le marché considéré. Cet argument n'est pas acceptable non plus.

Sur un marché où la demande est stable ou en déclin comme c'est le cas pour les tracteurs agricoles au Royaume-Uni, l'action future des concurrents peut dans une large mesure être prévue sur la base de leurs opérations passées. L'observation du comportement des concurrents et de leurs résultats passés est à l'origine de tous les effets restrictifs de l'accord tels qu'ils ont été décrits plus haut. Plus les informations sur les quantités vendues et les parts de marché sont précises et récentes, plus leur effet sur le comportement à venir des entreprises sur le marché est grand [voir aussi Cour de justice, Zuechner, affaire 172/80 (10), point 21 des motifs].

Néanmoins, la Commission admet qu'après un certain temps, les données concernant les opérations passées puissent ne plus avoir qu'une valeur de référence et perdre toute influence réelle sur les comportements à venir. Dans le cas présent, la Commission considère qu'un échange annuel de données datant d'un an sur les ventes réalisées par les divers concurrents dans le pays tout entier, dans les régions MAFF et selon le mode d'utilisation des terres, même ventilées par modèles, peut être considéré comme un échange d'informations commerciales qui n'ont pas pour effet de fausser significativement le jeu de la concurrence entre les constructeurs ou les concessionnaires opérant sur le marché britannique des tracteurs.

(51) Les parties ont également fait valoir que la Commission n'avait aucune preuve de ce que l'accord conclu entre elles restreignait effectivement la concurrence et qu'au contraire l'analyse des résultats passés des sociétés établies sur le marché britannique faisait apparaître une évolution des parts de marché inconciliable avec les effets préjudiciables à la concurrence reprochés à l'accord par la Commission dans sa communication des griefs. Cet argument n'est pas acceptable non plus.

La nature et le caractère détaillé des renseignements échangés sont tels que ce marché très concentré et protégé de la concurrence extérieure (obstacles rendant l'accès très difficile, pratiquement aucune importation extracommunautaire) acquiert un degré très élevé de transparence qui réduit nécessairement la concurrence entre les fournisseurs opérant sur ce marché.

En outre, au-delà des conséquences immédiates et visibles d'un accord, il faut tenir compte de ses effets potentiels et du fait qu'il peut créer une structure susceptible d'être utilisée à des fins préjudiciables à la concurrence.

L'article 85 paragraphe 1 doit être interprété en ce sens qu'il inclut des effets potentiellement préjudiciables à la concurrence, car son objectif est de maintenir une structure de concurrence effective au sens de l'article 3 point f) du traité CEE. L'importance de cet objectif s'impose tout particulièrement sur un marché fortement concentré où un accord d'échange d'informations crée une structure de transparence qui empêche toute concurrence cachée et renforce les obstacles à l'accès des non-membres.

En ce qui concerne l'évolution des parts de marché, il faut d'abord souligner qu'au Royaume-Uni les parts de marché globales des membres du dispositif sont restées relativement stables depuis que cet accord existe. Certes, des changements sont intervenus au niveau tant national que local, mais ces variations en elles-mêmes n'excluent pas un affaiblissement de la concurrence consécutif à l'accord. En effet, celui-ci ne doit pas nécessairement se traduire par une stabilité absolue des parts de marché pour restreindre la concurrence; il peut même y avoir une concurrence très vive dans certains domaines. Dans le cas présent, l'effet inhibiteur qu'exerce l'accord sur la concurrence tient au fait que, pour les raisons expliquées plus haut, il est possible d'affirmer avec suffisamment de certitude que les parts de marché et les positions respectives des membres de l'accord auraient été différentes en l'absence de celui-ci et qu'elles évolueront probablement différemment à l'avenir s'il cesse d'exister. Toutefois, il est impossible en pratique de fournir la preuve de différences effectives. Dans ce cas, c'est le contexte économique, la structure du marché et la nature des informations échangées qui sont autant d'éléments permettant de conclure que l'accord aboutit inévitablement à une atténuation de la concurrence.

