ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

19 juillet 2024 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour –Politique économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique (MRU) – Règlement (UE) no 806/2014 – Article 18 – Procédure de résolution – Adoption d’un dispositif de résolution par le Conseil de résolution unique (CRU) – Absence d’objection de la Commission européenne et du Conseil de l’Union européenne – Approbation de ce dispositif par la Commission européenne – Recours en annulation – Irrecevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre le Conseil – Pourvoi manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑708/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 20 novembre 2023,

MeSoFa Vermögensverwaltungs AG, en liquidation, établie à Vienne (Autriche), représentée par Me O. Behrends, Rechtsanwalt,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne,

Commission européenne,

Conseil de résolution unique (CRU),

parties défenderesses en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de chambre, MM. N. Wahl (rapporteur) et J. Passer, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, MeSoFa Vermögensverwaltungs AG, en liquidation, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 8 septembre 2023, MeSoFa/Conseil e.a. (T‑523/22, ci‑après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2023:559), par laquelle celui-ci a rejeté comme étant irrecevable, en ce qu’il est dirigé contre le Conseil de l’Union européenne, son recours tendant à l’annulation de la décision SRB/EES/2022/20 du Conseil de résolution unique (CRU), du 1er mars 2022, relative à l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Sberbank banka d.d. (ci-après la « décision litigieuse »), conformément à l’article 18, paragraphe 6, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), et, « le cas échéant, [à l’annulation de] l’approbation de [la décision litigieuse] par la Commission [européenne] et/ou le Conseil ».

 Le cadre juridique

 Le règlement no 806/2014

2        Les considérants 24, 26, 60 et 61 du règlement no 806/2014 sont libellés comme suit :

« (24)      Étant donné que seules les institutions de l’Union [européenne] peuvent définir la politique de l’Union en matière de résolution et qu’il existe une marge d’appréciation dans l’adoption de chaque dispositif de résolution spécifique, il est nécessaire de prévoir la participation appropriée du Conseil et de la Commission, en tant qu’institutions qui peuvent exercer des pouvoirs d’exécution conformément à l’article 291 [TFUE]. La Commission devrait procéder à l’évaluation des aspects discrétionnaires des décisions de résolution prises par le CRU. Compte tenu des répercussions considérables des décisions de résolution sur la stabilité financière des États membres et sur l’Union proprement dite, ainsi que sur la souveraineté budgétaire des États membres, il est important que le pouvoir d’exécution permettant de prendre certaines décisions en matière de résolution soit conféré au Conseil. Il appartiendrait alors au Conseil, sur proposition de la Commission, d’assurer le contrôle effectif de l’appréciation, par le CRU, de l’existence d’un intérêt public et d’évaluer toute modification importante du montant du [Fonds de résolution unique (ci-après le “Fonds”)] à utiliser pour une mesure de résolution donnée. De plus, la Commission devrait être habilitée à adopter des actes délégués pour préciser davantage les critères ou conditions à prendre en compte par le CRU dans l’exercice de ses différents pouvoirs. Cette attribution de tâches en matière de résolution ne devrait en aucun cas entraver le fonctionnement du marché intérieur des services financiers. Il importe donc de maintenir l’[Autorité bancaire européenne (ABE)] dans son rôle et de lui conserver ses pouvoirs et tâches existants : elle devrait élaborer la législation de l’Union applicable à tous les États membres, contribuer à son application cohérente et favoriser la convergence des pratiques en matière de résolution dans l’ensemble de l’Union.

[...]

