DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

13 novembre 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale SUSTAINABLE BY DESIGN – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑3/24,

Delvaux design coordination et finance (DDCF), établie à Etterbeek (Belgique), représentée par Mes M. Hartmann, S. Fröhlich et T. Ntinas, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. R. Raponi, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, MM. E. Buttigieg et G. Hesse (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Delvaux design coordination et finance (DDCF), demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 18 octobre 2023 (affaire R 1075/2023-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 9 novembre 2022, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal SUSTAINABLE BY DESIGN.

3        La marque demandée désignait, après la modification demandée par la requérante et son acceptation de la suggestion de reformulation de l’EUIPO, les produits relevant de la classe 18 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes, à savoir sacs, sacs à main, fourre-tout et cartables, fouets et sellerie, sacs de sport, sacs à dos, trousses de toilette non remplies, pochettes, porte-documents, mallettes pour documents, étuis pour clés ; trousses de voyage (maroquinerie) ; sacs d’écoliers ; porte-documents ; porte-documents en cuir ou en imitation du cuir ; malles, valises et petits sacs ; porte-monnaie, bourses et portefeuilles ; sacs-housses pour vêtements ; étuis pour cartes de visite (maroquinerie) ; portefeuilles et étuis pour cartes de crédit (maroquinerie) ; bandoulières et bandeaux en cuir ; parapluies, parasols et cannes ».

4        Par décision du 28 avril 2023, l’examinatrice a rejeté dans son intégralité la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du même règlement.

5        Le 24 mai 2023, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinatrice.

6        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours, au motif que l’enregistrement de la marque demandée devait être rejeté eu égard aux dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par lui en cas de convocation à une audience.

 En droit

9        La requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du même règlement. En particulier, la requérante soutient, premièrement, que la chambre de recours a estimé à tort que le niveau d’attention du public pertinent pouvait être relativement faible, au motif que la marque demandée était une indication à caractère promotionnel, et, deuxièmement, que ladite chambre a considéré à tort que la marque demandée serait comprise comme un message promotionnel selon lequel les produits en cause étaient délibérément conçus pour être respectueux de l’environnement.

10      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

11      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

12      À cet égard, il convient de rappeler que les signes dépourvus de caractère distinctif visés par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle d’une marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit ou du service qu’elle désigne, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert ledit produit ou ledit service de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêt du 27 février 2002, REWE-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, EU:T:2002:42, point 26 ; voir, également, arrêt du 3 septembre 2015, iNET24 Holding/OHMI (IDIRECT24), T‑225/14, non publié, EU:T:2015:585, point 43 et jurisprudence citée].

13      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

14      Un signe n’est pas de nature à remplir la fonction essentielle d’une marque, et n’est donc pas distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lorsque le lien établi entre sa teneur sémantique et les produits et services en cause est suffisamment concret et direct pour que, dans l’esprit du public pertinent, ce signe permette une identification immédiate de ces produits et services [voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2013, Restoin/OHMI (EQUIPMENT), T‑356/11, non publié, EU:T:2013:253, point 42, et du 27 juin 2013, International Engine Intellectual Property Company/OHMI (PURE POWER), T‑248/11, non publié, EU:T:2013:333, point 20 et jurisprudence citée].

15      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation (arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 35).

16      Si toutes les marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif, même simple, elles peuvent néanmoins être aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques peuvent avoir plusieurs significations, constituer un jeu de mots ou être perçues comme fantaisistes, surprenantes et inattendues et, par là même, être mémorisables, de sorte qu’elles ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné [arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, points 56 et 57, et du 1er février 2023, Groschopp/EUIPO (Sustainability through Quality), T‑253/22, non publié, EU:T:2023:29, point 25].

17      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, au vu de l’appréciation exposée par la chambre de recours dans la décision attaquée, l’argumentation de la requérante.