(52) Enfin, les parties font valoir que la nature hétérogène des produits considérés crée sur le marché des tracteurs une forte concurrence autrement que par les prix (concurrence par la qualité), chaque constructeur tâchant de différencier ses produits de ceux de ses concurrents pour s'attirer la préférence des utilisateurs.

Cet argument ne tient pas compte du fait que l'achat d'un tracteur représente pour les agriculteurs un investissement financier très important. C'est pourquoi son prix reste un élément important dans le choix final de l'agriculteur, d'autant que tous les tracteurs des membres de l'accord, aussi différenciés qu'ils puissent être, remplissent les mêmes fonctions et sont compatibles avec la gamme complète des engins agricoles à tracter. La fiabilité et la fidélité à la marque ne sont par conséquent pas les seuls éléments dont tient compte un agriculteur. La concurrence par les prix joue encore un rôle important sur ce marché. Cela signifie que les constructeurs et les concessionnaires ont effectivement la possibilité d'atténuer l'intensité de la concurrence qu'ils se livrent en évitant de se battre sur les prix, ce qui réduirait leurs marges. En accroissant la transparence sur un marché très concentré et en renforçant la cohésion entre les principaux fournisseurs de ce marché par des contacts réguliers et secrets, il est possible de maintenir les prix à un niveau général élevé, même si des écarts de prix subsistent entre les différents produits offerts sur le marché.

Données concernant les ventes des concessionnaires de chaque membre

(53) L'accord fournit aussi à chaque constructeur des renseignements détaillés concernant les ventes réalisées par ses propres concessionnaires. En soi, il n'y a là rien de contestable, à condition que ces informations ne permettent ni de connaître les ventes des concurrents ni de gêner l'activité de concessionnaires ou d'importateurs parallèles.

(54) En ce qui concerne la possibilité de connaître les ventes des différents concurrents, ce risque existe lorsque, sur un territoire et pour un produit et une période donnés, le volume total des ventes du secteur est inférieur à dix unités. Dans de tels cas, une simple comparaison entre les ventes du secteur et celles de la société à laquelle on appartient peut permettre, soit directement, soit par déduction, de déterminer le volume exact des ventes réalisées par les différents concurrents ou leurs concessionnaires.

(55) Quant à la possibilité d'entraver l'activité de concessionnaires ou des importateurs parallèles, l'accord peut produire les effets suivants, qui seraient préjudiciables à la concurrence:

- les analyses relatives aux importations et aux exportations des concessionnaires font apparaître, pour chaque territoire, le nombre exact de ventes réalisées tant par le concessionnaire local que par les autres concessionnaires du même réseau. Ces analyses montrent en outre sur quels territoires un concessionnaire effectue ses ventes en dehors du sien propre. La destination exacte de chaque tracteur est ainsi révélée, de même que les exportations de chaque concessionnaire sur les territoires d'autres concessionnaires du Royaume-Uni. Cette surveillance des ventes en dehors du territoire concédé permet aux constructeurs de faire pression sur les concessionnaires dont les exportations, à leur sens, sont excessives. Ces documents sont, par nature, propres à conduire à des abus qui, le plus souvent, ne peuvent être contrôlés a posteriori (un constructeur pourrait, par exemple, limiter l'approvisionnement d'un concessionnaire qui vend trop de tracteurs sur d'autres territoires que le sien). La probabilité que les analyses des importations/exportations réduisent la concurrence à l'intérieur d'une même marque est donc très grande, le résultat étant que les concessionnaires peuvent conserver des marges bénéficiaires élevées pour eux-mêmes et pour les constructeurs,

- jusqu'en septembre 1988, les membres de l'accord recevaient également de la SIL une copie de chaque formulaire d'immatriculation V55, qui leur permettait de repérer les importations parallèles de tracteurs et de remonter à leur source [voir considérants (27) à (30) ci-dessus]. Les documents mentionnés au considérant (30) ci-dessus montrent que les informations communiquées à chaque membre ont été utilisées pour faire cesser ces importations parallèles de tracteurs en provenance des autres pays de la Communauté. L'accord permettait donc d'entraver plus facilement les importations parallèles, qui introduisaient un élément de concurrence sur le marché britannique.

