DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
13 novembre 2024 (*)
« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un inhalateur – Cause de nullité absolue – Signe constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique – Article 7, paragraphe 1, sous e), ii), et article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 40/94 [devenus article 7, paragraphe 1, sous e), ii), et article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] – Obligation de motivation – Article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 »
Dans l’affaire T‑524/23,
Boehringer Ingelheim Pharma GmbH & Co. KG, établie à Ingelheim (Allemagne), représentée par Mes I. Fowler et C. Stöber, avocates,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. T. Klee et V. Ruzek, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Glenmark Pharmaceuticals Europe Ltd, établie à Harrow (Royaume-Uni), représentée par Mes R. Dissmann et L. Jones, avocats,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de Mme A. Marcoulli (rapporteure), présidente, MM. J. Schwarcz et W. Valasidis, juges,
greffier : M. G. Mitrev, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 30 mai 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Boehringer Ingelheim Pharma GmbH & Co. KG, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 13 juin 2023 (affaire R 1558/2021-4) (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 1er août 2019, l’intervenante, Glenmark Pharmaceuticals Europe Ltd, a déposé devant l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne enregistrée à la suite d’une demande déposée par la requérante le 16 juillet 1999 pour le signe tridimensionnel suivant :
3 Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient de la classe 10 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, à la description suivante : « Instruments et appareils pour l’inhalation de préparations pharmaceutiques, à savoir inhalateurs de poudre sèche pour le traitement de la BPCO [broncho-pneumopathie chronique obstructive] ».
4 La cause invoquée à l’appui de la demande en nullité était celle visée à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous a), b) et e), i) et ii), du même règlement.
5 Le 31 août 2021, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).
6 Le 10 septembre 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.
7 Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours, en considérant que la marque contestée contrevenait à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1). En particulier, elle a estimé que la marque contestée présentait quatre caractéristiques essentielles, à savoir le récipient, le couvercle, l’embout buccal et le bouton, lesquelles étaient toutes des éléments indispensables au produit en cause sur le plan technique. En outre, la chambre de recours a considéré que la forme convexe globale ne pouvait pas être qualifiée d’élément arbitraire, ornemental ou esthétique majeur au point d’exclure l’application de la disposition susmentionnée, ladite forme étant de plus fonctionnelle.
Conclusions des parties
8 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.
9 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens exposés par lui en cas de convocation à une audience.
10 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;
– condamner la requérante aux dépens, y compris à ceux exposés devant l’EUIPO.
En droit
11 À titre liminaire, il convient de relever que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 16 juillet 1999, laquelle est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 40/94 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par les parties dans leurs écritures à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), et à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, comme visant l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), et l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, d’une teneur identique.
12 Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.
13 À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du même règlement, et, le second, de la violation de l’article 94 du règlement 2017/1001.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du même règlement
14 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94, sont refusés à l’enregistrement les signes constitués exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.
15 L’intérêt général sous-tendant l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94 est d’éviter que le droit des marques aboutisse à conférer à une entreprise un monopole quant aux solutions techniques ou aux caractéristiques utilitaires d’un produit (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 43).
16 L’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94 constitue ainsi un obstacle susceptible d’empêcher qu’un signe constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique puisse être enregistré en tant que marque, quand bien même ce signe serait susceptible de remplir la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur l’identité d’origine des produits ou des services concernés, en lui permettant de les distinguer sans confusion possible de ceux qui ont une autre provenance (arrêt du 11 mai 2017, Yoshida Metal Industry/EUIPO, C‑421/15 P, EU:C:2017:360, point 35).
17 En l’absence de toute définition dans le règlement no 40/94 de la notion de « forme », la détermination de la signification et de la portée de ce terme doit être établie conformément au sens habituel de celui-ci dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel il est utilisé et des objectifs poursuivis par la réglementation dont il fait partie. Dans le contexte du droit des marques, la notion de « forme » s’entend généralement comme désignant un ensemble de lignes ou de contours qui délimite le produit concerné dans l’espace (voir arrêt du 14 mars 2019, Textilis, C‑21/18, EU:C:2019:199, points 35 et 36 et jurisprudence citée).
