6.9.2007   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 208/1


Lignes directrices concernant l'application de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE

(2007/C 208/01)

A.

La présente communication est publiée conformément aux dispositions de l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après «accord EEE») et à l'accord entre les pays de l'AELE sur la mise en place d'une Autorité de surveillance et d'une Cour de justice (ci-après «accord Surveillance et Cour»).

B.

La Commission européenne (ci-après la «Commission») a publié une communication intitulée «Lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité» (1). Cet acte non contraignant énonce les principes suivis par la Commission pour appliquer les conditions de l'exception contenue à l'article 81, paragraphe 3, du traité CE.

C.

L'Autorité de surveillance AELE considère la communication susmentionnée comme présentant un intérêt pour l'EEE. Afin de maintenir des conditions de concurrence égales et de garantir une application uniforme des règles de concurrence de l'EEE dans tout l'Espace économique européen, l'Autorité de surveillance AELE adopte la présente communication, exerçant ainsi le pouvoir qui lui est conféré par l'article 5, paragraphe 2, point b), de l'accord Surveillance et Cour. Elle entend suivre les principes et les règles fixés dans la présente communication lors de l'application des règles de concurrence pertinentes de l'EEE à un cas particulier (2).

D.

La présente communication a notamment pour objet de présenter l'interprétation donnée par l'Autorité de surveillance AELE aux conditions de l'exception contenue à l'article 53, paragraphe 3, du traité CE et de fournir des indications sur l'application par ladite Autorité de l'article 53 à un cas particulier.

E.

La présente communication s'applique aux cas dans lesquels l'Autorité de surveillance AELE est l'autorité de surveillance compétente conformément à l'article 56 de l'accord EEE.

1.   INTRODUCTION

(1)

L'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE prévoit une dérogation aux dispositions de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE. Les accords, décisions d'associations d'entreprises et pratiques concertées (3) qui sont visés par l'article 53, paragraphe 1, mais remplissent les conditions de l'article 53, paragraphe 3, sont valides et applicables sans qu'une décision préalable soit nécessaire à cet effet.

(2)

L'article 53, paragraphe 3, s'applique à des accords individuels ou, au moyen d'actes correspondant aux règlements communautaires d'exemption par catégorie visés à l'annexe XIV de l'accord EEE (ci-après «exemptions par catégorie»), à des catégories d'accords et de pratiques concertées. Le chapitre II du protocole 4 de l'accord Surveillance et Cour (ci-après «chapitre II») (4) n'affecte pas la validité et la nature juridique des exemptions par catégorie. Toutes les exemptions par catégorie existantes restent en vigueur et les accords couverts par des exemptions par catégorie sont juridiquement valides et applicables, même s'ils restreignent la concurrence au sens de l'article 53, paragraphe 1. Ces accords ne peuvent être interdits que pour l'avenir et seulement après abrogation officielle de l'exemption par catégorie par l'Autorité de surveillance AELE ou une autorité de la concurrence d'un pays de l'AELE (5). Les accords exemptés par catégorie ne peuvent être invalidés par les juridictions nationales dans le cadre d'une procédure contentieuse privée.

(3)

Les lignes directrices actuelles relatives aux restrictions verticales, aux accords de coopération horizontaux et aux accords de transfert de technologie (6) concernent l'application de l'article 53 à différents types d'accords et de pratiques concertées. Ces lignes directrices ont pour objet de présenter l'avis de l'Autorité de surveillance AELE sur les critères d'appréciation sur le fond appliqués aux différents types d'accords et pratiques.

(4)

Les présentes lignes directrices exposent l'interprétation que l'Autorité de surveillance AELE donne aux conditions de l'exception contenue à l'article 53, paragraphe 3. Elles fournissent ainsi des orientations sur la manière dont ladite Autorité appliquera cette disposition dans des cas individuels. Bien que ces lignes directrices ne soient pas contraignantes pour les juridictions et les autorités des pays de l'AELE, elles ont aussi pour objet de leur fournir des orientations pour l'application de l'article 53, paragraphes 1 et 3, de l'accord EEE.

(5)

Ces lignes directrices définissent un cadre analytique pour l'application de l'article 53, paragraphe 3. L'objectif est de permettre l'élaboration d'une méthodologie pour l'application de cette disposition. Cette méthodologie est fondée sur l'approche économique qui a été introduite et développée dans les lignes directrices sur les restrictions verticales, sur les accords de coopération horizontale et sur les accords de transfert de technologie. L'Autorité de surveillance AELE appliquera également les présentes lignes directrices, qui donnent une orientation plus détaillée sur l'application des quatre conditions de l'article 53, paragraphe 3, que celle contenue dans les lignes directrices sur les restrictions verticales, sur les accords de coopération horizontale et sur les accords de transfert de technologie, aux accords couverts par ces dernières lignes directrices.

(6)

Les principes énoncés dans les présentes lignes directrices doivent être appliqués à la lumière des circonstances de l'espèce, ce qui exclut une application mécanique. Chaque cas doit être apprécié en fonction de ses caractéristiques propres et les lignes directrices doivent être appliquées de façon raisonnable et flexible.

(7)

Sur un certain nombre de questions, les présentes lignes directrices reflètent l'état actuel des jurisprudences de la Cour de justice AELE et de la Cour de justice des Communautés européennes en application des dispositions correspondantes du traité CE (7). Toutefois, l'Autorité de surveillance AELE entend également expliquer sa politique sur des questions qui n'ont pas encore été abordées dans la jurisprudence ou qui sont sujettes à interprétation. La position de l'Autorité de surveillance AELE est, toutefois, sans préjudice de la jurisprudence de la Cour de justice AELE et de la Cour de justice et du Tribunal de première instance des Communautés européennes concernant l'interprétation de l'article 53, paragraphes 1 et 3, et sans préjudice de l'interprétation que ces juridictions pourraient donner de ces dispositions à l'avenir.

2.   LE CADRE GÉNÉRAL DE L'ARTICLE 53 DE L'ACCORD EEE

2.1.   Les dispositions de l'accord EEE

(8)

L'article 53, paragraphe 1, interdit tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre les parties contractantes à l'accord EEE (8) et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence (9).

(9)

En dérogation à cette règle, l'article 53, paragraphe 3, prévoit que l'interdiction de l'article 53, paragraphe 1, peut être déclarée inapplicable à tous accords qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans imposer aux entreprises des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs, ni donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

(10)

En vertu de l'article 1er, paragraphe 1, du chapitre II, les accords visés à l'article 53, paragraphe 1, qui ne remplissent pas les conditions de l'article 53, paragraphe 3, sont interdits, sans qu'une décision préalable soit nécessaire à cet effet (10). En vertu de l'article 1er, paragraphe 2, de ce même chapitre, les accords visés à l'article 53, paragraphe 1, qui remplissent les conditions de l'article 53, paragraphe 3, ne sont pas interdits sans qu'une décision préalable soit nécessaire à cet effet. Ces accords sont valides et applicables à partir du moment où les conditions de l'article 53, paragraphe 3, sont remplies et aussi longtemps qu'elles le sont.

(11)

L'appréciation au regard de l'article 53 s'effectue donc en deux étapes. La première consiste à déterminer si un accord entre entreprises, qui est susceptible d'affecter le commerce entre les parties contractantes à l'accord EEE, a un objet anticoncurrentiel ou des effets anticoncurrentiels réels ou potentiels (11). La seconde étape, qui n'a lieu d'être que s'il est avéré qu'un accord restreint le jeu de la concurrence, consiste à déterminer les effets proconcurrentiels produits par cet accord et à voir si ces effets proconcurrentiels l'emportent sur les effets anticoncurrentiels. La mise en balance des effets anticoncurrentiels et des effets proconcurrentiels s'effectue exclusivement dans le cadre établi par l'article 53, paragraphe 3 (12).

(12)

Pour évaluer les effets bénéfiques éventuels visés à l'article 53, paragraphe 3, il est indispensable de procéder à la détermination préalable de la nature restrictive et de l'incidence de l'accord. Pour mettre l'article 53, paragraphe 3, en perspective, il convient de décrire succinctement l'objectif et la teneur essentielle de la règle d'interdiction énoncée à l'article 53, paragraphe 1. Les lignes directrices de l'Autorité de surveillance AELE sur les restrictions verticales, sur les accords de coopération horizontale et sur les accords de transfert de technologie (13) contiennent de nombreuses orientations sur l'application de l'article 53, paragraphe 1, à différents types d'accords. Les présentes lignes directrices se limitent donc à rappeler le cadre analytique de base pour l'application de l'article 53, paragraphe 1.

2.2.   La règle d'interdiction de l'article 53, paragraphe 1

2.2.1.   Remarques générales

(13)

L'article 53 a pour objectif de préserver la concurrence sur le marché afin d'accroître le bien-être du consommateur et d'assurer une répartition efficace des ressources. La concurrence et l'intégration du marché servent ces finalités, puisque la création et le maintien d'un marché EEE ouvert favorisent une répartition efficace des ressources sur tout le territoire couvert par l'accord EEE au profit des consommateurs.

(14)

L'interdiction énoncée à l'article 53, paragraphe 1, s'applique aux accords et pratiques concertées entre entreprises et aux décisions d'associations d'entreprises qui restreignent la concurrence, pour autant qu'ils soient susceptibles d'affecter le commerce entre les parties contractantes à l'accord EEE. Un principe général que sous-tend l'article 53, paragraphe 1, et qui veut que chaque opérateur économique détermine de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché (14). Les «accords», «décisions» et «pratiques concertées» sont des notions du droit de l'EEE qui permettent d'établir une distinction entre le comportement unilatéral d'une entreprise et la coordination de comportements ou collusion entre des entreprises (15). Le comportement unilatéral relève uniquement de l'article 54 de l'accord EEE pour ce qui est du droit de la concurrence de l'EEE. Par ailleurs, la règle de convergence définie à l'article 3, paragraphe 2, du chapitre II ne s'applique pas au comportement unilatéral. Cette disposition vise exclusivement les accords, décisions et pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre les parties contractantes à l'accord EEE. L'article 3, paragraphe 2, prévoit que lorsque ces accords, décisions et pratiques concertées ne sont pas interdits par l'article 53 ils ne peuvent être interdits par le droit national de la concurrence. L'article 3 du chapitre II est sans préjudice du principe fondamental qui veut que tout conflit entre les règles EEE mises en œuvre et le droit national soit résolu de façon que les règles EEE priment. Les accords et pratiques abusives interdits par les articles 53 et 54 ne peuvent donc pas être regardés comme valables par le droit national (16).

(15)

Le type de coordination de comportements ou de collusion entre entreprises visé par l'article 53, paragraphe 1, consiste dans la situation où au moins une entreprise s'engage envers une autre entreprise à adopter un certain comportement sur le marché ou que, par suite de contacts entre elles, l'incertitude entourant leur comportement sur le marché soit éliminée ou du moins substantiellement réduite (17). Il s'ensuit que la coordination peut revêtir la forme d'obligations régissant le comportement sur le marché d'au moins une des parties ainsi que d'accords influant sur le comportement sur le marché d'au moins une des parties en modifiant ses incitations. Il n'est pas indispensable que la coordination soit de l'intérêt de toutes les entreprises en cause (18). De même, elle ne doit pas forcément être explicite. Elle peut également être tacite. Pour qu'un accord puisse être réputé conclu au moyen d'un acquiescement tacite, il est nécessaire qu'une entreprise invite une autre entreprise, que ce soit de façon expresse ou implicite, à la réalisation commune d'un but (19). Dans certaines circonstances, un accord peut se déduire de relations commerciales durables entre les parties et être imputable à ces relations (20). Toutefois, le seul fait qu'une mesure adoptée par une entreprise s'inscrive dans le cadre de relations commerciales continues ne saurait être suffisant (21).

(16)

Les accords entre entreprises tombent sous le coup de l'interdiction de l'article 53, paragraphe 1, dès lors qu'ils sont susceptibles d'avoir une incidence défavorable sensible sur les paramètres de concurrence, tels que le prix, la production, la qualité des produits, la diversité des produits et l'innovation. Ils peuvent produire cet effet en réduisant considérablement la rivalité entre les parties à l'accord ou entre ces parties et des tiers.

2.2.2.   Principes fondamentaux d'appréciation des accords en vertu de l'article 53, paragraphe 1

(17)

Pour apprécier si un accord doit être considéré comme altérant le jeu de la concurrence, il convient d'examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l'accord litigieux (22). Lors de cette appréciation, il est nécessaire de tenir compte de l'incidence éventuelle de l'accord sur la concurrence intermarques (c'est-à-dire la concurrence entre fournisseurs de marques concurrentes) et sur la concurrence intramarque (c'est-à-dire la concurrence entre distributeurs d'une même marque). L'article 53, paragraphe 1, interdit les restrictions tant de la concurrence intermarques que de la concurrence intramarque (23).

(18)

Pour déterminer si un accord, ou l'une de ses parties, est susceptible de restreindre la concurrence intermarques et/ou la concurrence intramarque, il est nécessaire d'examiner comment, et dans quelle mesure, cet accord affecte, ou est susceptible d'affecter, la concurrence sur le marché. Les deux questions suivantes fournissent un cadre utile à cet effet. La première question a trait à l'incidence de l'accord sur la concurrence intermarques, alors que la seconde question a trait à l'incidence de l'accord sur la concurrence intramarque. Comme certaines restrictions peuvent affecter ces deux types de concurrence à la fois, il peut s'avérer nécessaire d'analyser une restriction à la lumière de ces deux questions, avant de pouvoir conclure s'il y a ou non restriction de la concurrence au sens de l'article 53, paragraphe 1:

1)

L'accord restreint-il la concurrence réelle ou potentielle qui aurait existé en l'absence de l'accord? Dans l'affirmative, l'accord peut entrer dans le champ d'application de l'article 53, paragraphe 1. Lors de cette appréciation, il convient de tenir compte de la concurrence qui s'exerce entre les parties ainsi que de la concurrence émanant de tiers. Par exemple, lorsque deux entreprises établies dans des États différents de l'EEE s'engagent à ne pas vendre de produits sur leurs marchés nationaux respectifs, la concurrence (potentielle) qui existait avant l'accord est restreinte. De même, lorsqu'un fournisseur impose à ses distributeurs l'obligation de ne pas vendre de produits concurrents et que cette obligation empêche des tiers d'accéder au marché, la concurrence réelle ou potentielle qui aurait existé en l'absence de l'accord est restreinte. Pour déterminer si les parties à un accord sont des concurrents réels ou potentiels, il convient de tenir compte du contexte économique et juridique. Si, par exemple, en raison des risques financiers encourus et des capacités techniques des parties il est peu probable, sur la base de facteurs objectifs, que l'une ou l'autre d'entre elles soit en mesure de mener à bien individuellement les activités couvertes par l'accord, on estime qu'elles ne sont pas en concurrence pour les activités en question (24). C'est aux parties qu'il incombe d'apporter les preuves y afférentes.

