ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

23 octobre 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Agriculture – Politique agricole commune (PAC) – Régimes de soutien direct – Règlement délégué (UE) no 640/2014 – Article 15, paragraphe 1 – Exceptions à l’application de sanctions administratives – Demande d’aide incorrecte – Retrait d’une telle demande – Notification aux autorités nationales compétentes – Sanctions administratives applicables en cas de surdéclaration de superficies – Sanctions au titre de l’article 19 bis du règlement délégué no 640/2014 – Applicabilité de cet article après l’abrogation du règlement délégué no 640/2014 »

Dans l’affaire C‑267/24,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie), par décision du 4 avril 2024, parvenue à la Cour le 16 avril 2024, dans la procédure

Kanevi Komers DS EOOD

contre

Zamestnik izpalnitelen direktor na Darzhaven fond « Zemedelie » ,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. M. Condinanzi (rapporteur), président de chambre, M. N. Jääskinen et Mme R. Frendo, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour la Commission européenne, par Mmes M. Ilkova et M. Salyková, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 15 et 19 bis du règlement délégué (UE) no 640/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, au soutien au développement rural et à la conditionnalité (JO 2014, L 181, p. 48, et rectificatif JO 2015, L 209, p. 48), tel que modifié par le règlement délégué (UE) 2016/1393 de la Commission, du 4 mai 2016 (JO 2016, L 225, p. 41) (ci-après le « règlement délégué no 640/2014 »), ainsi que de l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Kanevi Komers DS EOOD, une société de droit bulgare, au Zamestnik izpalnitelen direktor na Darzhaven fond « Zemedelie » (Directeur exécutif adjoint du fonds national « Agriculture » , Bulgarie) (ci-après le « DFZ ») au sujet de la décision de ce dernier de réduire le montant de l’aide financière demandée par Kanevi Komers DS pour la campagne 2019, au titre de plusieurs régimes d’aide et mesures de paiements directs à la surface, et de lui imposer des sanctions en raison de surdéclarations de superficies.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (UE) no 1306/2013

3

Le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549, et rectificatif JO 2016, L 130, p. 13), a été abrogé avec effet au 1er janvier 2023 par le règlement (UE) 2021/2116 du Parlement européen et du Conseil, du 2 décembre 2021, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (UE) no 1306/2013 (JO 2021, L 435, p. 187). Toutefois, en vertu de l’article 104 du règlement 2021/2116, les articles 59, 63, 64, 67, 68, 74 et 77 du règlement no 1306/2013 continuent de s’appliquer aux dépenses encourues et aux paiements effectués pour des régimes de soutien au titre du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 608), avant et pendant l’année civile 2022. Étant donné que la demande d’aide en cause au principal concerne la campagne 2019, le règlement no 1306/2013 est applicable en l’occurrence.

4

L’article 59 du règlement no 1306/2013, intitulé « Principes généraux applicables aux contrôles », dispose, à ses paragraphes 1 et 3 :

« 1.   Le système mis en place par les États membres [...] comprend, sauf disposition contraire, le contrôle administratif systématique de toutes les demandes d’aide et de toutes les demandes de paiement. Des contrôles sur place s’ajoutent à ce système.

[...]

3.   Après chaque contrôle sur place, l’autorité responsable établit un rapport. »

5

L’article 63 de ce règlement, intitulé « Paiements indus et sanctions administratives », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Lorsqu’il est constaté qu’un bénéficiaire ne respecte pas les critères d’admissibilité, les engagements ou les autres obligations relatifs aux conditions d’octroi de l’aide ou du soutien prévus par la législation agricole sectorielle, l’aide n’est pas payée ou est retirée en totalité ou en partie et, le cas échéant, les droits au paiement correspondants visés à l’article 21 du règlement (UE) no 1307/2013 ne sont pas alloués ou sont retirés.

[...]

2.   De surcroît, lorsque la législation agricole sectorielle le prévoit, les États membres imposent également des sanctions administratives, conformément aux règles énoncées aux articles 64 et 77 [...] »

6

Aux termes de l’article 64, paragraphe 4, du règlement no 1306/2013, intitulé « Application de sanctions administratives » :

« Les sanctions administratives peuvent revêtir l’une des formes suivantes :

a)

une réduction du montant de l’aide ou du soutien à verser au titre de la demande d’aide ou de paiement concernée par le non-respect, ou de demandes ultérieures ; s’agissant du soutien au développement rural, cela s’entend sans préjudice de la possibilité de suspendre le soutien lorsque l’on peut s’attendre à ce que le bénéficiaire remédie au non-respect dans un délai raisonnable ;

b)

le paiement d’un montant calculé sur la base de la quantité et/ou de la période concernées par le non-respect ;

c)

la suspension ou le retrait d’une autorisation, d’une reconnaissance ou d’un agrément ;

d)

l’exclusion du droit de participer au régime d’aide, à la mesure de soutien ou à une autre mesure concernés ou de bénéficier de ceux-ci. »

7

Le chapitre 2, intitulé « Système intégré de gestion et de contrôle », du titre V de ce règlement, comprend l’article 67 de celui-ci, qui est libellé comme suit :

« 1.   Chaque État membre établit et gère un système intégré de gestion et de contrôle (“système intégré”).

[...]

4.   Aux fins du présent chapitre, on entend par :

[...]

b)

“paiement direct à la surface”, le régime de paiement de base, le régime de paiement unique à la surface et le paiement redistributif visés au titre III, chapitres 1 et 2, du règlement (UE) no 1307/2013, le paiement en faveur des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement visé au titre III, chapitre 3, du règlement (UE) no 1307/2013, le paiement en faveur des zones soumises à des contraintes naturelles visé au titre III, chapitre 4, du règlement (UE) no 1307/2013, le paiement en faveur des jeunes agriculteurs visé au titre III, chapitre 5, du règlement (UE) no 1307/2013, le soutien couplé facultatif visé au titre IV, chapitre 1, lorsque l’aide est payée à l’hectare, l’aide spécifique au coton visée au titre IV, chapitre [2], le régime des petits agriculteurs visé au titre V du règle ment (UE) no 1307/2013 [...] »

8

L’article 68, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013 prévoit :

« Le système intégré comprend les éléments suivants :

a)

une base de données informatisée ;

b)

un système d’identification des parcelles agricoles ;

c)

un système d’identification et d’enregistrement des droits au paiement ;

d)

les demandes d’aide et les demandes de paiement ;

e)

un système intégré de contrôle ;

f)

un système unique pour enregistrer l’identité de chaque bénéficiaire de l’aide visée à l’article 67, paragraphe 2, soumettant une demande d’aide ou de paiement. »

9

L’article 74, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Conformément à l’article 59, les États membres pratiquent, par l’intermédiaire des agences de paiement ou des organismes mandatés par elles, des contrôles administratifs sur la demande d’aide afin de vérifier si les conditions d’admissibilité sont remplies pour l’aide en question. Ces contrôles sont complétés par des contrôles sur place. »

10

Aux termes de l’article 77 dudit règlement, intitulé « Application de sanctions administratives » :

« 1.   En ce qui concerne les sanctions administratives visées à l’article 63, paragraphe 2, le présent article s’applique en cas de non- respect des critères d’admissibilité, obligations ou autres engagements découlant de l’application des règles relatives au soutien visé à l’article 67, paragraphe 2.

[...]

4.   Les sanctions administratives peuvent revêtir les formes suivantes :

a)

une réduction du montant de l’aide ou du soutien versé ou à verser au titre des demandes d’aide ou des demandes de paiement concernées par le non-respect, et/ou au titre de demandes d’aide ou de demandes de paiement concernant des années précédentes ou ultérieures ;

b)

le paiement d’un montant calculé sur la base de la quantité et/ou de la période concernées par le non-respect ;

c)

l’exclusion du droit de participer au régime d’aide ou à la mesure de soutien concerné.