(56) En ce qui concerne la restriction des importations parallèles, la présente décision ne vise l'accord que dans la mesure où il constitue un mécanisme permettant d'entraver plus facilement les importations parallèles. L'utilisation qu'en ont faite certains membres afin d'empêcher effectivement ces importations parallèles fera l'objet d'une procédure distincte.

Effet sur le commerce entre États membres

(57) Un accord d'échange d'informations qui permet de déterminer dans le détail le volume exact des ventes et les parts de marché de fournisseurs représentant 88 % d'un marché national, qui compte parmi ses membres tous les grands importateurs des autres pays de la Communauté, qui empêche toute concurrence cachée sur un marché très concentré et qui rend l'accès à ce marché encore plus difficile pour les non-membres est susceptible d'affecter substantiellement le commerce entre États membres, car en atténuant la concurrence, il pèse nécessairement sur le volume des importations au Royaume-Uni.

La structure des échanges entre le Royaume-Uni et le reste du marché commun sera différente de ce qu'elle serait en l'absence d'un tel accord. En outre, celui-ci a été et pourrait être utilisé à l'avenir pour entraver les importations parallèles au Royaume-Uni.

(58) Cette influence non négligeable sur le commerce entre États membres est d'autant plus probable que cet accord ne réunit pas seulement deux ou trois participants, mais qu'il couvre pratiquement tout le secteur, à savoir près des neuf dixièmes d'un marché national qui est lui-même un marché substantiel à l'intérieur de la Communauté. De la même façon, l'accord en question permet non seulement à une ou deux entreprises, mais à la quasi-totalité des fournisseurs du marché britannique d'entraver plus facilement le commerce parallèle. Enfin, la possibilité de s'ingérer dans l'activité des concessionnaires à l'intérieur du Royaume-Uni en faisant un usage abusif des analyses relatives aux importations et aux exportations des concessionnaires limite la concurrence à l'intérieur d'une même marque sur le marché britannique, qui représente une part substantielle du marché commun. Tout cela est susceptible d'avoir pour résultat de permettre aux principaux fournisseurs du marché britannique, grâce à la meilleure connaissance du marché dont ils disposent, d'une part de maintenir les prix des tracteurs agricoles à un niveau exagérément élevé par rapport à une situation de concurrence normale, et d'autre part de rendre plus difficiles les importations de tracteurs par les entreprises non membres de l'accord.

B. Appréciation juridique, au regard de l'article 85 paragraphe 3, de l'accord tel qu'il était appliqué avant la notification et tel qu'il a été notifié le 4 janvier 1988

(59) L'accord d'échange d'informations sur les immatriculations de tracteurs agricoles au Royaume-Uni existe depuis 1975 et n'a été notifié que le 4 janvier 1988 après que plusieurs enquêtes eurent révélé l'existence et la nature de cet échange couvrant un secteur entier. Les parties l'ont donc appliqué pendant plus de douze ans sans le notifier à la Commission. Elles ne peuvent demander à bénéficier des dispositions de l'article 4 paragraphe 2 point 1) du règlement no 17, car l'échange d'informations mis en place concerne aussi les importations de tracteurs au Royaume-Uni.

L'accord n'ayant pas été notifié conformément à l'article 4 paragraphe 1 du règlement no 17 avant le 4 janvier 1988, il ne peut être admis à bénéficier de l'exemption prévue à l'article 85 paragraphe 3 pour la période précédant cette notification.

(60) Dans leur notification du 4 janvier 1988 et leurs observations ultérieures, les parties ont fait valoir qu'elles utilisent les informations détaillées concernant les ventes de chaque membre pour accélérer la mise au point de leurs produits et pour améliorer la planification de la production et la surveillance des concessionnaires. La Commission considère que les avantages allégués ne compensent pas les inconvénients résultant des restrictions de la concurrence décrites plus haut.

En tout état de cause, les parties n'ont pas trouvé que ces informations concernant les résultats de chaque constructeur et de chaque concessionnaire leur étaient indispensables pour obtenir les avantages allégués. À cet égard la Commission estime que les informations dont dispose chaque société sur elle-même ainsi que celles relatives à l'ensemble du secteur sont suffisantes.