2)

L'accord restreint-il la concurrence réelle ou potentielle qui aurait existé en l'absence de la ou des restrictions contractuelles? Dans l'affirmative, l'accord peut entrer dans le champ d'application de l'article 53, paragraphe 1. Par exemple, lorsqu'un fournisseur restreint la liberté de ses distributeurs de se faire mutuellement concurrence, la concurrence (potentielle) qui aurait existé entre les distributeurs en l'absence de ces restrictions est restreinte. Les restrictions de ce type comprennent les prix de vente imposés ainsi que les restrictions des ventes entre distributeurs, qu'il s'agisse de restrictions territoriales ou de restrictions de clientèle. Toutefois, certaines restrictions peuvent, dans certains cas, ne pas entrer dans le champ d'application de l'article 53, paragraphe 1, dès lors qu'elles sont objectivement nécessaires à l'existence d'un accord de ce type ou de cette nature (25). La décision d'exclure ces restrictions du champ d'application de l'article 53, paragraphe 1, ne peut être prise que sur la base de facteurs objectifs extérieurs aux parties elles-mêmes, et non sur la base des opinions subjectives et des caractéristiques des parties. La question à trancher n'est pas de savoir si les parties, compte tenu de leur situation spécifique, n'auraient pas accepté de conclure un accord moins restrictif, mais si, compte tenu de la nature de l'accord et des caractéristiques du marché, un accord moins restrictif n'aurait pas été conclu par des entreprises se trouvant dans une situation similaire. Par exemple, les restrictions territoriales figurant dans un accord conclu entre un fournisseur et un distributeur peuvent ne pas relever de l'article 53, paragraphe 1, pendant une certaine période, si elles sont objectivement nécessaires pour que le distributeur puisse pénétrer sur un nouveau marché (26). De même, l'interdiction, imposée à tous les distributeurs, de ne pas vendre à certaines catégories d'utilisateurs finals peut ne pas restreindre la concurrence, si cette restriction est objectivement nécessaire pour des raisons de sécurité ou de santé liées à la nature dangereuse du produit en question. L'affirmation selon laquelle, en l'absence de la restriction, le fournisseur aurait eu recours à une intégration verticale ne suffit pas. La décision d'avoir ou non recours à l'intégration verticale dépend d'un grand nombre de facteurs économiques complexes, dont certains sont internes à l'entreprise concernée.

(19)

Lors de l'application du cadre analytique décrit au point précédent, il convient de tenir compte du fait que l'article 53, paragraphe 1, opère une distinction entre les accords ayant pour objet de restreindre la concurrence et ceux ayant pour effet de restreindre la concurrence. Un accord ou une restriction contractuelle ne sont interdits par l'article 53, paragraphe 1, que s'ils ont pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence intermarques et/ou la concurrence intramarque.

(20)

Cette distinction entre les accords ayant pour objet et ceux ayant pour effet de restreindre la concurrence est importante. Dès lors qu'il a été établi qu'un accord a pour objet de restreindre la concurrence, il n'est pas nécessaire de tenir compte de ses effets concrets (27). En d'autres termes, aux fins de l'application de l'article 53, paragraphe 1, il n'est pas nécessaire de prouver qu'un accord a eu des effets anticoncurrentiels, dès lors qu'il a pour objet de restreindre la concurrence. L'article 53, paragraphe 3, en revanche, n'opère aucune distinction entre les accords ayant pour objet de restreindre la concurrence et les accords ayant pour effet de restreindre la concurrence. L'article 53, paragraphe 3, s'applique à tous les accords remplissant les quatre conditions énoncées à cet article (28).

(21)

Les accords ayant pour objet de restreindre le jeu de la concurrence sont ceux qui, par nature, ont la capacité de le faire. Il s'agit de restrictions qui, au regard des objectifs poursuivis par les règles de concurrence de l'EEE, sont tellement susceptibles d'avoir des effets négatifs sur la concurrence qu'il est inutile, aux fins de l'application de l'article 53, paragraphe 1, de démontrer qu'elles ont des effets concrets sur le marché. Cette présomption repose sur la gravité de la restriction et sur l'expérience qui montre que les restrictions de concurrence par objet sont susceptibles d'avoir des effets négatifs sur le marché et de mettre en péril les objectifs poursuivis par les règles de concurrence de l'EEE. Les restrictions de concurrence par objet, comme la fixation des prix et le partage du marché, entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant ainsi à une mauvaise répartition des ressources parce que les biens et services demandés par les clients ne sont pas produits. Elles provoquent aussi une réduction du bien-être des consommateurs, en raison des prix plus élevés que ceux-ci doivent payer pour se procurer ces biens et services.

(22)

Plusieurs facteurs permettent d'apprécier si un accord a ou non pour objet de restreindre la concurrence. Il s'agit notamment du contenu de l'accord et des buts objectifs qu'il poursuit. Il peut également s'avérer nécessaire d'examiner le contexte dans lequel il est (doit être) appliqué ainsi que la conduite et le comportement effectifs des parties sur le marché (29). En d'autres termes, avant de pouvoir déterminer si une restriction donnée a pour objet de restreindre la concurrence, il peut s'avérer nécessaire d'examiner les faits sur lesquels repose l'accord, de même que les circonstances spécifiques dans lesquelles il fonctionnera. La façon dont un accord est effectivement mis en œuvre peut révéler une restriction par objet même si l'accord formel ne contient aucune disposition expresse à cet effet. La preuve de l'intention subjective des parties de restreindre la concurrence constitue un facteur pertinent, mais non une condition nécessaire.

(23)

Les exemptions par catégorie ainsi que les lignes directrices et communications de l'Autorité de surveillance AELE donnent une idée de ce qui constitue des restrictions par objet. En règle générale, l'Autorité de surveillance AELE considère comme des restrictions par objet celles qui sont interdites dans les exemptions par catégorie ou sont définies comme étant des restrictions caractérisées dans les lignes directrices et communications. Dans le cas des accords horizontaux ayant pour objet de restreindre la concurrence, les restrictions comprennent la fixation des prix, la limitation de la production et le partage des marchés et de la clientèle (30). Dans le cas des accords verticaux, la catégorie des restrictions par objet comprend notamment l'imposition de prix de revente fixes et de prix de revente minimaux et des restrictions assurant une protection territoriale absolue, dont celles qui portent sur les ventes passives (31).

(24)

Si un accord n'a pas pour objet de restreindre le jeu de la concurrence, il convient de voir s'il a des effets restreignant la concurrence, en tenant compte des effets actuels et potentiels (32). En d'autres termes, l'accord doit être susceptible d'avoir des effets anticoncurrentiels. Dans le cas des restrictions par effet, il n'y a pas présomption d'effets anticoncurrentiels. Pour qu'un accord soit restrictif par ses effets, il doit affecter la concurrence réelle ou potentielle à un point tel qu'il soit possible de prévoir avec une assez bonne probabilité qu'il aura sur le marché en cause des effets négatifs sur les prix, la production, l'innovation ou la diversité ou qualité des produits et services (33). Ces effets négatifs doivent être sensibles. La règle d'interdiction de l'article 53, paragraphe 1, ne s'applique pas lorsque les effets anticoncurrentiels sont insignifiants (34). Ce critère reflète l'approche économique appliquée par l'Autorité de surveillance AELE. L'interdiction énoncée à l'article 53, paragraphe 1, ne s'applique que lorsqu'il est possible de conclure, après avoir procédé à une analyse appropriée du marché, que l'accord est susceptible d'avoir des effets anticoncurrentiels sur le marché (35). Le fait que les parts de marché des parties soient supérieures aux seuils définis dans la communication de minimis de l'Autorité de surveillance AELE (36) ne permet pas, à lui seul, de parvenir à une telle conclusion. Les accords qui se situent dans la zone de sécurité d'une exemption par catégorie peuvent entrer dans le champ d'application de l'article 53, paragraphe 1, mais cela n'est pas nécessairement le cas. En outre, le fait que, en raison des parts de marché détenues par les parties, un accord ne se situe pas dans la zone de sécurité d'une exemption par catégorie ne permet pas à lui seul de conclure que l'accord entre dans le champ d'application de l'article 53, paragraphe 1, ou qu'il ne remplit pas les conditions énoncées à l'article 53, paragraphe 3. Il est nécessaire de procéder à une appréciation individuelle des effets que l'accord est susceptible d'avoir.

(25)

Des effets défavorables sur la concurrence sont susceptibles de se produire sur le marché en cause quand les parties, individuellement ou conjointement, possèdent ou obtiennent un certain pouvoir de marché et que l'accord contribue à la création, au maintien ou au renforcement de ce pouvoir ou permet aux parties de l'exploiter. Le pouvoir de marché est la capacité de pratiquer pendant une durée significative des prix supérieurs au niveau qui résulterait du jeu de la concurrence ou de maintenir pendant une durée significative la production en termes de quantité, qualité et diversité des produits ou en termes d'innovation à un niveau inférieur à celui qui résulterait du jeu de la concurrence. Sur les marchés où les coûts fixes sont élevés, les entreprises doivent fixer leurs prix sensiblement au-dessus de leurs coûts de production marginaux, afin d'avoir un bon retour sur investissement. Le fait que des entreprises fixent leurs prix au-dessus de coûts marginaux n'indique donc pas, en soi, que la concurrence ne fonctionne pas bien sur le marché et que les entreprises possèdent une puissance de marché qui leur permet de fixer leurs prix à des niveaux qui ne sont pas concurrentiels. C'est lorsque les pressions concurrentielles ne sont pas suffisantes pour maintenir les prix et la production à des niveaux concurrentiels que des entreprises possèdent une puissance de marché au sens de l'article 53, paragraphe 1.

(26)

La création, le maintien ou le renforcement d'un pouvoir de marché peut provenir d'une restriction de concurrence entre les parties à l'accord, mais aussi entre l'une quelconque des parties et des tiers, par exemple parce que l'accord entraîne l'éviction de concurrents ou augmente les coûts des concurrents, limitant ainsi leur capacité de rivaliser efficacement avec les parties à l'accord. Le pouvoir de marché est une question de degré. Le degré de pouvoir de marché normalement requis pour la constatation d'une infraction au regard de l'article 53, paragraphe 1, dans le cas d'accords ayant pour effet de restreindre le jeu de la concurrence est inférieur à celui qui est requis pour un constat de position dominante en vertu de l'article 54.

(27)

En principe, pour analyser les effets restrictifs d'un accord, il faut définir le marché en cause (37), mais aussi examiner et évaluer, entre autres, la nature des produits, la position de marché des parties, des concurrents et des acheteurs, l'existence de concurrents potentiels et le niveau des barrières à l'entrée. Dans certains cas, toutefois, il est possible de montrer les effets anticoncurrentiels directement en analysant le comportement des parties sur le marché. Ainsi, il est parfois possible de constater qu'un accord a entraîné des hausses de prix. Les lignes directrices sur les accords de coopération horizontale et les lignes directrices sur les restrictions verticales définissent un cadre détaillé permettant d'analyser l'incidence de différents types d'accords horizontaux et verticaux sur la concurrence au regard de l'article 53, paragraphe 1 (38).

2.2.3.   Restrictions accessoires

(28)

Le point 18 ci-dessus définit un cadre d'analyse de l'incidence d'un accord et des restrictions individuelles qu'il contient sur la concurrence intermarques et sur la concurrence intramarque. Si, sur la base de ces principes, on parvient à la conclusion que la principale opération couverte par l'accord ne restreint pas la concurrence, il n'est plus nécessaire d'examiner si les restrictions individuelles contenues dans l'accord sont également compatibles avec l'article 53, paragraphe 1, dans la mesure où elles sont accessoires à l'opération principale, non restrictive.

(29)

Dans le droit de la concurrence de l'EEE, la notion de restriction accessoire couvre toute restriction alléguée de la concurrence qui est directement liée et nécessaire à la réalisation d'une opération principale non restrictive de concurrence et qui lui serait proportionnée (39). Si, dans ses éléments essentiels (accord de distribution ou entreprise commune, par exemple), un accord n'a pas pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence, les restrictions qui sont directement liées et nécessaires à la réalisation de cette opération principale ne relèvent pas non plus de l'article 53, paragraphe 1 (40). C'est ce que l'on appelle les restrictions accessoires. Une restriction est directement liée à l'opération principale si elle est subordonnée à la réalisation de cette opération et est liée à celle-ci de manière indissociable. Le critère de la nécessité implique que la restriction doit être objectivement nécessaire à la réalisation de l'opération principale et être proportionnée par rapport à celle-ci. C'est pourquoi le critère des restrictions accessoires est analogue au critère défini au considérant 18, point 2), ci-dessus. Toutefois, le critère des restrictions accessoires s'applique dans tous les cas où l'opération principale ne restreint pas la concurrence (41). Il n'est pas utilisé uniquement pour déterminer l'incidence de l'accord sur la concurrence intramarque.

(30)

Il convient d'établir une distinction entre l'application de la notion de restriction accessoire et celle de l'exemption prévue à l'article 53, paragraphe 3, qui concerne certains avantages économiques engendrés par des accords restrictifs et que l'on compare aux effets restrictifs des accords. L'application de la notion de restriction accessoire n'implique pas la mise en balance des effets proconcurrentiels et des effets anticoncurrentiels, cette analyse ne pouvant être faite que dans le cadre spécifique de l'article 53, paragraphe 3 (42).

(31)

L'appréciation des restrictions accessoires se borne à déterminer si, dans le cadre spécifique de l'opération ou activité principale non restrictive, une restriction particulière est nécessaire à la réalisation de cette opération ou activité et lui est proportionnée. Si, à partir de facteurs objectifs, on peut conclure qu'en l'absence de la restriction l'opération principale non restrictive serait difficile, voire impossible à réaliser, la restriction pourrait être considérée comme étant objectivement nécessaire à sa réalisation et lui étant proportionnée (43). Par exemple, si l'objet principal d'un accord de franchise ne restreint pas la concurrence, les restrictions qui sont nécessaires au bon fonctionnement de cet accord, comme les obligations visant à protéger l'identité et la réputation de l'enseigne, ne relèvent pas non plus de l'article 53, paragraphe 1 (44). De même, si une entreprise commune ne restreint pas en soi la concurrence, alors les restrictions nécessaires au bon fonctionnement de l'accord sont jugées accessoires à l'opération principale et n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 53, paragraphe 1. C'est ainsi que dans sa décision dans l'affaire TPS (45) la Commission avait estimé que l'obligation imposée aux parties de ne pas détenir de participations dans des sociétés pratiquant la distribution et la commercialisation de programmes de télévision par satellite était accessoire à la création de l'entreprise commune durant une phase initiale, et que la restriction échappait donc à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE pendant une période de trois ans. Dans son appréciation, la Commission avait tenu compte des investissements élevés et des risques commerciaux qu'impliquait l'entrée sur le marché de la télévision à péage.

2.3.   Exemption au titre de l'article 53, paragraphe 3

(32)

L'appréciation d'accords ayant pour objet et pour effet de restreindre la concurrence au regard de l'article 53, paragraphe 1, n'est que l'un des volets de l'analyse. L'autre volet, qui est exprimé dans l'article 53, paragraphe 3, est l'appréciation des effets économiques positifs des accords restrictifs.

(33)

Les règles de concurrence de l'EEE visent à protéger la concurrence sur le marché comme moyen d'accroître le bien-être du consommateur et à assurer une répartition efficace des ressources. Les accords qui restreignent la concurrence peuvent en même temps avoir des effets proconcurrentiels sous forme de gains d'efficacité (46), lesquels peuvent créer un surcroît de valeur en abaissant le coût de fabrication d'une production, en améliorant la qualité du produit ou en permettant la création d'un nouveau produit. Lorsque les effets proconcurrentiels d'un accord l'emportent sur ses effets anticoncurrentiels, l'accord est finalement favorable à la concurrence et compatible avec les objectifs des règles de concurrence de l'EEE. Ces accords ont pour effet net de favoriser l'essence même du jeu de la concurrence qui consiste à gagner des clients en proposant des produits meilleurs ou des prix plus avantageux que ceux de la concurrence. Ce cadre analytique est exprimé dans l'article 53, paragraphe 1, et l'article 53, paragraphe 3. Du reste, cette dernière disposition reconnaît expressément que les accords restrictifs peuvent engendrer des avantages économiques objectifs de nature à compenser les inconvénients de la restriction de concurrence (47).