[...] »

Le règlement no 1307/2013

11

Le règlement no 1307/2013 a été abrogé avec effet au 1er janvier 2023 par le règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil, du 2 décembre 2021, établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant les règlements (UE) no 1305/2013 et (UE) no 1307/2013 (JO 2021, L 435, p. 1). Toutefois, en vertu de l’article 154, paragraphe 2, du règlement 2021/2115, le règlement no 1307/2013 continue de s’appliquer en ce qui concerne les demandes d’aide relatives à des années de demandes commençant avant le 1er janvier 2023. Étant donné que la demande d’aide en cause au principal concerne la campagne 2019, le règlement no 1307/2013 est applicable en l’occurrence.

12

Le considérant 4 du règlement no 1307/2013 énonce :

« Il y a lieu de préciser que le règlement [no 1306/2013] et les dispositions adoptées conformément à celui-ci doivent s’appliquer aux mesures prévues par le présent règlement. [...] »

13

L’article 1er du règlement no 1307/2013 prévoit :

« Le présent règlement établit :

a)

des règles communes relatives aux paiements octroyés directement aux agriculteurs au titre des régimes de soutien énumérés à l’annexe I (“paiements directs”) ;

b)

des règles spécifiques concernant :

i)

un paiement de base pour les agriculteurs (ci-après dénommé “régime de paiement de base”) et un régime simplifié transitoire (ci-après dénommé “régime de paiement unique à la surface”) ;

ii)

une aide nationale transitoire facultative en faveur des agriculteurs ;

iii)

un paiement redistributif facultatif ;

iv)

un paiement pour les agriculteurs recourant à des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement ;

v)

un paiement facultatif pour les agriculteurs dans les zones soumises à des contraintes naturelles ;

vi)

un paiement pour les jeunes agriculteurs qui commencent à exercer une activité agricole ;

vii)

un régime de soutien couplé facultatif ;

[...] »

Le règlement délégué no 640/2014

14

Le règlement délégué no 640/2014 a été abrogé avec effet au 1er janvier 2023 par le règlement délégué (UE) 2022/1172 de la Commission, du 4 mai 2022, complétant le règlement (UE) 2021/2116 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle lié à la politique agricole commune et l’application et le calcul des sanctions administratives en matière de conditionnalité (JO 2022, L 183, p. 12). Toutefois, conformément à l’article 13 du règlement délégué 2022/1172, le règlement délégué no 640/2014 continue de s’appliquer aux demandes d’aide relatives à des paiements directs présentées avant le 1er janvier 2023. Ainsi, compte tenu de la date des faits au principal, le règlement délégué no 640/2014 est applicable en l’occurrence.

15

Les considérants 2, 8 et 17 du règlement délégué no 640/2014 énoncent :

« (2)

Il convient notamment d’établir des règles visant à compléter certains éléments non essentiels du règlement (UE) no 1306/2013 en ce qui concerne le fonctionnement du système intégré de gestion et de contrôle (système intégré), les délais de présentation des demandes d’aide ou de paiement, les conditions d’un refus partiel ou total de l’aide et d’un retrait partiel ou total de l’aide ou du soutien indûment octroyé et la détermination des sanctions administratives en cas de non-conformité en ce qui concerne les conditions d’admissibilité aux aides au titre des régimes établis par le règlement (UE) no 1307/2013 [...]

[...]

(8)

Pour assurer la bonne mise en œuvre du régime de paiement de base et des paiements connexes prévus au titre III du règlement (UE) no 1307/2013, il importe que les États membres établissent un système d’identification et d’enregistrement relatif aux droits au paiement, garantissant la traçabilité de ces droits et permettant notamment un contrôle croisé entre les superficies déclarées dans le cadre du régime de paiement de base et les droits au paiement de chaque agriculteur et une vérification des différents droits au paiement à proprement parler.

[...]

(17)

Il convient que les bénéficiaires qui notifient à n’importe quel moment aux autorités nationales compétentes l’existence de demandes d’aide ou de paiement inexactes ne fassent pas l’objet de sanctions administratives quelle que soit la raison de la non-conformité, à moins qu’ils n’aient été prévenus de l’intention de l’autorité compétente de réaliser un contrôle sur place ou que l’autorité compétente ne les ait déjà informés des cas de non-conformité constatés dans la demande d’aide ou de paiement. »

16

L’article 2 du règlement délégué no 640/2014, intitulé « Définitions », dispose, à son paragraphe 1 :

« [...]

[...] on entend par :

[...]

(2)

“non-conformité”,

a)

pour les critères d’admissibilité, les engagements ou les autres obligations relatifs aux conditions d’octroi de l’aide ou du soutien visés à l’article 67, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1306/2013, tout non-respect de ces critères d’admissibilité, engagements ou autres obligations ; [...]

[...] »

17

L’article 15 du règlement délégué no 640/2014, intitulé « Exceptions à l’application de sanctions administratives », prévoit :

« 1.   Les sanctions administratives prévues au présent chapitre ne s’appliquent pas en ce qui concerne la partie de la demande d’aide ou de la demande de paiement que le bénéficiaire a signalée par écrit à l’autorité compétente comme étant incorrecte ou l’étant devenue depuis le dépôt de la demande, à condition que le bénéficiaire n’ait pas été prévenu que l’autorité compétente entendait effectuer un contrôle sur place et n’ait pas déjà été informé par l’autorité compétente des cas de non-conformité constatés dans sa demande d’aide ou de paiement.

2.   Sur la base des informations fournies par le bénéficiaire comme indiqué au premier alinéa, la demande d’aide ou de paiement est rectifiée de manière à refléter l’état réel de la situation. »

18

L’article 19 bis de ce règlement délégué, intitulé « Sanctions administratives applicables en cas de surdéclaration de superficies pour le régime de paiement de base, le régime de paiement unique à la surface, le paiement redistributif, le régime en faveur des jeunes agriculteurs, le paiement en faveur des zones soumises à des contraintes naturelles, le régime des petits agriculteurs, Natura 2000 et les paiements liés à la directive-cadre sur l’eau, et les paiements en faveur des zones soumises à des contraintes naturelles ou à d’autres contraintes spécifiques » dispose, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.   Si, pour un groupe de cultures visé à l’article 17, paragraphe 1, la superficie déclarée au titre des régimes d’aide prévus au titre III, chapitres 1, 2, 4 et 5, et au titre V du règlement (UE) no 1307/2013, ainsi qu’au titre des mesures de soutien visées aux articles 30 et 31 du [règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 487)], est supérieure à la superficie déterminée conformément à l’article 18 du présent règlement, le montant de l’aide ou du soutien est calculé sur la base de la superficie déterminée, réduite de 1,5 fois la différence constatée si cette différence est supérieure à 3 % de la superficie déterminée ou à 2 ha.

La sanction administrative ne dépasse pas 100 % des montants calculés sur la base de la superficie déclarée.

2.   Lorsqu’aucune sanction administrative n’a encore été imposée au bénéficiaire en vertu du paragraphe 1 pour une surdéclaration de superficies dans le cadre du régime d’aide ou de la mesure de soutien concerné, la sanction administrative visée audit paragraphe est réduite de 50 % si la différence entre la superficie déclarée et la superficie déterminée n’excède pas 10 % de la superficie déterminée.

3.   Lorsqu’un bénéficiaire a obtenu une réduction de la sanction administrative conformément au paragraphe 2 et qu’il fait l’objet d’une autre sanction administrative visée par le présent article et par l’article 21 dans le cadre du régime d’aide ou de la mesure de soutien en question pour l’année de demande suivante, il est tenu de s’acquitter de l’intégralité de ladite sanction administrative pour l’année de demande suivante et du montant de la réduction calculée conformément au paragraphe 2 de la sanction administrative calculée conformément au paragraphe 1. »

Le règlement d’exécution (UE) no 809/2014

19

Le règlement d’exécution (UE) no 809/2014 de la Commission, du 17 juillet 2014, établissant les modalités d’application du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 227, p. 69), a été abrogé avec effet au 1er janvier 2023 par le règlement d’exécution (UE) 2022/1173 de la Commission, du 31 mai 2022, établissant les modalités d’application du règlement (UE) 2021/2116 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle dans la politique agricole commune (JO 2022, L 183, p. 23). Cependant, aux termes de l’article 14 du règlement d’exécution 2022/1173 le règlement d’exécution no 809/2014 continue de s’appliquer aux demandes d’aide relatives à des paiements directs présentées avant le 1er janvier 2023. Compte tenu de la date des faits au principal, le règlement d’exécution no 809/2014 est applicable en l’occurrence.

