23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/195


Avis du Comité économique et social européen sur les

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le respect des obligations des États du pavillon»

COM(2005) 586 final — 2005/0236 (COD),

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes»

COM(2005) 587final — 2005/237 (COD),

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au contrôle par l'État du port»

COM(2005) 588 final — 2005/0238 (COD),

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2002/59/CE relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'information»

COM(2005) 589 final — 2005/0239 (COD),

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes et modifiant les directives 1999/35/CE et 2002/59/CE»

COM(2005) 590 final — 2005/240 (COD),

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la responsabilité des entreprises assurant le transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure en cas d'accident»

COM(2005) 592 final — 2005/0241 (COD),

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires»

COM(2005) 593 final — 2005/0242 (COD).

(2006/C 318/32)

Le 25 janvier (TEN/236), le 8 février (TEN/235), le 14 février (TEN/234 et 239), le 28 février (TEN/237) et le 15 mars 2006 (TEN/233 et 238), le Conseil a décidé, conformément aux articles 71.1 et 80.2 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur les propositions susmentionnées.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de la préparation des travaux en la matière, a adopté son avis le 18 juillet 2006 (rapporteur: M. RETUREAU; corapporteuse: Mme BREDIMA-SAVOPOULOU).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 198 voix pour, 2 voix contre et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité accueille dans l'ensemble favorablement le troisième «paquet» de mesures concernant la sécurité maritime qui constitue une nouvelle avancée constructive et proactive vers l'amélioration de la sécurité maritime, car il permet de limiter les accidents ainsi que la pollution maritime et de mieux en contrôler les conséquences. Le CESE est largement favorable aux propositions relatives à l'action de l'État du pavillon, au contrôle des navires par l'État du port, au suivi effectué par les sociétés de classification chargées de procéder à des audits, aux enquêtes sur les accidents ainsi qu'à la proposition de suivi du trafic des navires et d'information (VTM et navires en détresse et lieux de refuge). Les propositions reflètent les principales positions que le Comité a exprimées dans les avis consacrés aux «paquets» ERIKA I et II. Les propositions à l'examen améliorent divers aspects de la chaîne du transport et témoignent de l'engagement de l'Union européenne en faveur de la qualité des transports maritimes.

1.2

Le Comité exprime certaines préoccupations quant aux propositions relatives à la responsabilité concernant les navires à passagers, basée sur la convention de l'Organisation maritime internationale d'Athènes et sur la responsabilité civile. En particulier, la proposition sur la responsabilité civile mériterait un examen plus approfondi.

1.3

Le Comité économique et social européen estime que la reconnaissance dans le texte du rôle joué par l'OMI constitue un élément positif. Cela concorde pleinement avec l'esprit des avis que le Comité a publiés depuis 1993 sur la sécurité maritime et la prévention de la pollution où il a reconnu la nécessité de mettre en place un cadre international en matière de sécurité maritime et de prévention de la pollution.

1.4

Le CESE recommande à la Commission de prendre toutes les mesures nécessaires afin que les États membres ratifient rapidement les conventions existantes de l'OMI et notamment la Convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes (Convention LLMC de 1996). La ratification de ces instruments aura un impact direct sur la sécurité maritime, l'environnement global, la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages dus à la pollution au niveau mondial.

1.5

Le CESE suggère à la Commission d'exclure la navigation intérieure da sa proposition concernant la responsabilité passagers pour les voies de navigation intérieure, et de publier une proposition spécifique dans le cadre du programme Naïades.

1.6

Le CESE réitère son souhait, exprimé déjà en réponse aux «paquets» ERIKA I et II, qu'un autre «paquet» Sécurité Maritime évoque plus spécifiquement la dimension humaine et déplore l'insuffisante attention accordée au niveau communautaire au facteur humain dans ce troisième «paquet» Sécurité Maritime. Il propose, comme base d'élaboration de dispositions appropriées, la convention sur le Code de travail maritime adopté par la Conférence maritime de l'OIT de 2006, que les États membres devraient ratifier en vue d'une harmonisation des règles de base européennes et internationales. La partie «recommandations» (soft law) du Code, devrait aussi être dûment prise en considération pour élaborer de meilleures normes européennes.