(34)

L'octroi de l'exemption au titre de l'article 53, paragraphe 3, est subordonné à quatre conditions cumulatives, dont deux sont positives et deux sont négatives:

a)

les accords doivent contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique;

b)

les utilisateurs doivent obtenir une partie équitable du profit qui en résulte;

c)

les restrictions doivent être indispensables pour atteindre ces objectifs;

d)

l'accord ne doit pas donner aux entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

Lorsque ces quatre conditions sont remplies, l'accord renforce la concurrence sur le marché en cause, car il incite les entreprises concernées à proposer aux consommateurs des produits moins chers ou de meilleure qualité, dédommageant ainsi ces derniers des effets défavorables des restrictions du jeu de la concurrence.

(35)

L'article 53, paragraphe 3, peut s'appliquer soit à des accords individuels, soit à des catégories d'accords au moyen d'une exemption par catégorie. Lorsqu'un accord est couvert par une exemption par catégorie, les parties à l'accord restrictif sont dispensées de l'obligation imposée par l'article 2 du chapitre II de prouver que leur accord individuel remplit chacune des conditions de l'article 53, paragraphe 3. Tout ce qu'elles ont à prouver c'est que l'accord restrictif bénéficie d'une exemption par catégorie. L'application de l'article 53, paragraphe 3, à des catégories d'accords au moyen d'exemptions par catégorie repose sur la présomption que les accords restrictifs entrant dans son champ d'application (48) remplissent chacune des quatre conditions énoncées à l'article 53, paragraphe 3.

(36)

Si un accord donné entre dans le champ d'application de l'article 53, paragraphe 1, et que les conditions de l'article 53, paragraphe 3, ne sont pas remplies, le bénéfice de l'exemption par catégorie peut être retiré. En vertu de l'article 29, paragraphe 1, du chapitre II, si l'Autorité de surveillance AELE constate que, dans un cas particulier, un accord couvert par une exemption par catégorie a certains effets qui sont incompatibles avec l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE, elle est habilitée à retirer le bénéfice de ladite exemption. En vertu de l'article 29, paragraphe 2, du chapitre II, l'autorité de concurrence d'un pays de l'AELE peut également retirer le bénéfice d'une exemption par catégorie pour son territoire (ou une partie de son territoire) si celui-ci présente toutes les caractéristiques d'un marché géographique distinct. Dans ce cas, il incombe à l'autorité de concurrence concernée de démontrer que l'accord viole les dispositions de l'article 53, paragraphe 1, et qu'il ne remplit pas les conditions de l'article 53, paragraphe 3.

(37)

Les juridictions des pays de l'AELE ne sont pas habilitées à retirer le bénéfice des exemptions par catégorie, pas plus qu'elles ne peuvent, dans leur application desdites exemptions, en modifier la portée en étendant leur champ d'application à des accords qui n'en relèvent pas (49). En dehors du champ d'application des exemptions par catégorie, les juridictions des pays de l'AELE ont le pouvoir d'appliquer l'article 53 de manière pleine et entière (voir l'article 6 du chapitre II).

3.   APPLICATION DES QUATRE CONDITIONS DE L'ARTICLE 53, PARAGRAPHE 3

(38)

Le reste de ces lignes directrices examine chacune des quatre conditions énoncées à l'article 53, paragraphe 3 (50). Étant donné que ces quatre conditions sont cumulatives (51), dès lors qu'il est constaté que l'une d'elles n'est pas remplie, il est inutile d'examiner les trois autres. Il n'est donc pas exclu que, dans certains cas, il soit indiqué d'examiner ces quatre conditions dans un ordre différent.

(39)

Aux fins des présentes lignes directrices, il convient d'intervertir la deuxième et la troisième condition et, par conséquent, d'aborder la question du caractère indispensable avant celle de la répercussion sur les consommateurs. L'analyse de cette dernière impose de mettre en balance les effets positifs et négatifs d'un accord sur les consommateurs. Elle ne doit pas porter sur les effets de restrictions qui n'ont pas satisfait au critère de la nature indispensable et qui, pour cette raison, sont interdites par l'article 53.

3.1.   Principes généraux

(40)

L'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE n'entre en ligne de compte que si un accord entre entreprises restreint le jeu de la concurrence au sens de l'article 53, paragraphe 1. En cas d'accords non restrictifs, il est inutile d'examiner le profit résultant éventuellement de l'accord.

(41)

S'il a été prouvé qu'un accord restreint la concurrence au sens de l'article 53, paragraphe 1, il est possible d'invoquer l'exemption énoncée à l'article 53, paragraphe 3. En vertu de l'article 2 du chapitre II, il incombe à l'entreprise ou à l'association d'entreprises qui invoque le bénéfice des dispositions de l'article 53, paragraphe 3, d'apporter la preuve que les conditions de ce paragraphe sont remplies. Lorsque les conditions énoncées à l'article 53, paragraphe 3, ne sont pas remplies, l'accord est nul de plein droit (voir l'article 53, paragraphe 2). Toutefois, cette nullité de plein droit s'applique aux seuls éléments de l'accord qui sont incompatibles avec l'article 53, sous réserve que ces éléments soient séparables de l'accord dans son ensemble (52). Si certains éléments seulement de l'accord sont nuls, c'est sur la base du droit national applicable qu'il convient d'en déterminer les conséquences sur le reste de l'accord (53).

(42)

Les quatre conditions énoncées à l'article 53, paragraphe 3, sont cumulatives (54), c'est-à-dire qu'elles doivent toutes être remplies pour que l'exemption soit applicable, faute de quoi l'application de la dérogation doit être refusée (55). Les quatre conditions de l'article 53, paragraphe 3, sont également exhaustives. Lorsqu'elles sont remplies, la dérogation est applicable et ne peut pas être subordonnée à une autre condition. Les objectifs poursuivis par d'autres dispositions de l'accord EEE peuvent être pris en compte dans la mesure où ils peuvent être intégrés dans les quatre conditions de l'article 53, paragraphe 3 (56).

(43)

En principe, l'appréciation au regard de l'article 53, paragraphe 3, du profit résultant des accords restrictifs ne déborde pas le cadre de chacun des marchés en cause concernés par l'accord. Les règles de concurrence de l'EEE ont pour objectif la protection de la concurrence sur le marché et ne sauraient être détachées de cet objectif. Par ailleurs, la condition selon laquelle les consommateurs (57) doivent recevoir une partie équitable du profit implique en général que les gains d'efficacité engendrés par l'accord restrictif sur un marché en cause doivent être suffisants pour compenser les effets anticoncurrentiels produits par l'accord sur ce même marché en cause (58). En principe, les effets négatifs sur les consommateurs d'un marché géographique ou d'un marché de produits donné ne peuvent être comparés aux effets positifs pour les consommateurs d'un marché géographique ou d'un marché de produits distinct, ni compensés par ces effets positifs. Toutefois, lorsque deux marchés sont liés entre eux, les gains d'efficacité obtenus sur des marchés séparés peuvent être pris en compte, sous réserve que la catégorie de consommateurs touchée par la restriction et celle qui bénéficie des gains d'efficacité soient substantiellement les mêmes (59). De fait, dans certains cas, seuls les consommateurs d'un marché en aval sont affectés par l'accord, auquel cas l'incidence de l'accord sur ces consommateurs doit être appréciée. Tel est le cas par exemple des accords d'achat (60).

(44)

Les accords restrictifs sont évalués au regard de l'article 53, paragraphe 3, dans le cadre réel où ils se produisent (61) et sur la base des faits existant à un moment donné. L'appréciation tient compte des modifications importantes des faits. La règle d'exemption de l'article 53, paragraphe 3, s'applique tant que les quatre conditions sont remplies, mais cesse de s'appliquer dès que ce n'est plus le cas (62). Lorsque l'on applique l'article 53, paragraphe 3, conformément à ces principes, il est nécessaire de tenir compte des investissements initiaux à fonds perdus faits par l'une ou l'autre des parties ainsi que des délais ou des contraintes nécessaires à l'engagement et à la rentabilisation d'un investissement destiné à accroître l'efficience d'une entreprise. Il n'est pas possible d'appliquer l'article 53 en faisant abstraction de ces investissements ex ante. Les risques auxquels les parties sont confrontées et les investissements à fonds perdus qui doivent être consentis pour mettre l'accord en œuvre peuvent donc avoir pour conséquence que celui-ci n'entre pas dans le champ d'application de l'article 53, paragraphe 1, ou remplisse les conditions énoncées à l'article 53, paragraphe 3, selon le cas, pendant la période nécessaire à la rentabilisation de l'investissement.

(45)

Il arrive que l'accord restrictif soit un événement irréversible: une fois mis en œuvre, il n'est plus possible de rétablir la situation antérieure. Dans ces cas-là, l'appréciation doit être faite exclusivement sur la base des faits de l'époque de la mise en œuvre. Par exemple, dans le cas d'un accord de recherche et de développement par lequel chacune des parties convient d'abandonner son projet de recherche personnel et de mettre ses possibilités en commun avec celles d'une autre partie, il peut se révéler techniquement et économiquement impossible, d'un point de vue objectif, de remettre en route un projet qui a été abandonné. Dès lors, l'appréciation des effets anticoncurrentiels et proconcurrentiels de l'accord relatif à l'abandon des projets de recherche individuels doit se faire à la date d'achèvement de sa mise en œuvre. Si, à ce moment-là, l'accord est compatible avec l'article 53, par exemple parce qu'un nombre suffisant de tiers ont des projets de recherche et de développement concurrents, l'accord des parties consistant à abandonner leurs projets personnels reste compatible avec l'article 53, même si les projets des tiers échouent à une date ultérieure. L'interdiction énoncée à l'article 53 peut toutefois s'appliquer à d'autres parties de l'accord pour lesquelles la question de l'irréversibilité ne se pose pas. Si l'accord prévoit, par exemple, une exploitation conjointe en plus d'une activité de recherche et de développement conjointe, l'article 53 peut s'appliquer à cette partie de l'accord si, à la suite de l'évolution du marché, l'accord exerce des effets restrictifs sur la concurrence et ne remplit (plus) les conditions énoncées à l'article 53, paragraphe 3, les investissements à fonds perdus ex ante ayant été dûment pris en considération (voir le point précédent).

(46)

L'article 53, paragraphe 3, n'exclut pas a priori certains types d'accords de son champ d'application. Par principe, tous les accords restrictifs qui remplissent cumulativement les quatre conditions de l'article 53, paragraphe 3, bénéficient de l'exemption (63). Toutefois, il est fort peu probable que de graves restrictions de la concurrence puissent remplir les conditions de l'article 53, paragraphe 3. De telles restrictions sont généralement interdites dans les exemptions par catégorie ou qualifiées de restrictions caractérisées dans les lignes directrices et communications de l'Autorité de surveillance AELE. D'ordinaire, les accords de cette nature ne remplissent pas les deux premières conditions (au moins) de l'article 53, paragraphe 3. Ils ne créent pas d'avantages économiques objectifs (64) et ne bénéficient pas aux consommateurs (65). À titre d'exemple, un accord horizontal de fixation des prix limite la production, entraînant ainsi une mauvaise répartition des ressources, outre qu'il opère un transfert de valeur du consommateur au producteur, puisqu'il se traduit par des prix plus élevés sans générer la moindre contrepartie pour les consommateurs du marché en cause. Du reste, ce type d'accords ne remplit généralement pas non plus le critère du caractère indispensable, c'est-à-dire la troisième condition (66).

(47)

L'argument affirmant que des accords restrictifs sont justifiés parce qu'ils visent à assurer des conditions de concurrence équitables sur le marché est, par nature, dénué de fondement et doit être rejeté (67). L'article 53 a pour objet la protection efficace de la concurrence en assurant que les marchés restent ouverts et concurrentiels. Il incombe au législateur de défendre des conditions de concurrence équitables conformément aux obligations découlant du droit de l'EEE (68) et non aux entreprises de pratiquer l'autoréglementation.

3.2.   Première condition de l'article 53, paragraphe 3: gains d'efficacité

3.2.1.   Remarques générales

(48)

D'après la première condition de l'article 53, paragraphe 3, l'accord restrictif doit contribuer à améliorer la production ou distribution de produits ou promouvoir le progrès technique ou économique. Cette disposition se réfère expressément aux seuls produits, mais elle s'applique par analogie aux services.

(49)

Selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, seuls les avantages objectifs peuvent être pris en compte (69), ce qui signifie que les gains d'efficacité ne sont pas appréciés du point de vue subjectif des parties (70). Les réductions de coûts permises par le simple exercice du pouvoir de marché par les parties ne peuvent être prises en compte. Ainsi, lorsque des entreprises s'entendent pour fixer des prix ou se partager des marchés, elles réduisent leur production et, par voie de conséquence, leurs coûts de production. Une diminution de la concurrence peut aussi se traduire par une baisse des ventes et des frais de commercialisation. Ces réductions de coûts sont la conséquence directe d'une réduction de la production et de la valeur, et ne génèrent pas d'effets proconcurrentiels sur le marché. Ainsi, elles ne débouchent pas sur la création de valeur par une intégration d'actifs et d'activités, mais permettent simplement aux entreprises concernées d'accroître leurs bénéfices. Elles sont donc sans objet du point de vue de l'article 53, paragraphe 3.

(50)

L'objectif de la première condition de l'article 53, paragraphe 3, est de définir les types de gains d'efficacité qui peuvent être pris en considération et être évalués ensuite à la lumière de la deuxième et de la troisième condition de cette disposition. Il convient de déterminer quels sont les avantages objectifs apportés par l'accord et quelle est l'importance économique de ces gains d'efficacité. Compte tenu du fait que, pour que l'article 53, paragraphe 3, soit applicable, il faut que les effets proconcurrentiels de l'accord compensent ses effets anticoncurrentiels, il est nécessaire de vérifier quelle est la nature du lien entre l'accord et les gains d'efficacité allégués et quelle est la valeur de ces gains.

(51)

Tous les gains d'efficacité allégués doivent donc être justifiés, afin que les points suivants puissent être vérifiés:

a)

nature des gains d'efficacité allégués;

b)

lien entre l'accord et les gains d'efficacité;

c)

probabilité et importance de chaque gain d'efficacité allégué, et

d)

modalités et date de réalisation de chaque gain d'efficacité allégué.

(52)

Le point a) permet à l'autorité saisie de l'affaire de vérifier si les gains d'efficacité allégués sont de nature objective (voir le considérant 49 ci-dessus).

(53)

Le point b) permet à l'autorité saisie de vérifier s'il existe un lien de causalité suffisant entre l'accord restrictif et les gains d'efficacité allégués. Cette condition requiert normalement que les gains d'efficacité résultent de l'activité économique qui constitue l'objet de l'accord. Il peut s'agir, par exemple, d'une activité de distribution, de cession de licences de technologie, de production en commun ou de recherche et de développement en commun. Toutefois, si un accord se traduit par des gains d'efficacité plus importants sur le marché en cause, par exemple en permettant une réduction des coûts à l'échelle de l'ensemble du secteur en cause, ces avantages supplémentaires sont également pris en compte.