20

L’article 25 du règlement d’exécution no 809/2014 dispose :

« Les contrôles sur place peuvent être précédés d’un préavis pour autant que cela n’interfère pas avec leur objectif ou leur efficacité. Tout préavis est strictement limité à la durée minimale nécessaire et ne peut dépasser 14 jours.

[...] »

21

L’article 41 de ce règlement d’exécution, intitulé « Rapport de contrôle », est libellé comme suit :

« 1.   Chaque contrôle sur place en vertu de la présente section fait l’objet d’un rapport de contrôle rendant compte avec précision des différents éléments du contrôle et permettant de tirer des conclusions sur la conformité avec les critères d’admissibilité, les engagements et les autres obligations. [...]

2.   Le bénéficiaire se voit accorder la possibilité de signer le rapport durant le contrôle pour attester de sa présence lors du contrôle et pour ajouter des observations. Si les États membres utilisent un rapport de contrôle établi par des moyens électroniques au cours du contrôle, l’autorité compétente prévoit la possibilité d’une signature électronique par le bénéficiaire ou veille à ce que le rapport de contrôle soit envoyé sans délai au bénéficiaire en lui donnant la possibilité de le signer et d’y ajouter des observations. Si des cas de non-conformité sont constatés, le bénéficiaire reçoit une copie du rapport de contrôle.

[...] »

Le droit bulgare

Le ZPZP

22

L’article 41 du Zakon za podpomagane na zemedelskite proizvoditeli (loi de soutien aux agriculteurs) (DV no 58, du 22 mai 1998), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « ZPZP »), dispose :

(1)   Les agriculteurs enregistrés conformément à l’article 7 peuvent demander une aide au titre des régimes visés à l’article 38a, paragraphe 1, moyennant le dépôt d’une demande d’aide conformément à l’article 32, paragraphe 1, pour l’année civile concernée.

[...]

(3)   Les terrains agricoles visés dans la demande d’aide doivent être à la disposition des agriculteurs au 31 mai de l’année civile concernée, conformément à l’article 36, paragraphe 5, du règlement (UE) no 1307/2013, ce qui est certifié par une base juridique d’utilisation enregistrée en vertu du [Zakon za sobstvenostta i polzvaneto na zemedelskite zemi (loi sur la propriété et l’utilisation des terrains agricoles)].

(4)   La base juridique de l’utilisation des terrains agricoles est enregistrée auprès des services municipaux pour l’agriculture du lieu où se trouvent les propriétés, moyennant un logiciel spécialisé géré par le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Forêts. L’enregistrement est effectué jusqu’à l’expiration des délais prévus par l’arrêté visé à l’article 32, paragraphe 5, pour l’introduction de la demande d’aide et pour les modifications de celle-ci.

(5)   Le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Forêts classe, fait la synthèse et transmet à l’organisme payeur, en une seule fois ou par étapes, les données relatives aux bases juridiques enregistrées pour l’utilisation des terrains agricoles. [...]

(6)   Lors de l’introduction d’une demande d’aide via le système intégré de gestion et de contrôle, l’organisme payeur vérifie les données de la demande, lesquelles sont comparées aux données visées au paragraphe 5. Si l’agriculteur a inclus dans sa demande des terrains agricoles situés en dehors des surfaces pour lesquelles il existe une base légale ou dans une mesure dépassant la base légale d’utilisation enregistrée, le système génère un signalement d’erreur. Le signalement d’erreur est soumis à l’agriculteur pour signature.

(7)   À l’expiration des délais de dépôt de la demande d’aide et de modification de celle-ci, prévus par l’arrêté visé à l’article 32, paragraphe 5, l’organisme payeur procède à un contrôle administratif de toutes les demandes d’aide introduites pour lesquelles le système a émis un signalement d’erreur. Lors du contrôle, les informations contenues dans les demandes d’aide sont comparées aux données visées au paragraphe 5 concernant le respect des conditions visées aux paragraphes 3 et 4.

[...]

(9)   Lorsque la vérification réalisée au titre des paragraphes 7 et 8 ne fait apparaître aucune base juridique enregistrée au sens du paragraphe 4, l’organisme payeur applique les dispositions de l’article 43, paragraphe 3. »

23

L’article 43 du ZPZP prévoit :

« (1)   L’organisme payeur effectue des paiements directs concernant les demandes déposées lorsqu’il constate que :

1.

le demandeur utilise les surfaces agricoles déclarées dans la demande et y exerce une activité agricole ;

[...]

3.

la surface utilisée par l’agriculteur et la taille des parcelles agricoles ne sont pas inférieures à celles fixées à l’article 38c ;

4.

les surfaces déclarées au titre de l’aide sont considérées comme admissibles au bénéfice de l’aide lors des contrôles visés à l’article 37, paragraphes 3 et 4.

(2)   L’organisme payeur contrôle les demandes d’aide au titre des régimes de paiement direct conformément à l’article 37.

(3)   L’organisme payeur réduit le montant du paiement ou refuse le paiement au titre des régimes de paiement direct lorsque :

1.

le demandeur exploite des surfaces et/ou des parcelles agricoles d’une taille inférieure à celles fixées à l’article 38c ;

2.

cet organisme a constaté que les conditions relatives à la conditionnalité n’étaient pas respectées pour les surfaces concernées ;

3.

le demandeur empêche une visite de contrôle sur place ;

4.

le demandeur a déclaré des surfaces qu’il n’exploite pas ou a déclaré des surfaces qui ne respectent pas les critères d’admissibilité au bénéfice de l’aide, tels que définis par l’arrêté visé à l’article 40 ;

5

pour une même surface, deux ou plusieurs demandes ont été introduites et le chevauchement de surfaces n’a pas été éliminé ;

[...]

(4)   L’organisme payeur diminue le montant du paiement ou refuse le paiement visé au paragraphe 3 conformément aux critères fixés par la législation de l’Union européenne. »

L’arrêté no 5

24

L’article 2 de la naredba no 5 za usloviyata i reda za podavane na zayavlenia po shemi i merki za direktni plashtania (arrêté no 5 relatif aux conditions et aux modalités d’introduction des demandes au titre des régimes et mesures de paiements directs), du 27 février 2009 (DV no 22 de 2009), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« arrêté no 5 »), prévoit :

« (1)   Le soutien au titre des régimes et mesures visés à l’article 1er est ouvert aux agriculteurs qui exploitent des terrains agricoles et/ou élèvent du bétail et qui satisfont aux exigences de l’article 41 du [ZPZP].

(2)   Les personnes visées au paragraphe 1 introduisent une demande de soutien au titre des régimes et mesures visés à l’article 1er sur un formulaire à approuver annuellement par le [DFZ] – Organisme payeur (Razplashtatelna agentsia – RA). Lors de la première demande d’aide, les personnes visées au paragraphe 1 doivent également remplir une demande d’enregistrement. »

25

L’article 11 de cet arrêté énonce :

« (1)   Au plus tard le 31 mai, les demandeurs de soutien peuvent apporter des modifications à leurs demandes et aux documents joints, y compris en ajoutant des régimes et des mesures supplémentaires, ainsi que des parcelles agricoles et/ou des animaux dans le cadre des régimes et/ou des mesures demandées. Lorsque le 31 mai est un jour non ouvrable, le délai de modification des demandes expire le premier jour ouvrable suivant.

[...]

(3)   Les demandeurs de soutien ne peuvent pas effectuer les modifications visées au paragraphe 1, lorsque :

1.

ils ont été informés des non-conformités constatées dans la demande ;

2.

ils ont été informés qu’ils feront l’objet d’un contrôle sur place ;

3.

ils ont fait l’objet d’un contrôle sur place, et des non-conformités ont été constatées.