1.7

Le CESE observe que l'amélioration du processus législatif passe par une meilleure application des normes législatives. À cet égard, il attire l'attention sur la nécessité de mieux appliquer les dispositions législatives. Il invite également tous les acteurs concernés à veiller à la mise en œuvre des dispositions du nouveau «paquet» Sécurité Maritime.

1.8

Le CESE attire l'attention sur la nécessité d'accroître les ressources dévolues au contrôle de l'état du port par les États membres; en outre, il appelle à l'augmentation du nombre des inspecteurs dans les ports, afin d'assurer une mise en œuvre effective des divers aspects des paquets Sécurité Maritime. Le CESE invite la Commission, en collaboration avec les États membres, à déployer tous les moyens nécessaires afin d'attirer et de recruter de nouveaux entrants convenablement qualifiés aux postes d'inspecteurs.

2.   Introduction

2.1

Suite aux dégâts causés par les accidents de l'Erika (1999) et du Prestige (2002) sur les côtes françaises et espagnoles, qui sont révélateurs de la vulnérabilité des côtes européennes, l'Union européenne s'est empressée de prendre des mesures afin d'instaurer un mécanisme de défense visant à protéger les côtes européennes contre les risques d'accidents et de pollution maritimes et à améliorer les mesures de sécurité des navires faisant escale dans ses ports. Deux paquets législatifs ont été adoptés: «ERIKA I» (1) en 2001 et «ERIKA II» (2) en 2002. Ils comportent six instruments légaux (trois directives et trois règlements). Le 23 novembre 2005, la Commission a publié son troisième paquet de mesures concernant la sécurité maritime dans le but de renforcer les règles communautaires en matière de sécurité maritime et d'améliorer l'effectivité des mesures existantes.

3.   Propositions de la Commission

3.1

Depuis l'élargissement de l'UE, la flotte communautaire représente 25 % de la flotte mondiale. L'objectif de la Commission européenne est de créer une flotte modèle capable d'assurer un service maritime sûr, compétitif et respectueux de l'environnement.

3.2

Le troisième paquet Sécurité Maritime permettra de mieux garantir la sécurité du transport maritime communautaire. Il propose une approche plus proactive visant à recréer des conditions d'une concurrence saine et durable pour les opérateurs qui respectent les normes internationales. Le paquet comprend sept propositions qui tiennent compte de l'expérience acquise dans le domaine de la mise en œuvre de la législation communautaire en matière de sécurité maritime et de prévention de la pollution. Elles s'articulent autour de deux domaines d'action prioritaires:

amélioration de la prévention des accidents et de la pollution et

gestion des conséquences des accidents.

3.3   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le respect des obligations des États du pavillon

3.3.1

L'objectif de cette proposition consiste à faire en sorte que les États membres assurent un suivi efficace de la conformité des navires battant leur pavillon aux normes internationales préconisées par l'Organisation maritime internationale (OMI). Pour cela, ils doivent disposer d'une administration maritime fonctionnant selon des critères de qualité élevés. Cette proposition vise à assurer que les États membres s'acquittent de leurs obligations internationales de manière effective et coordonnée.

3.4   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes

3.4.1

La proposition est destinée à améliorer la qualité du travail des sociétés de classification agréées (chargées de l'inspection et de la certification de navires), à réformer le système de sanctions prévues pour les entreprises manquant à leurs obligations en leur infligeant des pénalités financières plus graduelles et proportionnelles et à renforcer les pouvoirs de la Commission de manière à permettre aux inspecteurs d'accéder à tous les navires, quel que soit leur pavillon. La qualité du travail effectué par les sociétés de classification devrait être améliorée grâce à la mise en place d'un système de contrôle de la qualité.

3.5   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au contrôle par l'État du port

3.5.1

Cette proposition introduit le principe d'une refonte en profondeur du système actuel (Mémorandum d'entente de Paris — MOU-), en vertu duquel chaque État membre doit inspecter au moins 25 % des navires faisant escale dans ses ports, en le remplaçant par un objectif communautaire qui est d'inspecter systématiquement tous les bateaux, tout en tenant compte de la nécessité d'alléger la charge que les inspections feraient peser sur les navires de qualité.

