Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. JEAN RICHARD DE LA TOUR
présentées le 13 juin 2024 (1)
Affaire C‑80/23
Procédure pénale
contre
V.S.,
en présence de
Ministerstvo na vatreshnite raboti, Glavna direktsia za borba s organiziranata prestapnost
[demande de décision préjudicielle formée par le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie)]
« Renvoi préjudiciel – Protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel – Directive (UE) 2016/680 – Personne mise en examen – Enregistrement policier des données personnelles – Données sensibles – Données biométriques et génétiques – Exécution forcée – Objectifs de prévention et de détection des infractions pénales – Résolution de l’enquête en cours – Comparaison avec des données à caractère personnel recueillies dans le cadre d’autres enquêtes – Arrêt du 26 janvier 2023, Ministerstvo na vatreshnite raboti (Enregistrement de données biométriques et génétiques par la police) (C‑205/21, EU:C:2023:49) – Interprétation de l’arrêt de la Cour – Obligation d’interprétation conforme – Article 10 – Article 6, sous a) – Appréciation de la “nécessité absolue” du traitement des données sensibles par les autorités compétentes – Conditions – Contrôle »
I. Introduction
1. Le dialogue interjuridictionnel ne s’achève pas toujours après le premier échange entre les interlocuteurs concernés. Il est possible qu’une conversation plus longue s’engage entre la Cour et la juridiction nationale qui l’a déjà saisie lorsque cette dernière estime, après avoir pris connaissance de l’arrêt préjudiciel de la Cour, que des éléments d’informations lui paraissant indispensables pour pouvoir trancher le litige pendant devant elle lui font encore défaut. Tel est le cas de la présente affaire.
2. La demande de décision préjudicielle du Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie) porte sur l’article 6, sous a), et l’article 10 de la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil (2), tels qu’interprétés par la Cour dans l’arrêt du 26 janvier 2023, Ministerstvo na vatreshnite raboti (Enregistrement de données biométriques et génétiques par la police) (3).
3. C’est la seconde demande que cette juridiction adresse à la Cour dans le cadre du même litige au principal (4). Celui-ci porte sur une demande présentée par les autorités de police bulgares de procéder à l’exécution forcée de la collecte des données photographiques, dactyloscopiques et génétiques (5) de V.S. à des fins d’enregistrement. À la suite de sa mise en examen pour une infraction qualifiée d’intentionnelle, et, à ce titre, poursuivie d’office, V.S. avait été invitée à se soumettre à cet enregistrement de ses données, ce qu’elle a refusé de faire. Les autorités de police avaient donc demandé à la juridiction de renvoi d’ordonner l’exécution forcée de l’enregistrement policier.
4. La requête des autorités de police adressée à cette juridiction indiquait que des preuves suffisantes de la culpabilité de V.S. avaient été réunies. Il y était précisé que celle-ci était officiellement poursuivie pour avoir commis une infraction intentionnelle poursuivie d’office et qu’elle avait refusé de se soumettre à la collecte de ses données. Seules les copies de l’ordonnance de mise en examen de V.S. et de la déclaration dans laquelle elle avait refusé de donner son consentement à l’enregistrement policier avaient été annexées à cette requête. Au vu de ces seuls éléments, ladite juridiction aurait dû, en vertu de son droit national, ordonner l’exécution forcée de l’enregistrement policier des données de V.S.
5. Cependant, au moment d’examiner la requête, la juridiction de renvoi avait nourri des doutes quant à la compatibilité d’une telle situation avec les exigences découlant de la directive 2016/680 en ce qui concerne, notamment, la collecte et le traitement des données sensibles. La Cour a répondu aux interrogations de cette juridiction dans l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I.
6. En adressant à la Cour deux nouvelles questions préjudicielles, la juridiction de renvoi explique n’avoir toujours pas réussi à établir si elle pouvait, sans contrevenir au droit de l’Union, ordonner une telle exécution.
7. Ces questions invitent la Cour, d’une part, à expliciter les termes de son arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I en ce qui concerne l’exigence de « nécessité absolue » du traitement portant sur des catégories particulières de données à caractère personnel, considérées comme étant des données sensibles, figurant à l’article 10 de la directive 2016/680 (6)et, d’autre part, à préciser ce qui est attendu de la juridiction de renvoi afin de remédier à l’incompatibilité avec cette directive de la législation bulgare relative à l’enregistrement policier.
II. Le cadre juridique
8. En ce qui concerne le cadre juridique, je renvoie aux points 3 à 34 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I.
III. Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles
9. La juridiction de renvoi indique avoir pris connaissance de cet arrêt le 26 janvier 2023. Elle considère toutefois que certaines circonstances n’ont pas été clarifiées et qu’elle n’est toujours pas en mesure de déterminer si elle doit délivrer, ou non, l’autorisation de collecter les données biométriques et génétiques de V.S.
10. Premièrement, la juridiction de renvoi estime que, aux fins de statuer sur la demande d’autorisation d’exécution forcée qui lui a été présentée par les autorités de police, elle ne peut pas procéder aux vérifications indiquées au point 133 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I, car elle ne disposerait pas de la base documentaire nécessaire à cette fin. Le droit bulgare prévoit, en effet, qu’elle statue sur la seule base de la requête (7) – qui mentionne la procédure pénale en cours à l’égard de V.S., affirme que des preuves suffisantes de sa culpabilité ont été réunies et confirme sa mise en examen –, à laquelle sont annexés l’ordonnance de mise en examen et le refus écrit de V.S. de se soumettre à l’enregistrement policier. Il ne prévoit pas que d’autres pièces du dossier soient communiquées à la juridiction de renvoi.
11. La juridiction de renvoi indique qu’une interprétation conforme de son droit national serait possible si elle faisait usage des règles générales du Nakazatelno-protsesualen kodeks (code de procédure pénale, ci-après le « NPK »), en particulier de son article 158 (8), au lieu de la règle spéciale que constitue l’article 68 du ZMVR. Elle pourrait ainsi disposer de l’intégralité du dossier. En effet, les mesures d’enquête adoptées au cours de la procédure pénale préliminaire (9) qui induisent une atteinte à la sphère privée des personnes, telles que la collecte de données de connexion ou l’examen de la personne, sont mises en œuvre par les autorités en charge de l’enquête après autorisation préalable d’un juge. Le dossier de procédure est alors communiqué à ce dernier qui peut ainsi examiner l’intégralité des pièces pour apprécier le caractère fondé de la demande d’autorisation préalable (10). La juridiction de renvoi identifie les raisons de cette différence de régime juridique comme suit : d’une part, la collecte des données biométriques et génétiques est demandée par la police et non par le ministère public et, d’autre part, cette collecte a lieu seulement dans la perspective que ces données soient éventuellement utilisées à l’avenir, si la nécessité se présentait.