(4)   Les modifications visées au paragraphe 1 doivent être effectuées en soumettant une copie de la demande de soutien, avec la case “modifications” dûment cochée, complétée et signée par le demandeur. Ladite copie est versée, pour la saisie des données qu’elle contient, au Système d’enregistrement des demandeurs, des demandes de soutien et des demandes de paiement (SRKZPZP) auprès du service municipal de l’agriculture (OSZ) correspondant, où les données relatives à la demande de soutien du demandeur ont été saisies. Les données sont saisies conformément à l’article 10, paragraphe 1.

[...]

(6)   Les demandeurs de soutien peuvent corriger les erreurs de fait manifestes dans les demandes soumises à tout moment jusqu’à ce que le paiement soit approuvé (en tout ou en partie) ou refusé. »

26

L’article 14 de l’arrêté no 5 dispose :

« (1)   Le demandeur d’aide peut retirer la demande présentée ou un ou plusieurs régimes, à l’exception du régime d’aide aux petits agriculteurs, jusqu’au moment du paiement au titre du régime concerné, mais au plus tard le 1er décembre de l’année de la demande. Aucune partie d’une parcelle agricole ne peut faire l’objet d’un retrait. Le retrait s’effectue par demande écrite adressée à la direction régionale du DFZde la région où se trouve :

1.

l’adresse permanente du demandeur – personne physique ;

2.

le siège social du demandeur – personne morale ou entrepreneur individuel.

(2)   Une demande, ou un ou plusieurs régimes qui en font partie, est retirée avec une demande de modification en remplissant un formulaire de demande avec les modifications notées dans les cases.

[...]

(6)   Le demandeur d’aide ne peut pas retirer sa demande ou un ou plusieurs de ses régimes lorsque :

1.

il est informé des chevauchements identifiés dans la demande en ce qui concerne les parcelles pour lesquelles des chevauchements ont été constatés ;

2.

il a été informé qu’il a été sélectionné pour un contrôle sur place en ce qui concerne les surfaces et/ou les animaux faisant l’objet du contrôle ;

3.

il a fait l’objet d’un contrôle sur place et a été informé des non-conformités constatées en ce qui concerne les surfaces et/ou les animaux pour lesquels de telles non-conformités ont été constatées.

(7)   Les demandes de retrait des demandes d’aide ne sont pas acceptées pendant la période des contrôles croisés de ces demandes. La période des contrôles croisés est publiée sur le site Internet du fonds national agricole.

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

27

Kanevi Komers DS a introduit une demande d’aide financière pour la campagne 2019 au titre de plusieurs régimes d’aide et mesures de paiements directs à la surface financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et le budget national de la République de Bulgarie.

28

Cette demande a fait l’objet de vérifications administratives et de contrôles sur place, dont un premier, effectué entre le 8 et le 28 août 2019, et un second, réalisé entre le 22 et le 25 octobre 2019.

29

Par lettre du 4 novembre 2019 adressée à la direction régionale du DFZ de la ville de Targovishte (Bulgarie), Kanevi Komers DS a, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, de l’arrêté no 5, retiré sa demande d’aide pour certaines parcelles agricoles. Le 5 novembre 2019, la même lettre a été déposée au siège central du DFZ.

30

Par lettre du 18 décembre 2019, le DFZ a informé Kanevi Komers DS, d’une part, que le retrait de la demande d’aide n’était pas valable, celui-ci n’ayant pas été effectué au moyen du système intégré de gestion et de contrôle (ci-après le « SIGC »), et, d’autre part, que le refus de ce retrait était justifié par le fait qu’il avait déjà planifié et décidé la réalisation d’un contrôle. Le DFZ n’a toutefois pas fourni de document attestant de la décision de ce contrôle.

31

Par lettre du 5 décembre 2022, le DFZ a informé Kanevi Komers DS de l’autorisation d’un soutien et de son paiement sur la base de la surface déclarée pour la campagne 2019. Cette lettre indiquait que le montant total de l’aide autorisée avait été calculé au moyen du SIGC, après la réalisation de contrôles administratifs et de contrôles sur place obligatoires portant sur les données figurant dans la demande de soutien déposée par cette société, que les montants demandés par Kanevi Komers DS avaient fait l’objet de réductions et que les montants des sanctions applicables à celle-ci en raison du chevauchement de surfaces avaient été calculés conformément à l’article 19 bis du règlement délégué no 640/2014.

32

Kanevi Komers DS a saisi l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours contre cette lettre.

33

Devant cette juridiction, Kanevi Komers DS fait valoir en substance qu’elle pouvait retirer de sa demande d’aide des parcelles pour lesquelles elle avait demandé un soutien, non pas au moyen du SIGC, mais dans le respect des conditions de fond et de procédure établies à l’article 15 du règlement délégué no 640/2014 et à l’article 14 de l’arrêté no 5, à savoir moyennant une notification écrite adressée à la direction régionale du DFZ dans le cas où le bénéficiaire n’a pas été prévenu que l’autorité compétente entendait effectuer un contrôle sur place et n’a pas déjà été informé par cette autorité des cas de non-conformité constatés dans sa demande d’aide ou dans sa demande de paiement.

34

Kanevi Komers DS précise, à cet égard, qu’elle a notifié au DFZ la demande de retrait de certaines surfaces de sa demande d’aide dans les délais prévus par le droit national et qu’elle a respecté la forme écrite prévue à l’article 15 du règlement délégué no 640/2014. Elle fait valoir également que la décision ordonnant le contrôle sur place effectué entre le 8 et le 28 août 2019 ne faisait mention d’aucune parcelle et que, par conséquent, l’autorité administrative ne disposait d’aucune preuve que les surfaces concernées par la demande de retrait étaient précisément celles qui avaient été désignées pour être contrôlées. Partant, elle estime que le DFZ a enfreint l’article 15 du règlement délégué no 640/2014, d’une part, en incluant dans le calcul de l’aide les surfaces qui étaient visées par la demande de retrait et, d’autre part, en infligeant des sanctions sans tenir compte de la correction apportée à la demande d’aide.

35

Le DFZ soutient que, pour qu’un retrait de parcelles de la demande d’aide soit valable, il doit être effectué au moyen du SIGC suivant des modalités permettant un traitement pertinent de cette demande. Il indique qu’une fonctionnalité a été développée dans le SIGC permettant, lors de l’introduction d’une demande de retrait total ou partiel de surfaces, un contrôle d’admissibilité de cette demande en vue de l’approbation ou non d’un tel retrait. Le DFZ précise que tout autre façon de procéder audit retrait, qui n’offre pas la possibilité objective de vérifier l’admissibilité de la demande de retrait, ne saurait être traitée comme une telle demande.

36

Selon la juridiction de renvoi, la question se pose de savoir si, au regard de l’article 15 du règlement délégué no 640/2014, il suffit que la notification de la demande de retrait soit faite par écrit et qu’elle soit parvenue à l’autorité compétente, ou s’il est nécessaire que cette notification soit faite dans un format spécifique et au moyen d’une plateforme informatique dédiée. À cet égard, la juridiction de renvoi précise que le règlement délégué no 640/2014 ne prévoit ni que la demande de retrait de surfaces doit être effectuée au moyen d’une telle plateforme ni la compétence des États membres pour établir des règles complémentaires en vue de la mise en œuvre de ce règlement délégué.

37

En outre, eu égard à la formulation de l’article 15 de ce règlement délégué, se poserait la question de savoir si cet article doit être interprété en ce sens que, dès lors que le bénéficiaire n’a pas été prévenu que l’autorité compétente entendait effectuer un contrôle et qu’il n’a pas été informé des cas de non‑conformité constatés dans la demande d’aide, il peut signaler par écrit à l’autorité compétente que sa demande d’aide ou sa demande de paiement est incorrecte ou l’est devenue depuis le dépôt de la demande, et ce jusqu’au jour où il est informé de l’existence des conditions empêchant de procéder à ce signalement.

