E1999C0149

Décision de l'Autorité de surveillance AELE nº 149/99/COL du 30 juin 1999 instaurant des lignes directrices concernant l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises et modifiant pour la dix-neuvième fois les règles de procédure et de fond dans le domaine des aides d'État

Journal officiel n° L 137 du 08/06/2000 p. 0020 - 0027


Décision de l'Autorité de surveillance AELE

n° 149/99/COL

du 30 juin 1999

instaurant des lignes directrices concernant l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises et modifiant pour la dix-neuvième fois les règles de procédure et de fond dans le domaine des aides d'État

L'AUTORITÉ DE SURVEILLANCE AELE,

vu l'accord sur l'Espace économique européen(1), et notamment ses articles 61 à 63,

vu l'accord entre les États de l'AELE relatif à l'institution d'une Autorité de surveillance et d'une Cour de justice(2), et notamment l'article 1er de son protocole 3,

considérant que, conformément à l'article 24 de l'accord "surveillance et Cour de justice", l'Autorité de surveillance AELE applique les dispositions de l'accord EEE en matière d'aides d'État;

considérant que, conformément à l'article 5, paragraphe 2, point b), de l'accord "surveillance et Cour de justice", l'Autorité de surveillance AELE publie des notes et des directives sur les sujets traités dans l'accord EEE, si celui-ci ou l'accord "surveillance et Cour de justice" le prévoient expressément, ou si l'Autorité de surveillance AELE le considère nécessaire;

rappelant les règles de procédure et de fond dans le domaine des aides d'État(3) adoptées le 19 janvier 1994 par l'Autorité de surveillance AELE(4);

considérant que la Commission a adopté le 11 novembre 1998 une communication sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (JO C 384 du 10.12.1998);

considérant qu'il convient de garantir une application uniforme des règles de l'EEE en matière d'aides d'État dans l'ensemble de l'Espace économique européen;

considérant que, conformément au point II de la section "REMARQUE GÉNÉRALE" figurant à la fin de l'annexe XV de l'accord EEE, l'Autorité de surveillance AELE doit adopter, après consultation de la Commission, des actes correspondant à ceux adoptés par la Commission, afin de préserver l'équivalence des conditions de concurrence;

ayant consulté la Commission,

considérant qu'il est nécessaire de donner des orientations aux autorités nationales en indiquant les principes et les règles selon lesquels l'Autorité de surveillance AELE appliquera les règles de l'EEE en matière d'aides aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises;

considérant que l'Autorité de surveillance AELE a consulté les États de l'AELE au sujet de l'introduction des nouvelles lignes directrices lors de réunions multilatérales, concernant les aides tenues les 26 octobre 1998 et 23 février 1999, ainsi que par écrit,

DÉCIDE:

1. Un nouveau chapitre, le chapitre 17B concernant l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises, tel qu'il figure à l'annexe I de la présente décision, est inséré dans l'encadrement des aides d'État.

2. La présente décision, y compris son annexe I, est publiée dans la section EEE et aux supplément EEE du Journal officiel des Communautés européennes.

3. Les États de l'AELE sont informés par communication d'une copie de la décision, y compris de son annexe I.

4. La Commission est informée, conformément au point d) du protocole 27 de l'accord EEE, par communication d'une copie de la décision, y compris de son annexe I.

5. Le texte en langue anglaise de la présente décision fait foi.

Fait à Bruxelles, le 30 juin 1999.

Par l'Autorité de surveillance AELE

Le président

Knut Almestad

(1) Ci-après dénommé "accord EEE".

(2) Ci-après dénommé "accord 'surveillance et Cour de justice'".

(3) Également dénommées "encadrement des aides d'État".

(4) Publiées initialement au JO L 240 du 15.9.1994 et dans son supplément EEE n° 34 de la même date; dernière modification (18e) adoptée par la décision n° 113/99/COL du 4 juin 1999 (voir page 11 du présent Journal officiel).

ANNEXE I

"17B. APPLICATION DES RÈGLES RELATIVES AUX AIDES D'ÉTAT AUX MESURES RELEVANT DE LA FISCALITÉ DIRECTE DES ENTREPRISES(1)

17B.1. Introduction

(1) Les lignes directrices contenues dans le présent chapitre s'inscrivent dans le cadre de l'objectif général qui consiste à clarifier et à renforcer l'application des règles en matières d'aides d'État en vue de réduire les distorsions de concurrence à l'intérieur de l'Espace économique européen. Le principe d'incompatibilité avec le fonctionnement de l'accord EEE et les dérogations à ce principe prévues par ces règles s'appliquent aux aides 'sous quelque forme que ce soit', et notamment à certaines mesures fiscales. La qualification d'aide au sens de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE nécessite des clarifications que les présentes lignes directrices se proposent d'apporter. Ces clarifications sont particulièrement importantes en raison des obligations procédurales qui découlent de la qualification d'aide et des conséquences du non-respect de ces obligations par les États de l'AELE.

