13.12.2007   

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Journal officiel de l'Union européenne

L 327/21


DÉCISION DE L’AUTORITÉ DE SURVEILLANCE AELE

N o 90/04/COL

du 23 avril 2004

modifiant pour la quarante-sixième fois les règles de procédure et de fond dans le domaine des aides d’État par l’ajout d’un nouveau chapitre 24C: l’application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d’État

L’AUTORITÉ DE SURVEILLANCE AELE,

VU l’accord sur l’Espace économique européen (1), et notamment ses articles 61 à 63 et son protocole 26,

VU l’accord entre les États de l’AELE relatif à l’institution d’une Autorité de surveillance et d’une Cour de justice (2), et notamment son article 24, son article 5, paragraphe 2, point b), ainsi que l’article 1er de la partie I de son protocole 3,

CONSIDÉRANT que, conformément à l’article 24 de l’accord «Surveillance et Cour de justice», l’Autorité de surveillance AELE applique les dispositions de l’accord EEE en matière d’aides d’État,

CONSIDÉRANT que, conformément à l’article 5, paragraphe 2, point b), de l’accord «Surveillance et Cour de justice», l’Autorité de surveillance AELE publie des notes et des directives sur les sujets traités dans l’accord EEE, si celui-ci ou l’accord «Surveillance et Cour de justice» le prévoient expressément, ou si l’Autorité de surveillance AELE l’estime nécessaire,

RAPPELANT les règles de procédure et de fond dans le domaine des aides d’État (3) adoptées le 19 janvier 1994 par l’Autorité de surveillance AELE (4),

CONSIDÉRANT que, le 17 octobre 2001, la Commission européenne a adopté une nouvelle communication concernant les principes à suivre pour l’application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d’État (5),

CONSIDÉRANT que cette communication présente également de l’intérêt pour l’Espace économique européen,

CONSIDÉRANT qu’il convient de garantir une application uniforme des règles de l’EEE en matière d’aides d’État dans l’ensemble de l’Espace économique européen,

CONSIDÉRANT que, conformément au point II de la section «REMARQUE GÉNÉRALE» figurant à la fin de l’annexe XV de l’accord EEE, l’Autorité de surveillance AELE doit adopter, après consultation de la Commission européenne, des actes correspondant à ceux adoptés par la Commission,

AYANT consulté la Commission européenne,

RAPPELANT que l’Autorité de surveillance AELE a consulté les États de l’AELE lors d’une réunion multilatérale sur cette question,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

1.

L’encadrement des aides d’État est modifié par l’ajout d’un nouveau chapitre 24C, intitulé: «Application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d’État». Ce nouveau chapitre figure à l’annexe de la présente décision.

2.

Les États de l’AELE sont informés de la présente décision par une lettre, à laquelle est jointe une copie de la décision et de son annexe.

3.

La Commission européenne en est informée, conformément au point d) du protocole 27 de l’accord EEE, par la communication d’une copie de la décision et de son annexe.

4.

La présente décision, accompagnée de son annexe I, est publiée dans la section EEE et dans le supplément EEE du Journal officiel de l’Union européenne.

5.

Le texte en langue anglaise de la présente décision fait foi.

Fait à Bruxelles, le 23 avril 2004.

Par l’Autorité de surveillance AELE

Hannes HAFSTEIN

Président

Einar M. BULL

Membre du Collège


(1)  Dénommé ci-après «l’accord EEE».

(2)  Dénommé ci-après «l’accord “Surveillance et Cour de justice”».

(3)  Règles dénommées ci-après «encadrement des aides d’État».

(4)  Décision initialement publiée au JO L 231 du 3.9.1994, et dans le supplément EEE no 32 de la même date, modifiée en dernier lieu par la décision no 62/04/COL du 31.3.2004 (non encore publiée).

(5)  Communication de la Commission concernant l’application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d’État (JO C 320 du 15.11.2001, p. 5).


ANNEXE

24C.   APPLICATION AUX SERVICES PUBLICS DE RADIODIFFUSION DES RÈGLES RELATIVES AUX AIDES D’ÉTAT (1)

24C.1.   Introduction

1)

Ces vingt dernières années, le secteur de la radiodiffusion a subi de profondes mutations. La suppression des monopoles, l’apparition de nouveaux opérateurs et la rapidité du progrès technique ont fondamentalement modifié le contexte concurrentiel. La radiodiffusion télévisuelle était traditionnellement une activité réservée. Depuis ses débuts, cette activité a surtout été exercée par des entreprises publiques sous un régime de monopole, en raison, principalement, du nombre limité de fréquences de radiodiffusion disponibles et des importants obstacles à l’entrée sur le marché.

2)

Dans les années soixante-dix, cependant, l’évolution économique et technique a, dans une mesure de plus en plus large, permis aux États de l’AELE d’autoriser d’autres opérateurs à émettre. Ces États ont ainsi décidé d’ouvrir le marché à la concurrence, ce qui a permis aux consommateurs de bénéficier d’un choix plus large, grâce à la multiplication des chaînes et des nouveaux services; cela a aussi favorisé l’apparition et la croissance d’opérateurs européens importants, ainsi que la mise au point de techniques nouvelles, et instauré davantage de pluralisme dans le secteur. Tout en ouvrant le marché à la concurrence, les États de l’AELE ont estimé qu’il fallait maintenir des services publics de radiodiffusion, afin de garantir la couverture d’un certain nombre de domaines et la satisfaction de besoins auxquels les opérateurs privés n’auraient pas nécessairement répondu de façon optimale.

3)

Cette concurrence accrue, ainsi que la présence d’opérateurs financés par l’État, ont suscité des préoccupations croissantes concernant l’égalité de traitement, préoccupations dont des opérateurs privés se sont faits l’écho auprès de l’Autorité de surveillance. Les plaintes portent sur de prétendues violations de l’article 61 de l’accord EEE, en relation avec les régimes de financement public créés en faveur des organismes publics de radiodiffusion.