12. La juridiction de renvoi indique encore que la communication du dossier pour délivrer l’autorisation préalable n’est pas considérée, en droit bulgare, comme étant de nature à entraver le déroulement de l’enquête pénale. La justification de l’absence de communication du dossier de procédure au juge saisi d’une demande d’autorisation d’exécution forcée d’un enregistrement policier ne pourrait donc pas être tirée du motif visé au point 100 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I, à savoir du risque d’entrave au bon déroulement de l’enquête pénale.
13. Or, s’il découle de cet arrêt qu’il est conforme à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (11) que le dossier ne soit pas transmis au juge saisi d’une demande d’autorisation d’exécution forcée de l’enregistrement policier, la juridiction de renvoi se demande comment elle pourrait procéder aux vérifications découlant de la lecture des points 132 et 133 dudit arrêt afin d’apprécier la « nécessité absolue », au sens de l’article 10 de la directive 2016/680, du traitement des données biométriques et génétiques de V.S. et de vérifier si la nature et la gravité de l’infraction dont elle est suspectée dans la procédure pénale ou d’autres éléments pertinents, tels que les circonstances particulières de l’infraction, le lien éventuel de ladite infraction avec d’autres procédures en cours, les antécédents judiciaires ou le profil individuel de V.S., peuvent se révéler de nature à établir une telle nécessité.
14. La juridiction de renvoi souhaite ainsi savoir si l’article 10 de la directive 2016/680 doit être interprété en ce sens que le contrôle de la « nécessité absolue » peut être effectué alors que le juge n’a pas accès à l’intégralité du dossier ou si, au contraire, un tel contrôle exige qu’il ait accès à l’intégralité du dossier, alors même que la Cour semble avoir jugé légitime que le juge ne dispose pas du dossier (12).
15. Deuxièmement, dans l’hypothèse où la directive 2016/680 devait imposer la communication de l’intégralité du dossier, la juridiction de renvoi estime qu’elle devrait procéder à l’appréciation du bien-fondé de la mise en examen. Une telle appréciation serait requise dès lors qu’il découlerait des points 130 et 131 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I que le seul fait qu’une personne soit mise en examen n’est pas suffisant pour constater la « nécessité absolue » de la collecte et qu’il est nécessaire qu’il existe des motifs sérieux de croire que la personne en cause a commis l’infraction pénale.
16. Le juge de renvoi déduit qu’il doit pouvoir apprécier si la mise en examen est suffisamment étayée par les éléments de preuve également du fait que, premièrement, il s’agirait là d’une exigence découlant de l’article 6, sous a), de la directive 2016/680 ; deuxièmement, cette appréciation devrait, en tout état de cause, être menée dans le cadre des procédures régies par l’article 158 du NPK, qui sont les plus proches de celle régie par l’article 68, paragraphe 5, du ZMVR ; troisièmement, la possibilité qu’une telle appréciation survienne ultérieurement n’exclurait pas que, à la date de la délivrance de l’autorisation judiciaire de la collecte forcée des données biométriques et génétiques, la mise en examen ne soit pas, dans les faits, étayée ; quatrièmement, l’objectif de la directive 2016/680 serait précisément d’instituer un mécanisme visant à éviter que des données à caractère personnel, en particulier des données biométriques et génétiques, soient collectées en l’absence de base légale à cet effet, ce qu’il faudrait vérifier immédiatement, et, cinquièmement, une partie au moins des vérifications nécessaires au sens des points 132 et 133 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I supposerait précisément d’apprécier les éléments de preuve collectés, dès lors qu’il découlerait de ces points que la nature et la gravité de l’infraction ainsi que les circonstances dans lesquelles cette dernière a été commise doivent être appréciées. Or, pour apprécier ces circonstances, il serait nécessaire d’établir qu’il existe des motifs sérieux de croire que la personne en cause a commis l’infraction pénale, cette appréciation supposant qu’aient déjà été réunis suffisamment d’éléments de preuve.
17. L’appréciation de la « nécessité absolue » de la collecte supposerait ainsi qu’il soit aussi procédé à une appréciation des preuves sur lesquelles est fondée la mise en examen et de l’existence de motifs sérieux de croire que la personne a commis une infraction pénale.
18. La juridiction de renvoi se demande si, dès lors qu’elle disposera du dossier de l’affaire, elle sera tenue d’effectuer un contrôle complet de la légalité de la collecte forcée, y compris en ce qui concerne le caractère fondé de la mise en examen, ou si elle doit se limiter à la vérification des autres circonstances, mentionnées aux points 132 et 133 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I, étrangères à cette problématique (comme les antécédents judiciaires ou le profil de la personne mise en examen) sans se saisir du contrôle de la mise en examen.
19. Dans ces conditions, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’exigence du contrôle de la “nécessité absolue” visée à l’article 10 de la directive [2016/680], telle qu’elle a été interprétée par la Cour au point 133 de l’arrêt [Enregistrement de données biométriques et génétiques I], est‑elle respectée lorsque ce contrôle est effectué seulement sur la base de l’ordonnance de mise en examen de la personne concernée et du refus écrit de celle-ci que ses données biométriques et génétiques soient collectées, ou bien faut-il que le tribunal dispose de toutes les pièces du dossier de l’affaire qui, conformément au droit national, lui sont communiquées en cas de demande d’autorisation de procéder à des mesures d’investigation qui portent atteinte à la sphère juridique des personnes physiques, lorsque cette demande a été formée dans une affaire pénale ?
2) En cas de réponse positive [à la première question], dans le cadre de l’appréciation de la “nécessité absolue” visée à l’article 10 combiné à l’article 6, sous a), de la directive 2016/680, le tribunal peut-il, après que le dossier de l’affaire lui a été communiqué, également apprécier s’il existe des motifs sérieux de croire que la personne poursuivie a commis l’infraction mentionnée dans la mise en examen ? »
20. Des observations écrites ont été déposées par le gouvernement hongrois et la Commission européenne. Les gouvernements bulgare et hongrois ainsi que la Commission ont participé à l’audience qui s’est tenue le 20 mars 2024, au cours de laquelle ces parties ont également répondu aux questions pour réponse orale posées par la Cour.
IV. Analyse
21. Pour que le dialogue dont je parlais plus haut (13) réussisse et permette aux deux parties prenantes de s’entendre et de se comprendre, ces dernières doivent s’assurer de s’exprimer dans une langue qui soit intelligible par toutes les deux.