(2) À la suite de l'achèvement du marché unique et de son extension à l'EEE, notamment par la libéralisation des mouvements de capitaux, il est également apparu nécessaire d'examiner les effets particuliers des aides accordées sous forme fiscale et d'en préciser les conséquences du point de vue de l'examen de leur compatibilité avec le fonctionnement de l'accord EEE.

(3) La Cour de justice de l'AELE a considéré(2) que, en règle générale, les systèmes fiscaux des États de l'AELE/EEE n'étaient pas couverts par l'accord EEE. Il convient d'en déduire qu'il appartient à chacun de ces États de concevoir et d'appliquer un système fiscal répondant à ses propres choix politiques. La Cour de justice de l'AELE a également considéré que, dans certains cas cependant, un tel système fiscal pouvait avoir des conséquences de nature à le faire entrer dans le champ d'application de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE. Les présentes lignes directrices visent à clarifier les circonstances dans lesquelles de telles conséquences peuvent se produire.

(4) Outre l'objectif de transparence et de prévisibilité des décisions de l'Autorité de surveillance de l'AELE, les présentes lignes directrices visent également à assurer la cohérence et l'égalité de traitement entre les États de l'EEE. En ce qui concerne les règles de procédure applicables aux aides nouvelles et existantes, l'Autorité entend appliquer les présentes lignes directrices cas par cas, afin d'examiner la compatibilité des nouvelles dispositions fiscales introduites dans les États de l'AELE avec les règles sur les aides d'État de l'accord EEE et s'y référer pour l'examen des aides existantes.

17B.2. Compétences dans le cadre de l'accord EEE

(1) Il appartient à l'Autorité de surveillance AELE d'examiner les aides accordées par les États de l'AELE/EEE pour s'assurer de leur compatibilité avec les règles sur les aides d'État contenues dans l'accord EEE. Les principales dispositions de l'accord EEE en matière d'aides d'État sont identiques quant au fond à celles du traité CE(3). Selon une jurisprudence bien établie de la Cour de justice des Communautés européennes, le caractère fiscal d'une mesure ne la protège pas de l'application de l'article 87 (ex article 92) du traité CE. La notion d'aide d'État contenue dans l'accord EEE doit être interprétée de la même manière sur tout le territoire de l'EEE; cela vaut aussi lorsque l'aide revêt la forme d'une mesure fiscale.

(2) En outre, les distorsions de concurrence provoquées par de nouvelles aides de ce type sont soumises à un système d'autorisation préalable de l'autorité de surveillance compétente telle qu'elle est définie à l'article 62 de l'accord EEE, sous réserve de contrôle par la juridiction compétente. Conformément à l'article 1er, paragraphe 3, du protocole 3 de l'accord 'surveillance et Cour de justice', les États de l'AELE doivent notifier les nouvelles aides d'État à l'Autorité de surveillance AELE. Les États de l'AELE ne peuvent mettre leurs projets d'aides à exécution sans attendre l'approbation de l'Autorité. L'Autorité examine la compatibilité des aides, non pas en fonction des formes qu'elles peuvent revêtir mais en fonction de leurs effets. Elle peut décider que l'État de l'AELE concerné doit modifier ou supprimer les aides dont elle a constaté l'incompatibilité avec le fonctionnement de l'accord EEE. Lorsque les aides en cause ont déjà été mises en oeuvre, en violation des règles de procédure, et lorsque l'Autorité constate qu'elles ne sont pas compatibles avec l'accord EEE, l'État de l'AELE est en principe tenu de récupérer ces aides auprès de leur(s) bénéficiaire(s).

17B.3. Application de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE aux mesures fiscales

(1) L'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE dispose que 'sont incompatibles avec le fonctionnement du présent accord, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les parties contractantes, les aides accordées par les États membres de la CE ou par les États de l'AELE ou accordées au moyen de ressources d'État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions'. Pour l'application des règles de l'EEE en matière d'aides d'État, le caractère fiscal d'une mesure n'entre pas en ligne de compte puisque l'article 61 s'applique aux mesures d'aides 'sous quelque forme que ce soit'. Pour être qualifiée d'aide au sens de l'article 61, une mesure doit satisfaire cumulativement les critères développés ci-dessous.