18 Une application correcte de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii) du règlement no 40/94 implique que les caractéristiques essentielles du signe concerné, à savoir les éléments les plus importants de celui-ci, soient dûment identifiées au cas par cas (voir, par analogie, arrêt du 18 septembre 2014, Hauck, C‑205/13, EU:C:2014:2233, point 21 et jurisprudence citée). L’identification desdites caractéristiques peut, selon le cas, et en particulier eu égard au degré de difficulté de celui-ci, être effectuée par une simple analyse visuelle dudit signe ou, au contraire, être fondée sur un examen approfondi dans le cadre duquel sont pris en compte des éléments utiles à l’appréciation, tels que des enquêtes et des expertises, ou encore des données relatives à des droits de propriété intellectuelle conférés antérieurement en rapport avec le produit concerné (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 71).
19 Dès que les caractéristiques essentielles du signe sont identifiées, il incombe encore à l’EUIPO de vérifier si ces caractéristiques répondent toutes à la fonction technique du produit en cause (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 72). Cet examen doit, de toute évidence, être fait en analysant le signe déposé en vue de son enregistrement en tant que marque de l’Union européenne, et non les signes constitués d’autres formes de produit (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 84). La fonctionnalité technique des caractéristiques d’une forme peut être appréciée, notamment, en tenant compte de la documentation relative aux brevets antérieurs qui décrivent les éléments fonctionnels de la forme concernée (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 85).
20 Par les termes « exclusivement » et « nécessaire », l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94 garantit que seules les formes de produit qui ne font qu’incorporer une solution technique et dont l’enregistrement en tant que marque gênerait donc réellement l’utilisation de cette solution technique par d’autres entreprises soient refusées à l’enregistrement (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 48).
21 Toutefois, la condition selon laquelle une forme de produit ne peut être refusée à l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94 que si elle est « nécessaire » à l’obtention du résultat technique visé ne signifie pas que la forme en cause doive être la seule permettant d’obtenir ce résultat (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 53).
22 Par ailleurs, la présence d’un ou de quelques éléments arbitraires mineurs dans un signe dont tous les éléments essentiels sont dictés par la solution technique à laquelle ce signe donne expression est sans incidence sur la conclusion selon laquelle ledit signe est constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique (voir arrêt du 11 mai 2017, Yoshida Metal Industry/EUIPO, C‑421/15 P, EU:C:2017:360, point 27 et jurisprudence citée).
23 En revanche, l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94 ne saurait s’appliquer lorsque la demande d’enregistrement en tant que marque porte sur une forme de produit dans laquelle un élément non fonctionnel, tel qu’un élément ornemental ou fantaisiste, joue un rôle important. Dans ce cas, les entreprises concurrentes ont facilement accès à des formes de fonctionnalité équivalente, de sorte qu’il n’existe pas un risque d’atteinte à la disponibilité de la solution technique. Cette dernière pourra, dans cette hypothèse, être incorporée sans difficulté par les concurrents du titulaire de la marque dans des formes de produit qui n’ont pas le même élément non fonctionnel que celui dont dispose la forme du produit dudit titulaire et qui, par rapport à celle-ci, ne sont donc ni identiques ni similaires (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 72).
24 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les six branches du premier moyen, tirées, la première, d’une erreur dans l’absence d’identification de la forme convexe globale comme une caractéristique essentielle, la deuxième, du défaut d’application du critère de l’examen en deux étapes, la troisième, d’une erreur dans l’identification d’un résultat technique de la forme convexe globale, la quatrième, d’une erreur dans l’identification d’un résultat technique du récipient, du couvercle et du bouton, la cinquième, d’une erreur dans l’appréciation de la pertinence des brevets et, la sixième, d’une erreur dans l’absence d’identification de la forme convexe globale comme un élément arbitraire majeur.