22. La Commission a proposé qu’il soit mis fin au dialogue de manière quelque peu abrupte en demandant à la Cour de déclarer les questions préjudicielles comme étant irrecevables parce qu’elles reposeraient sur une lecture erronée de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I. Au contraire, je suis d’avis qu’une démarche plus didactique doit prévaloir et que, en tout état de cause, ces questions sont recevables (14).
23. Dès lors que de nouvelles interrogations naissent, pour la juridiction de renvoi, de sa lecture de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I, il faut s’assurer que celui-ci a bien été compris. Or, tel ne semble pas être le cas.
24. La juridiction de renvoi part de la prémisse, selon moi erronée, que la Cour lui aurait donné pour mandat de pallier elle-même, par l’improvisation d’un contrôle ad hoc, les lacunes de son droit national. Par ailleurs, le rôle dévolu aux autorités compétentes par la directive 2016/680 quant à l’appréciation de la « nécessité absolue », condition indispensable du traitement des données sensibles, ne semble pas avoir été bien perçu. Enfin, la juste articulation entre le contrôle de cette « nécessité absolue » et celui du bien-fondé de la mise en examen ne s’est pas imposée, au terme de la lecture par la juridiction de renvoi de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I, avec la force de l’évidence.
25. Il appartient, par conséquent, à la Cour, dans le cadre de cette nouvelle procédure de coopération qui s’est engagée entre elle et la juridiction de renvoi, de donner à cette dernière une réponse utile lui permettant de trancher le litige dont elle est saisie. Pour cela, la Cour doit répondre à une question qui ne lui est pas vraiment posée, dont la réponse repose, en partie, sur l’interprétation du droit national. C’est donc une entreprise peu orthodoxe qui attend la Cour.
26. Ainsi, il est primordial, pour la suite de l’analyse, de souligner que la juridiction de renvoi n’est pas saisie du contrôle de l’appréciation, par les autorités compétentes au sens de l’article 3, point 7, de la directive 2016/680 (en l’occurrence, les autorités de police), de la « nécessité absolue » de procéder à la collecte et au traitement des données sensibles de V.S. Et pour cause : le droit bulgare ne prévoit pas qu’une telle appréciation soit menée par ces autorités.
27. Dans ces conditions, les questions préjudicielles soulèvent la question fondamentale préalable suivante : la juridiction de renvoi peut-elle, par son seul contrôle désormais fondé sur l’article 158 du NPK (15) – lequel prévoit des mesures d’investigations dans les procédures pénales de droit commun et, notamment, un prélèvement en vue d’établir un profil ADN –, assurer la pleine et entière effectivité de l’article 10 de la directive 2016/680 ?
28. Je proposerai de conclure que l’interprétation conforme suggérée n’est pas de nature à rendre la situation au principal compatible avec les exigences de l’article 10 de la directive 2016/680 (A). Une réponse aux deux questions posées devrait conserver son utilité pour la résolution du litige au principal seulement dans le cas où la Cour retiendrait une approche différente. C’est donc à titre, selon moi, subsidiaire et au terme d’une analyse plus rapide que je fournirai des éléments de réponse à ces questions (B).
A. L’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I, l’obligation d’interprétation conforme et la définition de l’office du juge de renvoi
29. Il faut, d’abord, revenir sur les enseignements qui doivent être tirés de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I, avant d’examiner, ensuite, les résultats auxquels devrait aboutir l’interprétation à laquelle la juridiction de renvoi propose de procéder pour pouvoir apprécier, enfin, si cette interprétation est véritablement de nature à rendre le droit bulgare conforme aux exigences de l’article 10 de la directive 2016/680, telles qu’elles découlent de cet arrêt.
1. Les enseignements de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I
30. Dans cet arrêt, la Cour était notamment interrogée sur la question de savoir si l’article 10 de la directive 2016/680, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, sous a) à c), ainsi qu’avec l’article 8 de cette directive, devait être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui prévoit la collecte systématique de données biométriques et génétiques de toute personne mise en examen pour une infraction intentionnelle poursuivie d’office aux fins de leur enregistrement, sans prévoir l’obligation, pour l’autorité compétente, de déterminer et de démontrer, d’une part, que cette collecte est nécessaire à la réalisation des objectifs concrets poursuivis et, d’autre part, que ces objectifs ne peuvent pas être atteints par la collecte d’une partie seulement des données concernées (16).
31. Le traitement des catégories particulières de données que constituent les données biométriques et génétiques devant être autorisé « uniquement en cas de nécessité absolue » (17), la Cour a dit pour droit qu’un tel traitement ne pourra être considéré comme nécessaire que dans un nombre limité de cas et que cette nécessité devait être appréciée de manière particulièrement rigoureuse (18), l’objectif de l’article 10 de la directive 2016/680 étant de fournir une protection accrue aux personnes dont les données sensibles vont faire l’objet d’un traitement (19).
32. À propos de l’enregistrement policier, la Cour a donc indiqué que la « nécessité absolue » de la collecte des données biométriques et génétiques des personnes mises en examen aux fins de leur enregistrement doit être déterminée au regard des finalités de cette collecte, ces finalités devant être déterminées, explicites et légitimes. Par ailleurs, les données collectées doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (20). Les dispositions du droit national doivent prévoir que le traitement n’est licite que si, et dans la mesure où, il est nécessaire à l’exécution d’une mission effectuée par une autorité compétente pour les finalités énoncées à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2016/680, et préciser au moins les objectifs du traitement, les données à caractère personnel concernées et les finalités du traitement (21). Ces dernières doivent être définies de manière suffisamment précise et concrète pour permettre d’évaluer la « nécessité absolue » du traitement (22).
33. S’ajoute un contrôle particulièrement strict du respect du principe de minimisation des données. D’une part, l’objectif poursuivi ne doit pas pouvoir raisonnablement être atteint de manière aussi efficace par d’autres moyens moins attentatoires aux droits fondamentaux des personnes concernées. Le responsable du traitement doit s’assurer que cet objectif ne peut pas être satisfait en ayant recours à des catégories de données autres que celles visées à l’article 10 de la directive 2016/680 (23). D’autre part, l’exigence de « nécessité absolue » implique qu’il soit tenu compte de l’importance particulière de l’objectif qu’un tel traitement vise à atteindre (24).