4)

Les présentes lignes directrices énoncent les principes auxquels se conformera l’Autorité dans son application de l’article 61 et de l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE au financement par l’État du service public de radiodiffusion. Le respect de ces principes rendra la politique de l’Autorité dans ce domaine aussi transparente que possible.

24C.2.   Le rôle du service public de radiodiffusion

1)

Aux termes de la résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres de la Communauté européenne, réunis au sein du Conseil, du 1er janvier 1999, concernant le service public de radiodiffusion (ci-après: «la résolution») (2), «le service public de radiodiffusion, eu égard aux fonctions culturelles, sociales et démocratiques qu’il assume pour le bien commun, revêt une importance vitale pour ce qui est d’assurer la démocratie, le pluralisme, la cohésion sociale et la diversité culturelle et linguistique».

2)

Le service public de radiodiffusion, bien qu’il ait indéniablement une importance économique, n’est pas comparable au service public tel qu’il s’exerce dans les autres secteurs économiques. Il n’existe pas d’autre service qui, simultanément, dispose d’un accès aussi large à la population, lui fournisse autant d’informations et de contenus et qui, ce faisant, relaie et influence les opinions individuelles comme l’opinion publique.

3)

Le service public de radiodiffusion a un rôle important à jouer pour promouvoir la diversité culturelle dans chaque État, proposer des programmes éducatifs, informer objectivement le public, garantir le pluralisme et offrir de manière démocratique et gratuite un divertissement de qualité (3).

4)

De plus, la radiodiffusion est généralement perçue comme une source d’information très fiable et constitue la principale source d’information d’une partie non négligeable de la population. Elle enrichit ainsi le débat public et, en définitive, garantit à tous les citoyens un degré équitable de participation à la vie publique.

5)

Le rôle du service public (4) en général est consacré par l’accord EEE, dont la principale disposition en la matière est l’article 59, paragraphe 2, libellé en ces termes: «Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent accord, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement, en droit ou en fait, de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt des parties contractantes».

6)

La Cour de justice des Communautés européennes a reconnu dans deux arrêts que les services de radiodiffusion télévisuelle pouvaient être considérés comme des «services d’intérêt économique général» au sens de l’article 86, paragraphe 2, du traité CE (5). Elle a rappelé que ces services sont soumis aux règles de la concurrence, sauf s’il est démontré que l’application de ces règles est incompatible avec l’exercice de leur mission (6).

7)

La résolution, tenant compte de la nature particulière du secteur de la radiodiffusion, a défini les principes et les conditions censés régir l’application à ce secteur des dispositions du traité instituant la Communauté européenne:

«Les dispositions du traité instituant la Communauté européenne sont sans préjudice de la compétence des États membres de pourvoir au financement du service public de radiodiffusion, dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l’accomplissement de la mission de service public telle qu’elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre, et dans la mesure où ce financement n’altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure qui serait contraire à l’intérêt commun, étant entendu que la réalisation du mandat de ce service public doit être prise en compte».

La résolution ayant été intégrée à l’accord EEE en tant qu’acte dont les parties contractantes prennent acte (7), des principes similaires aux principes précités s’appliqueraient dans l’EEE.

8)

La résolution réaffirme également l’importance du service public de radiodiffusion pour la vie sociale, démocratique et culturelle: «L’accès étendu du public, sans discrimination et sur la base de l’égalité de traitement, à diverses chaînes et divers services constitue une condition préalable nécessaire si l’on veut satisfaire à l’obligation particulière qui incombe au service public de radiodiffusion». De plus, le service public de radiodiffusion doit «bénéficier des progrès technologiques», «faire bénéficier le public des nouveaux services audiovisuels et d’information et des nouvelles technologies» et œuvrer pour «le développement et la diversification des activités de l’ère numérique». Enfin, «le service public de radiodiffusion doit être en mesure de continuer à proposer un large éventail de programmes, conformément à sa mission telle que définie par les États membres, afin de s’adresser à la société dans son ensemble; dans ce contexte, il est légitime que le service public de radiodiffusion s’efforce de toucher un large public».

9)

Compte tenu de ces caractéristiques, qui sont propres au secteur de la radiodiffusion, une mission de service public couvrant «un large éventail de programmes, conformément à sa mission», selon les termes de la résolution, peut en principe être considérée comme légitime, en ce qu’elle vise à établir une programmation équilibrée et variée, permettant aux organismes publics de radiodiffusion de conserver un certain taux d’audience, et à assurer ainsi l’accomplissement de leur mission, qui consiste à satisfaire aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de la société et à garantir le pluralisme.

10)

Il convient de noter que les opérateurs privés, dont un certain nombre sont également soumis à des obligations de service public, participent eux aussi à la réalisation des objectifs de la résolution, dans la mesure où ils contribuent à assurer le pluralisme, enrichissent le débat culturel et politique et élargissent le choix de programmes.

24C. 3.   Contexte juridique

1)

L’application au service public de radiodiffusion des règles relatives aux aides d’État suppose la prise en considération d’un grand nombre d’éléments différents. Dans l’accord EEE, l’article 61 porte sur les aides d’État, et l’article 59, paragraphe 2, sur l’application des dispositions de l’accord, et, en particulier des règles de concurrence, aux services d’intérêt économique général. Le protocole 3 de l’accord «Surveillance et Cour de justice» définit les règles de procédure applicables en matière d’aides d’État.

