ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)
8 septembre 2022 (*)
« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Coopération judiciaire en matière civile et commerciale – Règlement (CE) no 1206/2001 – Obtention des preuves – Déposition par écrit d’une personne résidant dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction compétente – Possibilité de recourir au moyen d’obtention des preuves prévu par le droit national et non à celui prévu par ce règlement »
Dans l’affaire C‑188/22,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Okręgowy w Opolu (tribunal régional d’Opole, Pologne), par décision du 24 février 2022, parvenue à la Cour le 11 mars 2022, dans la procédure
VP
contre
KS, représenté par AS,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. I. Jarukaitis, président de chambre, MM. M. Ilešič (rapporteur) et Z. Csehi, juges,
avocat général : M. P. Pikamäe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1er et 17 du règlement (CE) no 1206/2001 du Conseil, du 28 mai 2001, relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale (JO 2001, L 174, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant VP, le père de l’enfant mineur KS, à ce dernier, représenté par sa mère AS, au sujet, notamment, de l’attribution de l’autorité parentale sur KS et du montant de la pension alimentaire à verser par VP.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 2, 7, 8, 10 et 11 du règlement no 1206/2001 énoncent :
« (2) Le bon fonctionnement du marché intérieur exige d’améliorer, et en particulier de simplifier et d’accélérer, la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention de preuves.
[...]
(7) Étant donné que, en matière civile et commerciale, pour statuer sur une affaire engagée devant une juridiction d’un État membre, il est souvent nécessaire de procéder à des actes d’instruction dans un autre État membre, l’action de la Communauté ne peut se limiter au domaine de la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires [...] Il est donc nécessaire de continuer à améliorer la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention de preuves.
(8) Pour qu’une procédure judiciaire en matière civile ou commerciale soit utile, il faut que la transmission et le traitement des demandes visant à faire procéder à un acte d’instruction se fassent de manière directe et par les moyens les plus rapides entre les juridictions des États membres.
[...]
(10) Il est nécessaire qu’une demande visant à faire procéder à un acte d’instruction soit exécutée rapidement. Si elle ne peut pas être exécutée dans un délai de quatre-vingt-dix jours après sa réception par la juridiction requise, celle-ci est tenue d’en informer la juridiction requérante en précisant les raisons qui empêchent une exécution rapide de la demande.
(11) Afin d’assurer l’efficacité du présent règlement, la possibilité de refuser l’exécution d’une demande visant à faire procéder à un acte d’instruction doit être limitée à des situations exceptionnelles étroitement définies. »
4 L’article 1er de ce règlement, intitulé « Champ d’application », dispose :
« 1. Le présent règlement est applicable en matière civile ou commerciale, lorsqu’une juridiction d’un État membre, conformément aux dispositions de sa législation, demande :
a) à la juridiction compétente d’un autre État membre de procéder à un acte d’instruction ou
b) à procéder directement à un acte d’instruction dans un autre État membre.
2. La demande ne doit pas viser à obtenir des moyens de preuve qui ne sont pas destinés à être utilisés dans une procédure judiciaire qui est engagée ou envisagée.
3. Dans le présent règlement, les termes “État membre” désignent les États membres à l’exception du [Royaume de] Danemark. »
5 L’article 2 dudit règlement, intitulé « Communication directe entre les juridictions », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Les demandes visées à l’article 1er, paragraphe 1, point a), ci-après dénommées “demandes”, sont transmises directement par la juridiction devant laquelle la procédure est engagée ou devant laquelle il est envisagé de l’engager, ci-après dénommée “juridiction requérante”, à la juridiction compétente d’un autre État membre, ci-après dénommée “juridiction requise”, en vue de faire procéder à l’acte d’instruction demandé. »
6 L’article 3 du même règlement, intitulé « Organisme central », énonce :
« 1. Chaque État membre désigne un organisme central chargé :
(a) de fournir des informations aux juridictions ;
(b) de rechercher des solutions aux difficultés qui peuvent se présenter à l’occasion d’une demande ;
(c) de faire parvenir, dans des cas exceptionnels, à la requête d’une juridiction requérante, une demande à la juridiction compétente.
[...]