3.5.2

D'autres mesures seront adoptées dans le but d'améliorer l'efficacité et la qualité des contrôles effectués sur les navires présents dans les ports communautaires (y compris concernant les conditions de travail des équipages). Le nouveau régime d'inspection se concentrera sur les navires à risque. Des mesures plus sévères seront prises à l'égard de navires sous-normes, en renforçant les dispositions visant leur interdiction dans les eaux communautaires.

3.6   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2002/59/CE relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'information

3.6.1

Au rang des objectifs poursuivis figure l'amélioration du cadre juridique relatif à l'accueil de navires en détresse dans des lieux de refuge. L'identification de tous les endroits potentiels pouvant servir de refuge devrait s'accélérer, ce qui permettra d'améliorer l'efficacité des processus décisionnels en cas de survenue d'accidents maritimes. La Commission propose également d'équiper tous les navires de pêche de systèmes d'identification automatiques (AIS), ce qui permettrait de réduire les risques de collision avec des grands navires.

3.6.2

L'extension du système d'échange d'informations communautaire SafeSeaNet à l'ensemble du territoire de l'Union européenne facilitera le suivi des mouvements des navires et de leurs cargaisons. Les navires seront informés sur les risques de formation des glaces de mer dans certaines zones maritimes.

3.7   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes et modifiant les directives 1999/35/CE et 2002/59/CE

3.7.1

La qualité des normes en matière de sécurité maritime dépend de la capacité d'analyser les causes des accidents et d'en tirer tous les enseignements. Le but de cette proposition est de créer un cadre communautaire harmonisé permettant d'effectuer des enquêtes sur les accidents. Celles-ci seront réalisées par des organes spécialisés indépendants dûment autorisés. La proposition définit clairement les lignes directrices au niveau de la Communauté et favorise la coopération dans le domaine des enquêtes techniques sur les accidents maritimes.

3.8   Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la responsabilité des entreprises assurant le transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure en cas d'accident

3.8.1

L'objectif de cette proposition est d'intégrer dans le corpus législatif communautaire les dispositions de la Convention d'Athènes de 2002 (applicables uniquement aux trajets internationaux, non encore entrées en vigueur) et d'étendre la protection garantie par la Convention précitée à l'ensemble des passagers qui empruntent des bateaux dans l'UE tant dans le cadre du trafic maritime national que de la navigation sur les voies maritimes et autres voies navigables intérieures.

3.9   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires

3.9.1

Il s'agit d'inciter les propriétaires de navires à agir de manière plus responsable et de les contraindre à souscrire une police d'assurance ou tout autre garantie financière pour les dommages causés aux tiers ainsi que pour permettre de couvrir les frais de rapatriement des gens de mer en cas d'abandon.

3.9.2

Le premier pas dans cette direction consiste en la ratification par les États membres de toutes les conventions pertinentes de l'OMI, y compris la Convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes de 1996 (convention LLMC). Le texte de la Convention de 1996 sera incorporé dans le droit communautaire afin de garantir une application entière et uniforme de ses dispositions dans toute l'Union européenne. En deuxième lieu, la Commission demandera un mandat pour négocier au sein de l'OMI une révision du Protocole de 1996, afin de revoir le niveau auquel le propriétaire perd son droit à limiter sa responsabilité. Les navires battant pavillon d'un État n'ayant pas ratifié la Convention de 1996 seront soumis à un régime de responsabilité plus sévère en cas de négligence grave.

3.9.3

Les États membres doivent veiller à ce que les propriétaires de navires fréquentant les eaux communautaires, quel que soit leur pavillon, disposent d'une garantie financière en matière de responsabilité civile correspondant au double des plafonds fixés par la Convention de 1996 précitée. Les propriétaires doivent également disposer d'une garantie financière en cas d'abandon des gens de mer. La garantie financière doit être prouvée sous forme de certificats qui doivent être conservés à bord du navire.

4.   Observations générales

4.1   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le respect des obligations des États du pavillon

4.1.1

Le CESE est tout à fait favorable à cette proposition, car les États membres devront remplir leurs responsabilités de façon adéquate et devront se conformer aux instruments de l'OMI, notamment aux dispositions du Code pour l'application des instruments obligatoires de l'OMI relatives aux États du pavillon et à son schéma d'audit des États du pavillon.