38

Enfin, en ce qui concerne l’article 19 bis du règlement délégué no 640/2014, sur le fondement duquel le DFZ a imposé des sanctions à Kanevi Komers DS, la juridiction de renvoi relève que ce règlement délégué, même abrogé avec effet au 1er janvier 2023, continue de s’appliquer aux demandes d’aide relatives à des paiements directs présentées avant cette date, comme c’est le cas dans l’affaire au principal. Cependant, elle constate que la version consolidée dudit règlement délégué ne contient plus cet article 19 bis. Dès lors, la juridiction de renvoi se demande si ledit article doit être considéré comme ayant été en vigueur à la date de l’imposition des sanctions à Kanevi Komers DS, à savoir le 5 décembre 2022.

39

Dans ces conditions, l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La disposition de l’article 15 du [règlement délégué no 640/2014] est-elle directement applicable par les États membres, ou bien son application nécessite-t-elle l’adoption de règles internes ?

2)

Faut-il considérer que, en vertu de l’article 15 du [règlement délégué no 640/2014], pour que l’autorité compétente soit correctement informée par le bénéficiaire de ce que sa demande d’aide ou sa demande de paiement est incorrecte ou l’est devenue depuis son dépôt, il suffit que la notification ait été faite simplement par écrit et qu’elle soit parvenue à l’autorité compétente, sans qu’il soit prévu qu’elle soit présentée au moyen d’une plateforme dédiée ?

3)

Les restrictions au droit du bénéficiaire d’informer l’autorité compétente que sa demande d’aide ou sa demande de paiement est incorrecte ou l’est devenue depuis son dépôt, sans que des sanctions lui soient infligées, introduites par l’article 15 du [règlement délégué no 640/2014], et consistant dans la condition que “le bénéficiaire n’ait pas été prévenu que l’autorité compétente entendait effectuer un contrôle sur place” et qu’il “n’ait pas déjà été informé par l’autorité compétente des cas de non-conformité constatés dans sa demande d’aide ou de paiement”, doivent-elles être interprétées dans le sens qu’elles exigent l’existence d’une preuve que l’autorité administrative a informé le bénéficiaire de son intention d’effectuer un contrôle ou de la non-conformité constatée dans la demande d’aide ou dans la demande de paiement ? À cet égard, dès lors que le bénéficiaire n’a pas été prévenu que l’autorité compétente entendait effectuer un contrôle sur place et que ladite autorité n’a pas déjà informé le bénéficiaire de la non-conformité constatée dans sa demande d’aide ou de paiement, cette disposition du règlement permet-elle au bénéficiaire d’effectuer le retrait avant d’avoir été informé par l’autorité administrative, lorsqu’un contrôle a déjà été effectué et que l’autorité a constaté une non-conformité ?

4)

Le considérant 17 et l’article 15 du [règlement délégué no 640/2014] admettent-ils une disposition nationale selon laquelle “[l]e demandeur de soutien ne peut pas retirer la demande introduite, ou retirer un ou plusieurs régimes ou mesures de celle-ci, lorsque : 1. il a été informé des chevauchements constatés dans la demande, en ce qui concerne les parcelles qui se chevauchent ; 2. il a été informé qu’il a été sélectionné pour un contrôle sur place ; 3. il a fait l’objet d’un contrôle sur place et il a été informé des non-conformités constatées en ce qui concerne les surfaces et/ou les animaux concernés”, ainsi que la pratique de l’autorité nationale consistant à effectuer un contrôle sur place (sans que le bénéficiaire soit informé du contrôle ou de son résultat) et la pratique de l’autorité nationale consistant à exiger que la notification écrite du retrait par le bénéficiaire soit effectuée dans un système spécifique, uniquement pour des raisons de facilité dans l’administration de la demande ?

5)

L’article 49, paragraphe 1, troisième phrase, de la [Charte] est-il applicable en ce qui concerne la sanction imposée à l’agriculteur en vertu de l’article 19 bis du [règlement délégué no 640/2014], [abrogé par le règlement délégué 2022/1172, dont le considérant 16 prévoit que, “[p]ar souci de clarté et de sécurité juridique, il convient d’abroger le règlement délégué (UE) no 640/2014. Toutefois, ce règlement doit continuer de s’appliquer aux demandes d’aide relatives à des paiements directs présentées avant le 1er janvier 2023, aux demandes de paiement formulées en rapport avec les mesures de soutien mises en place au titre du règlement (UE) no 1305/2013, ainsi qu’au système de contrôle et aux sanctions administratives concernant les règles de conditionnalité”] qui était en vigueur l’année de la campagne 2019 et au moment où la sanction a été infligée par la lettre de notification concernant l’octroi de l’autorisation et le paiement d’un soutien financier au titre des régimes et mesures de paiements directs à la surface pour la campagne 2019, portant le numéro de sortie, du 5 décembre 2012, sachant que, au moment où le tribunal examine l’affaire, la version du [règlement délégué no 640/2014], applicable à compter du 1er janvier 2023 [...] ne contient pas la disposition de l’article 19 bis? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

40

Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué no 640/2014 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui impose au demandeur d’aide d’informer l’autorité nationale compétente de toute erreur ou modification de la demande d’aide ou de la demande de paiement uniquement au moyen d’une plateforme informatique dédiée.

41

À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que, si, en raison même de leur nature et de leur fonction dans le système des sources du droit de l’Union, les dispositions des règlements ont, en règle générale, un effet immédiat dans les ordres juridiques nationaux, sans qu’il soit nécessaire que les autorités nationales prennent des mesures d’application, certaines de leurs dispositions peuvent, toutefois, nécessiter, pour leur mise en œuvre, l’adoption de mesures d’application par les États membres (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2012, Ketelä, C‑592/11, EU:C:2012:673, point 35 et jurisprudence citée).

42

Il résulte d’une jurisprudence constante que les États membres peuvent adopter des mesures d’application d’un règlement s’ils n’entravent pas son applicabilité directe, s’ils ne dissimulent pas sa nature de droit de l’Union et s’ils précisent l’exercice de la marge d’appréciation qui leur est conférée par ce règlement tout en restant dans les limites de ses dispositions (arrêt du 25 octobre 2012, Ketelä, C‑592/11, EU:C:2012:673, point 36 et jurisprudence citée).

43

C’est en se référant aux dispositions pertinentes du règlement en cause, interprétées à la lumière des objectifs de celui-ci, qu’il convient de déterminer si celles-ci interdisent, imposent ou permettent aux États membres d’arrêter certaines mesures d’application et, notamment dans cette dernière hypothèse, si la mesure concernée s’inscrit dans le cadre de la marge d’appréciation reconnue à chaque État membre (arrêt du 25 octobre 2012, Ketelä, C‑592/11, EU:C:2012:673, point 37 et jurisprudence citée).

44

En outre, il convient, pour l’interprétation des dispositions de droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celles-ci, mais également de leur contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2024, Agrarmarkt Austria, C‑350/23, EU:C:2024:771, point 57 et jurisprudence citée).

45

À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, que l’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué no 640/2014 dispose que les sanctions administratives ne s’appliquent pas en ce qui concerne la partie de la demande d’aide ou de la demande de paiement que le bénéficiaire a signalée par écrit à l’autorité compétente comme étant incorrecte ou l’étant devenue depuis le dépôt de la demande, à condition que le bénéficiaire n’ait pas été prévenu que l’autorité compétente entendait effectuer un contrôle sur place et n’ait pas déjà été informé par l’autorité compétente des cas de non-conformité constatés dans sa demande d’aide ou de paiement.

46

Par conséquent, il résulte du libellé de cette disposition que celle-ci ne permet ni n’interdit expressément aux États membres de prévoir des règles supplémentaires concernant l’obligation, pour le bénéficiaire, d’informer l’autorité compétente par écrit de la partie de la demande d’aide ou de la demande de paiement considérée comme étant incorrecte ou l’étant devenue depuis son dépôt.

47

S’agissant, deuxièmement, du contexte dans lequel s’inscrit cette disposition, celle-ci est contenue dans le chapitre IV du titre II du règlement délégué no 640/2014, qui est consacré aux modalités de calcul de l’aide et aux sanctions administratives en cas de non-conformité, en ce qui concerne les régimes de paiement direct et les mesures de développement rural relevant du SIGC.