(61) La Commission n'a rien à objecter à l'échange de données agrégées au niveau du secteur, même ventilées sur la base des régions MAFF, du mode d'utilisation des terres, des counties, des territoires des concessionnaires, voire des circonscriptions postales, ainsi que par produit (puissance ou type de transmission), pourvu que le nombre d'unités vendues indiqué dans chaque rubrique ne soit jamais inférieur à dix. La Commission ne voit pas non plus d'inconvénient à la diffusion d'informations propres à chaque société, sauf lorsqu'elles ont un effet manifestement contraire aux règles de concurrence.

En conséquence, les parties peuvent avoir accès à des données détaillées et à jour concernant l'ensemble du secteur et leur propre entreprise. En outre, s'agissant de ce marché particulier, la Commission n'est pas opposée à l'échange annuel de données datant d'un an sur le volume des ventes et les parts de marché des divers concurrents au niveau du Royaume-Uni, des régions MAFF et en fonction du mode d'utilisation des terres, avec ventilation par modèle.

Toutes ces informations permettent à chaque membre de constater les tendances générales du marché, de suivre l'évolution de la demande dans le secteur, de prévoir les besoins de production, de fixer des objectifs de vente à ses concessionnaires et de maintenir les stocks appropriés de tracteurs et de pièces détachées. Elles permettent également à chaque membre d'évaluer les performances de ses produits et de ses concessionnaires par rapport à l'ensemble du secteur.

(62) Depuis l'audition qui a eu lieu dans cette affaire, trois membres de l'accord, à savoir Watveare (pour Deutz), Case et Massey-Ferguson, ont fait savoir à la Commission qu'ils pouvaient accepter de participer à un système consistant en un simple échange de statistiques et ne comportant aucune indication sur les ventes et les parts de marché de leurs concurrents pour des périodes inférieures à un an. Cela ne fait que confirmer la conclusion à laquelle est arrivée la Commission, à savoir que les données relatives à chaque société, d'une part, et celles relatives à l'ensemble du secteur, d'autre part, sont suffisantes pour opérer sur le marché des tracteurs agricoles.

(63) En ce qui concerne les données relatives aux ventes des propres concessionnaires des constructeurs qui permettent à ceux-ci de s'ingérer dans l'activité des concessionnaires ou des importateurs parallèles (analyse des importations et des exportations des concessionnaires/transmission d'une copie des formulaires d'immatriculation V55/5 aux constructeurs), aucun accord portant sur l'échange de telles informations ni aucune pratique de ce genre ne sauraient être admis à bénéficier d'une exemption. On voit mal comment le fait de partager ces données ou de recourir à ces pratiques pourrait être indispensable à l'amélioration de la production ou de la distribution des tracteurs. Les résultats d'un concessionnaire peuvent être évalués grâce au nombre total des ventes réalisées par celui-ci, sans qu'il soit besoin d'établir la destination exacte de chaque unité vendue.

(64) En conclusion, il n'est pas nécessaire d'examiner si les quatre conditions de l'article 85 paragraphe 3 sont réunies, celle du caractère indispensable n'étant de toute façon pas remplie, ni pour ce qui est des informations sur les ventes des divers concurrents, ni pour ce qui est des données relatives aux ventes des concessionnaires de chaque constructeur, qui permettent d'entraver l'activité de concessionnaires ou des importateurs parallèles. Par conséquent, l'accord notifié ne saurait bénéficier d'une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE.