18      En premier lieu, s’agissant du public pertinent, la chambre de recours a relevé, au point 25 de la décision attaquée, que les produits en cause étaient destinés au grand public, dont le niveau d’attention était en principe moyen, ainsi qu’aux professionnels, dont le niveau d’attention était en principe élevé. La chambre de recours a également relevé , au point 28 de ladite décision, que, la marque demandée étant composée de termes anglais, le public pertinent était le public anglophone et comprenait, notamment, celui des États membres dont l’anglais était une langue officielle.

19      Les appréciations de la chambre de recours résumées au point 18 ci-dessus ne sont pas contestées par la requérante.

20      En revanche, la requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours a estimé, au point 26 de la décision attaquée, que le niveau d’attention du public pertinent pouvait être relativement faible à l’égard d’indications à caractère promotionnel. À cet égard, la requérante reproche à ladite chambre d’avoir considéré que le niveau d’attention du public pertinent était l’un des éléments devant être pris en compte afin de déterminer si une marque était un slogan publicitaire, de sorte que la détermination dudit niveau d’attention aurait dû précéder, et non suivre, la constatation selon laquelle une marque était un slogan publicitaire.

21      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

22      À cet égard, il importe de relever que la requérante n’indique pas quelle serait la conséquence, sur l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, de la prise en considération d’un niveau d’attention supérieur au niveau « p[ouvant] être relativement faible » retenu par la chambre de recours au point 26 de la décision attaquée. Au contraire, la requérante semble considérer qu’un niveau d’attention faible nuirait à la compréhension de la marque demandée par le public pertinent et contribuerait, par voie de conséquence, à son caractère distinctif. Par ailleurs, à supposer que la requérante soutienne, en réalité, que la chambre de recours aurait dû prendre en compte un niveau d’attention plus élevé au regard de la composition du public pertinent, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le niveau d’attention plus élevé du public pertinent spécialisé n’implique pas nécessairement qu’un caractère distinctif plus faible du signe est suffisant (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 48) et que la requérante n’explique pas la raison pour laquelle tel aurait pu être le cas en l’espèce.

23      Partant, l’argument de la requérante relatif à la détermination du niveau d’attention du public pertinent ne saurait prospérer.

24      En second lieu, s’agissant de la perception par le public pertinent de la signification de la marque demandée au regard des produits désignés, la chambre de recours a relevé que le terme « sustainable » signifiait « qui cause, ou qui est fait d’une manière qui cause, peu ou pas de dommages à l’environnement et qui peut donc se poursuivre pendant une longue période de temps », que ce terme était courant dans le domaine de la publicité et qu’il conférait donc un caractère publicitaire à la marque demandée. La chambre de recours a également relevé que l’expression « by design » désignait quelque chose que « quelqu’un fai[sai]t délibérément, plutôt que par accident », et qu’il s’agissait d’une combinaison de mots relativement courante, qui serait immédiatement comprise de l’intégralité du public pertinent anglophone. Ladite chambre en a déduit que la marque demandée serait perçue par une partie importante du public pertinent comme étant un message promotionnel, indiquant que les produits en cause étaient, selon les mots de l’examinatrice, « intentionnellement conçus pour être respectueux de l’environnement », ou, en d’autres termes, qu’ils étaient conçus pour être durables. Un tel message était, de l’avis de la chambre de recours, univoque et clair et ne nécessitait aucun effort mental particulier du public pertinent. La chambre de recours en a conclu que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif pour l’ensemble des produits qu’elle désignait.

25      La requérante fait valoir que, eu égard à sa signification, la marque demandée n’est pas un slogan publicitaire, l’expression « sustainable by design » ou, à tout le moins, l’expression « by design » ne mettant pas en avant des aspects positifs des produits visés. À supposer que la marque demandée soit perçue comme un slogan publicitaire, la requérante estime que cela ne suffirait pas pour établir qu’elle serait dépourvue du caractère distinctif minimal nécessaire pour être enregistrée, eu égard, notamment, à la pluralité des significations pouvant lui être attribuées, à son caractère fantaisiste et linguistiquement inhabituel et au fait que l’expression la composant constitue un jeu de mots.