25 Il y a lieu d’examiner, d’abord, la première branche, ensuite, conjointement, les deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches et, enfin, la sixième branche.
Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une erreur dans l’absence d’identification de la forme convexe globale comme une caractéristique essentielle
26 La chambre de recours a identifié quatre caractéristiques essentielles dans la marque contestée, à savoir le récipient, le couvercle, l’embout buccal et le bouton.
27 La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir également identifié la forme convexe globale de l’inhalateur, composée par les parties supérieure et inférieure de celui-ci, comme une caractéristique essentielle de la marque contestée. Elle ajoute que ces deux parties ainsi que le bouton rendent cette forme symétrique et invoque des prix qu’aurait reçus le produit commercialisé sous ladite forme, à savoir un inhalateur commercialisé sous le nom « HandiHaler ».
28 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
29 D’emblée, il a lieu de constater que la requérante ne conteste pas l’identification du récipient, du couvercle, de l’embout buccal et du bouton comme des caractéristiques essentielles de la marque contestée. Toutefois, elle reproche à la chambre de recours de ne pas avoir également identifié la forme convexe globale comme une caractéristique essentielle de la marque contestée.
30 À cet égard, il convient de relever que, si rien ne s’oppose à ce que la forme globale d’un produit puisse constituer une caractéristique essentielle d’une marque présentant la forme dudit produit, l’identification des caractéristiques essentielles doit être opérée au cas par cas, sans qu’il n’existe aucune hiérarchie systématique entre les différents types d’éléments qu’un signe peut comporter (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 70). En outre, dès lors que le consommateur moyen peut ne pas disposer des connaissances techniques nécessaires à l’appréciation des caractéristiques essentielles d’une forme, celles-ci doivent être déterminées de manière objective, notamment à partir de sa représentation graphique [voir arrêt du 30 mars 2022, Établissement Amra/EUIPO – eXpresio, estudio creativo (Forme d’une botte de rebond), T‑264/21, non publié, EU:T:2022:193, point 41 et jurisprudence citée] ou des brevets conférés en rapport avec le produit concerné (voir point 18 ci-dessus).
31 En l’espèce, il y a lieu de constater que la forme convexe globale de l’inhalateur reprend le contour de trois des caractéristiques essentielles identifiées par la chambre de recours, à savoir le récipient, le couvercle et le bouton. Même si la réponse à la question de savoir si l’intention de la requérante était de protéger la forme de l’inhalateur en tant que telle ne ressort pas clairement de la représentation graphique de la marque contestée, elle a fait valoir dans la requête et a précisé lors de l’audience que la forme convexe globale était en effet composée des trois éléments susmentionnés. Ceux-ci ont été identifiés par la chambre de recours comme étant tous des caractéristiques essentielles, sur la base des brevets figurant dans le dossier administratif, lesquels ne permettent pas pour autant de considérer la forme convexe globale comme étant une caractéristique essentielle, dans la mesure où ils ne font aucune référence à ladite forme en tant que telle. Ainsi, il peut être considéré que la forme convexe globale se confond avec tout ou partie desdites caractéristiques essentielles sans qu’aucun des arguments de la requérante ne permette de considérer que, en plus d’être prise en compte à travers ces trois éléments, elle aurait dû être prise en compte de manière autonome.
32 En effet, d’une part, les arguments de la requérante visant à soutenir que la forme convexe globale serait symétrique ou qu’elle présenterait une esthétique particulière qui aurait été récompensée par des prix attribués au « HandiHaler » ne sauraient conférer à ladite forme le statut de caractéristique essentielle du signe. En invoquant ces éléments, la requérante ne fait que se fonder sur un prétendu caractère distinctif de ladite forme. Cependant, le caractère distinctif des éléments d’un signe n’est pas pertinent aux fins de l’identification de ses caractéristiques essentielles (voir arrêt du 30 mars 2022, Forme d’une botte de rebond, T‑264/21, non publié, EU:T:2022:193, point 44 et jurisprudence citée).