(26)      La [Banque centrale européenne (BCE)], en tant qu’autorité de surveillance au sein du [mécanisme de surveillance unique (MSU)], et le CRU devraient être en mesure d’apprécier si un établissement de crédit est en situation de défaillance avérée ou prévisible, et s’il n’existe aucune perspective raisonnable qu’une autre mesure, de nature privée ou prudentielle, puisse empêcher sa défaillance dans un délai raisonnable. Le CRU, s’il estime réunis tous les critères relatifs au déclenchement de la résolution, devrait adopter le dispositif de résolution. La procédure relative à l’adoption du dispositif de résolution, qui suppose la participation de la Commission et du Conseil, renforce la nécessaire indépendance opérationnelle du CRU tout en respectant le principe de délégation des pouvoirs aux agences, selon l’interprétation qu’en donne la Cour de justice de l’Union européenne [...] Par conséquent, le présent règlement prévoit que le dispositif de résolution adopté par le CRU entre en vigueur uniquement si le Conseil ou la Commission, dans un délai de vingt-quatre heures après l’adoption du dispositif de résolution par le CRU, n’émet aucune objection, ou le dispositif de résolution est approuvé par la Commission. Les raisons pour lesquelles le Conseil pourrait, sur proposition de la Commission, contester le dispositif de résolution du CRU devraient se limiter strictement à l’existence d’un intérêt public ou de modifications importantes apportées par la Commission au montant utilisé dans le cadre du Fonds, tel que proposé par le CRU.

Une modification du montant du Fonds de 5 % ou plus, par rapport à la proposition initiale du CRU, devrait être considérée comme importante. Le Conseil devrait approuver ou rejeter la proposition de la Commission sans la modifier. En sa qualité d’observateur aux réunions du CRU, la Commission devrait, de manière régulière, vérifier que le dispositif de résolution adopté par le CRU respecte en tous points le présent règlement, qu’il assure un équilibre approprié entre les différents objectifs et intérêts en jeu, qu’il respecte l’intérêt public et que l’intégrité du marché intérieur est préservée. Étant donné que la mesure de résolution exige une prise de décision très rapide, le Conseil et la Commission devraient coopérer étroitement et le Conseil ne devrait pas reproduire le travail de préparation déjà entrepris par la Commission. Le CRU devrait donner instruction aux autorités de résolution nationales de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre le dispositif de résolution.

[...]

(60)      Le CRU, le Conseil et la Commission devraient veiller, lorsqu’ils prennent ou préparent des décisions relatives à des pouvoirs de résolution, à ce que la mesure de résolution soit prise conformément à certains principes, portant notamment sur le fait que les actionnaires et les créanciers assument une part appropriée des pertes, que la direction devrait en principe être remplacée, que les coûts de la procédure de résolution sont limités autant que possible et que les créanciers de même catégorie sont traités sur un pied d’égalité. En particulier, lorsque des créanciers de même catégorie sont traités différemment dans le cadre d’une mesure de résolution, cette différence devrait être justifiée dans l’intérêt public et ne devrait pas comporter de discrimination directe ou indirecte fondée sur la nationalité.

(61)      Les restrictions aux droits des actionnaires et des créanciers devraient être conformes aux principes énoncés à l’article 52 de la charte [des droits fondamentaux de l’Union européenne]. Les instruments de résolution ne devraient donc s’appliquer qu’aux entités dont la défaillance est avérée ou prévisible et uniquement lorsque cela est nécessaire pour atteindre l’objectif de stabilité financière dans l’intérêt général. Plus précisément, les instruments de résolution devraient s’appliquer lorsque l’entité ne peut pas être liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité sans déstabiliser le système financier, et lorsque les mesures envisagées sont nécessaires pour assurer le transfert rapide et la poursuite des fonctions d’importance systémique, et qu’il n’existe aucune perspective raisonnable de trouver une autre solution d’origine privée, fût-ce une augmentation de capital par les actionnaires ou par un tiers, qui permette de rétablir pleinement la viabilité de l’entité. »

3        L’article 18 de ce règlement, intitulé « Procédure de résolution », prévoit, à ses paragraphes 6 à 10 :

« 6.      Si les conditions fixées au paragraphe 1 sont remplies, le CRU adopte un dispositif de résolution. Le dispositif de résolution :

a)      soumet l’entité à une procédure de résolution ;

b)      détermine l’application des instruments de résolution à l’établissement soumis à une procédure de résolution visés à l’article 22, paragraphe 2, en particulier les exclusions de l’application du renflouement interne conformément à l’article 27, paragraphes 5 et 14 ;

c)      détermine le recours au Fonds à l’appui de la mesure de résolution, conformément à l’article 76 et selon une décision prise par la Commission conformément à l’article 19.