26      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

27      Il convient de relever, premièrement, que, comme l’a indiqué la chambre de recours au point 31 de la décision attaquée, le terme « sustainable » a une signification précise. Selon le Cambridge Dictionary en ligne, il désigne quelque chose « qui cause, ou qui est fait d’une manière qui cause, peu ou pas de dommages à l’environnement et qui peut donc se poursuivre pendant une longue période de temps ». Telle est également la signification attribuée à ce terme par la jurisprudence, qui le traduit par « durab[le] » (arrêt du 1er février 2023, Sustainability through Quality, T‑253/22, non publié, EU:T:2023:29, point 34) et indique qu’il s’entend, notamment, de services qui « contribuent, de manière générale, à éviter des dommages écologiques sur le long terme » [arrêt du 16 octobre 2018, DNV GL/EUIPO (Sustainablel), T‑644/17, non publié, EU:T:2018:684, point 34].

28      Dès lors, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ne saurait être considéré que le terme « sustainable » est très vague et qu’il n’a pas de signification particulière. À cet égard, il convient de relever que, si la requérante soutient que le terme « sustainable » n’a pas de « signification particulière », elle n’en reconnaît pas moins que ledit terme « signifie que quelque chose est respectueux de l’environnement ». Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle ce terme « peut faire l’objet de différentes interprétations », le Tribunal constate que la requérante n’est pas en mesure d’indiquer lesquelles. Par ailleurs, il a déjà été jugé que, appliqué à des services qui concernent la création de stratégies et d’opérations durables visant à atténuer l’impact sur l’environnement, le terme « sustainable » a une signification claire et non équivoque (arrêt du 16 octobre 2018, Sustainablel, T‑644/17, non publié, EU:T:2018:684, point 34).

29      Il convient également de relever que l’expression « by design » fait l’objet d’une entrée propre dans le Collins Dictionary en ligne. Cette entrée indique, comme l’a relevé la chambre de recours au point 33 de la décision attaquée, que, « si quelque chose se produit ou est fait ainsi (by design), quelqu’un le fait délibérément, plutôt que par accident ».

30      Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que, comme indiqué au point 16 ci-dessus, selon la jurisprudence, les marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires peuvent néanmoins être aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause, notamment lorsque ces marques peuvent avoir plusieurs significations, constituer un jeu de mots ou être perçues comme fantaisistes, surprenantes et inattendues.

31      S’appuyant sur cette jurisprudence, la requérante soutient que l’expression « by design », loin d’être, comme l’a relevé la chambre de recours, une expression courante qui serait immédiatement comprise comme signifiant « délibérément », correspond à une expression sophistiquée en anglais. À cet égard, la requérante fait valoir que cette expression peut avoir une autre signification que celle que lui a attribuée la chambre de recours.

32      À cet égard, il importe de rappeler que la pluralité de significations de la marque demandée est un élément pertinent qu’il y a lieu de prendre en considération dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 [arrêt du 21 février 2024, Timothy Jacob Jensen Studios/EUIPO (DESIGNERS TRUST), T‑92/23, non publié, EU:T:2024:107, point 26].

33      Cependant, l’allégation de la requérante relative au caractère sophistiqué de l’expression « by design », outre qu’elle n’est pas étayée, est en contradiction avec le fait que cette expression dispose d’une entrée propre non seulement dans le Collins Dictionary en ligne, citée au point 29 ci-dessus, mais également dans l’Oxford English Dictionary en ligne et dans le Cambridge Dictionary en ligne, qui la définissent de la même manière. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a estimé, au point 35 de la décision attaquée, que la combinaison des deux mots de base « by » et « design » était une combinaison relativement courante, qui serait comprise du public anglophone.

34      En outre, il n’importe pas que, comme le fait valoir la requérante, le terme « design » puisse désigner non seulement l’intention ou le dessein de faire quelque chose, mais également un « plan », de sorte que l’expression « by design » pourrait signifier non seulement « intentionnellement », mais également « selon un plan ou un schéma conçu mentalement et destiné à une exécution ultérieure ». En effet, comme le fait valoir l’EUIPO, ces deux significations sont très proches l’une de l’autre.