4.1.2

Le CESE s'interroge sur la pertinence de l'article 9 «Enquête sur l'État du pavillon», étant donné qu'il concerne les enquêtes sur les accidents, ce thème étant largement couvert dans le cadre du cinquième instrument proposé dans le troisième paquet Sécurité Maritime. Néanmoins, cela renforce le besoin d'enquêtes et le fait que les États membres devront être requis et tenus de fournir des ressources adéquates à cet effet.

4.1.3

Le Comité reconnaît que l'Article 10 «Détermination des effectifs en fonction de la sécurité» vise à assurer que les navires battant pavillon d'États membres ont des effectifs adéquats à bord, en accord avec la Résolution A.890 (21) de l'Assemblée de l'OMI sur les principes relatifs aux effectifs pour la sécurité (Principles on Safe Manning). Cependant, le CESE est convaincu qu'un «level playing field», c'est-à-dire des conditions de concurrence équitables entre les États du pavillon, est une chose essentielle, et la proposition que la Commission produise un rapport comme souligné dans l'Article 15 «Accords de Coopération» devrait être réalisée dès que possible.

4.2   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes

4.2.1

La responsabilité des sociétés de classification ne cesse de croître. Elles assument à ce titre une grande responsabilité devant les administrations des États du pavillon en matière de sécurité du transport maritime et d'environnement. Par conséquent, le CESE approuve les mesures proposées dont l'objectif consiste à améliorer la qualité du travail de ces organismes habilités à agir au nom des États membres et à renforcer les contrôles ainsi que les pénalités, avec la mise en place d'un système de sanctions graduées, plus efficace que le système actuel.

4.2.2

Mais, étant donné l'imbrication actuelle de ces fonctions, le CESE estime qu'il conviendrait de mieux distinguer les fonctions statutaires et de classification, par exemple en les confiant à des inspecteurs différents du même organisme agréé, ou à deux organismes différents. Une période intérimaire, durant laquelle une promotion continue des «meilleures pratiques», par le biais de négociations des États membres avec les sociétés concernées et entre sociétés de classification, s'avérera sans doute nécessaire pour élaborer un recueil de bonnes pratiques visant à éviter les conflits d'intérêt.

4.2.3

En vertu de l'article 19, paragraphe 3, les États membres doivent coopérer avec les sociétés de classification qu'ils habilitent au développement des règles et/ou des réglementations de ces organismes agréés. Nonobstant les dispositions des Articles 16 et 17, le CESE estime qu'une mesure similaire d'obligation réciproque devrait s'appliquer aux sociétés de classification.

4.2.4

Le CESE accueille favorablement les dispositions de l'Article 20 en ce qui concerne l'exigence pour les organisations reconnues de se consulter et de coopérer entre elles en vue d'assurer l'équivalence et la consistance dans l'application des conventions internationales.

4.3   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relatif au contrôle par l'État du port

4.3.1

Le CESE approuve la refonte de la directive dans un souci de clarté, ce qui permettra de renforcer et d'améliorer l'efficacité du contrôle effectué par l'État du port. Il observe qu'au cours des six dernières années, le nombre de navires ayant subi une inspection obligatoire renforcée est passé de 700 à 4.000.

4.3.2

Le CESE apprécie la volonté de reconnaître les navires respectant les normes de qualité en les soumettant à moins d'inspections, de concentrer les efforts sur l'inspection des navires à haut risque et de décourager l'utilisation de navires qui ne satisfont pas aux normes en leur interdisant l'accès aux ports européens. Étant donné que les dispositions du nouveau système seront basées sur les principes incorporés dans l'annexe II, la refonte de la directive est une occasion unique d'imposer et d'appliquer le nouveau système sans retard.

4.3.3

Le CESE relève avec satisfaction que le rôle des pilotes dans la détection précoce de déficiences éventuelles sera intensifié, mais est préoccupe par le fait que la confusion des fonctions commerciales avec des fonctions d'inspection ne sera pas aisée pour les pilotes, comme les pilotes hauturiers dépendants de compagnie fournissant des services de pilotage non obligatoires.