34. Sur la base de ces considérations, la Cour a explicitement jugé qu’« une législation nationale qui prévoit la collecte systématique des données biométriques et génétiques de toute personne mise en examen pour une infraction intentionnelle poursuivie d’office est, en principe, contraire à l’exigence énoncée à l’article 10 de la directive 2016/680 » (25). Une telle législation « est susceptible de conduire, de manière indifférenciée et généralisée, à la collecte des données biométriques et génétiques de la plupart des personnes mises en examen dès lors que la notion d’“infraction pénale intentionnelle poursuivie d’office” revêt un caractère particulièrement général et est susceptible de s’appliquer à un grand nombre d’infractions pénales, indépendamment de leur nature et de leur gravité » (26). En particulier, « le seul fait qu’une personne soit mise en examen pour une infraction pénale intentionnelle poursuivie d’office ne saurait être considéré comme un élément permettant, à lui seul, de présumer que la collecte de ses données biométriques et génétiques est absolument nécessaire au regard des finalités qu’elle vise et compte tenu des atteintes aux droits fondamentaux, en particulier aux droits au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel garantis par les articles 7 et 8 de la Charte, qui en résultent » (27).
35. La Cour a poursuivi en indiquant que, même s’il existe des motifs sérieux de croire que la personne en cause a commis une infraction pénale justifiant sa mise en examen – ce qui suppose que suffisamment d’éléments de preuve aient été réunis –, il pourra se produire des cas où la collecte des données biométriques et génétiques n’obéira à aucune nécessité concrète aux fins de la procédure pénale en cours (28). La probabilité que la collecte de ces données soit absolument nécessaire dans le cadre d’autres procédures ne peut se présumer, mais doit être appréciée en considération d’autres éléments pertinents tels que, notamment, la nature et la gravité de l’infraction présumée pour laquelle la personne concernée est mise en examen, les circonstances particulières de cette infraction, son lien éventuel avec d’autres procédures en cours, les antécédents judiciaires ou le profil individuel de cette personne (29).
36. C’est donc après avoir donné toutes ces indications que la Cour a jugé qu’il appartient à la juridiction de renvoi « de vérifier si, afin de garantir l’effectivité de l’article 10 de la directive 2016/680, il est possible d’interpréter la législation nationale prévoyant [l’exécution forcée de l’enregistrement policier] de manière conforme au droit de l’Union. En particulier, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si le droit national permet d’apprécier la “nécessité absolue” de procéder à la collecte tant des données biométriques que des données génétiques de la personne concernée aux fins de leur enregistrement. Notamment il y aurait lieu, à ce titre, de pouvoir vérifier si la nature et la gravité de l’infraction dont la personne concernée, dans la procédure pénale au principal, est suspectée ou si d’autres éléments pertinents tels que [les circonstances particulières de cette infraction, son lien éventuel avec d’autres procédures en cours, les antécédents judiciaires ou le profil individuel de cette personne], peuvent constituer des circonstances de nature à établir une telle “nécessité absolue”. En outre, il conviendrait de s’assurer que la collecte des données d’état civil [...] ne permet pas, à elle seule, de répondre aux objectifs poursuivis » (30).
37. Enfin, la Cour a très clairement indiqué que, « [d]ans l’hypothèse où le droit national ne garantit pas un tel contrôle de la mesure de collecte des données biométriques et génétiques, il appartient à la juridiction de renvoi d’assurer le plein effet dudit article 10 en rejetant la demande des autorités de police d’autoriser l’exécution forcée de cette collecte » (31).
2. Les raisons de l’incompatibilité de la législation bulgare avec l’article 10 de la directive 2016/680 et les insuffisances de l’interprétation conforme proposée
38. La conclusion (32) à laquelle la Cour est parvenue dans l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I, bien qu’entourée des précautions d’usage (33), est claire : le régime de l’enregistrement policier, dont l’exécution forcée est une composante, n’est pas compatible avec les exigences de l’article 10 de la directive 2016/680, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, sous a) à c), ainsi qu’avec l’article 8, paragraphes 1 et 2, de cette directive.
39. Le représentant du gouvernement bulgare n’a pas soutenu autre chose lors de sa plaidoirie dans la présente affaire lorsqu’il a reconnu l’impossibilité pour les autorités compétentes d’apprécier la « nécessité absolue » de l’enregistrement policier et indiqué à la Cour qu’il avait été informé par le ministère de l’Intérieur qu’un amendement à l’article 68 du ZMVR, devant établir l’obligation pour les autorités compétentes de vérifier, au cas par cas, l’impératif d’une « nécessité absolue » quant à la collecte des données biométriques et génétiques des personnes mises en examen, était en cours d’adoption.
40. Il est vrai que la Cour ne s’est pas limitée à ce constat d’incompatibilité et qu’elle a chargé la juridiction de renvoi de vérifier s’il était possible d’interpréter la législation nationale prévoyant l’exécution forcée de l’enregistrement policier de manière conforme au droit de l’Union. Pour ce faire, elle a, en particulier, donné mandat à cette juridiction de vérifier si le droit national permet d’apprécier la « nécessité absolue » de procéder à la collecte des données aux fins de leur enregistrement (34).
41. Pour interpréter l’article 68 du ZMVR de manière conforme à l’article 10 de la directive 2016/680, la juridiction de renvoi envisage d’appliquer, au moment de statuer sur la demande d’autorisation d’exécution forcée de l’enregistrement policier, les garanties prévues à l’article 158 du NPK, dont il semble découler que la collecte de preuves sous la forme de données biométriques et génétiques dans le cadre de l’enquête pénale doit, en principe, être soumise à une autorisation préalable du juge, qui pourra en vérifier la nécessité aux fins de l’enquête pénale sur la base de toutes les pièces du dossier de procédure qu’il doit avoir à sa disposition.
42. Toutefois, d’une part, comme l’a relevé, à juste titre, la Commission, le point 133 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I ne saurait être interprété en ce sens que la Cour y aurait jugé qu’une appréciation de la « nécessité absolue » de la collecte des données, effectuée par la juridiction de renvoi elle-même, serait susceptible de répondre aux exigences de l’article 10 de la directive 2016/680. D’autre part, je suis d’avis que l’absence d’appréciation de la « nécessité absolue », exigée par cet article 10, de la collecte des données biométriques et génétiques de V.S. par les autorités compétentes elles-mêmes ne peut être compensée par la juridiction de renvoi, eu égard au rôle central de ces autorités dans le système mis en place par cette directive (35). Ainsi, la question du contrôle juridictionnel de la « nécessité absolue » de la collecte des données sensibles, dans le cadre d’une procédure pénale, est une question distincte, éventuellement ultérieure, de celle de l’appréciation, par les autorités compétentes, d’une telle nécessité.
43. L’interprétation conforme à laquelle la juridiction de renvoi propose de procéder n’aura donc pas, selon moi, pour résultat d’éliminer de l’ordre juridique bulgare tous les éléments d’incompatibilité avec l’article 10 de la directive 2016/680 qu’il recèle.