2)

Pour les Communautés européennes, le traité d’Amsterdam a introduit une disposition spécifique sur les services d’intérêt économique général (article 16 du traité CE), et un protocole interprétatif sur le système de radiodiffusion publique. Le traité de Maastricht avait déjà introduit dans le traité CE un article définissant le rôle de la Communauté dans le domaine de la culture (article 151 du traité) et une clause de compatibilité éventuelle des aides d’État destinées à promouvoir la culture (article 87, paragraphe 3, point d). L’accord EEE ne prévoit pas d’«exemption culturelle» analogue à l’article 87, paragraphe 3, point d), du traité CE, ce qui ne signifie cependant pas que toute exemption soit exclue pour ces mesures. Comme l’a déjà admis l’Autorité dans des cas précédents, de telles mesures de soutien peuvent être autorisées pour des raisons culturelles, en vertu de l’article 61, paragraphe 3, point c) de l’accord EEE (8).

3)

La directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (9), telle que modifiée par la directive 97/36/CE du Parlement européen et du Conseil (10), a été intégrée à l’annexe X de l’accord EEE (11). La directive 80/723/CEE du 25 juin 1980 relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises (12), telle que modifiée par la directive 2000/52/CE de la Commission (13), a été intégrée à l’accord EEE par la décision no 6/2001 du Comité mixte de l’EEE (14). Ces règles peuvent être interprétées par la Cour AELE dans le cadre du «pilier AELE», ainsi que par la Cour de justice et le Tribunal de première instance des Communautés européennes dans le cadre du «pilier communautaire». L’Autorité a aussi adopté plusieurs lignes directrices sur l’application des règles relatives aux aides d’État, qui correspondent à des communications similaires de la Commission européenne.

24C.4.   Applicabilité de l’article 61, paragraphe 1, de l’accord EEE

24C.4.1.   Caractère d’aide d’État du financement public des organismes publics de radiodiffusion

1)

L’article 61, paragraphe 1, de l’accord EEE dispose que: «Sauf dérogations prévues par le présent accord, sont incompatibles avec le fonctionnement du présent accord, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les parties contractantes, les aides accordées par les États membres de la CE ou par les États de l’AELE ou accordées au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.»

2)

Seul l’effet, et non l’objet, de l’intervention publique est déterminant pour juger de son caractère d’aide d’État au sens de l’article 61, paragraphe 1, de l’accord EEE. Le financement public d’organismes publics de radiodiffusion doit généralement être considéré comme une aide d’État, dans la mesure où il répond aux critères énumérés ci-dessus. Ces organismes sont habituellement financés sur le budget de l’État ou par une redevance qui frappe les détenteurs de téléviseurs. Dans certains cas, l’État effectue des apports de capital ou des remises de dettes en faveur d’organismes publics de radiodiffusion. Ces mesures financières émanent normalement des pouvoirs publics et entraînent le transfert de ressources d’État. De plus, si elles ne respectent pas le critère de l’investisseur en économie de marché, conformément au chapitre 19 des lignes directrices de l’Autorité sur les prises de participation publiques et au chapitre 20 sur l’application aux entreprises publiques du secteur manufacturier des dispositions relatives aux aides d’État (15), elles ne favorisent généralement que certains radiodiffuseurs et peuvent donc fausser la concurrence. Bien évidemment, l’existence d’aides d’État devra être déterminée cas par cas, en tenant notamment compte des caractéristiques spécifiques du financement (16).

3)

Comme l’a observé la Cour de justice des Communautés européennes, «lorsqu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide» (17). D’une manière générale, on peut donc considérer que le financement par l’État des organismes publics de radiodiffusion influence les échanges entre les parties contractantes. C’est à l’évidence le cas en ce qui concerne l’acquisition et la vente de droits de diffusion, qui se font souvent à l’échelon international. La publicité également, dans le cas des radiodiffuseurs publics autorisés à vendre des espaces publicitaires, a une incidence transfrontalière, notamment dans les zones linguistiques homogènes qui s’étendent de part et d’autre des frontières nationales. De plus, la structure de l’actionnariat des radiodiffuseurs commerciaux peut s’étendre à plusieurs États de l’EEE.

4)

Selon la jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance des Communautés européennes (18), d’une manière générale, toute ressource publique transférée à une entreprise déterminée doit être considérée comme une aide d’État (pour autant que toutes les conditions d’application de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE soient réunies). Toutefois, dans son arrêt Altmark Trans GmbH  (19) (ci-après, «l’arrêt Altmark»), la Cour a dit pour droit que «dans la mesure où une intervention étatique doit être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et que ladite intervention n’a donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises qui leur font concurrence, une telle intervention ne tombe pas sous le coup de l’article 92, paragraphe 1, du traité [à présent l’article 87, paragraphe 1, du traité CE]».

5)

Selon l’arrêt Altmark, quatre conditions doivent néanmoins être réunies pour qu’une telle compensation ne relève pas de la catégorie des aides d’État:

«—

Premièrement, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies […].

Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente, afin d’éviter qu’elle comporte un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes […].

Troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations […].

Quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’obligations de service public, dans un cas concret, n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations».

6)

L’Autorité tiendra compte de cette interprétation de la Cour de justice des Communautés européennes pour apprécier, conformément à l’article 61, paragraphe 1, de l’accord EEE, les compensations versées au titre du service public. Les soutiens publics remplissant les critères précités ne constituent donc pas des aides d’État au sens de l’article 61, paragraphe 1, de l’accord EEE et ne doivent pas être notifiés à l’Autorité.

24C.4.2.   Nature de l’aide: aides existantes et aides nouvelles

1)

Les régimes de financement actuellement en vigueur dans la plupart des États de l’AELE sont anciens. L’Autorité doit par conséquent vérifier au préalable si ces régimes peuvent être considérés comme des «aides existantes» au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la partie I du protocole 3 de l’accord «Surveillance et Cour de justice» (20).