(2) En premier lieu, la mesure doit procurer à ses bénéficiaires un avantage qui allège les charges qui normalement grèvent leur budget. Un tel avantage peut être procuré par une réduction de la charge fiscale de l'entreprise sous différentes formes et notamment:

- par une réduction de l'assiette imposable (déduction dérogatoire, amortissement extraordinaire ou accéléré, inscription de réserves sur le bilan, etc.),

- par une réduction totale ou partielle du montant de l'impôt (exonération, crédit d'impôt, etc.),

- par un ajournement ou une annulation, voire un rééchelonnement exceptionnel de la dette fiscale.

(3) En second lieu, l'avantage doit être octroyé par l'État ou au moyen de ressources d'État. Une perte de recettes fiscales équivaut à la consommation de ressources d'État sous la forme de dépenses fiscales. Ce critère vise également les aides accordées par des entités régionales et locales des États de l'AELE(4). Par ailleurs, l'intervention de l'État peut s'effectuer aussi bien par le biais de dispositions fiscales de nature législative, réglementaire ou administrative que par celui des pratiques de l'administration fiscale.

(4) La mesure en cause doit, en troisième lieu, affecter la concurrence et les échanges entre les parties contractantes. Ce critère suppose que le bénéficiaire de la mesure exerce une activité économique, indépendamment de son statut juridique ou de son mode de financement. Selon une jurisprudence constante, aux fins de cette disposition, la condition de l'affectation des échanges est remplie dès lors que l'entreprise bénéficiaire exerce une activité économique qui fait l'objet d'échanges entre les parties contractantes. Le simple fait que l'aide renforce la position de cette entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges à l'intérieur de l'EEE permet de considérer que ces échanges ont été affectés. Ni l'importance relativement faible d'une aide(5), ni la taille modeste du bénéficiaire ou sa part très réduite sur le marché de l'EEE(6), ni même l'absence d'activité à l'exportation de ce bénéficiaire(7) ou le fait que l'entreprise exporte la quasi-totalité de sa production en dehors de l'EEE(8) ne modifient ce constat.

(5) Enfin, la mesure doit être spécifique ou sélective au sens qu'elle favorise 'certaines entreprises ou certaines productions'. Ce caractère d'avantage sélectif peut résulter aussi bien d'une exception aux dispositions fiscales de nature législative, réglementaire ou administrative que d'une pratique discrétionnaire de l'administration fiscale. Le caractère sélectif d'une mesure peut cependant être justifié 'par la nature ou l'économie du système'(9). Si tel est le cas, la mesure échappe à la qualification d'aide au sens de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord. Ces différents aspects sont développés dans les sous-sections visées ci-dessous.

17B.3.1. Distinction entre aides d'État et mesures générales

(1) Les mesures fiscales ouvertes à tous les acteurs économiques opérant sur le territoire d'un État de l'AELE constituent en principe des mesures générales. Elles doivent être effectivement ouvertes à toutes les entreprises sur la base d'une égalité d'accès et leur portée ne peut être de facto réduite, par exemple, par le pouvoir discrétionnaire de l'État dans leur octroi ou par d'autres éléments qui restreignent leur effet pratique. Cette condition ne limite cependant pas le pouvoir des États de l'AELE de choisir la politique économique qu'ils jugent la plus appropriée et, notamment de répartir comme ils l'entendent la charge fiscale sur les différents facteurs de production. Sous réserve qu'elles s'appliquent indifféremment à toutes les entreprises et à toutes les productions, ne constituent pas des aides d'État:

- les mesures de pure technique fiscale (par exemple, fixation des taux d'imposition, des règles de dépréciation et d'amortissement et des règles en matière de reports de pertes; dispositions destinées à éviter la double taxation ou l'évasion fiscale),

- les mesures poursuivant un objectif de politique économique générale en réduisant la charge fiscale liée à certains coûts de production (par exemple, recherche et développement, environnement, formation, emploi).

(2) Le fait que certaines entreprises ou certains secteurs bénéficient plus que d'autres de certaines de ces mesures fiscales n'a pas nécessairement pour conséquence de les faire entrer dans le champ d'application des règles de concurrence en matière d'aides d'État. Ainsi, les mesures visant à alléger la fiscalité du travail pour toutes les entreprises ont un effet relativement plus important pour les industries à forte intensité de main-d'oeuvre que pour les industries à forte intensité en capital, sans nécessairement pour autant constituer des aides d'État. De même des incitants fiscaux en faveur d'investissements environnementaux, en recherche et développement ou en formation, ne favorisent que les entreprises qui entreprennent de tels investissements, sans non plus nécessairement constituer des aides d'État.