44. Il suffit, pour s’en convaincre, de considérer les éléments suivants.
45. Premièrement, sauf erreur de ma part, dans le cadre du régime prévu à l’article 158 du NPK (36), seule la nécessité de la collecte à l’égard de la finalité poursuivie par cette disposition est appréciée par le juge. L’autorisation préalable de procéder à la collecte des données concernées par la mesure d’enquête pourrait être donnée en prenant en considération les éléments déjà recueillis fondant les doutes sérieux quant à la participation de la personne concernée à la commission de l’infraction et susceptibles d’étayer l’utilité de cette collecte pour la résolution de l’enquête.
46. Pour sa part, l’article 10 de la directive 2016/680 exige qu’une nécessité absolue, donc renforcée, soit appréciée par les autorités compétentes. Par ailleurs, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, les finalités de l’enregistrement policier apparaissent plus larges que celle poursuivie par l’article 158 du NPK.
47. En effet, il ressort du point 99 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I que l’enregistrement policier poursuit deux finalités essentielles, à savoir, d’une part, la confrontation avec des données déjà recueillies dans le cadre d’autres enquêtes pénales aux fins de leur résolution éventuelle et, d’autre part, l’utilisation de ces données dans le cadre de l’enquête pénale en cours (37). Au cours de l’audience qui s’est tenue devant la Cour dans la présente affaire, le gouvernement bulgare a indiqué que la finalité principale de l’enregistrement policier consistait en l’utilisation des données collectées dans le cadre de l’affaire pénale en cours. L’éventuel futur usage de ces données constituerait une finalité secondaire. En revanche, la juridiction de renvoi affirme que, dans le cas de l’enregistrement policier, la collecte des données n’a lieu que dans la perspective qu’elles soient éventuellement utilisées à l’avenir, si la nécessité se présentait (38).
48. Une telle affirmation soulève trois séries d’interrogations (39). En effet, en premier lieu, dès lors que l’article 68 du ZMVR poursuivrait une finalité identique à celle poursuivie par l’article 158 du NPK, l’on peut se demander dans quel cas la collecte de données biométriques et génétiques devrait nécessiter l’autorisation préalable du juge et dans quel cas elle ne serait pas nécessaire. Il semblerait donc coexister, pour une même fin, deux procédures parallèles, offrant des garanties sensiblement différentes. L’enregistrement policier constituerait ainsi un mode d’obtention de preuves utilisées dans le cadre de la procédure en cours. Or, la juridiction de renvoi n’a eu de cesse de rappeler que cet enregistrement « se distingue de la procédure pénale dont [il] ne fait pas partie » (40).
49. En deuxième lieu, si, comme l’a affirmé le gouvernement bulgare, la finalité principale de l’enregistrement policier est la collecte de preuves dans le cadre de l’enquête pénale en cours, le fait que la législation ait pour effet d’autoriser, par principe, la collecte des données biométriques et génétiques d’une personne poursuivie « seulement » pour fraude fiscale laisse, à tout le moins, perplexe (41).
50. Par ailleurs, l’article 158 du NPK ne prévoit pas que le juge puisse considérer, dans le cadre de l’autorisation qu’il s’apprête à délivrer, la « nécessité absolue » de l’enregistrement policier aux fins de comparaison avec les données collectées dans le cadre d’autres enquêtes, qui semble pourtant bien être une des finalités poursuivies par la législation bulgare sur laquelle est fondé l’enregistrement policier.
51. En troisième lieu, il résulte manifestement des considérations exprimées au point 47 des présentes conclusions que les finalités poursuivies par l’enregistrement policier ne sont toujours pas clairement établies. Elles ne le seraient pas davantage s’il devait être fait application de l’article 158 du NPK.
52. Deuxièmement, l’effectivité de l’article 10 de la directive 2016/680 serait manifestement contournée si la question de la « nécessité absolue » du traitement des données sensibles devait se poser pour la première fois seulement à l’occasion de la délivrance de l’autorisation préalable par le juge de la mesure de la collecte, en application de l’article 158 du NPK.
53. Il découle de la lecture combinée des articles 27 et 68 du ZMVR que les personnes auxquelles il est demandé de se soumettre à l’enregistrement policier constituent une vaste catégorie de personnes (42) et que ce sont toujours les mêmes données qui sont prélevées auprès de ces personnes, sans qu’il soit procédé à aucune distinction. Chaque personne mise en examen devra se soumettre automatiquement, aux fins de l’enregistrement policier, au prélèvement des mêmes catégories de données sans que, à aucun moment, les autorités compétentes, au sens de l’article 3, point 7, de la directive 2016/680, examinent la question de savoir si la collecte des données sensibles est absolument nécessaire aux fins de la résolution de l’enquête pénale en cours ou aux fins de l’élucidation d’autres enquêtes. Il ressort, par ailleurs, des points 113 et 114 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I que la législation nationale n’exige pas que la nécessité concrète de procéder à la collecte de l’ensemble des données concernées par l’enregistrement policier soit constatée et que l’obligation, pour l’autorité compétente, de déterminer et de démontrer que cette collecte est absolument nécessaire à la réalisation des objectifs concrets poursuivis n’est pas prévue.
54. Il s’ensuit que les conditions dans lesquelles il pourrait être conclu que l’enregistrement policier tel que prévu à l’article 68 du ZMVR est absolument nécessaire ne sont pas prévues par la législation nationale et que le traitement des données biométriques et génétiques par les autorités compétentes à des fins relevant de la directive 2016/680 n’est pas encadré par des garanties appropriées (43). L’application de l’article 158 du NPK n’est pas de nature à modifier ce constat.
55. Si la « nécessité absolue » de la collecte et du traitement des données sensibles n’est pas définie par la loi ni garantie par l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes, il ne saurait appartenir au juge de pallier, à lui seul, l’absence, dans son ordre juridique interne, de ces deux étapes préalables. Sur ce point, je rejoins la position exprimée par la Commission lors de l’audience, selon laquelle le contrôle juridictionnel est un contrôle secondaire, dans le sens où il est un contrôle, par le juge, de l’appréciation de la « nécessité absolue » effectuée par les autorités compétentes, conformément à ce qui est prévu par la loi. J’ajoute que l’on peut légitimement s’interroger sur les critères que la juridiction de renvoi pourrait appliquer lors d’un tel contrôle, dès lors que la notion de « nécessité absolue » n’est pas légalement définie.