33 D’autre part, si la requérante fait valoir qu’une caractéristique essentielle peut en même temps inclure d’autres caractéristiques essentielles, cela ne saurait suffire pour considérer la forme convexe globale comme une caractéristique essentielle de la marque contestée. Au soutien de son argument, la requérante invoque dans la requête l’arrêt du 31 janvier 2018, Novartis/EUIPO – SK Chemicals (Représentation d’un timbre transdermique) (T‑44/16, non publié, EU:T:2018:48), dans lequel, contrairement au cas d’espèce, aucune des caractéristiques essentielles n’était exclusivement composée d’autres caractéristiques essentielles. De plus, comme déjà relevé au point 30 ci-dessus, l’identification des caractéristiques essentielles doit être opérée au cas par cas, à partir d’un examen objectif de la représentation graphique, mais aussi d’autres éléments de preuve qui sont apportés à cet égard.
34 Il découle de ce qui précède que c’est à juste titre que la chambre de recours n’a pas identifié la forme convexe globale comme étant une caractéristique essentielle et, partant, que la première branche du premier moyen doit être rejetée.
Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches du premier moyen, tirées, en substance, des erreurs entachant l’examen du résultat technique
35 La chambre de recours a considéré que les quatre caractéristiques qu’elle avait préalablement identifiées comme étant essentielles, à savoir le récipient, le couvercle, le bouton et l’embout buccal, étaient indispensables sur le plan technique pour l’inhalation d’une substance médicamenteuse. Pour arriver à cette conclusion, elle s’est notamment fondée sur des brevets qui décrivaient la fonctionnalité desdites caractéristiques. Par ailleurs, la chambre de recours a considéré que la forme convexe globale remplissait également une fonction, en ce qu’elle permettait aux consommateurs de tenir, d’utiliser et de ranger confortablement le produit concerné.
36 La requérante fait valoir, d’une part, que la chambre de recours a conclu de manière prématurée, dans le cadre de l’analyse des quatre caractéristiques essentielles du signe contesté, sur la fonction technique desdites caractéristiques, en omettant ainsi de faire un examen dit en deux étapes.
37 D’autre part, elle conteste l’examen de la fonctionnalité technique du récipient, du couvercle et du bouton effectué par la chambre de recours, ainsi que celui de la forme convexe globale.
38 S’agissant de la fonction technique du récipient, du couvercle et du bouton, la requérante soutient, d’abord, que la chambre de recours aurait examiné celle-ci sans tenir compte de la forme spécifique de ces éléments. En substance, elle fait valoir que, en l’espèce, les revendications des brevets n’attribuent pas une forme particulière auxdites caractéristiques essentielles, ce qui ne permet pas de conclure que leur forme est nécessaire à la solution technique que les brevets revendiquent. Ensuite, elle considère que, étant donné que ces caractéristiques peuvent présenter des formes alternatives, la marque contestée n’empêchera pas d’autres entreprises d’utiliser une solution technique. Enfin, elle ajoute que la fonction de protection attribuée au couvercle ne saurait être considérée comme un résultat technique, car elle ne relève pas du domaine de la technologie.
39 S’agissant de la forme convexe globale, la requérante considère que celle-ci n’est pas nécessaire pour l’obtention du résultat technique, qu’elle ne présente pas les fonctions identifiées par la chambre de recours et que ces fonctions ne sont pas des fonctions techniques relevant du domaine de la technologie. Elle fait également valoir que les brevets n’attribuent aucun avantage technique à ladite forme.
40 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
41 En premier lieu, s’agissant du prétendu défaut d’examen « en deux étapes », il convient de constater que la chambre de recours a d’abord identifié, aux points 62 à 65 de la décision attaquée, le récipient, le couvercle, le bouton et l’embout buccal comme étant les caractéristiques essentielles de la marque contestée et a ensuite vérifié, aux points 66 à 75 de ladite décision, si lesdites caractéristiques répondaient toutes à la fonction technique du produit en question.
