DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
3 septembre 2025 (*)
« Aides d’État – Secteur postal – Compensation du coût net résultant des obligations de service universel – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Article 106, paragraphe 2, TFUE – Encadrement SIEG – Séparation comptable des activités relevant du service universel et des autres activités – Subventions croisées – Scénario contrefactuel »
Dans l’affaire T‑784/22,
Zásilkovna s. r. o., établie à Prague (République tchèque), représentée par Me R. Kubáč, avocat,
partie requérante,
soutenue par
Brink’s Cash Solutions (CZ) a.s., établie à Prague, représentée par Me Kubáč,
partie intervenante,
contre
Commission européenne, représentée par M. J. Carpi Badía et Mme L. Nicolae, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, J. Vláčil et Mme L. Halajová, en qualité d’agents
et par
Česká pošta s. p., établie à Prague, représentée par Mes P. Kadlec et J. Kocmánek, avocats,
parties intervenantes,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de MM. R. Mastroianni, président, I. Gâlea (rapporteur) et S. L. Kalėda, juges,
greffier : M. A. Marghelis, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure, notamment les ordonnances du 15 novembre 2023 et du 19 juin 2024 portant sur les demandes de confidentialité de la requérante à l’égard de la République tchèque et de Česká pošta,
à la suite de l’audience du 26 février 2025,
vu l’ordonnance du 12 mars 2025 portant sur la demande de confidentialité de la requérante à l’égard de la République tchèque et de Česká pošta,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Zásilkovna s. r. o., demande l’annulation de la décision (UE) 2023/232 de la Commission, du 25 juillet 2022, concernant l’aide d’État SA.55208 (2020/C) (ex 2022/NN) mise à exécution par la Tchéquie en faveur de Česká pošta (la poste tchèque) (JO 2023, L 32, p. 68) (ci-après la « décision attaquée »).
I. Antécédents du litige
2 La requérante est une société établie en République tchèque qui opère dans le secteur de la livraison de colis, en particulier dans le cadre du commerce en ligne.
3 Par décision du 22 février 2013, la Český telekomunikační úřad (autorité tchèque de régulation des télécommunications) a désigné la seconde intervenante au soutien de la Commission, la société Česká pošta s. p., opérateur postal historique de République tchèque, en tant que prestataire du service postal universel pour la période comprise entre 2013 et 2017.
4 Cette désignation a donné lieu à l’octroi d’une compensation par la République tchèque à Česká pošta, en contrepartie de l’exécution par celle-ci de l’obligation de service universel (ci-après l’« OSU »). Le 19 février 2018, la Commission européenne a adopté la décision C(2018) 753 final, concernant les aides d’État SA.45281 (2017/N) et SA.44859 (2016/FC) – Compensations accordées par l’État à Česká pošta pour la fourniture du service postal universel pour la période 2013-2017 (ci-après la « décision de 2018 »), par laquelle elle a considéré, au terme de la phase d’examen préliminaire, que cette compensation constituait une aide d’État compatible avec le marché intérieur, conformément à l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Par arrêt du 15 octobre 2020, První novinová společnost/Commission (T‑316/18, non publié, EU:T:2020:489), le Tribunal a rejeté le recours en annulation introduit contre la décision de 2018 par la société Mediaservis s. r. o., prestataire privé de services postaux opérant en République tchèque devenu, depuis lors, První novinová společnost a.s. (ci-après « PNS »).
5 Dans le même temps, par décision du 12 décembre 2017, l’autorité tchèque de régulation des télécommunications a de nouveau désigné Česká pošta en tant que prestataire du service postal universel, pour la période allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2022.
6 Conformément à l’article 3, paragraphe 1, du zákon č. 29/2000 Sb., o poštovních službách a o změně některých zákonů, ve znění pozdějších předpisů (loi no 29/2000 relative aux services postaux et modifiant certaines lois, telle que modifiée, ci-après la « loi tchèque sur les services postaux »), l’OSU comprend notamment les services suivants :
– la distribution des envois postaux de lettres jusqu’à 2 kilogrammes (kg) dans le pays et vers l’étranger ;
– la distribution des envois postaux de colis jusqu’à 10 kg dans le pays et vers l’étranger ;
– la distribution des envois recommandés jusqu’à 2 kg dans le pays et vers l’étranger ;
– la distribution des envois à valeur déclarée jusqu’à 10 kg dans le pays et vers l’étranger ;
– les mandats postaux ;
– un service postal gratuit pour les personnes aveugles et malvoyantes, dans la limite des envois ne dépassant pas 7 kg.
7 En outre, l’article 3, paragraphe 2, de la loi tchèque sur les services postaux impose que ces services soient disponibles chaque jour ouvrable sur tout le territoire de la République tchèque.
8 Le 18 janvier 2018, les autorités tchèques ont procédé à la prénotification de la compensation accordée à Česká pošta en contrepartie de l’exécution de l’OSU pour la période comprise entre 2018 et 2022. Après des échanges avec la Commission concernant la méthodologie retenue pour le calcul du coût net évité (ci-après le « CNE ») afin d’établir le montant de cette compensation, les autorités tchèques ont retiré leur prénotification. Ainsi, le 20 août 2019, une nouvelle mesure de compensation pour l’exécution de l’OSU, modifiée notamment quant au calcul du CNE, a fait l’objet d’une nouvelle prénotification à la Commission de la part des autorités tchèques (ci-après la « compensation en cause »).
9 Le montant de la compensation en cause était fixé à un maximum de 1 500 millions de couronnes tchèques (CZK) (environ 55 millions d’euros) par an. Les autorités tchèques avaient prévu qu’une partie de la compensation en cause serait versée a priori, sur la base de la moitié du coût net effectivement encouru pour l’OSU lors de l’année précédant l’exercice concerné, et que le reste serait remboursé l’année suivant ledit exercice sur la base des coûts réels, l’autorité tchèque de régulation des télécommunications vérifiant que le montant total versé n’excède pas 1 500 millions de CZK pour un exercice donné.
10 Le 8 novembre 2019, la requérante a déposé une plainte auprès de la Commission, en faisant valoir que la compensation en cause constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur.
11 Dans sa plainte, la requérante soutenait que ladite compensation violait les règles relatives aux aides d’État à deux titres. Elle avançait, d’une part, que le montant de la compensation en cause excédait ce qui était nécessaire pour couvrir le CNE induit par l’OSU, tant pour la période comprise entre 2013 et 2017 que pour la période comprise entre 2018 et 2022, et, d’autre part, que Česká pošta finançait ses activités commerciales au moyen de cette compensation, en violation de l’interdiction des subventions croisées.
12 Le 22 novembre 2019, PNS a également déposé une plainte auprès de la Commission au sujet d’une prétendue aide d’État accordée à Česká pošta par le biais de la compensation en cause.
13 Le 28 janvier 2020, les autorités tchèques ont notifié à la Commission la compensation en cause.
14 Le 23 juin 2020, la Commission a adopté la décision C(2020) 4090 final, concernant les aides d’État SA.55208 (2020/C) (ex 2020/N) – Compensation d’obligation de service public accordée à Česká pošta pour la période 2018-2022, SA.55497 (2019/FC) et SA.55686 (2019/FC) – Plaintes concernant une aide d’État incompatible accordée à Česká pošta (ci-après la « décision d’ouverture de 2020 »).
15 Par cette décision, la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant la compensation en cause. À cet égard, elle a constaté que la compensation en cause constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et que, à ce stade, des doutes subsistaient quant à sa compatibilité avec le marché intérieur. En particulier, la Commission a exposé ses doutes, d’une part, s’agissant de l’existence d’un véritable service d’intérêt économique général (SIEG), dès lors que le mandat de service universel confié à Česká pošta comprenait des services, tels que les mandats postaux, qui allaient au-delà du service universel défini à l’article 3 de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service (JO 1998, L 15, p. 14), telle que modifiée par la directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008 (JO 2008, L 52, p. 3), et, d’autre part, s’agissant du scénario contrefactuel proposé par les autorités tchèques pour le calcul du CNE sur la période comprise entre 2018 et 2022 (ci-après le « scénario contrefactuel 2018-2022 »), en ce qui concernait la réduction du nombre de bureaux de poste et de la fréquence de livraison qu’opérerait Česká pošta en l’absence d’OSU. La Commission en a ainsi déduit que le risque de surcompensation ne pouvait être exclu, dès lors qu’il était possible que le montant de la compensation en cause fût supérieur à celui du CNE.
16 En revanche, la Commission a considéré que les autres mesures mentionnées dans les plaintes de la requérante et de PNS ne constituaient pas des aides d’État et qu’elle ne tiendrait donc compte de ces mesures que pour autant qu’elles auraient un impact sur le montant de la compensation en cause.
17 Le 2 octobre 2020, la requérante a présenté ses observations à la Commission dans le cadre de la procédure formelle d’examen. Par lettre du 9 juillet 2021, la Commission a informé la requérante que les observations et les informations qu’elle lui avait soumises dans le cadre de la plainte enregistrée sous le numéro SA.55686 (2019/FC) seraient examinées dans le cadre de la procédure formelle d’examen, sous le numéro SA.55208 (2020/C), et que la procédure SA.55686 (2019/FC) serait donc close. La Commission a également indiqué à la requérante que seules les observations et les informations concernant les aspects de la compensation en cause au sujet desquels elle avait exprimé des doutes dans la décision d’ouverture de 2020 seraient examinées dans le cadre de l’affaire SA.55208 (2020/C).
18 Le 31 août 2021, en réponse à une demande de la requérante, la Commission a précisé que sa lettre du 9 juillet 2021 se limitait à l’informer du nouveau numéro d’affaire et qu’elle était sans incidence sur le fond de l’affaire. En outre, elle a indiqué que, dans la décision finale, elle traiterait les principaux points soulevés dans la plainte de la requérante et tiendrait compte des observations formulées par cette dernière sur la décision d’ouverture de 2020.
19 Le 9 septembre 2021, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation des lettres de la Commission des 9 juillet et 31 août 2021 visées, respectivement, au point 17 et au point 18 ci-dessus. Par ordonnance du 1er juin 2022, Zásilkovna/Commission (T‑585/21, non publiée, EU:T:2022:338), le Tribunal a rejeté ce recours comme irrecevable, au motif que ces lettres ne constituaient pas des actes attaquables en ce qu’elles n’emportaient pas rejet de la plainte de la requérante, mais se limitaient à informer cette dernière que la procédure relative à ladite plainte et celle relative à la notification de la compensation en cause étaient regroupées.
20 Le 25 juillet 2022, la Commission a adopté la décision attaquée.
21 Dans cette décision, la Commission a conclu que la compensation en cause était compatible avec le marché intérieur, conformément à l’article 106, paragraphe 2, TFUE ainsi qu’à sa communication relative à l’encadrement de l’Union européenne applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public (2011) (JO 2012, C 8, p. 15, ci-après l’« encadrement SIEG »).
22 À cet égard, premièrement, la Commission a estimé que les autorités tchèques avaient fourni suffisamment d’informations pour considérer que Česká pošta avait été chargée d’un véritable SIEG ne pouvant être assuré par le marché lui-même.
23 Deuxièmement, elle a considéré que la méthode du CNE, retenue par les autorités tchèques, était appropriée et avait été appliquée d’une façon suffisamment transparente.
24 Troisièmement, la Commission a estimé que la durée de cinq ans retenue par les autorités tchèques pour l’exécution de l’OSU était suffisamment justifiée par les périodes d’amortissement des principaux actifs de Česká pošta.