4.3.4

Il se félicite également que la directive introduise l'inspection des conditions de travail à bord, car le facteur humain joue souvent un rôle important dans les accidents maritimes. L'inspection des conditions de vie et de travail des marins à bord et de leurs qualifications exige un renforcement des effectifs d'inspecteurs ayant des compétences particulières en la matière; il serait difficile pour un seul inspecteur de mener à bien dans des délais souvent très brefs une double inspection approfondie, du point de vue technique et du point de vue social.

4.3.5

Le Comité accueille aussi favorablement l'exigence de l'Article 20 qui prévoit que la Commission établisse chaque année une «liste noire» montrant les performances des armateurs et des compagnies.

4.4   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2002/59/CE relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'information

4.4.1

Il est gratifiant de voir que les appels renouvelés du CESE en vue de l'instauration d'un système pour les navires en détresse ont été entendus (Article 20). Le CESE soutient donc la proposition visant à renforcer la directive, en augmentant et en harmonisant les exigences en matière de «lieux de refuge» (3). Afin d'être admis dans un lieu de refuge, un certificat d'adhésion à un Club P&I (club «protection et indemnité») devrait constituer une garantie financière suffisante. Néanmoins, l'absence d'un tel document ne devrait pas servir de prétexte pour refuser l'accès d'un navire en détresse à un lieu refuge.

4.4.2

Le Comité estime que l'autorité indépendante compétente en cas de traitement des accidents et de l'orientation des navires en détresse vers les lieux de refuge doit concentrer les pouvoirs nécessaires, indépendamment des obligations de consultation des parties concernées, et être à même de prendre les décisions et d'exercer toutes les responsabilités indispensables, y compris en ce qui concerne les possibles conséquences financières des décisions prises dans l'urgence.

4.4.3

Le CESE constate que la pêche figure toujours parmi les secteurs d'activité les plus vulnérables et se félicite à cet égard de l'obligation pour les navires de pêche de disposer d'un AIS (système d'identification automatique). Les petites et moyennes entreprises, notamment celles de pêche côtière, devraient bénéficier d'aides ou de facilités pour s'équiper (4).

4.4.4

Il soutient également les dispositions permettant aux États côtiers de prendre des mesures appropriées afin de limiter les dangers que peuvent représenter pour la navigation la formation de glaces dans certaines zones maritimes du nord de l'Union européenne. Il s'agit d'une question d'autant plus importante que le risque est particulièrement élevé dans la mer Baltique où transite un volume considérable de produits pétroliers. Néanmoins, pour éviter des problèmes éventuels liés aux normes établies par certaines sociétés de classification concernant la navigation dans les zones sujettes à la formation de glaces, il serait judicieux que les États uniformisent leurs propres règles en la matière.

4.4.5

Le CESE partage l'avis selon lequel la mise en place du système d'échange de données maritimes SafeSeaNet contribuera de manière substantielle à améliorer la sécurité maritime dans les eaux communautaires.

4.5   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes et modifiant les directives 1999/35/CE et 2002/59/CE

4.5.1

Le CESE soutient cette proposition, car c'est uniquement grâce à des enquêtes techniques indépendantes sur les accidents que l'on peut prendre les mesures nécessaires permettant de réduire les risques que de tels accidents ne se reproduisent. Le Comité approuve également l'instauration d'organes spécialisés indépendants, chargés d'effectuer ces enquêtes et est favorable à ce qu'on les différencie clairement des enquêtes menées à des fins répressives.

4.5.2

Le CESE accueille favorablement la disposition de l'Article 7 pour réaliser des enquêtes conjointes de sécurité.

4.5.3

Le CESE estime que la disposition de l'Article 9 sur la non-divulgation des informations autres que celles ayant pour but l'enquête de sécurité est essentielle. La disposition permettant à une autorité judiciaire d'accorder la divulgation est préoccupante. En conséquence, le CESE estime qu'il serait judicieux que les personnes fournissant des preuves dans le cadre de ces enquêtes techniques sur les accidents puissent bénéficier de l'immunité voire de l'anonymat. Il serait pertinent qu'à l'instar de l'industrie du transport aérien, les représentants du secteur du transport maritime ainsi que les représentants de la société civile organisée puissent participer au processus de recherche dans les zones concernées, car cela représente une source d'enseignement précieuse pour, à l'avenir, améliorer la prévention et à des fins de transparence. La Commission prévoit d'ailleurs judicieusement l'organisation d'un retour d'information pour capitaliser les expériences.