42 Le fait que la décision attaquée fasse référence aux « éléments techniques essentiels » lors de la première étape, c’est-à-dire lors de l’identification des caractéristiques essentielles, ne saurait être interprété comme une anticipation de l’examen visant à déterminer si ces éléments sont nécessaires à l’obtention du résultat technique spécifique poursuivi par le produit en cause, pour autant que cette analyse figure par la suite.
43 En deuxième lieu, la requérante conteste l’examen de la fonction technique de trois des quatre caractéristiques essentielles, à savoir le récipient, le couvercle et le bouton. Plus particulièrement, elle conteste, d’une part, le fait que la chambre de recours se soit fondée sur les brevets qui ont été versés au dossier administratif de l’affaire afin de constater la fonction technique des éléments en question et, d’autre part, les conclusions que la chambre de recours a tirées de ces brevets.
44 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’examen de la fonction technique d’un élément doit être apprécié au regard du résultat technique du produit en cause (voir point 19 ci-dessus), lequel est, en l’espèce, l’inhalation d’une substance médicamenteuse. Il convient dès lors de vérifier si c’est à juste titre que la chambre de recours a confirmé, en se fondant sur lesdits brevets, que les trois éléments susmentionnés étaient nécessaires pour atteindre un tel résultat.
45 Premièrement, il convient de relever que rien n’empêche la chambre de recours, comme en l’espèce, d’utiliser la documentation relative aux brevets, tant pour ceux qui sont en vigueur que pour les brevets antérieurs, qui décrivent les éléments fonctionnels de la forme pour apprécier la fonctionnalité technique des caractéristiques d’une forme concernée (voir point 19 ci-dessus). De plus, la requérante ne conteste pas que l’inhalateur représenté dans les brevets examinés par la chambre de recours soit très similaire, voire identique à celui représenté dans la marque contestée. Dans ces circonstances, la requérante ne saurait reprocher à la chambre de recours de s’être fondée sur lesdits brevets afin d’examiner si les caractéristiques essentielles de la marque contestée étaient nécessaires pour l’inhalation d’une substance médicamenteuse.
46 Deuxièmement, il convient de relever que les brevets examinés par la chambre de recours exigent la présence, outre d’un embout buccal, dont la fonction technique n’est pas contestée par la requérante, d’un récipient, d’un couvercle et d’un bouton. En ce qui concerne la fonction du récipient, il ressort desdits brevets que celui-ci contient la chambre dans laquelle est insérée la capsule du médicament. Quant au bouton, il ressort également des brevets qu’il permet d’ouvrir le couvercle et de percer la capsule contenant le médicament afin de libérer celui-ci. Enfin, selon ces brevets, le couvercle permet de couvrir l’embout buccal et sert ainsi à empêcher que la poussière et la saleté n’entrent dans le dispositif, ce que la requérante ne conteste pas. Si la requérante soutient, toutefois, qu’une telle fonction de protection ne relève pas du domaine de la technologie, cela est dénué de pertinence, dès lors que, pour établir que le couvercle a une fonction technique, il suffit qu’il soit nécessaire pour la fonction d’inhalation d’une substance médicamenteuse en toute sécurité en protégeant l’utilisateur des risques hygiéniques, et cette fonction est assurée par le couvercle.
47 Partant, dans la mesure où il a été établi que les brevets attribuent au récipient, au couvercle et au bouton, sous les mêmes formes que dans la marque contestée, des fonctions techniques, la chambre de recours a pu considérer à juste titre que lesdits éléments étaient nécessaires à l’inhalation d’une substance médicamenteuse.