25 Quatrièmement, la Commission a considéré que la compensation en cause respectait les règles relatives aux marchés publics et les règles de transparence, notamment quant à la séparation comptable entre les activités relevant de l’OSU et celles n’en relevant pas, prévues dans sa directive 2006/111/CE, du 16 novembre 2006, relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises (JO 2006, L 318, p. 17), et dans la directive 97/67. La Commission a ainsi exclu l’existence d’un subventionnement croisé découlant d’une mauvaise répartition des coûts de Česká pošta.
26 Cinquièmement, la Commission a considéré que la compensation en cause était proportionnelle, en ce qu’elle était fondée sur un scénario contrefactuel plausible et que son montant n’excédait pas le coût net induit par l’exécution de l’OSU, compte tenu d’un bénéfice raisonnable. En particulier, elle a considéré plausibles la réduction du nombre de bureaux de poste et la réduction de la fréquence de distribution envisagées dans le scénario contrefactuel 2018-2022.
II. Conclusions des parties
27 La requérante, soutenue par Brink’s Cash Solutions (CZ) a.s., conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
28 La Commission, soutenue par la République tchèque et par Česká pošta, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
III. En droit
A. Sur la recevabilité
29 Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal, la Commission, soutenue sur ce point par la République tchèque et Česká pošta, conteste la recevabilité du recours, au motif que la requérante n’est pas individuellement concernée par la décision attaquée et n’a, dès lors, pas qualité pour agir à l’encontre de celle-ci. En outre, dans ses observations sur le mémoire en intervention de Brink’s Cash Solutions (CZ), la Commission a excipé de l’irrecevabilité dudit mémoire.
30 En l’espèce, le Tribunal estime opportun, dans un souci de bonne administration de la justice et d’économie de la procédure, d’examiner d’emblée les moyens invoqués par la requérante qui visent à contester la légalité de la décision attaquée, sans statuer préalablement sur la recevabilité du présent recours ni sur celle du mémoire en intervention de Brink’s Cash Solutions (CZ) (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52).
B. Sur le fond
31 À l’appui de son recours, la requérante soulève en substance trois moyens tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation de la compatibilité de la compensation en cause avec le marché intérieur et, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut d’examen s’agissant de l’existence d’un subventionnement croisé antérieurement à la compensation en cause.
1. Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation
32 Par son premier moyen, la requérante fait valoir que la décision attaquée n’est pas dûment motivée.
33 Premièrement, la Commission n’aurait pas abordé de manière spécifique et concrète la répartition comptable des coûts de Česká pošta, selon qu’ils étaient imputables à des activités relevant de l’OSU ou à des activités n’en relevant pas, ni le calcul de tels coûts. Or, selon la requérante, de telles précisions étaient nécessaires pour vérifier le CNE.
34 Deuxièmement, la Commission aurait ignoré les arguments de la requérante s’agissant des subventions croisées entre les activités de Česká pošta, en particulier ceux relatifs au fait que les activités commerciales de cette dernière étaient proposées à des prix inférieurs à leurs coûts.
35 Troisièmement, la requérante reproche à la Commission de s’être appuyée sur la séparation comptable formelle entre les activités de Česká pošta relevant de l’OSU et celles n’en relevant pas, sans avoir tenu compte du fait que cette société proposait, pour ses activités commerciales, des prix inférieurs aux coûts de ces activités.
36 Quatrièmement, la requérante reproche à la Commission d’avoir tenu compte de son argument selon lequel un opérateur privé pourrait exécuter l’OSU sur une base commerciale uniquement dans l’appréciation de l’existence d’un véritable SIEG, et non dans l’examen de l’existence d’une surcompensation au profit de Česká pošta.
37 Cinquièmement, selon la requérante, la Commission n’a pas fait apparaître les raisons justifiant la durée du mandat de service universel et en particulier les amortissements d’actifs qu’elle a considérés comme étant les plus importants pour déterminer une telle durée.
38 Sixièmement, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas exposé les raisons de la réduction du nombre des bureaux de poste dans le scénario contrefactuel 2018-2022, cette réduction visant exclusivement à justifier le triplement du montant de la compensation en cause par rapport à celle octroyée pour la période comprise entre 2013 et 2017.
39 Septièmement, la requérante fait grief à la Commission d’avoir répondu à son argument selon lequel Česká pošta a financé ses activités commerciales avec le produit de la compensation en cause en se limitant à indiquer qu’aucune règle en matière d’aides d’État ne s’y opposait, ce qui serait erroné et contraire à sa pratique antérieure.
40 La Commission conteste l’argumentation de la requérante, en particulier la recevabilité des arguments résumés aux points 36 à 38 ci-dessus, au motif que ces derniers ont été présentés pour la première fois dans la réplique et sont, dès lors, tardifs.
41 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante qu’un défaut ou une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union européenne et pouvant, par conséquent, être invoqué par les parties à tout stade de la procédure (voir arrêt du 6 octobre 2021, Aeris Invest/BCE, T‑827/17, EU:T:2021:660, point 93 et jurisprudence citée). Partant, il convient d’écarter la fin de non-recevoir soulevée par la Commission à l’encontre des arguments présentés par la requérante pour la première fois dans la réplique, dans le cadre du premier moyen.
42 Quant au bien-fondé du premier moyen, tout d’abord, il importe de rappeler que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de cet article doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 23 novembre 2023, Ryanair et Airport Marketing Services, C‑758/21 P, EU:C:2023:917, point 95 et jurisprudence citée).
43 Ensuite, la procédure de contrôle des aides d’État est, compte tenu de son économie générale, une procédure ouverte à l’égard de l’État membre responsable, au regard de ses obligations en vertu du droit de l’Union, de l’octroi de l’aide. Ainsi, dans cette procédure, les parties intéressées autres que l’État membre concerné ne sauraient prétendre elles-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit dudit État membre (voir arrêt du 29 juillet 2024, Koiviston Auto Helsinki/Commission, C‑697/22 P, EU:C:2024:641, point 47 et jurisprudence citée). Aussi la Commission n’est-elle pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, pourvu qu’elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2019, Fortischem/Commission, T‑121/15, EU:T:2019:684, point 41 et jurisprudence citée).
44 Enfin, l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de cette décision, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (voir arrêt du 10 septembre 2024, Commission/Irlande e.a., C‑465/20 P, EU:C:2024:724, points 389 et 390 et jurisprudence citée).
45 En l’espèce, en premier lieu, en ce qui concerne l’exigence de séparation comptable entre les coûts et recettes liés à l’OSU et les coûts et recettes qui ne le sont pas, la Commission a examiné si Česká pošta respectait une telle exigence au point 8.2.4 de la décision attaquée. Aux considérants 167 à 170 de la même décision, elle a d’abord rappelé les dispositions pertinentes du droit tchèque concernant la répartition des coûts du prestataire de service universel, avant de relever que la répartition des coûts au sein de Česká pošta était fondée sur la méthode dite « ABC » (Activity Based Costing) (Coût fondé sur les activités) et qu’une telle méthode avait été approuvée par l’autorité tchèque de régulation des communications. Elle a ensuite décrit cette méthode, en précisant que les coûts de Česká pošta étaient répartis entre 5 470 centres de coûts dont elle a donné des exemples, avant d’être répartis en fonction de chaque activité. Elle a alors précisé que les coûts ne pouvant être répartis de cette manière l’étaient en fonction des règles approuvées au préalable, de manière proportionnelle à la répartition des coûts directs, c’est-à-dire ceux répartis selon les activités. Enfin, la Commission a souligné que la séparation des comptes de Česká pošta était soumise au contrôle d’un auditeur indépendant, dont elle avait pu consulter les rapports, lesquels avaient certifié la conformité aux règles en vigueur d’une telle séparation pour les années 2018 à 2020.
46 Partant, la Commission a clairement fait apparaître le raisonnement au terme duquel elle a conclu au caractère approprié de la répartition comptable des coûts et recettes de Česká pošta, sans qu’il fût nécessaire de reproduire les données chiffrées résultant de cette séparation comptable. En tout état de cause, au paragraphe 85 de la décision d’ouverture de 2020, qui fait partie du contexte de la décision attaquée, la Commission a reproduit le tableau des coûts et des recettes d’exploitation de Česká pošta dans le cadre de l’OSU entre 2014 et 2018 et ceux escomptés entre 2019 et 2022, avec des données chiffrées remplacées par des fourchettes.
47 S’agissant du reproche fait à la Commission de s’être appuyée exclusivement sur la séparation comptable formelle opérée par Česká pošta, sans avoir tenu compte des prix inférieurs aux coûts qu’elle proposait pour ses activités commerciales, un tel grief relève du bien-fondé de la décision attaquée et non du caractère adéquat de la motivation de celle-ci, conformément à la jurisprudence rappelée au point 44 ci-dessus, et sera examiné dans le cadre du deuxième moyen.
48 De même, l’argument par lequel la requérante et Brink’s Cash Solutions (CZ) font grief à la Commission de ne pas avoir apprécié la prétendue subvention croisée des activités commerciales de Česká pošta, au moyen de compensations de service public reçues avant la compensation en cause ne relève pas de la motivation de la décision attaquée, mais du caractère diligent de l’examen de la Commission, qui sera examiné dans le cadre du troisième moyen.
49 En deuxième lieu, en ce qui concerne la possibilité d’exécuter l’OSU sur une base commerciale, la Commission a examiné ce sujet au point 8.2.1 de la décision attaquée, consacré à la question de savoir si les autorités tchèques avaient chargé Česká pošta d’un véritable SIEG. À cet égard, d’une part, elle a estimé que le dernier réexamen effectué par lesdites autorités avant la période concernée par la compensation en cause, à savoir en 2016, avait conclu à l’existence d’une défaillance du marché s’agissant de tels services, sans que la requérante ni PNS aient contesté cette conclusion à l’époque (considérant 149 de la décision attaquée). D’autre part, elle a considéré que le choix des autorités tchèques de réexaminer les conditions du marché des services postaux tous les cinq ans relevait de leur large marge d’appréciation quant à la gestion et à la fourniture des SIEG, de sorte qu’il n’était pas pertinent de prendre en compte la situation sur ledit marché lors de la période postérieure à celle concernée par la compensation en cause (considérant 150 de la décision attaquée).
50 Par ailleurs, c’est à tort que la requérante reproche à la Commission de n’avoir tenu compte de son argument relatif à la possibilité d’assurer l’OSU sur une base commerciale que dans le cadre de l’examen de la question de savoir si cette obligation constituait un véritable SIEG, et non au stade de l’appréciation de l’existence d’une surcompensation. Premièrement, conformément à la jurisprudence rappelée au point 43 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue de prendre spécifiquement position sur un argument avancé par une plaignante telle que la requérante. Deuxièmement, la requérante n’explique pas pourquoi son argument relatif à la capacité des opérateurs privés à assurer l’OSU aurait dû être pris en compte au stade de l’examen de l’existence d’une surcompensation. D’ailleurs, il ressort du point 14 de ses observations présentées lors de la procédure formelle d’examen qu’elle avait clairement lié un tel argument à la question de savoir si l’OSU devait être qualifiée de SIEG. Troisièmement, en tout état de cause, il convient de relever que, au considérant 205 de la décision attaquée, qui conclut l’appréciation de la plausibilité du scénario contrefactuel 2018-2022, la Commission a expressément apprécié la capacité des opérateurs privés à assurer l’OSU, en indiquant que ce que la requérante présentait comme des « bureaux de poste » étaient des points de vente et des points de retrait qui ne satisfaisaient pas aux exigences de l’OSU.
51 Il s’ensuit que la requérante était clairement en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission avait considéré que le marché était défaillant concernant l’OSU.