7.      Immédiatement après son adoption, le CRU transmet le dispositif de résolution à la Commission.

Dans les vingt-quatre heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, la Commission soit approuve le dispositif de résolution, soit émet des objections sur les aspects discrétionnaires du dispositif de résolution dans les cas qui ne sont pas prévus au troisième alinéa du présent paragraphe.

Dans les douze heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, la Commission peut proposer au Conseil :

a)      d’émettre des objections au dispositif de résolution au motif que le dispositif de résolution adopté par le CRU ne satisfait pas au critère de l’intérêt public visé au paragraphe 1, point c) ;

b)      d’approuver ou de refuser une modification importante du montant du Fonds prévue dans le dispositif de résolution adopté par le CRU.

Aux fins du troisième alinéa, le Conseil statue à la majorité simple.

Le dispositif de résolution ne peut entrer en vigueur que si le Conseil ou la Commission n’a pas formulé d’objections dans le délai de vingt-quatre heures suivant sa transmission par le CRU.

Le Conseil ou la Commission, selon le cas, expose les motifs pour lesquels il ou elle exerce sa faculté de faire objection.

Si, dans les vingt-quatre heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, le Conseil a approuvé la proposition de modification du dispositif de résolution formulée par la Commission pour le motif visé au troisième alinéa, point b), ou si la Commission a émis des objections conformément au deuxième alinéa, le CRU modifie, dans un délai de huit heures, le dispositif de résolution conformément aux motifs exprimés.

Lorsque le dispositif de résolution adopté par le CRU prévoit l’exclusion de certains engagements dans les circonstances exceptionnelles visées à l’article 27, paragraphe 5, et que cette exclusion exige une contribution du Fonds ou un autre moyen de financement, afin de protéger l’intégrité du marché intérieur, la Commission peut interdire l’exclusion proposée ou exiger sa modification en exposant des motifs recevables sous l’aspect du manquement aux exigences fixées à l’article 27 et dans l’acte délégué adopté par la Commission en vertu de l’article 44, paragraphe 11, de la [directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190)].

8.      Si le Conseil s’oppose à ce qu’un établissement soit soumis à une procédure de résolution au motif que le critère de l’intérêt public visé au paragraphe 1, point c), n’est pas rempli, l’entité concernée est liquidée de manière ordonnée conformément au droit national applicable.

9.      Le CRU veille à ce que les mesures de résolution nécessaires pour appliquer le dispositif de résolution soient prises par les autorités de résolution nationales concernées. Les autorités de résolution nationales concernées sont destinataires du dispositif de résolution, qui leur donne instruction de prendre toutes les mesures nécessaires pour le mettre en œuvre conformément à l’article 29, en exerçant tout pouvoir de résolution. En présence d’une aide d’État ou d’une aide du Fonds, le CRU agit dans le respect d’une décision concernant cette aide que prend la Commission.

10.      La Commission a le pouvoir d’obtenir du CRU toute information qu’elle juge nécessaire à l’accomplissement de ses tâches en vertu du présent règlement. Le CRU a le pouvoir d’obtenir de toute personne, conformément au chapitre 5 du présent titre, toute information dont il a besoin pour élaborer et arrêter une mesure de résolution, y compris toute mise à jour ou tout complément des informations fournies dans les plans de résolution. »

 La décision (UE) 2022/947

4        Les considérants 1, 4 et 5 de la décision (UE) 2022/947 de la Commission, du 1er mars 2022, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Sberbank banka d.d. (JO 2022, L 164, p. 63), énoncent :

« (1)      Le 1er mars 2022 à 17 h 26, le [CRU] a transmis à la Commission un dispositif de résolution à l’égard de Sberbank banka d.d. [(ci‑après “Sberbank Slovénie”)], établie en Slovénie, conformément à l’article 18, paragraphe 7, du règlement [no 806/2014].