3. Chaque État membre charge également l’organisme central visé au paragraphe 1 de statuer sur les demandes relevant de l’article 17, ou désigne à cette fin une ou plusieurs autorités compétentes. »
7 L’article 17 du règlement no 1206/2001, qui régit l’exécution directe de l’acte d’instruction par la juridiction requérante, prévoit :
« 1. Lorsqu’une juridiction souhaite procéder directement à un acte d’instruction dans un autre État membre, elle présente une demande à l’organisme central ou à l’autorité compétente de cet État, visés à l’article 3, paragraphe 3 [...]
2. L’exécution directe de l’acte d’instruction n’est possible que si elle peut avoir lieu sur une base volontaire, sans qu’il soit nécessaire de recourir à des mesures coercitives.
Lorsque, dans le cadre de l’exécution directe d’un acte d’instruction, une personne est entendue, la juridiction requérante informe cette personne que l’acte sera exécuté sur une base volontaire.
3. L’acte d’instruction est exécuté par un magistrat ou par toute autre personne, par exemple un expert, désignés conformément au droit de l’État membre dont relève la juridiction requérante.
4. Dans un délai de trente jours à compter de la réception de la demande, l’organisme central ou l’autorité compétente de l’État membre requis indiquent à la juridiction requérante [...] s’il est déféré à cette demande et, le cas échéant, dans quelles conditions, conformément à la loi de l’État membre dont ils relèvent, l’acte doit être exécuté.
En particulier, l’organisme central ou l’autorité compétente peuvent charger une juridiction de l’État membre dont ils relèvent de participer à l’exécution de l’acte d’instruction afin de veiller à la bonne application du présent article et des conditions qui ont été fixées.
L’organisme central ou l’autorité compétente encouragent le recours aux technologies de communication, telles que la vidéoconférence et la téléconférence.
5. L’organisme central ou l’autorité compétente ne peuvent refuser l’exécution directe de la mesure d’instruction que si :
a) la demande sort du champ d’application du présent règlement tel que défini à l’article 1er, ou
b) la demande ne contient pas toutes les informations nécessaires en vertu de l’article 4, ou
c) l’exécution directe demandée est contraire aux principes fondamentaux du droit de l’État membre dont ils relèvent.
6. Sous réserve des conditions fixées conformément au paragraphe 4, la juridiction requérante exécute la demande conformément au droit de l’État membre dont elle relève. »
8 L’article 21 de ce règlement, intitulé « Relation avec des accords ou arrangements auxquels les États membres sont ou seront parties », dispose, à son paragraphe 2 :
« Le présent règlement ne fait pas obstacle au maintien ou à la conclusion par les États membres d’accords ou d’arrangements entre deux ou plusieurs d’entre eux visant à faciliter davantage l’obtention de preuves, pour autant qu’ils soient compatibles avec le présent règlement. »
Le droit polonais
9 L’article 2711 de l’ustawa – Kodeks postępowania cywilnego (loi portant introduction du code de procédure civile), du 17 novembre 1964 (Dz. U. no 43, position 296), dans sa version applicable aux faits du litige au principal (ci-après le « code de procédure civile »), prévoit :
« Un témoin dépose par écrit si le tribunal en décide ainsi. En ce cas, le témoin prête serment en signant la formule du serment. Le témoin est tenu de remettre son attestation à la juridiction dans le délai fixé par celle-ci. [...] »
10 Aux termes de l’article 15zzs1 de l’ustawa o szczególnych rozwiązaniach związanych z zapobieganiem, przeciwdziałaniem i zwalczaniem COVID-19, innych chorób zakaźnych oraz wywołanych nimi sytuacji kryzysowych (loi sur les dispositions spéciales visant à prévenir le COVID-19, à lutter contre celui-ci et à le combattre, ainsi que relatives à d’autres maladies transmissibles et aux situations de crise qu’elles provoquent), du 2 mars 2020 (Dz. U. de 2020, position 374), dans sa version applicable aux faits du litige au principal :
« 1. Au cours de la période pour laquelle un risque épidémique ou une situation d’épidémie ont été déclarés en raison du COVID-19, et dans l’année qui suit la date à laquelle l’acte ayant déclaré ce risque ou cette situation est rapporté, les affaires jugées selon les dispositions du [code de procédure civile] le sont dans les conditions suivantes :
1) l’audience ou la réunion publique est menée au moyen de dispositifs techniques permettant de la tenir à distance avec transmission simultanée en direct des images et du son (réunion à distance), étant entendu que les personnes qui y participent, y compris les membres de la formation de jugement, ne sont pas obligés d’être présents au palais de justice ;
2) la tenue d’une réunion à distance ne peut être écartée que s’il est nécessaire d’entendre l’affaire lors d’une audience ou d’une réunion publique, et que si sa tenue dans le palais de justice ne pose pas de risque excessif pour la santé des personnes qui y participent ;
3) le président peut ordonner la tenue d’une audience en chambre du conseil s’il est impossible de tenir une audience à distance et qu’une audience ou une réunion publique n’est pas nécessaire ;
4) la formation de jugement dans les affaires en première et en deuxième instance est à juge unique ; le président du tribunal peut ordonner qu’il soit statué sur une affaire par une formation à trois juges s’il l’estime opportun au regard de la complexité particulière ou du caractère de précédent que revêt cette affaire.