(54)

En principe, le lien de causalité doit aussi être direct (71), car les allégations de gain d'efficacité fondées sur des effets indirects sont généralement trop incertaines et trop difficiles à vérifier pour être prises en considération. Il existe par exemple un lien de causalité direct lorsqu'un accord de transfert de technologie permet aux preneurs de licence de produire des produits nouveaux ou meilleurs, ou lorsqu'un accord de distribution permet la distribution de produits à un coût plus bas ou la production de services de valeur. Il y aurait effet indirect lorsque, par exemple, il est allégué qu'un accord restrictif permet aux entreprises concernées d'accroître leurs bénéfices, ce qui leur permettra d'investir plus dans la recherche et le développement, ce qui profitera en fin de compte aux consommateurs. S'il peut y avoir un lien entre la rentabilité et la recherche et le développement, ce lien n'est généralement pas suffisamment direct pour être pris en considération dans le contexte de l'article 53, paragraphe 3.

(55)

Les points c) et d) permettent à l'autorité saisie de vérifier la valeur des gains d'efficacité allégués qui, dans le contexte de la troisième condition de l'article 53, paragraphe 3, doivent être mis en balance avec les effets anticoncurrentiels compétitifs de l'accord (voir le considérant 101 ci-après). Étant donné que l'article 53, paragraphe 1, ne s'applique que lorsque l'accord est susceptible d'avoir une incidence négative sur la concurrence et les consommateurs (en cas de restrictions caractérisées, il y a présomption d'une telle incidence), les gains d'efficacité allégués doivent être corroborés par des preuves, de façon à pouvoir être vérifiés. Les allégations non étayées seront rejetées.

(56)

Lorsqu'elles invoquent des gains réalisés sur les coûts, les entreprises sollicitant le bénéfice de l'article 53, paragraphe 3, doivent calculer ou estimer, avec la plus grande précision possible, la valeur des gains d'efficacité et fournir une description détaillée du mode de calcul. Elles doivent en outre décrire la ou les méthodes par lesquelles les gains d'efficacité ont été ou seront réalisés. Les éléments fournis doivent être vérifiables afin de pouvoir établir avec une certitude suffisante que des gains d'efficacité ont été réalisés ou le seront.

(57)

Si les gains d'efficacité allégués prennent la forme de nouveaux ou de meilleurs produits ou d'autres types de gains non liés aux coûts, les entreprises invoquant le bénéfice de l'article 53, paragraphe 3, sont tenues de décrire et d'expliquer en détail la nature des gains d'efficacité et en quoi ils constituent un avantage économique objectif.

(58)

Lorsqu'un accord n'est pas encore pleinement applicable, les parties doivent justifier leurs projections quant à la date à partir de laquelle les gains d'efficacité vont devenir opérationnels et donc avoir une incidence positive importante sur le marché.

3.2.2.   Les différentes catégories de gains d'efficacité

(59)

Les catégories de gains d'efficacité énoncées à l'article 53, paragraphe 3, sont assez larges pour couvrir tous les gains d'efficacité économiques objectifs. Étant donné qu'il existe un chevauchement considérable entre les différentes catégories mentionnées à l'article 53, paragraphe 3, et qu'un même accord peut générer plusieurs types de gains d'efficacité, il n'est pas indiqué d'établir des distinctions claires et nettes entre ces catégories. Aux fins des présentes lignes directrices, une distinction est établie entre les gains d'efficacité réalisés sur les coûts et les gains d'efficacité de nature qualitative, qui créent de la valeur sous forme de produits nouveaux ou meilleurs, d'une plus grande variété de produits, etc.

(60)

En général, les gains d'efficacité sont le fruit d'une intégration d'activités économiques par laquelle des entreprises conjuguent leurs actifs afin de réaliser ce qu'elles ne pourraient réaliser aussi efficacement chacune de son côté ou par laquelle elles confient à une autre entreprise des tâches pour lesquelles celle-ci est plus performante.

(61)

Le processus qui va de la recherche et du développement à la distribution en passant par la production peut être assimilé à une chaîne de valeur pouvant être divisée en plusieurs étapes: à chaque étape de cette chaîne, l'entreprise doit choisir entre exécuter l'activité elle-même, l'exécuter conjointement avec une ou plusieurs autres entreprises ou la confier intégralement à une ou plusieurs autres entreprises.

(62)

Normalement, chaque fois que le choix opéré implique une coopération sur le marché avec une autre entreprise, un accord au sens de l'article 53, paragraphe 1, doit être conclu. Il peut s'agir d'un accord vertical, comme c'est le cas lorsque les parties opèrent à des niveaux différents de la chaîne de valeur, ou horizontal, lorsque les parties opèrent au même niveau de la chaîne. Ces deux catégories d'accords peuvent générer des gains d'efficacité en permettant aux entreprises en cause d'exécuter une tâche donnée à moindre coût ou avec plus de valeur ajoutée pour le consommateur. Ces accords peuvent aussi contenir ou induire des restrictions de concurrence, auquel cas la règle d'interdiction de l'article 53, paragraphe 1, et la règle d'exemption prévue à l'article 53, paragraphe 3, peuvent jouer.

(63)

Les types de gains d'efficacité mentionnés ci-après ne sont que des exemples et leur liste n'est nullement exhaustive.

3.2.2.1.   Gains d'efficacité réalisés sur les coûts

(64)

Les gains sur coûts résultant d'accords entre entreprises peuvent avoir des origines diverses. Une source très importante de réductions de coûts est la mise au point de nouvelles techniques et méthodes de fabrication. En général, le plus fort potentiel de réductions de coûts est atteint lorsque des bonds technologiques se produisent. Ainsi, l'introduction de la chaîne de montage a permis une réduction substantielle du coût de fabrication des automobiles.

(65)

Une autre source très importante de réduction des coûts réside dans les synergies résultant de l'intégration d'actifs existants. En effet, lorsque les parties à un accord conjuguent leurs actifs respectifs, elles peuvent être en mesure d'obtenir une configuration coûts/production qui, sinon, serait impossible. La conjonction de deux technologies possédant des atouts complémentaires peut réduire les coûts de production ou permettre la fabrication d'un produit de meilleure qualité. Il se peut, par exemple, que les actifs de production de la société A permettent une production horaire élevée, mais nécessitent une consommation relativement importante de matières premières par unité produite, alors que les actifs de production de la société B ne permettent qu'une production horaire plus faible, mais nécessitent une consommation moindre de matières premières par unité produite. Il est alors possible de réaliser des synergies si, en créant une entreprise commune de production réunissant les actifs de production de A et de B, les parties peuvent atteindre un niveau de production horaire plus élevé avec une consommation moindre de matières premières par unité produite. De même, si une entreprise a optimisé une partie de la chaîne de valeur et une autre entreprise a optimisé une autre partie de cette chaîne, la conjonction de leurs activités peut entraîner un abaissement des coûts. La société A peut, par exemple, disposer d'installations de production hautement automatisées, qui entraînent des coûts de production faibles par unité produite, alors que B a mis au point un système efficace de traitement des commandes. Le système permet d'adapter la production à la demande des clients, en assurant une livraison dans les délais requis et en réduisant les coûts de stockage et d'obsolescence. En réunissant leurs actifs, A et B pourraient parvenir à un abaissement des coûts.

(66)

Les gains d'efficacité réalisés sur les coûts peuvent aussi résulter d'économies d'échelle, c'est-à-dire un coût par unité de production qui baisse à mesure que la production augmente. Ainsi, il arrive souvent que l'investissement dans des équipements et autres actifs doive être effectué dans un bloc indivisible. Si une entreprise ne peut pas exploiter le bloc dans son intégralité, ses coûts moyens seront plus élevés que si elle pouvait le faire. Par exemple, le coût d'exploitation d'un camion est pratiquement le même, que le camion soit presque vide, à moitié plein ou plein. Les accords par lesquels des entreprises regroupent leur logistique peuvent leur permettre d'augmenter les facteurs de charge et de réduire le nombre des véhicules utilisés. Une échelle plus grande peut aussi permettre une meilleure division du travail qui débouchera sur une baisse des coûts unitaires. Les entreprises peuvent réaliser des économies d'échelle en tous points de la chaîne de valeur, et notamment dans la recherche et le développement, la production, la distribution et la commercialisation. Les économies d'apprentissage constituent un type connexe d'efficacité: à mesure que l'on acquiert de l'expérience dans l'utilisation d'un procédé de fabrication donné ou l'exécution d'une tâche donnée, la productivité a des chances d'augmenter parce que le procédé sera appliqué plus efficacement ou la tâche exécutée plus rapidement.

(67)

Les économies de gamme, qui se produisent lorsque des entreprises réduisent leurs coûts en produisant des biens différents avec les mêmes facteurs de production, représentent une autre source de réduction des coûts. Ces gains d'efficacité résultent du fait qu'il est possible d'utiliser les mêmes composants, les mêmes installations et le même personnel pour fabriquer une diversité de produits. De même, des économies de gamme peuvent être réalisées au niveau de la distribution lorsque plusieurs types de produits sont distribués par les mêmes véhicules. Ainsi, un producteur de pizzas surgelées et un producteur de légumes surgelés ont la possibilité de réaliser des économies de gamme en distribuant leurs produits conjointement, car ces deux types de produits doivent être distribués dans des camions frigorifiques et il y a probablement d'importants chevauchements de clientèle. En conjuguant leurs activités, ces deux producteurs peuvent afficher des coûts de distribution moins élevés par unité distribuée.

(68)

De même, les accords qui permettent une meilleure planification de la production, qui réduisent le besoin d'avoir un stock coûteux et qui permettent une meilleure utilisation de la capacité de production sont des sources de gains d'efficacité par réduction des coûts. À titre d'exemple, citons le recours aux achats en flux tendus, c'est-à-dire l'obligation pour un fournisseur de pièces d'approvisionner l'acheteur en continu en fonction des besoins de celui-ci, ce qui évite à l'acheteur de tenir un stock de pièces important qui risque de devenir obsolète. Enfin, les accords qui permettent aux parties de rationaliser leur production en tous points de leurs installations donnent souvent lieu à des réductions de coûts.

3.2.2.2.   Gains d'efficacité qualitatifs

(69)

Des accords entre entreprises peuvent générer différents gains d'efficacité de nature qualitative, qui sont pertinents pour une application de l'article 53, paragraphe 3. Dans biens des cas, les principaux gains d'efficacité qu'un accord est susceptible d'apporter ne sont pas des réductions de coût, mais des améliorations qualitatives ou d'autres gains d'efficacité de nature qualitative. Selon le cas en cause, de tels gains d'efficacité peuvent donc être identiques aux gains d'efficacité liés aux coûts, voire plus importants qu'eux.

(70)

Le progrès technique et technologique constitue un élément essentiel et dynamique de l'économie, en apportant des avantages importants sous la forme de produits et services nouveaux ou meilleurs. En coopérant, des entreprises peuvent être en mesure de susciter des gains d'efficacité qui n'auraient pas été possibles en l'absence de l'accord restrictif ou n'auraient été possibles qu'avec un délai substantiel ou à un coût plus élevé. Ces gains d'efficacité constituent une importante source d'avantages économiques visés par la première condition de l'article 53, paragraphe 3. Les accords susceptibles de produire des gains d'efficacité de cette nature sont, notamment, les accords de recherche et de développement. Par exemple, A et B pourraient créer une entreprise commune pour le développement et, en cas de réussite, la production conjointe d'un pneu à cellules. La crevaison de l'une des cellules n'affecte pas les autres, ce qui signifie qu'en cas de crevaison le pneu ne risque pas de se dégonfler. Ces pneus sont donc plus sûrs que les pneus traditionnels. De même, il n'est pas nécessaire de changer immédiatement le pneu et, par conséquent, d'avoir un pneu de rechange dans son véhicule. Ces deux types de gains d'efficacité constituent des avantages objectifs au sens de la première condition de l'article 53, paragraphe 3.

(71)

Tout comme la réunion d'actifs complémentaires peut entraîner une réduction des coûts, la mise en commun d'actifs peut également créer des synergies qui entraîneront des gains d'efficacité de nature qualitative. C'est ainsi que la réunion d'actifs de production peut entraîner la production de produits de meilleure qualité ou de produits ayant des caractéristiques nouvelles. De tels gains d'efficacité peuvent par exemple être produits par des accords de licence et par des accords prévoyant une production en commun de produits et services nouveaux ou améliorés. Les accords de licence peuvent notamment assurer la diffusion plus rapide d'une nouvelle technologie dans l'EEE et permettre aux licenciés de mettre de nouveaux produits sur le marché ou d'utiliser de nouvelles techniques de production entraînant des améliorations qualitatives. Les accords de production en commun peuvent notamment permettre une mise sur le marché plus rapide, ou à un coût moindre, de nouveaux produits et services ou de produits et services améliorés (72). Ainsi, dans le secteur des télécommunications, il a été considéré qu'un accord de coopération générait des gains d'efficacité parce qu'il permettait la commercialisation plus rapide de nouveaux services planétaires (73). Dans le secteur bancaire, les accords de coopération qui ont contribué à l'amélioration des facilités de paiement transfrontalier à l'intérieur de l'Union européenne ont également été considérés comme créant des gains d'efficacité au sens de la première condition de l'article 53, paragraphe 3 (74).

(72)

Les accords de distribution peuvent également entraîner des gains d'efficacité qualitatifs. Par exemple, les distributeurs spécialisés peuvent être en mesure de fournir des services mieux adaptés aux besoins des clients, d'assurer une livraison plus rapide ou d'avoir une meilleure assurance qualité tout au long de la chaîne de distribution (75).

3.3.   Troisième condition de l'article 53, paragraphe 3: caractère indispensable des restrictions

(73)

En vertu de la troisième condition de l'article 53, paragraphe 3, l'accord restrictif doit s'abstenir d'imposer des restrictions qui ne sont pas indispensables à la réalisation des gains d'efficacité créés par l'accord en cause. Cette condition implique un double critère: d'une part, l'accord restrictif proprement dit doit être raisonnablement nécessaire pour réaliser les gains d'efficacité; d'autre part, chacune des restrictions de concurrence qui découlent de l'accord doit être raisonnablement nécessaire à la réalisation des gains d'efficacité.

(74)

Dans le contexte de la troisième condition de l'article 53, paragraphe 3, le facteur décisif est de savoir si l'accord restrictif et les restrictions individuelles permettent ou non de réaliser l'activité en cause plus efficacement que ce n'aurait vraisemblablement été le cas en leur absence. Il ne s'agit pas de savoir si, en l'absence de la restriction, l'accord n'aurait pas été conclu, mais si davantage de gains d'efficacité sont générés avec l'accord ou avec la restriction qu'en son absence (76).

(75)

Le premier critère contenu dans la troisième condition de l'article 53, paragraphe 3, exige que les gains d'efficacité soient propres à l'accord en cause, autrement dit qu'il n'existe pas d'autre moyen économiquement réalisable et moins restrictif permettant de les réaliser. En procédant à cette dernière appréciation, il convient de prendre en considération les conditions du marché ainsi que les réalités commerciales auxquelles les parties à l'accord font face. Les entreprises qui invoquent le bénéfice de l'article 53, paragraphe 3, ne sont pas tenues d'envisager des solutions alternatives hypothétiques ou théoriques. L'Autorité de surveillance AELE ne préjugera pas l'appréciation commerciale portée par les parties. Elle interviendra seulement lorsqu'il est raisonnablement clair qu'il existe des alternatives réalistes et accessibles. Les parties doivent seulement expliquer et démontrer pourquoi de telles solutions apparemment réalistes et sensiblement moins restrictives seraient nettement moins efficaces que l'accord.