[...]

(4)      La Commission est d’accord avec le dispositif de résolution. Elle est notamment d’accord avec les raisons que le CRU avance pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public conformément à l’article 18, paragraphe 5, du règlement [no 806/2014].

(5)      Le dispositif de résolution présenté par le CRU devrait par conséquent être approuvé [...] »

5        Aux termes de l’article 1er de cette décision :

« Le dispositif de résolution à l’égard de [Sberbank Slovénie] est approuvé. »

 Les antécédents du litige

6        Les antécédents du litige ont été exposés aux points 2 à 5 de l’ordonnance attaquée dans les termes suivants :

« 2      La requérante constituait un établissement de crédit établi en Autriche. Elle détenait 99,99 % des actions de [Sberbank Slovénie], un établissement de crédit établi en Slovénie [...]

3      À la suite des tensions géopolitiques entre la Fédération de Russie et l’Ukraine, qui ont culminé à l’invasion de la première dans le territoire de la seconde le 24 février 2022, la situation de liquidité de la requérante et de Sberbank Slovénie s’est détériorée.

4      Le 1er mars 2022, le CRU a adopté la décision [litigieuse], relative à l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Sberbank Slovénie, conformément à l’article 18, paragraphe 6, du règlement no 806/2014 [(ci-après le “dispositif de résolution en cause”)]. Le dispositif de résolution [en cause] prévoyait, notamment, le transfert des actions de Sberbank Slovénie à Nova Ljubljanska Banka d.d.

5      Le 1er mars 2022 également, la Commission [...] a adopté la décision [2022/947], conformément à l’article 18, paragraphe 7, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014. »

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

7        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 août 2022, la requérante a introduit le recours visé au point 1 de la présente ordonnance.

8        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 16 décembre 2022, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité, tirée de ce que le recours devait être rejeté comme étant irrecevable en ce qu’il était dirigé contre lui, dans la mesure où il n’était l’auteur d’aucun acte qui serait relatif à la procédure de résolution concernant Sberbank Slovénie et qui serait susceptible d’être attaqué au titre de l’article 263 TFUE.

9        La requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité le 6 mars 2023.

10      Le Tribunal a accueilli l’exception d’irrecevabilité et a, partant, rejeté le recours comme étant irrecevable en ce qu’il était dirigé contre le Conseil.

11      À cet égard, le Tribunal a, d’abord, rappelé que, selon une jurisprudence constante, en principe, les recours doivent être dirigés contre l’auteur de l’acte attaqué et un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE doit être déclaré irrecevable dans la mesure où il concerne un défendeur qui n’est pas l’auteur de l’acte attaqué. Ensuite, il a relevé que, en vertu de l’article 18, paragraphe 7, troisième alinéa, du règlement no 806/2014, la participation du Conseil à la procédure de résolution n’est pas automatique et qu’elle se limite à deux cas de figure définis de manière exhaustive dans cette disposition. Or, il a constaté que, en l’espèce, aucun des deux cas de figure définis dans l’article 18, paragraphe 7, troisième alinéa, du règlement no 806/2014 ne s’était présenté, puisque la Commission avait approuvé le dispositif de résolution en cause et n’avait, de ce fait, proposé au Conseil ni d’émettre des objections à ce dispositif ni d’approuver ou de refuser une modification importante du montant du Fonds prévue dans ce dispositif. Enfin, quant à l’indication de la requérante selon laquelle le recours contre le Conseil avait été introduit « à titre conservatoire », dans l’hypothèse où celui-ci serait le « décideur final » et le véritable auteur de la décision litigieuse, le Tribunal a considéré que celle-ci n’avait identifié aucun acte concret qui aurait été adopté en l’espèce par le Conseil, ni démontré l’existence, en l’espèce, d’un acte adopté par cette institution susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