2)

Les aides existantes sont régies par l’article 1er, paragraphe 1, de la partie I du protocole 3 de l’accord «Surveillance et Cour de justice», qui dispose que: «L’Autorité de surveillance AELE procède avec les États de l’AELE à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement de l’accord EEE.»

3)

Conformément à l’article 1er, point b) i), de la partie II du protocole 3 de l’accord «Surveillance et Cour de justice», la notion d’aide existante englobe «toute aide existant avant l’entrée en vigueur de l’accord EEE dans l’État de l’AELE concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et aides individuelles mis à exécution avant, et toujours applicables après, ladite entrée en vigueur».

4)

L’article 1er, point b) v), de la partie II du protocole 3 de l’accord «Surveillance et Cour de justice» considère aussi comme aide existante «toute aide qui est réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution de l’Espace économique européen et sans avoir été modifiée par l’État de l’AELE […].»

5)

Conformément au protocole 3 de l’accord «Surveillance et Cour de justice» et à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (21), l’Autorité doit vérifier si le cadre juridique dans lequel l’aide est octroyée a changé depuis son adoption. Elle doit prendre en considération l’intégralité des éléments juridiques et économiques liés au système de radiodiffusion de l’État de l’AELE concerné. Bien que les éléments juridiques et économiques entrant en ligne de compte pour cet examen présentent des points communs dans tous les États de l’AELE, l’Autorité estime qu’un examen cas par cas constitue la méthode la plus adaptée.

24C.5.   Appréciation de la compatibilité des aides d’État au regard de l’article 61, paragraphes 2 et 3, de l’accord EEE

1)

L’Autorité doit, pour en apprécier la compatibilité avec le fonctionnement de l’accord EEE, examiner les aides d’État accordées aux organismes publics de radiodiffusion. Les dérogations visées à l’article 61, paragraphes 2 et 3, de l’accord EEE peuvent, le cas échéant, être appliquées.

2)

L’accord EEE ne contient pas de disposition correspondant à l’article 151, paragraphe 4, du traité CE, qui oblige la Commission à tenir compte des aspects culturels dans son action au titre d’autres dispositions du traité, ni d’exemption culturelle analogue à l’article 87, paragraphe 3, point d), du traité CE. Toutefois, cela ne signifie pas que l’application des règles relatives aux aides d’État ne laisse aucune marge pour la prise en considération des aspects culturels. À cet égard, il convient de rappeler que l’Autorité a établi, dans une décision sur des aides d’État norvégiennes à la production cinématographique et aux activités liées au cinéma, que les mesures de soutien au cinéma pouvaient être autorisées pour des raisons culturelles en vertu de l’article 61, paragraphe 3, point c), de l’accord EEE, à condition de tenir suffisamment compte des critères mis au point par la Commission européenne et de ne pas s’écarter de la pratique de la Commission avant l’adoption de l’article 87, paragraphe 3, point d), du traité CE. Deuxièmement, il convient de noter que la Commission, dans sa décision sur les aides NN 49/97 et N 357/1999, concernant un ensemble de mesures de soutien à la production cinématographique et télévisuelle irlandaise, a explicitement souligné que l’introduction de l’article 151, paragraphe 1, et de l’article 87, paragraphe 3, point d), du traité CE n’était pas nécessairement le reflet d’un changement de politique de la Commission à l’égard du secteur culturel. Troisièmement, en ce qui concerne la radiodiffusion, la résolution sur le service public de radiodiffusion reconnaît que ce service assume une fonction culturelle et que la réalisation de la mission de service public devrait être prise en compte dans l’application des règles de concurrence.

3)

C’est à l’Autorité qu’il appartient de statuer sur l’application concrète d’une dérogation au titre de l’article 61, paragraphe 3, de l’accord EEE, et sur les modalités de prise en compte des aspects culturels. Il convient de rappeler que les dispositions permettant de déroger à l’interdiction des aides d’État doivent être appliquées de manière restrictive. Il s’ensuit que, selon la Commission, la notion de «culture» invoquée par l’article 87, paragraphe 3, point d), du traité CE en vue de permettre l’autorisation d’aides par dérogation doit elle aussi être interprétée de façon restrictive. Il en va de même lorsque l’Autorité examine si une mesure peut être exemptée pour des raisons culturelles en vertu de l’article 61, paragraphe 3, point c), de l’accord EEE. Comme la Commission l’a déclaré dans sa décision Kinderkanal et Phoenix, les besoins éducatifs et démocratiques d’un État membre doivent être considérés comme distincts de la promotion de la culture (22). À cet égard, il convient de rappeler qu’une distinction est faite entre les besoins culturels, sociaux et démocratiques de chaque société. L’éducation peut, bien sûr, avoir des aspects culturels.

4)

Souvent, les aides d’État accordées aux organismes publics de radiodiffusion n’opèrent pas de distinction entre ces trois besoins, de sorte que si l’État de l’AELE n’a pas prévu de définition et de financement distincts pour l’octroi d’aides uniquement destinées à promouvoir la culture, les aides en question ne peuvent généralement pas être autorisées sur cette base. En revanche, leur compatibilité peut normalement être appréciée au regard de l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE sur les services d’intérêt économique général. En tout état de cause, quelle que soit la base juridique retenue pour apprécier la compatibilité d’une aide, l’Autorité doit effectuer son examen sur le fond en appliquant les mêmes critères, à savoir ceux qui sont énoncés dans les présentes lignes directrices.

24C.6.   Appréciation de la compatibilité des aides d’État au regard de l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE.