(3) Selon un arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes en 1974, constitue une aide d'État toute mesure destinée à exempter - partiellement ou totalement - les entreprises d'un secteur particulier des charges découlant de l'application normale du système général 'sans que cette exemption se justifie par la nature ou l'économie du système'. L'arrêt précise en outre que 'l'article 92 (devenu, après modification, l'article 87; précision ajoutée) ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions visées, mais les définit en fonction de leurs effets'. Par ailleurs, il indique également que le fait que la mesure en cause rapproche les charges du secteur en cause de celles de leurs concurrents dans d'autres États membres ne lui enlève pas le caractère d'aide. De telles divergences entre systèmes fiscaux ne peuvent pas être corrigées par des mesures unilatérales qui visent les entreprises les plus touchées par les disparités entre systèmes fiscaux(10).

(4) Ce qui est donc avant tout pertinent pour l 'application de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE à une mesure fiscale, c'est que cette mesure instaure, en faveur de certaines entreprises de l'État de l'AELE, une exception à l'application du système fiscal. Il convient donc d'abord de déterminer le régime commun applicable. Il est ensuite nécessaire d'examiner si l'exception ou des différenciations à l'intérieur de ce régime sont justifiées 'par la nature ou l'économie du système fiscal', c'est-à-dire, si elles résultent directement des principes fondateurs ou directeurs du système fiscal de l'État concerné. Si tel n'est pas le cas, il s'agit d'une aide d'État.

17B.3.2. Le critère de sélectivité ou de spécificité

(1) La pratique décisionnelle de la Commission des Communautés européennes et de l'Autorité de surveillance AELE jusqu'à présent montre que seules les mesures dont la portée s'étend à l'ensemble du territoire de l'État échappent au critère de spécificité fixé par l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE. Les mesures de portée territoriale régionale ou locale peuvent en effet favoriser certaines entreprises, sous réserve des principes exprimés au point 17B.3.1.4(11). L'accord EEE qualifie lui-même d'aides les mesures destinées à favoriser le développement économique d'une région. Il prévoit en effet explicitement pour ce type d'aides, au titre de l'article 61, paragraphe 3, points a) et c), des possibilités de dérogations au principe général d'incompatibilité énoncé à l'article 61, paragraphe 1.

(2) L'accord EEE prévoit clairement qu'une mesure caractérisée par une spécificité sectorielle relève de l'article 61, paragraphe 1. Cette disposition inclut expressément le terme 'certaines productions' parmi les critères définissant une aide relevant du contrôle de l'Autorité. Selon une pratique et une jurisprudence désormais bien établies, il est acquis qu'une mesure fiscale dont l'effet essentiel est de favoriser un ou plusieurs secteurs d'activités constitue une aide. Il en est de même d'une mesure qui favorise les seuls produits nationaux exportés(12). Par ailleurs, la Commission et l'Autorité de surveillance AELE ont considéré comme aide une mesure visant l'ensemble des secteurs soumis à la concurrence internationale(13). Une dérogation au taux de base de l'impôt des sociétés en faveur d'un pan entier de l'économie constitue donc, sauf dans certains cas(14), une aide d'État, comme l'a décidé la Commission(15) pour une mesure concernant l'ensemble du secteur manufacturier(16).

(3) Dans plusieurs États de l'EEE, des règles fiscales différentes s'appliquent selon le statut des entreprises. Certaines entreprises publiques bénéficient, par exemple, de l'exonération des impôts locaux ou des impôts sur les sociétés. De telles règles, qui privilégient les entreprises ayant le statut légal d'entreprise publique et exerçant une activité économique, sont susceptibles de constituer des aides d'État au sens de l'article 61 de l'accord EEE.

(4) Certains avantages fiscaux sont parfois limités à certaines formes d'entreprises, à certaines de leurs fonctions (services intragroupe, intermédiation ou coordination) ou à certains types de productions. Dès lors qu'ils favorisent certaines entreprises ou certaines productions, ils sont susceptibles de constituer des aides d'État visées par l'article 61, paragraphe 1.

17B.3.3. Pratiques administratives discrétionnaires

(1) Les pratiques discrétionnaires de certaines administrations fiscales sont également susceptibles de donner lieu à des mesures qui relèvent du champ d'application de l'article 61. La Cour de justice des Communautés européennes reconnaît que le traitement des acteurs économiques sur une base discrétionnaire peut en effet conférer à l'application individuelle d'une mesure générale la qualité de mesure sélective, notamment lorsque le pouvoir discrétionnaire s'exerce en dehors de la simple gestion des recettes fiscales selon des critères objectifs(17).