 Les conclusions de la requérante au pourvoi

12      Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        de déclarer le recours en annulation recevable ;

–        d’annuler la décision litigieuse en application de l’article 264 TFUE ;

–        de renvoyer l’affaire devant le Tribunal dans la mesure où la Cour ne peut pas statuer sur le fond, et

–        de condamner les parties défenderesses aux dépens.

 Sur le pourvoi

13      En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

14      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

15      La requérante invoque quatre moyens au soutien de son pourvoi, tirés respectivement, le premier, de l’interprétation erronée de l’article 18 du règlement no 806/2014 ; le deuxième, de la violation de principes fondamentaux dans le cadre des procédures complexes ; le troisième, d’un défaut de motivation de l’ordonnance attaquée et du caractère inadéquat de celle-ci s’agissant d’une décision statuant sur une exception d’irrecevabilité, et, le quatrième, d’une absence de réponse au manque de transparence et à l’absence de procédure ordonnée.

 Sur le premier moyen

 Argumentation de la requérante

16      Le premier moyen, tiré d’une interprétation erronée de l’article 18 du règlement no 806/2014, comprend dix branches.

17      Par la première branche, la requérante soutient que le Tribunal a interprété l’article 18 du règlement no 806/2014 sans procéder, en violation de la jurisprudence de la Cour, à l’analyse littérale, systématique et téléologique de cette disposition.

18      La deuxième branche est tirée de ce que, au point 16 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal aurait indirectement reconnu que le règlement no 806/2014 prévoit l’adoption de décisions au moyen d’une procédure de non‑objection sans exiger d’action ou de décision positive du Conseil.

19      Par la troisième branche, la requérante fait valoir que le Tribunal a ignoré le cinquième alinéa de l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, dont il découle que l’entrée en vigueur du dispositif de résolution repose sur la non‑objection tant du Conseil que de la Commission.

20      La quatrième branche est tirée de ce que le Tribunal n’aurait pas tenu compte de l’article 18, paragraphe 8, du règlement no 806/2014 qui conférerait au Conseil le pouvoir, indépendamment de toute proposition de la Commission, de garantir que le cours normal des choses en vertu du droit national ne soit pas modifié par une ingérence au niveau européen.

21      Au titre de la cinquième branche, la requérante soutient que le Tribunal a, au point 18 de l’ordonnance attaquée, commis une erreur d’interprétation de l’article 18 du règlement no 806/2014. Selon la requérante, dans toute procédure complexe, l’acte attaquable est nécessairement l’acte final et, en l’occurrence, l’article 18, paragraphe 7, de ce règlement repose sur un mécanisme de « non‑objection », de telle sorte que c’est l’inaction du Conseil qui entraîne l’entrée en vigueur du dispositif de résolution.

22      Par la sixième branche, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en compte le compromis trouvé par le législateur de l’Union au cours de la procédure législative quant au libellé de l’article 18 du règlement no 806/2014. Or, ce compromis impliquerait l’intervention à la fois du Conseil et de la Commission, puisque la non-objection du premier constituerait une condition préalable à l’entrée en vigueur du dispositif de résolution.

23      La septième branche est tirée de ce que le Tribunal aurait commis des erreurs dans la détermination de l’acte attaquable.

24      À l’appui de la huitième branche, la requérante fait valoir que le Tribunal a omis d’interpréter l’article 18 du règlement no 806/2014 à la lumière de son objectif, à savoir faire face à une crise financière risquant de mettre en danger la stabilité financière des États membres concernés.

25      Par la neuvième branche, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en considération le fait qu’il ressort des considérants 60 et 61 du règlement no 806/2014 que le Conseil doit veiller aux droits des actionnaires. Or, il serait impossible pour le Conseil de s’acquitter de cette obligation à moins d’être un coauteur des dispositifs de résolution.