2. Si elle le demande au moins 5 jours avant la date prévue pour la réunion à distance, une partie ou une personne citée à comparaître se voit octroyer par la juridiction la possibilité d’y prendre part au palais de justice, à condition de préciser dans sa demande qu’elle ne dispose pas de l’équipement technique nécessaire pour participer à la réunion à distance en dehors du palais de justice.
[...] »
Le litige au principal et la question préjudicielle
11 Par son jugement du 28 avril 2021, le Sąd Rejonowy w Kędzierzynie-Koźlu (tribunal d’arrondissement de Kędzierzyn-Koźle, Pologne) a jugé que VP, le père de l’enfant mineur KS, était privé de l’autorité parentale sur celui-ci et l’a condamné à verser à AS, la mère de KS, la somme de 700 zlotys polonais (PLN) (environ 150 euros) par mois, à titre de pension alimentaire.
12 Dans les motifs de son jugement, cette juridiction a indiqué que, pour établir les faits, elle s’était fondée sur tous les éléments de preuve recueillis et que les constatations opérées sur leur fondement étaient claires et univoques. Dans ce contexte, elle a rejeté les offres de preuve visant à entendre SP, en tant que témoin, ainsi que VP, en tant que partie, tous deux résidant aux Pays-Bas, aux motifs, d’une part, que les circonstances relatives aux revenus de VP et à ses possibilités d’exercer une activité rémunérée n’avaient pas été contestées par VP et, d’autre part, que les dépenses de ce dernier étaient attestées par le contenu des documents produits.
13 En ce qui concerne, en particulier, la proposition de VP d’être entendu devant le tribunal compétent du lieu de sa résidence au Pays-Bas, le Sąd Rejonowy w Kędzierzynie-Koźlu (tribunal d’arrondissement de Kędzierzyn-Koźle) a relevé que, compte tenu de la pandémie de COVID-19, une telle audition aurait entraîné un retard important dans le traitement de l’affaire, voire l’impossibilité pour les avocats des parties à la procédure de participer effectivement à cette audition.
14 VP a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, en contestant, d’une part, la décision de le priver de l’autorité parentale sur KS ainsi que, d’autre part, le montant de la pension alimentaire fixé par ledit jugement.
15 VP a également demandé, notamment, que la juridiction de renvoi déclare recevables et admette les offres de preuve écartées par le Sąd Rejonowy w Kędzierzynie-Koźlu (tribunal d’arrondissement de Kędzierzyn-Koźle).
16 Par décision du 28 septembre 2021, la juridiction de renvoi a jugé recevables les preuves constituées par les dépositions écrites de VP et de SP, relatives à la situation patrimoniale et financière de VP ainsi qu’à ses conditions de vie, à sa capacité de gain et à ses dépenses.
17 Cependant, cette juridiction éprouve des doutes, au regard du droit de l’Union, quant à la manière dont de telles preuves sont recueillies, dans la mesure où VP et SP résident dans un État membre de l’Union européenne autre que la République de Pologne. En effet, il ressortirait d’une lettre du Departament Współpracy Międzynarodowej i Praw Człowieka Ministerstwa Sprawedliwości (département de la coopération internationale et des droits de l’homme du ministère de la Justice, Pologne), du 3 novembre 2021, envoyée par celui-ci à toutes les juridictions de droit commun, que l’obtention de preuves avec la participation d’une personne séjournant sur le territoire d’un État autre que la République de Pologne relève de la souveraineté de cet autre État et nécessite le consentement ou l’absence d’objection d’un tribunal ou d’une autorité compétente dudit État, ainsi qu’il résulterait, notamment, de l’article 17 du règlement no 1206/2001 et de l’article 9, deuxième phrase, de la convention sur l’obtention des preuves à l’étranger en matière civile ou commerciale, signée à La Haye le 18 mars 1970.