C. Appréciation juridique, au regard de l'article 85 paragraphes 1 et 3, concernant la notification modifiée du 12 mars 1990

(65) Les observations relatives à l'article 85 paragraphes 1 et 3 développées dans ce qui précède s'appliquent, mutatis mutandis, à la notification modifiée du 12 mars 1990. Bien que cette seconde notification n'ait été présentée que par quatre parties, à savoir Ford, Fiat, John Deere et Renault, la Commission croit savoir que les quatre autres membres de l'accord initial seraient certainement disposés à continuer de collaborer si la Commission devait considérer cette nouvelle notification comme acceptable au regard de l'article 85. Mais le nouvel accord dépasse de loin ce que la Commission considère comme acceptable pour le marché considéré, notamment parce qu'il continue de fournir des données mensuelles sur le volume des ventes et les parts de marché des membres et des concessionnaires ainsi que des informations détaillées comme le numéro de châssis et la date d'immatriculation de chaque unité vendue. Ces deux derniers renseignements permettent, à l'instar des formulaires V55/5, d'identifier l'origine et la destination de tous les tracteurs. Si, comme le laissent entendre les parties, de telles informations étaient indispensables pour l'examen des garanties ou des demandes de primes, elles pourraient être limitées à des cas spécifiques et ne pas être communiquées pour tous les tracteurs vendus,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L'accord d'échange d'informations sur les immatriculations de tracteurs agricoles au Royaume-Uni (« UK Agricultural Tractor Registration Exchange »), tel qu'il est appliqué depuis novembre 1975 et tel qu'il a été notifié le 4 janvier 1988, de même que sa version modifiée du 12 mars 1990, constitue une infraction à l'article 85 paragraphe 1 du traité dans la mesure où il donne lieu à un échange d'informations permettant à chaque constructeur de connaître les ventes de chacun de ses concurrents ainsi que les ventes et les importations réalisées par ses propres concessionnaires.

Article 2

L'accord d'échange d'informations sur les immatriculations de tracteurs agricoles au Royaume-Uni (« UK Agricultural Tractor Registration Exchange ») tel qu'il a été notifié le 4 janvier 1988, de même que sa version modifiée du 12 mars 1990, ne remplit pas les conditions d'exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité. En conséquence la demande d'exemption est rejetée.

Article 3

L'AEA et les huit parties à l'accord mettent immédiatement fin, si ce n'est déjà fait, à l'infraction constatée à l'article 1er et s'abstiennent pour l'avenir de s'associer à tout accord ou pratique concertée pouvant avoir un objet ou un effet identique ou similaire.

Article 4

Les entreprises ci-après sont destinataires de la présente décision:

1) The Agricultural Engineers Association,

Samuelson House,

Paxton Road,

Orton Centre,

UK-Peterborough,

Cambridgeshire PE 2 OLT;

2) Ford New Holland Ltd,

Cranes Farm Road,

UK-Basildon,

Essex SS14 3AD;

3) Massey-Ferguson (United Kingdom) Ltd,

Stareton,

UK-Kenilworth,

Warwickshire CV8 2LJ;

4) J. I. Case Europe Ltd,

PO Box 121,

Wheatley Hall Road,

UK-South Yorkshire DN2 4PN;

5) John Deere Ltd,

Langar,

UK-Nottingham NG13 8HT;

6) Renault Agriculture Ltd,

Shipston House,

Darlingscote Road,

UK-Shipston-on-Stour,

Warwickshire CV36 4D7;

7) Watveare Ltd,

Headquarters Road,

West Wilts Trading Estate,

UK-Westbury,

Wittshire BA13 4JY;

8) Fiatagri UK Ltd,

Newmarket Road,

UK-Bury St Edmunds,

Suffolk IP33 3YA;

9) Same-Lamborghini (UK) Ltd,

Barby,

UK-Rugby

Warwickshire CV23 8FA. Fait à Bruxelles, le 17 février 1992. Par la Commission

Leon BRITTAN

Vice-président

(1) JO no 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62. (2) JO no 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63. (3) L'utilisation du temps présent s'explique ici par le fait que la notification du 4 janvier 1988 n'a pas été retirée après la notification modifiée du 12 mars 1990. (4) Recueil 1982, p. 1183. (5) Recueil 1990, II, p. 163. (6) JO no L 3 du 6. 1. 1987, p. 17. (7) JO no L 242 du 21. 9. 1977, p. 10. (8) JO no L 21 du 30. 1. 1979, p. 16. (9) Recueil 1987, p. 405. (10) Recueil 1981, p. 2021.