26      Par la dixième branche, la requérante soutient qu’il y a lieu de conclure que le Tribunal a commis une erreur d’interprétation de l’article 18 du règlement no 806/2014 en ce qu’il n’a pas été reconnu que le Conseil et la Commission sont, sur la base du mécanisme de non‑objection conjointe, coauteurs du dispositif de résolution.

 Appréciation de la Cour

27      Il convient d’examiner ensemble les dix branches du premier moyen dès lors que, comme la requérante le conclut dans le cadre de la dixième branche, celles-ci visent toutes à démontrer que le Tribunal a violé la portée de l’article 18 du règlement no 806/2014 en ce qu’il n’a pas considéré que le Conseil et la Commission sont, sur la base du prétendu mécanisme de non‑objection conjointe, coauteurs du dispositif de résolution.

28      À cet égard et à titre liminaire, il importe de souligner que, en l’espèce, ainsi que le Tribunal l’a indiqué au point 17 de l’ordonnance attaquée, par la décision 2022/947, la Commission a approuvé le dispositif de résolution en cause et n’a proposé au Conseil ni d’émettre d’objections à l’égard de ce dispositif ni d’approuver ou de refuser une modification importante du montant du Fonds prévue dans ce dispositif. Il résulte, en effet, des considérants 1, 4 et 5 de cette décision que le 1er mars 2022 à 17 h 26, le CRU a transmis à la Commission le dispositif de résolution en cause, conformément à l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, et que, la Commission étant d’accord avec ce dispositif de résolution, elle l’a approuvé.

29      S’agissant de l’interprétation de l’article 18 du règlement no 806/2014, il importe de rappeler que le paragraphe 7 de cet article prévoit, à son premier alinéa, que le CRU est tenu de transmettre à la Commission le dispositif de résolution immédiatement après son adoption et, à ses deuxième et troisième alinéas, que, dans un délai de vingt-quatre heures suivant cette transmission, la Commission soit approuve le dispositif de résolution, soit émet des objections sur les aspects discrétionnaires de ce dispositif, à l’exclusion de ceux ayant trait au respect du critère de l’intérêt public et au montant prévu pour le recours au Fonds. Quant à ces derniers aspects discrétionnaires, ce troisième alinéa précise que la Commission peut, dans un délai de douze heures à compter de ladite transmission, proposer au Conseil d’émettre des objections. Enfin, l’article 18, paragraphe 7, cinquième alinéa, de ce règlement dispose que le dispositif de résolution ne peut entrer en vigueur que si le Conseil ou la Commission n’a pas formulé d’objections dans le délai de vingt-quatre heures suivant sa transmission par le CRU.

30      Il résulte ainsi clairement du libellé de l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 que ce règlement prévoit la participation de la Commission et du Conseil à la procédure menant à l’adoption d’un dispositif de résolution, lequel doit, pour entrer en vigueur, recevoir l’aval de la Commission et, le cas échéant, du Conseil.

31      Il découle également de ce libellé que l’article 18, paragraphe 7, cinquième alinéa, dudit règlement ne saurait être interprété comme instaurant un mécanisme de non‑objection au titre duquel le Conseil serait coauteur du dispositif de résolution. En effet, cette disposition se limite à indiquer que le dispositif de résolution ne peut entrer en vigueur que si la Commission, ou, le cas échéant, le Conseil, n’a pas formulé d’objections dans le délai de vingt-quatre heures suivant sa transmission par le CRU. En outre, contrairement au troisième alinéa de cet article 18, paragraphe 7, le cinquième alinéa de cette disposition ne porte pas sur les conditions dans lesquelles le Conseil peut formuler des objections ni ne désigne l’institution devant être considérée comme étant l’auteur du dispositif de résolution.