52 En troisième lieu, au point 8.2.3 de la décision attaquée, la Commission a examiné la durée du mandat de service universel. À cet égard, après avoir reproduit un tableau d’amortissement des actifs de Česká pošta présentés comme « indispensable[s] à l’exécution de l’OSU », elle a considéré que le mandat de cinq ans retenu par les autorités tchèques était approprié au regard du paragraphe 17 de l’encadrement SIEG, dès lors que la plupart desdits actifs avaient une durée d’amortissement supérieure à cinq ans. Partant, la Commission a fait apparaître de manière suffisamment concrète les raisons pour lesquelles elle a considéré que la durée du mandat de service universel était appropriée, permettant ainsi à la requérante de contester une telle appréciation.
53 En quatrième lieu, il ressort des considérants 193, 196, 201, 205 et 206 de la décision attaquée que la Commission a considéré comme plausible la réduction du nombre de bureaux de poste qu’exploiterait Česká pošta dans le scénario contrefactuel 2018-2022, au motif, en substance, que cela correspondrait à l’abandon des bureaux de poste les moins rentables, dont une partie seraient transformés en points de retrait conformément aux tendances du marché, tout en tenant compte du fait que le titulaire de la licence postale était un prestataire de services postaux nationaux, assurant la disponibilité de ses services dans tout le pays.
54 Il était donc possible pour la requérante de comprendre les raisons justifiant la réduction du nombre de bureaux de poste qu’exploiterait Česká pošta si cette dernière n’était pas chargée de l’OSU pour la période couverte par la compensation en cause, à savoir de 2018 à 2022. En outre, bien qu’elle ne fût pas obligée de prendre position spécifiquement à cet égard (voir point 43 ci-dessus), la Commission a également répondu, au considérant 198 de la décision attaquée, à un argument présenté dans la plainte de PNS en exposant les raisons de la forte diminution du nombre de bureaux de poste dans le scénario contrefactuel 2018-2022 justifiant la compensation en cause, par rapport au scénario contrefactuel qui avait servi à justifier la compensation octroyée pour l’exécution de l’OSU entre 2013 et 2017 (ci-après le « scénario contrefactuel 2013-2017 »). En substance, la Commission a considéré que, d’une part, les États membres n’étaient pas tenus d’utiliser un même scénario contrefactuel lors de deux périodes successives concernées par l’exécution d’un même SIEG et que, d’autre part, le maintien volontaire de nombreux bureaux de poste exploités indépendamment de l’OSU dans le scénario contrefactuel concernant la période comprise entre 2013 et 2017 pouvait s’expliquer par l’imminence de l’adoption d’une décision politique d’augmenter le nombre de bureaux de poste dont l’exploitation était imposée par l’OSU (ci-après les « bureaux de poste obligatoires ») pour le prestataire de service universel.
55 La décision attaquée n’est donc pas entachée d’une insuffisance de motivation sur ce point non plus.
56 En cinquième lieu, par son argument selon lequel c’est à tort et contrairement à sa pratique décisionnelle que la Commission affirme que la compensation en cause peut être employée à d’autres fins que l’OSU, la requérante vise à mettre en cause le bien-fondé de la décision attaquée, et non sa motivation. Partant, conformément à la jurisprudence citée au point 44 ci-dessus, un tel argument n’est pas pertinent dans le cadre du présent moyen, et sera examiné dans le cadre du deuxième moyen.
57 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée n’est pas entachée d’une insuffisance de motivation.
58 Partant, le premier moyen doit être écarté.
2. Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation de la compatibilité de la compensation en cause avec le marché intérieur
59 Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a conclu à la compatibilité de la compensation en cause avec le marché intérieur. En substance, ce moyen se divise en quatre branches tirées, la première, d’une mauvaise répartition des coûts de Česká pošta, la deuxième, de la possibilité d’exécuter l’OSU sur une base purement commerciale, la troisième, de l’absence de fondement des actifs retenus pour déterminer la durée du mandat de service universel et, la quatrième, du caractère irréaliste du scénario contrefactuel 2018-2022.
a) Considérations liminaires
60 Aux termes de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, d’une part, les entreprises chargées de la gestion d’un SIEG sont soumises aux règles des traités et, notamment, aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie et, d’autre part, le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union.
61 En permettant, sous certaines conditions, des dérogations aux règles générales du traité, l’article 106, paragraphe 2, TFUE vise à concilier l’intérêt des États membres à utiliser certaines entreprises, notamment du secteur public, en tant qu’instrument de politique économique ou sociale, avec l’intérêt de l’Union au respect des règles de concurrence et à la préservation de l’unité du marché intérieur. Ce que l’article 106, paragraphe 2, TFUE vise à prévenir, par l’appréciation de la proportionnalité de l’aide, c’est que l’opérateur chargé du service public bénéficie d’un financement dépassant les coûts nets du service public (voir arrêt du 5 mai 2021, ITD et Danske Fragtmænd/Commission, T‑561/18, EU:T:2021:240, point 107 et jurisprudence citée), compte tenu d’un bénéfice raisonnable.
62 Ainsi, au titre du contrôle de proportionnalité inhérent à l’article 106, paragraphe 2, TFUE, il incombe à la Commission de comparer le montant des aides d’État prévues avec le niveau des coûts nets induits par les missions de service public assumées par le bénéficiaire de ces aides (voir arrêt du 5 mai 2021, ITD et Danske Fragtmænd/Commission, T‑561/18, EU:T:2021:240, point 108 et jurisprudence citée).
63 C’est ainsi que, afin de préciser les conditions auxquelles des compensations de service public constitutives d’aides d’État peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, la Commission a adopté l’encadrement SIEG, qui contient notamment des règles concernant les modalités d’octroi desdites compensations ainsi que la détermination de leur montant.
64 Enfin, il ressort de la jurisprudence que les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les conditions de mise en œuvre d’un SIEG, y compris pour apprécier les surcoûts occasionnés par son exécution qui dépend de faits économiques complexes, de sorte que le contrôle exercé par la Commission est limité à celui de l’erreur manifeste (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 220 et jurisprudence citée). Partant, le contrôle exercé par le Tribunal sur le bien-fondé de l’appréciation de la Commission à cet égard ne saurait non plus dépasser la même limite et doit se borner à examiner si la Commission a constaté ou a rejeté à bon droit l’existence d’une erreur manifeste de l’État membre (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2018, Stichting Woonlinie e.a./Commission, T‑202/10 RENV II et T‑203/10 RENV II, EU:T:2018:795, point 82 et jurisprudence citée).
65 À cet égard, afin d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’examen des faits de nature à justifier l’annulation d’une décision, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans la décision en cause (voir arrêt du 19 septembre 2019, FIH Holding et FIH/Commission, T‑386/14 RENV, non publié, EU:T:2019:623, point 69 et jurisprudence citée). En effet, les actes des institutions de l’Union jouissent, en principe, d’une présomption de légalité aussi longtemps qu’ils n’ont pas été annulés ou retirés [voir arrêt du 14 mars 2024, Commission/Royaume-Uni (Arrêt de la Cour suprême), C‑516/22, EU:C:2024:231, point 99 et jurisprudence citée], et c’est aux demandeurs en annulation qu’il incombe de combattre cette présomption, en produisant les éléments probatoires susceptibles de mettre en doute les appréciations effectuées par l’institution défenderesse (arrêts du 6 octobre 1999, Salomon/Commission, T‑123/97, EU:T:1999:245, point 46, et du 16 mars 2000, Astilleros Zamacona/Commission, T‑72/98, EU:T:2000:79, point 56).
66 C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner les différentes branches composant le deuxième moyen.
b) Sur la première branche du deuxième moyen, relative à la répartition des coûts de Česká pošta
67 La requérante, soutenue par Brink’s Cash Solutions (CZ), soutient que la Commission a commis une erreur manifeste lorsqu’elle a considéré que la répartition comptable des coûts de Česká pošta était adéquate et en a tenu compte pour exclure l’existence d’une subvention croisée des activités commerciales de celle-ci, par le biais de la compensation en cause.
68 Selon la requérante, la Commission s’est appuyée sur une séparation comptable purement formelle entre les différentes activités de Česká pošta, alors que cette dernière impute à l’OSU tous les coûts communs aux activités relevant de l’OSU et à ses activités commerciales n’en relevant pas (ci-après les « coûts communs »), telles que son service de livraison en point de retrait dénommé Balíkovna (ci-après le « service Balíkovna »), les horodatages qualifiés ou les transports de fonds. Cette façon de procéder permettrait à Česká pošta de subventionner de manière croisée ses activités commerciales et, ainsi, de les proposer à des prix inférieurs à leurs coûts.
69 La requérante avance plusieurs éléments au soutien de sa thèse selon laquelle Česká pošta n’impute pas correctement les coûts qu’elle supporte, ce qui lui permet d’utiliser la compensation en cause pour subventionner, de manière croisée, ses activités commerciales.
70 Premièrement, dans le cadre du service Balíkovna, Česká pošta proposerait une livraison de colis en point de retrait à des montants nettement inférieurs à ceux de la livraison en bureau de poste dans le cadre de l’OSU. À cet égard, il ne serait pas cohérent de solliciter une compensation en raison du caractère déficitaire de l’OSU tout en proposant, en parallèle, des prix très bas pour des activités ne relevant pas de l’OSU. En outre, la requérante soutient qu’elle-même ainsi que d’autres concurrents de Česká pošta offrent un service de livraison en point de retrait à des prix sensiblement plus élevés que ceux du service Balíkovna.
71 Deuxièmement, dans le cadre de marchés publics concernant les horodatages qualifiés, Česká pošta proposerait des offres couvrant à peine les coûts associés à de tels services.
72 Troisièmement, Brink’s Cash Solutions (CZ) ajoute que Česká pošta propose des prix d’éviction sur le marché concurrentiel des activités de transport de fonds et que ces prix s’expliquent par l’existence d’une surcompensation au titre de l’OSU, résultant de l’utilisation d’infrastructures également utilisées aux fins de l’exécution de l’OSU.
73 Quatrièmement, la requérante fait valoir que, malgré une mauvaise gestion ayant entraîné des pertes très importantes, Česká pošta a décidé d’acquérir une grande partie des activités de PNS, elle-même déficitaire et seule concurrente de Česká pošta susceptible d’assurer l’OSU pour la période comprise entre 2023 et 2027. Seul l’octroi de la compensation en cause pourrait expliquer cette opération, qui ne pourrait être justifiée par la rationalité économique. À cet égard, la requérante soutient que Česká pošta ne pouvait pas affecter le produit de la compensation en cause à d’autres fins que l’OSU, en particulier à une opération que n’aurait pas effectuée une entreprise bien gérée.
74 La requérante et Brink’s Cash Solutions (CZ) en concluent que la Commission a méconnu, à deux égards, sa décision 2012/21/UE, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de [SIEG] (JO 2012, L 7, p. 3), qui fixerait les principes en matière de répartition des coûts communs. D’une part, l’article 5, paragraphe 3, sous c), de cette décision interdirait que la totalité des coûts communs soit affectée à l’OSU. D’autre part, en application de l’article 5, paragraphe 4, de la même décision, les bénéfices générés par les activités commerciales de Česká pošta ne relevant pas de l’OSU auraient dû être pris en compte dans le calcul du CNE.
75 La Commission, la République tchèque et Česká pošta contestent l’argumentation de la requérante.
76 À titre liminaire, il convient de rappeler que la juste application du droit de l’Union suppose de vérifier si les recettes tirées d’une activité légalement subventionnée ne servent pas à financer, de manière croisée, d’autres activités concurrentielles de la même entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2016, Allemagne/Commission, T‑143/12, EU:T:2016:406, point 75 et jurisprudence citée).
77 À cet égard, lorsqu’une même entreprise est chargée à la fois d’activités relevant d’un SIEG et d’activités n’en relevant pas, la tenue d’une comptabilité séparée pour ses différentes activités permet en principe de s’assurer de l’absence de subvention croisée de ses activités économiques au moyen de fonds publics dont elle bénéficie au titre de ses activités relevant du SIEG (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 10 juin 2010, Fallimento Traghetti del Mediterraneo, C‑140/09, EU:C:2010:335, point 50, et du 27 février 1997, FFSA e.a./Commission, T‑106/95, EU:T:1997:23, point 185).