56. Troisièmement, quand bien même les garanties offertes par l’article 158 du NPK seraient suffisantes – quod non –, elles ne pourraient pas bénéficier aux personnes mises en examen pour une infraction intentionnelle poursuivie d’office qui ne se sont pas opposées à l’enregistrement policier. La « nécessité absolue » du traitement ne sera jamais appréciée par les autorités compétentes pour ces personnes, comme cela a été confirmé lors de l’audience par le gouvernement bulgare (44). Il s’agit là d’une situation particulièrement préoccupante. Il est, en effet, raisonnable de présumer que les capacités de résistance d’une personne qui vient d’être mise en examen face à une injonction de la police de se soumettre à l’enregistrement policier se trouvent particulièrement amoindries. La mise en conformité du droit national qui découlerait de l’application de l’article 158 du NPK ne serait donc que partielle, puisque l’enregistrement policier sans examen de sa « nécessité absolue » par les autorités compétentes pourrait se poursuivre pour toutes les personnes relevant de son champ d’application – particulièrement large – qui ne s’y seraient pas opposées (45).
3. Conclusion
57. Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 10 de la directive 2016/680, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, sous a) à c), ainsi qu’avec l’article 8, paragraphes 1 et 2, de cette directive, doit être interprété en ce sens que l’appréciation, dans les conditions décrites au point 133 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I, de la « nécessité absolue » de l’enregistrement policier, à l’égard de l’ensemble des finalités qu’il est supposé poursuivre, doit être menée, de manière effective, par les autorités compétentes pour procéder à cet enregistrement, avant qu’elles ne puissent, le cas échéant, en demander l’exécution forcée. Il n’est pas suffisant, à cette fin, que l’appréciation de la « nécessité absolue » de l’enregistrement policier soit menée, pour la première fois, par le juge auquel il est demandé d’autoriser l’exécution forcée, uniquement en cas de refus de la personne mise en examen de se soumettre à cet enregistrement et seulement à l’égard d’une des finalités prétendument poursuivies par la législation nationale qui en constitue la base légale.
58. L’interprétation conforme à laquelle la juridiction de renvoi propose de procéder n’apparaît donc pas suffisante pour rendre le droit bulgare conforme aux exigences que je viens de rappeler. Partant, cette juridiction devrait, conformément à ce qu’anticipait déjà la Cour au point 134 de son arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I, rejeter la demande des autorités de police d’autoriser l’exécution forcée de la collecte des données de V.S.
B. Sur les questions préjudicielles
59. Dans la mesure où les questions posées partent de la prémisse que le juge de renvoi pourrait pallier les insuffisances de la législation bulgare en matière de traitement des données à caractère personnel, par les autorités compétentes, au regard des exigences de l’article 10 de la directive 2016/680, par l’application de règles de procédure pénale, et que je considère que ce palliatif est insuffisant pour que cette législation puisse être considérée comme étant conforme au droit de l’Union, c’est à titre subsidiaire que je vais traiter ces questions, au cas où la Cour serait d’un avis différent.
60. En substance, la juridiction de renvoi invite la Cour à préciser si le contrôle de la « nécessité absolue » du traitement des données sensibles peut être effectué sur la seule base de l’ordonnance de mise en examen ou s’il est nécessaire que lui soient communiquées toutes les pièces du dossier (première question préjudicielle) pour qu’elle apprécie elle-même s’il existe des motifs sérieux de croire que la personne poursuivie a commis l’infraction mentionnée dans la mise en examen (seconde question préjudicielle).
61. Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi semble identifier une certaine tension entre, d’une part, les points 100 et 101 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I et, d’autre part, les points 130 à 133 de cet arrêt.
62. Au point 100 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I, la Cour a jugé que « le fait de soustraire temporairement au contrôle du juge l’appréciation des preuves sur lesquelles est fondée la mise en examen de la personne concernée, et donc la collecte de ses données biométriques et génétiques, peut s’avérer justifié pendant la phase préliminaire de la procédure pénale. En effet, un tel contrôle, lors de cette phase, pourrait entraver le déroulement de l’enquête pénale au cours de laquelle ces données sont collectées et limiter excessivement la capacité des enquêteurs d’élucider d’autres infractions sur la base d’une comparaison de ces données avec des données recueillies lors d’autres enquêtes. Cette limitation de la protection juridictionnelle effective n’est donc pas disproportionnée, dès lors que le droit national garantit ultérieurement un contrôle juridictionnel effectif ». Elle en a déduit que l’article 47 de la Charte ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction nationale statuant sur une demande d’autorisation d’exécution forcée de la collecte des données sensibles d’une personne mise en examen « n’ait pas la possibilité d’apprécier les preuves sur lesquelles cette mise en examen repose, pour autant que le droit national garantisse ultérieurement un contrôle juridictionnel effectif des conditions de ladite mise en examen, dont découle l’autorisation de procéder à cette collecte » (46).
63. La Cour a également jugé, cette fois-ci en interprétant l’article 10 de la directive 2016/680, que « le seul fait qu’une personne soit mise en examen pour une infraction pénale intentionnelle poursuivie d’office ne saurait être considéré comme un élément permettant, à lui seul, de présumer que la collecte de ses données biométriques et génétiques est absolument nécessaire au regard des finalités qu’elle vise et compte tenu des atteintes aux droits fondamentaux [...] qui en résultent » (47). Elle a poursuivi en indiquant que, « d’une part, s’il existe des motifs sérieux de croire que la personne en cause a commis une infraction pénale, justifiant sa mise en examen, ce qui suppose qu’aient déjà été réunis suffisamment d’éléments de preuve de l’implication de cette personne dans l’infraction, il pourra se produire des cas où la collecte tant des données biométriques que des données génétiques n’obéira à aucune nécessité concrète aux fins de la procédure pénale en cours » (48). D’autre part, « la probabilité que les données biométriques et génétiques d’une personne mise en examen soient absolument nécessaires dans le cadre d’autres procédures que celle dans le cadre de laquelle cette mise en examen a eu lieu ne peut se déterminer qu’au regard de l’ensemble des éléments pertinents, tels que, notamment, la nature et la gravité de l’infraction présumée pour laquelle elle est mise en examen, les circonstances particulières de cette infraction, le lien éventuel de ladite infraction avec d’autres procédures en cours, les antécédents judiciaires ou le profil individuel de la personne en cause » (49).
64. Ainsi, la Cour a admis que le fait que la juridiction compétente, pour autoriser l’exécution forcée de l’enregistrement policier, ne puisse pas procéder à un contrôle sur le fond des conditions de la mise en examen qui constitue la base légale de la collecte (50) peut constituer une limitation permise du droit à une protection juridictionnelle effective en raison du risque d’entrave au bon déroulement de l’enquête pénale.