32      En outre, en prévoyant que l’entité concernée doit être mise en liquidation de manière ordonnée conformément au droit national si le Conseil s’oppose à ce que cette entité soit soumise à une procédure de résolution au motif que le critère de l’intérêt public n’est pas rempli, l’article 18, paragraphe 8, du règlement no 806/2014 se limite à tirer les conséquences d’une objection du Conseil. Cette disposition ne confère pas à ce dernier un pouvoir autre que celui dont il dispose conformément à l’article 18, paragraphe 7, troisième alinéa, de ce règlement.

33      De la même manière, l’objectif que la requérante assigne au règlement no 806/2014, à savoir faire face à une crise financière similaire ou pire que celle qui a donné lieu à la préparation dudit règlement et risquant de mettre en danger la stabilité financière des États membres concernés, ou encore la responsabilité du Conseil de veiller aux droits des actionnaires n’exigent pas que cette institution ait nécessairement le dernier mot s’agissant du dispositif de résolution d’un établissement de crédit.

34      Enfin, l’évolution du libellé de l’article 18 du règlement no 806/2014 au cours de la procédure législative n’est manifestement pas de nature à remettre en cause l’interprétation de cette disposition rappelée aux points 29 à 33 de la présente ordonnance.

35      Il convient encore de relever que, afin de déclarer le recours irrecevable en ce qu’il était dirigé contre le Conseil, le Tribunal n’était nullement tenu de déterminer quel était l’acte, à savoir la décision litigieuse ou la décision d’approbation, qui devait être considéré comme étant l’acte attaquable en l’espèce.

36      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant manifestement non fondé.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation de la requérante

37      Le troisième moyen, qu’il convient d’examiner avant le deuxième moyen, est tiré de la violation de l’obligation de motivation.

38      Par le premier argument avancé au soutien de son troisième moyen, la requérante fait valoir que l’ordonnance attaquée est entachée d’un défaut de motivation, faute pour le Tribunal d’avoir, dans cette ordonnance, identifié l’auteur du dispositif de résolution en cause, d’avoir indiqué les raisons pour lesquelles le Conseil ne peut être considéré comme tel et d’avoir indiqué quel était l’acte attaquable en l’espèce.

39      Par les deuxième à quatrième arguments du troisième moyen, la requérante soutient que l’ordonnance attaquée est entachée d’un défaut de motivation en ce que le Tribunal aurait omis d’interpréter l’article 18, paragraphe 7, cinquième alinéa, et l’article 18, paragraphe 8, du règlement no 806/2014, aurait tenu un raisonnement contradictoire et aurait préjugé l’examen du fond en excluant un auteur potentiel d’un acte attaquable.

 Appréciation de la Cour

40      Premièrement, force est de constater que le premier argument de la requérante procède d’une lecture manifestement erronée de l’ordonnance attaquée.

41      En effet, après avoir rappelé, aux points 12 à 15 de cette ordonnance, la teneur des dispositions de l’article 18 du règlement no 806/2014, le Tribunal a, tout d’abord, indiqué, au point 16 de ladite ordonnance, qu’il ressortait du paragraphe 7, troisième alinéa, de cet article que la participation du Conseil à la procédure de résolution n’était pas automatique et qu’elle se limite à deux cas de figure définis de manière exhaustive dans cette disposition. Ensuite, le Tribunal a constaté, au point 17 de la même ordonnance, qu’aucun de ces deux cas de figure ne s’était présenté, puisque la Commission avait approuvé le dispositif de résolution en cause sans proposer au Conseil ni d’émettre des objections à ce dispositif ni d’approuver ou de refuser une modification importante du montant du Fonds prévue dans celui-ci. Enfin, le Tribunal a ajouté, au point 18 de la même ordonnance, que, même si la requérante avait indiqué que le recours était formé contre le Conseil « à titre conservatoire », dans l’hypothèse où celui-ci serait le « décideur final » et le véritable auteur de la décision litigieuse, celle-ci n’avait pas identifié d’acte concret qui aurait été adopté en l’espèce par le Conseil et n’avait pas démontré l’existence d’un acte adopté, en l’espèce, par cette institution qui serait susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

42      Il en résulte que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, le Tribunal a indiqué les raisons pour lesquelles le recours était irrecevable en ce qu’il était dirigé contre le Conseil et a fourni des motifs permettant de comprendre le raisonnement sous-tendant cette appréciation.