35      Enfin, l’allégation de la requérante selon laquelle le terme « design » peut également désigner l’« apparence » d’un produit, de sorte que l’expression « by design » pourrait indiquer que les produits en cause sont durables et respectueux de l’environnement « par leur apparence », ne saurait prospérer. En effet, comme le remarque d’ailleurs la requérante elle-même, les produits désignés par la marque demandée, notamment ceux en cuir, ne peuvent pas être durables en raison de leur apparence ou de leur forme. Ils peuvent, en particulier, l’être en raison de leur qualité, qu’il s’agisse de la qualité du cuir utilisé ou de la qualité de la facture du sac, qui rendra ce produit plus résistant et le fera durer plus longtemps. Toutefois, la qualité d’un sac ne se confond pas avec son apparence ou avec sa forme.

36      À cet égard, la requérante ne saurait utilement s’appuyer sur l’article 3, sous a), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), qui définit le terme anglais « design », ou son équivalent français « dessin ou modèle », comme l’« apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation ». En effet, comme le fait valoir l’EUIPO, il est peu probable que le public pertinent, qui n’est pas composé de professionnels du droit de la propriété intellectuelle, perçoive le terme « design » comme faisant référence au règlement no 6/2002.

37      S’appuyant, ici encore, sur la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, la requérante soutient que l’expression « sustainable by design » constitue un jeu de mots. À cet égard, elle fait valoir, en substance, que le terme « design » sera compris comme faisant référence à l’apparence des produits en cause et l’expression « by design » comme indiquant le caractère intentionnel ou délibéré d’une action, de sorte que l’expression « sustainable by design » sera perçue comme signifiant à la fois que les produits en cause sont respectueux de l’environnement par leur apparence et qu’ils ont été délibérément conçus pour être respectueux de l’environnement.

38      À cet égard, il suffit de constater que, comme il ressort des points 35 et 36 ci-dessus, l’expression « by design » ne sera pas comprise comme faisant référence à l’apparence des produits en cause, parce qu’un produit ne peut pas être respectueux de l’environnement en raison de son apparence. Partant, la marque demandée ne saurait être considérée comme constituant un jeu de mots.

39      Enfin, toujours par référence à la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, la requérante soutient que l’expression « sustainable by design » sera perçue comme inattendue, voire fantaisiste. À cet égard, elle fait, entre autres, valoir que cette expression n’est pas une expression courante, notamment lorsqu’elle est utilisée en rapport avec des produits en cuir. Selon la requérante, le terme « sustainable » peut être associé à pratiquement tous les biens et services existants, de sorte qu’il n’a aucun lien ou, du moins, aucun lien direct avec les produits désignés par la marque demandée et, notamment, avec les produits en cuir.

40      À cet égard, il convient de relever qu’il a déjà été jugé, à propos de sacs et de sacs à dos relevant de la classe 18, que ces produits pouvaient être réalisés de manière durable et respectueuse de l’environnement, dès lors qu’ils pouvaient être fabriqués en utilisant des composants qui n’étaient pas nocifs pour l’environnement, ou être fabriqués à partir de matériaux écologiques, recyclés ou plus durables, ou encore être fabriqués selon un processus limitant l’usage ou la libération de substances chimiques et, ainsi, contribuer à la préservation de l’environnement ou, tout du moins, avoir un impact réduit sur l’environnement [arrêt du 13 septembre 2023, Ecoalf Recycled Fabrics/EUIPO (BECAUSE THERE IS NO PLANET B), T‑324/22, non publié, EU:T:2023:536, points 51 et 52]. La requérante elle-même suggère que des sacs en cuir peuvent être considérés comme respectueux de l’environnement si, par exemple, ils durent plus longtemps que d’autres produits, ou si les animaux dont le cuir a été utilisé ont été traités d’une manière particulièrement respectueuse. Partant, il ne saurait être considéré que le lien entre l’expression « sustainable by design » et les produits en cause, notamment les produits en cuir, n’est pas suffisamment concret et direct, au sens de la jurisprudence citée au point 14 ci-dessus. Dès lors, la requérante n’a pas démontré que l’expression « sustainable by design » était inattendue, voire fantaisiste.