18 Dans ces conditions, le Sąd Okręgowy w Opolu (tribunal régional d’Opole, Pologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Les dispositions combinées des articles 1er et 17 du règlement [no 1206/2001] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’une juridiction [d’un État membre] souhaitant entendre un témoin résidant dans un autre État membre doit, pour procéder à un tel acte d’instruction, toujours recourir aux méthodes prévues par ce règlement, ou peut-elle faire application d’une méthode prévue par son droit procédural national, telle que la déposition écrite d’un témoin ou son audition par vidéoconférence, sans l’assistance de l’entité requise, et donc sans obtenir l’autorisation de l’organisme central ou de l’autorité compétente de l’État membre requis ? »
Sur la question préjudicielle
19 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut, notamment lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, décider, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée.
20 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
21 À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêt du 21 décembre 2021, Randstad Italia, C‑497/20, EU:C:2021:1037, point 42 et jurisprudence citée).
22 En l’occurrence, dans sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi se réfère à « la déposition écrite d’un témoin ou son audition par vidéoconférence ».
23 Or, il ressort de la décision de renvoi que les préoccupations de la juridiction de renvoi portent non pas sur l’audition d’un témoin par vidéoconférence mais, à titre principal, sur la déposition par écrit d’une partie au litige au principal et d’un témoin, tous deux résidant dans un État membre autre que la République de Pologne.
24 Il s’ensuit qu’il y a lieu de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 1er et 17 du règlement no 1206/2001 doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction d’un État membre souhaitant entendre une personne résidant dans un autre État membre n’est pas nécessairement tenue, pour procéder à un tel acte d’instruction, de recourir aux moyens d’obtention des preuves prévus par ce règlement, mais a la faculté de recourir à la déposition par écrit de cette personne, conformément au droit de l’État membre dont cette juridiction relève, et ce sans obtenir l’autorisation de l’organisme central ou de l’autorité compétente de l’État membre requis, au sens de l’article 3 dudit règlement.
25 À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1206/2001, ce règlement est applicable en matière civile ou commerciale, lorsqu’une juridiction d’un État membre, conformément aux dispositions de sa législation, demande soit à la juridiction compétente d’un autre État membre de procéder à un acte d’instruction, soit de procéder elle-même directement à un tel acte dans ce dernier État.
26 Cependant, le règlement no 1206/2001 n’est applicable, en principe, que dans l’hypothèse où la juridiction d’un État membre décide de procéder à l’obtention des preuves selon l’un des moyens prévus par ce règlement, cas dans lequel elle est tenue de suivre les procédures afférentes à ces moyens (arrêt du 21 février 2013, ProRail, C‑332/11, EU:C:2013:87, point 42 et jurisprudence citée).
27 En effet, une juridiction d’un État membre souhaitant ordonner une obtention des preuves qui doit être effectuée sur le territoire d’un autre État membre n’est pas nécessairement tenue de recourir au moyen d’obtention des preuves prévu à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), et à l’article 17 du règlement no 1206/2001 (arrêt du 21 février 2013, ProRail, C‑332/11, EU:C:2013:87, point 49 et jurisprudence citée).
28 Ensuite, il importe de souligner que, selon les considérants 2, 7, 8, 10 et 11 du règlement no 1206/2001, celui-ci a pour finalité l’obtention simple, efficace et rapide des preuves dans un contexte transfrontalier. L’obtention, par une juridiction d’un État membre, de preuves dans un autre État membre ne doit pas conduire à un allongement de la durée des procédures nationales. C’est pourquoi ce règlement a instauré un régime qui s’impose à tous les États membres, à l’exception du Royaume de Danemark, pour écarter les obstacles susceptibles d’apparaître dans ce domaine (arrêt du 21 février 2013, ProRail, C‑332/11, EU:C:2013:87, point 43 et jurisprudence citée).