43      Deuxièmement, l’argumentation de la requérante selon laquelle il ne lui est pas possible d’identifier, à la lecture de l’ordonnance attaquée, l’auteur du dispositif de résolution en cause et l’acte attaquable en l’espèce doit être écartée en ce qu’elle est manifestement infondée.

44      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal lui impose de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qu’il a suivi, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (arrêt du 24 février 2022, Bernis e.a./CRU, C‑364/20 P, EU:C:2022:115, point 67 ainsi que jurisprudence citée).

45      En outre, selon une jurisprudence également constante de la Cour en matière de pourvois, la motivation d’une décision du Tribunal peut être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle. Ainsi, l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige (arrêt du 24 février 2022, Bernis e.a./CRU, C‑364/20 P, EU:C:2022:115, point 68 ainsi que jurisprudence citée).

46      En l’espèce, l’ordonnance attaquée est une ordonnance d’irrecevabilité partielle rejetant le recours comme étant irrecevable en ce qu’il est dirigé contre le Conseil. Partant, l’obligation de motivation incombant au Tribunal doit être considérée comme étant satisfaite dès lors que ce dernier a indiqué à suffisance de droit les raisons pour lesquelles le recours est, dans cette mesure, irrecevable.

47      S’agissant d’une ordonnance de cette nature, l’obligation de motivation n’exige nullement que le Tribunal identifie le ou les actes attaquables et leurs auteurs ou prenne position sur des dispositions du droit de l’Union autres que celles sur lesquelles la solution retenue est fondée.

48      Or, il résulte du point 42 de la présente ordonnance que le Tribunal a indiqué à suffisance de droit les raisons pour lesquelles le recours était irrecevable en ce qu’il était dirigé contre le Conseil.

49      Troisièmement, les deuxième à quatrième arguments de la requérante doivent être rejetés comme étant inopérants. En effet, dès lors qu’il résulte de la réponse au premier moyen et de celle au premier argument du troisième moyen que, d’une part, le Tribunal n’a pas commis d’erreur d’interprétation de l’article 18 du règlement no 806/2014 en jugeant que, en l’espèce, le recours était irrecevable en ce qu’il était dirigé contre le Conseil et, d’autre part, l’ordonnance attaquée était suffisamment motivée à cet égard, aucun de ces arguments n’est de nature à entraîner l’annulation de l’ordonnance attaquée.

50      Le troisième moyen doit, dès lors, être écarté comme étant, pour partie, manifestement non fondé et, pour partie, inopérant.

 Sur les deuxième et quatrième moyens

 Argumentation de la requérante

51      Le deuxième moyen est tiré de la violation, par le Tribunal, de principes fondamentaux dans le cadre des procédures complexes.

52      Par le quatrième moyen, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en considération, dans l’ordonnance attaquée, la circonstance que la procédure de résolution n’a pas été transparente.

 Appréciation de la Cour

53      Aucun des arguments avancés par la requérante au soutien des deuxième et quatrième moyens n’étant de nature à remettre en cause l’appréciation du Tribunal selon laquelle le recours en première instance devait être rejeté comme étant irrecevable en ce qu’il était dirigé contre le Conseil, il y a lieu de considérer que ces moyens doivent être rejetés comme étant inopérants.

54      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité comme étant manifestement non fondé.

 Sur les dépens

55      En application de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

56      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant manifestement non fondé.

2)      MeSoFa Vermögensverwaltungs AG, en liquidation, supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.