48

Or, l’expression « non-conformité » est elle-même définie par l’article 2, paragraphe 1, point 2, sous a), de ce règlement délégué comme étant « pour les critères d’admissibilité, les engagements ou les autres obligations relatifs aux conditions d’octroi de l’aide ou du soutien [...], tout non-respect de ces critères d’admissibilité, engagements ou autres obligations ».

49

Dès lors que l’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué no 640/2014, s’inscrit dans le contexte de calcul de l’aide et de sanctions administratives en cas de non-conformité et qu’il prévoit que la possibilité de rectification de la demande d’aide ou de la demande de paiement présuppose que l’autorité compétente n’ait pas encore communiqué au bénéficiaire son intention de procéder à un contrôle sur place ou informé celui-ci des cas de non‑conformité constatés dans sa demande d’aide ou dans sa demande de paiement, il convient de considérer que cette disposition vise à garantir que la rectification opérée a posteriori par le bénéficiaire intervienne pour des motifs autonomes et volontaires, caractérisés par la bonne foi de ce dernier.

50

Troisièmement, en ce qui concerne les objectifs poursuivis plus généralement par le règlement délégué no 640/2014, ceux-ci sont à déterminer à l’aune des missions de la gestion partagée des fonds de l’Union avec les États membres, dans le cadre de la politique agricole commune (PAC), telle que régie par le règlement no 1306/2013, lequel est complété par ce règlement délégué sur des éléments non essentiels.

51

À cet égard, il ressort clairement de la réglementation de l’Union relative à la protection des intérêts financiers de l’Union, au financement de la PAC ainsi qu’au SIGC que les États membres ont pour obligation d’adopter les mesures propres à assurer la bonne mise en œuvre du SIGC et qu’ils sont notamment tenus de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par l’Union, ainsi que pour prévenir et poursuivre les irrégularités (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2010, Pontini e.a., C‑375/08, EU:C:2010:365, point 75). Ces obligations ont été fixées par le législateur de l’Union à l’article 59 du règlement 2021/2116, correspondant à l’article 58 du règlement no 1306/2013 qui a été abrogé avec effet au 1er janvier 2023.

52

À cette fin, d’une part, conformément aux articles 63, 64 et 77 du règlement no 1306/2013, les États membres imposent des sanctions administratives, qui sont proportionnées et progressives en fonction de la gravité, de l’étendue, de la durée et de la répétition du non-respect constaté, et qui peuvent revêtir la forme d’une réduction du montant de l’aide ou du soutien, celle d’un paiement d’un montant calculé sur la base de la quantité et/ou de la période concernées par le non-respect, celle de la suspension ou du retrait d’une autorisation, d’une reconnaissance ou d’un agrément, ou celle de l’exclusion du droit de participer au régime d’aide, à la mesure de soutien ou à une autre mesure concernée ou de bénéficier de ceux-ci.

53

D’autre part, en vertu des articles 67 à 73 de ce règlement, les États membres établissent et gèrent un SIGC, en particulier pour vérifier l’authenticité et la conformité des opérations financées par le budget de l’Union dans le cadre de la PAC et pour améliorer l’efficacité et le suivi du soutien apporté par l’Union, en facilitant la prévention des irrégularités et des fraudes ainsi que l’application des sanctions nécessaires.

54

Partant, aucun élément dans le règlement délégué no 640/2014 ne permet de considérer que les États membres ne sauraient adopter des mesures d’application prévoyant que la communication écrite au titre dudit article 15 doit être effectuée au moyen d’une plateforme informatique spécifique.

55

À cet égard, la Cour a déjà jugé que les États membres jouissent d’une marge d’appréciation lors de la mise en œuvre de régimes d’aide et lors du choix des mesures nationales qu’ils estiment nécessaires pour prévenir et sanctionner de manière efficace les irrégularités et les fraudes (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2010, Pontini e.a., C‑375/08, EU:C:2010:365, point 76).

56

Néanmoins, l’exercice par les États membres de leur marge d’appréciation relative aux preuves à fournir à l’appui d’une demande d’aide et la réglementation nationale qui met en œuvre cette marge d’appréciation doivent respecter les objectifs poursuivis par la réglementation de l’Union concernée et les principes généraux du droit de l’Union, tels que les principes de proportionnalité et de sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêts du 27 juin 2019, Azienda Agricola Barausse Antonio e Gabriele, C‑348/18, EU:C:2019:545, point 57, ainsi que du 7 avril 2022, Avio Lucos, C‑116/20, EU:C:2022:273, point 63).

57

S’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, dans chaque cas d’espèce, si ces principes ont été respectés (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2010, Pontini e.a., C‑375/08, EU:C:2010:365, point 89), la Cour est, conformément à une jurisprudence constante, compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent permettre à celle-ci d’apprécier une telle conformité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie (arrêt du 11 juin 2020, Subdelegación del Gobierno en Guadalajara, C‑448/19, EU:C:2020:467, point 17 et jurisprudence citée).

58

En ce qui concerne le principe de sécurité juridique, que la Cour prend en compte dans le domaine des aides aux agriculteurs, en particulier concernant les dispositions relatives aux sanctions administratives (voir, en ce sens, arrêt du 18 avril 2024, Kaszamás, C‑79/23, EU:C:2024:329, point 59 et jurisprudence citée), il y a lieu de rappeler qu’il exige non seulement que la réglementation de l’Union permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose, mais également que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Teglgaard et Fløjstrupgård, C‑239/17, EU:C:2018:597, point 52 ainsi que jurisprudence citée).

59

Il ressort du dossier dont dispose la Cour que, en vertu de l’article 14 de l’arrêté no 5, le retrait des demandes d’aide s’effectue par communication écrite adressée à la direction régionale du DFZ concernée. Toutefois, d’une part, il ne ressort pas de ce dossier que, à la date des faits au principal, une disposition du droit bulgare imposait l’obligation de soumettre la notification de ce retrait au moyen d’une plateforme informatique spécialisée. D’autre part, selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, l’exigence que ledit retrait soit effectué par ce moyen résultait de la seule pratique des autorités nationales.

60

S’il appartient, en définitive, à la juridiction de renvoi de vérifier le respect par le droit national du principe de sécurité juridique, il convient de préciser que, dans l’hypothèse où l’obligation de soumettre le retrait d’une demande d’aide au moyen d’une plateforme informatique spécifique ne serait pas fondée sur une base légale, mais sur une simple pratique des autorités nationales, une telle pratique n’apparaît pas compatible avec l’exigence de prévisibilité dans l’application des règles de droit requise par ce principe, dans la mesure où elle est susceptible d’avoir une incidence sur les obligations du bénéficiaire de l’aide.

61

S’agissant du principe de proportionnalité, qui, selon la Cour, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition soient aptes à réaliser l’objectif visé et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre, il y a lieu de rappeler qu’il doit être respecté tant par le législateur de l’Union que par les législateurs et les juges nationaux qui appliquent le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2010, Pontini e.a., C‑375/08, EU:C:2010:365, point 87). Ce principe doit, par conséquent, être respecté par les autorités nationales compétentes dans le cadre de l’application des dispositions du règlement délégué no 640/2014.

62

Ainsi, les États membres doivent veiller à ce que les bénéficiaires de l’aide, quel que soit leur degré de maîtrise de l’outil informatique, disposent d’un accès rapide et aisé à des infrastructures qui leur permettent, sans aucune difficulté et dans un délai raisonnable, d’adresser à l’administration compétente les notifications visées à l’article 15 de ce règlement délégué. Si cette possibilité n’est pas garantie dans l’État membre concerné, l’obligation imposée par cet État membre d’effectuer une telle notification au moyen d’une plateforme informatique spécialisée devrait être considérée comme étant disproportionnée dans la mesure où le non-respect de cette obligation est selon le droit administratif national, susceptible d’entraîner la nullité d’une notification au titre de l’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué no 640/2014.

63

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué no 640/2014 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui impose au demandeur d’aide d’informer l’autorité nationale compétente de toute erreur ou modification de la demande d’aide ou de la demande de paiement uniquement au moyen d’une plateforme informatique dédiée, pour autant que les objectifs poursuivis par la réglementation de l’Union en cause et les principes généraux du droit de l’Union, en particulier les principes de proportionnalité et de sécurité juridique, soient respectés.