(76)

Il est particulièrement pertinent d'examiner si, à la lumière des circonstances propres de l'affaire, les parties auraient pu réaliser les gains d'efficacité au moyen d'un autre type d'accord moins restrictif et, dans l'affirmative, à quel moment elles auraient probablement été en mesure d'obtenir les gains d'efficacité. Il peut aussi être nécessaire d'examiner si les parties auraient pu réaliser les gains d'efficacité de manière indépendante. Par exemple, lorsque les gains d'efficacité allégués revêtent la forme de réductions de coûts résultant d'économies d'échelle ou de gamme, les entreprises en cause sont tenues d'expliquer et de prouver pourquoi les mêmes gains d'efficacité n'étaient pas susceptibles d'être obtenus par croissance interne et par la concurrence sur les prix. En procédant à cette appréciation, il convient de déterminer notamment l'échelle efficace minimale sur le marché en cause, c'est-à-dire le niveau de production requis pour réduire le plus possible le coût moyen et épuiser les économies d'échelle (77). Plus l'échelle efficace minimale est grande par rapport à la taille de l'une ou l'autre des parties à l'accord, plus il est probable que les gains d'efficacité seront considérés comme étant propres à l'accord. Lorsque des accords engendrent des synergies substantielles par la conjonction d'actifs et de possibilités complémentaires, la nature même des gains d'efficacité laisse présumer que l'accord est nécessaire à leur réalisation.

(77)

Ces principes peuvent être illustrés par les exemples suivants, qui sont de simples hypothèses:

A et B réunissent, au sein d'une entreprise commune, leurs techniques de production respectives, afin d'augmenter leur production et de diminuer leur consommation de matières premières. L'entreprise commune se voit octroyer une licence exclusive sur leurs techniques de production respectives. Les parties transfèrent leurs installations de production à l'entreprise commune. Elles transfèrent également certains effectifs clés, afin de s'assurer que les économies d'apprentissage existantes peuvent être exploitées et développées. On estime que ces économies réduiront les coûts de production d'encore 5 %. La production de l'entreprise commune est vendue de façon indépendante par A et par B. Dans ce cas, pour déterminer si l'accord est indispensable, il convient d'évaluer s'il serait ou non possible d'obtenir une partie substantielle des avantages acquis au moyen d'un accord de licence, qui constituerait probablement une solution moins restrictive, dans la mesure où A et B continueraient à produire de façon indépendante. Dans le cas qui vient d'être décrit, cela ne serait probablement pas le cas, car, dans le cadre d'un accord de licence, les parties n'auraient pas la possibilité de bénéficier, d'une façon aussi souple et permanente, de leurs expériences respectives en matière d'application des deux technologies, qui entraîne des économies d'apprentissage importantes.

(78)

Une fois qu'il est constaté que l'accord en cause est nécessaire pour générer les gains d'efficacité, il convient d'apprécier la nature indispensable de chaque restriction de concurrence résultant de l'accord. Dans ce contexte, il y a lieu d'apprécier si les restrictions individuelles sont raisonnablement nécessaires pour générer les gains d'efficacité. Les parties sont tenues de justifier leur thèse, tant en ce qui concerne la nature de la restriction que son intensité.

(79)

Une restriction est indispensable si son absence supprimait ou réduisait substantiellement les gains d'efficacité résultant de l'accord ou rendait leur réalisation beaucoup plus improbable. L'appréciation d'autres solutions doit tenir compte de l'amélioration réelle et potentielle apportée à la concurrence par la suppression d'une restriction donnée ou l'application d'une solution moins restrictive. Plus la solution est restrictive, plus le critère de la troisième condition est rigoureux (78). Il est fort peu probable que les restrictions interdites dans les exemptions par catégorie ou qualifiées de restrictions caractérisées dans les lignes directrices et communications de l'Autorité de surveillance AELE soient jugées indispensables.

(80)

L'appréciation de la nature indispensable se fait dans le cadre réel dans lequel l'accord fonctionne et elle doit notamment tenir compte de la structure du marché, des risques économiques liés à l'accord et des incitations qu'ont les parties. Plus le succès du produit concerné par l'accord est incertain, plus une restriction peut s'avérer nécessaire pour assurer la concrétisation des gains d'efficacité. De même, les restrictions peuvent se révéler indispensables pour faire converger les incitations des parties et assurer que celles-ci vont axer leurs efforts sur la mise en œuvre de l'accord. À titre d'exemple, une restriction peut s'avérer nécessaire pour éviter des problèmes de blocage une fois que l'une des parties aura effectué un investissement substantiel non récupérable. À partir du moment où un fournisseur a effectué un important investissement visant spécifiquement à satisfaire la demande d'un client, il est captif par rapport à ce dernier. Afin d'éviter que le client n'exploite ex post cette dépendance pour obtenir des conditions plus favorables, il peut être nécessaire d'imposer l'obligation de ne pas acheter le composant en question auprès de tiers ou d'en acheter une quantité minimale au fournisseur (79).

(81)

Il peut arriver qu'une restriction ne soit indispensable que pendant un certain laps de temps, auquel cas l'exemption prévue à l'article 53, paragraphe 3, ne s'appliquera que pendant ce laps de temps. En procédant à l'appréciation, il convient de tenir compte du délai nécessaire aux parties pour réaliser les gains d'efficacité justifiant l'octroi de l'exemption (80). Lorsque les avantages ne peuvent être obtenus sans un investissement considérable, il faut tenir compte notamment de la période nécessaire pour rentabiliser cet investissement de manière suffisante (voir également le considérant 44 ci-dessus).

(82)

Ces principes peuvent être illustrés par les exemples suivants, qui sont de simples hypothèses:

P produit et distribue des pizzas surgelées; elle détient 15 % de ce marché dans l'État X de l'EEE. Les produits sont livrés directement aux détaillants. Comme la plupart des détaillants ont des capacités de stockage limitées, des livraisons relativement fréquentes sont nécessaires, ce qui entraîne un faible taux d'utilisation des capacités et le recours à des véhicules relativement petits. T est un grossiste en pizzas surgelées et autres produits surgelés, qui livre pour l'essentiel aux mêmes clients que P. Les pizzas distribuées par T détiennent 30 % du marché. T possède une flotte de véhicules plus grands et ses capacités sont excédentaires. P conclut un accord de distribution exclusive avec T pour l'État X de l'EEE et s'engage à ce que les distributeurs des autres États de l'EEE ne vendent pas sur le territoire de T, que ce soit de façon active ou passive. T s'engage à faire de la publicité pour les produits, à enquêter sur les goûts des consommateurs et sur leur taux de satisfaction et à garantir la livraison de tous les produits aux détaillants dans les 24 heures. L'accord entraîne un abaissement des coûts totaux de distribution de 30 %, dans la mesure où les capacités sont mieux utilisées et qu'il n'y a plus de double emploi en matière d'itinéraires. Il permet également la fourniture de services supplémentaires aux consommateurs. Conformément au règlement d'exemption par catégorie relatif aux restrictions verticales (81), la restriction des ventes passives constitue une restriction caractérisée qui ne peut être considérée comme indispensable que dans des circonstances exceptionnelles. La position bien établie de T sur le marché et la nature des obligations qui lui sont imposées indiquent qu'il ne s'agit pas d'un cas exceptionnel. Toutefois, l'interdiction des ventes actives peut être indispensable. T pourrait se trouver moins incitée à vendre et à promouvoir la marque P si des distributeurs d'autres États de l'EEE pouvaient vendre activement dans l'État X de l'EEE et profiter ainsi des efforts de T. Cela est d'autant plus vrai que T distribue également des marques concurrentes et qu'elle a donc la possibilité de favoriser un plus grand nombre des marques les moins exposées à ces profiteurs.

S est un producteur de boissons gazeuses non alcoolisées; il détient 40 % de ce marché. La part de marché de son plus proche concurrent est de 20 %. S conclut des accords de fourniture avec des clients représentant 25 % de la demande, en vertu desquels ceux-ci s'engagent à s'approvisionner exclusivement auprès de S pendant cinq ans. Avec d'autres clients, représentant 15 % de la demande, S conclut des accords en vertu desquels ces clients se voient accorder des remises conditionnelles trimestrielles si leurs achats dépassent certains objectifs fixés individuellement. S affirme que ces accords lui permettent de prévoir la demande avec plus de précision et, de ce fait, de mieux planifier la production, ce qui réduit les coûts de stockage des matières premières et d'entreposage et évite toute pénurie. Compte tenu de la position de S sur le marché et de la portée cumulée des restrictions, il est très peu probable que celles-ci soient jugées indispensables. L'obligation d'achat exclusif va au-delà de ce qui est nécessaire pour planifier la production, et cela vaut également pour le système de remises conditionnelles. Il est possible de prévoir la demande par des moyens moins restrictifs. C'est ainsi que S pourrait fournir à ses clients des incitations afin qu'ils commandent de grandes quantités à la fois en leur proposant des remises quantitatives ou en proposant une remise aux clients qui passent une commande ferme à l'avance, livrable à des dates précises.

3.4.   Deuxième condition de l'article 53, paragraphe 3: une partie équitable du profit réservée aux consommateurs

3.4.1.   Remarques générales

(83)

D'après la deuxième condition de l'article 53, paragraphe 3, une partie équitable du profit résultant de l'accord restrictif doit être réservée aux consommateurs.

(84)

La notion de «consommateurs» englobe tous les utilisateurs, directs ou indirects, des produits couverts par l'accord, y compris les producteurs qui utilisent les produits pour transformation, les grossistes, les détaillants et les consommateurs finals, c'est-à-dire les personnes physiques qui agissent à des fins étrangères à leur activité professionnelle ou commerciale. Autrement dit, les consommateurs au sens de l'article 53, paragraphe 3, sont les clients des parties à l'accord et les acheteurs ultérieurs. Ces clients peuvent être des entreprises achetant par exemple des machines industrielles ou des produits pour transformation ultérieure, ou des consommateurs finals effectuant par exemple l'achat d'une glace en vue de sa consommation immédiate ou l'acquisition d'une bicyclette.

(85)

La notion de «partie équitable» suppose que la répercussion des avantages doit au moins assurer aux consommateurs la compensation d'un inconvénient réel ou probable que la restriction de concurrence constatée au regard de l'article 53, paragraphe 1, leur occasionne. Conformément à l'objectif de l'article 53 qui consiste à empêcher les accords anticoncurrentiels, l'effet net de l'accord doit au moins être neutre du point de vue des consommateurs qui sont directement ou potentiellement affectés par l'accord (82). Si ces consommateurs sont moins bien lotis à la suite de l'accord, la deuxième condition de l'article 53, paragraphe 3, n'est pas remplie. Les avantages d'un accord doivent être comparés aux inconvénients pour les consommateurs et être de nature à compenser ces inconvénients (83). Lorsque tel est le cas, l'accord n'est pas préjudiciable aux consommateurs. De plus, l'ensemble de la société en profite, là où les gains d'efficacité permettent d'utiliser moins de ressources pour générer la production consommée ou de produire des biens de plus grande valeur et donc d'avoir une répartition plus efficace de ressources.

(86)

Il n'est pas obligatoire que les consommateurs reçoivent une partie de chaque gain d'efficacité recensé dans le cadre de la première condition. Il suffit qu'un avantage suffisant soit répercuté pour compenser les inconvénients de l'accord restrictif. Dans ce cas, les consommateurs obtiennent une partie équitable des avantages totaux (84). Si un accord restrictif est susceptible d'entraîner une hausse des prix, celle-ci doit être entièrement compensée par un relèvement de la qualité ou d'autres avantages pour les consommateurs. Sinon, la deuxième condition de l'article 53, paragraphe 3, n'est pas remplie.

(87)

Le facteur décisif réside dans l'incidence globale sur les consommateurs des produits du marché en cause et non dans l'incidence sur des membres individuels de cette catégorie de consommateurs (85). Il peut arriver qu'un certain délai soit nécessaire avant que les gains d'efficacité ne se concrétisent et il n'est pas exclu que, en attendant, l'accord n'ait que des effets négatifs. Le fait que la répercussion sur le consommateur intervienne avec un certain décalage n'exclut pas en soi l'application de l'article 53, paragraphe 3. Toutefois, plus ce décalage est important, plus les gains d'efficacité doivent être élevés pour compenser aussi la perte subie par les consommateurs durant la période précédant la répercussion.

(88)

Lors de cette appréciation, il faut tenir compte du fait que, pour les consommateurs, la valeur d'un gain futur n'est pas la même que sa valeur actuelle. Une économie de 100 EUR réalisée aujourd'hui a plus de valeur que la même économie réalisée dans un an. C'est pourquoi un gain futur pour les consommateurs ne compense pas pleinement une perte d'une valeur nominale identique qui serait subie aujourd'hui. Pour pouvoir comparer la valeur d'une perte actuelle à celle d'un gain futur pour les consommateurs, il convient d'actualiser la valeur des gains futurs. Le taux d'actualisation appliqué doit refléter le taux d'inflation, le cas échéant, et les intérêts perdus, pour refléter la valeur plus faible des gains futurs.

(89)

Dans d'autres cas, l'accord permet aux parties d'obtenir les gains d'efficacité plus vite que cela n'aurait été possible autrement. Dans ces conditions, il faut tenir compte de l'incidence négative probable sur les consommateurs du marché en cause après l'expiration de ce délai. Si l'accord restrictif procure aux parties une position de force sur le marché, elles risquent de pratiquer un prix substantiellement plus élevé que ce n'aurait été le cas autrement. Pour que la deuxième condition de l'article 53, paragraphe 3, soit remplie, l'avantage procuré aux consommateurs par un accès plus rapide aux produits devra être tout aussi substantiel. Cela peut par exemple être le cas lorsqu'un accord permet à deux fabricants de pneus de mettre sur le marché, trois ans plus tôt, un nouveau pneu sensiblement plus sûr, mais, dans le même temps, en accroissant leur puissance de marché, d'augmenter les prix de 5 %. Dans un tel cas, il est probable que le fait d'avoir accès plus rapidement à un produit sensiblement amélioré compense l'augmentation de prix.

(90)

La deuxième condition de l'article 53, paragraphe 3, intègre une échelle mobile. Plus la restriction de concurrence constatée au regard de l'article 53, paragraphe 1, est grande, plus les gains d'efficacité et leur répercussion sur les consommateurs doivent être importants. Cette approche de l'échelle mobile suppose que si les effets restrictifs d'un accord sont relativement limités et les gains d'efficacité substantiels, il y a de fortes chances qu'une partie équitable des réductions de coûts soit répercutée sur les consommateurs. C'est pourquoi, dans ce cas, il n'est en principe pas nécessaire de se lancer dans une analyse détaillée de la deuxième condition de l'article 53, paragraphe 3, sous réserve toutefois que les trois autres conditions d'application de cette disposition soient remplies.

(91)

Si, en revanche, les effets restrictifs de l'accord sont substantiels et que les réductions de coûts sont relativement insignifiantes, il est fort peu probable que la deuxième condition de l'article 53, paragraphe 3, soit remplie. L'incidence de la restriction de concurrence dépend de l'intensité de la restriction et du degré de concurrence qui subsiste à la suite de l'accord.