78 C’est ainsi que, premièrement, au paragraphe 18 de l’encadrement SIEG, la Commission a conditionné la compatibilité avec le marché intérieur d’une compensation de service public au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, au respect des dispositions de la directive 2006/111, dont l’article 4, paragraphe 1, sous a) et b), lu conjointement avec l’article 2, sous d), de la même directive, prévoit en substance que les entreprises chargées d’un SIEG et recevant une compensation publique à cette fin doivent tenir des comptes internes séparés en fonction de leurs différentes activités et qu’elles doivent imputer et répartir correctement les produits et charges sur la base de principes de comptabilité analytique appliqués de manière cohérente et objectivement justifiables. Deuxièmement, au paragraphe 44 du même encadrement, la Commission a indiqué que, « [l]orsqu’une entreprise exerce des activités qui se situent à la fois dans le cadre du SIEG et en dehors de celui-ci, sa comptabilité interne doit indiquer séparément les coûts et les recettes liés au SIEG et ceux liés aux autres services ». Troisièmement, quant à l’OSU, l’article 14, paragraphe 2, de la directive 97/67 telle que modifiée dispose que « [l]e ou les prestataires du service universel tiennent dans leur comptabilité interne des comptes séparés pour établir une nette distinction entre, d’une part, les services et produits qui font partie du service universel et, d’autre part, les services et produits qui n’en font pas partie » et que « [c]ette distinction est prise en compte lorsque les États membres calculent le coût net du service universel ».
79 En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 45 ci-dessus, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que Česká pošta respectait les dispositions imposant la séparation comptable des activités relevant de l’OSU et de celles n’en relevant pas et que la méthode de répartition des coûts et des recettes au sein de la comptabilité de Česká pošta était appropriée, en tenant compte du fait qu’une telle répartition était certifiée, lors de chaque exercice, par un auditeur indépendant. Elle a alors considéré qu’il n’existait pas de subventionnement croisé des activités commerciales de Česká pošta par le biais de la compensation en cause, du fait d’une mauvaise répartition comptable des coûts.
80 À cet égard, il convient de considérer que l’examen par la Commission de la séparation des différentes activités au sein de la comptabilité de Česká pošta, afin d’apprécier l’existence d’une éventuelle subvention croisée, en particulier l’évaluation du caractère adéquat de la clé de répartition des coûts communs, implique de procéder à des appréciations économiques et comptables complexes, à l’égard desquelles, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence, le juge de l’Union ne saurait appliquer qu’un contrôle juridictionnel limité à la vérification de l’absence d’erreur manifeste (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission, C‑244/18 P, EU:C:2020:238, points 39 et 40).
81 En conséquence, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 64 et 65 ci-dessus, il convient d’examiner si les éléments avancés par la requérante au soutien de la première branche du deuxième moyen permettent d’établir que, en l’espèce, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a conclu au caractère adéquat de la répartition comptable des coûts de Česká pošta.
82 En premier lieu, la requérante et Brink’s Cash Solutions (CZ) reprochent à Česká pošta d’utiliser les mêmes actifs pour assurer tant les activités qui relèvent de l’OSU que les activités commerciales qui n’en relèvent pas, et d’imputer tous les coûts communs à l’OSU.
83 Toutefois, cet argument repose uniquement sur une affirmation qui n’est appuyée par aucun commencement de preuve.
84 En tout état de cause, le fait que de mêmes actifs soient utilisés par Česká pošta à la fois pour exécuter l’OSU et pour assurer des activités commerciales qui n’en relèvent pas n’est pas en soi un indice de l’existence d’une subvention croisée de l’une vers les autres. En effet, à l’article 14, paragraphe 3, sous b), de la directive 97/67 telle que modifiée, le législateur a expressément reconnu qu’il n’était pas toujours possible d’affecter directement des coûts à un service ou à un produit particulier et a ainsi prévu des règles particulières en vue de procéder à la répartition des coûts communs.
85 En l’espèce, tout d’abord, la Commission a expliqué que le droit tchèque imposait, premièrement, que la méthode de répartition des coûts communs proposée par le prestataire de service universel repose sur un lien de causalité entre les processus, les activités ou les services concernés, deuxièmement, que cette méthode soit approuvée par l’autorité tchèque de régulation des télécommunications, qui est une autorité indépendante, et, troisièmement, que les comptes séparés soient vérifiés annuellement par un auditeur indépendant (considérants 167 et 168 de la décision attaquée). Ensuite, elle a relevé que les coûts de Česká pošta étaient imputés par activité, au niveau de chacun de ses 5 740 centres de coûts (tels que chaque bureau de poste, centre de tri ou dépôt), et que ses coûts communs étaient répartis d’une manière proportionnelle à la répartition des coûts directs, à savoir ceux qui peuvent être imputés directement en fonction de leur origine (considérant 169 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a constaté qu’un auditeur indépendant avait attesté que le système de comptabilité, les clés de répartition des coûts ainsi que les résultats annuels de Česká pošta au titre des exercices 2018 à 2020 étaient conformes aux règles comptables approuvées par l’autorité tchèque de régulation des télécommunications, à la loi tchèque sur les services postaux et à la directive 97/67 (considérants 170 et 171 de la décision attaquée).
86 Or, la requérante n’avance aucun élément permettant de remettre en cause la méthode retenue par Česká pošta pour la séparation de ses comptes ni la certification de ceux-ci par un auditeur indépendant.
87 Au surplus, en réponse à une question posée par le Tribunal, la Commission a produit une version non confidentielle des rapports de l’auditeur indépendant chargé de la vérification des comptes de Česká pošta au titre des années 2018 à 2020, à l’égard desquels la requérante n’a émis aucune objection. Or, il ressort de ces documents que la mission de l’auditeur était de vérifier la conformité de la tenue des comptes séparés des recettes et des dépenses de Česká pošta avec l’article 14 de la directive 97/67 et les dispositions pertinentes du droit tchèque, en particulier s’agissant de la répartition adéquate des coûts communs, et qu’il a conclu avec une assurance raisonnable à l’absence d’inexactitudes significatives.
88 Il résulte de ce qui précède que la Commission a conduit une analyse approfondie du système de répartition des coûts dans la comptabilité de Česká pošta et s’est assurée de la fiabilité de celui-ci.
89 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que Česká pošta propose, pour certaines activités extérieures à l’OSU et exercées sur des marchés concurrentiels, à savoir la livraison de colis en point de retrait, les horodatages qualifiés et les transports de fonds, des prix inférieurs aux coûts de ces activités.
90 Toutefois, s’agissant d’activités ne relevant pas du champ de l’OSU, il suffit de relever que leurs prix sont libres et obéissent à la loi de l’offre et de la demande, de sorte que toute différenciation tarifaire peut logiquement en ressortir (arrêt du 15 octobre 2020, První novinová společnost/Commission, T‑316/18, non publié, EU:T:2020:489, point 200). Ainsi que l’a souligné la Commission au considérant 200 de la décision attaquée, l’obligation d’orienter les prix sur les coûts, prévue à l’article 12, deuxième tiret, de la directive 97/67 telle que modifiée, ne concerne que « les tarifs de chacun des services faisant partie du service universel », et non les activités commerciales du prestataire de service universel qui se situent hors du champ de l’OSU.
91 Partant, les prix pratiqués par Česká pošta sur les marchés concurrentiels ne relevant pas de l’OSU, fussent-ils inférieurs aux coûts, ne tendent pas à établir l’existence d’une subvention croisée en raison d’une mauvaise répartition comptable des coûts.
92 Le cas échéant, les pratiques de prix d’éviction imputées à Česká pošta par la requérante pourraient être examinées au regard des articles 101 et 102 TFUE, mais elles sont sans pertinence pour l’examen de la conformité de la compensation en cause au regard du régime de contrôle des aides d’État (voir, par analogie, arrêt du 19 mars 2019, Inpost Paczkomaty et Inpost/Commission, T‑282/16 et T‑283/16, EU:T:2019:168, point 86).
93 Dans ces conditions, l’argument de la requérante tiré de l’existence de prix excessivement bas pratiqués par Česká pošta sur les marchés concurrentiels ne relevant pas de l’OSU doit être rejeté comme inopérant aux fins de la contestation de la décision attaquée. Il n’est donc pas nécessaire de se prononcer sur la proposition formulée par la requérante, dans la réplique, de fournir une analyse économique pour établir que les prix de Česká pošta étaient excessivement bas. Il en va de même s’agissant des quatre articles de presse du 5 mars 2025, produits par la requérante au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, concernant la conduite, par l’Úřad pro ochranu hospodářské soutěže (autorité de protection de la concurrence, République tchèque), d’inspections dans les locaux de Česká pošta dans le cadre d’une procédure pour abus de position dominante.
94 En troisième lieu, la tentative de rachat de certaines activités de PNS par Česká pošta ne constitue pas davantage un élément pertinent pour établir qu’une telle opération aurait été rendue possible grâce à la compensation en cause et à son caractère excessif. À supposer qu’il se soit agi, comme le soutient la requérante, d’une décision peu rationnelle commercialement, du point de vue d’un opérateur efficace, cela ne prouverait pas que son financement était censé provenir d’une subvention croisée par le biais de la compensation en cause.
95 À cet égard, ainsi que le fait valoir en substance la Commission, la circonstance que le produit de la compensation en cause serve, en fait, à une opération commerciale telle que le rachat de PNS n’implique pas l’existence d’une subvention croisée.
96 En effet, rien dans le traité FUE ni dans la directive 97/67 ou l’encadrement SIEG ne s’oppose à ce que, en fait, d’un point de vue comptable, le produit d’une compensation publique pour l’exécution d’un SIEG soit affecté à d’autres postes que l’exécution de l’OSU elle-même (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2020, První novinová společnost/Commission, T‑316/18, non publié, EU:T:2020:489, points 187 et 202, et du 5 mai 2021, ITD et Danske Fragtmænd/Commission, T‑561/18, EU:T:2021:240, points 169 à 173).
97 Ce qui importe, c’est que l’entreprise chargée d’un SIEG fasse face à un coût net qu’elle n’aurait pas supporté si elle n’avait pas été chargée d’un tel service, auquel cas elle a le droit de recevoir une compensation publique, pourvu que le montant de celle-ci ne dépasse pas un tel coût, compte tenu d’un bénéfice raisonnable (voir points 61 et 62 ci-dessus).
98 En quatrième lieu, en ce qui concerne la prétendue violation de l’article 5, paragraphe 3, sous c), et paragraphe 4, de la décision 2012/21, il convient de relever que la Commission a apprécié la compatibilité de la compensation en cause avec le marché intérieur sur la base de l’encadrement SIEG, et non sur la base de la décision 2012/21, étant donné que cette dernière n’était pas applicable, ainsi que la requérante l’a reconnu lors de l’audience.
99 À supposer que, comme l’ont suggéré la requérante lors de l’audience et Brink’s Cash Solutions (CZ) dans son mémoire en intervention, ces dispositions de la décision 2012/21 contiennent des principes généraux en matière de répartition comptable d’une entreprise chargée d’un SIEG qui étaient applicables en l’espèce, cette argumentation ne serait pas davantage susceptible de prospérer.