4.6   Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la responsabilité des entreprises assurant le transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure en cas d'accident

4.6.1

Le CESE soutient l'objectif fondamental de la proposition qui vise à permettre à l'ensemble des passagers à l'échelon de l'UE de bénéficier du même niveau de protection en cas d'accident, caractérisé par des dispositions modernisées concernant la responsabilité des transporteurs, un système d'assurance obligatoire et un plafond d'indemnisation approprié. Ces normes de protection s'appliquent également à tous les passagers ayant acheté leurs billets en Europe, même s'ils voyagent en dehors des eaux communautaires ou à bord de navires battant pavillon d'États tiers.

4.6.2

Le CESE rappelle que dans le cadre d'un projet de décision datant de 2003, les États membres ont été invités à ratifier le Protocole d'Athènes avant fin 2005. Malheureusement, le processus de ratification a été bloqué. La proposition actuelle permettra une application uniforme des dispositions du Protocole d'Athènes dans l'Union européenne. L'insertion du Protocole d'Athènes en droit communautaire ne soustrait pas les États membres à l'obligation de ratifier le Protocole afin de garantir son application au niveau international.

4.6.3

Le Comité relève l'existence de deux questions importantes qui restent à résoudre en rapport avec la proposition relative à la ratification par les États membres et à l'entrée en vigueur du Protocole d'Athènes de 2002. En premier lieu, il s'agit de la question de la guerre/du terrorisme. Le CESE attire l'attention sur la résolution de l'OMI offrant aux États la possibilité de formuler une réserve dans leur ratification afin de pouvoir émettre tous les certificats d'assurance demandés à l'exception de ceux concernant la guerre/le terrorisme. En deuxième lieu, en ce qui concerne les plafonds maxima, la Confédération internationale des clubs P&I a déclaré être en mesure de couvrir les plafonds maxima prévus par le Protocole à condition qu'une solution soit trouvée pour le problème du terrorisme. Des propositions alternatives ont été soumises pour examen et des solutions viables pourraient être trouvées au niveau international et/ou européen. La révision en cours du fonds communautaire de solidarité (Règlement 2012/2002) qui doit entrer en vigueur en 2007 peut apporter des aides d'urgence en cas de catastrophes, y compris résultant d'actes terroristes, mais cela ne pourra remplacer une solution négociée, que le Comité estime urgente, à la couverture assurancielle des dommages causés par une éventuelle attaque terroriste.

4.6.4

Le CESE reconnaît l'intérêt d'octroyer les mêmes indemnités aux passagers empruntant des navires sur des liaisons intra-communautaires et internationales. Toutefois, cette mesure risque d'être une source de difficultés non négligeables pour certaines petites compagnies ou à l'occasion de certains services.

4.6.5

En ce qui concerne les services domestiques de transport de passagers par mer, le CESE propose une période d'adaptation (transitoire) dans la mise en oeuvre de cette proposition, afin de minimiser toute répercussion négative dans ce domaine. Cela afin d'éviter que la viabilité économique des services locaux de ferries ne soit fortement réduite, ce qui porterait préjudice à la régularité des liaisons avec les îles.

4.6.6

S'agissant du paiement d'avances aux victimes d'accidents ou à leurs ayant droits, le Comité soutient la proposition en ce qui concerne les incidents de navigation pour lesquels le Protocole d'Athènes prévoit un régime de responsabilité strict.

4.6.7

Les dispositions relatives aux personnes handicapées et aux informations préalables au voyage devraient être considérées comme complémentaires et non comme un écart par rapport au Protocole d'Athènes. Des dispositions similaires ont été incorporées dans le règlement relatif aux droits des passagers du transport aérien, se rapportant à la Convention de Montréal.