(92)

Si l'accord a, à la fois, des effets anticoncurrentiels substantiels et des effets proconcurrentiels substantiels, une analyse minutieuse s'impose. Lors de l'évaluation de la mise en balance dans des cas de ce genre, il convient de tenir compte du fait que la concurrence est un important moteur d'efficacité et d'innovation à long terme. Les entreprises qui ne sont pas soumises à une pression concurrentielle effective — telles que les entreprises dominantes — sont moins incitées à maintenir ou à accroître les gains d'efficacité. Plus l'incidence de l'accord sur la concurrence est forte, plus forte est la probabilité que les consommateurs en pâtissent à long terme.

(93)

Les deux sections qui suivent décrivent de manière plus détaillée le cadre analytique permettant d'évaluer la répercussion des gains d'efficacité sur le consommateur. La première section aborde les gains réalisés sur les coûts, tandis que le seconde aborde d'autres types de gains d'efficacité, tels les nouveaux produits ou les produits améliorés (gains d'efficacité qualitatifs). Le cadre qui est élaboré dans ces deux sections est particulièrement important lorsqu'il n'est pas immédiatement évident que les inconvénients concurrentiels sont supérieurs aux avantages pour le consommateur, et inversement (86).

(94)

Dans l'application des principes énoncés ci-après, l'Autorité de surveillance AELE tient compte du fait que, dans bien des cas, il est difficile de calculer avec précision le taux de répercussion sur le consommateur et d'autres types de répercussion sur le consommateur. Les entreprises sont seulement tenues de justifier leurs allégations en fournissant des estimations et autres éléments autant que faire se peut, compte tenu des circonstances de chaque espèce.

3.4.2.   Répercussion et mise en balance des gains d'efficacité réalisés sur les coûts

(95)

Lorsque les marchés, comme c'est normalement le cas, ne sont pas parfaitement concurrentiels, les entreprises sont à même d'influer plus ou moins sur le prix du marché en modifiant leur production (87). Elles peuvent aussi opérer une discrimination par le prix entre leurs clients.

(96)

Dans certaines conditions, il arrive que les gains d'efficacité réalisés sur les coûts débouchent sur un accroissement de la production et une baisse des prix pour les consommateurs touchés. Si, en raison de ces gains, les entreprises en cause peuvent augmenter leurs bénéfices par un accroissement de la production, il peut y avoir répercussion sur les consommateurs. Lors de l'évaluation de l'ampleur de la répercussion possible des réductions de coûts sur les consommateurs et du test de mise en balance contenu dans l'article 53, paragraphe 3, les facteurs suivants sont notamment pris en compte:

a)

caractéristiques et structure du marché;

b)

nature et ampleur des gains d'efficacité;

c)

élasticité-prix de la demande;

d)

ampleur de la restriction de concurrence.

En principe, tous les facteurs doivent être pris en considération. Étant donné que l'article 53, paragraphe 3, ne s'applique que dans les cas où la concurrence sur le marché est fortement restreinte (voir le considérant 24 ci-dessus), on ne peut présumer qu'une concurrence résiduelle assurera que les consommateurs recevront une partie équitable des avantages. Toutefois, le degré de concurrence résiduelle sur le marché et la nature de cette concurrence influent sur la probabilité de répercussion.

(97)

Plus le degré de concurrence résiduelle est grand, plus grande est la probabilité que des entreprises individuelles tentent d'augmenter leurs ventes en répercutant les réductions de coûts. Lorsque des entreprises luttent essentiellement sur le prix et ne sont pas soumises à de fortes contraintes de capacité, la répercussion peut intervenir relativement vite. En revanche, si la concurrence s'exerce principalement sur la capacité de production et que les adaptations de capacité interviennent avec un certain décalage, la répercussion sera plus lente. De même, elle sera sans doute plus lente si la structure du marché est propice à une collusion tacite (88). Si des concurrents sont susceptibles d'exercer des représailles en cas d'accroissement de la production par une ou plusieurs parties à l'accord, l'incitation à accroître la production risque d'être limitée, sauf si l'avantage concurrentiel conféré par les gains d'efficacité est tel que les entreprises en cause sont incitées à s'écarter de la politique commune adoptée sur le marché par les membres de l'oligopole. Autrement dit, les gains d'efficacité générés par l'accord peuvent transformer les entreprises concernées en «francs-tireurs» (89).

(98)

La nature des gains d'efficacité joue également un rôle important. D'après la théorie des prix, les entreprises maximisent leur profit en vendant des unités de production jusqu'à ce que la recette marginale soit égale au coût marginal. La recette marginale est l'accroissement de la recette totale résultant de la vente d'une unité supplémentaire de production et le coût marginal est la variation du coût total due à la production d'une unité supplémentaire. Il s'ensuit de ce principe qu'en règle générale les décisions de production et de tarification que prend l'entreprise qui maximise ses profits ne sont pas déterminées par ses coûts fixes (coûts qui ne varient pas avec le taux de production) mais par ses coûts variables (coûts qui varient avec le taux de production). Après que les coûts fixes sont engagés et que la capacité est fixée, les décisions de tarification et de production sont déterminées par les conditions des coûts variables et de la demande. Prenons, par exemple, le cas de deux sociétés qui fabriquent chacune deux produits sur deux chaînes de fabrication fonctionnant seulement à la moitié de leur capacité. Un accord de spécialisation peut permettre à ces deux entreprises de se spécialiser dans la fabrication de l'un des deux produits et de mettre au rebut leur deuxième chaîne servant à fabriquer l'autre produit. En même temps, la spécialisation peut permettre aux entreprises de réduire les coûts variables des facteurs de production et du stock. Seules ces dernières réductions auront un effet direct sur les décisions de tarification et de production des entreprises, car elles influeront sur les coûts marginaux de production. La mise au rebut, par chacune des entreprises, d'une de leurs chaînes de fabrication ne réduira pas leurs coûts variables et n'aura aucune incidence sur leurs coûts de production. Il s'ensuit que les entreprises peuvent avoir un intérêt direct à répercuter sur les consommateurs, sous la forme d'une production plus élevée et de prix plus bas, les gains d'efficacité qui réduisent les coûts marginaux, alors qu'elles n'ont pas cet intérêt direct avec les gains d'efficacité qui réduisent les coûts fixes. Il est donc davantage probable que les consommateurs reçoivent une partie équitable des gains d'efficacité réalisés sur les coûts lorsque ceux-ci concernent les coûts variables que lorsqu'ils concernent les coûts fixes.

(99)

Le fait que les entreprises puissent avoir intérêt à répercuter certains types de réductions de coûts n'implique pas que le taux de répercussion sera nécessairement de 100 %. En effet, le taux de répercussion réel dépend de la mesure dans laquelle les consommateurs réagissent à la modification du prix, autrement dit l'élasticité-prix de la demande. Plus l'augmentation de la demande provoquée par une baisse du prix est forte, plus le taux de répercussion est élevé. L'explication est la suivante: plus les ventes supplémentaires générées par une baisse du prix due à un accroissement de la production sont fortes, plus il est probable que ces ventes compenseront la perte de recette causée par le prix plus bas résultant de l'accroissement de la production. En l'absence de différenciation des prix, la baisse des prix affecte toutes les unités vendues par l'entreprise, auquel cas la recette marginale est inférieure au prix obtenu pour le produit marginal. Si les entreprises en cause sont à même de facturer des prix différents à des clients différents — autrement dit, si elles pratiquent la discrimination par les prix —, la répercussion ne profitera normalement qu'aux consommateurs sensibles aux prix (90).

(100)

Il faut aussi tenir compte du fait que, souvent, les gains d'efficacité n'affectent pas l'ensemble de la structure des coûts des entreprises en cause, auquel cas l'incidence sur le prix à la consommation est réduite. Par exemple, si un accord permet aux parties de réduire les coûts de production de 6 %, mais que ces coûts ne représentent qu'un tiers des coûts qui servent de base pour le calcul des prix, l'incidence sur le prix du produit est de 2 %, dans l'hypothèse où le montant total est répercuté.

(101)

Enfin et surtout, il est indispensable d'équilibrer les deux forces opposées résultant de la restriction de concurrence et des gains d'efficacité par les coûts. D'une part, toute augmentation du pouvoir de marché générée par l'accord restrictif donne aux entreprises en cause la possibilité d'augmenter le prix et l'incitation à agir de la sorte. D'autre part, les types de gains d'efficacité réalisés sur les coûts qui sont pris en compte peuvent donner aux entreprises concernées une incitation à baisser le prix (voir le considérant 98 ci-dessus). Les effets de ces deux forces contraires doivent être mis en balance. Rappelons, sur ce point, que la condition de répercussion sur le consommateur intègre une échelle mobile. Si l'accord entraîne une réduction substantielle de la pression concurrentielle à laquelle se heurtent les parties, il faut en principe que les gains d'efficacité réalisés sur les coûts soient extraordinairement importants pour que la répercussion soit suffisante.

3.4.3.   Répercussion et mise en balance d'autres types de gains d'efficacité

(102)

La répercussion sur les consommateurs peut aussi revêtir la forme de gains d'efficacité qualitatifs, par exemple des nouveaux produits ou des produits améliorés qui apportent suffisamment de valeur aux consommateurs pour que les effets anticoncurrentiels de l'accord, y compris une augmentation des prix, soient compensés.

(103)

Ce type d'appréciation suppose nécessairement un jugement de valeur. Or, il est difficile d'attribuer une valeur précise à des gains d'efficacité dynamiques de cette nature. Toutefois, l'objectif fondamental de l'appréciation, à savoir vérifier l'incidence globale de l'accord sur les consommateurs du marché en cause, reste le même. Les entreprises invoquant le bénéfice de l'article 53, paragraphe 3, doivent établir que les consommateurs obtiennent en contrepartie des avantages (voir à cet égard les considérants 57 et 86 ci-dessus).

(104)

L'existence de nouveaux produits ou de produits améliorés constitue une source importante de bien-être pour le consommateur. Tant que l'accroissement de valeur produit par ces améliorations est supérieur aux inconvénients du maintien ou d'une augmentation de prix due à l'accord restrictif, les consommateurs sont mieux lotis qu'en l'absence de l'accord, et l'obligation de répercussion sur le consommateur prévue à l'article 53, paragraphe 3, est normalement remplie. Lorsque l'accord aura probablement pour effet d'augmenter les prix à la consommation sur le marché en cause, il conviendra d'examiner avec soin si les gains d'efficacité allégués créeront une valeur réelle pour les consommateurs sur ce marché, de façon à compenser les effets défavorables de la restriction de concurrence.

3.5.   Quatrième condition de l'article 53, paragraphe 3: pas d'élimination de la concurrence

(105)

En vertu de la quatrième condition de l'article 53, paragraphe 3, l'accord ne doit pas donner aux entreprises en cause la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence. En définitive, priorité est donnée à la protection de la rivalité et du processus concurrentiel à long terme sur les gains d'efficacité potentiellement proconcurrentiels qui pourraient résulter d'accords restrictifs. La dernière condition de l'article 53, paragraphe 3, reconnaît le fait que la rivalité entre entreprises est un moteur indispensable à l'efficacité économique, y compris les gains d'efficacité dynamiques sous forme d'innovation. Autrement dit, l'objectif ultime de l'article 53 consiste à préserver le jeu de la concurrence. L'élimination de la concurrence sonne le glas de ce jeu et fait que les gains d'efficacité à court terme sont balayés par des pertes plus durables dues, entre autres, aux dépenses engagées par l'entreprise en place pour maintenir sa position (recherche d'avantages personnels), à une mauvaise affectation des ressources, à une diminution de l'innovation et à une augmentation des prix.

(106)

Le concept d'élimination de la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause, qui est énoncé à l'article 53, paragraphe 3, est un concept autonome du droit de l'EEE qui est propre à l'article 53, paragraphe 3 (91). Toutefois, lorsque l'on applique ce concept, il est nécessaire de tenir compte de la relation qui existe entre l'article 53 et l'article 54. L'application de l'article 53, paragraphe 3, ne peut empêcher l'application de l'article 54 de l'accord EEE (92). Comme, en outre, les articles 53 et 54 poursuivent tous deux le but consistant à maintenir une concurrence efficace sur le marché, la cohérence veut que l'article 53, paragraphe 3, soit interprété comme empêchant l'application de cette disposition aux accords restrictifs qui constituent un abus de position dominante (93)  (94). Cependant, les accords restrictifs conclus par une entreprise dominante ne constituent pas tous un abus de position dominante. C'est, par exemple, le cas lorsqu'une entreprise en position dominante participe à une entreprise commune qui n'est pas de plein exercice (95), dont il apparaît qu'elle restreint la concurrence tout en impliquant une substantielle intégration d'actifs.

(107)

Le fait que la concurrence ait été éliminée au sens de la dernière condition de l'article 53, paragraphe 3, dépend du degré de concurrence qui existait avant l'accord et de l'incidence de l'accord restrictif sur la concurrence, c'est-à-dire la réduction de concurrence induite par l'accord. Plus la concurrence est déjà affaiblie sur le marché en cause, plus faible sera la réduction supplémentaire requise pour l'éliminer au sens de l'article 53, paragraphe 3. De même, plus la réduction de concurrence causée par l'accord est importante, plus forte est la probabilité d'élimination de la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

(108)

L'application de la dernière condition de l'article 53, paragraphe 3, nécessite une analyse réaliste des différentes sources de concurrence sur le marché, du niveau de contrainte concurrentielle qu'elles imposent aux parties à l'accord et de l'incidence de l'accord sur cette contrainte. Il convient de prendre en considération la concurrence actuelle et potentielle.

(109)

Si les parts de marché constituent un critère important, l'importance d'autres sources de concurrence réelle ne peut être appréciée sur la base des seules parts de marché. En principe, une analyse qualitative et quantitative détaillée s'impose et il convient d'examiner la capacité et l'intérêt des entreprises en présence à se livrer concurrence. Par exemple, si certaines entreprises doivent faire face à des contraintes de capacité ou ont des coûts de production relativement plus élevés, leur réaction concurrentielle sera nécessairement limitée.

(110)

En évaluant l'incidence de l'accord sur la concurrence, il est important également d'examiner son influence sur les différents paramètres de celle-ci. La dernière condition de l'exemption prévue à l'article 53, paragraphe 3, n'est pas remplie si l'accord élimine la concurrence sous l'une de ses expressions les plus importantes, ce qui est particulièrement le cas lorsqu'un accord élimine la concurrence sur les prix (96) ou dans le domaine de l'innovation et de la mise au point de nouveaux produits.

(111)

Le comportement des parties sur le marché peut donner une idée des effets de l'accord. Si, après la conclusion de l'accord, les parties appliquent et maintiennent des hausses de prix substantielles ou adoptent un autre comportement dénotant l'existence d'un pouvoir de marché considérable, tout permet de penser qu'elles ne sont soumises à aucune pression concurrentielle réelle et que la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause a été éliminée.

(112)

L'interaction concurrentielle passée peut aussi fournir un indice des effets de l'accord sur l'interaction concurrentielle future. Il arrive qu'une entreprise parvienne à éliminer la concurrence au sens de l'article 53, paragraphe 3, en concluant un accord avec un concurrent qui, dans le passé, a été un «franc-tireur» (97). Ce genre d'accord peut modifier les incitations et possibilités concurrentielles de ce dernier et, ainsi, supprimer une source importante de concurrence sur le marché.