1)

Conformément à la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes, l’article 86 du traité CE (23) constitue une disposition dérogatoire qui doit donc être interprétée de manière restrictive. La Cour a précisé que, pour qu’une mesure puisse bénéficier d’une telle dérogation, toutes les conditions suivantes devaient être réunies:

i)

le service en question doit être un service d’intérêt économique général et être clairement défini en tant que tel par l’État membre (définition);

ii)

l’entreprise concernée doit être explicitement chargée par l’État membre de la fourniture dudit service (mandat);

iii)

l’application des règles de concurrence du traité (en l’espèce, l’interdiction des aides d’État) doit faire échec à l’accomplissement de la mission particulière impartie à l’entreprise, et la dérogation ne doit pas affecter le développement des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté (critère de proportionnalité).

2)

C’est à l’Autorité qu’il appartient d’apprécier le respect de ces critères lorsqu’elle applique l’article correspondant, à savoir l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE aux États de l’AELE.

3)

Dans le cas particulier de la radiodiffusion de service public, l’approche ci-dessus doit être adaptée en fonction de la résolution, qui parle de «la mission de service public telle qu’elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre» (définition et mandat) et prévoit une dérogation aux règles du traité pour le financement du service public de radiodiffusion «dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l’accomplissement de la mission de service public […] et […] n’altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure qui serait contraire à l’intérêt commun, étant entendu que la réalisation du mandat de ce service public doit être prise en compte». (Proportionnalité.)

4)

Comme il ressort de la pratique récente de la Commission européenne, une mesure qui ne remplit pas tous les critères définis dans l’arrêt Altmark devra néanmoins être examinée conformément à l’article 86, paragraphe 2, du traité CE, c’est-à-dire, en l’occurrence, à l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE (24).

24C.6.1.   Définition de la mission de service public

1)

Pour que la condition d’application de l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE mentionnée au point 24C.6.1. soit remplie, il est nécessaire de donner une définition officielle du mandat de service public. Ce n’est qu’une fois cette définition arrêtée que l’Autorité bénéficiera d’une sécurité juridique suffisante pour apprécier si la dérogation prévue à l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE est applicable.

2)

La définition de la mission de service public relève de la compétence des États de l’AELE, qui peuvent prendre des décisions en la matière au niveau national, régional ou local. En général, ils doivent tenir compte, dans l’exercice de cette compétence, du concept de «services d’intérêt économique général». Toutefois, eu égard au caractère particulier du secteur de la radiodiffusion, une définition «large», confiant à un organisme de radiodiffusion donné la mission de fournir une programmation équilibrée et variée en application de son mandat, tout en préservant un certain niveau d’audience, peut être considérée comme légitime au regard de l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE. Une telle définition serait compatible avec l’objectif consistant à satisfaire les besoins démocratiques, sociaux et culturels de la société et à garantir le pluralisme, y compris la diversité culturelle et linguistique.

3)

De même, la mission de service public peut englober certains services qui ne sont pas des «programmes» au sens traditionnel du terme, comme les services d’information en ligne, dans la mesure où, tout en tenant compte du développement et de la diversification des activités de l’ère numérique, ils visent à satisfaire les mêmes besoins démocratiques, sociaux et culturels de la société.

4)

À chaque fois que la portée de la mission de service public sera élargie pour couvrir de nouveaux services, la définition et le mandat devront être modifiés en conséquence, dans les limites de l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE.

5)

L’Autorité a pour mission de vérifier si les États de l’AELE respectent ou non les dispositions de l’accord EEE. En ce qui concerne la définition du service public dans le secteur de la radiodiffusion, son rôle se limite à contrôler s’il y a ou non erreur manifeste. Il ne lui appartient pas de décider si un programme doit être diffusé en tant que service d’intérêt économique général, ni de remettre en cause la nature ou la qualité d’un produit donné. Toutefois, il y aurait erreur manifeste dans la définition de la mission de service public si celle-ci englobait des activités dont on ne peut raisonnablement considérer qu’elles satisfont les «besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société». Ce serait normalement le cas, par exemple, du commerce électronique. À cet égard, il convient de rappeler que la mission de service public décrit les services proposés au public dans l’intérêt général. La question de la définition de la mission de service public ne doit pas être confondue avec celle du mécanisme de financement choisi pour fournir ces services. C’est pourquoi, si les organismes publics de radiodiffusion peuvent exercer des activités commerciales telles que la vente d’espaces publicitaires pour se procurer des revenus, de telles activités ne peuvent normalement pas être considérées comme faisant partie intégrante de la mission de service public.

6)

La définition du mandat de service public devrait être aussi précise que possible. Elle ne devrait laisser aucun doute sur le fait de savoir si l’État de l’AELE entend ou non inclure dans la mission de service public une activité donnée exercée par l’organisme de radiodiffusion choisi. Sans une définition claire et précise des obligations imposées à l’organisme public de radiodiffusion, l’Autorité n’aurait pas la possibilité de remplir les missions qui lui incombent en vertu de l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE, et ne pourrait donc accorder aucune exemption au titre de cette disposition.

7)

Une définition claire des activités relevant de la mission de service public est également importante pour permettre aux opérateurs n’exerçant pas cette mission de planifier leurs activités.

8)

Enfin, les termes de la mission de service public doivent être précis, afin que les autorités des États de l’AELE puissent effectivement en contrôler le respect, ainsi qu’il est décrit au chapitre suivant.

24C.6.2.   Mandat et contrôle

1)

Pour pouvoir bénéficier d’une exemption au titre de l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE, la mission de service public devrait être confiée à une ou plusieurs entreprises au moyen d’un acte officiel (acte législatif, contrat ou mandat).

2)

Toutefois, il ne suffit pas que l’organisme public de radiodiffusion soit officiellement chargé de fournir un service public bien défini. Il faut aussi que ce service public soit effectivement fourni selon les modalités définies dans le document officiel négocié entre l’État et l’entreprise mandatée. Il est donc souhaitable qu’une autorité compétente ou un organisme désigné à cet effet en contrôle l’application. La nécessité d’une telle autorité compétente ou d’un tel organisme pour exercer ce contrôle est évidente dans le cas de l’imposition de normes de qualité à l’opérateur. Ce n’est pas à l’Autorité qu’il appartient d’apprécier le respect des normes de qualité: elle doit pouvoir s’appuyer sur un contrôle adéquat par les États de l’AELE.