100 En effet, d’une part, l’article 5, paragraphe 3, sous c), de la décision 2012/21 dispose que « les coûts alloués au [SIEG] peuvent englober tous les coûts directs occasionnés par l’accomplissement dudit service et une contribution adéquate aux coûts communs au service en cause et à d’autres activités ». Toutefois, en l’espèce, il ressort de l’examen de la présente branche que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en concluant au caractère approprié de la séparation comptable, par Česká pošta, des activités relevant de l’OSU et de celles n’en relevant pas, ce qui implique donc que seule une partie des coûts communs, et non leur totalité, a été imputée à l’OSU, contrairement à ce que soutient la requérante lorsqu’elle se prévaut de cette disposition. D’autre part, l’article 5, paragraphe 4, de la décision 2021/21 prévoit une possibilité et non une obligation, pour les États membres, d’affecter au financement d’un SIEG des bénéfices tirés d’activités qui n’en relèvent pas, ce qui ressort par ailleurs, s’agissant du service universel postal, du considérant 26 de la directive 2008/6, aux termes duquel « les États membres peuvent par exemple décider, au besoin, que la marge bénéficiaire que les prestataires du service universel retirent d’activités ne relevant pas du service universel doit être affectée en tout ou en partie au financement du coût net du service universel ».
101 Compte tenu de ce qui précède, il convient de considérer que la requérante n’a pas établi que la Commission avait entaché la décision attaquée d’une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a conclu au caractère adéquat de la répartition des coûts au sein de Česká pošta et en a tenu compte pour exclure que la compensation en cause ait servi au financement croisé des activités concurrentielles de Česká pošta.
102 En conséquence, il convient de rejeter la première branche du deuxième moyen.
c) Sur la deuxième branche du deuxième moyen, relative à la possibilité d’exécuter l’OSU sur une base purement commerciale
103 La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant à l’existence d’une défaillance du marché pour justifier l’octroi de la compensation en cause et lui reproche de ne pas avoir examiné, dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’une surcompensation, son argument selon lequel l’OSU pouvait être assurée par le marché.
104 À cet égard, elle souligne que certains opérateurs privés présents sur le territoire de la République tchèque sont déjà en mesure d’assurer l’OSU avec leurs propres infrastructures. Tel serait son cas, étant donné qu’elle satisferait aux exigences d’accessibilité et de densité prévues à l’article 14, paragraphes 1 et 2, de la vyhláška č. 464/2012 Sb., o stanovení specifikace jednotlivých základních služeb a základních kvalitativních požadavků na jejich poskytování (décret no 464/2012, relatif à la définition des caractéristiques des différents services universels et des exigences qualitatives fondamentales pour leur fourniture), grâce à son réseau de points de collecte et de points de retrait, qui lui permet d’effectuer des envois vers le domicile des particuliers.
105 La requérante ajoute que l’OSU pourrait être confiée à d’autres opérateurs privés que Česká pošta non seulement pour son volet relatif à la distribution de colis, mais aussi pour celui relatif à la distribution de courrier. En effet, eu égard à la forte pression concurrentielle exercée par les consommateurs sur les opérateurs autres que Česká pošta pour les conduire à distribuer les colis dans des délais restreints, lesdits opérateurs pourraient distribuer efficacement le courrier sur le territoire tchèque.
106 En outre, la requérante souligne que l’OSU est déjà assurée par le marché en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suède. La République tchèque offrirait une situation économique favorable, s’agissant de l’État membre avec le plus fort taux d’envois par habitant, ainsi qu’une géographie avantageuse étant donné que, contrairement à d’autres, cet État membre compterait peu de zones reculées dans lesquelles la distribution de lettres et de colis serait difficile en raison d’infrastructures insuffisantes.
107 Enfin, la requérante soutient que sa non-participation à l’appel d’offres visant à désigner le futur prestataire de service universel en 2016 n’est pas pertinente pour l’examen de la présente branche, dans la mesure où les conditions exigées lors dudit appel d’offres montrent que celui-ci était préparé en vue de son attribution à Česká pošta. Selon la requérante et Brink’s Cash Solutions (CZ), la modification de ces conditions dans le cadre de la désignation du prestataire de service universel pour la période comprise entre 2023 et 2027 confirme cette appréciation, puisque le nombre minimal de bureaux de poste exigés du prestataire de service universel est passé de 3 200 à 2 900 après que Česká pošta a annoncé procéder à une telle réduction du nombre de ses bureaux.
108 La Commission, soutenue par la République tchèque et Česká pošta, conteste l’argumentation de la requérante.
109 Il convient de considérer que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 64 ci-dessus, la décision de confier l’exécution d’une mission de SIEG à une entreprise déterminée en échange de droits exclusifs constitue une modalité d’organisation d’une telle mission pour laquelle les États membres jouissent d’un large pouvoir d’appréciation.
110 C’est en ce sens que, aux termes du paragraphe 13 de l’encadrement SIEG, « les États membres ne peuvent assortir d’obligations spécifiques de service public des services qui sont déjà fournis ou peuvent l’être de façon satisfaisante et dans des conditions (prix, caractéristiques de qualité objectives, continuité et accès au service) compatibles avec l’intérêt général, tel que le définit l’État, par des entreprises exerçant leurs activités dans des conditions normales de marché », et que, « [q]uant à la question de savoir si un service peut être fourni par le marché, l’appréciation de la Commission se limite à vérifier que la définition de l’État membre n’est pas entachée d’une erreur manifeste, sous réserve de dispositions du droit de l’Union prévoyant une norme plus stricte ».
111 Ainsi, en l’espèce, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 64 et 65 ci-dessus, il convient d’examiner si les éléments avancés par la requérante permettent de conclure que c’est à tort que la Commission a conclu à l’absence d’erreur manifeste des autorités tchèques lorsque ces dernières ont considéré que le marché n’était pas en mesure de satisfaire l’OSU de lui-même.
112 En premier lieu, il convient de souligner, d’une part, que, ainsi que cela ressort des considérants 148 à 150 de la décision attaquée, la Commission a apprécié l’existence d’une défaillance du marché concernant l’OSU en se plaçant en 2016, soit l’année où l’autorité tchèque de régulation des télécommunications a procédé au réexamen quinquennal du niveau de qualité et des modalités de fourniture de l’OSU, effectué en vertu de l’article 37, paragraphe 4, de la loi tchèque sur les services postaux. D’autre part, dans leurs écritures, tant la Commission que les parties intervenant à son soutien ont expressément fait valoir que la situation pertinente pour apprécier l’existence d’une défaillance du marché était celle ayant cours en 2016.
113 Or, la requérante ne conteste pas ce point, mais limite ses arguments relatifs à la situation sur le marché tchèque des services postaux à celle qui avait cours à la date d’introduction du recours, soit presque sept années après 2016. Ainsi, lesdits arguments ne sont pas susceptibles d’établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission.
114 En outre, il convient de relever, à l’instar de la République tchèque, que la requérante fonde exclusivement sur sa propre situation son argumentation selon laquelle l’OSU pouvait être exécutée par « des opérateurs privés » au moment du dépôt de la requête. Plus particulièrement, elle fait valoir qu’elle est capable de fournir les services de distribution de courrier et de colis sur tout le territoire de la République tchèque, étant donné qu’elle satisfait aux critères d’accessibilité et de densité imposés par l’article 14 du décret no 464/2012.
115 À cet égard, il importe de rappeler que l’OSU définie par les autorités tchèques ne se limite pas à la distribution de lettres et de colis postaux simples en République tchèque, mais qu’elle inclut aussi d’autres prestations, telles que les envois à l’étranger, les envois recommandés, les envois à valeur déclarée, les mandats postaux ou les envois gratuits pour les personnes aveugles ou malvoyantes (voir point 6 ci-dessus). Or, la requérante n’avance aucun argument quant à sa capacité à assurer de tels services.
116 De plus, en ce qui concerne la prétendue satisfaction par la requérante des critères d’accessibilité et de densité, l’article 14 du décret no 464/2012 impose au prestataire de service universel d’exploiter des bureaux de poste sur l’ensemble du territoire tchèque. Bien que la requérante soutienne être en mesure de satisfaire à ces critères en se prévalant de la répartition de ses points de collecte et de retrait sur ledit territoire, force est de constater que, comme l’a relevé la Commission au considérant 205 de la décision attaquée, lesdits points de collecte et de retrait ne constituent pas des bureaux de poste au sens de cette disposition. En effet, la requérante ne conteste pas l’affirmation de Česká pošta selon laquelle les points de collecte et de retrait dont elle se prévaut « se composent souvent uniquement d’un ordinateur équipé d’un lecteur de codes-barres dans des établissements indépendants comme des supérettes, des bureaux de tabac [ou] des papeteries » et ne permettent pas de répondre aux exigences rappelées au point 115 ci-dessus, qui nécessitent une formation spécifique du personnel et des équipements spécialisés.
117 En deuxième lieu, c’est à tort que la requérante fait grief à la Commission de n’avoir tenu compte de la question de la défaillance du marché que pour apprécier si l’OSU constituait un véritable SIEG, et non pour apprécier une éventuelle surcompensation. En effet, soit l’OSU peut effectivement être assurée par le marché, de sorte que l’octroi d’une compensation en contrepartie de l’exécution de celle-ci n’est pas justifié, soit les autorités nationales ont établi, sans erreur manifeste, que l’OSU ne pouvait être assurée par le seul marché, de sorte que l’octroi d’une compensation est justifié. C’est uniquement dans ce dernier cas que se pose, dans un second temps, la question de savoir si l’examen du montant de la compensation octroyée est approprié, en ce sens que ce montant n’excède pas les coûts nets encourus pour garantir l’OSU compte tenu d’un bénéfice raisonnable (voir point 61 ci-dessus).
118 En troisième lieu, l’argumentation de la requérante et de Brink’s Cash Solutions (CZ) tirée de la révision à la baisse des exigences requises pour l’exécution de l’OSU au titre de la période comprise entre 2023 et 2027 ne saurait prospérer, dès lors qu’il s’agit d’un élément postérieur à la décision attaquée. En effet, il est de jurisprudence constante que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée, de sorte qu’il ne peut être fait grief à cette institution de ne pas avoir pris en considération, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, des éléments factuels qui n’ont pas été portés à sa connaissance en temps utile lors de cette procédure (voir arrêt du 23 novembre 2017, SACE et Sace BT/Commission, C‑472/15 P, non publié, EU:C:2017:885, point 76 et jurisprudence citée).
119 En quatrième lieu, il ressort du point 109 ci-dessus que les États membres disposent, à leur niveau, d’un large pouvoir d’appréciation quant aux conditions de mise en œuvre d’une mission de SIEG. Partant, quand bien même l’OSU serait fournie par le marché en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suède, soit dans trois États membres sur 27, une telle circonstance n’est pas en elle-même susceptible de remettre en cause la conclusion des autorités tchèques, entérinée par la Commission, selon laquelle, en République tchèque, il existait une défaillance du marché pour assurer l’OSU au moment du dernier réexamen antérieur à la période concernée par la compensation en cause.
120 En conséquence, la requérante n’a avancé aucun élément susceptible de démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les autorités tchèques avaient établi l’existence d’une défaillance du marché concernant l’OSU.
121 Il y a donc lieu de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen.
d) Sur la troisième branche du deuxième moyen, relative à l’absence de fondement des actifs retenus pour déterminer la durée du mandat de service universel
122 Tout d’abord, la requérante reproche à la Commission d’avoir entériné la durée de cinq ans retenue dans le mandat de service universel confié à Česká pošta sur la base d’une liste non étayée d’actifs à amortir.
123 D’une part, cette liste consisterait en une énumération purement déclarative d’actifs, dont la durée d’amortissement varie entre 3 et 45 ans, sans aucune explication quant à leur caractère nécessaire pour l’exécution de l’OSU. D’autre part, il serait manifeste que certains des actifs listés ne sont pas pertinents pour l’exécution de l’OSU, tels que les véhicules, qui sont loués et non acquis pas Česká pošta, ou les bâtiments historiques utilisés par Česká pošta, qui sont déjà amortis.