4.6.8

En ce qui concerne la navigation intérieure, le CESE estime que le troisième paquet de mesures concernant la sécurité maritime ne tient pas compte des différences entre transport par voies de navigation intérieure (rivières, fleuves et deltas, canaux, lacs) et transport maritime (liaisons continent-île(s), service public assurant la continuité territoriale, et liaisons internationales). Tant la nature que l'exploitation de ces trajets sont différentes, ce qui justifie un régime juridique différent (règles de navigation/de sécurité/de fiabilité, de responsabilité et d'assurance obligatoire).

4.7   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires

4.7.1

Le CESE se prononce en faveur de la ratification par les États membres du Protocole LLMC de 1996 qui doublerait les plafonds prévus pour la responsabilité civile des propriétaires de navires par rapport aux dispositions du Protocole de 1976. Le texte de 1976 est une Convention de portée horizontale couvrant l'ensemble des créances maritimes. Néanmoins, le CESE prend note de la proposition visant à imposer à tout navire (quel que soit son pavillon) entrant dans les eaux communautaires de se munir d'un certificat de responsabilité financière correspondant au double du montant prévu dans le Protocole LLMC de 1996.

4.7.2

En vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), les États côtiers peuvent appliquer des normes sortant du cadre de la Convention précitée uniquement aux navires battant pavillon d'États tiers qui font escale dans leurs ports. Les Clubs P&I ont déclaré qu'ils n'envisageaient d'émettre que des certificats conformes aux plafonds supérieurs définis dans le Protocole de 1996.

4.7.3

L'assurance est préférable à l'insolvabilité. L'assurance dépend d'une définition claire des critères de responsabilité. L'abandon de la limitation en cas de négligence grave risque de se traduire par une contraction du marché de l'assurance et par l'augmentation du nombre de compagnies du transport maritime à un seul navire faisant appel au régime juridique des sociétés à responsabilité limitée.

4.7.4

Le CESE constate néanmoins que la perception et l'estimation de l'étendue des dommages et de la responsabilité ont beaucoup évolué ces dernières années; les indemnités versées en cas de dommages sont désormais très souvent perçues comme bien inférieures aux montants des préjudices directs et surtout indirects constatés. Une amélioration serait sans nul doute bienvenue en ce domaine; le Comité propose que la Commission effectue une analyse économique de sa proposition. Cette analyse devra déterminer l'impact économique généré par l'abandon total de la limitation de la responsabilité et s'il convient d'augmenter les niveaux de limitation.

4.7.4.1

Le CESE rappelle ses avis antérieurs sur les paquets Erika I et II et réitère que le but visé doit être la compensation rapide et garantie des victimes pour les dommages subis, et non un encouragement à poursuivre les litiges et à faire traîner les procès indéfiniment. La ratification de toutes les conventions existantes de l'OMI devrait permettre de disposer d'une responsabilité civile plus appropriée, d'une assurance obligatoire et d'une action directe pour des revendications définies avec précision, comme l'envisage la proposition de directive.

4.7.4.2

De l'avis du CESE, la responsabilité civile doit être régie par des règles claires et transparentes. En droit maritime, la «négligence grave» (gross negligence) est un concept juridique couramment appliqué dans les litiges concernant les dommages causés à la cargaison. Au plan international, le concept utilisé pour écarter la responsabilité sans faute est celui «d'imprudence en sachant que des dommages pourraient en résulter» (recklesness with knowledge), solution que le Comité avait soutenue dans son avis sur Erika II, mais dans le domaine de la pollution pétrolière. A cette fin, le Comité propose l'introduction, dans le projet de directive, de la mention de quelques facteurs objectifs, afin d'aider les États membres et leurs juridictions à déterminer quand le test de la notion de «négligence grave» serait satisfait. Sinon, un risque de divergence entre États membres dans las mise en œuvre de la directive pourrait survenir.

4.7.4.3

Le CESE maintient sa position selon laquelle les certificats de garantie financière doivent être validés par un certificat d'entrée dans un club P&I plutôt que par un certificat délivré par un État membre. Un certificat d'entrée dans un club P&I correspond aux objectifs de l'instrument proposé et peut être obtenu auprès des clubs P&I.