(2) Si dans la pratique quotidienne, les règles fiscales doivent être interprétées, elles ne peuvent pas permettre un traitement discrétionnaire des entreprises. En principe, toute décision administrative qui s'écarte des règles fiscales généralement applicables pour favoriser des entreprises individuelles donne lieu à une présomption d'aide d'État et doit être analysée en détail. Les administrative rulings, en tant que procédures destinées à fournir une simple interprétation des règles générales, ne donnent pas lieu en principe à une présomption d'aide. L'opacité des décisions des administrations et la marge de manoeuvre dont elles peuvent parfois disposer alimentent cependant la présomption que tel est au moins leur effet dans certains cas. Ceci n'entrave pas les possibilités pour les États de l'AELE de fournir à leurs contribuables sécurité juridique et prévisibilité sur l'application des règles fiscales générales.

17B.3.4. Justification d'une dérogation par 'la nature ou l'économie du système'

(1) La nature différentielle de certaines mesures ne doit pas nécessairement les faire considérer comme des aides d'État. Tel est le cas de celles dont la rationalité économique les rend 'nécessaires ou fonctionnelles par rapport à l'efficacité du système fiscal'(18). Il appartient cependant à l'État de l'AELE de fournir une telle justification.

(2) La progressivité d'un barème d'imposition sur les revenus ou sur les bénéfices se justifie par la logique redistributive de l'impôt. La différenciation des méthodes de calcul des amortissements de l'actif et des méthodes de valorisation des stocks peut être inhérente aux systèmes fiscaux dans lesquels ces méthodes s'insèrent. Enfin, certaines conditions peuvent être justifiées par des différences objectives entre les contribuables. Par contre, si l'administration fiscale peut de manière discrétionnaire arrêter des durées d'amortissement ou des méthodes de valorisation différentes, entreprise par entreprise, secteur par secteur, il y a présomption d'aide. Une telle présomption existe aussi lorsque l'administration fiscale traite les dettes fiscales cas par cas en poursuivant un autre objectif que l'optimisation du recouvrement des dettes de l'entreprise concernée.

(3) Il va de soi que l'impôt sur les bénéfices ne peut être perçu si aucun bénéfice n'est dégagé. Il peut ainsi être justifié par la nature du système fiscal que les entreprises à but non lucratif, telles que des fondations ou associations, soient nommément exemptées de l'impôt sur les bénéfices si elles ne peuvent effectivement dégager de bénéfices. De plus, il peut aussi être justifié par la nature du système fiscal que des entités juridiques, telles que des coopératives, qui distribuent tous leurs profits à leurs membres ne soient pas imposées au niveau de la coopérative lorsque l'impôt est perçu au niveau de leurs membres.

(4) Une distinction doit être établie entre, d'une part, les objectifs assignés à un régime fiscal particulier et qui lui sont extérieurs - notamment des buts sociaux ou régionaux - et, d'autre part, les objectifs inhérents au système fiscal lui-même. La raison d'être du système fiscal est de collecter des recettes destinées à financer les dépenses de l'État. Chaque entreprise est supposée payer l'impôt une seule fois. La prise en compte des impôts payés à l'État dans lequel se trouve la résidence fiscale de l'entreprise est donc inhérente à la logique du système fiscal. Certaines exceptions aux règles fiscales sont par contre difficiles à justifier par la logique d'un système fiscal. Tel est, par exemple, normalement le cas si les entreprises dont le siège social se trouve à l'étranger sont traitées de façon plus favorable que celles dont le siège social se trouve dans le pays concerné, ou si des avantages fiscaux sont octroyés aux sièges ou aux entreprises qui fournissent certains services (financiers par exemple) à l'intérieur d'un groupe(19).

(5) Des dispositions spécifiques qui ne comportent pas d'élément discrétionnaire, permettant par exemple la fixation de l'impôt sur une base forfaitaire, peuvent être justifiées par la nature et l'économie du système lorsqu'elles tiennent compte notamment d'exigences comptables particulières ou de l'importance du foncier dans les actifs qui sont propres à certains secteurs. Enfin, la logique qui sous-tend certaines dispositions spécifiques en matière de fiscalité des petites et moyennes entreprises, est comparable à celle qui sous-tend la progressivité d'un barème d'imposition.