3)

C’est à l’État de l’AELE qu’il appartient de choisir le mécanisme propre à assurer un contrôle efficace du respect des obligations de service public. Un tel organisme ne peut être considéré comme exerçant efficacement ses attributions que s’il est indépendant de l’entreprise mandatée.

4)

En l’absence d’indices suffisants et fiables permettant d’établir que le service public est effectivement fourni selon les termes du mandat, l’Autorité ne pourrait pas accomplir les missions qui lui sont assignées par l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE, et ne pourrait donc accorder aucune exemption en vertu de cette disposition.

24C.6.3.   Financement du service public de radiodiffusion et critère de proportionnalité

24C.6.3.1.   Choix du financement

1)

Les obligations de service public peuvent être soit quantitatives, soit qualitatives, ou les deux. Quelle que soit leur forme, elles peuvent justifier une compensation, pour autant qu’elles entraînent des coûts supplémentaires que le radiodiffuseur n’aurait normalement pas eu à supporter.

2)

Les systèmes de financement peuvent être divisés en deux grandes catégories: le «financement unique» et le «financement mixte». Le «financement unique» englobe les systèmes dans le cadre desquels le service public de radiodiffusion est uniquement financé par des fonds publics, quelle qu’en soit la forme. Les systèmes de «financement mixte» recouvrent de nombreux mécanismes dans le cadre desquels le service public de radiodiffusion est financé, dans des proportions variables, à la fois par des fonds publics et par les recettes tirées d’activités commerciales, comme la vente d’espaces publicitaires ou de programmes.

3)

Aux termes de la résolution sur le service public de radiodiffusion, «Les dispositions du traité sont sans préjudice de la compétence des États membres de pourvoir au financement du service public de radiodiffusion…». Cela inclut le choix du système de financement. Tant que la concurrence sur les marchés en cause (tels que ceux de la publicité et de l’acquisition et/ou de la vente de programmes) n’est pas affectée dans une mesure contraire à l’intérêt commun, il n’y a aucune objection de principe à ce qu’un système de financement mixte (associant ressources publiques et recettes publicitaires) soit choisi, de préférence à un système de financement unique (uniquement basé sur des fonds publics).

4)

Si les États de l’AELE sont libres de choisir le mode de financement de leur service public de radiodiffusion, l’Autorité doit, conformément à l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE, vérifier que les dérogations à l’application normale des règles de concurrence pour la prestation d’un service d’intérêt économique général n’affectent pas la concurrence dans l’EEE de façon disproportionnée. Il s’agit d’un test à caractère «négatif», dans la mesure où il consiste à vérifier que la mesure adoptée n’est pas disproportionnée. De plus, les aides ne doivent pas affecter le développement des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

5)

La résolution confirme la pertinence de cette approche pour le service public de radiodiffusion, puisqu’elle rappelle que le financement ne doit pas «altérer les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure qui serait contraire à l’intérêt commun, étant entendu que la réalisation du mandat de ce service public doit être prise en compte».

24C.6.3.2.   Obligations de transparence pour l’appréciation des aides d’État

1)

L’appréciation par l’Autorité évoquée ci-dessus suppose que la mission de service public soit définie avec clarté et précision et qu’une distinction claire et pertinente soit faite entre les activités qui relèvent du service public et les autres. La tenue de comptes séparés entre ces deux sphères est normalement déjà exigée au niveau national, afin que l’utilisation des fonds publics soit transparente et contrôlable. Des comptes séparés sont aussi nécessaires pour que l’Autorité puisse appliquer le critère de proportionnalité. C’est pour elle un moyen non seulement d’examiner la présence d’éventuelles subventions croisées, mais aussi de défendre les compensations justifiées par l’accomplissement de missions d’intérêt économique général. Ce n’est que sur la base d’une répartition appropriée des produits et des charges qu’il est possible de déterminer si le financement public se limite véritablement aux coûts net de la mission de service public, et donc s’il peut être autorisé en application de l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE.

2)

Les obligations de transparence dans les relations financières entre les pouvoirs publics et les entreprises publiques et au sein des entreprises investies de droits spéciaux ou exclusifs, ou chargées d’un service d’intérêt économique général, sont énoncées dans la directive 80/723/CEE (25).

3)

La directive 80/723/CEE invite les États de l’AELE à prendre les mesures requises en vue de garantir, pour toute entreprise titulaire de droits spéciaux ou exclusifs ou chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général, qui reçoit des aides d’État sous quelque forme que ce soit et exerce d’autres activités (c’est-à-dire des activités ne relevant pas du service public): a) que les comptes internes correspondant aux différentes activités (celles relevant du service public et les autres) soient séparés; b) que tous les produits et charges soient correctement imputés ou répartis sur la base de principes de comptabilité analytique appliqués de manière cohérente et objectivement justifiables; c) que les principes de comptabilité analytique selon lesquels les comptes séparés sont établis soient clairement définis.

4)

Les obligations générales en matière de transparence s’appliquent aussi aux radiodiffuseurs, comme le rappelle le cinquième considérant de la directive 2000/52/CE (26). Ces nouvelles obligations s’appliquent aux organismes publics de radiodiffusion, dans la mesure où ils bénéficient d’aides d’État, et sont chargés de la gestion d’un service d’intérêt économique général pour lequel les aides n’ont pas été accordées pour une période appropriée et à l’issue d’une procédure ouverte, transparente et non discriminatoire. L’obligation de tenir des comptes séparés ne s’applique pas aux organismes publics de radiodiffusion dont les activités se limitent à la fourniture de services d’intérêt économique général, et qui n’exercent pas d’activités en dehors de ces services.