48 Enfin, si la requérante argue que le résultat technique recherché pourrait être également obtenu sous des formes alternatives, il suffit de constater, comme cela découle de la jurisprudence mentionnée au point 21 ci-dessus, que l’éventuelle existence de formes ayant d’autres dimensions ou d’autres dessins et permettant d’obtenir le même résultat technique est dénuée d’importance. En effet, une telle circonstance n’implique pas que la solution technique que ces formes incorporent demeure disponible pour les autres opérateurs économiques. À cet égard, d’une part, l’éventuel enregistrement d’une forme exclusivement fonctionnelle d’un produit en tant que marque est susceptible de permettre au titulaire de cette marque d’interdire aux autres entreprises non seulement l’utilisation de la même forme, mais aussi l’utilisation de formes similaires, et, d’autre part, un éventuel cumul d’enregistrements de diverses formes exclusivement fonctionnelles d’un produit risquerait d’empêcher complètement d’autres entreprises de fabriquer et de commercialiser certains produits ayant une fonction technique donnée (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, points 55 à 57).
49 En troisième lieu, quant aux arguments de la requérante selon lesquels la forme convexe globale ne remplirait pas à elle seule une fonction technique nécessaire au produit en cause, il n’est pas nécessaire de les examiner, dès lors qu’il a été constaté que cette forme n’est pas une caractéristique essentielle.
50 Il s’ensuit que les deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches du premier moyen doivent être rejetées.
Sur la sixième branche du premier moyen, tirée d’une erreur concernant l’absence d’identification de la forme convexe globale comme un élément arbitraire majeur
51 La chambre de recours a considéré que la forme convexe globale ne pouvait pas être qualifiée d’élément arbitraire, ornemental ou esthétique non fonctionnel majeur justifiant d’exclure l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94.
52 La requérante argue que la forme convexe globale constitue un élément arbitraire, ornemental ou esthétique majeur. En particulier, elle fait valoir que cette forme se caractérise par une symétrie, qui résulte notamment de la forme incurvée et arrondie de ses parties supérieure et inférieure, ainsi que de la forme arrondie du bord du bouton. Selon la requérante, le « HandiHaler » ayant été conçu par un groupe de conception industrielle avec une esthétique claire et unique et ayant été récompensé par des prix, il présente une forme qui attire fortement l’attention.
53 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
54 Il y a lieu de relever que les éléments présentés par la requérante, qui se fondent en substance sur le caractère symétrique et incurvé de la marque contestée, ne permettent pas de conférer à cette forme un caractère particulièrement fantaisiste ou ornemental. En effet, le fait que cette forme puisse avoir été conçue avec certaines considérations esthétiques et que les trois éléments qui la composent suivent une forme arrondie ne saurait suffire à cet égard. En outre, même s’il était considéré que ladite forme différait des autres formes des inhalateurs présents sur le marché, en ce qu’elle serait incurvée, il ne saurait pas être conclu qu’elle présente un caractère suffisamment significatif et surprenant de nature à la qualifier d’élément arbitraire majeur.
55 En tout état de cause, la forme convexe globale étant composée par trois des quatre caractéristiques essentielles qui ont été considérées comme nécessaires au résultat technique du produit en cause, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a déjà jugé que le fait que la somme des caractéristiques essentielles présentant une fonction technique contribuât à créer une image ornementale restait sans incidence sur l’application du motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94 [arrêt du 19 septembre 2012, Reddig/OHMI – Morleys (Manche de couteau), T‑164/11, non publié, EU:T:2012:443, point 40].
56 Il s’ensuit que la sixième branche du premier moyen doit être rejetée et, partant, ce moyen dans son ensemble.
Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 94 du règlement 2017/1001
57 La requérante soutient que la décision attaquée serait entachée de deux contradictions internes, concernant, la première, la pertinence d’autres formes d’inhalateurs pour déterminer si la forme convexe globale est un élément arbitraire majeur et, la seconde, la pertinence des brevets dans l’examen de la fonctionnalité technique.
58 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
59 Aux termes de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation a la même portée que celle découlant de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, lequel exige que la motivation fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, sans qu’il soit nécessaire que cette motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait auxdites exigences devant cependant être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 65 et jurisprudence citée).
60 Il y a également lieu de rappeler que la motivation d’une décision doit être logique et, notamment, ne pas présenter de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cette décision [voir arrêt du 21 février 2018, Laboratoire Nuxe/EUIPO – Camille et Tariot (NYouX), T‑179/17, non publié, EU:T:2018:89, point 21 et jurisprudence citée].