124 Ensuite, la requérante ajoute que la liste en cause ne permet pas de déterminer les actifs à amortir qui sont susceptibles d’être financés par la compensation en cause, ni la date effective ou envisagée de leur acquisition. En particulier, aucun élément n’expliquerait la nécessité, aux fins de l’OSU, d’acheter du mobilier neuf ou de construire de nouvelles lignes ferroviaires, alors que ces actifs ont été pris en compte pour déterminer la durée du mandat de service universel.
125 Enfin, elle conclut en indiquant que l’OSU peut être exécutée sur la base d’un mandat d’une durée de quatre ans, voire trois, dès lors que, d’une part, de nombreux actifs de Česká pošta peuvent être amortis au cours d’une telle période et que, d’autre part, les opérateurs privés dans le domaine de la livraison de colis sont toujours plus nombreux.
126 La Commission, soutenue par la République tchèque et Česká pošta, conteste l’argumentation de la requérante.
127 À titre liminaire, il convient de considérer que la détermination de la durée d’une mission de SIEG est une condition de la mise en œuvre de celle-ci pour laquelle les États membres jouissent d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle exercé par le juge de l’Union à cet égard étant ainsi limité au point de savoir si c’est à bon droit que la Commission a constaté ou rejeté l’existence d’une erreur manifeste de l’État membre en cause (voir point 64 ci-dessus).
128 Selon le paragraphe 17 de l’encadrement SIEG, il est prévu que « [l]a durée du mandat doit se justifier au regard de critères objectifs, tels que la nécessité d’amortir des immobilisations incessibles » et que, « [e]n principe, la durée du mandat ne devrait pas excéder la période nécessaire à l’amortissement comptable des principaux actifs indispensables à la prestation du SIEG ».
129 Au considérant 164 de la décision attaquée, la Commission a estimé que la durée de cinq ans retenue par les autorités tchèques satisfaisait aux exigences du paragraphe 17 de l’encadrement SIEG, au motif que, d’une part, la période d’amortissement était supérieure à cinq ans pour la plupart des actifs nécessaires à l’exécution de l’OSU, dont elle a dressé une liste, et que, d’autre part, la durée de cinq ans était préétablie et avait vocation à s’appliquer indépendamment du prestataire de service universel retenu.
130 En premier lieu, il convient de relever que les données figurant dans le tableau d’amortissement reproduit au considérant 163 de la décision attaquée correspondent en substance à celles publiées par Česká pošta au point 3.2 de son rapport annuel pour l’année 2016, dont l’extrait pertinent a été produit par la République tchèque en annexe à son mémoire en intervention, sans que la requérante le conteste.
131 En outre, s’agissant des actifs listés dans ce tableau d’amortissement, qui sont spécifiquement contestés par la requérante, premièrement, celle-ci soutient que Česká pošta loue ses véhicules et que ceux-ci ne donnent donc lieu à aucun amortissement. Toutefois, il ressort du communiqué de presse de Česká pošta du 14 mars 2013 cité par la requérante à l’appui de son argument que le passage à la location ne concernait que les « véhicules utilitaires légers » et que Česká pošta « continue[rait] d’acheter de gros camions en pleine propriété, avec une période d’utilisation prévue de sept ans », ce qui implique donc un amortissement comptable. Deuxièmement, la requérante fait valoir que Česká pošta exerce ses activités « dans des bâtiments historiques très anciens dont les périodes d’amortissement sont terminées depuis longtemps ». Toutefois, cette seule affirmation n’exclut pas que Česká pošta possède et utilise également d’autres immeubles qui ne sont pas encore amortis, comme le soutient d’ailleurs la République tchèque, sans que la requérante le conteste.
132 Il s’ensuit que la requérante n’a pas établi le caractère manifestement erroné, au regard du paragraphe 17 de l’encadrement SIEG, du tableau d’amortissement des actifs de Česká pošta qui a servi à déterminer la durée du mandat de service universel.
133 En deuxième lieu, quant à la durée du mandat de service universel proprement dite, il convient de constater que, sur les treize actifs listés dans le tableau figurant au considérant 163 de la décision attaquée, l’un a une période d’amortissement comprise entre trois et six ans (à savoir l’infrastructure informatique des agences), un autre a une période d’amortissement comprise entre trois et huit ans (à savoir les machines pour comptoirs), et trois autres ont une période d’amortissement comprise entre quatre et six ans (à savoir les machines pour bureaux, machines pour entrepôts et infrastructure informatique centrale). Les huit actifs listés restants ont une période d’amortissement d’au moins cinq ans, mais qui peut être sensiblement plus élevée, comme c’est le cas pour les trieuses ou les bâtiments, dont les périodes d’amortissement sont respectivement de 10 ans et comprise entre 30 et 45 ans.
134 C’est donc à tort que la requérante fait valoir que la plupart des actifs nécessaires à l’exécution de l’OSU peuvent être amortis en trois ou quatre ans.
135 En troisième lieu, en ce qui concerne l’absence d’information quant au financement par la compensation en cause des actifs retenus, il convient, comme le soulignent la Commission et la République tchèque, d’opérer une distinction entre, d’une part, les amortissements comptables d’actifs nécessaires à déterminer la durée d’exécution de l’OSU et, d’autre part, la prise en compte desdits amortissements lors du calcul du CNE.
136 En effet, selon le paragraphe 17, seconde phrase, de l’encadrement SIEG, relatif uniquement à la durée du mandat, cette durée n’est pas censée « excéder la période nécessaire à l’amortissement comptable des principaux actifs indispensables à la prestation du SIEG ». Ainsi, aux fins de la détermination de ladite durée, il convient de prendre en compte la durée d’amortissement des principaux actifs sur le plan comptable, laquelle est censée correspondre, en principe, à la durée de leur utilisation. Cette durée constitue donc un « critère objectif », au sens du paragraphe 17, première phrase, de l’encadrement SIEG, pouvant en principe justifier la durée du mandat.
137 En revanche, il n’est pas exigé que les principaux actifs indispensables à la prestation du SIEG se traduisent dans des investissements couverts par la compensation octroyée au prestataire de ce service. Comme le souligne la République tchèque, les amortissements d’actifs constituent une charge comptable qui entraîne un coût à prendre en compte dans la détermination du CNE, mais cette question est différente de celle relative à la détermination de la durée du mandat de service universel. Ainsi, de même, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’était pas tenue d’apprécier si l’exécution de l’OSU justifiait l’achat de mobilier neuf ou la construction de nouvelles lignes ferroviaires.
138 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir vérifié, au titre de l’examen de la durée du mandat de service universel, si et dans quelle mesure les principaux actifs de Česká pošta avaient vocation à être financés par la compensation en cause.
139 En conséquence, la durée de cinq ans retenue par les autorités tchèques apparaît raisonnable au regard de la période d’amortissement des principaux actifs de Česká pošta et il ne saurait être considéré que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant le caractère approprié d’une telle durée.
140 Il s’ensuit qu’il convient de rejeter la troisième branche du deuxième moyen, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité, contestée par la Commission, des arguments présentés dans la réplique et par lesquels la requérante a mis en cause la durée du mandat de service universel.
e) Sur la quatrième branche du deuxième moyen, relative au caractère irréaliste du scénario contrefactuel 2018-2022
141 La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le scénario contrefactuel 2018-2022 proposé par les autorités tchèques était crédible.
142 En premier lieu, elle reproche à la Commission d’avoir accepté un scénario contrefactuel fondé sur la méthode du CNE, alors que la méthode de la répartition des coûts aurait été davantage appropriée, étant donné que les coûts supportés par Česká pošta ne sont pas adéquatement répartis.
143 En outre, la requérante fait valoir que, conformément à l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415, point 93), le niveau de la compensation en cause aurait dû, en l’absence de procédure de mise en concurrence pour en sélectionner l’attributaire, être déterminé sur la base des coûts d’une entreprise bien gérée. Or, Česká pošta n’aurait nullement justifié, avec la précision requise, la détermination de ses coûts d’une telle manière.
144 En second lieu, la requérante soutient que la réduction du nombre de bureaux de poste et de la fréquence de livraison, envisagée dans le scénario contrefactuel 2018-2022, n’est pas crédible.
145 Premièrement, en ce qui concerne la réduction du nombre de bureaux de poste, la requérante fait valoir que l’approche des autorités tchèques justifiant le scénario contrefactuel 2018-2022, retenu dans la décision attaquée, n’est pas cohérente avec celle qu’elles proposaient dans le scénario contrefactuel 2013-2017, accepté par la Commission dans la décision de 2018. En effet, alors que, dans ce dernier scénario, Česká pošta aurait envisagé de fermer uniquement 1 076 bureaux de poste et d’en maintenir environ 2 150, elle indiquerait désormais, dans le scénario contrefactuel 2018-2022, que 2 155 de ses 3 210 bureaux de poste seraient fermés ou convertis en « points poste ».
146 La requérante soutient qu’un tel changement entre le scénario contrefactuel 2013-2017, d’une part, et le scénario contrefactuel 2018-2022, d’autre part, ne fait l’objet d’aucune explication convaincante.
147 D’une part, la rentabilité des bureaux fermés dans le scénario contrefactuel 2018-2022 n’aurait pas changé depuis la période allant de 2013 à 2017. D’autre part, la requérante conteste que l’évolution entre les deux scénarios contrefactuels puisse être justifiée par la perspective de l’adoption du nařízení vlády č. 178/2015 Sb., o stanovení minimálního počtu provozoven pro poskytování základních služeb (décret gouvernemental no 178/2015, relatif à la détermination du nombre minimal d’établissements pour la fourniture du service universel) fixant à 3 200 le nombre minimal de bureaux de poste à exploiter par le prestataire de service universel. En effet, selon la requérante, au moment de la détermination du CNE pour l’exécution de l’OSU au titre de la période 2013-2017, s’il n’y avait pas de règle prévoyant expressément un nombre minimal de bureaux de poste à exploiter sur l’ensemble du territoire tchèque, les quatre critères de densité relatifs à la couverture de ce territoire, prévus à l’article 14, paragraphe 2, du décret no 464/2012, revenaient déjà à exiger d’avoir environ 3 000 bureaux de poste ouverts, et non environ 2 108 comme l’avait indiqué Česká pošta.
148 Par ailleurs, la fermeture de plus de 1 000 bureaux de poste annoncée dans le scénario contrefactuel 2018-2022 ne relèverait pas du comportement d’un opérateur rationnel, dès lors que la tendance du marché serait à l’ouverture de nouveaux points de retrait. D’ailleurs, au début de l’année 2020, la direction de Česká pošta aurait annoncé procéder au développement de son service en créant plus de 1 500 « points poste ».
149 Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur en entérinant la réduction de la fréquence de la distribution envisagée dans le scénario contrefactuel 2018-2022, qui passerait de cinq jours par semaine à cinq jours toutes les deux semaines. En substance, la requérante fait grief à la Commission d’avoir ignoré que, en dépit de l’OSU, Česká pošta avait déjà procédé à une telle réduction de fréquence, par le biais d’un système de livraison à deux vitesses comprenant une distribution prioritaire le jour suivant l’envoi et une livraison standard à partir du deuxième jour après l’envoi. En outre, eu égard aux exigences toujours plus importantes des consommateurs en matière de délai de livraison, l’idée d’une réduction de la fréquence de la distribution irait à l’encontre des tendances du marché.
150 La Commission, soutenue par la République tchèque et Česká pošta, conteste les arguments de la requérante.
1) Sur l’application de la méthode du CNE
151 En premier lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir accepté le recours, par les autorités tchèques, à la méthode du CNE aux fins de la détermination du montant de la compensation en cause.