Sur la troisième question

64

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué no 640/2014 doit être interprété en ce sens que, d’une part, l’application de sanctions administratives en cas de demande d’aide ou de demande de paiement incorrecte requiert de l’autorité nationale compétente qu’elle démontre que les deux conditions qui y sont énoncées ne sont pas remplies et, d’autre part, cette disposition permet à un bénéficiaire de modifier ou de retirer sa demande d’aide ou sa demande de paiement tant qu’il n’a pas été informé que l’autorité compétente a effectué un contrôle ou a constaté un cas de non-conformité dans sa demande.

65

En ce qui concerne, tout d’abord, le premier volet de la troisième question, portant sur la preuve des conditions énoncées à l’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué no 640/2014, à savoir que le bénéficiaire n’a pas été prévenu que l’autorité compétente entendait effectuer un contrôle sur place et qu’il n’a pas déjà été informé par l’autorité compétente des cas de non-conformité constatés dans sa demande d’aide ou dans sa demande de paiement, il y a lieu de constater que l’administration de la preuve n’est réglementée ni par cette disposition ni par d’autres dispositions plus spécifiques de ce règlement délégué.

66

Or, il est de jurisprudence constante que, dans la mesure où un règlement ne contient pas de dispositions plus spécifiques relatives notamment à l’administration de la preuve, il revient à l’ordre juridique interne de chaque État membre, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, et sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité, de fixer les modalités d’administration de la preuve, les moyens de preuve recevables ou encore les principes régissant l’appréciation de la force probante des éléments de preuve ainsi que le niveau de preuve requis (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2022, Vinařství U Kapličky, C‑86/20, EU:C:2022:320, point 75 et jurisprudence citée).

67

Par conséquent, en l’occurrence, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’apprécier les éléments de preuve, leur force probante, ainsi que le niveau de preuve requis, sur la base du droit national applicable et dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité.

68

À cet égard, il importe de relever que, conformément au principe de bonne administration et au principe du contradictoire, l’article 59, paragraphe 3, du règlement no 1306/2013 ainsi que l’article 41 du règlement d’exécution no 809/2014 prévoient l’obligation pour l’autorité compétente d’établir des rapports relatifs aux contrôles sur place. Il ressort notamment des termes de cet article 41 que le rapport de contrôle doit rendre compte avec précision des différents éléments du contrôle, que le bénéficiaire se voit accorder la possibilité de signer ce rapport durant le contrôle pour attester de sa présence lors du contrôle et pour ajouter des observations et qu’il reçoit, si des irrégularités sont constatées, une copie de celui-ci. Il apparaît ainsi que l’autorité administrative compétente dispose des éléments de preuve nécessaires aux fins de l’appréciation du respect des deux conditions négatives prévues à l’article 15 du règlement délégué no 640/2014.

69

S’agissant, ensuite, du second volet de la troisième question, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 15 de ce règlement délégué, le bénéficiaire de l’aide a la possibilité de retirer ou de modifier sa demande d’aide ou sa demande de paiement sans que lui soient appliquées des sanctions administratives à condition qu’il n’ait pas été prévenu que l’autorité compétente entendait effectuer un contrôle sur place et qu’il n’ait pas déjà été informé par cette autorité des cas de non-conformité constatés dans sa demande d’aide ou dans sa demande de paiement. Ainsi, cet article soumet l’application de l’exception à l’imposition de sanctions administratives à deux conditions, formulées en termes négatifs, qui doivent toutes deux être remplies au moment où le bénéficiaire demande la modification ou le retrait de sa demande.

70

En effet, au regard des points 46 à 56 du présent arrêt et, notamment, de ses points 48 à 51 relatifs à la logique qui sous-tend cet article 15, si la première des deux conditions négatives n’est pas remplie, c’est-à-dire dans le cas où le bénéficiaire a été informé de l’intention de l’autorité compétente d’effectuer un contrôle, celui-ci ne saurait relever de l’exception à l’application des sanctions administratives.

71

Il en découle que, tant que le bénéficiaire n’a pas été prévenu de l’intention de l’autorité compétente d’effectuer un contrôle sur place et tant que, à la suite d’un contrôle sur place, il n’a pas reçu d’informations de la part de cette autorité concernant un cas de non-conformité constaté dans sa demande d’aide ou dans sa demande de paiement, rien ne l’empêche de notifier par écrit à ladite autorité les modifications à apporter à sa demande d’aide ou à sa demande de paiement, conformément à l’article 15 du règlement délégué no 640/2014, et ce sans encourir de sanctions administratives.

72

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que l’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué no 640/2014 doit être interprété en ce sens que, d’une part, l’application de sanctions administratives en cas de demande d’aide ou de demande de paiement incorrecte requiert de l’autorité nationale compétente qu’elle démontre que les deux conditions qui y sont énoncées ne sont pas remplies, et ce dans le respect, sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité, des modalités d’administration de la preuve, des conditions de recevabilité des moyens de preuve ou encore des principes régissant l’appréciation de la force probante des éléments de preuve ainsi que le niveau de preuve requis fixés par le droit national et, d’autre part, cette disposition permet à un bénéficiaire de modifier ou de retirer sa demande d’aide ou sa demande de paiement tant qu’il n’a pas été informé que l’autorité compétente a effectué un contrôle ou a constaté un cas de non-conformité dans sa demande.

Sur la quatrième question

73

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué no 640/2014 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, d’une part, à une disposition nationale en vertu de laquelle le demandeur de soutien ne peut retirer sa demande lorsqu’il a été informé de chevauchements constatés entre les parcelles visées dans la demande ou lorsqu’il a été informé qu’il a été sélectionné pour un contrôle sur place ou encore lorsqu’il a fait l’objet d’un contrôle sur place et qu’il a été informé de non-conformités constatées en ce qui concerne les surfaces et/ou les animaux concernés par la demande et, d’autre part, à une pratique de l’autorité nationale compétente en vertu de laquelle le bénéficiaire de l’aide n’est pas informé du contrôle sur place ni du résultat de ce contrôle.

74

En ce qui concerne le premier volet de la quatrième question, qui porte sur la conformité au droit de l’Union des hypothèses prévues par le droit national dans lesquelles le retrait de la demande d’aide ou de la demande de paiement est autorisé, il ressort de la décision de renvoi que l’article 14, paragraphe 6 , de l’arrêté no 5 dispose que le demandeur de soutien ne peut pas retirer sa demande ou l’un ou plusieurs régimes ou mesures visés dans celle-ci lorsqu’il a été informé que les parcelles visées dans la demande d’aide se chevauchaient ou du fait qu’il a été sélectionné pour un contrôle sur place, ou encore lorsqu’il a fait l’objet d’un contrôle sur place et qu’il a été informé de cas de non-conformité constatés concernant les surfaces et/ou les animaux.

75

Eu égard aux considérations exposées aux points 69 à 72 du présent arrêt, la conformité au droit de l’Union de cette disposition nationale requiert que les trois situations visées par celle-ci, ne permettant pas au demandeur d’aide de retirer sa demande, correspondent aux prescriptions de l’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué no 640/2014.

76

S’agissant de la première situation à laquelle renvoie le droit bulgare, à savoir que le demandeur d’aide peut retirer sa demande s’il n’a pas été informé de chevauchements constatés dans la demande d’aide en ce qui concerne les parcelles visées dans cette demande, il y a lieu de constater, compte tenu de l’objectif poursuivi par l’article 15 du règlement délégué no 640/2014 tel que mentionné au point 51 du présent arrêt, que cette situation concerne des cas de non-conformité qui sont visés par la seconde condition énoncée à l’article 15 du règlement délégué no 640/2014, à savoir que le demandeur d’aide n’a pas déjà été informé par l’autorité compétente des cas de non-conformité constatés dans sa demande d’aide, laquelle condition concerne tout cas de non-conformité, sans distinction.