4.7.5

Telle que présentée, le CESE estime que la proposition est en contradiction avec les dispositions de la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en matière de prévention et de réparation des dommages environnementaux laquelle a reconnu l'application primaire des conventions de l'OMI, y compris de la LLMC. Il pourrait en résulter des problèmes en matière de droit international des traités pour les États membres parties aux LLMC 1976 et 1996.

4.7.5.1

Le CESE soutient la proposition visant à faire en sorte que les navires disposent de certificats de garanties financières en cas d'abandon des gens de mer et note que le groupe de travail OMI-OIT travaille sur ce sujet, qui relève de sa compétence au niveau international.

4.7.6

La responsabilité et l'indemnisation en cas de déversement de substances chimiques et de combustibles de soute sont régies par les conventions sur les substances nocives et dangereuses et sur le déversement d'hydrocarbures de soute. Elles sont le reflet d'un compromis auquel est parvenu la communauté internationale. Le CESE recommande vivement à la Commission de faire tous les efforts nécessaires pour que les États membres de l'UE ratifient rapidement la convention sur les substances toxiques et dangereuses ainsi que celle sur les hydrocarbures de soute, afin qu'elles puissent entrer en vigueur dans les meilleurs délais.

5.   Observations particulières

5.1

Le Comité prend acte avec intérêt de la récente 94ème Conférence internationale du travail (maritime) de l'OIT qui a adopté une Convention Maritime unifiée, comportant une partie impérative et une partie consacrée à des recommandations. L'ensemble des conventions maritimes adoptées au fil du temps depuis les années 20 du siècle passé, modifiées à diverses reprises, sont aujourd'hui regroupées, modernisées, dans un Code du travail maritime clair et universel. Le CESE prend également acte de l'intention de la Commission d'incorporer la convention de l'OIT (le Code maritime) au droit communautaire, et soutient les efforts en cours du groupe de travail du dialogue social, pour la mise en œuvre de la Convention et pour dégager les meilleurs moyens d'aborder la question de sa transposition en droit communautaire.

5.2

Tenant compte de sa préoccupation constante en faveur du facteur humain dans le transport maritime, le CESE invite avant tout la Commission à se fixer comme priorité d'inciter tous les États membres à ratifier dans les meilleurs délais cette Convention, afin de disposer d'une base législative harmonisée; il faut 30 ratifications représentant un tiers du tonnage brut mondial pour que la Convention entre en vigueur; l'UE lui apporterait un soutien essentiel, également en promouvant la ratification par les pays de l'Espace économique européen et les pays tiers avec lesquels existent des accords de coopération économique.

5.3

L'impact cumulé des mesures proposées sur les administrations des États du port et des États du pavillon (délivrance de certificats, inspection sociale, inspection renforcée, objectif d'inspection de 100 % des navires, etc.) devrait être mesuré rapidement par les autorités concernées, afin qu'elles prennent les mesures d'organisation, de financement et de recrutement nécessaire en temps utile.

5.4

Compte tenu des importantes obligations à charge de l'Agence européenne de sécurité maritime, il importe qu'elle dispose également des moyens suffisants pour les accomplir au mieux.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 95/21/CE du Conseil concernant l'application aux navires faisant escale dans les ports de la Communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des États membres des normes internationales relatives à la sécurité maritime, à la prévention des pollutions et aux conditions de vie à bord des navires (contrôle par l'État du port).

Directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la Directive du Conseil 94/57/CE relative aux règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes.

Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque (Avis du CESE: JO C 14 du 16 janvier 2001).

(2)  Directive du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi, de contrôle et d'information sur le trafic maritime.

Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la mise en place d'un fonds d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures dans les eaux européennes et d'autres mesures complémentaires.

Règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Agence européenne pour la sécurité maritime (Avis du CESE: JO C 221 du 7 août 2001).

(3)  Les meilleures pratiques du système britannique SOSREP constituent une source d'inspiration majeure en ce domaine.

(4)  Le Fonds européen pour la pêche, adopté le 16 juin dernier par le Conseil, ouvre la possibilité d'un financement jusqu'à 40 % du coût pour les équipements de sécurité; des mesures complémentaires sont aussi envisageables au niveau des États membres.