(113)

En cas de produits différenciés, c'est-à-dire de produits qui diffèrent aux yeux des consommateurs, l'incidence de l'accord dépend parfois de la relation concurrentielle entre les produits vendus par les parties qui l'ont conclu. Lorsque des entreprises proposent des produits différenciés, la contrainte concurrentielle que certains produits s'imposent l'un à l'autre varie en fonction du degré de substituabilité entre eux. Il y a donc lieu de voir quel est ce degré de substituabilité, c'est-à-dire quelle est la contrainte concurrentielle que les produits proposés par les parties s'imposent l'un à l'autre. Plus les produits des parties à l'accord sont des substituts proches, plus l'effet restrictif probable de l'accord est grand. Autrement dit, plus les produits sont substituables, plus grande est la modification probable induite par l'accord en termes de restriction de concurrence sur le marché et plus il est probable que la concurrence risque d'être éliminée pour une partie substantielle des produits en cause.

(114)

Si les sources de concurrence effective sont généralement les plus importantes, car les plus faciles à constater, il faut aussi prendre en considération les sources de concurrence potentielle. L'évaluation de cette dernière nécessite une analyse des barrières à l'entrée auxquelles se heurtent les entreprises qui ne sont pas encore présentes sur le marché en cause. Les assertions des parties déclarant que les obstacles à l'entrée sur le marché sont minimes doivent être étayées par des informations recensant les sources de concurrence potentielle. En outre, les parties sont tenues de démontrer pourquoi ces sources constituent une réelle pression concurrentielle sur les parties.

(115)

Dans l'appréciation des barrières à l'entrée et de la possibilité réelle de pénétrer sur le marché à une échelle de quelque ampleur, il convient d'examiner notamment ce qui suit:

i)

le cadre réglementaire pour déterminer son incidence sur l'entrée;

ii)

le coût de l'entrée, y compris les coûts irrécupérables, c'est-à-dire ceux que le nouvel arrivant ne pourra récupérer si, par la suite, il se retire du marché. Plus les coûts irrécupérables sont élevés, plus le risque commercial pour les nouveaux entrants potentiels est élevé;

iii)

l'échelle efficace minimale au sein du secteur en cause, c'est-à-dire le taux de production où les coûts moyens sont réduits au minimum. Si cette échelle est importante par rapport à la taille du marché, une entrée efficace risque d'être plus coûteuse et hasardeuse;

iv)

la compétitivité des nouveaux arrivants potentiels. Une entrée réussie est fort probable lorsque les nouveaux arrivants potentiels ont accès à des technologies au moins aussi performantes que celles des opérateurs historiques ou ont d'autres avantages concurrentiels qui leur permettent de rivaliser efficacement. Si les nouveaux arrivants potentiels sont sur une trajectoire technologique identique ou inférieure par rapport aux opérateurs historiques et ne possèdent aucun autre avantage concurrentiel significatif, leur entrée est plus risquée et moins réussie;

v)

la position des acheteurs et leur capacité d'introduire sur le marché de nouvelles sources de concurrence. Il importe peu que certains acheteurs puissants soient en mesure d'obtenir des parties à l'accord des conditions plus avantageuses que leurs concurrents plus faibles (98). La présence d'acheteurs puissants ne peut servir qu'à contrecarrer une conclusion prima facie d'élimination de la concurrence, s'il est probable que les acheteurs en cause ouvrent la voie à de nouvelles entrées réussies;

vi)

la réaction probable des opérateurs historiques aux tentatives d'entrée sur le marché. Ainsi, leur comportement passé peut valoir aux opérateurs historiques une réputation de comportement agressif qui aura une incidence sur les entrées futures;

vii)

les perspectives économiques du secteur peuvent donner une idée de l'intérêt qu'il présente à long terme. En effet, les secteurs qui marquent le pas ou sont en déclin sont des candidats moins attrayants pour de nouveaux arrivants que les secteurs placés sous le signe de la croissance;

viii)

des entrées sur une échelle significative dans le passé ou l'absence d'entrée.

(116)

Les principes ci-dessus peuvent être illustrés par les exemples suivants, qui sont de simples hypothèses et n'ont pas pour but de fixer des seuils:

La société A est une brasserie qui détient 70 % du marché en cause, y compris la vente de bière dans des cafés et autres lieux de consommation. Au cours des cinq dernières années, A a augmenté sa part de marché, qui était de 60 %. Il y a quatre autres concurrents sur le marché: B, C, D et E, qui détiennent des parts de marché de, respectivement, 10 %, 10 %, 5 % et 5 %. Il n'y a eu aucune entrée sur le marché dans un passé récent et les modifications de prix appliquées par A ont généralement été suivies par ses concurrents. A conclut des accords avec 20 % du secteur des cafés et restaurants, qui représentent 40 % de son chiffre d'affaires, en vertu desquels les parties contractantes s'engagent à acheter de la bière uniquement à A, pendant une période de cinq ans. Ces accords augmentent les coûts et réduisent les recettes des rivaux, qui se voient interdire les débouchés les plus attractifs. Compte tenu de la position de A sur le marché, qui s'est renforcée au cours des années précédentes, de l'absence de toute nouvelle entrée et de la position déjà faible des concurrents, il est probable que la concurrence sur le marché sera éliminée au sens de l'article 53, paragraphe 3.

Les sociétés de transport A, B, C et D, qui détiennent ensemble plus de 70 % du marché en cause, concluent un accord en vertu duquel elles conviennent de coordonner leurs horaires et leurs tarifs. À la suite de la mise en œuvre de l'accord, les prix augmentent de 30 à 100 %. Il y a quatre autres fournisseurs, dont le plus important détient environ 14 % du marché en cause. Il n'y a pas eu de nouvelle entrée au cours des dernières années et les parties à l'accord n'ont pas perdu de parts de marché importantes à la suite des augmentations de prix. Les concurrents existants n'ont pas apporté sur le marché de capacités de quelque ampleur et il n'y a eu aucune nouvelle entrée. Compte tenu de la position des parties sur le marché et de l'absence de réaction des concurrents à leur conduite commune, on peut raisonnablement penser que les parties à l'accord ne sont pas soumises à des pressions concurrentielles réelles et que l'accord leur donne la possibilité d'éliminer la concurrence au sens de l'article 53, paragraphe 3.

A est un producteur d'appareils électriques à usage professionnel qui détient une part de marché de 65 % sur le marché en cause. B est un producteur concurrent, détenant 5 % du marché, qui a développé un nouveau type de moteur, qui est plus puissant tout en consommant moins d'électricité. A et B concluent un accord en vertu duquel ils créent une entreprise commune de production pour la fabrication du nouveau moteur. B s'engage à accorder une licence exclusive à l'entreprise commune. Celle-ci réunit la nouvelle technologie de B et les processus efficaces de fabrication et de contrôle de qualité de A. Il existe un autre gros concurrent, qui détient 15 % du marché. Un autre concurrent, dont la part de marché est de 5 %, vient d'être acquis par C, un grand producteur international d'appareils électriques concurrents, qui lui-même détient des technologies efficaces. C n'a, jusqu'à présent, pas opéré sur ce marché, essentiellement parce que les clients souhaitent une présence locale et un service après-vente. Grâce à cette acquisition, C a désormais accès aux services dont il a besoin pour pénétrer sur ce marché. Du fait de l'arrivée de C, la concurrence ne sera sans doute pas éliminée.


(1)  JO C 101 du 27.4.2004, p. 97.

(2)  La compétence pour statuer sur des cas relevant des articles 53 et 54 de l'accord EEE est partagée entre l'Autorité de surveillance AELE et la Commission selon les modalités exposées à l'article 56 de l'accord EEE. Seule l'une des autorités de surveillance a compétence pour connaître d'un cas particulier.

(3)  Dans les pages qui suivent, le terme «accord» englobe également les pratiques concertées et les décisions d'associations d'entreprises.

(4)  Lorsque l'accord modifiant le protocole 4 de l'accord entre les États de l'AELE relatif à l'institution d'une Autorité de surveillance et d'une Cour de justice du 24 septembre 2004 sera entré en vigueur, le chapitre II du protocole 4 de l'accord Surveillance et Cour reflétera dans une large mesure dans le pilier AELE le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil (JO L 1 du 4.1.2003, p. 1).

(5)  Voir le considérant 36 ci-après.

(6)  Voir la communication de l'Autorité de surveillance AELE intitulée «Lignes directrices sur les restrictions verticales» (JO C 122 du 23.5.2002, p. 1, et Supplément EEE no 26 du 23.5.2002, p. 7), la communication de l'Autorité de surveillance AELE intitulée «Lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 53 de l'accord EEE aux accords de coopération horizontale» (JO C 266 du 31.10.2002, p. 1, et Supplément EEE no 55 du 31.10.2002, p. 1), ainsi que la communication de l'Autorité de surveillance AELE intitulée «Lignes directrices relatives à l'application de l'article 53 de l'accord EEE aux accords de transfert de technologie», non encore adoptée.

(7)  L'article 6 de l'accord EEE prévoit ce qui suit: «Sans préjudice de l'évolution future de la jurisprudence, les dispositions du présent accord, dans la mesure où elles sont identiques en substance aux règles correspondantes du traité instituant la Communauté économique européenne, du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier et des actes arrêtés en application de ces deux traités, sont, pour leur mise en œuvre et leur application, interprétées conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de signature du présent accord». En ce qui concerne les arrêts de la Cour rendus après la date de signature de l'accord EEE, l'article 3, paragraphe 2, de l'accord Surveillance et Cour prévoit que l'Autorité de surveillance AELE et la Cour de justice AELE tiennent dûment compte des principes qui y sont énoncés.

(8)  La notion d'effet sur le commerce entre les parties contractantes à l'accord EEE est traitée dans des lignes directrices distinctes (voir les lignes directrices de l'Autorité de surveillance AELE relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 53 et 54 de l'accord EEE, non encore publiées au Recueil).

(9)  Dans les pages qui suivent, le terme «restriction» englobe également les actes ayant pour but d'empêcher et de fausser la concurrence.

(10)  En vertu de l'article 53, paragraphe 2, ces accords sont nuls de plein droit.

(11)  L'article 53, paragraphe 1, interdit les effets anticoncurrentiels tant réels que potentiels. Voir à ce sujet l'affaire C-7/95 P, John Deere, Recueil 1998, p. I-3111, point 77.

(12)  Voir l'affaire T-65/98, Van den Bergh Foods (non encore publiée au Recueil), point 107, et l'affaire T-112/99, Métropole télévision (M6) e.a., Recueil 2001, p. II-2459, point 74, où le Tribunal de première instance a considéré que la mise en balance des effets anticoncurrentiels et des effets proconcurrentiels ne peut s'effectuer que dans le cadre précis de l'article 81, paragraphe 3.

(13)  Voir la note 6 ci-dessus.

(14)  Voir par exemple l'affaire C-49/92 P, Anic Partecipazioni, Recueil 1999, p. I-4125, point 116, et les affaires jointes 40/73 et 48/73 e.a., Suiker Unie, Recueil 1975, p. 1663, point 173. Voir également à ce sujet l'affaire E-3/97, Jan and Kristian Jæger AS et Opel Norge AS, Recueil des arrêts de la Cour de l'AELE 1998, p. 1.

(15)  Voir l'arrêt dans l'affaire E-3/97 cité dans la note précédente, de même que le point 108 de l'arrêt rendu dans l'affaire Anic Partecipazioni, cité à la note précédente, et l'arrêt C-227/87, Sandoz Prodotti, Recueil 1990, p. I-45.

(16)  Voir à ce sujet l'affaire E-1/94, Restamark, Recueil des arrêts de la Cour de l'AELE 1994-1995, p. 15, l'affaire 14/68, Walt Wilhelm, Recueil 1969, p. 1, ainsi que l'arrêt plus récent dans l'affaire T-203/01, Michelin (II), non encore publié au Recueil, point 112.

(17)  Voir les affaires jointes T-25/95, Cimenteries CBR e.a., Recueil 2000, p. II-491, points 1849 et 1852, ainsi que les affaires jointes T-202/98, British Sugar e.a., Recueil 2001, p. II-2035, points 58 à 60.

(18)  Voir, à cet effet, l'affaire C-453/99, Courage/Crehan, Recueil 2001, p. I-6297, ainsi que le point 3444 de l'arrêt Cimenteries CBR cité dans la note précédente.

(19)  Voir à ce sujet les affaires jointes C-2/01 P et C-3/01 P, Bundesverband der Arzneimittel-Importeure, non encore publiées au Recueil, point 102.

(20)  Voir par exemple les affaires jointes 25/84 et 26/84, Ford, Recueil 1985, p. 2725.

(21)  Voir à ce sujet le point 141 de l'arrêt Bundesverband der Arzneimittel-Importeure, cité à la note 19.

(22)  Voir l'affaire 56/65, Société Technique Minière, Recueil 1966, p. 337, et le point 76 de l'arrêt John Deere, cité à la note 11.

(23)  Voir par exemple, à ce sujet, les affaires jointes 56/64 et 58/66, Consten et Grundig, Recueil 1966, p. 429.

(24)  Voir par exemple les décisions de la Commission dans l'affaire Elopak/Metal Box-Odin (JO L 209 du 8.8.1990, p. 15) et dans l'affaire TPS (JO L 90 du 2.4.1999, p. 6).

(25)  Voir à ce sujet l'arrêt Société Technique Minière, cité à la note 22, et l'arrêt 258/78, Nungesser, Recueil 1982, p. 2015.

(26)  Voir la règle 10 énoncée au point 119 des lignes directrices sur les restrictions verticales, citées à la note 6 ci-dessus, d'après laquelle, notamment, la restriction des ventes passives — une restriction caractérisée — n'est pas considérée comme une restriction contraire à l'article 53, paragraphe 1, pendant une période de deux ans, lorsqu'elle est liée à l'ouverture de nouveaux marchés de produits ou de nouveaux marchés géographiques.

(27)  Voir par exemple le point 99 de l'arrêt Anic Partecipazioni, cité à la note 14.

(28)  Voir le considérant 47 ci-après.

(29)  Voir les affaires jointes 29/83 et 30/83, CRAM et Rheinzink, Recueil 1984, p. 1679, point 26, ainsi que les affaires jointes 96/82, ANSEAU-NAVEWA e.a., Recueil 1983, p. 3369, points 23 à 25.

(30)  Voir le point 25 des lignes directrices sur les accords de coopération horizontale citées à la note 6, ainsi que l'article 5 de l'acte visé au point 6 de l'annexe XIV de l'accord EEE [le règlement (CE) no 2658/2000 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords de spécialisation (JO L 304 du 5.12.2000, p. 3), tel qu'incorporé à l'accord EEE par décision no 113/2000 du Comité mixte de l'EEE du 22 décembre 2000 (JO L 52 du 22.2.2001, p. 38, et Supplément EEE no 9 du 22.2.2001, p. 5), entré en vigueur le 1er janvier 2001].