77

Quant à la deuxième situation visée par l’article 14, paragraphe 6, de l’arrêté no 5, à savoir celle dans laquelle le demandeur d’aide n’a pas été informé qu’il a été sélectionné pour un contrôle sur place, elle est conforme à la première condition prévue à l’article 15 du règlement délégué no 640/2014, à savoir que le demandeur d’aide n’a pas été prévenu que l’autorité compétente entendait effectuer un contrôle sur place.

78

Si les deux premières situations prévues à l’article 14, paragraphe 6, de l’arrêté no 5 semblent conformes au texte et à l’objectif de l’article 15 du règlement délégué no 640/2014, il n’en va pas de même de la troisième situation visée par cette disposition nationale, qui semble s’écarter de la seconde condition prévue audit article 15.

79

Il en est ainsi dans la mesure où la troisième situation prévue à l’article 14, paragraphe 6, de l’arrêté no 5 semble pouvoir être interprétée, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, en ce sens que des corrections de la demande d’aide seraient autorisées dans le cas où l’administration constate des non-conformités, au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 2, sous a), du règlement délégué no 640/2014, à la condition toutefois que ce constat ne résulte pas d’un contrôle sur place, ou dans le cas où, à la suite de contrôles sur place, le demandeur d’aide est informé de non-conformités de sa demande qui ne sont pas liées aux surfaces et/ou aux animaux.

80

Or, il importe de rappeler que la législation nationale n’est pas suffisamment claire et précise pour assurer une application compatible avec le droit de l’Union lorsque cette législation peut faire l’objet d’interprétations divergentes dont les unes aboutissent à une application de ladite législation compatible avec le droit de l’Union et les autres aboutissent à une application incompatible avec celui-ci [voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges), C‑791/19, EU:C:2021:596, point 153 et jurisprudence citée].

81

En ce qui concerne le second volet de la quatrième question, qui porte sur la conformité au droit de l’Union de la pratique de l’autorité nationale compétente en vertu de laquelle le bénéficiaire de l’aide n’est pas informé du contrôle sur place ni du résultat de ce contrôle, il y a lieu de constater, en premier lieu, que, même si, aux termes de l’article 25, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 809/2014, les autorités administratives compétentes n’ont aucune obligation d’annoncer les contrôles sur place, elles sont, en revanche, en vertu de l’article 41 du règlement d’exécution no 809/2014, tenues de fournir au bénéficiaire une copie du rapport de contrôle en cas de non-conformités constatées.

82

Par conséquent, une pratique de l’autorité nationale compétente en vertu de laquelle le bénéficiaire n’est pas informé du résultat du contrôle sur place dans les cas où une non-conformité a été constatée est contraire audit article 41, paragraphe 2, ainsi qu’au principe de bonne administration.

83

En second lieu, une telle pratique peut compromettre l’objectif poursuivi par l’article 15 du règlement délégué no 640/2014, consistant à encourager le signalement à l’autorité compétente de demandes d’aide ou de demandes de paiement incorrectes afin de protéger les intérêts financiers de l’Union. En effet, comme l’observe la Commission, une pratique généralisée consistant à ne pas annoncer le résultat du contrôle sur place en cas de constat d’un cas de non-conformité augmenterait la possibilité pour les bénéficiaires d’effectuer des modifications a posteriori, sans que leur soient appliquées des sanctions administratives.

84

Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la quatrième question que l’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué no 640/2014 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, d’une part, à une disposition nationale en vertu de laquelle le demandeur de soutien ne peut retirer sa demande lorsqu’il a fait l’objet d’un contrôle sur place et qu’il a été informé de non-conformités constatées, limitées aux seuls surfaces et/ou aux animaux concernés par la demande, et, d’autre part, à une pratique de l’autorité nationale compétente en vertu de laquelle le bénéficiaire de l’aide n’est pas informé du contrôle sur place ni du résultat de ce contrôle.

Sur la cinquième question

85

Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 49, paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte est applicable à une sanction telle que celle infligée à un agriculteur en vertu de l’article 19 bis du règlement délégué no 640/2014, dans une situation dans laquelle cette dernière disposition était en vigueur à la date à laquelle a été introduite la demande de soutien ainsi qu’à la date à laquelle ladite sanction a été imposée, mais qui, à la date de l’examen du recours introduit contre la même sanction, a été supprimée de la version consolidée dudit règlement délégué, lequel, bien qu’abrogé avec effet à partir au 1er janvier 2023, continue de s’appliquer aux demandes introduites avant cette date conformément à l’article 13 du règlement délégué 2022/1172.

86

À cet égard, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 17 octobre 2024, FA.RO. di YK & C., C‑16/23, EU:C:2024:886, point 33).

87

Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 17 octobre 2024, FA.RO. di YK & C., C‑16/23, EU:C:2024:886, point 34).

88

Tout d’abord, il importe de rappeler que, en l’occurrence, le règlement délégué 2022/1172 a abrogé le règlement délégué no 640/2014 et qu’il ressort de l’article 13 de ce premier règlement délégué que ce second règlement délégué continue de s’appliquer aux demandes d’aide relatives à des paiements directs présentées avant le 1er janvier 2023. Il s’ensuit que, la demande d’aide en cause au principal ayant été présentée en 2019, l’article 19 bis du règlement délégué no 640/2014 continue de s’appliquer ratione temporis au litige au principal, bien que ce dernier règlement ait été abrogé avec effet au 1er janvier 2023. La circonstance que la sanction a été imposée après l’abrogation du règlement délégué no 640/2014 est dépourvue de pertinence à cet égard.

89

Ensuite, il y a lieu de constater que, contrairement à ce qu’affirme le juridiction de renvoi, l’article 19 bis faisait toujours partie tant de la version du règlement délégué no 640/2014 applicable ratione temporis à l’affaire au principal que de la dernière version consolidée dudit règlement avant son abrogation.

90

Dans ces conditions, dans la mesure où elle repose sur une prémisse erronée, la cinquième question soulève un problème de nature hypothétique, au sens de la jurisprudence rappelée au point 87 de cet arrêt, et doit, dès lors, être déclarée irrecevable (voir par analogie, arrêt du 16 janvier 2025, Stangalov, C‑644/23, EU:C:2025:16, point 60 et jurisprudence citée).

Sur les dépens

91

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) no 640/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, au soutien au développement rural et à la conditionnalité, tel que modifié par le règlement délégué (UE) 2016/1393 de la Commission, du 4 mai 2016,

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui impose au demandeur d’aide d’informer l’autorité nationale compétente de toute erreur ou modification de la demande d’aide ou de la demande de paiement uniquement au moyen d’une plateforme informatique dédiée, pour autant que les objectifs poursuivis par la réglementation de l’Union en cause et les principes généraux du droit de l’Union, en particulier les principes de proportionnalité et de sécurité juridique, soient respectés.

 

2)

L’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué no 640/2014, tel que modifié par le règlement délégué 2016/1393,

doit être interprété en ce sens que :

d’une part, l’application de sanctions administratives en cas de demande d’aide ou de paiement incorrecte requiert de l’autorité nationale compétente qu’elle démontre que les deux conditions qui y sont énoncées ne sont pas remplies, et ce dans le respect, sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité, des modalités d’administration de la preuve, des conditions de recevabilité des moyens de preuve ou encore des principes régissant l’appréciation de la force probante des éléments de preuve ainsi que le niveau de preuve requis fixés par le droit national et, d’autre part, cette disposition permet à un bénéficiaire de modifier ou de retirer sa demande d’aide ou sa demande de paiement tant qu’il n’a pas été informé que l’autorité compétente a effectué un contrôle ou a constaté un cas de non-conformité dans sa demande.

 

3)

L’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué no 640/2014, tel que modifié par le règlement délégué 2016/1393,

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose, d’une part, à une disposition nationale en vertu de laquelle le demandeur de soutien ne peut retirer sa demande lorsqu’il a fait l’objet d’un contrôle sur place et qu’il a été informé de non-conformités constatées, limitées aux seuls surfaces et/ou aux animaux concernés par la demande et, d’autre part, à une pratique de l’autorité nationale compétente en vertu de laquelle le bénéficiaire de l’aide n’est pas informé du contrôle sur place ni du résultat de ce contrôle.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.