17B.4. La compatibilité des aides d'État sous forme fiscale avec le fonctionnement de l'accord EEE

(1) Si une mesure fiscale constitue une aide qui relève de l'article 61, paragraphe 1, elle peut néanmoins bénéficier, au même titre que les aides octroyées sous d'autres formes, d'une des dérogations au principe d'incompatibilité avec le fonctionnement de l'accord EEE prévues par les paragraphes 2 et 3 de cet article. De plus, lorsque le bénéficiaire - qu'il s'agisse d'une entreprise privée ou publique - a été chargé par l'État de la gestion de services d'intérêt économique général, l'aide est également susceptible de bénéficier des dispositions de l'article 59 de l'accord(20).

(2) L'autorité ne pourrait cependant autoriser des aides qui s'avéreraient contraires aux règles de l'accord, notamment celles relatives à l'interdiction de discrimination et d'imposition discriminatoire ainsi qu'au droit d'établissement(21). De tels aspects de l'aide peuvent, en parallèle, faire l'objet d'une procédure distincte en vertu de l'article 31 de l'accord 'surveillance et Cour de justice'. Selon la jurisprudence, les modalités d'une aide indissolublement liées à l'objet de l'aide et qui contreviennent à des dispositions de l'accord autres que les dispositions concernant les aides d'État doivent cependant être examinées en application de la procédure prévue à l'article 1er, paragraphe 3, du protocole 3 de l'accord 'surveillance et Cour de justice', dans le cadre d'un examen d'ensemble de la compatibilité ou de l'incompatibilité de l'aide.

(3) Lorsqu'une aide fiscale est octroyée en vue d'inciter les entreprises à s'engager dans certains projets précis (d'investissement notamment) et que son intensité est limitée par rapport aux coûts de réalisation de ce projet, elle ne diffère pas d'une subvention et peut bénéficier du même traitement. Il faut néanmoins que de telles aides établissent des règles suffisamment transparentes pour qu'il soit notamment possible de quantifier l'avantage perçu.

(4) Le plus souvent cependant, les dispositions d'allégement fiscal ont un caractère continu: elles ne sont pas liées à la réalisation de projets spécifiques et réduisent les dépenses courantes de l'entreprise sans qu'il soit possible d'en évaluer le volume exact dans le cadre de l'examen ex ante effectué par l'Autorité. De telles mesures constituent des 'aides au fonctionnement'. Les aides au fonctionnement sont en principe interdites. L'Autorité ne les autorise actuellement que de manière exceptionnelle et sous certaines conditions, par exemple dans la construction navale et pour certaines aides en faveur de la protection de l'environnement(22), ainsi que dans des régions qui bénéficient de la dérogation de l'article 61, paragraphe 3, point a), à condition qu'elles soient dûment justifiées et que leur niveau soit proportionnel aux handicaps qu'elles visent à pallier(23). Elles doivent en principe (à l'exception des deux catégories d'aides mentionnées ci-après), être dégressives et limitées dans le temps. Actuellement, des aides au fonctionnement peuvent également être autorisées sous forme d'aide au transport dans certaines régions nordiques très peu peuplées et souffrant de graves handicaps d'accessibilité. Les aides au fonctionnement ne peuvent être autorisées lorsqu'elles constituent des aides à l'exportation entre les parties contractantes. En ce qui concerne les aides d'État en faveur du transport maritime, les règles spécifiques à ce secteur sont applicables(24).

(5) Pour pouvoir être considérées par l'Autorité comme compatibles avec le fonctionnement de l'accord EEE, les aides d'État visant le développement économique de régions déterminées doivent être 'proportionnelles et ciblées par rapport à l'objectif visé'. L'octroi d'une dérogation sur la base de critères régionaux exige en effet que l'Autorité s'assure en particulier que les mesures en cause:

- contribuent au développement régional et correspondent à des activités qui ont une incidence locale. L'implantation d'activités off-shore, dans la mesure où leurs externalités sur l'économie locale sont faibles, ne participe normalement pas de manière satisfaisante au soutien de cette économie,

- correspondent à des handicaps régionaux réels. On peut s'interroger sur l'existence de handicaps régionaux réels pour des activités pour lesquelles les surcoûts qu'ils entraînent entrent peu en ligne de compte, comme par exemple, les surcoûts de transport pour les activités liées à la finance qui favorisent l'évasion fiscale,

- sont examinées dans le contexte de l'EEE(25). L'Autorité doit, à cet égard, tenir compte des effets négatifs que de telles mesures peuvent avoir sur les échanges entre parties contractantes.

17B.5. Procédures

(1) En application de l'article 1er, paragraphe 3, du protocole 3 de l'accord 'surveillance et Cour de justice', les États de l'AELE sont tenus de notifier à l'Autorité tous leurs 'projets tendant à instituer ou à modifier des aides' et ne peuvent mettre à exécution ces projets sans l'approbation préalable de l'Autorité. Cette procédure concerne toutes les aides, y compris les aides fiscales.