41      Troisièmement, c’est à tort que la requérante conteste, en substance, que l’expression « sustainable by design » puisse avoir une connotation positive, notamment parce que l’expression « by design » ne se verrait normalement pas attribuer une telle connotation et qu’elle indiquerait le caractère volontaire d’une action, caractère qui serait pertinent afin de constater une violation de la loi.

42      À cet égard, il convient de relever que la requérante indique expressément qu’elle ne conteste pas que le terme « sustainable » puisse avoir une connotation positive.

43      Il convient également de relever que, comme le fait valoir l’EUIPO, l’argument de la requérante selon lequel, en substance, l’expression « by design » indique l’intention de commettre une infraction n’est pas étayé, la requérante n’indiquant pas sur quelles sources elle s’appuie pour proposer une telle définition. Partant, l’expression « by design » ne saurait être regardée comme ayant une connotation négative. Tout au plus pourrait-elle être considérée comme ayant une connotation neutre.

44      Or, eu égard à la connotation positive, non contestée, du terme « sustainable », la seule circonstance que l’expression « by design » puisse avoir une connotation neutre ne suffit pas à établir que la marque demandée n’a pas de connotation positive.

45      Par conséquent, c’est à tort que la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré, sans explication, que la marque demandée n’avait pas un caractère promotionnel. En effet, la requérante s’appuie uniquement, à cet égard, sur l’absence de connotation positive de ladite marque. Or, il vient d’être constaté, au point 44 ci-dessus, que celle-ci avait une telle connotation.

46      Il découle de ce qui précède que, comme l’a relevé la chambre de recours aux points 39 et 41 de la décision attaquée, l’expression « sustainable by design » sera perçue comme transmettant un message élogieux, indiquant que les produits désignés par la marque demandée ont été intentionnellement ou délibérément conçus pour être respectueux de l’environnement ou pour être durables.

47      C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu, au point 42 de la décision attaquée, que la marque demandée était intrinsèquement dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

48      La conclusion figurant au point 47 ci-dessus ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas, ou pas suffisamment, tenu compte, d’une part, des marques enregistrées auprès de l’EUIPO qui comportent les termes « sustainable » ou « by design » et, d’autre part, du fait que la marque verbale SUSTAINABLE BY DESIGN a été enregistrée en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis.

49      S’agissant de l’argument de la requérante tiré de la prise en compte insuffisante de marques comparables enregistrées auprès de l’EUIPO, il suffit de rappeler que, dans le cadre de son contrôle de légalité, le Tribunal n’est pas lié par la pratique de l’EUIPO [voir arrêt du 7 septembre 2022, Völkl/EUIPO – Marker Dalbello Völkl (International) (Völkl), T‑155/21, non publié, EU:T:2022:518, point 32 et jurisprudence citée].

50      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé, au point 50 de la décision attaquée, que la requérante ne pouvait pas invoquer la pratique décisionnelle de l’EUIPO pour invalider sa conclusion selon laquelle la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

51      S’agissant de l’argument de la requérante tiré de l’enregistrement de la marque SUSTAINABLE BY DESIGN en France, au Royaume-Uni et, à deux reprises, aux États-Unis, il y a lieu de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national et la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO devant être appréciée uniquement sur le fondement du règlement 2017/1001, tel qu’il est interprété par le juge de l’Union (voir arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 58 et jurisprudence citée).

52      Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [arrêt du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, EU:T:2002:43, point 47].

53      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, aux points 47, 49 et 50 de la décision attaquée, que le fait que la marque demandée ait été enregistrée en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis n’invalidait pas sa conclusion selon laquelle ladite marque était dépourvue de caractère distinctif.

54      Il résulte de ce qui précède que le moyen unique de la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être écarté. En conséquence, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

56      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas de convocation à une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Delvaux design coordination et finance (DDCF) et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supporteront chacun leurs propres dépens.

Kowalik-Bańczyk

Buttigieg

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 novembre 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.