65. En ce qui concerne le contrôle de la « nécessité absolue » de la collecte, il ne résulte pas des points 130 à 133 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I que la Cour a exigé un contrôle du bien-fondé de la mise en examen. Elle n’a fait qu’indiquer que la mise en examen constituait, dans le cadre du litige au principal, une condition nécessaire, mais pas suffisante, pour constater la « nécessité absolue » de la collecte des données sensibles de la personne concernée. Par ailleurs, les éléments mentionnés au point 132 de cet arrêt, tels que la nature et la gravité de l’infraction, les circonstances particulières de cette infraction, son lien éventuel avec d’autres procédures en cours, les antécédents judiciaires ou le profil individuel de la personne concernée, sont des critères distincts de ceux sur lesquels repose la mise en examen, à savoir, en principe, la présence d’indices graves et concordants laissant penser que la personne concernée a commis une infraction.
66. Dans ces conditions, le contrôle, par le juge, de la « nécessité absolue » de la collecte des données biométriques et génétiques n’exige pas le contrôle du bien-fondé de la mise en examen. L’article 10 de la directive 2016/680 n’exige pas davantage, sans toutefois s’y opposer, la communication de l’intégralité du dossier de l’affaire, à condition que l’appréciation de la « nécessité absolue », selon les modalités indiquées par la Cour au point 133 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I, puisse être menée de manière effective sur la seule base de l’ordonnance de mise en examen.
67. Enfin, dès lors que le libellé de la seconde question préjudicielle vise également l’article 6, sous a), de la directive 2016/680, je me bornerai à rappeler, par souci de complétude, que cet article oblige, en principe, les États membres à veiller à ce qu’une distinction claire soit opérée entre les données des différentes catégories de personnes concernées, de manière à ce que le même degré d’ingérence dans le droit fondamental à la protection des données à caractère personnel ne leur soit pas indifféremment imposé, quelle que soit la catégorie à laquelle elles appartiennent (51). Aux termes de cet article, l’une de ces catégories est constituée par les « personnes à l’égard desquelles il existe des motifs sérieux de croire qu’elles ont commis ou sont sur le point de commettre une infraction pénale ».
68. La Cour a jugé que l’existence d’un nombre suffisant d’éléments de preuve de la culpabilité d’une personne constitue, en principe, un motif sérieux de croire que celle-ci a commis l’infraction et que l’article 6, sous a), de la directive 2016/680 ne s’oppose pas à une législation nationale qui prévoit la collecte forcée des données biométriques et génétiques aux fins de leur enregistrement concernant des personnes à l’égard desquelles sont réunis suffisamment d’éléments de preuve de ce qu’elles sont coupables d’avoir commis une infraction intentionnelle poursuivie d’office et qui ont été mises en examen pour ce motif (52). Contrairement à l’interprétation retenue par la juridiction de renvoi, cette disposition ne saurait exiger que le juge chargé de contrôler la « nécessité absolue » d’une mesure de collecte de données sensibles s’assure du bien-fondé de la mise en examen en appréciant lui-même les éléments de preuve sur lesquels elle repose.
69. Il résulte de ces considérations que l’article 6, sous a), et l’article 10 de la directive 2016/680 doivent être interprétés en ce sens que le contrôle, par le juge, de la « nécessité absolue » de la collecte des données biométriques et génétiques n’exige pas le contrôle du bien-fondé de la mise en examen. Ils n’exigent pas davantage, sans toutefois s’y opposer, la communication de l’intégralité du dossier de l’affaire, à condition que l’appréciation de la « nécessité absolue », selon les modalités indiquées par la Cour au point 133 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I, puisse être menée de manière effective sur la seule base de l’ordonnance de mise en examen.
V. Conclusion
70. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie) de la manière suivante :
À titre principal :
L’article 10 de la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, sous a) à c), ainsi qu’avec l’article 8, paragraphes 1 et 2, de cette directive,
doit être interprété en ce sens que :
– l’appréciation, dans les conditions décrites au point 133 de l’arrêt du 26 janvier 2023, Ministerstvo na vatreshnite raboti (Enregistrement de données biométriques et génétiques par la police) (C‑205/21, EU:C:2023:49), de la « nécessité absolue » de l’enregistrement policier, à l’égard de l’ensemble des finalités qu’il est supposé poursuivre, doit être menée, de manière effective, par les autorités compétentes pour procéder à cet enregistrement, avant qu’elles ne puissent, le cas échéant, en demander l’exécution forcée.
– Il n’est pas suffisant, à cette fin, que l’appréciation de la « nécessité absolue » de l’enregistrement policier soit menée, pour la première fois, par le juge auquel il est demandé d’autoriser l’exécution forcée, uniquement en cas de refus de la personne mise en examen de se soumettre à cet enregistrement et seulement à l’égard d’une des finalités prétendument poursuivies par la législation nationale qui en constitue la base légale.
À titre subsidiaire
L’article 6, sous a), et l’article 10 de la directive 2016/680
doivent être interprétés en ce sens que :
le contrôle, par le juge, de la « nécessité absolue » de la collecte des données biométriques et génétiques n’exige pas le contrôle du bien-fondé de la mise en examen. Ils n’exigent pas davantage, sans toutefois s’y opposer, la communication de l’intégralité du dossier de l’affaire, à condition que l’appréciation de la « nécessité absolue », selon les modalités indiquées par la Cour au point 133 de l’arrêt du 26 janvier 2023, Ministerstvo na vatreshnite raboti (Enregistrement de données biométriques et génétiques par la police) (C‑205/21, EU:C:2023:49), puisse être menée de manière effective sur la seule base de l’ordonnance de mise en examen.
1 Langue originale : le français.
2 JO 2016, L 119, p. 89.
3 C‑205/21, ci-après l’« arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I », EU:C:2023:49.
4 Si l’affaire C-205/21 a été introduite devant la Cour par le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie), celui-ci avait été dissous au cours de la procédure et l’affaire au principal avait alors été transférée, en cours d’instance, au Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) : voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 51).
5 Un prélèvement en vue d’établir le profil ADN de la personne mise en examen fait partie des données collectées lors de cet enregistrement policier.
6 Voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 63).
7 La requête au principal indique la base légale de l’enregistrement policier, c’est-à-dire l’article 68, paragraphe 1, du zakon za Ministerstvoto na vatreshnite raboti (loi sur le ministère des Affaires intérieures) (DV no 53, du 27 juin 2014, ci-après le « ZMVR ») et l’article 11, paragraphe 4, du naredba za reda za izvarshvane i snemane na politseyska registratsia (règlement régissant les modalités de mise en œuvre de l’enregistrement policier) (DV no 90, du 31 octobre 2014).