(2) Si l'Autorité constate qu'une aide d'État mise à exécution en violation de cette règle ne peut bénéficier d'aucune des dérogations prévues par l'accord et est donc incompatible avec le fonctionnement de l'accord, elle en exige la récupération par l'État de l'AELE sauf dans les cas où cette exigence serait contraire à un principe fondamental du droit de l'EEE, en particulier, la confiance légitime que peut fonder l'attitude de l'Autorité. Dans le cas d'une aide d'État sous forme fiscale, le montant à récupérer se calcule sur la base d'une comparaison entre l'impôt effectivement payé et celui qui aurait dû être payé en application de la règle généralement applicable. Des intérêts s'ajoutent à ce montant de base. Le taux d'intérêt à appliquer correspond au taux de référence déterminé sur la base des dispositions de la section 33.2 du présent encadrement.

(3) L'article 1er, paragraphe 1, du protocole 3 de l'accord 'surveillance et Cour de justice' stipule que 'l'Autorité de surveillance procède avec les États de l'AELE à l'examen permanent des régimes d'aides existants dans ces États'. Cet examen s'effectue également pour les aides d'État sous forme fiscale. Afin de permettre cet examen, les États de l'AELE sont tenus de soumettre chaque année à l'Autorité de surveillance des rapports sur leurs régimes d'aides d'État existants. Dans le cas d'allégements fiscaux ou d'exonérations d'impôt partielles ou totales, les rapports doivent fournir une estimation des pertes de recettes budgétaires. À la suite de cet examen, l'Autorité peut, si elle considère que le régime n'est pas ou n'est plus compatible avec le fonctionnement de l'accord EEE, proposer à l'État de l'AELE d'y apporter des modifications ou de le supprimer.

17B.6. Mise en oeuvre

(1) L'Autorité procédera, sur la base des orientations définies dans le présent chapitre et à partir de sa publication, à l'examen des projets d'aides fiscales qui lui seront notifiés et des aides fiscales illégalement mises en oeuvre dans les États membres. Elle procédera aussi à l'examen permanent des régimes d'aides existants. Les présentes lignes directrices ont un caractère indicatif et non exhaustif. Dans chaque cas d'espèce, l'Autorité tiendra compte de toutes les circonstances spécifiques qui l'entourent.

(2) L'Autorité réexaminera l'application des présentes lignes directrices deux ans après leur publication."

(1) Le présent chapitre se fonde sur la communication de la Commission sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (JO C 384 du 10.12.1998, p. 3), tout en tenant compte du champ d'application et des objectifs particuliers de l'accord EEE.

(2) Cour de justice de l'AELE, affaire E-6/98, arrêt du 20 mai 1999 (non encore publié).

(3) Ainsi, l'article 61 de l'accord EEE et l'article 1er du protocole 3 de l'accord 'surveillance et Cour de justice' sont respectivement identiques, quant au fond, aux articles 87 et 88 (ex articles 92 et 93) du traité CE. La seule exception tient au fait que l'exemption prévue à l'article 87, paragraphe 3, point d) [ex article 92, paragraphe 3, point d), du traité CE, en faveur des aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, qui a été introduite par le traité sur l'Union européenne (traité de Maastricht)], ne figure pas dans l'accord EEE. Cette exception est cependant sans incidences dans le présent contexte.

(4) Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 14 octobre 1987 dans l'affaire 248/84: Allemagne contre Commission, Recueil 1987, p. 4013.

(5) À l'exception cependant des aides qui remplissent les critères de la règle de minimis. Voir chapitre 12 du présent encadrement des aides d'État.

(6) Arrêt de la Cour du 14 septembre 1994 dans les affaires jointes C-278/92, C-279/92 et C-280/92: Espagne contre Commission, Recueil 1994, p. I-4103.

(7) Arrêt de la Cour du 13 juillet 1988 dans l'affaire 102/87: France contre Commission, Recueil 1988, p. 4067.

(8) Arrêt de la Cour du 21 mars 1990 dans l'affaire C-142/87: Belgique contre Commission, Recueil 1990, p. I-959.

(9) Arrêt de la Cour du 2 juillet 1974 dans l'affaire 173/73: Italie contre Commission, Recueil 1974, p. 709.

(10) Alors que les articles 94, 96 et 97 (ex articles 100 à 102) du traité CE habilite les institutions communautaires à prendre des mesures en cas de disparité entre les systèmes fiscaux des États membres, l'accord EEE ne contient pas de dispositions correspondantes.