152 Toutefois, d’une part, la méthode du CNE est considérée comme la méthode à appliquer en principe pour calculer le montant d’une compensation octroyée en contrepartie de l’exécution d’un SIEG, ainsi que cela ressort du point 2.8 de l’encadrement SIEG, notamment du paragraphe 24 de celui-ci, selon lequel « [l]e coût net nécessaire, effectif ou escompté, pour exécuter les obligations de service public doit être calculé en utilisant la méthode du coût net évité lorsque la législation nationale ou celle de l’Union l’exige et, dans d’autres cas, lorsque c’est possible ».
153 D’autre part, dans le cas du service postal universel, l’annexe I de la directive 97/67 telle que modifiée et l’article 34 ter de la loi tchèque sur les services postaux contiennent des orientations précises pour le calcul du CNE, qui impliquent le recours à cette méthode.
154 Partant, c’est à tort que la requérante soutient qu’il convenait d’appliquer une autre méthode que celle du CNE pour la détermination de la compensation en cause.
155 Bien qu’elle affirme que la méthode du CNE n’était pas appropriée dans le cas de Česká pošta, au motif que cette dernière impute tous les coûts communs au CNE, la requérante n’a en tout état de cause pas établi l’existence d’une telle situation, ainsi que cela ressort de l’examen de la première branche du présent moyen.
156 En second lieu, la requérante soutient que les coûts de Česká pošta qui ont servi à déterminer le montant de la compensation en cause n’étaient pas ceux d’une entreprise bien gérée.
157 Certes, dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415, points 88 à 93), la Cour a posé quatre critères cumulatifs permettant d’exclure qu’une compensation de service public emporte l’octroi d’un avantage et, partant, d’exclure qu’une telle compensation constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Selon le quatrième de ces critères, lorsque le choix de l’entreprise chargée de l’exécution d’obligations de service public n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public, le niveau de compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait supportés pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations.
158 Toutefois, selon la jurisprudence, le quatrième critère de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), n’entre pas en ligne de compte pour apprécier la compatibilité avec le marché intérieur des mesures d’aide en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, les conditions de cette compatibilité étant distinctes des critères résultant dudit arrêt et posés pour apprécier l’existence d’une aide d’État (voir arrêt du 7 novembre 2012, CBI/Commission, T‑137/10, EU:T:2012:584, point 292 et jurisprudence citée).
159 Partant, dès lors que, dans la décision attaquée, la Commission a apprécié la compatibilité avec le marché intérieur de la compensation en cause au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, c’est à tort que la requérante fait valoir que les coûts de Česká pošta ne sont pas ceux d’une entreprise bien gérée, au sens du quatrième critère de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415).
160 Il convient donc de rejeter les griefs de la requérante relatifs à l’application de la méthode du CNE.
2) Sur les hypothèses retenues dans le scénario contrefactuel 2018-2022
161 À titre liminaire, l’examen du scénario contrefactuel implique d’apprécier une situation fictive dans laquelle sont déterminés les coûts et recettes du prestataire de service universel dans l’hypothèse où il ne serait plus chargé de l’OSU. Il convient donc de considérer qu’un tel examen requiert de procéder à des appréciations économiques complexes (voir, en ce sens, arrêts du 16 septembre 2013, Iliad e.a./Commission, T‑325/10, non publié, EU:T:2013:472, point 221 et jurisprudence citée, et du 16 juillet 2014, Allemagne/Commission, T‑295/12, non publié, EU:T:2014:675, point 87 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 6 juillet 2017, SNCM/Commission, T‑1/15, non publié, EU:T:2017:470, point 154), à l’égard desquelles le contrôle du juge de l’Union doit être limité à la vérification de l’absence d’erreur manifeste, conformément à la jurisprudence rappelée au point 80 ci-dessus.
162 Il convient donc d’apprécier si la requérante a établi l’existence d’une telle erreur manifeste s’agissant, d’une part, de la réduction envisagée du nombre de bureaux de poste dans le scénario contrefactuel 2018-2022 et, d’autre part, de la réduction de la fréquence de distribution du courrier dans le même scénario.
i) Sur la réduction du nombre de bureaux de poste
163 Dans la décision attaquée, la Commission a considéré comme crédible la réduction du nombre de bureaux de poste, qui passerait de 3 230 environ dans le scénario factuel pour la période comprise entre 2018 et 2022 (ci-après le « scénario factuel 2018-2022 »), à 1 080 environ dans le scénario contrefactuel 2018-2022. Le scénario factuel 2018-2022 et le scénario contrefactuel 2018-2022 comprenaient le même nombre de bureaux de poste exploités volontairement par Česká pošta (ci-après les « bureaux de poste volontaires »), à savoir 30 environ, tandis que les bureaux de poste restants de chaque scénario étaient considérés comme des bureaux dont l’exploitation était imposée par l’OSU.
164 La requérante conteste cette conclusion et fait valoir qu’une telle réduction du nombre de bureaux de poste n’est manifestement pas plausible. Selon la requérante, outre qu’elle est contraire aux tendances du marché, cette réduction n’est pas cohérente avec celle, beaucoup moins importante, qui était envisagée dans le scénario contrefactuel 2013-2017.
165 À cet égard, il convient de relever que, ainsi que cela ressort du considérant 198 de la décision attaquée, l’appréciation de la Commission quant à la réduction du nombre de bureaux de poste exploités dans le scénario contrefactuel 2018-2022 reposait, à titre principal, sur l’examen du caractère réaliste dudit scénario en lui-même, indépendamment de la période antérieure.
166 Tout d’abord, la Commission a relevé que les données financières de Česká pošta montraient que les bureaux de poste à fermer dans le scénario contrefactuel 2018-2022 représentaient 81,5 % du nombre total de bureaux, mais ne généraient que 15 à 35 % du total des recettes, tandis que les bureaux maintenus, représentant 19,5 % de leur nombre total, généraient 50 à 75 % du total des recettes (considérant 196 de la décision attaquée). À cet égard, elle a indiqué que la comptabilité de Česká pošta permettait de déterminer, pour chaque bureau de poste, la part des recettes et des coûts qui relevaient des services postaux et celle des recettes et des coûts qui n’en relevaient pas, afin de déterminer le caractère rentable ou non de chaque bureau et, le cas échéant, son maintien dans le scénario contrefactuel 2018-2022 (considérant 206 de la décision attaquée).
167 Or, outre qu’il a déjà été relevé dans le cadre de la première branche du présent moyen que la documentation comptable de Česká pošta apparaissait fidèle à la réalité, il convient d’indiquer que le choix de maintenir ou de fermer des bureaux de poste dans le scénario contrefactuel 2018-2022, en tenant notamment compte de leur caractère rentable ou déficitaire, apparaît également raisonnable, ainsi que l’a indiqué la Commission au considérant 205 de la décision attaquée.
168 Ensuite, la Commission a relevé que Česká pošta exploitait plusieurs types de bureaux de poste, allant de grands bureaux dans des zones densément peuplées, pour la plupart maintenus dans le scénario contrefactuel 2018-2022, à de plus petits bureaux à guichet unique, dans les petites communes, pour la plupart fermés dans le même scénario (considérant 196 de la décision attaquée).
169 À cet égard, la fermeture de bureaux de poste dans les petites villes apparaît crédible, dans la mesure où l’article 14 du décret no 464/2012 impose la présence de bureaux de poste sur tout le territoire tchèque (voir point 116 ci-dessus), y compris dans des zones peu peuplées, où lesdits bureaux sont moins susceptibles d’être rentables. Plus particulièrement, le paragraphe 2 de cette disposition impose notamment au prestataire de service universel l’exploitation d’au moins un bureau de poste dans chaque commune dès le seuil, relativement bas, de 2 500 habitants ainsi que, dans certains cas, le maintien d’un bureau de poste dans les communes dont le nombre d’habitants est inférieur à ce seuil, aucun point d’une commune ne devant en tout état de cause être distant de plus de 10 km d’un bureau de poste.
170 Enfin, la Commission a constaté que les autorités tchèques n’avaient pas considéré simplement que l’intégralité des coûts et des recettes relatifs à la fermeture d’un bureau de poste seraient éliminés dans le scénario contrefactuel 2018-2022, dès lors que certains clients continueraient de recourir aux services de Česká pošta y compris en cas de fermeture de leur bureau, en se reportant sur un autre bureau ou sur les points de retrait. Aux termes de la décision attaquée, le scénario contrefactuel 2018-2022 impliquerait, d’une part, le maintien d’une partie de ces recettes liées aux bureaux fermés et, d’autre part, l’augmentation des coûts en équipement et en ressources humaines des bureaux et des points de retrait maintenus et nouvellement utilisés par les clients de bureaux de poste qui auraient été fermés. Néanmoins, une partie de la demande serait perdue, ce qui entraînerait, par rapport au scénario factuel 2018-2022, une baisse des recettes provenant de l’OSU et des recettes provenant d’autres activités (considérants 196 et 206 à 210 de la décision attaquée).
171 Ainsi, il convient de considérer que l’appréciation de la Commission est fondée sur la méthodologie précise et crédible proposée par les autorités tchèques, qui n’est pas en elle-même contestée par la requérante.
172 Il convient dès lors d’examiner, à ce stade, si la conclusion établie au point 171 ci-dessus peut être remise en cause par les arguments de la requérante tirés, d’une part, des différences dans la réduction du nombre des bureaux de poste entre le scénario contrefactuel 2018-2022 et le scénario contrefactuel 2013-2017 et, d’autre part, de la contradiction entre le scénario contrefactuel 2018-2022 et les tendances du marché.
173 En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de la différence entre le scénario contrefactuel 2018-2022 et le scénario contrefactuel 2013-2017, il convient de constater que, au moment de la détermination du scénario contrefactuel 2018-2022, les dispositions pertinentes du droit tchèque fixaient à 3 200 le nombre minimal de bureaux de poste que le prestataire de service universel était tenu d’exploiter sur l’ensemble du territoire de la République tchèque. Une telle exigence faisait suite à l’entrée en vigueur du décret no 178/2015, le 1er janvier 2016, alors que, au moment de la détermination du scénario contrefactuel 2013-2017, aucune exigence générale d’un nombre minimal de bureaux de poste obligatoires n’était fixée dans le droit tchèque, les seules exigences étant celles relatives à la densité et à l’accessibilité desdits bureaux.
174 Il s’ensuit que le scénario contrefactuel 2018-2022 examiné dans la décision attaquée était fondé sur un scénario factuel imposant un réseau de 3 200 bureaux de poste obligatoires. Ainsi, le coût net induit par l’exploitation de ceux d’entre eux qui ne seraient pas conservés dans le scénario contrefactuel 2018-2022 pouvait être pris en compte aux fins du calcul du montant de la compensation en cause. En revanche, au titre du scénario contrefactuel 2013-2017, les autorités tchèques ont considéré que le nombre de bureaux de poste obligatoires était de 2 108, ce qui n’a pas été remis en cause par la Commission dans la décision de 2018 ni par le Tribunal dans l’arrêt du 15 octobre 2020, První novinová společnost/Commission (T‑316/18, non publié, EU:T:2020:489), portant rejet du recours contre cette décision. Ainsi, pour cette période, seul le coût net induit par ces 2 108 bureaux de poste obligatoires pouvait être pris en compte aux fins de la détermination de la compensation octroyée à Česká pošta en contrepartie de l’exécution de l’OSU.
175 Certes, ainsi qu’il est constant entre les parties, au moment de la détermination du scénario contrefactuel 2013-2017, Česká pošta exploitait un nombre total d’environ 3 226 bureaux de poste, soit un nombre sensiblement identique à celui des 3 230 bureaux de poste qu’elle exploitait au moment de la détermination du scénario contrefactuel 2018-2022. En outre, il est vrai que, aux fins du scénario contrefactuel 2013-2017, les autorités tchèques avaient considéré que les 1 118 bureaux de poste volontaires exploités par Česká pošta seraient maintenus dans un tel scénario.