29 En outre, ledit règlement ne restreint pas les possibilités d’obtention des preuves situées dans d’autres États membres, mais vise à renforcer ces possibilités, en favorisant la coopération entre les juridictions dans ce domaine (arrêt du 21 février 2013, ProRail, C‑332/11, EU:C:2013:87, point 44 et jurisprudence citée).
30 Dès lors, ne répond pas à ces objectifs une interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), et de l’article 17 du règlement no 1206/2001 selon laquelle la juridiction d’un État membre serait obligée, pour toute obtention de preuves devant être effectuée directement dans un autre État membre, de procéder selon le moyen prévu par ces dispositions. En effet, dans certaines circonstances, il pourrait s’avérer plus simple, plus efficace et plus rapide, pour la juridiction ordonnant une telle obtention des preuves, de procéder à celle-ci sans avoir recours audit règlement (arrêt du 21 février 2013, ProRail, C‑332/11, EU:C:2013:87, point 45 et jurisprudence citée).
31 Enfin, l’interprétation selon laquelle le règlement no 1206/2001 ne régit pas l’obtention transfrontalière des preuves d’une manière exhaustive, mais vise uniquement à faciliter une telle obtention, permettant le recours à d’autres instruments ayant le même objectif, est corroborée par l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 1206/2001, qui autorise expressément des accords ou des arrangements entre les États membres visant à faciliter davantage l’obtention de preuves, pour autant qu’ils sont compatibles avec ce règlement (arrêt du 21 février 2013, ProRail, C‑332/11, EU:C:2013:87, point 46 et jurisprudence citée).
32 En particulier, le règlement no 1206/2001 ne contient aucune disposition régissant ou excluant la possibilité, pour la juridiction d’un État membre, de citer une partie résidant dans un autre État membre de comparaître et de déposer un témoignage directement devant elle (arrêt du 6 septembre 2012, Lippens e.a., C‑170/11, EU:C:2012:540, point 27).
33 Ainsi, dans certaines circonstances, notamment si la partie citée en tant que témoin est disposée à comparaître volontairement, il pourrait s’avérer plus simple, plus efficace et plus rapide, pour la juridiction compétente, de l’entendre selon les dispositions de son droit national au lieu de recourir aux moyens d’obtention des preuves prévus par le règlement no 1206/2001 (arrêt du 6 septembre 2012, Lippens e.a., C‑170/11, EU:C:2012:540, point 31).
34 Les mêmes considérations sont transposables au cas d’une déposition par écrit d’une personne résidant dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction compétente. En effet, s’agissant de la mesure d’instruction en cause dans le litige au principal, la juridiction de renvoi relève que la déposition par écrit d’un témoin ou d’une partie au litige s’effectue sans qu’il soit nécessaire de recourir à des mesures coercitives, sur une base volontaire, en règle générale avec le consentement préalable du témoin ou de la partie concernée, voire à leur demande.
35 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que les articles 1er et 17 du règlement no 1206/2001 doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction d’un État membre souhaitant entendre une personne résidant dans un autre État membre n’est pas nécessairement tenue, pour procéder à un tel acte d’instruction, de recourir aux moyens d’obtention des preuves prévus par ce règlement, mais a la faculté de recourir à la déposition par écrit de cette personne, conformément au droit de l’État membre dont cette juridiction relève, et ce sans obtenir l’autorisation de l’organisme central ou de l’autorité compétente de l’État membre requis, au sens de l’article 3 dudit règlement.
Sur les dépens
36 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :
Les articles 1er et 17 du règlement (CE) no 1206/2001 du Conseil, du 28 mai 2001, relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale,
doivent être interprétés en ce sens que :
une juridiction d’un État membre souhaitant entendre une personne résidant dans un autre État membre n’est pas nécessairement tenue, pour procéder à un tel acte d’instruction, de recourir aux moyens d’obtention des preuves prévus par ce règlement, mais a la faculté de recourir à la déposition par écrit de cette personne, conformément au droit de l’État membre dont cette juridiction relève, et ce sans obtenir l’autorisation de l’organisme central ou de l’autorité compétente de l’État membre requis, au sens de l’article 3 dudit règlement.
Signatures
* Langue de procédure : le polonais.