(11) Dans le cas des cotisations patronales de sécurité sociale en Norvège, l'Autorité est arrivée à la conclusion que la différenciation régionale des taux constituait une aide d'État, étant donné qu'elle favorisait les entreprises établies dans certaines régions [Décision n° 165/98/COL (JO L 32 du 3.12.1998)]. La Norvège a contesté ce point de vue et formé un recours contre cette décision devant la Cour de justice de l'AELE (affaire E-6/98). Par son arrêt du 20 mai 1999, la Cour de justice s'est prononcée en faveur de l'Autorité.

(12) Arrêt de la Cour de justice du 10 décembre 1969 dans les affaires jointes 6/69 et 11/69: Commission contre France, Recueil 1969, p. 523.

(13) Décision 97/239/CE de la Commission du 4 décembre 1996 concernant le cas 'Maribel bis/ter', (JO L 95 du 10.4.1997, p. 25) (actuellement sub judice, affaire C-75/97). Décision n° 16/96/COL de l'Autorité de surveillance AELE du 7 février 1996 proposant des mesures utiles à l'Islande concernant des aides d'État sous forme de cotisations de sécurité sociale différenciées par secteur.

(14) Voir point 17B.3.4.5.

(15) Décision de la Commission du 22 juillet 1998 concernant le cas 'Irish Corporation Tax' [SG(98) D/7209], non encore publiée.

(16) Les autres cas où l'Autorité de surveillance AELE a appliqué jusqu'à présent les règles concernant les aides d'État à des traitements fiscaux sont les suivants: exonération des emballages en verre de la taxe de base sur les emballages de boissons non réutilisables [Aide n° 95-002 (JO C 212 du 17.8.1995 et JO L 124 du 23.5.1996)], mesures fiscales en faveur du secteur des transports maritimes, Norvège [Aide n° 97-001 (JO C 337 du 5.11.1998)] et participation publique aux accords relatifs à la construction et au fonctionnement d'une fonderie d'aluminium à Grundartangi, en Islande [Aide n° 97-008 (JO C 337 du 5.11.1998)].

(17) Arrêt de la Cour de justice du 26.9.1996 dans l'affaire C-241/94 (Kimberly Clark Sopalin): France contre Commission, Recueil 1996, p. I-4551.

(18) Cela implique normalement que de telles mesures ne sont pas appliquées exclusivement à certains secteurs, qu'elles se fondent sur des conditions ou des critères objectifs et horizontaux et qu'elles ne sont pas limitées dans le temps [décision 96/369/CE de la Commission du 13 mars 1996 concernant une aide fiscale en matière d'amortissement au profit des compagnies aériennes allemandes (JO L 146 du 20.6.1996, p. 42)].

(19) D'autre part, les redevances ou les taxes de service prélevées par les pouvoirs publics auprès des sociétés à des taux qui varient selon le service fourni ou les autres avantages procurés ne constituent pas des aides d'État.

(20) Arrêt du Tribunal de première instance du 27 février 1997 dans l'affaire T-106/95: FFSA et autres contre Commission, Recueil 1997, II. p. 229. Ordonnance de la Cour de justice du 25 mars 1998 dans l'affaire C-174/97P, Recueil 1998, p. I-1303.

(21) Arrêt de la Cour de justice du 22 mars 1977 dans l'affaire 74/76: Iannelli et Volpi contre Meroni, Recueil 1977, p. 557. Voir aussi l'arrêt de la Cour du 21 mai 1980 dans l'affaire 73/79 (Sovrapprezzo), Recueil 1980, p. 1533; celui du Tribunal de première instance du 18 septembre 1995 dans l'affaire T-49/93 (SIDE), Recueil 1995, p. II. 2501 et celui de la Cour de justice du 27 mai 1981 dans les affaires jointes C-142/80 et C-143/80 (Salengo), Recueil 1981, p. 1413. Voir, en outre, les décisions de l'autorité de Surveillance AELE n° 40/95/COL (JO C 212 et supplément EEE du JO 30 du 17.8.1995) et n° 106/95/COL (JO L 124 et supplément EEE du 23.5.1996): exonération des emballages en verre de la taxe de base sur les emballages de boissons non réutilisables, Norvège.

(22) Voir chapitre 15 du présent encadrement.

(23) Voir chapitre 25 du présent encadrement.

(24) Voir chapitre 24 A du présent encadrement.

(25) Affaire 730/79: Philip Morris contre Commission, Recueil 1980, p. 2671.