5)

Dans le secteur de la radiodiffusion, la séparation des comptes ne pose pas de problème particulier en ce qui concerne les produits, mais elle peut être malaisée, voire impossible, en ce qui concerne les charges. Cela tient au fait que, dans ce secteur, les États de l’AELE peuvent considérer que la totalité de la programmation des radiodiffuseurs est couverte par la mission de service public, tout en autorisant son exploitation commerciale. En d’autres termes, des activités différentes peuvent, dans une large mesure, partager les mêmes intrants.

6)

C’est pourquoi l’Autorité estime que, en ce qui concerne les produits, les radiodiffuseurs devraient fournir un compte détaillé des sources et des montants de l’ensemble des revenus tirés d’activités ne relevant pas du service public.

7)

En ce qui concerne les dépenses, les coûts propres aux activités ne relevant pas du service public doivent être clairement identifiés. En outre, lorsque les mêmes ressources — en personnel, équipements, installations fixes, etc. — sont utilisées pour les deux types d’activités (de service public et autres), leurs coûts devraient être affectés en fonction de la différence entre le montant des coûts totaux de l’entreprise en y incluant les activités hors service public, et ce que seraient ces coûts abstraction faite de ces mêmes activités (27).

8)

Cela signifie que, contrairement à l’approche généralement adoptée pour d’autres services publics, les coûts qui sont entièrement imputables aux activités de service public, mais qui profitent aussi à des activités commerciales, n’ont pas à être répartis entre les deux types d’activités et peuvent être intégralement affectés au service public. Cela peut par exemple être le cas pour les coûts de production d’un programme diffusé dans le cadre de la mission de service public, mais également vendu à d’autres organismes de radiodiffusion. Le principal exemple reste cependant celui de l’audience, qui est générée à la fois pour remplir la mission de service public et pour vendre des espaces publicitaires. On considère qu’une ventilation intégrale de ces charges entre les deux activités risque d’être arbitraire et peu significative. Toutefois, lors de la définition de la politique de prix, il convient de ne pas confondre la ventilation des coûts aux fins de la transparence des comptes, et le recouvrement des coûts. Cette dernière question est examinée au point 24.C.6.3.3.2. ci-après.

24C.6.3.3.   Proportionnalité

1)

Lorsqu’elle applique le critère de proportionnalité, l’Autorité part du principe que le financement par l’État est normalement nécessaire pour permettre à l’organisme d’exercer ses missions de service public. Toutefois, pour que ce critère soit respecté, il faut que les aides d’État n’excèdent pas les coûts nets induits par la mission de service public, compte tenu des autres recettes directes ou indirectes tirées de cette dernière. C’est pourquoi il sera tenu compte, pour apprécier la proportionnalité de l’aide, des bénéfices nets que les activités commerciales retirent du service public.

2)

Par ailleurs, le marché peut subir des distorsions qui ne sont pas nécessaires à l’accomplissement de la mission de service public. Ainsi un radiodiffuseur de service public peut-il être incité, si son manque à gagner est couvert par l’aide, à faire baisser les prix sur le marché de la publicité ou d’autres activités ne relevant pas du service public, de façon à réduire les recettes de ses concurrents. Un tel comportement, s’il était avéré, ne pourrait pas être considéré comme inhérent à la mission de service public confiée au radiodiffuseur. Lorsqu’un radiodiffuseur de service public abaisse le prix d’une activité ne relevant pas du service public à un niveau inférieur à ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts de fourniture isolée (stand alone costs) qui devraient normalement être recouvrés par un opérateur commercial efficient se trouvant dans une situation semblable, on peut considérer que l’on se trouve en présence d’une compensation allant au-delà de ce qui aurait été strictement nécessaire au respect de ses obligations de service public. En tout état de cause, cela affecterait les échanges et la concurrence dans l’EEE dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

3)

C’est pourquoi, lorsqu’elle appliquera le critère de proportionnalité, l’Autorité examinera si une éventuelle distorsion de la concurrence due aux aides accordées peut ou non se justifier par la nécessité d’accomplir la mission de service public, telle que définie par l’État de l’AELE, et de la financer. Le cas échéant, l’Autorité prendra également des mesures fondées sur d’autres dispositions de l’accord EEE.

4)

L’analyse des effets de l’aide d’État sur la concurrence et le développement des échanges devra nécessairement prendre en considération les caractéristiques propres de chaque situation. La présente communication ne saurait décrire concrètement la structure concurrentielle et les autres caractéristiques de chacun des marchés, car il existe généralement de très grandes différences entre les uns et les autres. Pour cette même raison, les présentes lignes directrices ne peuvent pas indiquer a priori sous quelles conditions les prix pratiqués par les radiodiffuseurs de service public seront conformes aux principes exposés au point 24.C.6.3.3.2. Aussi l’appréciation, sur la base de l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE, de la compatibilité d’une aide d’État en faveur d’un organisme public de radiodiffusion ne peut-elle se faire en dernière analyse que cas par cas, selon la pratique de l’Autorité en la matière.

5)

Dans son appréciation, l’Autorité tiendra également compte du fait que, si une aide d’État est nécessaire au respect d’une obligation de service public, le système dans son ensemble peut aussi avoir l’avantage de maintenir une possibilité de choix du côté de l’offre sur certains marchés en cause (28). Il convient cependant de mettre en balance cet avantage et les éventuels effets négatifs de l’aide, qui peut par exemple empêcher d’autres opérateurs de s’implanter sur ces marchés et en renforcer ainsi la structure oligopolistique, ou inciter les opérateurs de service public à adopter des comportements anticoncurrentiels sur les marchés en cause.