(31)  Voir l'article 4 de l'acte visé au point 2 de l'annexe XIV de l'accord EEE [le règlement (CE) no 2790/1999 de la Commission concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité CE à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées (JO L 336 du 29.12.1999, p. 21), tel qu'incorporé à l'accord EEE par décision no 18/2000 du Comité mixte de l'EEE du 28 janvier 2000 (JO L 103 du 12.4.2001, p. 36)], ainsi que les lignes directrices sur les restrictions verticales, citées à la note 6, points 46 et suivants (JO C 122 du 23.5.2002, p. 1, et Supplément EEE no 26 du 23.5.2002, p. 7). Voir aussi l'affaire 279/87, Tipp-Ex, Recueil 1990, p. I-261, et l'affaire T-62/98, Volkswagen/Commission, Recueil 2000, p. II-2707, point 178.

(32)  Voir le point 77 de l'arrêt John Deere, cité à la note 11.

(33)  Il n'est pas suffisant que l'accord restreigne la liberté d'action de l'une ou plusieurs des parties, voir les points 76 et 77 de l'arrêt Métropole Télévision (M6), cité à la note 12. Cela est conforme au fait que l'article 53 a pour objet de protéger la concurrence sur le marché dans l'intérêt des consommateurs.

(34)  Voir par exemple l'affaire 5/69, Völk, Recueil 1969, p. 295, point 7. On trouvera des indications sur le caractère sensible dans la communication de l'Autorité de surveillance AELE concernant les accords d'importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE (JO C 67 du 20.3.2003 et Supplément EEE no 15 du 20.3.2003, p. 11). La communication définit le caractère sensible de manière négative, c'est-à-dire par son absence. Les accords n'entrant pas dans le champ d'application de la règle de minimis n'ont pas nécessairement des effets restrictifs sensibles. Une appréciation individuelle s'impose.

(35)  Voir à ce sujet les affaires jointes T-374/94 e.a., European Night Services, Recueil 1998, p. II-3141. Voir également l'affaire E-8/00, Landsorganisasjonen i Norge e.a./Kommunenes Sentralforbund e.a., Recueil des arrêts de la Cour de l'AELE 2002, p. 114, ainsi que l'affaire E-7/01, Hegelstad Eiendomsselskap Arvid B. Hegelstad e.a. et Hydro Texaco AS, Recueil des arrêts de la Cour de l'AELE 2002, p. 310.

(36)  Voir la note 35.

(37)  Voir à ce sujet la communication de l'Autorité de surveillance AELE concernant la définition du marché en cause aux fins du droit de la concurrence dans l'Espace économique européen (EEE) (JO L 200 du 16.7.1998, p. 46, et Supplément au JO no 28 du 16.7.1998, p. 3).

(38)  Pour la référence du JO, voir la note 6.

(39)  Voir le point 104 de l'arrêt Métropole Télévision (M6) e.a., cité à la note 12.

(40)  Voir par exemple l'affaire C-399/93, Luttikhuis, Recueil 1995, p. I-4515, points 12 à 14.

(41)  Voir à ce sujet les points 118 et suivants de l'arrêt Métropole Télévision (M6) e.a., cité à la note 12.

(42)  Voir le point 107 de l'arrêt Métropole Télévision (M6) e.a., cité à la note 12.

(43)  Voir par exemple la décision de la Commission dans l'affaire Elopak/Metal Box-Odin, citée à la note 24.

(44)  Voir l'affaire 161/84, Pronuptia, Recueil 1986, p. 353.

(45)  Voir la note 24. Cette décision a été confirmée par le Tribunal de première instance des Communautés européennes dans son arrêt Métropole Télévision (M6), cité à la note 12.

(46)  Les réductions de coûts et les autres gains dont bénéficient les parties du seul fait de l'exercice de leur puissance de marché ne sont pas assimilables à des avantages objectifs et ne peuvent être pris en considération (voir le considérant 49 ci-après).

(47)  Voir l'arrêt Consten et Grundig, cité à la note 23.

(48)  Le fait qu'un accord bénéficie d'une exemption par catégorie ne signifie pas automatiquement qu'il tombe sous le coup de l'article 53, paragraphe 1.

(49)  Voir par exemple l'affaire C-234/89, Delimitis, Recueil 1991, p. I-935, point 46.

(50)  L'article 36, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1/2003, tel qu'incorporé à l'accord EEE (voir la note 4 ci-dessus), abroge notamment l'article 5 de l'acte visé au point 10 de l'annexe XIV de l'accord EEE [le règlement (CEE) no 1017/68 du Conseil portant application de règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable]. Toutefois, la pratique décisionnelle instituée en vertu de cet acte reste pertinente pour l'application de l'article 53, paragraphe 3, au secteur des transports par voie navigable.

(51)  Voir le considérant 42 ci-après.

(52)  Voir l'arrêt Société Technique Minière, cité à la note 22.

(53)  Voir l'arrêt 319/82, Kerpen & Kerpen, Recueil 1983, p. 4173, points 11 et 12.

(54)  Voir par exemple l'affaire T-185/00, Métropole télévision SA (M6) e.a., Recueil 2002, p. II-3805, point 86, l'affaire T-17/93, Matra, Recueil 1994, p. II-595, point 85, ainsi que les affaires jointes 43/82 et 63/82, VBVB et VBBB, Recueil 1984, p. 19, point 61.

(55)  Voir l'affaire T-213/00, CMA CGM e.a., non encore publiée au Recueil, point 226.

(56)  À cet effet, voir implicitement le point 139 de l'arrêt Matra cité à la note et l'affaire 26/76, Metro (I), Recueil 1977, p. 1875, point 43.

(57)  En ce qui concerne la notion de consommateurs, voir le considérant 84 ci-après selon lequel les consommateurs sont les clients des parties à l'accord et les acheteurs ultérieurs. Les parties elles-mêmes ne sont pas des «consommateurs» aux fins de l'application de l'article 53, paragraphe 3.

(58)  Ce critère est fonction du marché; voir à ce sujet l'affaire T-131/99, Shaw, Recueil 2002, p. II-2023, point 163, dans lequel le Tribunal de première instance des Communautés européennes considère que l'appréciation au regard de l'article 81, paragraphe 3, doit s'inscrire dans le même cadre d'analyse que celui qui est utilisé pour l'appréciation des effets restrictifs; voir aussi l'affaire C-360/92 P, Publishers Association, Recueil 1995, p. I-23, point 29, où le marché en cause était plus grand que le marché national: la Cour de justice a considéré que, dans l'application de l'article 81, paragraphe 3, il ne convenait pas de considérer uniquement les effets sur le territoire national.

(59)  Dans l'affaire T-86/95, Compagnie Générale Maritime e.a., Recueil 2002, p. II-1011, points 343 à 345, le Tribunal de première instance des Communautés européennes a jugé que l'article 81, paragraphe 3, du traité CE ne requiert pas que les bénéfices soient liés à un marché spécifique et que, le cas échéant, il doit être tenu compte de «tout autre marché sur lequel l'accord en cause pourrait produire des effets bénéfiques, voire, de manière plus générale, pour tout service dont la qualité ou l'efficacité serait susceptible d'être améliorée par l'existence dudit accord». Il est toutefois important de souligner que, dans cette affaire, le groupe de consommateurs affecté était le même. Cette affaire concernait des services de transport multimodal englobant notamment un ensemble de services de transport maritime et par voie navigable fournis à des compagnies maritimes de toute la Communauté. Les restrictions portaient sur les services de transport par voie navigable qui étaient considérés comme constituant un marché séparé, alors qu'il était allégué que le profit était dégagé des services de transport maritime. Les deux services étaient demandés par les chargeurs requérant des services de transport intermodal entre l'Europe du Nord et l'Asie du Sud-Est et de l'Est. L'arrêt CMA CGM, cité à la note 55 ci-dessus, concernait également une situation dans laquelle l'accord, tout en couvrant plusieurs services distincts, affectait le même groupe de consommateurs, à savoir les chargeurs de fret conteneurisé entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient. Aux termes de l'accord, les parties fixaient des taxes et des surtaxes relatives aux services de transport terrestre, aux services portuaires et aux services de transport maritime. Le Tribunal de première instance a jugé (voir les points 226 à 228 de l'arrêt) que, en l'espèce, il n'était pas nécessaire de définir les marchés pertinents aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 3. L'accord était restrictif de par son objet même et ne procurait aucun bénéfice aux consommateurs.

(60)  Voir les points 126 et 132 des lignes directrices sur les accords de coopération horizontale mentionnées à la note 6 ci-dessus.

(61)  Voir l'arrêt Ford cité à la note 20.

(62)  Sur ce point, voir par exemple la décision de la Commission dans l'affaire TPS (JO L 90 du 2.4.1999, p. 6). De même, l'interdiction de l'article 53, paragraphe 1, ne s'applique que tant que l'accord a pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence.

(63)  Voir le point 85 de l'arrêt Matra cité à la note 54.

(64)  Pour cette condition, voir le considérant 49 ci-après.

(65)  Voir l'affaire T-29/92, Vereniging van Samenwerkende Prijsregelende Organisaties in de Bouwnijverheid (SPO), Recueil 1995, p. II-289.

(66)  Voir à ce sujet le point 77 de l'arrêt Nungesser, cité à la note 25, à propos de la protection territoriale absolue.

(67)  Voir par exemple l'arrêt SPO cité à la note 65.

(68)  Les mesures nationales doivent notamment respecter les règles de l'accord EEE relatives à la libre circulation des produits, des services, des personnes et des capitaux.

(69)  Voir par exemple l'arrêt Consten et Grundig cité à la note 23.

(70)  Voir la décision de la Commission dans l'affaire Van den Bergh Foods (JO L 246 du 4.9.1998, p. 1).

(71)  Voir la décision de la Commission dans l'affaire Glaxo Wellcome (JO L 302 du 17.11.2001, p. 1).

(72)  Voir par exemple les décisions de la Commission dans l'affaire GEAE/P&W (JO L 58 du 3.3.2000, p. 16), dans l'affaire British Interactive Broadcasting/Open (JO L 312 du 6.12.1999, p. 1) et dans l'affaire Asahi/Saint Gobain (JO L 354 du 31.12.2004, p. 87).

(73)  Voir par exemple les décisions de la Commission dans l'affaire Atlas (JO L 239 du 19.9.1996, p. 23) et dans l'affaire Phoenix/Global One (JO L 239 du 19.9.1996, p. 57).

(74)  Voir par exemple la décision de la Commission dans l'affaire Uniform Eurocheques (JO L 35 du 7.2.1985, p. 43).

(75)  Voir par exemple la décision de la Commission dans l'affaire Cégétel +4 (JO L 88 du 31.3.1999, p. 26).

(76)  En ce qui concerne la première question, qui peut être pertinente dans le contexte de l'article 53, paragraphe 1, voir le considérant 18 ci-dessus.

(77)  En principe, les économies d'échelle sont épuisées à un certain point, après quoi les coûts se stabilisent et finissent par augmenter en raison, par exemple, de contraintes de capacité et de goulets d'étranglement.

(78)  Voir les points 392 à 395 de l'arrêt Compagnie Générale Maritime cité à la note 59.

(79)  Pour de plus amples détails, voir le point 116 des lignes directrices sur les restrictions verticales citées à la note 6.

(80)  Voir les affaires jointes T-374/94, European Night Services e.a., Recueil 1998, p. II-3141, point 230.

(81)  Voir l'acte visé au point 2 de l'annexe XIV de l'accord EEE [le règlement (CE) no 2790/1999 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité CE à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées (JO L 336 du 29.12.1999, p. 21), tel qu'incorporé à l'accord EEE par décision no 18/2000 du Comité mixte de l'EEE du 28 janvier 2000 (JO L 103 du 12.4.2001, p. 36)].

(82)  Sur ce point, voir l'arrêt Consten et Grundig cité à la note 23, dans lequel la Cour de justice des Communautés européennes a considéré que l'amélioration au sens de la première condition de l'article 81, paragraphe 3, du traité CE doit présenter des avantages objectifs sensibles, de nature à compenser les inconvénients en résultant sur le plan de la concurrence.

(83)  Il est rappelé que les effets positifs et négatifs sur les consommateurs sont en principe mis en balance pour chaque marché pertinent (voir le considérant 43 ci-dessus).

(84)  Voir le point 48 de l'arrêt Metro (I) cité à la note 56.

(85)  Voir le point 163 de l'arrêt Shaw cité à la note 58.

(86)  Dans les sections qui suivent, par souci de commodité, les inconvénients concurrentiels sont évoqués en termes de prix plus élevés, mais ils peuvent aussi désigner une qualité, une diversité ou une innovation moindres que ce qu'elles auraient été en l'absence de ces inconvénients.

(87)  Sur des marchés parfaitement concurrentiels, les entreprises individuelles s'alignent sur les prix. Elles vendent leurs produits au prix du marché, lequel est déterminé par l'offre et la demande globales. La production de l'entreprise individuelle est si faible que l'accroissement individuel de la production n'affecte pas le prix du marché.

(88)  Il y a collusion tacite d'entreprises lorsque, sur un marché oligopolistique, ces entreprises sont en mesure de coordonner leur action sur le marché sans recourir à une entente explicite.

(89)  Ce terme désigne les entreprises qui contraignent le comportement de tarification d'autres entreprises du marché qui auraient autrement pu se livrer à une collusion tacite.

(90)  L'accord restrictif peut même permettre aux entreprises en cause de facturer un prix plus élevé aux clients ayant une faible élasticité-demande.

(91)  Et plus particulièrement à l'article 81, paragraphe 3, du traité CE, voir les affaires jointes T-191/98, T-212/98 et T-214/98, Atlantic Container Line (TACA), Recueil 2003, non encore publiées au Recueil, point 939, ainsi que l'affaire T-395/94, Atlantic Container Line, Recueil 2002, p. II-875, point 330.

(92)  Voir les affaires jointes C-395/96 P et C-396/96 P, Compagnie maritime belge, Recueil 2000, p. I-1365, point 130. De même, l'application de l'article 53, paragraphe 3, ne peut empêcher l'application des dispositions de l'accord EEE relatives à la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux. Dans certains cas, ces dispositions sont applicables aux accords, décisions et pratiques concertées au sens de l'article 53, paragraphe 1. Voir à ce sujet l'affaire C-309/99, Wouters, Recueil 2002, p. I-1577, point 120.

(93)  Voir à ce sujet l'affaire T-51/89, Tetra Pak (I), Recueil 1990, p. II-309, ainsi que le point 1456 de l'arrêt Atlantic ContainerLine (TACA), cité à la note 91.

(94)  C'est ainsi qu'il faut entendre le point 135 des lignes directrices sur les restrictions verticales et les points 36, 71, 105, 134 et 155 des lignes directrices concernant les accords de coopération horizontale, citées à la note 6, lorsqu'ils déclarent qu'en principe les accords restrictifs conclus par des entreprises en position dominante ne peuvent bénéficier de l'exemption.

(95)  Les entreprises communes de plein exercice, c'est-à-dire les entreprises communes qui accomplissent de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome, sont couvertes par l'acte visé au point 1 de l'annexe XIV de l'accord EEE [le règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises («le règlement CE sur les concentrations») (JO L 24 du 29.1.2004, p. 1), tel qu'incorporé à l'accord EEE par décision no 78/2004 du Comité mixte de l'EEE du 8 juin 2004 (JO L 219 du 19.6.2004, p. 13, et Supplément EEE du 19.6.2004, p. 1)].

(96)  Voir le point 21 de l'arrêt Metro (I) cité à la note 56.

(97)  Voir le considérant 97 ci-dessus.

(98)  Voir l'affaire T-228/97, Irish Sugar, Recueil 1999, p. II-2969, point 101.