61 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le second moyen.
62 S’agissant de la première contradiction interne invoquée par la requérante, celle-ci fait valoir que la décision attaquée a considéré que la présence d’autres formes d’inhalateurs sur le marché n’était pas pertinente pour démontrer que la forme convexe globale serait un élément arbitraire majeur, tout en se fondant elle-même sur le caractère courant d’une telle forme sur le marché pour établir qu’elle n’était pas un élément arbitraire majeur.
63 Si la requérante fait valoir que la chambre de recours aurait fait de telles appréciations quand elle a examiné si la forme convexe globale était un élément arbitraire majeur, il y a lieu de préciser que, en réalité, d’une part, la requérante s’étant fondée sur des exemples d’autres inhalateurs afin de montrer le caractère distinctif de la marque contestée et de sa forme convexe globale, ce que la chambre de recours a relevé est que le prétendu caractère distinctif de ladite forme n’était pas pertinent pour la détermination des caractéristiques essentielles. D’autre part, la chambre de recours s’est fondée sur d’autres inhalateurs dans le cadre de l’examen de la fonctionnalité de la forme convexe globale de la marque contestée. Dès lors, le raisonnement de la chambre de recours ne présente aucune contradiction interne sur ce point.
64 En ce qui concerne la seconde contradiction interne dont serait prétendument entachée la décision attaquée, la requérante soutient que la chambre de recours s’est fondée sur les brevets versés au dossier pour établir les quatre caractéristiques essentielles de la marque contestée et leur résultat technique, mais a considéré que lesdits brevets et l’avis de l’expert qui examinait ces derniers n’étaient pas pertinents pour l’examen de la forme convexe globale.
65 Il y a lieu de relever que les arguments de la requérante résultent d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas de cette dernière que la chambre de recours n’aurait pas pris en compte les brevets afin d’examiner la forme convexe globale. En outre, le fait que la chambre de recours se soit fondée sur d’autres éléments, tels que les déclarations de la requérante lors de la procédure administrative sur l’utilisation de l’inhalateur ou des exemples d’autres inhalateurs, afin d’établir la fonctionnalité de ladite forme, ne saurait être considéré comme contradictoire avec le fait qu’elle se soit fondée sur lesdits brevets pour l’examen de la fonction technique des quatre caractéristiques essentielles de la marque contestée.
66 Quant à l’avis de l’expert présenté par la requérante, lequel avait analysé les brevets du point de vue du droit des brevets et avait visé notamment à prouver que ceux-ci ne permettaient pas d’attribuer une fonction technique à la forme convexe globale, la chambre de recours a expliqué qu’il s’était appuyé sur les définitions de la convention sur la délivrance de brevets européens, signée à Munich (Allemagne) le 5 octobre 1973, et de l’Organisation européenne des brevets (OEB). Si le juge de l’Union a établi que l’examen des brevets peut être considéré comme utile dans le cadre de l’appréciation de la fonctionnalité d’un élément (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 85), il ne s’ensuit évidemment pas que le droit des brevets devient applicable dans le cadre de l’examen d’une marque. Il en découle que la chambre de recours ne s’est pas fondée sur une motivation contradictoire sur ce point.
67 Compte tenu de ce qui précède, le second moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
68 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Une audience ayant eu lieu et la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.
69 En outre, l’intervenante a également conclu à ce que la requérante soit condamnée aux dépens exposés devant l’EUIPO. À cet égard, il suffit de relever que, étant donné que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le dispositif de celle-ci qui continue à régler les dépens en cause [voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2021, Comercializadora Eloro/EUIPO – Zumex Group (JUMEX), T‑310/20, non publié, EU:T:2021:227, point 45].
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Boehringer Ingelheim Pharma GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.
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Marcoulli |
Schwarcz |
Valasidis |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 novembre 2024.
Signatures
* Langue de procédure : l’anglais.