176 Toutefois, ainsi qu’il a été relevé au point 173 ci-dessus, le contexte réglementaire a évolué entre la période comprise entre 2013 et 2017 et celle comprise entre 2018 et 2022 quant au nombre de bureaux de poste obligatoires. Or, les bureaux de poste obligatoires constituaient le seul élément pertinent à prendre en compte aux fins du calcul du CNE visant à déterminer le montant de la compensation en cause (voir point 174 ci-dessus).
177 En d’autres termes, ainsi que l’explique la République tchèque, les plus de 1 000 bureaux de poste volontaires aux fins du scénario contrefactuel 2013-2017 n’étaient pas pertinents pour l’examen du CNE au cours de cette période étant donné que leur suppression éventuelle, dans ledit scénario contrefactuel, n’aurait pas été susceptible d’entraîner un coût imputable à l’OSU, à prendre en compte dans le calcul du CNE et dans la détermination de la compensation octroyée. Dès lors que ces mêmes bureaux étaient légalement devenus des bureaux de poste obligatoires au moment de la détermination du scénario contrefactuel 2018-2022, il était nécessaire pour les autorités tchèques, sous le contrôle de la Commission, d’apprécier la crédibilité de leur maintien ou de leur suppression aux fins dudit scénario, ce qui a été effectué dans la décision attaquée, selon une méthode précise que la requérante n’a pas remise en cause (voir point 171 ci-dessus).
178 Il s’ensuit que la différence dans le nombre de bureaux de poste à fermer entre le scénario contrefactuel 2013-2017 et le scénario contrefactuel 2018-2022 peut s’expliquer par l’évolution du contexte réglementaire, plus précisément par l’augmentation du nombre des bureaux de poste obligatoires. Partant, l’argumentation de la requérante tirée d’une telle différence n’est pas susceptible de conduire au constat de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.
179 En second lieu, quant à l’argumentation de la requérante selon laquelle la tendance du marché serait à l’ouverture de nouveaux bureaux de poste, y compris dans le cas de Česká pošta qui aurait annoncé l’ouverture de 1 500 nouveaux points de retrait, celle-ci repose sur la prémisse selon laquelle les bureaux de poste et les points de retrait sont identiques. Or, ainsi que cela ressort du point 116 ci-dessus, les points de retrait ne satisfont pas aux exigences réglementaires auxquelles doivent satisfaire les bureaux de poste.
180 Il découle de ce qui précède que la Commission a pu considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que la réduction du nombre de bureaux de poste envisagée dans le scénario contrefactuel 2018-2022 était crédible.
ii) Sur la réduction de la fréquence de distribution
181 La requérante conteste la conclusion par laquelle, dans la décision attaquée, la Commission a considéré comme crédible la réduction de la fréquence de distribution du courrier de cinq jours par semaine à cinq jours toutes les deux semaines, envisagée par les autorités tchèques dans le scénario contrefactuel 2018-2022.
182 Toutefois, d’une part, c’est à tort que la requérante prend appui sur la circonstance que Česká pošta avait déjà procédé à une telle réduction de la fréquence de distribution tout en étant chargée de l’OSU. En effet, cette circonstance a été prise en compte au considérant 197 de la décision attaquée, auquel la Commission a clairement indiqué que « Česká pošta a[vait] modifié la fréquence de distribution en février 2020 et propos[ait] des “envois économiques” avec une distribution J + n et des “envois prioritaires” avec une distribution J + 1 ». En outre, au considérant 214 de la même décision, au stade de l’examen de la « détermination de l’incidence, sur les coûts et les recettes, de la réduction de la fréquence de distribution du courrier dans le scénario contrefactuel [2018-2022] », la Commission a indiqué que, pour la période comprise entre 2020 et 2022, le scénario factuel incluait la distribution le lendemain (« J + 1 ») et la distribution au-delà du lendemain (« J + n »), tandis que, dans le scénario contrefactuel, la distribution le lendemain serait abandonnée et seule la distribution au-delà du lendemain serait maintenue. Elle a alors conclu que l’incidence de la réduction de la fréquence de distribution sur les coûts et recettes serait moindre, car elle ne concernerait que l’abandon des coûts et recettes relatifs à la distribution le lendemain, qui étaient moins importants depuis que Česká pošta proposait aussi la distribution au-delà du lendemain.
183 D’autre part, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel une réduction de la fréquence de distribution n’est pas cohérente avec la pression concurrentielle exercée par les consommateurs, qui inciterait à une livraison rapide le lendemain, voire le jour même, il convient de constater qu’une telle pression ne vaut que pour la livraison de colis, et non pour la distribution du courrier. En effet, au considérant 197 de la décision attaquée, la Commission a exclu la possibilité que les services de messagerie rapide, seuls capables d’assurer une distribution du courrier le lendemain, soient sollicités par les clients de Česká pošta en cas de réduction par celle-ci de la fréquence de distribution du courrier, et la requérante n’apporte aucun élément permettant de remettre en cause cette appréciation. D’ailleurs, dans le cadre de ses arguments présentés au soutien de la deuxième branche du présent moyen, la requérante reconnaît que la pression exercée par les consommateurs pour bénéficier d’une livraison rapide le lendemain, voire le jour même, est liée au développement du commerce en ligne et, dès lors, qu’elle concerne la livraison de colis. Or, au considérant 212 de la décision attaquée, la Commission a clairement relevé que les autorités tchèques ne prévoyaient pas de réduction de la fréquence de distribution pour les colis dans le scénario contrefactuel 2018-2022.
184 Partant, l’argumentation de la requérante dans le cadre du présent grief repose sur une double prémisse erronée selon laquelle la Commission, d’une part, n’aurait pas tenu compte de la réduction de la fréquence de distribution existante dans le cadre du scénario factuel 2018-2022 et, d’autre part, aurait considéré que la fréquence de livraison des colis serait modifiée dans le scénario contrefactuel 2018-2022.
185 Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la quatrième branche du troisième moyen et, dès lors, d’écarter ce moyen dans sa totalité.
3. Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut d’examen s’agissant de l’existence d’un subventionnement croisé antérieurement à la compensation en cause
186 Par son troisième moyen, la requérante, soutenue par Brink’s Cash Solutions (CZ), fait grief à la Commission de ne pas s’être prononcée à suffisance de droit sur la pratique de subventionnement croisé opéré par Česká pošta depuis au moins 2013, alors que cette pratique constitue une aide d’État incompatible avec le marché intérieur.
187 À cet égard, la requérante renvoie aux arguments qu’elle a présentés dans le cadre des première et quatrième branches du deuxième moyen et souligne que, sans avoir réparti correctement les coûts, Česká pošta a exercé ses activités commerciales à des prix inférieurs à leurs coûts, grâce à des compensations reçues pour l’exécution de l’OSU et à l’infrastructure nécessaire à une telle obligation.
188 La requérante soutient qu’un tel comportement est caractéristique d’une aide d’État incompatible avec le marché intérieur, ce qui ressortirait de la pratique décisionnelle antérieure de la Commission.
189 La requérante conclut que la Commission aurait dû examiner le caractère d’aide d’État du subventionnement croisé ainsi que sa compatibilité avec le marché intérieur, dans le cadre d’une procédure administrative distincte de celle concernant la compensation en cause.
190 La Commission, soutenue par la République tchèque et par Česká pošta, conteste l’argumentation de la requérante.
191 À cet égard, il convient de constater que, au point 5 de la décision d’ouverture de 2020, consacré à l’« appréciation des mesures soulevées dans les plaintes » de la requérante et de PNS, d’une part, la Commission a indiqué qu’elle conclurait sur la compatibilité de la compensation en cause avec le marché intérieur à l’issue de la procédure formelle d’examen, et que la compatibilité avec le marché intérieur de la compensation octroyée en contrepartie de l’exécution de l’OSU pour la période comprise entre 2013 et 2017 avait été appréciée dans la décision de 2018. D’autre part, s’agissant de la « mauvaise répartition des coûts », la Commission a considéré, premièrement, qu’il s’agissait d’une question comptable n’impliquant pas le transfert de ressources d’État et ne constituant donc pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, deuxièmement, que la répartition comptable était adéquate et n’avait pas pour conséquence une surcompensation et, troisièmement, que la répartition des coûts dans la comptabilité de Česká pošta pour la période comprise entre 2013 et 2017 avait été appréciée dans la décision de 2018 (paragraphes 137 à 140 de la décision d’ouverture de 2020).
192 C’est ainsi que la Commission a conclu la décision d’ouverture de 2020 en indiquant, au paragraphe 143 de celle-ci, que les mesures autres que la compensation en cause invoquées dans les plaintes ne constituaient pas des aides d’État, mais qu’elle tiendrait compte, le cas échéant, de leur impact sur le montant de la compensation en cause dans la décision prise à l’issue de la procédure formelle d’examen.
193 Il s’ensuit que la Commission a limité son examen, dans la décision attaquée, à la compatibilité de la compensation en cause avec le marché intérieur, à l’exclusion d’autres mesures. Ainsi, la requérante ne saurait lui faire grief d’avoir commis une erreur manifeste dans l’appréciation d’éventuelles subventions croisées de Česká pošta ayant eu cours avant 2017 et depuis au moins 2013, soit durant la période antérieure à celle couverte par la compensation en cause.
194 En tout état de cause, un tel grief est inopérant dès lors que, au soutien de celui-ci, la requérante fait uniquement valoir que la Commission est allée à l’encontre de sa pratique décisionnelle antérieure. En effet, il découle de la jurisprudence que c’est dans le seul cadre des dispositions pertinentes du traité FUE ainsi que des mesures prises pour sa mise en œuvre que doit être apprécié le caractère d’aide d’État d’une certaine mesure ainsi que sa compatibilité avec le marché intérieur, et non au regard d’une éventuelle pratique décisionnelle antérieure de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2013, Salzgitter/Commission, T‑308/00 RENV, EU:T:2013:30, point 66 et jurisprudence citée).
195 En outre, à supposer que, dans sa plainte, la requérante ait dénoncé l’existence d’un subventionnement croisé ayant commencé au moins en 2013 en tant qu’aide d’État autonome de la compensation en cause, il conviendrait de constater que la Commission a rejeté le volet de la plainte relatif à une telle mesure, et refusé d’ouvrir la procédure formelle d’examen à l’égard de celle-ci, par la décision d’ouverture de 2020, ainsi que cela ressort du point 192 ci-dessus. Or, la décision d’ouverture de 2020 n’a pas fait l’objet d’un recours en annulation sur ce point et est donc devenue définitive à l’égard de la requérante. Cette dernière ne saurait dès lors, dans le cadre du présent recours, faire grief à la Commission de ne pas avoir conduit une procédure administrative distincte afin d’examiner l’existence d’un subventionnement croisé des activités de Česká pošta en tant que mesure autonome de la compensation en cause.
196 La même conclusion s’impose à l’égard de l’allégation de la requérante, exprimée lors de l’audience, selon laquelle le caractère public de Česká pošta implique l’utilisation par celle-ci de ressources d’État et, dès lors, l’existence d’une aide d’État.
197 Il s’ensuit que le troisième moyen doit être écarté et que, par suite, le recours doit être rejeté dans son ensemble.
IV. Sur les dépens
198 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
199 En application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, la République tchèque supportera ses propres dépens. En application de l’article 138, paragraphe 3, du même règlement, Česká pošta et Brink’s Cash Solutions (CZ) supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Zásilkovna s. r. o. supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.
3) Brink’s Cash Solutions (CZ) a.s., la République tchèque et Česká pošta s. p. supporteront leurs propres dépens.
Mastroianni |
Gâlea |
Kalėda |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 septembre 2025.
Signatures
* Langue de procédure : l’anglais.