8 Il ressort du dossier dont dispose la Cour que l’article 158 du NPK concerne l’examen d’une personne en tant que mesure d’investigation dans le cadre de la procédure préliminaire. Cet examen peut donner lieu à la collecte des données biométriques et génétiques. L’examen de la personne est effectué avec son consentement écrit. En l’absence de consentement, le procureur doit demander l’autorisation préalable de procéder à l’exécution forcée de l’examen au juge du tribunal de première instance compétent ou du tribunal de première instance de la région où l’action est menée (article 158, paragraphe 3, du NPK). En cas d’urgence, l’examen a lieu sans autorisation, mais moyennant l’introduction d’une demande d’approbation a posteriori (article 158, paragraphe 4, du NPK). Selon les indications fournies à la Cour par la juridiction de renvoi, le dossier de procédure est communiqué au tribunal, qui peut examiner l’intégralité des pièces pour apprécier le caractère fondé de la requête d’autorisation préalable ou d’approbation a posteriori.
9 À la demande, semble-t-il, du ministère public : voir points 16 et 24 de la demande de décision préjudicielle.
10 Ou de la demande d’approbation a posteriori, selon le cas.
11 Ci-après la « Charte ».
12 Selon la conclusion tirée par la juridiction de renvoi des points 100 et 101 de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I.
13 Voir point 1 des présentes conclusions.
14 Il ressort, en effet, de la jurisprudence de la Cour que, même en présence d’une jurisprudence résolvant le point de droit en cause, les juridictions nationales conservent l’entière liberté de saisir la Cour, si elles l’estiment opportun. La circonstance que la Cour ait déjà interprété la même disposition de droit de l’Union au regard de la même réglementation nationale ne saurait conduire à l’irrecevabilité des questions [voir arrêt du 6 novembre 2018, Bauer et Willmeroth (C‑569/16 et C‑570/16, EU:C:2018:871, point 21 et jurisprudence citée, ainsi que point 22)]. Par ailleurs, il ressort de la demande de décision préjudicielle que les questions posées ont un rapport direct avec le litige au principal et sont pertinentes afin de permettre à la juridiction de renvoi de trancher celui-ci. Cette demande contient, par ailleurs, suffisamment d’éléments pour déterminer la portée de ces questions et y apporter une réponse utile. Elles doivent donc être jugées comme étant recevables [voir, par analogie, arrêt du 20 décembre 2017, Schweppes (C‑291/16, EU:C:2017:990, point 25)].
15 Voir note en bas de page 8 des présentes conclusions.
16 Voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 114).
17 Je rappelle qu’il ressort de la jurisprudence que la finalité de l’article 10 de la directive 2016/680 est d’assurer une protection accrue à l’égard de ce traitement qui, en raison de la sensibilité particulière des données en cause et du contexte dans lequel elles sont traitées, est susceptible d’engendrer, ainsi qu’il ressort du considérant 37 de cette directive, des risques importants pour les libertés et les droits fondamentaux, tels que le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel, garantis par les articles 7 et 8 de la Charte [voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 116 et jurisprudence citée)].
18 Voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 118).
19 Voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 120).
20 Voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 122).
21 Voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 123).
22 Voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 124).
23 Voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (points 125 et 126).
24 Voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 127).
25 Arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 128). Italique ajouté par mes soins.
26 Arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 129).
27 Arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 130).
28 Voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 131).
29 Voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 132).
30 Arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 133).
31 Arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 134). Ce faisant, la Cour semble avoir reconnu l’effet direct de l’article 10 de la directive 2016/680. En effet, une juridiction nationale n’est pas tenue, sur le seul fondement du droit de l’Union, de laisser inappliquée une disposition de son droit interne contraire à une disposition du droit de l’Union si cette dernière disposition est dépourvue d’effet direct [voir arrêt du 20 février 2024, X (Absence de motifs de résiliation) (C‑715/20, EU:C:2024:139, point 74)].
32 Rappelée au point 3 du dispositif de l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I.
33 La procédure visée à l’article 267 TFUE étant fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal et pour interpréter et appliquer le droit national : voir, parmi une jurisprudence itérative de la Cour, arrêt du 9 avril 2024, Profi Credit Polska (Réouverture de la procédure terminée par une décision définitive) (C‑582/21, EU:C:2024:282, point 31).
34 Voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 133).
35 Je rappelle que le champ d’application de la directive 2016/680 est précisément défini par référence à ces autorités puisqu’il découle de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive qu’elle « s’applique au traitement de données à caractère personnel effectué par les autorités compétentes aux fins de l’article 1er, paragraphe 1 ».
36 Voir note en bas de page 8 des présentes conclusions.
37 L’article 27 du ZMVR énonce, pour sa part, que les données enregistrées par la police au titre de l’article 68 du ZMVR sont uniquement utilisées dans le cadre de la protection de la sécurité nationale, de la lutte contre la criminalité et du maintien de l’ordre public.
38 Voir point 25 de la demande de décision préjudicielle.
39 Je rappelle que la définition précise et concrète de ces finalités est un préalable indispensable pour que la « nécessité absolue » du traitement puisse être appréciée : voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 124).
40 Point 21 de la demande de décision préjudicielle. Voir, également, point 6 de cette demande.
41 Il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que l’application, dans le cadre du litige au principal, de l’article 158 du NPK permettrait au juge de moduler la quantité et la qualité des données, notamment sensibles, à prélever.
42 Voir, également, arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 78).
43 Selon les indications de la Cour contenues dans l’arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 63).
44 À cet égard, je rappelle que le considérant 37 de la directive 2016/680 énonce que « l’accord de la personne concernée ne devrait pas constituer en soi une base juridique pour le traitement de ces données à caractère personnel sensibles par les autorités compétentes ». En tout état de cause, d’une part, le consentement de la personne ne vaut pas exonération de l’obligation d’apprécier la « nécessité absolue » de la collecte et, d’autre part, cette nécessité doit être vérifiée avant même l’expression du consentement.
45 Le dossier dont dispose la Cour ne contient pas d’informations quant à la possibilité pour ces personnes d’introduire un recours conformément à ce que prévoit l’article 54 de la directive 2016/680. Tant la juridiction de renvoi dans sa demande de décision préjudicielle (voir point 25 de cette demande) que le gouvernement bulgare lors de l’audience devant la Cour semblent toutefois considérer qu’il n’y a pas de recours juridictionnel possible dans un tel cas de figure.
46 Arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 101).
47 Arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 130).
48 Arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 131).
49 Arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 132).
50 Voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 88).
51 Voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (point 83).
52 Voir arrêt Enregistrement de données biométriques et génétiques I (points 85 et 86).