6)

En outre, l’Autorité tiendra compte des difficultés que peuvent éprouver certains États de l’AELE à réunir les fonds nécessaires lorsque les coûts du service public par habitant sont plus élevés, toutes choses étant égales par ailleurs (29).


(1)  Le présent chapitre s’inspire dans une large mesure de la communication de la Commission concernant l’application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d’État (JO C 320 du 15.11.2001, p. 5).

(2)  JO C 30 du 5.2.1999, p. 1, intégrée à l’annexe X, point 4, de l’accord EEE, en tant qu’acte dont les parties contractantes prennent acte, par décision du Comité mixte de l’EEE no 118/1999, [JO L 325 du 21.12.2000, p. 33. et supplément EEE no 60 du 21.12.2000, p. 423 (islandais) et p. 424 (norvégien)], entrée en vigueur le 1.10.1999.

(3)  «L’ère numérique et la politique audiovisuelle européenne», rapport du groupe de réflexion à haut niveau sur la politique audiovisuelle, 1998.

(4)  Aux fins des présentes lignes directrices, le «service public» correspond aux «services d’intérêt économique général» au sens de l’article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE.

(5)  Article 86, paragraphe 2, du traité CE et article 59, paragraphe 2, de l’accord EEE.

(6)  Affaire T-69/89, Radio Telefis Eireann contre Commission, Rec. 1991, p. II-485, point 82; affaire 155/73, Giuseppe Sacchi, Rec. 1974, p. 409, point 15.

(7)  Voir la note 2 de bas de page.

(8)  Décision de l’Autorité de surveillance AELE no 32/02/COL du 20.2.2002 concernant la production cinématographique et les activités liées au cinéma en Norvège. Pour de plus amples précisions, se reporter au point 24.C.5.2. des présentes lignes directrices.

(9)  JO L 298 du 17.10.1989, p. 23.

(10)  JO L 202 du 30.7.1997, p. 60.

(11)  Par la décision du Comité mixte de l’EEE no 82/1999 [JO L 296 du 23.11.2000, p. 39. et supplément EEE no 54 du 23.11.2000, p. 99 (islandais) et partie 2, p. 69 (norvégien)], entrée en vigueur le 1.7.2000.

(12)  JO L 195 du 29.7.1980, p. 35, intégrée à l’annexe XV de l’accord EEE.

(13)  JO L 193 du 29.7.2000, p. 75.

(14)  JO L 66 du 8.3.2001, p. 48 et supplément EEE no 12 du 8.3.2001, p. 6, entrée en vigueur le 1.6.2002.

(15)  Le chapitre 19 de ces lignes directrices correspond à la communication, publiée au Bulletin des Communautés européennes no 9-1984, sur l’application des (ex-)articles 92 et 93 du traité CEE à la participation des autorités publiques. Le chapitre 20 correspond à la communication de la Commission aux États membres sur l’application des (ex-)articles 92 et 93 du traité CEE (à présent articles 87 et 88 du traité CE) et de l’article 5 de la directive 80/723/CEE de la Commission aux entreprises publiques du secteur manufacturier (JO C 307 du 13.11.1993, p. 3).

(16)  Voir les décisions de la Commission concernant l’aide NN 88/98, Financement d’une chaîne d’information diffusant 24 heures sur 24 par la BBC, sans publicité, avec redevance (JO C 78 du 18.3.2000, p. 6) et l’aide NN 70/98, Aide d’État en faveur des chaînes publiques de radiodiffusion Kinderkanal et Phoenix (JO C 238 du 21.8.1999, p. 3).

(17)  Affaires 730/79, Philip Morris Holland contre Commission, Rec. 1980, p. 2671, point 11; C-303/88, Italie contre Commission, Rec. 1991, p. I-1433, point 27; C-156/98, et Allemagne contre Commission, Rec. 2000, p. I-6857, point 33.

(18)  Affaires T-106/95, FFSA et autres contre Commission, Rec. 1997, p. II-229; T-46/97, SIC contre Commission, Rec. 2000, p. II-2125 et C-332/98, France contre Commission, Rec. 2000, p. I-4833.

(19)  Affaire C-280/00, Altmark Trans GmbH, Regierungspräsidium Magdeburg contre Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH, Rec. 2003, p. I-7747, points 87 et suivants.

(20)  Qui correspond à l’article 88, paragraphe 1, du traité CE.

(21)  Affaire C-44/93, Namur-Les Assurances du Crédit SA contre Office national du Ducroire et État belge, Rec. 1994, p. I-3829.

(22)  Voir note 16 de bas de page.

(23)  L’article 86 du traité CE correspond à l’article 59 de l’accord EEE.

(24)  Décisions de la Commission C62/1999, RAI, point 99 et C85/2001, RTP, point 158.

(25)  Voir note 12 de bas de page.

(26)  Voir les notes 13 et 14 de bas de page.

(27)  Cela implique de se placer dans la situation hypothétique d’une cessation des activités qui ne relèvent pas du service public. Les coûts qui seraient ainsi épargnés représentent la fraction des coûts communs à imputer à ces activités.

(28)  Cela ne signifie pas qu’une aide d’État puisse constituer un moyen justifié d’accroître l’offre et la concurrence sur un marché. Une aide d’État qui permet à un opérateur de se maintenir sur un marché malgré des pertes récurrentes provoque une importante distorsion de concurrence, car elle se traduit à long terme par une inefficience accrue, une offre plus restreinte et des prix plus élevés pour les consommateurs. Lever les barrières juridiques et économiques à l’entrée, mettre en œuvre une véritable politique de lutte contre les ententes et promouvoir le pluralisme sont des instruments autrement plus efficaces dans cette optique. Les monopoles naturels sont normalement soumis à une réglementation.

(29)  Des difficultés similaires peuvent surgir lorsque la radiodiffusion de service public s’adresse à des minorités linguistiques ou répond à des besoins locaux.